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mercredi, 16 septembre 2020

La région comme ancrage

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La région comme ancrage

par Franck BULEUX

Le maillage administratif territorial français tient du record en nombre de collectivités: près de 35 000 communes, 101 départements et 18 régions. Mais cela n’est que la partie émergée de l’iceberg. Il y a un nombre certain de collectivités de communes, dont 21 métropoles. Cette institution, la métropole, tend à se développer.

Il s’agit surtout, in fine, de doter les grandes villes de structures publiques visant au développement économique. Et, pourrait-on ajouter, pour rassurer les citoyens, les conseillers métropolitains sont élus au suffrage universel direct !

Vous ne le saviez pas ? Vous n’avez pas été invités ? Peut-être que votre commune n’a pas été intégrée à une métropole. Dans ce cas, votre commune n’élit pas de conseillers dédiés à la ville mégapole. Pour les autres, depuis 2014, les conseillers communautaires sont élus en même temps que les conseillers municipaux, à droite sur le bulletin (et à gauche pour l’identité des candidats aux municipales). Il faut le savoir. De toute façon, ce sont les mêmes.

En effet, ce « vote » reste relativement méconnu puisque les membres des listes reproduisent la liste municipale, tout simplement. Il est d’ailleurs totalement impossible de dissocier son choix : un vote pour untel pour les municipales et pour un autre pour les communautaires. Ce qui me fait dire que ce scrutin est biaisé pour trois raisons cumulatives : inconnu, mélangé avec les municipales et non dissocié de ces mêmes municipales.

Quant au fond, il s’agit, globalement, de développer, économiquement, les villes, parties de la métropole. La ville-métropole est donc, logiquement, favorisée par les enveloppes budgétaires. Les maires des communes de taille modeste ont intérêt à être « du même bord » politique que le maire de la mégapole. D’ailleurs le maire de la « grande ville » peut être le président de la métropole, ceci favorisant cela. Dans ce cas, il ne s’agit que de conglomérer, autour d’une ville, les communes l’entourant, les « couronnes ».

Toujours sur le fond, ce développement économique tend à limiter les pouvoirs en la matière de nos régions, mises en place, pour la plupart, depuis la première élection au suffrage universel, en 1986. Après avoir dépecé certaines régions en 2015, les pouvoirs publics limitent leur pouvoir. À l’heure où « la France des oubliés » tente de se donner une visibilité (le long épisode des « Gilets jaunes »), c’est la France des métropoles qui reprend le pouvoir territorial.

Il serait temps de retrouver la dynamique de notre triptyque traditionnel territorial, communes, départements et régions. Bien évidemment, il y a trop de communes (entre 34 000 et 35 000) mais ces entités « parlent » aux citoyens et sont représentées par des personnes élues au suffrage universel.

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Le développement des CESER (conseils économique, social et environnemental régionaux), représentatifs – sans aucune légitimité – des « forces vives » régionales et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ne viennent que compliquer le « mille-feuille » de l’organisation territoriale française.

La dispersion du pouvoir profite à l’État central, par nature jacobin. La dissolution des pouvoirs ne profite qu’aux préfets, émanation d’un centralisme que l’on croyait révolu.

Un seul exemple : la loi prévoit, à partir de 2021, l’organisation des élections départementales et régionales le même jour pour éviter un fort taux d’abstentionnistes (sic). En effet, les deux mandats sont d’une durée de six ans et les dernières élections se sont déroulées, en mars 2015 pour les départements et en décembre de cette même année, pour les régions. Les médias rapportent que le président Macron souhaiterait reporter les élections régionales en 2022, y compris d’ailleurs après l’élection présidentielle. Emmanuel Macron se sert des régionales (et des régions) comme d’une simple variable d’ajustement électorale et non comme d’une donnée institutionnelle essentielle au sein de la Nation.

La dispersion des pouvoirs locaux et le peu d’appétence dont semble disposer le président Macron pour les régions sont des éléments à prendre en compte pour les années qui viennent. L’électorat parisien, voire francilien, ne sera pas suffisant pour assurer la réélection de Macron.

La France est une toile, un ensemble de nervures permettant d’unifier des territoires différents, voire historiquement opposés. La régionalisation est un phénomène d’identification charnelle et d’unité administrative permettant la cohésion d’un État. Le développement de métropoles (certaines régions n’en ont pas, d’autres en ont quatre…) n’invite pas à la pérennisation des structures historiques. Déjà la « grande ville » semble vouloir s’approprier et distribuer, à sa manière, les budgets.

