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mardi, 21 janvier 2025

Parvulesco et David Lynch sur le cauchemar US

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Parvulesco et David Lynch sur le cauchemar US

Nicolas Bonnal

Source: https://www.dedefensa.org/article/parvulesco-et-david-lynch-sur-le-cauchemar-us

David Lynch est mort et il ne tournait plus depuis dix-sept ans. Les larmes de crocodile des uns (dont Spielberg) ne doivent pas nous faire oublier l’avarice des autres : qui a cessé en effet de le financer, et sur quel ordre ? Ce n’est certes pas parce que ses films ne rapportaient rien, malgré leur dimension de film-culte qui ne concernait qu’une chapelle peu éclairée. On a sciemment laissé crever son cinéma. D’un autre côté j’ai assez fréquenté Kubrick pour savoir qu’un long silence au cinéma est parfois préférable à une myriade d’opus ratés. Perte d’inspiration, disent les idiots ? D’autres savent qu’il vaut mieux se taire et mirer l’écran blanc. Certains maîtres dépérirent sous le nombre de leurs films sans inspiration : Godard, Resnais, Ridley Scot… Roule, torrent de l’inutilité, comme dit Montherlant.

Imdb.com a dit un jour que les trois plus grands cinéastes étaient Hitchcock, Kubrick – j’ai écrit sur les deux – et David Lynch, sur qui j’ai hésité d’écrire : je me demande en effet s’il y a tant à dire sur lui. Et comme en plus il y a selon moi du politiquement incorrect…

Soyons brefs et synthétiques :

Lynch est le témoin de la montée de l’horreur dans les années Kennedy-Johnson. Le bon vieux temps va être remplacé, que MAGA pleure encore (l’américain est plus nostalgique que l’apathique froncé qui a laissé son pays se dézinguer sans réagir, même culturellement). Le pays se désintègre sur tous les plans sous la poussée étatique et migratoire (voyez entre autres Paul Johnson ou l’excellent Jonah Goldberg sur le fascisme libéral). Ses personnages les plus célèbres, l’homme-éléphant et la tête à effacer, montrent une horreur suinter, celle de la Révolution industrielle, puis de l’écroulement de la société américaine dans les années soixante, dont tous les gens de droite ont parlé, et même John Wayne dans sa fameuse interview dans Playboy. C’est la fin de la race blanche (disons-le nûment), de sa famille, de ses traditions, l’ouverture exotique des frontières entre autres voulue par les frères Kennedy (voyez l’extraordinaire Alien nation de Peter Brimelow), la montée de l’insécurité et de l’orange mécanique (Vivian Kubrick soulagée de quitter New York pour gagner la campagne anglaise, dixit Vincent Lo Brutto) : société multiraciale, drogue, violence ultra, racaille toute-puissante, horreur des paysages urbains, tout ce que décrit Kunstler dans sa Long Emergency. Aux cowboys vont succéder des obèses ahuris de drogues autorisées et de télé, cowboys enfermés dans des territoires protocolaires autoroutiers interminables. C’est la fin de la petite ville blonde de Jane Powell (Small Town Girl, une de mes comédies musicales préférées, voyez mon livre).

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Tout cela pour se demander si le message clairement racial de Lynch (lui-même officiellement partisan de Bernie Sanders, et comme il a raison sur certains plans !) a été compris par l’Ennemi, qui l’aurait puni pour cela ? Cet homme tranquille théoriquement de gauche délivrait un message de blondeur, de nostalgie, parois optimiste (cf. le petit couple survivaliste de Nicholas Cage et la sublime Laura Dern), mais surtout nihiliste et pessimiste : rien ne va rester de l’ordre ancien. Et comme nous perdons en même la tête et la mémoire… Blue Velvet avec son oreille et non son temps retrouvé  décrit cette atmosphère de petite ville US sortie des films de Negulesco ou de Douglas Sirk, petite ville fragile si détestée par l’élite, qui va être liquidée par le Deep State et ses représentants, ces élites folles que dénonce alors Christopher Lasch (mais aussi le frère de Paul Auster). Les élites préfèrent l’exotisme à plumes, comme l’a rappelé Gilles Chatelet dans Vivre et penser comme des porcs (livre presque dédié à Attali et Sorman…).

