lundi, 18 mai 2009
Encerclement de l'Iran (3/6)
L’encerclement de l’Iran à la lumière de l’histoire du “Grand Moyen-Orient” (3/6)
par Robert STEUCKERS
L’oeuvre stratégique de Trajan
De la mort de César en –44 à +138, les Perses se maintiennent à l’ouest dans la région d’Edesse, empêchant les Romains d’exercer un contrôle réel et définitif sur le Proche-Orient et leur barrant l’accès à la Mésopotamie et au Golfe Persique. Avec l’empereur Trajan [photo], la grande stratégie envisagée par César, à la veille de son assassinat, se concrétise: avec dix légions, Trajan s’empare du pays des Daces, dont il fait la seule province romaine au nord du Danube en +105. Comme la maîtrise du cours inférieur du Danube implique la maîtrise totale de l’Anatolie et de la Mer Noire et, qu’à son tour, cette maîtrise permet de contrôler les bassins du Tigre et de l’Euphrate, Trajan, bien conscient de ces réalités géopolitiques, poursuit son grand dessein: il transforme le pays des Nabatéens en une province d’Arabie, se dotant de la sorte d’une base arrière, pour réduire le saillant perse d’Edesse, s’emparer des hautes terres arméniennes et, dans la foulée, de débouler avec ses légions en Mésopotamie. Finalement, les Romains arrivent à Charax, sur les rives du Golfe Persique. Plus jamais une Europe impériale et unie n’y reviendra! Son successeur Hadrien estime, sans nul doute à juste titre car la puissance parthe n’est pas négligeable et le front est désormais trop long, qu’il est trop risqué de poursuivre l’aventure et de mettre ses pas dans ceux d’Alexandre. Il retire les légions de Mésopotamie, rend à l’Arménie son statut de royaume client, non inclus dans l’orbe romaine. Il affronte une révolte juive, celle de Simon-Bar-Kochba (+132 à +135), qui sème le trouble sur ses arrières et rompt les liaisons entre la Méditerranée et la Mésopotamie. Cette révolte coûte à Rome les effectifs d’une légion entière. Neuf légions sur un total de vingt-huit sont stationnées de la Mer Noire à l’Egypte face aux Parthes. Dix sont stationnées entre l’Autriche et l’embouchure du Danube, région où elles font face aux peuples cavaliers (indo-européens) des Roxolans et des Iazyges (qui formeront bientôt le noyau de la cavalerie romaine, modifiant ipso facto le caractère majoritairement fantassin de l’armée). Hadrien n’avait pas eu tort: sa politique purement défensive apporte à l’empire romain une paix de près de deux siècles, qu’on peut considérer comme son âge d’or.
Les Parthes ne profitent pas du départ des Romains pour reprendre l’Arménie et le saillant d’Edesse: à l’Est se forme un autre empire indo-européen et cavalier, celui des Kouchans, qui s’étend sur le Pakistan actuel, mais aussi sur l’arrière-pays de réserve des empires perses précédents: la Bactrie et la Transoxiane. Privé de cet espace de réserve, l’empire parthe entre en déclin, ce qui amène à nouveau les Perses du Roi Ardashir au pouvoir. L’empire cesse donc d’être parthe, pour redevenir perse, comme du temps des Achéménides. Dans ce contexte de transition du pouvoir, la donne géopolitique est la suivante: Ardashir contrôle certes le noyau antique de l’Empire perse, soit l’Iran actuel, mais les Rois d’Arménie sont de sang parthe et s’allient aux Romains contre le nouveau pouvoir. Cette décision barre la route à Ardashir, qui ne peut reprendre pied sur les hautes terres d’Arménie. Il tourne alors ses forces vers l’est, contre l’Empire kouchan. C’est un succès: les Perses contrôlent tous les territoires du Golfe à l’Indus, y compris la Bactrie et la Transoxiane, espaces de réserve indispensables à assurer la puissance perse sur ses arrières. Mieux: Ardashir traverse le Golfe et place Bahrein sous suzeraineté perse. Deux options géostratégiques de l’ “iranité éternelle” venaient de se traduire dans le réel: le contrôle de l’arrière-pays steppique et la rive opposée du Golfe.
La poussée germanique vers le Danube
Au nord du Danube, les Goths, partis de Suède, ont conquis le bassin de la Vistule, traversé les marais du Pripet et se massent dans la vallée du Dniestr, en Moldavie et en Ukraine actuelles. Ils sont désormais sur la Mer Noire, à hauteur d’Odessa. Ils repoussent les Roxolans vers le Dniepr et le Don. D’autres Germains, les Vandales, partis de Silésie, poussent à travers la Bohème, arrivent dans le nord de la Hongrie actuelle et coincent les Iazyges cavaliers dans la vallée de la Tisza (Theiss). Les Germains de l’Est sont plus menaçants pour Rome que ne l’avaient jamais été les Roxolans et les Iazyges, avec lesquels ils avaient composé. Cette première poussée germanique, bien organisée, oblige les Romains à abandonner deux positions stratégiques importantes: les Champs Décumates entre le Rhin et le Danube, laissés aux Alamans, et la Dacie, si chèrement acquise sous Trajan, aux Gépides, Vandales Asding et Wisigoths. Mais sur le front perse, Rome se maintient, grâce aux légions de Galérien. L’Arménie est toujours cliente de Rome, le saillant d’Edesse sous le contrôle des légions, de même que la moitié nord de la Mésopotamie. Quant aux Perses, ils sont maîtres de tout l’Iran actuel, plus de l’Azerbaïdjan, des régions steppiques au Nord de l’Iran, zone de rassemblement depuis la proto-histoire des peuples cavaliers indo-européens —qui, toujours, fonderont ou redonneront vigueur à l’impérialité perse-parthe,— et de la moitié occidentale du Pakistan actuel, dont la quasi totalité du Béloutchistan.
Les deux empires semblent immuables, résister à leurs périphéries, moyennant des affrontements mineurs. Cependant, à la fin du règne de Julien, qui part contre les Perses avec ses légions gauloises et germaniques, les Huns, partis des flancs de l’Altaï en Sibérie centrale, ont avancé leurs hordes et leurs troupeaux vers la Mer d’Aral: à l’ouest, ils avancent vers la Volga qu’ils atteignent vers +350; à l’Est, ils conquièrent la Bactrie et la Transoxiane, mettant définitivement fin à l’indo-européanité centre-asiatique; depuis lors en effet, cette Asie centrale, indo-européenne depuis la culture proto-historique de Jamnaïa, est devenue turco-mongole, hunnique; elle ne sera jamais plus un espace de réserve pour les empires sédentaires du “rimland”, tous issus de peuples guides indo-européens. Toutes les potentialités démographiques indo-européennes d’Asie centrale altaïque sont, à un moment ou à un autre de la proto-histoire ou de l’histoire antique, rentrés dans l’espace iranien pour y consolider un ordre impérial; désormais, ces potentialités n’existent plus.
La fin lamentable de l’Empire romain d’Occident
Sur l’embouchure de la Volga dans la Caspienne, les Huns font face à un peuple cavalier indo-européen, les Alains, et, à hauteur de la boucle du Don, à proximité de la Volga, ils sont les voisins des Ostrogoths germaniques, dirigés par leur roi Ermanarich, qui s’est rendu maître de la Crimée (les descendants des Ostrogoths s’y maintiendront jusqu’au 17ième siècle!). Les Ostrogoths sont les premiers, avant les Romains et les Perses, à percevoir le danger hunnique: en +372, ils avancent leur cavalerie en direction de la Volga pour affronter la présence étrangère hunnique, mais ils sont écrasés par la tactique avérée des Huns: volées de flèches, décrochages rapides, retour des archers montés, nouvelle volée de flèches, nouveau décrochage, jusqu’à l’épuisement de l’adversaire. Boucliers de l’Europe lors de ce premier assaut hunnique, les Goths, bousculés et vaincus, en seront aussi les premiers martyrs. Leur défaite scelle le sort de l’Europe: les Huns, que plus aucune force militaire digne de ce nom ne peut arrêter, poussent jusqu’à la puszta hongroise, idéale pour l’élevage de leurs chevaux. Ils colonisent cette plaine en soumettant les Gépides. Les peuples germaniques sont repoussés, chassés des rives de la Mer Noire et des terres noires d’Ukraine: ils entrent dans l’Empire romain et finissent par en prendre le contrôle, d’autant plus que le meilleur général romain de l’époque, Stilicon, est un Vandale qui sait composer avec ses compatriotes. En 408, l’empereur Honorius, méfiant, le fait assassiner: mauvais calcul, absence de clairvoyance, mesquinerie de dégénéré, car plus aucun militaire de valeur n’est à même de défendre l’Italie. Alaric, chef des Wisigoths, va venger Stilicon et piller Rome. Honorius se replie à Ravenne et assiste, indifférent, au spectacle. Athaulf, successeur d’Alaric, souhaite une paix définitive avec Rome, mais l’empereur, décadent, irresponsable, incapable de défendre les citoyens de Rome, refuse tout compromis. S’il avait accepté les propositions honnêtes d’Athaulf, l’Empire d’Occident aurait été aussitôt restauré, sous l’impulsion des Wisigoths, pour faire face au second assaut des Huns.
Attila, les Turcs et les Avars
Après le choc entre Goths et Romains, les Huns de Hongrie se donnent pour roi Attila, qui conserve ses puissants alliés germaniques, les Ostrogoths et les Gépides. Attila avance ses troupes jusqu’à Orléans, le point le plus à l’Ouest qu’aient jamais atteint des conquérants venus de l’Altaï. Aetius, dernier général romain de l’Ouest, perdu au milieu des nouveaux royaumes germaniques constitués sur l’ancien Empire romain, parvient à s’allier aux Wisigoths, qui formeront le gros des troupes, aux Burgondes et aux Francs pour faire face à la menace: Attila est battu aux Champs catalauniques en +451 et reflue en Hongrie. Il y meurt l’année suivante. Son empire est partagé entre ses fils, très nombreux. Face à l’anarchie qui s’ensuit, les Germains se révoltent et écrasent les Huns en +454 en Hongrie (Bataille de Nedao, site inconnu). L’Empire romain sort exsangue et démembré de l’aventure, tandis que l’Empire perse, maître des zones les plus importantes de la Transoxiane et de la Bactrie, était parvenu à résister. Mais, le danger ne disparaît pas pour autant: il se transpose à l’est, où les Huns Blancs, qui n’osent affronter les Perses, annihilent l’empire kouchan vers +440, portant l’ennemi potentiel sur l’ensemble de la frontière orientale de l’orbe perse. En +484, l’empereur perse est tué à la tête de son armée, mais les Huns Blancs préfèrent jeter leur dévolu sur l’Inde. La situation changera au siècle suivant: les premiers Turcs à arriver aux portes des empires du “rimland” battent préalablement les Mongols jouan-jouan en +552, qui se réfugient chez les Huns Blancs en Transoxiane. Les Turcs battent les Huns Blancs en +557. Les Perses profitent de l’occasion pour réoccuper la Transoxiane, et se redonner ainsi le territoire qui a toujours été leur habituelle “bouffée d’oxygène”. Après cela, les Turcs restent cois. Mais les débris des Huns Blancs et des Jouan-Jouans se portent vers l’Ukraine et, de là, vers la Hongrie, où nos ancêtres les connaîtront sous le nom d’Avars. Ils affronteront les Francs en Thuringe (+562), qui leur barreront la route de l’ouest. Mais les Avars reproduisent la stratégie des raids tous azimuts d’Attila, frappant au hasard, où on les attend le moins. Les Byzantins les utiliseront, comme mercenaires ou comme alliés de revers, pour mater les Slaves, mais devront leur payer un tribut énorme, empêchant la Rome d’Orient, par la suite, de mobiliser les moyens financiers nécessaires pour battre définitivement les Perses d’abord, pour faire face ensuite aux Arabes, successeurs de Mahomet.