Repenser l’État, c’est donner à ses collectivités territoriales traditionnelles tout leur sens, y compris celui de l’identité quelle qu’elle soit : historique, géographique, linguistique…

À travers les prochains rendez-vous électoraux, c’est le maillage territorial qui est en jeu. S’agit-il de donner un satisfecit au pouvoir central ou d’avoir la possibilité de donner à notre système, un peu d’air ?

Bien sûr, le découpage des régions n’a pas toujours été satisfaisant mais il suffirait, pour cela, d’ouvrir le débat du référendum local de proximité. Il semblerait que le président souhaite relancer l’esprit référendaire, alors pourquoi pas en s’attachant aux priorités locales ? En donnant une opportunité à ce type de choix, il aurait l’occasion de s’affranchir du sempiternel choix politique « oui » ou « non » à une question d’essence nationale et, par voie de conséquences, partisane.

Il paraît qu’un vote sur le climat va mettre tout le monde d’accord mais, en France, il ne fait pas beau partout…

Franck Buleux

• D’abord mis en ligne sur Meta Infos, le 28 juin 2020.

vendredi, 17 mai 2019

Le respect des identités: la réussite de la décentralisation

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Le respect des identités: la réussite de la décentralisation

par Eugène Guyenne

Ex: http://thomasferrier.hautetfort.com

S'il a été évoqué il y a plusieurs mois à juste titre de nommer et penser les choses en "décentralisation" plus qu'en "fédéralisme", cette décentralisation de la future République européenne est nécessaire afin de préserver les identités à l'intérieur de cette institution, tout en gardant le monopole des principaux enjeux.

Penser "fédéralisme" implique qu'il y ait un ensemble homogène de territoires pas forcément dépendants d'un État comme on l'a vu avec la Confédération Livonienne (1228/1561) ou Germanique (1806/1848), bien que les actuelles Fédération de Russie et Confédération suisse démontrent le contraire.

L'actuelle Union Européenne le démontre en tant qu'exemple d'indépendance politique puisque certes elle est une "union", a des apparences étatiques (banque, monnaie, parlement, armée, frontières) mais il lui manque l'essentiel: un gouvernement et une armée indépendante. Ce sont les États qui la composent qui sont souverains sur le plan politique et militaire. Le premier, étant nommé par le chef d'État. Or ni l'un, ni l'autre n'existent sur un pan européen. Celui-ci gère la diplomatie et est le chef des armées. Le second, étant un préalable pour le bon fonctionnement d'un État, souverain, permettant de gérer concrètement la diplomatie comme dit plus haut, donc à la fois au niveau européen et local.

Sans parler de tout ce qui va avec pour un État: carte d'identité, basée juridiquement sur le principe du droit du sang ou du sol.

Penser "décentralisation" permet d'avoir un État qui a toujours du pouvoir mais celui-ci est moins centralisé, et permet une vraie concordance entre les localités, les régions (incarnées chacune par leurs identités propres), d'avoir un réel pouvoir à la fois politique via la municipalité ou le parlement provincial, et économique via la régulation localiste et régionale (penser pourquoi pas sur du très long terme à une monnaie locale et facile d'usage comme c'était le cas durant le Moyen-Âge), tout en étant encore une fois dépendante de l'État dans le domaine politique, économique, fiscal, administratif, dont les enjeux d'envergure européenne prendront le dessus, comme la question migratoire extra-continentale, les frontières (donc le régalien), les relations internationales favorables à des pays tels que directement la Russie et le Japon, l'Inde et l'Iran sur du très long terme et défavorables (comme les États du Golfe et la Chine) et l'armée, qui est l'une des clés de voûte de la souveraineté d'un État, servant à protéger ses frontières, son peuple, puisque l'autre souveraineté d'un État se base sur son identité.

Il est évident qu'un territoire comme l'Europe avec les fortes identités actuelles (Alsace, Lorraine, Occitanie, Pays-Basque, Catalogne, Bretagne, Normandie, Corse, Flandres, Wallonie, Sicile, Sardaigne, Bavière, Souabe, Écosse...), s'impose la décentralisation tout en n'oubliant pas que le Bien-Commun (l'Europe) doit primer avant tout, celui-ci passant politiquement par un État, souverain, garant de la pérennité du territoire au niveau européen, régional et local.

Eugène Guyenne (Le Parti des Européens)

mercredi, 17 décembre 2014

Europe, Nations, régions, quel avenir?

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Europe, Nations, régions, quel avenir?