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La critique cannoise célébrait l’atmosphère de sexe hard, de libération sexuelle, de drogue ou de dérive sociale qui marquait les films de Lynch. Elle fut surprise (je me souviens de la réaction d’Elizabeth Quin) par The Straight Story qui narre l’aventure routière d’un vieil homme, père d’une fille handicapée et soucieux d’aller retrouver son frère sur sa tondeuse à gazon (éloge de la lenteur !) à quelques centaines de kilomètres de là. Cadre enchanteur, mais c’était le Canada d’avant Trudeau. Ici Lynch jetait un peu son masque et l’insuccès auprès d’un public toujours plus hébété précipita sa chute. Mulholland Drive qui se voulait un film sur une série télé façon Twin Peaks (belle peinture de la déchéance US avec un casting de jeunes d’une beauté sensationnelle et les plus beaux paysages du monde dans l’Etat de Washington), s’avéra en fait et en définitive un «pilote» raté qui n’intéressa pas les télés – comme les derniers Columbo qui décrivaient très bien et presque involontairement (donc excellemment) la déchéance intégrale de la société américaine sous les années Bush et Clinton, nos mondialistes consacrés. Le dernier film tourné en Bulgarie m'était apparu comme insipide : je maintiens que le plus dur chez Lynch c’est cette angoisse de la pellicule blanche qui frappe d’autres petits maîtres comme Jarmusch ou Payne (en France qu’avons-nous avec notre cohorte de cinéastes subventionnés par l’Etat-PS ?) et cette fatigue de décrire ou de refléter une réalité qui ne cesse de disparaître, conformément aux prédictions de Debord dans les années soixante.

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Je termine par une citation de Jean Parvulesco dans Retour en Colchide (merci au fidèle lecteur Paul), livre où il parle étrangement de mon rapport avec un Grand Monarque, que j’ai connu et qui n’a pas reçu l’accueil qu’il méritait. Avec Parvulesco nous parlions souvent à La Rotonde du jeune Godard (génie éblouissant c’est certain) qu’il avait inspiré, de Kubrick, de Hollywood (comme son texte sur ce grand incendie rituel et sacrificiel nous manquera !), et bien sûr de Rohmer et de Schroeder. Jean réagit très fortement à Eyes Wide Shut de Kubrick. Mais grâce à mon lecteur Paul je trouve ces lignes sur le triomphe du satanisme dans la société américaine et occidentale, lignes inspirées par Mulholland Drive :

« …Car ce film de David Lynch  est en réalité le récit - la mise en scène de sa propre désintégration en marche et partant d’une certaine désintégration totale de ce monde, ramenant à la superbe séquence finale du basculement général dans la démence collective totale coïncidant d’une manière sous-entendue avec une prise en possession définitive par les Enfers.

En dernière analyse, Mulholland Drive signifie et annonce l’engagement peut-être irréversible de l’actuelle soi-disant civilisation américaine vers une conclusion infernale, vers la pétition de plus en plus paroxystique de sa prise en main par les pouvoirs occultes des soubassements nocturnes de ce monde. Par leur glissement fatal sous la Régence des Ténèbres. »

Il n’y a rien à ajouter. Le triomphe de Satan me semble évident en France comme en Amérique maintenant – et très bien accepté. Je pense encore que si j’écris un bref livre sur Lynch j’y inclurai un texte sur le cinéma néo-noir. Le cinéma noir ou néo-noir est ce qui permet de rentrer dans la graisse de la société bourgeoise et moderniste, de lui en extraire le lard. Le plus grand film en la matière, qui annonce Lynch, l’incontournable reste Point Blank de John Boorman, qui narre la destruction de la société américaine par le capitalisme modernisé (voyez mon texte sur Robert Reich et les manipulateurs de symboles), entité qui adore dévorer ses enfants inconscients.

Le mystère de Twin Peaks - Derrière le surréalisme des films de David Lynch

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Le mystère de Twin Peaks

Derrière le surréalisme des films de David Lynch

Alexander Douguine

J'ai récemment participé à un programme consacré à David Lynch dans le cadre du « projet Decameron », dans lequel plusieurs personnalités dialoguaient en ligne, racontant différentes histoires et discutant de différents films. L'émission s'intitulait « Guide to Kulchur ». J'ai été invité à parler de David Lynch. L'animateur et moi avons eu une conversation très intéressante. Je vais vous en raconter les principaux détails.

Bien que Lynch soit considéré comme un postmoderniste, un réalisateur populaire parmi les hipsters et les libéraux, l'organisateur du projet Guide to Kulchur, un conservateur de droite (Fróði Midjord) a déclaré qu'il aimait Lynch (se mettant ainsi probablement en opposition avec la plupart de ses propres partisans). J'ai répondu que j'étais un conservateur russe, mais que j'aimais aussi Lynch.

