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mardi, 25 février 2025

À l’intersection de la géopolitique et de l’économie: l’Égypte relance sa production automobile

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À l’intersection de la géopolitique et de l’économie: l’Égypte relance sa production automobile

Peter W. Logghe

Source: Nieuwsbrief Knooppunt Delta, n°197, février 2025

Dans la ville d'October, à proximité immédiate de la capitale égyptienne Le Caire, de nouvelles entreprises émergent, susceptibles de jouer un rôle clé dans la relance de l'économie égyptienne – non sans importance pour l'économie mondiale et pour notre propre économie. Il s'agit d'implantations d'entreprises chinoises de construction automobile. La ville d'October incarne la stratégie industrielle de la Chine en Afrique.

En janvier, une usine du constructeur chinois Geely a été inaugurée. Parmi les invités figuraient Mustafa Madbouli, Premier ministre égyptien, et Song Yun, vice-président de Geely. Chaque année, 30.000 voitures devraient sortir de cette chaîne de production (pour le moment), principalement destinées au marché intérieur égyptien. Il s'agira d'une usine CKD ou « Completely Knocked Down » – ce qui signifie que des pièces détachées en provenance de Chine seront assemblées pour former des véhicules. Cela permet d'éviter en grande partie les droits d'importation, tout en créant des emplois locaux. L'inconvénient est que ce modèle de production n'entraîne pas la création de modèles de production locaux en Égypte et maintient une dépendance persistante envers le pays producteur (la Chine, donc).

Le CKD est une solution intermédiaire pour les constructeurs automobiles, entre une production 100% locale (avec une chaîne d'approvisionnement complète) et l'importation de véhicules entièrement finis. Le CKD joue un rôle central pour les multinationales cherchant à conquérir certains marchés émergents en stimulant l'économie locale tout en gardant le contrôle sur le produit.

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Ce n'est pas le premier constructeur automobile chinois sur cette nouvelle "plateforme" égyptienne

Il n'est pas surprenant que cette nouvelle "plateforme" pour les entreprises de construction automobile en Égypte ait attiré l'attention d'autres grandes entreprises chinoises. SAIC, producteur chinois et propriétaire de MG, a annoncé fin décembre 2024 un investissement lourd de 135 millions de dollars pour ouvrir une usine en Égypte, également à October City.

En novembre 2024, une autre entreprise, EXCEED, marque filiale de Chery, a ouvert ses portes. De plus, l'entreprise chinoise BAIC a signé un accord avec l'Égypte pour créer une usine de production de véhicules électriques à October City. D'ici la fin de 2025, l'usine devrait produire 20.000 véhicules électriques par an, avec une part importante de véhicules destinés à l'exportation.

Les ouvertures d'entreprises consécutives témoignent du succès du programme gouvernemental appelé AIDP ou Automotive Industry Development Program, lancé en 2022. Son objectif principal est de faire de l'Égypte une puissance régionale en matière de production automobile. Pour ce faire, l'Égypte utilise des avantages fiscaux, des subventions énergétiques pour les entreprises et d'autres impulsions financières pour les constructeurs automobiles souhaitant s'installer en Égypte.

Une longue tradition automobile

L'Égypte possède d'ores et déjà une longue tradition dans le secteur de la construction automobile. En effet, l'Égypte a signé en 1961 un accord de licence avec le constructeur automobile italien Fiat, une étape cruciale dans la modernisation de l'industrie en Égypte. Désormais, l'Égypte pouvait construire localement des véhicules Fiat et poser les bases de sa propre industrie automobile. Fiat a non seulement fourni à l'Égypte la technologie, mais aussi diverses compétences industrielles. Il n'est donc pas surprenant que les modèles de voitures les plus populaires en Égypte aient presque tous été des Fiat: les modèles 128, 125, 124 et la Fiat 1100. On voyait encore longtemps la Fiat 128, la Fiat 124 et, dans une moindre mesure, la Fiat 1100 comme taxis dans le paysage urbain égyptien.

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Dans les années 1970, après la guerre de Yom Kippour, le président égyptien Anwar Sadat souhaitait élargir le secteur automobile. Il a introduit une politique nommée ODEP ou Open Door Economic Policy, qui a attiré des investisseurs étrangers. Mercedes Benz, Jeep et General Motors ont ouvert des usines dans le pays nord-africain, incarnant un élan économique qui a pris fin avec la chute du régime Moubarak en 201 : de nombreux constructeurs automobiles européens et américains ont cessé leurs activités, et l'économie automobile égyptienne est tombée dans l'impasse. Il est clair que le rôle des précurseurs européens s'est estompé et que les Chinois ont profité de ce vide.

C'est un exemple de plus montrant comment l'économie joue un rôle important dans les bouleversements géopolitiques. Et comment le continent européen est confronté à sa propre inertie face à ces défis géopolitiques, tandis que d'autres s'installent sans difficulté.