Jacques Cordonnier

Ex: http://synthesenationale.hautetfort.com

Au lendemain des élections européennes, et tandis que le gouvernement Valls prépare une fusion forcée des Régions, il est important de s’interroger sur la place des régions et des États-Nations au sein de l’Europe. Les appartenances à une région, à une nation et à l’Europe sont les trois composantes du sentiment identitaire de chaque Européen. L’importance relative de chacun de ces liens – région, nation, Europe – est variable selon les individus, mais que nous le voulions ou non, nous sommes tous déterminés par cette triple appartenance. La hiérarchie de ces appartenances varie selon les individus, mais aussi selon les pays. Certains pays comme l’Allemagne ou l’Espagne, ont fait le choix du fédéralisme depuis longtemps et les particularismes régionaux y sont plus forts que dans des États fortement centralisés comme la France.

Plus ou moins d’Europe ? Un débat faussé

region_alsace.pngLe débat fait rage aujourd’hui entre souverainistes et fédéralistes, entre nationalistes et européistes, entre jacobins et régionalistes, entre mondialistes et identitaires. Mais c’est un débat faussé auquel nous assistons, car les effets de la crise financière et économique ont, depuis 2008, introduit l’irrationnel et le subjectif dans ces controverses. Le déclin de l’Europe, entamé au début du XXè siècle, s’est accéléré au cours des dix dernières années. Le déclin est accentué à raison de l’émergence de nouvelles puissances, telle la Chine, l’Inde, les BRICS. Et au sein de l’Union européenne, la France a du mal à consolider son rang. Si rien ne change et si la France suit le chemin de plus grande pente dans laquelle elle est malheureusement engagée, d’ici quinze à vingt ans, elle ne fera plus partie du G8. Ceux qui pensent que le déclin n’est pas une fatalité doivent s’interroger sur la voie à emprunter pour conjurer ce destin. Faut-il donner vigueur aux régions, à l’Europe ou à l’État-Nation ?

Dissocier État et Nation

Au moyen âge, les "nations" existaient dans une acception totalement différente de celle "d'État-Nation". Le terme "nation" n'avait à l'époque aucune signification politique. Il désignait et traduisait l'appartenance communautaire et linguistique des différentes personnes qu'il regroupait. C'est ainsi que les "nations" bretonnes, picardes, normandes, toulousaines se réunissaient au sein du royaume de France. Toutes les "nations" acceptaient de cohabiter au sein du même État.

C'est la Révolution Française et le jacobinisme révolutionnaire qui vont inventer la "Nation", avec un N majuscule, telle que les Français la conçoivent aujourd'hui. La monarchie constituait l'élément fédérateur qui unissait au sein du royaume les "nations" et les "provinces". La Monarchie détruite, ce fut l'idée de Nation qui remplaça le Roi comme principe fédérateur. Les jacobins inventent la "Nation" une et indivisible, abstraite et théorique au sein de laquelle les nations et les provinces vont être forcées de se dissoudre et de disparaître au profit du département, autre invention de la Révolution. Aujourd’hui, plus de deux siècles plus tard, le gouvernement de Manuel Valls prépare une grande réforme de recentralisation en tentant de rayer d’un trait de plume les Régions que quarante années d’effort avaient commencé de façonner. Moins de compétences et de moyens pour les nouvelles circonscriptions régionales, beaucoup plus de pouvoirs pour les préfets et les services de l’État. Ce choix est une régression dramatique pour notre pays. Le paradoxe est qu’il satisfait le vœu des partis souverainistes qui voient avec plaisir le renforcement de l’État-Nation.

Plus forts par la subsidiarité

L'Allemagne, par exemple, a choisi le modèle fédéral où l'application du principe de subsidiarité donne à ses Länder et à ses villes une grande autonomie qui leur permet de gérer mieux, plus efficacement et plus démocratiquement que ne le ferait un État-Nation centralisé. Seule la France persiste dans le modèle dépassé d'État-Nation. Dès lors que nous abandonnerons ce modèle et que les deux concepts d'État et de Nation seront enfin dissociés, la France pourra s'engager dans une démarche harmonieuse de construction d'une Europe souveraine, respectueuse des nations et des régions qui la composent.

C’est Johannes Althusius (1557-1638) qui a été le théoricien majeur du principe de subsidiarité. Dans son acception contemporaine et politique, la subsidiarité implique que chaque entité – Europe, État, région, commune – soit maîtresse dans les domaines de proximité où sa compétence se révèle plus pertinente et efficace que celle de l’échelon supérieur ou inférieur.

Il est des domaines où, à l’évidence et d’expérience, la commune ou la Région est le niveau idéal de gestion et d’administration. Il faudrait par exemple transférer aux Régions la responsabilité du système éducatif dont le déclin continu est en train de se transformer en débâcle. De réformes en réformes, l’Éducation Nationale a tout essayé. Rien n’y a fait. Il faut donc transformer et régionaliser le système éducatif.

 

L’Europe face aux nouvelles puissances

À l’autre bout du spectre, c’est l’Europe qui est doit être considérée comme l’échelon efficace. Les Français comme les autres Européens prennent conscience que les menaces et les tensions qui se développent à l’échelle de la planète ne peuvent pas trouver de réponse à l’échelle d’un pays. La montée en puissance de la Chine et de l’Inde, les effets des dérèglements de la finance mondiale, la dépendance énergétique de l’Europe, l’augmentation continue de l’immigration non européenne sont au cœur de problématiques qui dépassent largement l’échelle de la France seule. Les récentes révélations sur l’espionnage des institutions françaises et européennes par les agences américaines de renseignement illustrent bien à quel niveau se déroulent les conflits et à quel niveau doit être organisée la riposte.

Mais pour convaincre les citoyens de la justesse du projet européen, il faudra trouver d’autres arguments que « d’assurer le bien-être et la paix sur le continent ». Discours bateau, ambitions de nains, objectifs trompeurs ! Comment parler de bien-être aux millions de chômeurs et de déclassés ? Comment invoquer la paix quand aux portes de l’Union on s’entretue en Ukraine ? Comment donner envie de l’Europe quand nos dirigeants choisissent l’OTAN ?

L’Europe de nos espoirs est une Europe souveraine, indépendante et puissante. Le chemin pour y arriver, c’est la voie fédérale qui seule permet de construire un ensemble politiquement cohérent tout en respectant les différences et les spécificités des peuples qui la composent. Car ne nous y trompons pas, l’Union européenne d’aujourd’hui est tout sauf fédérale. Elle n’est qu’une organisation interétatique dont le pouvoir en dernier ressort reste entre les mains des chefs d’États et de gouvernements des États membres. Le choix qu’ils font de déléguer – en toute opacité – leurs pouvoirs aux « experts » de Bruxelles ne change rien à l’affaire. L’Union est jacobine à l’extrême et très peu démocratique. Comme l’a préconisé le Pr. Gérard Dussouy dans son dernier ouvrage, il faut « contre l’Europe de Bruxelles, fonder un État européen ».

Souveraineté et puissance

La question de la souveraineté est la question fondamentale. Méditons cet étrange paradoxe : tout ce que les États membres ont perdu en souveraineté n’a pas profité à l’Europe ; celle-ci n’est pas devenue plus souveraine pour autant. Au contraire, nous la sentons ballotée entre les intérêts de la finance internationale et ceux des États-Unis, lesquels se confondent souvent. On aurait pu espérer que le Parlement européen s’empare instantanément de chaque parcelle de souveraineté abandonnée par les États. Malheureusement, les choses ne se sont pas passées ainsi. Le Parlement européen, seule instance théoriquement détentrice de la légitimité populaire, s’est privé à la fois de son pouvoir normatif et de son pouvoir de contrôle. Le Parlement européen n’est aujourd’hui qu’une chambre d’enregistrement pilotée par les chefs des partis nationaux.

Les États généraux de l’Europe

Et pourtant ! C’est peut-être au sein de l’Assemblée de Strasbourg que viendra la renaissance. Harald Greib, vice-président du Laboratoire Européen d’Anticipation Politique, suggère un scénario enthousiasmant. Étant donné qu’il ne faut rien attendre des pouvoirs nationaux, la prise de pouvoir ne pourra se faire qu’au sein de la seule enceinte transeuropéenne ouverte au scrutin démocratique, le Parlement européen. Harald Greib estime qu’un jour les députés européens, quand la crise existentielle de l’Europe aura atteint son paroxysme, devront se constituer en États généraux pour débattre enfin des vraies questions de fond. Et de ce débat pourra naître la volonté de s’ériger en assemblée constituante. Les députés européens, détenteurs de la légitimité démocratique, feront ratifier la nouvelle constitution par un référendum transeuropéen, constitution qui s’appliquera non pas à l’ensemble des 28 membres de l’Union, mais aux 18 membres de la zone Euro. Cette Europe à 18, homogène et démocratique, dotée d’une constitution et de sa monnaie, attribut de souveraineté et outil de sa puissance économique, se forgera ensuite sa diplomatie et son système de défense et d’intervention. Bien sûr, ce serait une révolution. Mais les situations extrêmes appellent les actions radicales. C’est une tâche immense. Mais ne pas la tenter équivaudrait à passer à côté de l’Histoire. Réussir serait servir les intérêts et la grandeur des peuples européens.

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r roudier.jpegLire aussi le remarquable ouvrage de Richard Roudier sur le redécoupage de la France!
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dimanche, 29 janvier 2012

La voie écossaise vers l’indépendance

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Amelie WINTHER:

La voie écossaise vers l’indépendance

Un référendum devrait avoir lieu en 2014

L’hymne national de l’Ecosse est, comme pour toutes les autres composantes du Royaume-Uni, le “God Save the Queen”. Mais lorsque les équipes écossaises de football ou de rugby se préparent à un match, c’est le chant “Flower of Scotland” que le public entonne. Déjà la première strophe évoque la lutte des Ecossais pour l’indépendance sous la conduite de leurs héros nationaux William Wallace (“Braveheart”) et Robert the Bruce: “Quand reverrons-nous des pareils à vous qui avez combattu et êtes morts pour votre petite portion de colline et de vallée, et qui avez défié l’orgueilleuse armée d’Edouard et l’avez renvoyée chez elle, pour qu’elle y réfléchisse à deux fois...”.

Le Roi Edouard I était l’adversaire des combattants écossais de la liberté au 13ème siècle. Il avait au préalable soumis le Pays de Galles, jusqu’alors indépendant. Le temps des héros courageux est certes passé, dit l’hymne, “mais nous pouvons quand même nous soulever et redevenir cette nation qui a défié l’orgueilleuse armée d’Edouard”. Outre le chant “Flower of Scotland”, il y en a d’autres, tout aussi célèbres comme “Scotland the Brave” (“Pays de mes peines, Pays de la rivière enchanteresse, Pays de mon coeur pour toujours, toi, ô brave Ecosse”) et “Scots Wha Hae”; les Ecossais d’aujourd’hui considèrent ces magnifiques chants comme les hymnes non officiels de leur pays. “Scots Wha Hae” est dû à la plume du poète national Robert Burns, dont le plus célèbre poème est “Auld Lang Syne”. Dans ce poème, Burns interprète l’allocution que Robert the Bruce fit devant son armée juste avant la bataille de Bannockburn.

Les césures de l’histoire dans les Iles Britanniques

Il existe donc en Ecosse trois hymnes non officiels, dont les paroles évoquent le refus de la tutelle anglaise et expriment sans le moindre détour une volonté de demeurer libre: c’est très significatif pour les césures que l’histoire a installées entre l’Ecosse et l’Angleterre. Avant l’union des deux royaumes en 1707, il y a eu des siècles de conquêtes et de résistances. Depuis l’union de 1707, les deux pays sont liés au sein du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande (puis “Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord”). Pourtant, au cours de ces dernières années, la question se pose de plus en plus souvent: combien de temps cette union durera-t-elle encore?

 

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Ce qui est est en train de se passer aujourd’hui en Ecosse peut être considéré comme les signes avant-coureurs des derniers soubresauts d’un Empire qui a cru sortir grand vainqueur des guerres mondiales du 20ème siècle mais qui appartenait en fait au camp des vaincus (qui s’ignorent ou veulent s’ignorer). L’insistance actuelle des Ecossais pour obtenir l’indépendance vis-à-vis de Londres peut se lire comme le dernier acte d’une pièce de théâtre qui jouerait le déclin d’un ancien empire mondial, qui, malgré ses victoires militaires et l’engagement de forces humaines et matérielles considérables, a finalement tout perdu.

Un premier ministre écossais accusé de “populisme”

D’après Alex Salmond, premier ministre d’Ecosse, et donc le plus puissant des hommes politiques du pays, et son parti, le SNP (“Scottish National Party”), les Ecossais devraient se prononcer en 2014, lors d’un référendum, pour ou contre un avenir détaché de la tutelle londonienne. Le 24 juin 2014, les Ecossais célèbreront pour la 700ème fois leur victoire sur les Anglais lors de la fameuse bataille de Bannockburn. La date est donc symbolique.

Le SNP domine au Parlement d’Edimbourg depuis 2007 et, depuis 2011, il y domine seul, sans alliance ni cartel. Lors des dernières élections, il a obtenu la majorité absolue.

Quand un homme politique réclame l’auto-détermination nationale, on lui colle tout de suite sur le dos l’étiquette péjorative de “populiste”. Ainsi, pour donner quelques exemples, le “Rheinische Post” allemand, en janvier 2012, a écrit, dans son édition en ligne: “Le populiste Alex Salmond, 57 ans, ne disposait jadis d’aucune force réelle, en tant que chef d’un gouvernement minoritaire, pour pouvoir réaliser cette promesse”. Par ailleurs, le “Spiegel” de Hambourg, a commenté la situation actuelle en Ecosse comme suit: “Le Führer du SNP, Salmond, est considéré par tous les partis établis comme un pénible populiste et ils aspirent tous à ce que sa rhétorique en faveur de l’indépendance de l’Ecosse soit enfin démasquée. ‘Plus le référendum arrivera tôt, mieux cela vaudra’, écrit le député travailliste écossais Douglas Alexander dans le ‘Telegraph’”.

Quant à l’Université de Münster, elle formule la remarque suivante, dans un travail sur le “populisme” aux Pays-Bas et en Allemagne: “Le concept de ‘populisme’ est un concept mouvant. Les politiciens aiment l’employer et l’emploient souvent dans les querelles où ils confrontent leurs opinions. Le ‘populisme’ est une étiquette utilisée de manière inflationnaire; elle s’utilise d’autant plus souvent qu’elle ne reflète aucune clarté quant à son contenu”.

Etymologiquement parlant, “populisme” désigne en fait une politique qui s’efforce de créer une proximité particulière avec le peuple. Le dictionnaire allemand “Duden” donne pourtant la définition suivante: ce concept désigne, pour lui, une politique d’opportunisme, visant à “gagner les faveurs des masses”. Savoir si Alex Salmond a réellement les masses derrière lui, on ne le saura qu’après le référendum. Douglas Alexander, que nous venons de citer, n’est pas le seul à croire que Salmond postposera ce référendum le plus longtemps possible parce qu’il ne peut pas encore gagner une majorité d’Ecossais à son projet indépendantiste. “Le SNP joue sur le temps, parce qu’il n’a pas de réponses à toute une série de questions fondamentales”, estime David McLethie. Ce dernier siège pour le compte du parti conservateur écossais au Parlement. Ses “Tories” militent pour l’union avec l’Angleterre. Une Ecosse indépendante? En tout cas, sans eux...

Londres tente de freiner le processus

Le premier ministre britannique David Cameron a fait un pari: il ne faut pas laisser de temps au SNP pour diffuser parmi les électeurs ses vues et propositions. Plus le référendum arrivera vite, plus on aura de chances de maintenir les Ecossais dans le Royaume-Uni: tel est le calcul de Cameron. Voilà pourquoi il a proposé, à la mi-janvier 2012, que le référendum se tienne le plus rapidement possible.

Au sein du cabinet, on venait, une fois de plus, de discuter d’une loi accordant une large autonomie financière à l’Ecosse. Au cours de ces discussions, on a exigé, très nettement, que les conditions du référendum ne soient pas élaborées à Edimbourg mais à Londres. Endéans les dix-huit prochains mois, a-t-on suggéré, le référendum devra avoir lieu. Il ne devrait y avoir qu’une seule question à poser aux Ecossais, rapporte le “Neue Zürcher Zeitung”, en nous parlant de la “lutte tactique pour l’avenir de l’Ecosse”, et à cette question, il ne faudra répondre que par “oui” ou par “non”. En simplifiant le référendum de cette façon, on veut éviter que Salmond ne propose une alternative, une sorte de variante intermédiaire, qui offrirait un maximum d’autonomie à l’Ecosse, afin de parer à une défaite cuisante lors du référendum.

Le vice-président du parti de Salmond, Nicola Sturgeon, a expliqué, à ce propos, que les conservateurs anglais veulent influencer des décisions qui ne concernent que le seul peuple écossais. Mais en procédant de la sorte, le gouvernement de Londres n’obtient que le contraire  de ce qu’il souhaite en réalité. Le soutien populaire à l’indépendance ne ferait alors que croître. “Dans leur coeur, les Ecossais ne veulent pas d’une séparation totale”, pense Cameron, envers et contre tout. L’Union de 1707 a finalement été “l’un des partenariats les plus efficaces à l’échelle mondiale”. Salmond perçoit les choses différemment. “Plus il parle, mieux cela vaut pour la cause de l’indépendance”. C’est, de fait, ce que prouvent les sondages.

La BBC commente à son tour: entre les gouvernements britannique et écossais, une “guerre des mots” fait rage.

AlexSalmond-Edit-1024x1006.pngAngus Robertson est chef de la fraction SNP. Sur le site internet de son parti, il commente les assertions intrusives de Cameron: “Il est clair que la balourdise de David Cameron, à vouloir sauver la vieille union, s’est avérée contre-productive dès que les Ecossais ont entendu parler des possibilités que leur offrirait l’indépendance. Toutes les démarches qu’ont entreprises les partis anti-indépendantistes depuis l’immixtion désordonnée de Cameron n’ont suscité qu’un désir général d’indépendance et l’ampleur de ce désir montre que nous pouvons être confiants d’obtenir un ‘oui’ lors du référendum prévu pour l’automne de l’année 2014”. Le soutien à l’indépendantisme se perçoit également dans l’augmentation du nombre des membres du SNP: “Personne ne se soucie autant du développement de l’Ecosse que ceux qui y vivent. C’est pourquoi ce ceux eux, et non d’autres, qui doivent recevoir le pouvoir de décision”.

Aux questions du journal allemand “Die Welt”, Robertson avait exprimé sa conviction: “Nous avons maintenant les meilleures chances de faire passer l’indépendance. Les autres partis sont dépourvus de direction et d’orientation”. Robertson dirige la campagne en faveur du référendum sur l’indépendance. En 2007 et en 2011, où il détenait aussi cette fonction de chef  de la campagne électorale, il avait conduit son parti au succès lors des législatives.

Le pétrole écossais

Avec le slogan “It”s Scotland’s oil” (“C’est le pétrole écossais”), le SNP avait déjà séduit les électeurs dans les années 70. Pour la prochaine échéance importante, c’est-à-dire le référendum sur l’indépendance, les riches gisements de pétrole de la Mer du Nord, face aux côtes de l’Ecosse, joueront un rôle non négligeable. En octobre dernier, quatre entreprises énergétiques, parmi lesquelles des géants du marché tels BP et Shell, annonçaient qu’elles voulaient investir dix milliards de dollars pour prospecter les nouveaux gisements à l’Ouest des Iles Shetland. L’Ecosse veut profiter de cette manne plus qu’auparavant. Le ministère britannique des finances a glané près de 360 milliards d’euro au cours de ces quarante dernières années grâce au pétrole de la Mer du Nord. “Londres a suffisamment gagné grâce au pétrole écossais. Au cours des quarante prochaines années, ce seront les citoyens d’Ecosse qui en profiteront”; ces paroles sont extraites du discours de Salmond lors de la diète du SNP.

90% du pétrole qu’exploite la Grande-Bretagne se situe, géographiquement parlant, sur le territoire écossais. Raison pour laquelle, selon les partisans de Salmond, il est injuste que les dividendes de ce pétrole, fournis par les taxes payées par l’industrie et par les impôts directs, aillent dans l’escarcelle du ministère londonien. Les nationalistes écossais veulent réaliser d’autres projets avec cette manne pétrolière. Salmond veut l’investir dans un fonds d’Etat et suivre ainsi l’exemple de la Norvège, également devenue riche grâce à son pétrole. Ce système à la norvégienne permettrait d’obtenir sur le long terme une rente stable.

Londres accepte de rencontrer Alex Salmond

Comme on l’a appris courant janvier, le premier ministre britannique David Cameron veut rencontrer Alex Salmond pour discuter des projets relatifs au référendum. Les préparatifs pour cette rencontre se réaliseraient “dans les prochains jours”. Michael Moore, secrétaire d’Etat britannique pour les affaires écossaises, a également annoncé qu’il voulait rencontrer Salmond. Celui-ci, une fois de plus, a fait savoir par un intermédiaire: “Voilà une évolution des choses qui est la bienvenue; cela constitue un véritable progrès”.

Le vice-président du SNP, Sturgeon, commente cet événement survenu au 10 Downing Street: “Il faut rappeler que c’est d’abord Alex Salmond qui a proposé une rencontre avec le premier ministre et le vice-premier ministre, mais que cette proposition, dans un premier temps, a été rejetée. C’est un fait: ils ont réfléchi et ils ont changé d’avis”. D’après Salmond, Cameron aurait déjà refusé six propositions de rencontre. Le porte-paroles de Salmond a aussi rappelé que les Britanniques proposeront en date du 25 janvier 2014 une ébauche détaillée sur le référendum. “Après cela, on l’espère, les rencontres pourront avoir lieu”.

Un résultat positif lors du référendum n’aurait aucun caractère “obligatoire”, serait simplement consultatif et constituerait la première étape dans des négociatios très dures avec Londres. Mais si la volonté du peuple écossais se manifeste pour dire qu’elle ne veut plus de l’union, la voie vers l’indépendance sera tracée.

Amelie WINTHER;

(article paru dans “DNZ”, Munich, n°4/2012 – 20 janvier 2012).

lundi, 16 janvier 2012

L’Ecosse veut l'indépendance, Londres est contre

L’Ecosse veut l'indépendance, Londres est contre

Ex: http://mbm.hautetfort.com/

 

 

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Le parti nationaliste écossais estime que seul le parlement national peut décider quand et comment organiser le référendum sur l'indépendance. Londres affirme que cela est contraire à la législation du Royaume-Uni.Alex Salmond propose de donner le droit de vote à partir de 16 ans. Londres estime que seules les personnes ayant atteint 18 ans peuvent voter.

Avant le Nouvel an, le premier-ministre de l’Ecosse Alex Salmond, menaçait seulement d’une possibilité d'organiser un référendum d'ici à cinq ans. Mais le processus a rapidement pris de l'ampleur. Et déjà, la date des élections a été annoncée: il s’agit de l’automne 2014. En fixant la date du référendum, Alex Salmond a annoncé qu'il est prêt à mener des pourparlers avec le premier-ministre britannique sur cette question. David Cameron a accepté cette proposition, mais a rappelé que la décision d’organiser un référendum dans n’importe quel pays constitutif du Royaume-Uni, selon la loi, ne peut être prise qu’à Westminster. Cameron s’est dit favorable à un référendum en 2013, mais Salmond insiste sur 2014, la date qu’il a fixée. En réponse, le premier-ministre britannique a déclaré qu'il n'allait pas à dicter les conditions aux écossais.

«Je crois de tout mon cœur en une Grande-Bretagne unie», a précisé Cameron. «Je crois que nous sommes plus forts lorsque nous sommes ensemble et non pas divisés en plusieurs parties. Nous devons, évidemment, respecter le choix des Ecossais, qui ont voté pour les nationalistes lors des dernières élections, mais il faut savoir clairement à quel point serait légitime le déroulement d’un referendum sur l’indépendance du point de vue de la loi. Organisons des débats, mais gardons l'intégrité de notre pays».

Pétrole comme enjeu de l’indépendance

Si l'Ecosse organise un referendum et décide de se séparer du Royaume-Uni, cela conduirait à des problèmes économiques sérieux pour la Grande-Bretagne. Se posera alors la question de la répartition de la dette britannique, de la place du nouvel Etat au sein l'UE, et même l'avenir des sous-marins britanniques nucléaires basés sur la côte ouest de l'Ecosse posera problème. Ce «divorce» conduira à de graves perturbations sur les marchés financiers et dans le secteur bancaire. Mais le plus important, c’est la question du pétrole qui fera surface. De très nombreuses plates-formes pétrolières britanniques sont implantées dans la mer au large de la côte Est de l'Ecosse. Et sur cette question, les nationalistes écossais n’ont aucun doute. Ils veulent garder toutes les réserves du pétrole de la mer du Nord pour eux. Lors d'une audition au parlement britannique, le leader de l'opposition travailliste Ed Milliband a déclaré que la décision de l'indépendance de l’Ecosse portera un coup sérieux à l'économie britannique.

«La décision que nous prenons aujourd'hui, sera fatidique. Et si nous prenons une mauvaise décision, nos enfants et nos petits-enfants seront obligés de vivre avec», affirme-t-il.

Un référendum qui n’est pas pris au sérieux

Mais les hommes politiques de Westminster, ont vraisemblablement tendance à penser que la vraie séparation n’aura pas lieu. Comme l'a expliqué Cameron, les nationalistes écossais aiment le verbiage au sujet de l'indépendance, mais ils esquivent une conversation de fond à ce sujet. Les partis politiques écossais sont d'accord avec ces affirmations, en qualifiant les nationalistes de populistes. L'opposition a même demandé au gouvernement de ne pas attendre, et d’organiser un référendum tout de suite. Même si beaucoup d’Ecossais voudraient voir leur région indépendante de Londres, le timing choisi pour lancer cette discussion n’est pas très bon. Le taux de chômage dans cette région est très élevé, et les Ecossais sont obligés de chercher du travail dans le Sud du pays. Si le référendum avait eu lieu aujourd’hui, la majorité voterait contre l'indépendance, et ce serait une véritable défaite pour les nationalistes qui sont au pouvoir en Ecosse. Selon la presse britannique, si les hommes politiques anglais et écossais ne vont pas pouvoir s'entendre, c’est Cour suprême du Royaume-Uni, qui devra décider si ce référendum doit avoir lieu.