Mon collègue a remarqué que dans Twin Peaks, toute l'action se déroule dans une petite ville américaine sans bourse ni migration, où vivent des Américains ordinaires et classiques, et où tout ce qui leur arrive a le charme de la tradition aux yeux des Américains modernes. Twin Peaks est une sorte d'utopie conservatrice. Les gens marchent lentement, tout le monde se connaît, ils sont familiers avec les particularités de chacun ; même si les relations sont parfois exotiques et surréalistes, il s'agit de relations humaines. Elles ne font pas partie de la machine urbaine. C'est une utopie rurale américaine.

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Je n'avais pas envisagé Twin Peaks sous cet angle, mais j'ai été heureux de le soutenir. Peut-être que pour les Américains avec leur culture spécifique, Twin Peaks est l'Amérique profonde, une vision de l'Amérique défendue par ceux qui ne sont pas d'accord avec la mondialisation, le libéralisme de gauche, la société civile, Soros, Obama, Clinton.... En quelque sorte, l'électorat de Trump, ou les gens ordinaires.

Il est intéressant de constater que lorsque Lynch montre les habitants de Twin Peaks comme des personnes extrêmement étranges vivant au bord de la folie, impliquées dans les perversions les plus profondes et se tenant au seuil de l'au-delà (qui envahit de temps en temps leur vie) - il s'agit toujours d'un monde idéal, pastoral et positif comparé au cauchemar que représentent les grandes villes américaines - paysages urbains, Art nouveau américain, l'opposé du backwoods.

Si la schizophrénie surréaliste d'une petite ville américaine est une antithèse positive (aux yeux de certains conservateurs) de l'Amérique urbaine, de Wall Street et des grandes entreprises, cela en dit long sur la société américaine. Il ne m'est jamais venu à l'esprit de voir Twin Peaks comme Macondo dans « Cent ans de solitude » de Marquez... Comme un monde idéal, une utopie. Et pour les Américains, peut-être une perspective possible...

Ensuite, nous avons parlé de la vraie Amérique, celle des petites villes comme Twin Peaks. J'ai noté comment Lynch reconstruit subtilement la structure à trois niveaux de l'image traditionnelle du monde. Avec de l'ironie, des rebondissements ironiques... Mais en fait, ce qui est étrange dans Twin Peaks, c'est que l'action se déroule sur trois niveaux à la fois.

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Aussi étrange que cela puisse paraître, il s'agit d'une caractéristique traditionnelle du théâtre classique, où, outre les actions dans le monde du milieu, deux dimensions supplémentaires sont impliquées. Dans Twin Peaks, il s'agit de la Black Lodge et de la White Lodge. Elles sont en contact avec le monde de Twin Peaks - nous n'entendons pratiquement pas parler de la Loge Blanche, mais beaucoup de la Loge Noire. L'invasion de la vie mesurée de Twin Peaks par la Black Lodge crée des tourbillons, des distorsions de la vie spatiale et existentielle qui sont l'essence même du récit de Lynch.

En fait, Lynch reconstruit une ontologie tridimensionnelle, qui relève de la tradition classique du christianisme, des mythologies indo-européennes, des traditions non chrétiennes, grecques, etc.

Nous vivons dans l'une des dimensions, qui est conditionnellement au centre, et au-dessus et au-dessous de nous, il y a d'autres mondes. La Black Lodge de Lynch correspond à la mythologie classique, étant composée de nains ou de géants. Tous deux sont des types post-anthropologiques limites, entre lesquels nous trouvons l'humain. Les géants et les nains représentent des figures limitrophes nécessaires qui rappellent à l'homme la relativité de ses positions. De même, la présence de la Black Lodge et de la White Lodge souligne les limites de la compétence humaine. Là où commence la sphère d'influence de la Black Lodge, là explose la frontière de la compétence humaine. En particulier, Twin Peaks traite de l'invasion de Bob venu du monde inférieur, qui s'empare de Leland, le meurtrier, puis de Dale Cooper lui-même. C'est alors que la vision tridimensionnelle de la structure du monde change complètement d'accent: le surréalisme de Lynch cesse alors d'être dénué de sens comme il peut sembler l'être à première vue.

Lynch lui-même nous a dit que sa façon de faire un film n'est pas un scénario tout fait, mais plutôt un scénario qui est tourné et créé pendant qu'il est filmé. Ils savent seulement où ils vont - ils dessinent leur récit au fur et à mesure qu'ils se développent. Et parce qu'ils sont sensibles à l'influence des dimensions parallèles (en particulier la dimension inférieure), ils sont capables de reproduire brillamment l'atmosphère de suspense, les attentes.