Des Samanides à Mahmoud de Ghazni
La Perse, après les Sassanides, servira de lieu de passage, d’espace de transit pour les tribus turques et hunniques en marche vers le Sud et l’Ouest. Elle n’a plus une réserve indo-européenne semi-nomade et semi-sédentaire, cavalière et guerrière, au-delà de la Transoxiane et de la Bactrie. Les vagues migrantes qui arrivent n’apportent pas un renouveau de souche européenne, mais de la nouveauté non persane, non assimilable à la persité antique. Toutefois, cette spécificité perse ne disparaît pas pour autant: malgré les coups durs encaissés, c’est une dynastie iranienne du Khorassan, les Samanides, qui règne de 819 à 1005. Une autre domine à l’Ouest de l’Iran actuel, les Bouyyides, de 934 à 1055. Les Samanides s’affirment dans la région au sud de la Mer d’Aral, dans le triangle formé par trois villes prestigieuses: Samarkand, Boukhara et Merv. Descendants d’un ancêtre appelé Saman Khudat, les représentants de cette famille islamisée ne sont que vice-rois des califes dans la région: ils se débarrassent, de manière subtile, de leurs maîtres arabes pour établir une culture propre, certes musulmane mais persane et non arabe. Au cours des premiers siècles de la domination arabe, le rejet de l’arabité par les Iraniens sera constant: d’abord, les conversions ont été lentes (il a fallu plus de quatre siècles!), ensuite, la base zoroastrienne de leur religion les induit à choisir généralement des voies chiites, contestatrices des pouvoirs dominants sunnites chez les Arabes, tout simplement parce que le zoroastrisme, puis les doctrines de Mani et de Mazdak, s’opposent aux pouvoirs sclérosés et aux répétitions rituelles stériles.
Les trois villes, qui forment les piliers du pouvoir samanide, sont des centres caravaniers, des foyers de commerce et de culture. Boukhara comptait près de 300.000 habitants. Dans la bibliothèque royale s’accumulaient 45.000 volumes. Un syncrétisme religieux et philosophique y émergeait, favorisé par les contacts entre Arabes et Persans, entre Européens du Nord et marchands chinois, entre Musulmans, Nestoriens et Bouddhistes. Les Samanides, sous la pression des Bouyyides, finissent par perdre le contrôle des mines d’argent de la région, source matérielle de leur pouvoir. Les tribus turques d’Asie centrale lorgnent sur les richesses des villes samanides, qui tombent en déliquescence et ne possèdent plus leur puissance d’antan. Après d’innombrables péripéties, changements d’alliances, trahisons et querelles intestines, les Turcs entrent dans Boukhara le 23 octobre 999.
Une date clef : la chute de Boukhara
Pour l’historien britannique John Man, “la chute de Boukhara en 999 doit être considérée comme le premier épisode d’une crise générale”, qui amènera les Turcs en Anatolie, déclenchera les croisades européennes un siècle plus tard, débouchera sur la prise de Constantinople en 1453 et générera, après les innombrables avatars de l’histoire, le problème des Balkans, toujours irrésolu. Pour éviter un raz-de-marée turc sur le reste de l’Iran, Mahmoud de Ghazni, un Perse, se soumet formellement au calife de Bagdad. Les Turcs n’occupent encore que l’espace clef d’Asie centrale, le triangle urbain de Boukhara, Samarkand et Merv. Mahmoud de Ghazni, fort de l’alliance qui le lie au calife, veut recréer, manu militari, l’empire d’Alexandre et celui des gupta, sous sa rude férule. Il envahit l’Inde, réussit un exploit militaire extraordinaire pour l’époque: la traversée du désert de Thar pour prendre la ville de Somath sur les rives de l’Océan Indien. L’objectif géopolitique de Mahmoud de Ghazni était de créer un barrage d’empires islamisés, de la Méditerranée à l’Inde, pour barrer la route aux Turcs d’Asie centrale, non encore convertis. Mais le pillage systématique des villes indiennes et des lieux de culte hindous, qu’il a pratiqué pour obtenir des fonds, le rendra odieux aux Indiens, qui le considèrent comme le premier envahisseur musulman décidé à détruire les bases de l’hindouisme. Sa rudesse est bel et bien à l’origine du conflit indo-musulman actuel. A sa mort en 1030, son empire, dirigé par ses héritiers, s’étend provisoirement jusqu’à Bénarès (prise en 1033), puis s’écroule. Les Turcs écrasent l’armée de son fils et amorcent, vers 1037, leur longue marche vers l’ouest, qui conduira à la bataille de Manzikert en 1071, contre les Byzantins, puis aux Croisades. A l’Est, ils prendront l’Inde en 1206, sous la conduite d’Aîbek.
Les Séfévides, alliés de revers du Saint-Empire et de l’Espagne
L’Iran ne retrouvera une identité politique propre qu’avec l’avènement des Séfévides en 1501. De 1037 à 1500, effectivement, l’Iran est sous la coupe de chefs turcs ou mongols. Au 15ième siècle toutefois, le déclin mongol permet le réveil de trois puissances: la Lithuanie, la Moscovie et l’ordre religieux soufi des Séfévides. Les Lithuaniens repoussent les Mongols et arrivent sur la Mer Noire. La Moscovie se structure au nord et passera à l’attaque au siècle suivant. Sur les marches turcomanes de l’Iran, un ordre soufi se crée sous la houlette du Cheikh Safi’uddin Ardébili en 1301. Celui-ci adhèrera pleinement à ce complexe religieux soufi-chiite au cours du 14ième siècle. En 1447, six ans avant la chute de Constantinople, le Cheikh Junayd et son fils Heydar imposent une réforme à l’ordre: celui-ci prend un aspect militaire et vise le pouvoir politique. Les tribus turcomanes de la région sont organisées selon de telles règles mystiques et militaires. On les appelle les “Qizilbash” ou “chapeaux rouges”: ils seront entièrement dévoués aux Séfévides.
En 1487, Shah Ismaël succède à son père Heydar, qui avait épousé Marie, la petite-fille d’Alexius IV, empereur de Byzance. L’origine de son épouse lui dicte une hostilité aux Ottomans. Du coup, les puissances européennes traditionnelles cherchent à faire de lui l’allié de revers contre les Ottomans, comme François I était l’allié de revers des Ottomans contre le Saint-Empire et l’Espagne. Shah Ismaël s’assure dans un premier temps la bienveillance, voire l’alliance, des tribus turcomanes de la périphérie septentrionale de l’Iran (sauf les Ouzbeks), conquiert ensuite Diyarbakir en 1508, puis envahit la Mésopotamie. La défaite des Ouzbeks au nord ne lui permet cependant pas de conserver l’espace de la Transoxiane dans la sphère d’influence iranienne, ce qui constitue, comme toujours, un sérieux handicap sur le long terme. Les Ouzbeks sont de fait les alliés de revers des Ottomans. La situation stratégique du début du 16ième siècle est donc la suivante: Espagne, Saint-Empire, Iran contre France, Ottomans et Ouzbeks. L’alliance franco-ottomane ne se fera que dans les années 20 du 16ième siècle, mais, de fait, la volonté de Louis XII, puis de François I, de sortir du cadre légitime de la Francie occidentale (selon le Traité de Verdun de 843) qui s’était déjà emparé antérieurement de la Burgondie rhodanienne, de se rendre maître de la plaine padane pour débouler dans l’Adriatique, sont autant de démarches trahissant une foncière inimitié à l’endroit de l’Espagne et de l’Empire, qui sont, à l’époque, sous la souveraineté commune du jeune Charles-Quint.
Heurs et malheurs des Séfévides
Les Ottomans ripostent et envahissent l’Iran en 1514. L’armée de Shah Ismaël est écrasée. L’expansion ottomane au Proche et au Moyen-Orient commence: Soliman le Magnifique s’empare de Bagdad en 1534. L’Iran séfévide perd définitivement l’Irak. Il faudra attendre l’avènement du Shah Abbas I (1588-1629) pour stabiliser à nouveau l’Iran séfévide, en faire un bloc inexpugnable, regroupant le Caucase, l’Iran et une bonne partie de l’Afghanistan actuel. Abbas I a réussi à consolider ses frontières occidentales, mais sans récupérer la Mésopotamie et le Kurdistan actuel. En 1639, les hostilités entre Ottomans sunnites et Perses chiites cessent durablement: la frontière occidentale de l’Iran restera, grosso modo, la même que celle que nous connaissons aujourd’hui. Au 18ième siècle, Nader Shah Afshar (1729-1747) tenta une nouvelle fois, sans succès, de reconquérir la Mésopotamie, soulageant par ses efforts les Européens, qui purent ainsi consolider les conquêtes d’Eugène de Savoie dans les Balkans et celles de Catherine II sur le pourtour de la Mer Noire. Nader Shah Afshar s’opposa toutefois victorieusement à la Russie dans le Caucase. Il réussit à envahir l’Afghanistan et l’Inde, à prendre Dehli, capitale des Moghols. Ses efforts en Transoxiane furent vains, ce qui n’est pas sans conséquences: l’histoire nous enseigne qu’un Iran qui ne domine pas la Transoxiane demeure faible et menacé. L’épopée guerrière de Nader Shah Afshar se fit au détriment de l’organisation intérieure de l’Empire, comme du temps de Mahmoud de Ghazni: ses conquêtes furent perdues après sa mort. Plus tard, Karim Khan Zand prend Bassorah aux Ottomans, ce qui permet à la Perse de développer son commerce avec l’Inde. Cette victoire montre l’importance stratégique primordiale de ce port au sud de la Mésopotamie.
Au 19ième siècle, la dynastie des Qadjars, turcomane d’origine, affronte la Russie qui, forte de ses victoires contre les Ottomans, a progressé dans le Caucase et commence à grignoter les territoires iraniens. La Russie est désormais maîtresse de la Caspienne. L’Iran, sous la conduite de Fath’Ali Shah, tente de reprendre pied en Afghanistan en conquérant Hérat en 1837: les Anglais font alors pression sur le Shah pour qu’il retire ses troupes. Au même moment, comme par hasard, une révolte religieuse, celle des Bâbis, plonge l’Iran dans une guerre civile. Les Babistes luttaient contre le clergé chiite, jugé trop rétrograde, et militaient pour un assouplissement général des règles islamiques de la vie quotidienne. Réprimé durement, le mouvement continue toutefois à agir dans la clandestinité et travaillera à la chute des Qadjars, en soutenant le mouvement constitutionaliste de la première décennie du 20ième siècle, qui a reçu un certain soutien britannique, retiré prestement, dès que les nécessités stratégiques de l’Entente avec la France et la Russie obligeaient Londres à ménager Pétersbourg pour concentrer tous les efforts contre l’adversaire allemand. La Russie s’opposait au constitutionalisme, craignant la contagion, et préférait soutenir le Shah et le clergé hostile à toute réforme socio-religieuse. En 1857, immédiatement après la Guerre de Crimée, le Shah Nasser ed-Din tente une nouvelle fois de reprendre Hérat; les Anglais, qui n’acceptent pas et n’accepteront jamais cette expansion iranienne vers l’est, débarquent dans le Sud. Russes et Anglais finissent par se partager des zones d’influence dans le pays, le réduisant, non pas au statut d’une colonie, mais d’une zone sans indépendance réelle. Le pouvoir des Qadjars au 19ième siècle est l’histoire d’un lent déclin de la Perse.
00:14 Publié dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, géopolitique, iran, perse, grand moyen orient, moyent orient, asie, affaires asiatiques | | del.icio.us | | Digg | Facebook
dimanche, 17 mai 2009
Encerclement de l'Iran (2/6)
L’encerclement de l’Iran à la lumière de l’histoire du “Grand Moyen-Orient” (2/6)
par Robert STEUCKERS
Fin de l’unité seldjoukide et avancées européennes
L’unité seldjoukide s’effondre: trois sultanats se partagent, après les coups portés par les Croisés, l’héritage d’Alp Arslan. Mais le flot démographique turc continue à se déverser via l’Iran vers l’Anatolie et le Moyen-Orient arabe. Le Sultan seldjouk Sanjar de Merv ne parvient pas à canaliser ce flot ininterrompu qui consolide parfois les sultanats turcs établis mais y introduit tout aussi souvent le désordre: une tare du nomadisme. La Perse, dans ce contexte, est devenue le sultanat seldjouk d’Hamadan. Elle est un espace de transit pour les nomades et leurs troupeaux qui suivent leurs guerriers victorieux. Les croisades, qui ne sont pas vraiment un succès militaire sur le long terme, permettent toutefois, par la pression constante qu’elles exercent, aux royaumes ibériques de libérer une très vaste partie de la péninsule hispanique, à la Géorgie de se dégager de la tutelle seldjouk, aux Russes de Novgorod et de Souzdal de tenir tête aux Coumans, aux Byzantins de reprendre pied dans les Balkans.
L’affrontement a été lourd face aux Seldjouks. L’histoire des croisades nous montre que les Croisés “latins” et les Arméniens “grecs” feront cause commune, en dépit du contentieux entre Rome et Byzance, sanctionné par le schisme de 1054. Quand les Croisés doivent plier devant le général kurde Saladin, le conflit demeure chevaleresque, tout simplement parce que Saladin est un indo-européen, ni turc ni arabe. De là, la littérature épique et courtoise de notre moyen-âge, où Feirefiz, le chevalier perse ou kurde est l’ami de Parzifal, son homologue allemand, dans l’épopée de Wolfram von Eschenbach. Aucune fraternité de ce type n’est attestée dans la littérature épique espagnole, où Européens affrontent Berbères et Arabes, ni dans une oeuvre antérieure à l’affrontement avec les soldats de Saladin ou ceux de ces successeurs.
L’académicien René Grousset, spécialiste de l’Asie centrale, dans son livre L’épopée des Croisades, restitue clairement la situation: l’Empereur germanique Frédéric II Hohenstaufen admire, non pas tant l’islam en tant que religion, mais la science arabo-perse, capable de structurer durablement un empire. Frédéric n’a donc pas les aprioris habituels des chrétiens occidentaux contre l’islam ou les civilisations antérieures qu’il recouvre de son vernis. Les successeurs de Saladin le Kurde, eux, raisonnent en termes géopolitiques. Son empire, qui comprend alors l’Egypte, la Syrie-Palestine et la Mésopotamie, est administré par ses trois neveux, chacun sultan de l’une de ces provinces. El-Mouazzam, sultan de Syrie-Palestine à Damas, entre en conflit avec son frère aîné, El-Kâmil, sultan d’Egypte. Pour vider la querelle, El-Mouazzam fait appel à des nomades turcs commandés par Djélal ed-Dîn Mangouberdi, chassé du Khwarezm (Nord-Est de l’Iran actuel) par les Mongols de Gengis Khan. El-Kâmil voit le territoire de son Kurdistan original ravagé, l’élément perse subjugué et l’héritage de Saladin menacé jusqu’en Egypte. Il envoie un ambassadeur, l’émir Fakhr ed-Din, à Frédéric, pourtant excommunié, pour lui implorer son secours contre El-Mouazzam et Djélal ed-Dîn Mangouberdi; en échange, il lui offre Jérusalem, reprise jadis par son oncle Saladin.
Les Croisades échouent parce qu’elles n’ont pas le soutien pontifical
Les croisés du Saint-Empire romain germanique débarquent à Saint-Jean-d’Acre sous le commandement de Henri de Limbourg, qui bien vite, repousse les troupes d’El-Mouazzam et vient en aide à Hermann von Salza, grand maître de l’Ordre Teutonique en Palestine. El-Mouazzam meurt avant l’arrivée —tardive, il est vrai— de Frédéric. El-Kâmil marche sur Damas avec les troupes de son frère El-Achraf, sultan de Mésopotamie. Après moultes tergiversations, El-Kâmil et Frédéric s’entendent pour donner à Jérusalem un statut de condominium, acceptable pour les deux parties. Les Germains l’occupent et l’administrent officiellement, flanqués d’un cadi musulman, en charge de guider les pélerins vers l’enceinte du Haram ech-Chérif. C’était en 1229. Frédéric est rappelé en Italie, où les intrigues pontificales suscitent révoltes et troubles. Sa victoire diplomatique n’est pas reconnue comme telle. Triste exemple de mauvaise foi.
En 1239, les Croisés obtiennent encore une victoire, en conquérant la Galilée et Ascalon. Mais, faute de soutien pontifical, cette victoire sera de courte durée: les Turcs Khwarezmiens prennent Jérusalem en 1244, puis Tibériade et Ascalon en 1247, prouvant par là même que la volonté frédéricienne de faire barrage commun avec les Kurdes de la famille de Saladin était un projet stratégique cohérent. Les Mongols, qui suivent les Khwarezmiens, comme l’avait prévu le Sultan El-Kâmil, prennent Bagdad en 1258. Il faudra un sursaut des mamelouks d’Egypte pour mettre un terme à la présence mongole en Palestine. Pire, la lutte de la Papauté contre l’Imperium de Frédéric affaiblit l’Europe, au point qu’elle a risqué une conquête mongole en 1240-41: les hordes de Batou, prennent Kiev en 1240, envahissent la Pologne, se heurtent victorieusement à l’armée impériale à Liegnitz en 1241, mais ne poursuivent heureusement pas leur course plus loin à l’Ouest. Une autre horde longe le Danube et ravage la Hongrie. Une fois de plus, les deux attaques turco-mongoles ont été simultanées, comme au temps des Seldjouks et des Coumans, à une époque où l’Europe était affaiblie par des querelles intestines, fomentées à Rome ou à Paris. Paradoxe: le Sultan El-Kâmil était plus lucide que le Pape romain!
L’émergence de la puissance ottomane
Après les croisades, les sultanats seldjouks disparaissent. L’Anatolie est fractionnée entre des émirats antagonistes, dont les principaux sont ceux de Karaman, de Sivas et, enfin, celui des Ottomans, qui connaitra un grand destin. Les Ottomans, proches de la Mer de Marmara et de Constantinople, parviennent à prendre pied à Gallipoli en 1354. Sur la rive européenne, l’empire serbe de Stéphane (ou Etienne) Douchan, qui s’étend de Belgrade à l’Egée, se décompose en plusieurs petites entités rivales à la mort du grand roi en 1355. Les Bulgares sont également divisés en fractions rivales. Ce désordre et ces querelles fratricides permettent aux Ottomans de passer à l’attaque et d’annihiler Serbes et Bulgares. Dans les années 1360, ils se bornent à grignoter le territoire des anciens royaumes cohérents des Serbes et des Bulgares, ce qui les amènent à contrôler la Thrace. Dans les années 1370, ils établissent une frontière militaire contre les Slaves des Balkans. Dans les années 1380, ils font des Serbes et des Bulgares leurs vassaux. En 1389, le Sultan Bayazid bat les Serbes au Champs des Merles (Kosovo) et force les émirats turcomans à l’Ouest de l’Euphrate à se soumettre à son autorité. Un croisade de secours, franco-germanique, dont fait partie notre Duc Jean Sans Peur, est écrasée en Bulgarie en 1396. Bayazid Yildirim (le “Tonnerre” ou la “Foudre”) se rend maître de l’ensemble des territoires jadis byzantins sauf Contantinople et Trébizonde, devenues des enclaves urbaines isolées de leur environnement. La masse territoriale de l’Empire d’Orient devient ottomane. Les anti-unionistes orthodoxes imaginent une théologie qui puisse fusionner le christianisme grec et l’islam turc (Georgios Scholarios, dit “Gennadios”, Georgios Amoiroutzès de Trébizonde), d’autant plus qu’avant la conquête du Proche-Orient par les Ottomans, l’empire est majoritairement “grec”. Les nouveaux maîtres vont reprendre à leur compte les stratégies d’expansion des Byzantins en direction des Balkans, puis vont reconquérir le Proche-Orient, la Mésopotamie et l’Egypte (début du XVIième siècle) et se heurter aux Perses.
Mais l’oeuvre géopolitique de Bayazid Yildirim sera ruinée par un chef tatar converti à l’islam, qui n’aura détruit que des empires musulmans au cours de sa fulgurante carrière: Timour Leng ou Tamerlan, qui le bat à Ankara en 1402, donnant paradoxalement un répit à l’Europe. Prisonnier de Tamerlan, Bayazid meurt en captivité. Mais le chef tatar abandonne l’Anatolie; il a un autre projet: envahir la Chine et la détruire comme il a détruit l’Inde de Dehli. Il meurt en chemin. L’empire ottoman peut renaître et se retourner contre l’Europe: Mehmet II Fatih prend Constantinople en 1453, chasse les Génois de Crimée, vassalise les Tatars de cette presqu’île russe, devient le maître incontesté de l’espace pontique. Il ne commet pas l’erreur des Seldjouks: laisser le flot démographique turcoman d’Asie centrale se déverser sur ses possessions; il oblige les “Turcs de la Horde du Mouton Blanc” à demeurer à l’Est de l’Euphrate, ce qui lui permet de réorganiser en paix les territoires conquis sans devoir subir le désordre d’une immigration incontrôlée. Son premier objectif est de se rendre maître de toute l’Egée, d’arracher aux Vénitiens et aux Génois tous leurs comptoirs dans le bassin oriental de la Méditerranée. Lesbos tombe en 1462 et Eubée en 1470. Remarque: c’est Tamerlan qui sert de modèle à Zbigniew Brzezinski aujourd’hui car il détruit sans les reconstruire les empires du rimland eurasien. Ce principe dit “mongol” séduit Brzezinski car, s’il est appliqué à intervalles réguliers, aucune concentration de pouvoir ne peut demeurer en Eurasie sur la longue durée, en étant capable de challenger l’unique superpuissance encore en place sur cette planète.
Chevaux, chars de combat et roues à rayons
Revenons au destin de la Perse, dans la période qui va des premières croisades à l’expansion ottomane du 15ième siècle. Cette histoire est instructive pour les temps présents, où la région est à nouveau théâtre de guerres. Depuis des temps immémoriaux, des tribus indo-européennes (aryennes) erraient dans la steppe, de l’Ukraine à la Mer d’Aral. Elles avaient domestiqué le cheval. Elles étaient partiellement sédentaires (culture de Fatyanovo dans le bassin de la Volga). Elles semblent avoir commencé leurs mouvements vers l’Oural avec la culture d’Usatovo (entre –4000 et –3000). Celle-ci est suivie de la culture dite de Serednij Stog, puis par celle de Jamnaïa, qui sera la culture-source des grandes expansions indo-européennes de la proto-histoire vers l’Iran, l’Inde et probablement la Chine. Dans son grand atlas historique, le Prof. Jacques Bertin souligne l’importance de la culture d’Afanasievo (-2400 à –1700): “L’expansion indo-européenne, depuis l’Ukraine, atteint toute l’Asie centrale. La culture d’Afanasievo (…) profite de la richesse en minerais et en pâturages des montagnes de l’Altaï et des Saïan pour développer l’élevage (chevaux, bovins), l’agriculture et fabriquer des bijoux en métal (…). Une agriculture irriguée est pratiquée au sud de la steppe près de la Mer d’Aral (culture de Kelteminar) et au pied des montagnes de Turkménie”. Ensuite, ajoute-t-il, la culture de Glaskovo (-1700 à –1200) fait de “la région le lieu d’échange entre l’Ouest et la Chine”. Le déssèchement général amène des transformations, mais Bertin constate que la civilisation de Glaskovo, vers –1300 continue à “rayonner sur le Bassin de l’Amour”.
Vers –1800, ces cavaliers apparaissent en Iran et dominent les Elamites de souche dravidienne. Ils forment l’aristocratie cavalière chez des peuples dravidiens (comme les Kassites) ou caucasiens (les Hurriens organisés par les Mitanni indo-européens). Les Mitanni nous ont laissé un manuel d’entraînement de cavalerie et d’utilisation du char de combat; on a découvert ce document à Hattusas, la capitale des Hittites. Plus loin, ces mêmes tribus, qui maîtrisent la technique militaire du char et de la roue à rayons, déboulent en Chine et jettent les bases de l’organisation militaire des futurs empires chinois (période de –1600 à –1400). Vers –1275, trois branches indo-européennes orientales distinctes occupent l’espace qui va de la Mer d’Azov aux confins de la Chine et de la Mer d’Aral à la Perse à l’Ouest et à l’Inde à l’Est: les Scytho-Cimmériens, les Iraniens et les Indiens.
Zarathoustra
En -714, des troupes scythes et cimmériennes bousculent le royaume caucasien d’Ourartou, s’établissent en Anatolie, puis défont les Assyriens en –705. Le facteur indo-européen et cavalier devient décisif et incontournable au Moyen-Orient: jusqu’à l’avènement de l’Islam, plus aucun empire de facture sémitique ne s’imposera à la région. Toutes les directions politiques seront scythes, cimmériennes, mèdes, perses, grecques, macédoniennes, parthes ou romaines. Vers -560, apparaissent les Mèdes, qui soumettent Arméniens, Cimmériens d’Anatolie et Perses (une petite tribu reléguée dans le Sud peu fertile de l’Iran actuel). Pourtant ce seront les Perses, en –533, qui prendront la direction de l’ensemble, fort vaste, de l’Empire mède. C’est là que commence la véritable histoire de l’Iran.
Elle est précédé par l’apparition d’une figure prophétique, celle de Zarathustra ou Zoroastre, entre –610 et –590. Ce réformateur religieux est né en Bactrie, région centre-asiatique au nord de l’Iran actuel, où attendent, comme dans une anti-chambre, les peuples cavaliers de la steppe sibérienne pour jouer un rôle politique prépondérant dans le rimland moyen-oriental et mésopotamien, comme l’atteste l’histoire, depuis les Elamites et les Hurriens. Considéré comme un trouble-fête dans sa région natale, Zarathustra émigre par la suite dans le royaume de Chorasmie —situé au sud de la Mer d’Aral selon les uns, sur le cours moyen du fleuve Amou Daria pour les autres— où le roi Vishtapa l’accueille et accepte son code religieux, social et éthique. Les prêtres traditionnels, représentant d’une hiérarchie figée et adeptes d’une religiosité purement formelle et rituelle, organisent une révolte générale contre la nouvelle foi. Zarathoustra meurt martyr en –553. Il avait jeté les bases d’une religion de la justice, de la participation active du croyant à la chose politique, participation positive qui sera, disait-il, jugée par Dieu lors d’un Jugement Dernier. Le modèle “messianique”, plus exactement celui du “saoshyant”, du “Sauveur qui aide”, “qui vient pour aider”, est né dans cet espace scytho-iranien, entre la Mer d’Aral et la vallée de l’Amou Daria. Les Juifs, avec le prophète Daniel, le ramènent de la captivité babylonienne, après la victoire des Perses de Cyrus contre les héritiers de Nabukhodonosor. Le modèle, mutatis mutandis, sera repris par le Christ puis par deux prophètes iraniens, Mani et Mazdak, qui connaîtront également le martyr, et, enfin, mais cette fois-ci en Arabie, par Mahomet.
La fin des Séleucides et l’arrivée des Parthes
Les Achéménides (-550 à –330) acceptent le zoroastrisme dans ses grandes lignes, comme un moyen commode d’unir Perses et peuples soumis. Le zoroastrisme, devenu ainsi religion d’Empire, survit sans problème à la parenthèse des conquêtes d’Alexandre. Et se diffuse dans tout l’espace dominé par les Perses, créant une véritable diaspora, véhiculant l’esprit d’une “certaine civilisation iranienne”. Sous les Séleucides, qui prennent le relais après le partage de l’empire d’Alexandre, la Perse hellénisée connaît une longue période de déclin et perd les régions clefs de la Bactriane et de la Sogdiane au nord de l’Oxus (= Amou Daria). De nouveaux nomades indo-européens venus de Sibérie vont s’y concentrer: parmi eux, les Parthes, sous l’impulsion des Arsacides. Les Séleucides s’opposent à la progression parthe, qu’ils jugent à juste titre fort dangereuse. Ils n’y parviennent pas à cause d’un soulèvement levantin à Antioche. Les Parthes avancent jusqu’en Hyrcanie (la région qui se trouve au sud de la Caspienne). Antiochos III rétablit la situation, bat les Egyptiens, reprend la Syrie et la Palestine, s’allie avec les nomades indo-européens de Bactriane, renoue avec l’empire indien des Maurya, mais répond —décision funeste— à l’appel de Philippe V de Macédoine, qui fait face à la colère de Rome, parce qu’il avait soutenu Carthage. Antiochos III lui envoie des renforts, qui sont écrasés par les légions aux Thermopyles. Les Romains entament la poursuite, franchissent le Bosphore, écrasent l’armée séleucide en –189. Les Séleucides perdent l’Asie Mineure. La Macédoine perd son indépendance. L’Arménie se déclare indépendante.
L’empire séleucide, fort diminué, est donc coincé entre les Parthes et Rome. Il doit abandonner toute prétention sur l’Egypte, faire face à la révolte juive des Maccabées (-167 à –164), ce qui lui ôte toute possibilité d’expansion vers le Sud. Pendant qu’Antiochos IV perd ses pions en Palestine, les Parthes s’emparent de toutes les régions de l’Iran actuel et entrent en Mésopotamie. Ils y fondent une nouvelle capitale: Ctésiphon. Les Arsacides prennent le relais d’une dynastie hellénisée mais épuisée. Malgré une période romanophile au début de l’ère parthe, sous l’imperium d’Auguste, le conflit entre les deux puissances surviendra bien vite et durera, après la fin des Arsacides et l’avènement des Sassanides en +220, jusqu’à la chute de Rome au 5ième siècle, se poursuivra avec Byzance jusqu’à l’avènement de l’islam. Le principal but géopolitique de cette très longue guerre est le contrôle de l’Arménie, dont le territoire abrite la plupart des sources des grands fleuves du Croissant Fertile et dont les hautes terres permettent de surplomber militairement toute la région.
00:10 Publié dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : iran, perse, grand moyen orient, moyen orient, asie, affaires asiatiques, histoire | | del.icio.us | | Digg | Facebook
samedi, 16 mai 2009
Encerclement de l'Iran (1/6)
L’encerclement de l’Iran à la lumière de l’histoire du “Grand Moyen-Orient” (1/6)
Extrait d’une allocution de Robert Steuckers à la Tribune de “Terre & Peuple-Lorraine”, à Nancy, le 26 novembre 2005.
Ce document sera publié en six parties.
(Synergies européennes - Bruxelles - mai 2006) - L’objectif des manoeuvres américaines dans le “rimland” entre la Russie et les mers chaudes (Méditerrannée, Océan Indien, Golfe Persique) vise non seulement à empêcher la constitution et la consolidation de tout axe Moscou-Téhéran, voire Beijing-Téhéran, mais aussi à encercler l’Iran, pièce centrale du marché commun que les Etats-Unis veulent faire émerger et appellent “Grand Moyen Orient”, une vaste zone dont ils entendent faire un débouché pour leur propre industrie, complétant ainsi les atouts que leur offre le contrôle économique du continent sud-américain, transformé de facto en un “Ergänzungsraum” (“espace de complément”) depuis l’émergence de l’idéologie panaméricaniste, mais espace aujourd’hui rebelle qui s’auto-organise via des structures unificatrices et continentalistes telles le Mercosur ou la “Communauté andine des nations”, ou via des suggestions indépendantistes, baptisées “bolivaristes” et formulées par le président vénézuélien Hugo Chavez. Ces structures modernes, incarnant un esprit de résistance latino-américain, entraînent une réorientation, encore timide mais certaine, du commerce et de l’économie sud-américains vers l’Europe ou vers l’Asie, diversifiant ainsi les rapports de dépendances; ce qui permet à l’Amérique ibérique de déserrer l’étau du “panaméricanisme” imposé par les Etats-Unis à leur seul profit.
En prenant l’Afghanistan et l’Irak, les Etats-Unis ont commencé la construction de leur “Grand Moyen Orient”, en éliminant par la force la rétivité du Baath irakien et de Saddam Hussein et en occupant le plateau afghan, jamais conquis par les Britanniques au 19ième siècle. Avec ces deux victoires militaires, non encore parachevées mais en voie de l’être, les Etats-Unis ont ipso facto encerclé l’Iran, aire centrale du “Grand Moyen Orient” dont ils ont programmé la future émergence. Les Etats-Unis occupent désormais la périphérie des anciens empires perses et installent des bases militaires afin d’asphyxier à terme l’Iran.
Les deux seuls rôles que l’Iran peut jouer…
L’éventuel axe Moscou-Téhéran aurait permis à la Russie de se doter d’une fenêtre sur l’Océan Indien et de détenir une proximité stratégique avec la Mésopotamie irakienne et ses champs pétrolifères, avec le Koweit et l’Arabie Saoudite. Le territoire iranien est effectivement l’une des pièces maîtresses —avec l’Empire ottoman déjà soutenu par Londres en 1798-99 contre Bonaparte en Egypte— du dispositif de “containment”, d’endiguement anti-russe. Dès 1801, quand le Tsar Paul I, malgré sa saine hostilité à l’endroit de tous les avatars nauséabonds de la révolution française, veut s’allier à Bonaparte pour envahir les Indes, Londres dépêche un certain Capitaine John Malcolm, très jeune mais excellent connaisseur de la langue persane, auprès de l’empereur perse pour en faire un allié et contenir la poussée probable des Cosaques le long de la côte orientale de la Caspienne. Aux yeux des stratégies thalassocratiques anglo-saxonnes, l’Iran ne doit avoir qu’un seul rôle, celui d’un verrou, destiné à empêcher toute progression russe en direction de l’Océan et du sub-continent indiens. Mais aussi d’un Etat sage, qui doit “oublier” l’existence même des littoraux arabiques du Golfe Persique et ne plus formuler aucune revendication sur ces terres; comme ce fut pourtant le cas dans les phases antérieures de son histoire. Si l’Iran entend changer de politique, s’allier à la Russie, se doter d’un armement capable de lui procurer la suprématie dans les eaux du Golfe, se détacher d’une tutelle étrangère imposée, il devient immédiatement un Etat ennemi, voire un “Etat-voyou” (selon la nouvelle terminologie médiatique américaine).
Le Shah est tombé parce qu’il s’entendait avec les Irakiens sur le Chatt-el-Arab et développait une capacité militaire amphibie (avec aéroglisseurs de combat) dans le Golfe lui permettant, le cas échéant lors d’un putsch “marxiste” à Bahrein, de débarquer des troupes sur la rive arabe du Golfe. Juste avant la “révolution” de 1978, la marine iranienne devait atteindre des effectifs substantiels et acquérir un matériel performant, avec pour objectif géopolitique, de “maintenir la stabilité et la paix” dans l’Océan Indien, zone où devait, selon le dernier Shah, émerger un “marché commun des pays riverains”. Le Shah entendait forger de bonnes relations avec l’Europe, y compris l’Europe de l’Est, contribuer à l’industrialisation de l’Inde, diversifier ainsi ses approvisionnements technologiques et ne plus dépendre de la seule Amérique. Dans sa “réponse à l’histoire”, le dernier Shah, évoquant l’invasion soviéto-britannique d’août-septembre 1941, est clair: “Comme en 1907 (cf infra), l’Iran devait être converti en un espace neutre, entretenu en état d’anarchie décente”. La “révolution” de 1978 n’avait pas d’autre objectif.
Comme le rappelle, dans ses mémoires personnelles, un ministre du gouvernement impérial iranien, Houchang Nahavandi, le mouvement de Khomeiny servait de fait les intérêts américains. Les Etats-Unis voulaient un Iran faible à leur dévotion, qui n’utiliserait pas les plus-values du pétrole pour se moderniser et s’armer, stagnerait dans une sorte de néo-médiévisme religieux, pimenté quelques fois de ce gauchisme hystérique et incapacitant, ramené par certains étudiants iraniens des campus ouest-européens ou américains. Bernard Hourcade rappelle d’ailleurs fort judicieusement que c’est l’antenne iranienne de la BBC qui a fait la promotion de Khomeiny et non pas une quelconque station soviétique ou chinoise (on dit en Iran aujourd’hui: “Rasez la barbe d’un mollah et vous verrez apparaître la mention “made in Britain” estampillée sur ses joues”, cf. Molavi, cit. infra). Mais finalement, le pouvoir islamique ne s’est pas aligné sur les positions américaines, n’a pas renoncé à certaines revendications territoriales iraniennes, a tenté de nouer des relations avec l’Europe et la Russie. L’Iran islamiste-révolutionnaire est dès lors mis au ban des nations parce qu’il reste finalement, comme l’explique fort bien l’iranologue français Bernard Hourcade, fidèle à une sorte d’exception persane au beau milieu de cette région centrale du continent asiatique, située sur l’ancienne Route de la Soie.
L’affrontement entre Rome et les Parthes
L’importance du passé perse pour comprendre la situation actuelle nous oblige à procéder à une longue rétrospective historique et à nous remémorer les événements qui ont secoué la région immédiatement avant la conquête arabe, tout juste après la mort de Mahomet. L’empire romain uni s’était heurté aux Parthes pendant des siècles. On se rappelle les expéditions de Lucullus en Asie Mineure entre 74 et 68 av. J. C., amenant la puissance romaine aux confins de l’Arménie du Roi Tigrane, qu’elle a vaincu, et de l’empire parthe. César, dans les mois qui ont précédé son assassinat aux Ides de Mars -44, carressait le dessein de conquérir les pays des Daces sur le Danube et de repousser les Parthes plus à l’Est. Bien plus tard, Trajan réalise ce projet géopolitique: il bat les Daces de Décébale, pénètre en Arabie Pétrée (autour du centre caravanier de Pétra) et entre en contact avec les Parthes. C’est lui qui pousse les frontières de l’empire romain jusqu’au Golfe Persique, en annexant successivement l’Arménie, la Mésopotamie et la Syrie, à la suite d’une campagne de trois ans (de 113 à 116 ap. J. C.). Son successeur, Hadrien, ne parvint pas à s’y maintenir, à la suite de contre-attaques parthes et d’une révolte juive dans tout le Levant. En 253, les Parthes prennent Antioche. En 259, l’empereur Valérien fait face à la nouvelle dynastie parthe, les Sassanides, est pris prisonnier, humilié. Les armées parthes pénètrent en Asie Mineure, tandis que les Germains harcèlent l’empire du Pas-de-Calais à l’embouchure du Danube. En 297, la victoire revient aux Romains, mais les Parthes conservent le monopole du commerce de la soie, qui vient de Chine. L’empereur sassanide Chahpuhr II envahit ensuite l’Arabie, et plus particulièrement le Yémen, puis bat les Romains en Mésopotamie, au cours d’une guerre de huit ans (337-339). L’empereur Julien meurt au combat contre les Parthes sassanides en 363.
La menace des Huns Hephtalites
Il faudra un danger extérieur, l’arrivée des Huns Hephtalites en 484 pour voir Romains d’Orient et Parthes unir leurs efforts contre l’ennemi commun, non indo-européen. Nous sommes en 505. Mais dès le danger des Huns Hephtalites conjuré, les Sassanides reprennent et pillent Antioche en 540. Ils s’allient ensuite aux Turcs (avant l’islam) pour battre les Hephtalites, abandonnant l’alliance byzantine. Les Sassanides s’allient alors aux Avars, établis en Pannonie (la Hongrie actuelle), pour prendre les Byzantins à revers dans les Balkans et sur le cours du Danube. Cette tribu hunnique faillit prendre Constantinople. Les Byzantins, Romains d’Orient, en profitent pour tenter de reconquérir l’Occident, sous l’impulsion de leur empereur Justinien (qui règna de 527 à 565); sous le commandement de Bélisaire, ils prennent Rome en 536 et battent les Wisigoths d’Espagne en 552. Ils christianisent les tribus africaines de la vallée du Nil en Nubie et au Soudan. Ils parviennent ainsi à établir une jonction permanente avec l’Ethiopie chrétienne, alors appelée empire d’Axoum, et à envahir le Yémen entre 522 et 525. L’objectif était de prendre les Perses à revers en contrôlant et en christianisant la péninsule arabique.
Abraha, gouverneur axoumite/éthiopien du Yémen, marche ainsi sur La Mecque encore arabe-païenne, flanqué de ses alliés arabes pro-byzantins, unis au sein de la Confédération de Kinda. Les Ethiopiens persécutent les païens et les juifs, tandis que les Perses, lors de leurs contre-attaques, persécutent les chrétiens. Ces événements se déroulèrent en 570, année de la naissance de Mahomet, dite l’”année de l’éléphant” (“Huluban”), parce que l’armée d’Abraha comprenait au moins un éléphant de guerre. Les Perses répliquent et envahissent le Yémen éthiopien, allié de Byzance en 575 et en font une province perse en 597. Tout au long de cette longue guerre entre Byzance et la Perse, les peuples sémitiques du Proche- et du Moyen-Orient sont soit les alliés de Byzance, tels les Nabatéens et les Ghassanides, soit les alliés des Perses, telles les tribus du Royaume Lakhmide. Les peuples sémitiques sont donc divisés, non seulement par leurs allégences politiques, mais aussi sur le plan religieux (ils sont païens, juifs ou chrétiens).
L’empereur perse Khosru II, entre 612 et 615, envahit la Syrie, la Palestine, l’Asie Mineure et pousse des pointes avancées en Egypte et jusqu’en Cyrénaïque. Héraclius, fils du gouverneur militaire byzantin d’Afrique du Nord, reprend l’empire en mains, rétablit une économie prospère, achète les Avars et prépare la revanche. En 627, les Byzantins, qui ont mis peu de temps à se redresser, contre-attaquent vigoureusement et mettent Ctésiphon, la capitale sassanide, à sac. Les deux empires de souche européenne sont exsangues face au monde extérieur.
La lutte entre Byzance et la Perse : arrière-plan de l’émergence de l’Islam
Ce conflit interminable a marqué le jeune Mahomet, caravanier d’Arabie. La péninsule est envahie au Sud et, au Nord, les peuples sémitiques, parlant l’araméen, chez lesquels aboutissent les caravanes, participent à la guerre. Mahomet doit trouver une formule pour rétablir les communications puis pour unir des populations hétéroclites, fragmentées en tribus hostiles les unes aux autres, hostilité sur laquelle se greffent encore des clivages religieux. Cette guerre permanente de tous contre tous ne permet aucun projet: ni politique ni économique ni commercial. Mahomet forge alors la foi islamique en écrivant en araméen le Coran, fait référence à l’archange Gabriel (“Jibraïl”); c’est une foi simplifiée, accessible, claire dans sa formulation, soustraite aux querelles des iconoclastes et des iconodules qui ravagent Byzance et la minent de l’intérieur. Son objectif est raisonnable et limité: pacifier, grâce à un code modèle, le territoire où circulent ses caravanes et celles de ses homologues. Les opérations militaires qu’il mène ne dépassent pas le cadre des routes et pistes de l’Ouest de la péninsule arabique. Il réussit à unir ce versant occidental de la péninsule d’Akaba à Aden. A l’Est, Bahrein et Oman reconnaissent le code suggéré par Mahomet. Jusqu’à la mort de ce dernier en 632, aucun prosélytisme extra-arabique ne semble poindre.
Les Arabes battent Byzantins et Perses exsangues
Après 632, Abou Bakr, son beau-père et successeur, unifie entièrement l’Arabie, parachève l’oeuvre politique et géopolitique de Mahomet, et envoie de petites armées vers le nord et bat, contre toute attente tant ses effectifs sont insignifiants, les Byzantins à Gaza en 633; peu après, les Byzantins, exsangues, sont une nouvelle fois battus par le Général arabe Khalid Ibn al-Walid, disposant d’effectifs à peine plus nombreux. Le sort des deux empires est scellé: les Arabes n’ont besoin que d’armées ridiculement réduites pour battre les deux colosses qui se sont entre-déchirés à mort. Ils en profitent. Tout naturellement. En 636, Damas et Antioche tombent entre leurs mains. En 637, après la bataille de Qadisiyya, l’armée sassanide est battue et la capitale perse, Ctésiphon, est prise, réduisant à néant l’oeuvre de plusieurs générations d’empereurs sassanides. En 638, c’est le tour de Jérusalem. Toute la frange sémitophone/araméenne des deux empires passe preque entièrement à l’islam, puis vient le tour de l’Egypte et du reste de la Perse.
La morale à tirer de cette victoire des maigres forces arabes est simple: les empires, de matrice européenne, n’ont jamais uni leurs forces contre les périphéries, ont ignoré l’émergence des peuples hunniques d’Asie centrale et des peuples sémitiques de la péninsule arabique. L’islam est donc né, et s’est ensuite consolidé, d’une lassitude légitime face à ces guerres inutiles, surtout que le danger des Huns et des Avars aurait dû unir les trois empires, romain-byzantin, perse et gupta en Inde (envahi entre 450 et 535 par les Huns Hephtalithes qui avaient été arrêtés par les Perses), exactement comme les Romains, les Francs, les Wisigoths et les Burgondes avaient tu leurs querelles et uni leurs armées pour arrêter Attila dans les Champs Catalauniques. La disparition de l’empire gupta, rappelons-le, est une tragédie culturelle, dans la mesure où il avait été le théâtre d’une véritable renaissance hindouiste, qui consolidée, aurait fait émerger un môle de résistance plus sûr face aux futures religions prosélytes de toutes provenances. Une alliance des trois empires aurait, en outre, rendu inexpugnable l’ensemble du “rimland” euroasiatique, de l’Ecosse au Bengale.
Des Karakhanides aux Seldjouks
Après la conquête arabe, la Perse conserve malgré tout sa personnalité politique. D’autres invasions l’attendent et d’abord celle des Turcs seldjoukides. Ils venaient de la steppe d’Asie centrale et on les appelait les “Karakhanides” ou les “Toghuz Oghuz” ou, plus simplement, les “Ghuzz”. Neuf tribus composaient cette fédération. Vers le milieu du 11ième siècle, elles se divisent en deux branches: l’une envahit le sud de la Russie et l’Ukraine actuelle, l’autre l’Iran. Les tribus qui envahissent la Russie prendront le nom de “Coumans” et resteront païennes. Les autres tribus, rassemblées autour des Seldjouks, se mettent au service de Mahmoud de Ghazni, qui leur donne des terres près de l’actuelle cité de Merv. A la mort de Mahmoud, les Turcs battent son fils Massoud et l’empire perse ghaznavide s’effondre définitivement en 1040, prouvant par là que les serments de fidélité ne valent qu’au sein des mêmes groupes de peuples. Les Seldjouks appellent d’autres tribus turques ghuzz de la région de la Mer d’Aral. Les derniers Ghazvenides se replient en Afghanistan. L’Iran tombe alors entièrement sous la tutelle d’une élite militaire turque ghuzz-seldjoukide.
Manzikert : désastre byzantin
En 1055, sous la conduite de leur chef Toghrul Bey, les Seldjouks prennent Bagdad, se mettent au service du calife puis, quelques années plus tard, arrachent aux Byzantins l’ensemble de la Transcaucasie chrétienne, à la suite de la bataille décisive de Manzikert (1071), livrée pour le contrôle des hautes terres d’Arménie. La victoire turque fait perdre à Byzance toutes ses provinces d’Asie Mineure. Les clans d’Asie centrale suivent l’armée d’Alp Arslan, fils de Toghrul Bey, poussent leurs troupeaux devant eux et chassent tout le paysannat helléno-européen d’Anatolie: une véritable colonisation de peuplement! Le remplacement systématique d’un peuple par un autre! Dans les années 1070, c’est au tour de la Syrie et du Hedjaz (Ouest de la péninsule arabique). Alp Arslan devint ainsi le maître d’un immense empire islamique, dont le tremplin territorial avait été une région centre-asiatique non encore islamisée au nord de l’espace perse.
Le système turc est clair: prendre le contrôle des empires en en constituant le fer de lance militaire et en faisant main basse sur l’administration, en multipliant les serments de fidélité et en les trahissant immédiatement dès que l’occasion et les rapports de forces le permettent. Mais l’intransigeance turque braquera l’Europe qui se défendait bien par ailleurs: les petits royaumes espagnols, fondés par des guerriers suèves, alains ou wisigothiques, unissent leurs forces, reprennent Tolède, centre névralgique de la péninsule ibérique en 1085 et Badajoz en 1092; une poignée de Normands intrépides, sous le commandement de Roger de Hauteville, reprend la Sicile et Malte (1091), après un demi-siècle de lutte; Henri de Bourgogne devient roi du Portugal, espace ibérique dégagé en 1097 de l’emprise maure. Après cette élimination de la présence musulmane sur de vastes territoires européens, l’heure de la contre-attaque contre les Seldjouks va sonner: les Byzantins font appel au Pape Urbain II en 1095. Il prêche la croisade à Clermont-Ferrand, appelant les peuples et les nobles de l’Europe occidentale germanisée à chasser de la Romania byzantine les Turcs, désignés comme étant une “race étrangère”. Il sera entendu. Des milliers de volontaires issus du peuple partent avant les autres: ils sont écrasés. Les Turcs cessent de prendre l’idée de croisade au sérieux. A tort. Les armées de métier, commandées par les ducs et les princes avancent le long du Danube et traversent le Bosphore. Les croisés engagent le combat contre le Sultan de Rum, prennent Nicée. Le Normand Bohémond de Tarente et l’Occitan Raymond de Toulouse, connaissant la tactique turque du harcèlement par les archers et d’évitement de tout choc frontal, ne se laissent pas surprendre, lors d’une bataille ultérieure à Dorylée: ils modifient leur stratégie, rusent et manoeuvrent habilement, encerclent et écrasent l’armée turque et marchent sur Antioche. La route de Jérusalem, occupée par les troupes arabes fatimides venues d’Egypte, était libre. Les Croisés dénoncent l’alliance qu’ils avaient conclue tacitement avec les Fatimides, ennemis des Seldjouks, et prennent Jérusalem.
00:05 Publié dans Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : iran, grand moyen orient, moyen orient, asie, affaires asiatiques, histoire, perse | | del.icio.us | | Digg | Facebook
dimanche, 12 avril 2009
Hellenes and Indo-Aryans
Hellenes and Indo-Aryans
To us it seems almost mockery, if one compares a philosopher with a blind man. In order to avoid any misinterpretation of my comparison, I want to make myself even more clear by referring to the Greeks. It is by no means certain, I believe, that the Greeks (those virtuosi when it comes to using the eye) had the right capabilities to serve mankind as the exclusive leaders on philosophical issues. Their whole life was a denial of introspection and therefore formed the sharpest contrast possible with the Indo-Aryan lifestyle. Now let us look at the upbringing of the Aryan thinker. The young Brahman received his education in the seclusion of a rural surrounding: mental treasures and moral habits; with incomparable severity and perseverance he was educated for thinking, according to plan. Twelve years and often longer the theoretical instruction and exercise took; then came the indispensable school of practical life, the founding of his own household. And it was only after his own son had grown up and had build his own house, that the time had come for a wise man to disappear into the forests, he, now freed from all the obligations of the rituals and from the entire equipment of the symbolic belief in gods, he, whose speculative abilities formed the best personal civilization one could think of, whose memories were enriched by all joys and sadness of family life, he whose knowledge of human nature had matured by the fulfilment of his practical civic duties — only now the time had come for this wise man to increase the treasures of thought, inherited from his ancestors, and thus to increase the mental possession of his people.
For the Greeks however education consisted of the training of the eye and of rhythmic feeling: gymnastics and music, being pretty and recognizing beauty with sureness. From their childhood up they filled their days with looking at the other, „watching the outside“, talking and discussing and tuning. In short: the publicity was the atmosphere of Greek existence; all Greek philosophers were politicians and orators. And while even in today’s degenerated times many Indo-Aryans of pure race conclude their life in complete seclusion, prepare their grave, and calmly lie down, silent and lonely while death approaches, in order to unite themselves with the omnipresent world spirit, we hear Socrates, up to the moment when he empties the cup of hemlock, amusing himself with dialectic hair-splitting with his friends and discussing the advantage of the believe in immortality for the human society.
So we see that the serious obstacles, raised by the formlessness of the Indo-Aryan representation of their world-view, are not without some kind of atonement; and it’s justified to expect to find something new here. But we would be superficial, if we were satisfied with just this one insight. Because the distinction between form and matter can lay claim to a limited value only; so here we have to dig somewhat deeper.
Hellenic humanism — to which the Indo-Aryan now forms a counterweight — was for us in particular a school of form, or perhaps better of shaping, of creation, of the artists’ individual works on up to the realization that a human society can have a form in which free-creative art is the all-penetrating element. In admiration of related strangers we climbed up to new achievements of our own. On the other hand, each attempt failed to master what was specifically Hellenic regarding the contents, if one refrains from those things — logic, geometry — where the form is already contents. This is quiet clear for the arts, but for philosophy the emancipation from Helleno-Christian ties has to still take place, although it was always followed out by our real philosophers, from Roger Bacon on to Kant. As for India the conditions differed. The Indian Aryan missed a Hellene, to keep within bounds in time his innate inclination — also inborn to us — to digress excessively, to canalize his over-rampantly thriving forces as it were, to accompany his overflowing fantasy with the wise guide called „taste“, and his judgement with a notion of shape-giving. That effusiveness, which Goethe calls the source of all greatness, was present with the Indian Aryan just as abundantly as with the Hellenes, they missed however sophrosyne, the restrictress. No poem and no philosophical writing of the Indian is enjoyable for a man of taste, formally speaking. And once these people wanted to avoid the excessiveness and therefore untransparancy, the unartisticness of their creations, they immediately ran into the opposite extreme and availed themselves of such an exaggerated aphoristical briefness that their writings became nearly an unsolvable mystery.
A well-known example is Pânini’s grammar of Sanskrit, which is written in the form of algebraic formulas, so that this exhaustive representation of the Sanskrit language, 4000 rules large, fills hardly 150 pages. Another example are the philosophical comments of Bâdarâyana, with whom sometimes a whole chapter with explanations was necessary, before one could understands three words of his way of expression, concise to absurdity. The form of the Indian is therefore nearly always rejectable. And this means a lot; because a clear distinction between form and contents can’t be found anywhere; he who criticizes the form, cannot praise the contents without some reservations. For this is also true; with the Indo-Aryan we have to dig deeply before we hit upon pure, unslagged gold. If one is not determined or capable to descend into the depths of this soul (for which a congenial attitude is necessary), one shouldn’t make attempts at all; he will harvest little for much trouble. However, he who can and may descend, will return with ever-lasting rewards.
And now we see immediately, how very limited the criticism of such an organism often is; for while I just criticized the Indian form, one also has to admit that especially within this „formlessness“ the possibility of certain conceptions, certain suggestions, a certain communication between soul and soul emerges, which one would search for in vain in other places. Such things are untransferable and cannot not be detached from their environment; we learn to think thoughts, which we would not have thought otherwise, because we missed the material mediator — if I may say so. Nevertheless we may summarize our views on form with the following statement: what causes our deepest interests in the creations of the Indo-Aryan spirit, is the inner core, from whence they originate, and not the form in which they are represented to us. Thus if we expect an animating influence from India on our own spiritual life, then this expectation is mainly related to that core only.
* * *
From Aryan World-view, (or. Arische Weltanschauung). The translation, based upon the 8th. ed. in German, published by F. Bruckmann A.-G., Munich 1938, was made by hschamberlain.net.
Houston Stewart Chamberlain
00:05 Publié dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : hellenité, grèce antique, antiquité, iran, perse, perse antique | | del.icio.us | | Digg | Facebook
dimanche, 15 février 2009
Réflexions sur l'idéal "perséide", sur les politiques de la dynastie Pahlavi, sur la révolution islamiste et la notion de "djallihiyya"
Réflexions sur l'idéal "persédie", sur les politiques de la dynastie Pahlavi, sur la révolution islamiste et la notion de "djallihiyya"
Paris, Invalides, "Mémorial des Rois", 7 février 2009
Intervention de Robert Steuckers
Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, Monsieur le Président,
Nous ne nous connaissions pas et nous allons faire connaissance aujourd’hui. C’est par l’intermédiaire d’un texte que vous avez appris l’existence de nos travaux d’histoire et de géopolitique. Ce texte sur l’histoire et le destin de l’Iran a toutefois une genèse. Une genèse qu’il me paraît plus impérative de vous expliciter, avant de passer au vif du sujet, plutôt que de vous rappeller les grands moments d’une histoire iranienne que, somme toute, vous connaissez bien mieux que moi.
Ce texte s’inscrit dans un itinéraire personnel et l’élément premier, certes le plus modeste, relève peut-être tout simplement d’une piété filiale, car mon père, homme simple, vouait une admiration à l’endroit de SMIR Mohammed Reza Pahlavi et de son oeuvre sociale, économique et politique.
Mais la raison qui poussera le jeune adulte que j’étais à respecter et à explorer le passé iranien me vient du peintre, poète et érudit Marc. Eemans, issu des milieux surréalistes bruxellois des années 20 et 30.
A cette époque, la Belgique connaissait un “Renouveau bourguignon”, avec les historiens Paul Colin, Luc Hommel et bien d’autres, qui entendaient renouer avec les “fastes de la Cour de Bourgogne” et avec l’âge d’or artistique, musical et chorégraphique (Elsa Darciel) du XV° siècle des Pays-Bas et du Luxembourg.
Cette volonté de retrouver l’âge d’or des Ducs de Bourgogne n’avait pas qu’une vocation artistique: elle posait également des objectifs politiques, dont:
1) Le rappel, dans l’imaginaire des élites et des étudiants, des étapes de l’unification territoriale du “Cercle de Bourgogne” pour tenter de contrer, de manière anamorphique, toutes les forces centrifuges, qu’elles émanent du calvinisme hollandais, de l’imitation du républicanisme français dans les provinces romanes ou du nationalisme flamand plus récent.
2) Le rappel de la vocation impériale et européenne (Drion du Chapois) des terres du “Cercle de Bourgogne”, à cette époque où les héritages bourguignon-bavarois de Philippe le Bon et Charles le Hardi, habsbourgeois de l’Empereur Maximilien I et aragonais-castillan de Ferdinand et Isabelle fusionneront par la politique dynastique des Ducs, Empereurs et Rois. C’est dans ce cadre grand-européen, sans limites territoriales trop exigües, que devait s’épanouir le génie des comtés et duchés du Cercle de Bourgogne.
3) Cette fidélité au triple héritage bourguignon, habsbourgeois et aragonais-castillan a des implications géopolitiques bien évidentes: il faut ramener le Danube de ses sources à son embouchure dans le giron impérial romain, en dépit des défaites de Nicopolis (1396; avec Jean sans Peur) et de Varna (1444); la maîtrise du bassin danubien dans sa totalité implique de déboucher dans la Mer Noire, dans cet espace pontique qui avait généré le mythe des Argonautes et de la Toison d’Or, symbole de la chevalerie fondée par Philippe le Bon, une chevalerie qui doit tant, dans ses principes, aux traditions immémoriales de la Perse et de la religion de Zoroastre, dont on situait l’origine, à l’époque, au-delà de la Terre de Colchide.
Le retour à la Mer Noire, à la Terre de Colchide et à l’Orient sarmate ou perse avait pour corollaire stratégique de contrôler l’ensemble de la Méditerranée et surtout son bassin oriental, ce qui nous mènera, plus tard, à la demi-victoire de Lépante en 1571.
Dans le cadre de ce renouveau bourguignon, essentiellement artistique et esthétique pour le grand public, examinons le rôle de Marc. Eemans, né en 1905 à Termonde et féru, dès son adolescence, de toutes les avant-gardes provocatrices des trois premières décennies du XX° siècle. Marc. Eemans a vécu, intensément, comme tous les jeunes audacieux de son temps, les avènements successifs du futurisme, du dadaïsme, du surréalisme, du vorticisme anglo-saxon, avec leur cortège de provocations, pour arriver, jeune adulte, à davantage de discernement: on ne construit rien sur les sables mouvants de la provocation et de la polissonnerie; toute critique de l’établissement culturel dominant de l’Occident rationaliste et positiviste passe par un retour aux mythes et aux traditions. Ce fut l’option de quelques figures importantes du post-surréalisme. Quelques exemples: Henry Corbin, Roger Caillois, Jules Monnerot.
Marc. Eemans fonde, dans ce contexte, la revue “Hermès” qui paraîtra de 1933 à 1939, plus exactement jusqu’à la mobilisation générale des armées de septembre 1939, où 620.000 hommes revêteront l’uniforme. A l’époque secrétaire national au tourisme, il s’était penché sur l’étude des dimensions spirituelles se profilant derrière l’art religieux de nos pays; dans le cadre de ces activités, il découvre la tradition mystique médiévale de Flandre, de Brabant et de Rhénanie, dont “Hermès” explorera l’univers.
Le parallèle était évident entre ces traditions de l’Extrême Occident européen et l’oeuvre de votre grand mystique Sohrawardi, avec son culte de la Lumière que l’on retrouve tout autant dans l’architecture iranienne que dans l’architecture gothique. L’élan vers le Ciel, vers Ouranos et la Lumière divine, techniquement concrétisé dans les vitraux de nos cathédrales est une dimension commune, à l’Iran et à l’Europe, où jaillit et rejaillit la tradition persane et zoroastrienne.
Pendant la seconde guerre mondiale, Marc. Eemans participe, comme Félicien Marceau, à des émissions radiophoniques de nature culturelle, ce qui lui vaut d’être épuré dès 1944, en dépit de sa participation à des cercles ésotériques hostiles à la politique culturelle et artistique du III° Reich, cercles qui s’appelaient les “Perséides”: leur démarche s’inspirait directement de la mystique de Sohrawardi et du culte vieux-persan de la Lumière aurorale, seul capable de rendre à l’Europe une spiritualité originale et fidèle à ses plus lointaines racines indo-européennes.
Après la guerre, Marc. Eemans deviendra l’historien encyclopédiste des mouvements artistiques belges. Je ne pouvais omettre de parler devant vous de cette dette à l’endroit du Perséide Marc. Eemans.
J’ai connu Marc. Eemans en 1978, à l’époque où l’Iran connaissait les bouleversements qui le conduiront à devenir une “république islamique”. Nous étions dubitatifs devant ces événements que nous ne comprenions guère, n’étant pas du tout au fait des subtilités de la théologie islamique. Seuls les militants un peu hallucinés du “Parti Ouvrier Européen” ou “Europäische ArbeiterPartei”, téléguidé par Lyndon LaRouche depuis les Etats-Unis, dénonçaient les circuits de Khomeiny comme des réseaux au service de l’Intelligence Service et inscrivaient les bouleversements subis par l’Iran dans la stratégie asiatique de Zbignew Brzezinski. Personne ne les prenait au sérieux, et pourtant...
Pour nous, plus simplement, quelque chose de beau et de cohérent était en train de s’effriter, d’être brisé, réduit à néant et dispersé sous les vents cruels de l’histoire. Plus prosaïquement, nous lisions, médusés, les slogans idiots bombés par les alliés gauchistes de la révolution islamiste, sur les murailles sinistres de la Gare du Midi et ailleurs dans Bruxelles (“Chat’Iran – Chat-tyran”, etc.). D’autres prévoyaient, furieux, le ressac de l’industrie métallurgique wallonne, privée de ses débouchés iraniens. Ce que le boycot ordonné par Washington allait amplement confirmer.
Le Moyen Orient venait donc d’être plongé dans le chaos. Et les cercles politiques, toutes tendances et orientations confondues, s’enlisaient dans deux erreurs d’analyse majeures:
1) Bon nombre d’observateurs, surtout à droite de l’échiquier politique, se mirent à croire, parce que le Toudeh communiste était partie prenante dans la “révolution”, que l’Iran tout entier allait basculer dans l’orbite de l’URSS qui avançait aussi ses pions en Afghanistan. La révolution, en dépit de son discours islamiste, ne camouflait, pensaient-ils, que l’ancienne volonté tsariste et stalinienne d’avoir accès, via l’Iran, aux mers chaudes et à l’Océan Indien.
2) D’autres, viscéralement hostiles à la tutelle qu’exerçaient les Etats-Unis sur l’Europe et sur le reste du monde, se félicitaient que le nouveau pouvoir en place à Téhéran, était anti-américain, du moins en apparence. Leur raisonnement s’articulait comme suit: “Si les Etats-Unis occupent l’Europe et si nous manifestons contre le déploiement de missiles américains de type Pershing en Europe et, enfin, si nous applaudissons au renouveau du neutralisme en Allemagne Fédérale, alors nous devons nous réjouir de voir Washington confronté à un nouvel ennemi en Iran”. Le nouveau pouvoir à Téhéran est devenu ainsi le nouveau joujou idéologique —pour paraphraser Rémy de Gourmont— de toute une fraction intellectualiste intransigeante et aussi d’une bruyante “lunatic fringe” qui va des gauchismes de tous poils aux petits cénacles nationaux-révolutionnaires et à la “nouvelle droite” parisienne. Le “chiisme” dans ses variantes extrémistes et militantes, déduites de la révolution khomeyniste, fut ainsi perçu comme un levier capable de soulever l’ensemble du Moyen et du Proche Orient pour le libérer de la tutelle américaine. Résultat de cette hyper-simplification: un dualisme caricatural qui ne peut en aucun cas servir de mesure pour jauger correctement les relations internationales et les conflictualités locales ni même pour rendre compte d’un phénomène dans toutes ses complexités et nuances.
Ces deux modes de penser de travers, ces deux batteries de prises de position ont appelé de notre part des correctifs, au fil de nos interrogations et de nos lectures.
L’erreur qui consistait à percevoir la “révolution khomeyniste” comme une entreprise machiavélique et camouflée des Soviétiques, désireux de se tailler une fenêtre sur l’Océan Indien, était infirmée par les bons rapports que la diplomatie impériale iranienne entretenait avec l’URSS, sans aucun lien de vassalité et sans aucune concession à l’idéologie communiste. Par ailleurs, cette diplomatie impériale était inspirée par l’excellente notion stratégique de diversification, ce qui impliquait, concrètement, une diversification des rapports de dépendance et d’interdépendance, à l’instar de la politique gaullienne de Maurice Couve de Murville.
S.M. le Shah avait développé une vision cohérente, harmonieuse et pacifique de la géopolitique de l’Océan Indien (cf. les travaux du géopolitologue Mohammed Reza Djalili), si bien qu’une diagonale eurasienne de paix aurait été possible, à terme, de l’Europe à l’Australie, avec le territoire iranien pour segment central, avec deux verrous seulement, que l’on pouvait aisément neutraliser par une diplomatie habile: la Turquie, pro-américaine, et l’Indonésie. Dans cet immense espace pacifié,centré autour du bloc avestique-védique, de l’Iran à l’Inde, la “Grande Civilisation”, rêvée par S.M. le Shah, aurait pu rayonner de ses mille feux.
Au regard de cette vision impériale, la géopolitique du chiisme (selon l’expression de François Thual) ne peut jouer le même rôle dans tout l’environnement géographique de l’Iran en tant que territoire, c’est-à-dire tout l’environnement centre-asiatique, indien, sunnite, arabe et turcophone du pays. Toutes les composantes de cet environnement peuvent admettre un apport authentiquement iranien dans leur héritage, mais pas nécessairement un apport chiite, comme le prouvent les inimitiés solides à l’endroit du chiisme qui subsistent au sein de l’univers religieux et politique sunnite et surtout wahhabitique.
La notion de “civilisation iranienne”, si clairement explicitée dans la “Réponse à l’histoire” de S.M. le Shah, s’avère finalement plus écouménique et fructueuse sur le long terme que le khomeynisme à coloration chiite. Plus récemment, la politologue française Laurence Louër a démontré, dans ses quelques ouvrages sur les réseaux chiites transnationaux, que ceux-ci, hors de l’Iran, obéissaient à des logiques fortes, le plus souvent locales, et, de ce fait, difficilement instrumentalisables dans une perspective impériale ou post-impériale irano-centrée. C’est partiellement le cas du Hezbollah et surtout du chiisme irakien, où la fraction Al-Dawa et les sadristes demeurent, ou du moins demeuraient jusqu’il y a peu, indépendants de toute influence iranienne déterminante.
En Irak, l’ASRII est demeurée pro-iranienne jusqu’en 2007, année où elle a opéré un virage vers des options plus nationales et plus autonomes par rapport à l’autorité religieuse d’Ali Khamenei.
L’élimination du pouvoir baathiste de Saddam Hussein, explique Laurence Louër, a certes été une aubaine pour l’Iran post-khomeyniste, qui voyait disparaître son ennemi mésopotamien: sans Saddam Hussein, le pouvoir post-khomeyniste, que ce soit celui de Khatami, dit “modéré”, ou celui d’Ahmadinedjad, pouvait, en théorie, exercer une influence plus directe sur les communautés chiites extra-iraniennes mais, en dépit de quelques succès francs et évidents, cette influence demeure finalement plus fluctuante, moins assurée, qu’on aurait pu se l’imaginer.
Les inimitiés au sein du monde musulman lui-même pèsent très souvent plus lourd que les solidarités potentielles dont rêvaient les pan-islamistes anti-américains qui, en Occident, par tradition contestatrice, énonçaient leurs prophéties apocalyptiques en chambre ou en salon, à défaut d’avoir un impact sur le terrain.
La notion de “civilisation iranienne” et le grand dessein de S.M. le Shah pour tout l’espace riverain de l’Océan Indien, appuyé par une diplomatie classique, avait plus de chance de réussir à terme. Et d’ouvrir une ère de paix en Afghanistan, où l’Iran impérial s’apprêtait à offrir une aide au développement;
sur la frontière irako-iranienne où les accords d’Alger de 1975, portant sur le Chatt’El-Arab, avaient aplani bien des différends;
sur la frontière nord avec l’URSS grâce à des accords diplomatiques et économiques bilatéraux bien étayés;
avec la Turquie dans le cadre du CENTO et en souvenir de l’amitié entre S.M. impériale Reza Pahlavi et Mustafa Kemal Atatürk;
avec l’Egypte sunnite, liée à l’Iran par une amitié solide;
avec l’Arabie Saoudite du Roi Fayçal dans le cadre de l’OPEP.
La notion de “civilisation iranienne”, et celle de “Grande Civilisation”, induisaient une meilleure stratégie sur l’échiquier international, plus réaliste au sens de la Realpolitik traditionnelle, sans aucun ballast idéologique particulier, plutôt particulariste et donc inexportable. Les services américains et britanniques, qui se profilaient derrière la “révolution khomeyniste”, ont justement voulu éliminer ce facteur de paix et décapiter une armée et une marine qui auraient garanti un ordre régional et plus tard supra-régional dans le Golfe et au moins dans la partie occidentale de l’Océan Indien.
L’éradication de l’armée, et plus particulièrement de l’armée de l’air impériale iranienne, avait connu un précédent, en 1941, quand l’aviation britannique avait détruit la marine de S.M. Reza Pahlavi.
Washington a donc cherché à établir, entre la Méditerranée orientale et son allié pakistanais, un ordre géopolitique sans assises territoriales réelles, en tablant sur des affinités idéologiques entre le sionisme israélien et le biblisme protestant et puritain qui sous-tend la théologie politique américaine. Washington a donc privilégié une alliance idéologique plutôt que géopolitique, explique le politologue irano-américain Trita Parsi.
Israël constituait, pour les Etats-Unis, après 1956, un atout stratégique majeur: celui de disposer d’une armée efficace, structurée sur le binôme char d’assaut/chasseur bombardier (Centurion/MirageIII), à proximité du Canal de Suez pour dégager celui-ci au cas où Nasser, ou tout nouveau Nasser, le fermerait à la circulation maritime. L’Egypte est devenue, avec Sadate et Moubarak, une alliée des Etats-Unis mais le lien de Washington avec Israël est resté puissant, inébranlable. La concurrence majeure au Proche et au Moyen Orient est celle qui sévit entre Téhéran et Tel Aviv, selon Trita Parsi.
Dès le développement de la marine impériale iranienne et des capacités spécifiques de ses aéroglisseurs d’assaut, deux pôles de puissance se juxtaposaient dans l’espace du Proche et du Moyen Orient, et se concurrençaient pour obtenir le titre d’allié privilégié des Etats-Unis. Ce sont ces considérations-là qui prévalent aujourd’hui, en dépit des vicissitudes politiques et indépendamment des discours idéologiques ou religieux, des propagandes médiatiques. Il faut tout de même noter une différence de taille: au temps de la Guerre Froide et de l’existence de l’URSS et du Pacte de Varsovie, la concurrence entre Téhéran et Tel Aviv était moins virulente. Une fois que le grand croquemitaine soviétique s’est retrouvé, dès la fin des années 70, sur la pente du déclin économique et technologique, la concurrence est devenue plus vive, plus âpre. Avec, en filigrane, cette question lancinante: “Laquelle des deux puissances aura la faveur des Etats-Unis dans un avenir plus ou moins proche?”.
Israël est demeuré le favori, vu les affinités idéologiques entre le puritanisme bibliste et un certain sionisme. Mais l’insignifiance, l’exigüité et la fragilité territoriales d’Israël permettent aisément de dire qu’un ordre régional reposant sur une base territoriale et démographique aussi ténue n’est guère tenable à long terme, surtout s’il n’y a plus d’ennemi égyptien ou irakien et si l’ennemi syrien peut être considéré comme quantité négligeable.
Pour consolider le projet américain de “Greater Middle East”, il faut un noyau territorial plus vaste et une masse démographique suffisante. Qui plus est, ce territoire et cette population doivent occuper une position centrale, au beau milieu de l’espace que l’on entend organiser et pacifier. Au beau milieu de ce “Greater Middle East”, il n’y a que l’Iran qui puisse tenir ce rôle. C’est exactement ce que disait S.M. le Shah quand elle parlait de l’espace de la “civilisation iranienne”. Le “Greater Middle East” dont rêvent les Américains, afin qu’il leur serve de débouché pour relancer leur économie, n’est rien d’autre qu’un espace qui, en toutes ses parties, à un moment ou à un autre de l’histoire de ces cinq ou six derniers millénaires, a reçu une empreinte, une détermination ou une influence iranienne.
Cependant, créer un “Greater Middle East” reviendrait à redonner à l’espace territorial iranien sa centralité impériale pluriséculaire, même après avoir écrasé un Iran islamiste comme le voudraient les faucons du Pentagone. Ensuite à restaurer l’aire de la “civilisation iranienne” qui ne peut accepter que des déterminations issues de sa propre matrice spirituelle, historique, linguistique et géographique.
La gestion d’une telle aire civilisationnelle implique justement une diplomatie différenciée, non idéologisée, axée sur le divers du réel proche et moyen-oriental, sur la diversification nécessaire, comme l’avaient préconisé les deux Shahs de la dynastie Pahlavi.
Richard Nixon était prêt à laisser l’Iran impérial jouer ce rôle de puissance régionale. Les démocrates qui lui ont succédé, après le Watergate, n’ont pas voulu cette solution et ont soutenu directement tous les adversaires idéologiques ou religieux du régime impérial, y compris les plus farfelus. Washington ne veut pas d’adjudant efficace: ni en Europe ni au Moyen Orient ni en Asie orientale. En dépit des propositions d’alliance irano-américaine, que formule aujourd’hui Robert Baer, dans l’espoir de dégager le contribuable américain de la charge très lourde que constitue le double budget de guerre pour l’Irak et pour l’Afghanistan. D’autant plus que le chaos persiste et s’amplifie dans les deux pays voisins de l’Iran, occupés par les Etats-Unis, l’OTAN et leurs alliés et supplétifs. Robert Baer rêve de voir une armée iranienne prendre le relais des Américains et de l’OTAN en Afghanistan et en Irak. Pour étoffer son plaidoyer, il n’évoque ni un impérialisme iranien dangereux à terme pour l’ensemble de la planète, comme l’ont décrit dans les médias et les faucons israéliens et les porte-paroles des cénacles néo-conservateurs. Ni un Iran devenu puissance nucléaire. Le ton est doux, suave et rationnel. Diamétralement différent du discours néo-conservateur d’Outre-Atlantique ou du discours des anciens mousquetaires de la “nouvelle philosophie”, ici, sur la place de Paris.
Mais n’est-ce pas pour enliser l’Iran dans une guerre qu’il n’a pas voulu? Une guerre que son dernier Empereur avait justement voulu éviter en signant les accords d’Alger avec l’Irak et en offrant au Roi Zaher Shah d’Afghanistan une aide fraternelle, ce qui a fait hurler les tenants sourcilleux de la vieille géopolitique anglo-saxonne d’Homer Lea qui ne veulent pas, n’ont jamais voulu, d’une présence iranienne en Afghanistan, ni en 1837 ni en 1857 ni dans les années 70 du XX°siècle. Le malheureux pays des Hazaras et des Pachtounes n’aurait alors connu ni la révolution communiste ni l’occupation soviétique ni le “low intensity warfare” des talibans ni l’invasion occidentale.
Les Etats-Unis ont voulu éliminer la politique régionale et la stratégie de diversification de S.M. le Shah. Dans la foulée, ils ont voulu bloquer sa politique d’indépendance énergétique par le développement du nucléaire et par sa participation à EURODIF, qui impliquait un tandem euro-iranien; de même, ils ont voulu briser la coopération entre l’Allemagne, la France, d’autres puissances européennes et l’Iran en tous domaines. Pour cela, ils ont créé les conditions qui ont mené à trente ans de gâchis, d’isolement, de boycot, de guerre, de ruine et de désolation.
Pour voir in fine ressurgir un Iran, certes affaibli, en deçà des potentialités que lui réservait la politique impériale, mais un Iran, qui, par le poids de l’histoire et de la géographie, reste, en dépit de toutes les avanies qu’il a subies, la puissance principale de la région; que l’on a le culot, aujourd’hui à Washington, de solliciter à nouveau comme allié, alors que l’on avait repoussé les timides ouvertures de Khatami et de son “dialogue des civilisations”, afin de couler sa politique et de faire accéder au pouvoir Ahmadinedjad, que l’on pouvait facilement diaboliser dans les médias afin de poursuivre la politique d’ostracisme à l’endroit de l’Iran, désormais encerclé par les armées américaines campées en Irak et en Afghanistan, sans compter les bases de l’Ouzbékistan et du Kirghizistan, à l’avenir mal assuré, il est vrai.
Une partie de l’établissement américain cherche désormais à renouer avec l’Iran pour éviter que son potentiel ne favorise les stratégies russes, tandis que l’Europe ne joue plus aucune politique “pro-active” dans la région la plus hautement stratégique de la planète.
La politique impériale de l’Iran avait le mérite, l’immense mérite, de la profondeur temporelle. Le recours à l’histoire pluri-millénaire de la région, depuis l’arrivée des Proto-Iraniens en Asie centrale puis sur les hauts plateaux de l’Iran actuel, était un atout politique extraordinaire, celui que procure en toutes choses la longue mémoire. Elle confère à l’intelligence politique les vertus de la stabilité, de la tempérance, selon le principe zoroastrien qu’il faut avoir de bonnes pensées, dire de bonnes paroles et mener de bonnes actions, exactement comme tout catholique se marque le front, les lèvres et la poitrine d’une croix avant d’écouter l’Evangile dominical. Un rite hérité de la tradition perse!
Délibérément, ce pari pour la plus longue mémoire se heurtait à la notion de “jahilliya” chez les islamistes et les wahhabites, pour laquelle toute l’histoire pré-islamique relève d’un “âge d’ignorance”, indigne de l’attention du croyant. L’islamisme n’est certes pas la seule force politique en ce monde à considérer le passé comme obscur et dépourvu de valeur ou d’intérêt. Le républicanisme français ou l’idéologie américaine ont la nette tendance à juger inférieur tout ce qui a précédé 1789 ou 1776. Et à agir en zélote contre tous les vestiges politiques, juridiques ou institutionnels hérités des Anciens, avec cette acribie du converti qu’observe Naipaul, Prix Nobel de littérature, dans tous ses ouvrages sur la civilisation indienne et sa périphérie, notamment indonésienne, contrecarrée dans son élan par l’islamisation qui provoque une cassure et un malaise, qui ne guérit jamais.
L’histoire iranienne et l’oeuvre de la dynastie Pahlavi nous rappellent que tout passé, de gloire ou de misère, de splendeur ou de désespoir, que tout passé aussi éloigné fût-il, oblige le souverain comme le soldat, le clerc comme le plus humble des sujets. Que cette notion d’obligation politique et historique descende sur nos têtes et en nos têtes, comme une Pentecôte qui nous donnerait la Kwarnah, le feu de gloire et de victoire.
Et c’est là la grande leçon à méditer, si nous voulons être et demeurer des Perséides.
Je vous remercie.
(écrit à Forest-Flotzenberg, 4 & 5 février 2009).
Ont participé à ce Colloque sur l’Iran du “Mémorial des Rois” à Paris, le 7 février 2009, aux Invalides à Paris, sous la présidence de Monsoieur Chahpour Sadler:
- Prof. Jean Haudry, sur “la royauté indo-européenne dans la tradition avestique”;
- Prof. Charles-Henry de Fouchecour, sur “Ferdoussi et le Chahanmeh, le “Livre des Rois””;
- André Pertuzio, sur “l’Iran et le problème pétrolier”;
- Joseph-Antoine Santa-Croce, sur “les splendeurs de Persépolis”;
- Laurent-Arthur du Pléssis, sur “l’Iran et la prochaine guerre mondiale”;
- Robert Steuckers (intervention in extenso ci-dessus).
- Le général Pierre-Marie Gallois est intervenu par le truchement d’un entretien filmé, sur “Carter, Giscard d’Estaing et la révolution islamiste”.
00:45 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : iran, moyen orient, surréalisme, islamisme, islam, chiisme, perse | | del.icio.us | | Digg | Facebook