Non seulement les spectateurs sont surpris par les rebondissements de l'intrigue, mais Lynch lui-même ne les connaît pas à l'avance. Il présente l'opportunité, et le film se tourne de lui-même. Cette attention aux dimensions supplémentaires (dont Lynch lui-même parle souvent) est le secret de la crédibilité de son film. Et Lynch lui-même est humble - il dit qu'il n'y a pas de réponse exacte. Qui a tué Laura Palmer ? En général, il ne voulait pas que le public discute de l'identité du meurtrier, mais la banale conscience américaine exigeait une fin heureuse, et les financiers étaient obligés d'accuser le père de Laura Palmer d'un crime irrationnel. Et ce, même si, dans la troisième saison, Lynch a ramené Laura Palmer à la vie, comme pour dire : « Vous pensiez avoir tout compris ? Vous n'avez rien compris. On ne comprend rien à Twin Peaks. Pour comprendre Twin Peaks, il faut vivre dans Twin Peaks, il faut entrer dans ce monde, il faut passer derrière les oscillations des invasions étranges qui, par une logique incompréhensible, sans l'algorithme habituel, se retrouvent dans la vie de la population, des citoyens de Twin Peaks, dont l'un parle avec son propre pied, l'autre - avec une bûche...

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Mais progressivement, dans la conversation avec son pied, nous trouvons une référence à la philosophie du parlement des organes dans le post-moderne, la conversation d'une femme avec la bûche - ontologie orientée objet, quand la bûche est un certain sujet, ou même un objet radical qui supprime la complexité et l'intensité de la présence humaine dans le monde. Les visites périodiques de Lynch à la Black Lodge (on parle moins de la White Lodge - elle existe aussi, mais son influence est insensible, surtout dans le monde moderne) deviennent de plus en plus lumineuses et, dans un sens, on peut considérer la création de Lynch comme une chronique de l'invasion infernale, lorsque des entités intracorporelles pénètrent dans notre monde et commencent à l'influencer activement. Mais même si elle rencontre une certaine résistance, même la vie américaine traditionnelle est incapable de construire une véritable forteresse face à la Black Lodge, qui devient de plus en plus sûre d'elle, s'emparant de différents vecteurs, et nous entrons progressivement dans le domaine des miracles noirs.

La troisième saison, à mon avis, est beaucoup plus sombre que les précédentes - quelque chose a changé dans l'ontologie des Américains eux-mêmes, ou peut-être de chacun d'entre nous. La résurrection de Laura Palmer et son dernier cri (lorsqu'elle est morte et qu'il s'avère qu'elle ne l'était pas) sont comme le miracle noir de l'Antéchrist - c'est comme le miracle de la résurrection, mais il n'a pas de suite. Le noir ne signifie pas le fait d'être noir, mais un manque total de signification. Pour Laura Palmer, cette résurrection noire sans l'aide des forces de la lumière est une parodie fondamentale des temps récents.

En ce sens, Lynch dépeint l'invasion globale de ce qui se trouve sous la ligne de fond de la réalité humaine. En ce sens, son œuvre peut être considérée comme une preuve précieuse. Elle peut être interprétée comme postmoderne, mais le manque de sens de Lynch n'est pas une exploitation. C'est un point important, une hypothèse que j'ai émise au cours de cette conversation. Lynch est à égale distance de ceux qui ne comprennent pas ce qui se passe dans le monde moderne ; il peut les aimer, les inspirer ou les effrayer, les attirer, mais il n'est pas l'un d'entre eux.

Ce qui le distingue des maîtres de la falsification et du codage à Hollywood, c'est qu'il n'exploite pas l'idiotie des masses (il ne libère pas les masses de l'idiotie, mais il ne les exploite pas non plus). Il est exactement à mi-chemin entre les révolutionnaires (les films d'art et d'essai, qui deviendront un cinéma culte, révélant toute la vie et la profondeur de la chute) et les masses (bien qu'il n'exploite pas les goûts de la foule). En cela, je pense qu'il est plus proche de Tarantino, car il est sur le fil. Il ne fait pas un pas ni vers les masses, ni pour les sortir de ce rêve.

Cette ambiguïté, cette dualité du propos cinématographique de Lynch crée l'ironie. En grec, « ironie » signifie dire une chose et en signifier une autre. C'est le sens d'une rhétorique basée sur la courbure d'un énoncé direct et logique.

Le langage et l'art de Lynch déforment la réalité de manière à ce que quelqu'un puisse voir une chose dans un énoncé tout en sous-entendant l'autre. Mais ce n'est pas tout à fait ainsi que cela fonctionne dans le cas de Lynch. J'aimerais beaucoup que les gens essaient d'interpréter ce que dit Lynch. Il dit « A » - nous comprenons qu'il veut dire quelque chose d'ironique, une autre lettre, une lettre que personne ne connaît. Mais ce qui est intéressant, c'est que Lynch ne la connaît pas non plus. C'est la dualité et l'ironie métaphysique profonde de ses films.

17:15 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : david lynch, cinéma, alexandre douguine | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

lundi, 20 janvier 2025

David Lynch s’en est allé: un chaman du cinéma et un expérimentateur surréaliste

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David Lynch s’en est allé: un chaman du cinéma et un expérimentateur surréaliste

Le réalisateur de Dune et Twin Peaks est mort à 78 ans d’un emphysème

par Giovanni Balducci

Source: https://www.barbadillo.it/118442-se-ne-va-david-lynch-sciamano-del-cinema-e-sperimentatore-surrealista/

David Lynch s’en est allé : réalisateur, acteur, expérimentateur dans le domaine de la peinture, musicien, écrivain, un artiste aux multiples facettes. Jeune homme, il voyagea en Europe pour rencontrer les derniers représentants des avant-gardes du 20ème siècle. Après des années passées comme peintre et réalisateur de courts-métrages, il fit ses débuts dans le cinéma américain en 1977 avec son premier long-métrage, Eraserhead. Ce film, avec sa vague électrique sombre – qui deviendra la marque de toute son œuvre – éblouit la scène cinématographique mondiale.

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Humour noir et frisson métaphysique, les recoins secrets de la psyché (et son empire sans limites, comme dans Inland Empire), l’obsession et la folie (mais aussi la terreur d’être père, dans Eraserhead), la perversion et l’aspiration au ciel (admirablement exprimées dans l’épopée de Twin Peaks à travers l’ange/démon Laura Palmer), l’Amérique profonde avec ses collines verdoyantes et ses sombres mystères (qui servaient déjà de décor à Poe et Lovecraft), mais aussi l’univers tourbillonnant d’Hollywood (comme dans Mulholland Drive), les femmes fatales (comment oublier l’iconique Audrey Horne (photo), avec ses yeux félins et ses mouvements de déesse égyptienne) et le cabaret (on pense à l’envoûtante Isabella Rossellini – longtemps sa compagne – dans Blue Velvet), les danseuses, les nains… et les géants, les campus universitaires avec leurs reines de beauté et leurs brutes en cabriolet : toute l’épopée américaine, en somme, entre Gatsby le Magnifique et le capitaine Achab, se retrouve chez Lynch.

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Le suspense du polar aux résonances ésotériques (pensons à l’agent du FBI aux pouvoirs ESP Dale Cooper, interprété par son acteur fétiche Kyle MacLachlan, ou à l’agent Gordon, qu’il incarnait lui-même dans Twin Peaks), les figures de puissants corrompus, liés à Bob, incarnation du Mal ontologique, et à la non moins terrifiante Jody ; la Loge noire et la Loge blanche, anges et démons, bons et méchants. Comme dans Dune, où l’on cherchait l’“Épice”, les entités errant autour de Twin Peaks préfèrent la “Garmonbozia” : une ambroisie extraite de la douleur humaine, tandis que ces mêmes humains se font la guerre pour de l’argent.

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Tout cela, et bien plus encore, a été représenté par ce puissant “rêveur” qui vivait “à l’intérieur de son rêve”, pour reprendre l’expression de notre “Monica nationale” (Bellucci, ndlr).

À 78 ans, Lynch avait déjà révélé en 2024 la maladie dont il souffrait: un grave emphysème diagnostiqué après une vie passée à fumer des cigarettes (une habitude qu’il aimait autant que boire son “café noir”). Cette maladie l’empêchait probablement de reprendre une caméra hors de chez lui. Sa famille a annoncé son décès dans un post sur les réseaux sociaux, écrivant : « Il y a un grand vide dans le monde maintenant qu’il n’est plus avec nous. Mais, comme il le dirait lui-même : “Garde les yeux sur le donut, pas sur le trou.” »

Palme d’Or au Festival de Cannes, quatre fois nommé aux Oscars, Lynch a reçu un Oscar d’honneur pour l’ensemble de sa carrière en 2020, l’année de la pandémie, où il divertit son public avec des prévisions météorologiques improbables.

Explorer au-delà du théâtre des conventions humaines et de la banalité du quotidien les forces, matrices, signes et esprits d’un univers où tout est esprit, scrutant les profondeurs de la conscience humaine : tel était le cinéma de Lynch. Telle était la force qui animait Lynch. Un chaman et un métaphysicien hors norme. Le dernier des surréalistes.

Giovanni Balducci

18:56 Publié dans Cinéma, Hommages | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, hommage, david lynch, 7ème art | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook