Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

vendredi, 26 février 2021

Présence de Jean Parvulesco : Rupture du temps indo-européenne

1726432066.jpg

Présence de Jean Parvulesco:

Rupture du temps indo-européenne

 
Par Marc Gandonnière 

Avant-propos de de Laurent James :

Le samedi 12 novembre 2016, quelques pratiquants de la prose enchantée de Jean Parvulesco se réunirent en l’église princière du Monastère de Negru Voda au cœur de la Valachie roumaine, afin de célébrer une Panikhide – Vigile pour le repos du défunt et consolation pour ses proches – lors du sixième anniversaire de la naissance à Dieu du grand écrivain.

Décision fut prise en l’occasion, à l'initiative de son fils Constantin et de ses petits-fils, le Prince Stanislas d'Araucanie et Cyrille Duc de Zota, de fonder le Comité Jean Parvulesco. Celui-ci vise non seulement à entretenir la mémoire de l’écrivain, mais surtout à prolonger sa pensée géopolitique d’avant-garde dans l’histoire contemporaine…

Plusieurs conférenciers intervinrent en suite du service liturgique mémoriel, pour évoquer la personnalité de celui qui écrivait que La géopolitique transcendantale est une mystique révolutionnaire en action, tout en mettant en avant les racines spirituelles du continent eurasiatique. Cette journée confidentielle fut le prodrome des futurs colloques de Chișinău (République de Moldavie) dont l’importance géostratégique est aujourd’hui notoirement reconnue au niveau international.

Une plaquette – conçue et illustrée par Pellecuer – fut éditée à cette occasion sous le titre Présence de Jean Parvulesco, recueillant les interventions de Robert Steuckers, Laurent James, Emmanuel Leroy, Vanessa Duhamel, Iurie Rosca, Alexandre Douguine, et celle de Marc Gandonnière dont le texte est reproduit ci-après.

Ce n’est pas lui faire injure que de révéler que Christophe Bourseiller fut l’un des premiers à commander notre recueil. C’est peut-être la présence ainsi réactualisée de Jean Parvulesco qui lui donna l’idée de partir aussitôt à sa recherche !

La première édition ayant été rapidement épuisée, et considérant les demandes qui nous ont été faites, nous avons décidé de procéder à une nouvelle édition, revue et augmentée.

              Le recueil est disponible exclusivement à la commande, au prix de 12 € (frais de port inclus), à l’adresse suivante :  j_parvulesco@orange.fr

Actualités à suivre sur la page Facebook : Présence de Jean Parvulesco

 Laurent James (https://www.parousia.fr/)

parvulesco.jpg

parvulesco-1.jpg

(c) Laurent Pellecuer

LE SARCOPHAGE DU SOLEIL :

Quand l’épouvante immense des ordalies du non vouloir s’élève au dessus des chairs sollicitées, quand se réveillent en nous les morts d’une race démantelée aux frontières du grand sommeil : aux frontières de l’Inde Aryenne, l’oubli en nous de l’être des principes du souffle pourvoyeur des hauts plateaux analogiques de l’allégeance heideggerienne à l’auvent du sang de Souche ancienne à la noire terre buissonnante de Runes d’Argent, de Vallombreuses ensauvagées quand les fenêtres aveugles du blockhaus supratemporel des nôtres irradient l’insoutenable éclat sur sarcophage que Damian rebâtit en rêve. Ainsi la seconde mort nous vint elle avec l’extinction du soutien de la vallée sous les glaciers d’Europe et désormais nul redressement ne nous sera possible…

L’Histoire elle-même est achevée. La plus grande Histoire… Mais l’Inde restera toujours le coeur du vertige, l’oeuvre de Damian toujours y puisera l’eau brûlante, l’eau vive de ses étincelantes piscines astrales, de ses canalisations sephirotiques dont le discours à peine murmuré dans la nuit de forme originelle reproduit sans fin l’immaculée donation, l’éclat de la Levée Première. Car l’Inde au tréfonds de Damian redevient la terre du seul départ, la terre de la seule arrivée ? Jeune Mère abandonnée au bord de la route au bord du fossé des larmes noires. De quel précipice d’épouvante, de quels effacements s’y reconstitue, ainsi, la chaîne mentale de l’Unique Déesse Clémente… Dans l’eau salvatrice de la baignoire notre double nudité qui lentement devenait nuptiale, cette nudité absolument nouvelle et qui s’imposait d’elle à moi et de moi à elle me paraissait déjà répandre comme une aura de sainteté et de gloire vivante une lumière en quelque sorte Thaborique. Tous bas je répétais en moimême les derniers vers de Benvenita : « Déjà je ne suis plus où je suis, la dérogation de ma pensée rejoint clandestinement le réduit en troncs de sapins sur un rocher d’amnésie, qui mentalement surplombe la gorge de l’ Indus, tous près de l’autre frontière ; les jours sont aveuglants de clarté, et glaciales les nuits en dessous d’un feu de ronces ; or bientôt je ne retournerai plus dans ces draps d’où chaque nuit je prends mon départ là bas ; bientôt j’y resterai à demeure et quand viendront les grandes neiges, on m’enverra aussi l’épouse des hauteurs, la Benvenita, toute nue sous sa tunique de scintillantes haleines blanches, la pourvoyeuse d’être. »

CANTOS PISANOS :

Ainsi marqué par la « Lumière noire d’Apollon » qu’avait entrevue, un jour, Aimé Patri, par cette mystérieuse et troublante « lumière des loups » dont parlent les traditions hyperboréennes de la Grèce antérieure, l’existence d’Ezra Pound n’aura été qu’un long et terible vertige d’écartèlement au-dessus des gouffres intérieurs de l’état d’exil , de l’état de loup garou dans l’appartenance occulte du Dieu Noir, de l’Apollon luimême, crucifié sur les ténèbres intérieures du soleil, au-dessus du Puits du Soleil ?… Nul ne saurait aller au Père si ce n’est par moi. Nul ne saurait être admis à la vision totale solaire impériale, à la fois ardente et limpide d’Apollon Phoïbos, le « resplendissant » s’il n’est descendu lui-même… jusqu’aux tréfonds interdits et obscurs où veille l’Apollon noir, l’instructeur et maître de la lumière hyperboréenne du « Soleil des Loups »… C’est réduire l’Argrund nocturne des origines ontologiques par l’Abgrund pré-ontologique l’intransif… seule la poésie, le sentier Aryen oublié livrera l’ouverture occulte vers les chemins qui portent la délivrance absolue… ce sentier Aryen oublié qui est peut être aussi le sentier Védique de la poésie la plus grande est essentiellement un sentier d’exil de rupture totale, de départ sans retour et de déportation…

3170295690.jpg

Chaque fois que quelqu’un se souvient de ce qui se situe indéfiniment au de-là de l’oubli, le monde de l’oubli disparaît, comme par enchantement, et c’est bien là dans une soudaine rupture des interdits, que réside et se lève le souffle vivant de la part à jamais hors d’atteinte du double mystère hyperboréen – mystère de la glace et mystère du feu agissant à travers la spirale ascendante de « l’éternel retour » du Sang Majeur… Longtemps, très longtemps, à Tübingen, sur les rives du Nukar, Hölderlin sut montrer qu’il n’était plus lui-même, qu’il était devenu définitivement cette Allemagne éternelle dont la figure préontologique était censée illuminer, depuis les hauteurs, la totalité du cycle de destin continental qu’il avait ainsi ramené, lui-même, à ses principes, à son être eidétique, où la Garonne s’identifiant visionnairement hypnagogiquement – avec le Rhin, avec l’Oxus, avec l’Indus, avec la rivière éternelle de l’être se rejoignant lui-même à travers le lointain des Terres, des sables, des gouffres occultes du non être et de ses dominations de l’ombre.

IOSIS :

L’Inde m’est loin, toujours, et la verte Irlande où se meurt elle, déshonorée ontologique et dans la honte ?… Le cher, le très cher roucoulement de l’invisible oiseau, bleu, sombre et rouge profond de l’invisible oiseau polaire de Kalki, teint de sang frais et teint d’un bleu terreux, de l’invisible oiseau Kalki teint d’indigo brûlant et bouillonnant, qui me redit en courtoisie ces mots à bout de souffle, qui me chuchotte les mots mêmes du dormeur royal… in dem innern Indiä et Montselvache localisé avec le Roi Arthur, dans l’Inde Intérieure, l’endroit où, en quittant l’Europe, se seraient retirés les

parvulesco-2.jpg

(c) Laurent Pellecuer

Les mots que je prépare cette nuit de Samhain pour les amis de Jean Parvulesco ne sont pas destinés à convaincre, à informer, pour ajouter à tout ce qu’ils savent et comprennent très bien déjà. Ils sont arque boutés sur divers textes du prêtre Jean Roumain en renfort à celui qui voyait dans l’écriture un combat métaphysique total, afin d’impulser un peu plus la quête de chacun vers ce Graal du grand rêve Eurasiatique Impérial de la fin ou du grand recommencement plus exactement.

Je viens de relire trois textes du Cahier Jean Parvulesco des Nouvelles Editions Européennes paru en 1989 : Deux grands poèmes sidéraux : « Le Sarcophage du Soleil », « Iosis », puis un texte composé à partir des débris d’une épave échouée, un livre perdu comme les mots substitués d’une parole perdue dont il faudra s’accommoder, un texte sur Ezra Poun : « Cantos Pizanos, fragments et notes de ses carnets du Bunker Palace hôtel ». Le départ d’Ezra Pound, son exil, c’est le fait de l’exil de l’Amérique elle-même hors d’elle et c’est notre perte d’un non-lieu, celui du rêve américain comme une répétition de la chute originelle. Le départ de tout poète rend sa terre natale orpheline, terre d’exil. La Roumanie, la France et l’Europe le sont de l’absence de Jean Parvulesco. Mais ce que dit Jean Parvulesco au sujet de Pound, concernant sa générosité, sa charité ardente, son enthousiasme d’homme au milieu des ruines à soutenir toutes les jeunes pousses de relevailles ontologiques, voilà qui s’applique à sa personne. Sa personne, je la regarde, je la devine dans les cendres du poème de Joachin Du Bellay, je regarde dans les cendres, moi qui n’ai su être des vôtres lors des funérailles de notre ami commun « Dites esprits (ainsi les ténébreuses Rives du Styx) non passables en retour vous enlaçant d’un trois fois triple tour n’enferment point vos images ombreuses. » (Les Antiquités de Rome).

vlcsnap-2016-12-29-19h43m36s094_1_orig.png

L’exil de l’Europe, nous ne finissons plus d’en distiller les remugles, d’en poser les pierres tombales. Faut-il remonter à Dante, le Gibelin désenchanté devant la piètre épopée de l’Alto Arrigo, comme il le nomme dans la Divine Comédie ? Henri VII de Luxembourg, Empereur du Saint Empire Germanique était nouvellement élu succédant au Stupor Mundi, Frédéric II de Hohenstaufen. Ce dernier mena la seule victorieuse et la moins meurtrière des croisades en terre sainte. Que reste-il de son rêve Impérial lorsque l’Alto Arrigo meurt en 1313 (empoisonné) sans avoir pu reprendre la chère Florence de Dante ? Et Dante le dernier des hommes civilisé d’Europe comme on parle des derniers pères de l’Eglise, a été déçu. Que devraient dire les rêveurs d’Europe en 2016 : les guerres de religions ont précédé les révolutions, guerres européennes mondialisées, les parodies sanglantes d’Empire, Napoléon, Hitler. Je ne dresse pas le tableau de l’Europe libérale soumise à un autre Empire, rongée par la corruption des lobbies financiers et industriels. Julius Evola avec son idée Impériale et Gibeline dans Le mystère du Graal, cite un vieux conte Italien : « Le prêtre Jean très vieux Seigneur Indien fit apporter à Frédéric II un vêtement incombustible en peau de Salamandre, l’eau de l’éternelle jeunesse et un anneau avec trois pierres chargé de pouvoirs surnaturels, mandat supérieur pour rétablir un lien avec le Roi du Monde. » Pouvons-nous oublier encore la dernière trace laissée dans son journal intime par Joseph De Maîstre : Je pars avec l’Europe, c’est aller en bonne compagnie. (25/02/1882) ? Et qui aurait pu espérer qu’il soit tenu compte des avertissements offerts par le philosophe d’éternité dans ses Entretiens de Saint Pétersbourg X et XI montrant la voie par laquelle il n’y aura d’Europe Catholique ni chrétienne, ni d’Europe tout court.

A propos d’avertissements :

J’ai par devers moi ici un courrier de Jean Parvulesco daté du 26 mai 2000 me remerciant de la signature de mon nomen sacrum Marc Valois apposée à son Manifeste Catholique d’Empire qui disait-il restera. Dans ce courrier Jean Parvulesco abruptement presque me dévoilait ses certitudes sur le contenu du 3ème secret de Fatima en plus de l’attentat contre Jean Paul II : épreuves finales de l’Eglise auxquelles celle-ci n’échappera que si nous autres sommes capables de faire ce que nous devons faire. A l’époque je pensais il faut l’avouer, que les craintes de notre ami étaient infondées, le temps des épreuves et des persécutions, depuis la fin du communisme, étant révolu… Or il y a plus parmi les chrétiens d’orient aujourd’hui de martyres que pendant les premiers siècles de l’Eglise !!! Son courrier précédent, daté du 22 mai de la même année, délimitait l’espace géopolitique concerné par son Manifeste : Europe de l’Ouest, de l’Est, Russie et Grande Sibérie, Inde et Japon. Et de préciser : l’Inde qui est l’épicentre suprême. Cette idée de l’Inde est une grande indidée qui à l’évidence nous liait, car oui, cher Jean Parvulesco, vue sur la carte du Prêtre Jean, l’Europe est un petit cap de l’Asie : Kiptchak/Jagataï/Ilcnan/Jüan !

Dans une autre lettre sur papier à en tête du Groupement Géopolitique pour la plus Grande Inde daté du 31/XII-2008 « Pourriez-vous me faire parvenir une carte-photo de Babaji, il me semble qu’une relation médiumnique vient de s’établir entre lui et moi. »

Le natif Michaëlien de Lisieux en l’année 1929, je n’avais aucune peine à imaginer qu’il parvînt à nouer un lien de cette nature avec un Avatar Immortel Himalayen dont je lui avais juste envoyé une image, attendu déjà la nature psychique et onirique constituant la presque totalité du lien entre nous, fors presque toute relation personnelle et mondaine, sociale.

images.jpg

La nuit du 20 au 21 Octobre dernier, car il m’arrive de ne pas écrire la nuit, mais alors je rêve et je dois écrire ces rêves, j’ai rêvé que j’étais dans un restaurant, dans un salon, face à une femme aux yeux et au teint clairs portant de grands cheveux blonds. Elle me parle de choses secrètes, intimement. Je sais dans ce rêve que cette femme est un personnage de Jean Parvulesco.

Je lui aurais écrit ce rêve, au « prêtre Jean », s’il était encore de ce monde. Il se dégage d’elle une émanation directe du coeur, comme un Amour totalement étranger à ce monde, mais augurant d’un possible.

Je me suis demandé si cette femme était l’Europe. Alors je demande au matin à mon épouse si elle a fait un rêve complémentaire au mien que je tais. Elle me raconte… (nous sommes habitués à cette méthode d’instruction). Tout s’éclaire. Elle a rêvé d’une femme du temps de Louis XI, etc. La morale de son rêve se résume par « L’avenir du monde se joue dans une alcôve. » Je lui ai lu avant le coucher un tiers du poème Le Sarcophage du Soleil, auquel elle n’a rien compris, elle n’a jamais de sa vie lu la traître ligne des livres de Jean Parvulesco, elle ne sait pratiquement pas de quoi il est question. Certes, la femme de mon rêve ne m’avait pas invité à la rejoindre dans une baignoire, mais je la crois la même que la Benvenita du poème de Jean Parvulesco. J’ai une bonne raison pour cela. Deux jours avant, j’entre dans un vestiaire de salle de sport où j’enseigne le yoga et je découvre éberlué une phrase écrite au feutre vert sur un tableau blanc jamais utilisé ou presque, depuis 15 ans, surtout de cette façon : « Bienvenue Vermine ! »

La réalité dérape, et quand viendront les grandes neiges, on m’enverra aussi l’épouse des hauteurs, la Benvenita, nue sous sa tunique de scintillante haleine blanche, la pourvoyeuse d’être.

image-w240.jpgParlant du retour au principe chez Hölderlin, Jean Parvulesco voit la preuve d’une identification avec l’Allemagne éternelle son image pré ontologique, pour le poète libéré de son moi, là où la Garonne s’identifiait avec le Rhin, avec l’Oxus, avec l’Indus avec la rivière éternelle de l’être. Toute vison totale est une pré-vision d’éternité. Elle résulte de l’expérience du sacré car comment des fleuves pourraient-ils sortir de leurs lits pour se fondre en une même eau, alors que la rivière du devenir n’est jamais la même, quand les philosophes se baignent au même fleuve qu’Héraclite l’obscur ? Mon maître indien Sri Premananda du Sri Lanka, nous a enseigné que lorsque nous sacralisons l’eau dans un rituel traditionnel, cette eau est, est effectivement, l’eau du Gange, de la Yamuna de la Kauvery. Les trois fleuves sacrés de l’Inde. Celui qui sait toucher l’eau touche toute l’eau. Notre Graal Eurasien peut nous être offert dans une telle immaculée donation.

Elle est pré-vue, pré-dite, non pré-historique puisque préontologique, elle n’est qu’à la fin de l’Histoire, elle est le chuchotement d’un mot de passe entre deux Maha Yugas que nous donne l’oiseau Kalki en son roucoulement, parole retrouvée de l’Inde antérieure et que seule possède l’Inde Intérieure, Inern India, l’Abgrund intransitif d’avant l’origine même du temps.

Alors de quelle réparation de l’Histoire pourrions nous rêver si ce pouvoir nous était donné ? Qui est la chienne verte de Proserpine assassinée à l’Escurial, et quel sort aurait été changé par sa survie ? Charles Quint le disputant à Apollon, puisque le soleil sur son Empire ne se couchait jamais, n’ayant plus à poursuivre Daphnée, pouvait-il s’abstenir de gaspiller la clémence dont dispose un Prince, ou de pécher par étourderie politique à l’endroit de Luther ? L’anniversaire m’oblige à y penser. Le pouvait-il avant que 100 000 morts ne surgissent sous les écrits furieux du théologien employés à déchirer, au lieu de réformer l’Eglise, et dont les partisans vont mettre en pièces l’Europe ? Charles V ne pouvait-il mieux distribuer sa clémence d’Empereur Chrétien en protégeant les 40 millions d’indiens massacrés au Mexique sous les yeux crevés de honte de Bartolomé de Las Casas ? Pour le Graal Eurasien, Apollon est un dieu noir, il n’est autre que Shiva : « Ainsi je l’ai vu, le Sarcophage du Soleil de Horia Damian comme une nébuleuse de feu liturgiquement embrasée au cœur d’une immense tempête de neige cosmique, pour célébrer la dormition philosophique de notre Christ Apollon à l’intérieur même de sa charogne virginale.» Cela m’avait été enseigné avec l’introduction du cahier Jean Parvulesco dont j’ai parlé au début : « Qu'enfin tombe sur nous la fulgurance d'Apollon la haute clarté du hors du temps, cette aurore perpétuelle qui, sitôt franchi le Portique Boréal, s'ouvre sur les perspectives ouvertes à perte de vue de la Tradition Primordiale.» (Portique Boréal. André Murcie, pour un Cahier Jean Parvulesco).

gustave_moreau_le_char_dapollon_ou_phebus-apollon_d5945065g.jpg

Partons de l’extrait d’un article de Luc Olivier d’Algange au sujet d’Apollon pour qui : « Apollon n'est pas seulement le dieu de la mesure et de l'harmonie, le dieu des proportions rassurantes et de l'ordre classique, le dieu de Versailles et du Roi-Soleil, c'est aussi le dieu dont l'éclair rend fou. La sculpturale exactitude apollinienne naît d'une intensité lumineuse qui n'est pas moins dangereuse que l'ivresse dionysiaque. Apollon et Dionysos ont des fidèles de rangs divers. Certains rendent à ces dieux des hommages qui ne sont pasdépourvus de banalité, d'autres haussent leur révérence au rang le plus haut. L'Apollon qui se réverbère dans les poèmes d’Hölderlin témoigne d'un ordre de grandeur inconnu jusqu'alors et depuis.»

Voilà ce que j’écrivis dernièrement au poète en réponse : « Mais déjà la majesté et le mystère des Apollon, dans la statuaire du Vatican, nous en disent bien plus long que la vison classique et universitaire. L'Apollon du Belvédère sauvé par le futur pape Jules II, est tout entier vivifié par sa victoire sur le Python.» Qui dirait d'une victoire sur le lézard qu'elle est moins shivaïte ? C’est une victoire que le héros devra pourtant expier ensuite, mais c'est un Dieu shiva tout autant que Dyonisos ! Et le musagète dans la salle des muses, en sa beauté juvénile pourrait nous faire chavirer dans quelque transe. D'ailleurs, joueur de cithare dorien, il n'hésite pas à tuer ceux qui le défient avec le chant ou un autre instrument. Phrygien (Linos, Sylène, Marsias) avant la réconciliation ultime avec les musiques joyeuses. Les fêtes de Thargénie se souviennent des criminels qui lui étaient sacrifiés. Médecin avant Asclépios, sous le nom d'Apollon Oulios, il n'a pouvoir sur la vie que parce qu'il a pouvoir sur la mort.

ETPC0RCX0AEYNyR.jpg

Sa statue sur l'Acropole a été édifiée selon Pausanias après la peste consécutive à la guerre du Péloponnèse. Il est le dieu qui donne la mort, la mort noble subite et violente, donc ses flèches égalent celles d'Artémis, son intervention dans les combats de l'Illiade, tête casquée, arc et lance à la main, font de lui un Dieu exterminateur, comme Krishna sur le champs de bataille de Kurukshetra. Cette mort donnée par le dieu est initiatique, le signe nous en est donné par le témoignage d'Hécube, reconnaissant devant le cadavre d'Hector le miracle d'Apollon dans ce visage resté visage. Tout comme un dieu Hindou, Apollon a un véhicule, le griffon et plus tard le cygne, sur lequel il réapparaît à Delphes et Delios au printemps, après son séjour hivernal hyperboréen, le cygne qui pour les ariens est la lumière, dans les Védas il est le soleil. Quant aux griffons ils disputent aux Arismaspes, selon Hérodote, l'or des contrées boréales de l'Europe septentrionale. Mais la mort du Python elle, est suivie d'une imprécation : « Pourris là maintenant où tu es… tu pourriras ici sous l'action de la terre noire et du brillant Hypérion !» Lycien, Dieu de la Lumière s'il n'est Hyperboréen, est transporté dieu à Patara et est aussi le dieu loup. Les réfugiés du déluge de Deucalion avaient, après avoir dévalé les pentes du Parnasse guidés par les loups, fondé la ville de Lycoréia. Au revers des médailles d'Argos la tête de loup alterne avec celle d'Apollon, sur l'autre face, et en ce pays, Apollon a envoyé un loup combattre un taureau. Mais Apollon Nomios est bien le tueur de loups… Alors qui est Apollon ? Est-ce qu'il est vraiment l'opposé de Dionysos ? Un ami indien, notre invité à qui nous avons offert du vin vendredi soir, nous disait : « Dionysos c'est certain, il est Shiva et il a apporté le vin à l'Europe via la Grèce ! » Et si dans l'une de ses mains le colosse de Délos, Apollon selon Pausanias et Plutarque, tient les trois Charites, ces divinités ont été rapprochées des Haritas du Veda, les juments attelées au char du soleil, rayons de l'astre naissant à l'Orient.

Je vais conclure avec ces vers du célèbre poème de Gérard de Nerval, Delfica :

Ils reviendront ces Dieux que tu pleures toujours !

Le temps va ramener l’ordre des anciens jours.

Ce n’est pas le temps mais la rupture Indo Européenne du temps qui ramène cet ordre, le sévère portique est bien dérangé « Cependant la sibylle au visage latin est endormie encore sous l’arc de Constantin et rien n’a dérangé le sévère portique. » puisque le souffle prophétique de Jean Parvulesco, Sibylle réveillée annonce (Les Mystères de la Villa Atlantis, p 381) : « Car un jour Apollon reviendra et ce sera pour toujours ! disait la dernière prophétie de la dernière Pythie de Delphe ».

OM NAMA SHIVAYA !

18:13 Publié dans Jean Parvulesco | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : jean parvulesco | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

mardi, 16 février 2021

Jean Parvulesco méritait mieux

1317230139.jpg

Jean Parvulesco méritait mieux

par Georges FELTIN-TRACOL

Le 21 novembre 2010 décédait à Paris Jean Parvulesco, né en Roumanie le 29 septembre 1929 (jour de la Saint-Michel). Auteur confidentiel à la renommée cryptée et à l’influence souterraine, il intégrait volontiers ses relations amicales dans ses intrigues romanesques et mêlait géopolitique, mystique, ésotérisme et théologie dans des essais audacieux. La minable République des Lettres hexagonale a volontiers négligé cette personnalité ambiguë et fascinante. Le nouvel ouvrage de Christophe Bourseiller, En cherchant Parvulesco, aurait pu éclairer d’un point de vue para-universitaire son parcours intellectuel ainsi que la richesse de son œuvre qui contrastait avec un grand dénuement personnel.

Parvulesco-205x300.jpgÂgé de 63 ans, Christophe Bourseiller a enseigné à « Sciences Porcs » – Paris. Il a écrit une assez bonne biographie sur Vie et Mort de Guy Debord (1999), une remarquable histoire sur les Maoïstes (1996) en France et une très honorable Histoire générale de l’ultra-gauche (2003) qui vient de reparaître sous le titre d’Une nouvelle histoire de l’ultra-gauche. Il présente la fâcheuse manie de rééditer sous un nouveau titre un texte légèrement corrigé. Son intérêt politique ne se limite pas à l’extrême gauche; il concerne aussi l’« extrême droite ». Or, quand il aborde ce sujet, ses travaux reflètent une réelle insignifiance tant leur auteur reste engoncé dans ses préjugés.

Outre l’histoire politique, Christophe Bourseiller se pique d’écrire, de faire du journalisme, d’animer des émissions à la radio et à la télé et de jouer au cinéma. Sa filmographie au cinéma et à la télévision correspond à une cinquantaine d’interprétations. Enfant typique des « Trente Glorieuses », il vit dans un milieu favorisé de théâtreux orienté très à gauche : « Chantal Darget, ma mère, comédienne; André Gintzburger, mon père, auteur et producteur; Mme Darget, ma grand-mère, caissière et figurante; Antoine Bourseiller, mon beau-père, metteur en scène (p. 22). » Au bout de quelques pages, on se demande si l’éditeur ne s’est pas trompé d’appellation. En cherchant Parvulesco ne serait-il pas en fait En cherchant Bourseiller tant une pénible introspection envahit l’ouvrage ? Il rapporte par ailleurs que l’actrice Danièle Delorme et le cinéaste Jean-Luc Godard étaient ses marraine et parrain. « Je n’ai bien entendu jamais pu compter sur aucun des deux (p. 26). »

3019774933.jpgOn devine assez vite que Jean Parvulesco n’est qu’un prétexte facile. Ce livre devrait en réalité s’intituler En cherchant Godard puisqu’il s’agit d’un sordide règlement de compte contre le vieil ami du couple Darget – Bourseiller, qui a vu grandir un jeune Christophe souvent insupportable au point de l’engager pour figurer dans de brefs plans de plusieurs de ses films. Par l’intermédiaire fallacieuse de Jean Parvulesco, Christophe Bourseiller critique son « parrain ». Pourquoi l’auteur du Manteau de glace est-il mentionné dans À bout de souffle et interprété par Jean-Pierre Melville lors d’une scène célèbre ?

Figé dans ses certitudes politiques d’un temps éclairé et progressiste bientôt révolu, Christophe Bourseiller ne comprend pas l’insaisissable Parvulesco. Sur les traces de Dominique de Roux, fondateur de l’« Internationale gaulliste » et auteur en 1967 d’un prophétique L’Écriture de Charles de Gaulle, Jean Parvulesco soutient le « grand gaullisme » continental, une ambitieuse synthèse géopolitique de l’eurasisme, de la Révolution conservatrice germanophone, de la géostratégie fasciste et de l’eschatologie providentialiste d’un alter-catholicisme occulté.

DdR-ecrit0614_194027.jpgCollaborateur à de multiples revues, d’Éléments à La Place royale, Jean Parvulesco a le génie de relier le royalisme traditionnel français à l’idée néo-gibeline européenne, en particulier dans le très méconnu Henry Montaigu clandestinement en Colchide (DVX en 2006 ?). Il pose les bases théoriques d’une entente effective et fructueuse entre le « Regnum Sanctum et […] l’Imperium Sanctum, du Royaume et de l’Empire, de la France et de l’ensemble suprahistorique et de l’unité géopolitique impériale ultime du Grand Continent eurasiatique (p. 28) ». À l’interrogation quasi-manichéenne, « la France ou l’Europe », il postule « pour la France avec l’Europe », car, sans la France, l’Europe serait autre, et, sans l’Europe, la France n’existerait pas.

Il sait que dans une perspective politique messianique, le Grand Monarque français dont on retrouve les variants ailleurs en Europe et au-delà (l’empereur Arthur Frédéric endormi dans les montagnes d’Allemagne centrale, le tsar Dimitri en Russie, le roi Arthur en convalescence en Angleterre, le roi Sébastien au Portugal, voire le retour de l’imam caché du chiisme duodécimain iranien…) sera roi de France et ceindra la Couronne de fer des souverains du Saint-Empire romain germanique. Bien que méconnue de l’historiographie officielle française, la prétention fréquente des Valois, puis des Bourbons, à l’Empire n’en fut pas moins réelle. On peut même estimer que les trois pactes de famille (1733, 1743 et 1761) conclus entre les Bourbons de France, d’Espagne, de Parme et des Deux-Siciles, et l’alliance entre les Capétiens et les Habsbourg à partir de 1756 avec l’appui stratégique de la Russie, s’inscrivent assez tardivement dans cette revendication symbolique forte.

Non content de bousculer les certitudes nationalistes les plus vaines, Jean Parvulesco se plaît à bouleverser la théologie chrétienne. Il assume une hyperdulie radicale et souhaite que l’Église de Rome adopte enfin le dogme de la Coronation de Marie, ce qui en ferait l’Épouse de Dieu. On est bien loin des billevesées de Vatican II et de la xénophilie du pseudo-pape Bergoglio.

Christophe Bourseiller survole donc des écrits complexes et parfois hermétiques. Il préfère flinguer l’ancien « garde rouge » suisse du cinéma français. Veut-il le compromettre a posteriori avec Parvulesco, rédacteur à l’été 1960 dans une revue phalangiste espagnole d’une série d’articles laudateurs sur la « Nouvelle Vague » en qui il remarque une forte inclination néo-fasciste ? En langage cinématographique, En cherchant Parvulesco est un flop, un immense flop éditorial. L’auteur de ce livre paru à La Table Ronde (Revenez Roland Laudenbach !) correspond bien au stéréotype enseignant à l’Institut d’études politiques de Paris. On plaindrait presque les étudiants de la rue Saint-Guillaume si ceux-ci n’étaient pas à 99,99 999 % pétris de conformisme historique, d’aveuglement littéraire et de politiquement correct. Jean Parvulesco méritait mieux qu’un évident travail bâclé.

Georges Feltin-Tracol

• Christophe Bourseiller, En cherchant Parvulesco, La Table Ronde, 2021, 125 p., 14 €.

samedi, 13 février 2021

En cherchant Jean Parvulesco

bourseiller-714x1047.jpg

En cherchant Jean Parvulesco

par Christopher Gérard

Ex: http://archaion.hautetfort.com

Quelle surprise de voir paraître un essai intitulé En cherchant Jean Parvulesco, sous la plume de Christophe Bourseiller, journaliste, spécialiste de l’ultragauche… et surtout connu comme acteur. Fils de comédiens, il apparaît en effet très jeune dans trois films de  Jean-Luc Godard, son « parrain », aux côtés, le veinard, de Marina Vlady ou de Macha Méril. Avec le recul, il se voit comme un « singe savant » ou, plus âgé (dans les films d’Yves Robert ou de Claude Lelouch), comme « un pitre plein de morgue ».

En réalité, le livre est une sorte de lettre à Godard, pleine d’amertume. Sa première moitié est centrée sur le cinéaste, à la fois placé sur un piédestal et cible de reproches plus ou moins implicites. A l’origine, la fameuse scène d’A bout de souffle où Jean-Pierre Melville, qui joue le rôle d’un écrivain qui s’appelle Jean Parvulesco, répond à Jean Seberg que sa plus grande ambition dans la vie est de « devenir immortel, et puis mourir ».

Christophe Bourseiller semble s’agacer a posteriori de l’importance accordée par Godard à cet inconnu, car, en 1960, Jean Parvulesco n’a rien publié ; il grenouille dans les milieux de la Nouvelle Vague avec Alfred Eibel et Michel Mourlet. Ce futur auteur ésotérique, ami d’Abellio et de Rohmer, proche d’Eliade et de Melville, justement, est en train de devenir une figure mythique. Fut-il un agent de la Sécurité militaire française, voire des services britanniques, dans la Vienne du Troisième Homme ? Quel fut son rôle occulte dans certain gouvernement provisoire en exil à Madrid ? Sauva-t-il l'acteur Maurice Ronet d’une plongée fatale dans la guérilla anti-marxiste en Angola ? Mystère et boule de gomme.

Jean-Parvulesco.png

Tout au long des pages, le lecteur perçoit chez Christophe Bourseiller un mélange de fascination ennuyée pour Parvulesco, perdant complet aux yeux de cet homme installé (professeur à Sciences Po, chez lui dans tout l’appareil politico-médiatique) et aussi de profond ressentiment à l’égard de Godard. Nous passons de l’une à l’autre sans toujours savoir où veut en venir ce Narcisse contrarié. Parfois pointe l’impression que l’exilé roumain sert de stylet dans un règlement de compte.

Bourseiller n’est pas écrivain, juste un journaliste – lui manque hélas ! la patte du styliste pour décrire ce malaise. D’où ma déception à lecture de son livre, qui n’est pas vraiment une enquête ni une descente en soi-même. Dommage.

En un mot comme en cent, l’énigmatique Jean Parvulesco (1929-2010), un ami regretté, qui écrivait « dans un but de guerre eschatologique finale », le voyant extra-lucide entre burlesque et vision, le continuateur en géopolitique de Karl Haushofer -Endkampf pour le bloc continental ! -, le conspirateur-né et le flamboyant mythomane, cette figure attachante des décennies durant d’un certain underground, attend toujours un livre digne de lui.

Christopher Gérard 

Christophe Bourseiller, En cherchant Jean Parvulesco, La Table ronde, 128 pages, 14€                

Voir aussi :

http://archaion.hautetfort.com/archive/2010/11/24/exit-je...

lundi, 01 février 2021

Jean Parvulesco: Cantos pisanos - Fragments, notes de mes carnets du Bunker Palace Hôtel

ezra-pound-en-el-retiro-2.jpg

Jean Parvulesco

Cantos pisanos

Fragments, notes de mes carnets du Bunker Palace Hôtel

 

«  Tout ne doit-il pas se retrouver à la fin du Manvantara, pour servir de point de départ à l'élaboration du cycle futur ?  »

René Guénon

 

«  Et si tu trouves des traits gravés dans les pierres, sous la poussière des routes, foulées par des pas innombrables - nul ne sait plus que ce sont des Runes Sacrées, elles avaient jadis grande signifiance et maintenant tous ont désappris le chant qui donnait à ces signes une vivante puissance magique - alors ne montre pas tes larmes !

Recueille ces trouvailles et consacre-les silencieusement au Royaume des Mères. Là ce qui fut abandonné peut se reposer dans l'attente d'une forme nouvelle, jusqu'au jour où une autre jeunesse en rêve de nouveau.

Cacher et conserver, c'est aux sombres époques de renversement l'unique office sacré  »

Hans Carossa

 

«  Où sont les douces pelouses avec le clair ruisseau, entre elles, les séparant  ».

Ezra Pound, Canto LXXXIV

11

Comme nous approchons des temps de la conclusion manvantarique du grand cycle dont nous assumons l' ultime fond de lie tout en assurant, aussi, les premières relevailles, bien des choses qui s'eussent voulues cachées jusqu'à la fin se laissent à présent surprendre dans la transparence à la fois tragique et fragilisante d'une mise-à-nu qui, ne fût-ce que symboliquement, les apparente, soudain, aux prestations liturgiques de la mort, aux obscures ordalies de ce passage des êtres et des choses par le vide de leur autodissolution initiatique où tout finit et tout recommence et où leur part d'éternité leur est instituée intacte, et plus limpide, terrible et mystérieuse chrysopée philosophique dont parlent à couvert les textes hermétiques occidentaux et que la grande Savitri Dêvi rapprochait, précisément, de ce passage de l'or par l'épreuve royale de la fournaise, the gold in the furnace disait-elle, qu'aura été aussi, en dernière analyse, la fin historique d'une civilisation brisée, anéantie par la trahison intérieure, par les flammes et par le feu mais, de par cela même, vouée imprescriptiblement à la spirale de son assomption transhistorique finale.

Ainsi en est-il, aujourd'hui, de l'aventure spirituelle de l'exil. A l'heure où des êtres et les choses risquent d'avoir à se laisser surprendre, d'un instant à l'autre, dans leur plus extrême nudité intérieure, l'exil n'est plus une nostalgie, et bien moins encore la péripétie d'un quelconque déchirement dramatique de la vie, aussi atroce fût-il ce déchirement et périclitée cette vie, mais la marque brûlante et l'engagement accepté d'une prédestination secrète, puisque l'exil représente et n'en finit plus d'établir les états d'une situation ontologique de limite, et de limite ultime, la condition même d'un état de rupture ontologique totale: c'est l'exil, la conscience de l'exil et la conscience de cette conscience elle-même qui fondent la spacialité lumineuse et vide, l'immaculée conception de tout recommencement poétique de soi-même et du monde, de tout retour existentiel et historique à l'être.

Car c'est dans la mesure même où elle implique et donne refuge en elle, ne fût-ce que d'une manière figurative, liturgique, à l'exil ontologique de l'être perdu dans les nuits de son propre obscurcissement, que toute expérience existentielle de l'exil annonce l'avènement de l'être avenir, l'imminence à la fois solaire et tragique de l'avènement occulte de ce qui vient, voire de celui qui vient, avènement si prophétiquement invoqué par Hans Carossa dans son Geheimnisse des reifen Lebens, où le regard transcendantal du visionnaire entrevoit les temps du salut er de la délivrance à venir par-delà les résurgence historiques actuelle de l'Anti-Règne des puissances négatives au service du «  chaos intérieur  » ou, comme le disait un autre grand américain réduit à l'exil, et même à l'exil intérieur, P.H Lovecraft, le «  Chaos rampant  ».

MER_VGM_3272-001.jpg

12

Une autre chose aussi me semble absolument certaine: c'est qu'il n'y a pas, il n'y a jamais eu et il n'y aura jamais une vraie grande poésie, une grand pensée ni une grande littérature, une grande culture de droite.

Toute vraie poésie, vivante et agissante, orphiquement opératoire, donneuse de vie et de souffle vivifiant, toute grande pensée salvatrice, toute grande littérature, toute culture grande, totale, véritablement et profondément grande, seront, toujours, ne sont ni ne puissent être absolument ne pas être qu'une poésie, une pensée, une littérature, une culture d'extrême-droite.

C'est que, depuis les architecture cyclopéennes des saisons supra-historiques médiumniquement entrevues par P.H Lovecraft jusqu’aux créations métacosmiques d'un Constantin Brancusi, depuis Empédocle jusqu'à Heidegger et depuis Virgile et Dante jusqu'à Hölderlin, Ezra Pound et Joyce, le dire total, le dire totalitaire du dire a eu partie abyssalement liée avec l'être, alors que les tenant avoués ou occultes du non-être, les partisans des puissances de la négation et du chaos pré-ontologique se trouvent infailliblement empêchés d'avoir recours à la parole vivante, et cette infaillible interdiction étant, en elle-même, ce par quoi s'affirme et se donne à dévoiler, se donne à reconnaître la présence même de l'être, sa présence vivante, la présence réelle de l'être dans l'être même de son unique parole de vie. L'être est, le non-être n'est pas.

Si seules les réappropriations de l'être, fussent-elles nocturnes, et même nocturnissimes, données en attente, en absence, en immémoire agissante, parviennent jusqu'aux fondations de leur propre remise en état impériale, régnante et rayonnante à nu dans leur propre dire de soi-même, c'est que tout projet du non-être est exclu d'avance, irrémédiablement, du domaine de la parole et de la vérité de l'être, qui, seule vivante, est seule à dénominer, à élucider, à délivrer ce qui n'attend que de l'être.

Dans les saisons de l'occultation métacosmique de l'être, le seul jugement est celui de la poésie, et peut-être aussi le seul salut, et la seule délivrance. Tout est perdu, mais non le chant de la détresse de qui, dans la perdition, se dédouble par le chant de détresse de sa perdition.

13

La poésie donc, état à la fois ultime et originel, ne parvient à fonder l'histoire engagée dans ses recommencements ni, dans les étapes nocturnes de son devenir, à en assumer et sauver le tout dernier souffle, que si elle-même, la poésie, tournée vers les développements voilés de sa propre essence, y instruit et proclame le mystère virginal de ses propres fondations mises à nu et rien d'autre, fondations vivantes et agissantes de la poésie en tant de poésie dont l'unique espace d'intériorité et d'influence souterraine est, depuis toujours, l'espace à la fois fermé et ouvert de l'exil. Espace fermé à jamais sur lui-même, mais ouvert indéfiniment à tout ce qui participe de ce clair-obscur, de cette désespérance lucide de la conscience séparée pour laquelle le jour se veut nuit et la nuit est comme le jour, espace entre chien et loup où naissent et viennent s'affirmer, révolutionnairement, tous les pouvoirs nouveaux. «  Nous autres, fils du clair-obscur, écrivait Hans Carossa, nous servons aussi fidèlement la nuit que le jour.  »

imageezrap.jpg

Située dans la clair-obscur ontologique où il lui est demandé de servir également la nuit et le jour, l'être et le non-être, l'histoire dans ses périodes d'ensoleillement et dans ses détours crépusculaires, la poésie se maintient néanmoins au-delà du jour et au-delà de la nuit, au-delà de l'être et du non-être, au-delà des clartés et des ténèbres de l'histoire dans un endroit originellement hors d'atteinte qui est, précisément, le lieu même de ce qui fait  qu'au-delà de l'histoire il y ait une transitoire, que le jour et la nuit, que l'être et le non-être, perpétuellement en devenir, se trouvent perpétuellement appelés à se dépasser suivant la spirale ascendante de ce devenir lui-même, qui apparaît comme étant, en lui-même, occultement, un troisième état ontologique. J'entends l'état de clair-obscur où seule règne la poésie, règne totalitaire de ce qui se refuse à toute division, à toute séparation de cet Empire de la Totalité où se laisse approcher le Troisième Etat de l'être, l'Abgründ de Meister Eckhart, le mystérieux Anschau de Wolfram Von Eschenbach.

Cependant, l'inspiration poétique - m'aventurerais-je à dire la dictée poétique - ne parvient plus, ici, ou plutôt à partir d'ici, à se conceptualiser sans dommages, sans les infiltrations obstruantes, les pièges et les empêchements de sa propre résistance intérieure à un dire de soi-même de plus en plus périclitant, dangereux pour ses derniers retranchements, et j'insiste encore, comme déjà sur les lisières de l'équivoque, du mal dit, ce n'est que pour assurer les lieux de convenance où vont avoir à se porter toutes nos interventions au sujet des Cantos Pisanos.

Car le secret des Cantos Pisanos est celui du dépassement de l'histoire immédiate par l'action poétique, ou plutôt par l'Action Directe de la Poésie Absolue, le secret, donc, de la reconstitution indéfinie de l’Anschau impérial de la poésie en action sur les étendues de ruines chaotiques où n'en finit plus de ne pas se faire ou de se défaire avant de se refaire le Troisième Empire de la Fin, jusqu'à ce que l'heure vienne.

the-seafarer-ezra-pound-svBE8LmoJjn-qGXvoD2aWkI.1400x1400.jpg

14

Ainsi comprendra-t-on que ce n'est pas la poésie qui est en exil, et bien moins encore en exil par rapport au monde, à l'histoire, mais que ce sont l'histoire dans sa totalité et le monde lui-même qui sont en exil par rapport à la poésie.

Tout exil est poésie et toute poésie exil, mais l'exil que l'on vit dans la poésie n'est plus l'exil, ni obscurcissement, ni désespérance de l'exil quand il se dévoile, au détour d'une soudaine fulguration, l'espace d'ensoleillement et de puissance totalitaire où se dressent vertigineusement dans l'air limpide du chant les remparts étincelants du Troisième Etat de l'être, la fulguration préontologique de la Turning Island qui hante le grand rêve celtique, la mystérieuse Wagadu invoquée par Ezra Pound, ombre de l'ombre de l'Atlantide engloutie par les abîmes, et de toutes les Atlantides, y inclus les plus récentes. Regarde ! Regarde-moi, avant que je retourne dans la nuit. Là où rayonne la Tête de Mort, revivront à nouveau les soldats, retourneront les étendards, Cantos LXXII.

15

Après la clôture du cycle indo-germanique des Védas Sacrés, dernière réminiscence, dernière anamnesis voilée des temps du chant hyperboréen antérieur, commencent les chemin crépusculaires du grand cycle historique actuel, qui est, originellement, une fin de cycle, une longue entrée dans la nuit et dans les ténèbres de l'exil ontologique d'une histoire, d'une civilisation, d'une race appelées à traverser l'épreuve royale du feu qui anéantit tout, l'épreuve du gold in the furnace. Aussi le devenir de ce cycle s'identifie-t-il avec l'histoire même de l'Occident, et les quatre étapes de son entrée dans la nuit reproduisent les quatre étapes fondamentales de sa poésie qui établit et renouvelle, d'une manière à chaque fois moins lumineuse, moins transparente, la situation en devenir de son exil d'origine, jusqu'à la fin. Mais, ainsi que l'écrivait Hölderlin en conclusion à l'un de ses plus grands hymnes, «  ce qui demeure toutefois, c'est ce que fondent les poètes  ».

16

Chaque grand cycle historique occidental se reconnaît dans le chant de sa propre poésie fondationnelle. Virgile, Dante, Hölderlin, Ezra Pound: la constellation suprême de la poésie occidentale dans son devenir transhistorique propre, reconstitue, à travers le chant continuel mais de plus en plus désensoleillé de ses témoins prédestinés, de ses témoins chaque fois sacrifiés, immolés par le feu de la poésie absolue, par le Brasier Ardent de la continuité du chant occidental, la figure héraldique du désastre historique l'Occident, l'exil transcendantal dont se nourrissent souterrainement les aliénations et la mise-en-ténèbres de son espace de probation tragique, de son sang et de sa conscience prisonniers d'une dialectique d'obscurcissement désormais et depuis si longtemps déjà sans issue ni salut.

La poésie, dialectique agissante de la transhistoire à travers laquelle elle naît et se renouvelle indéfiniment dans l'histoire, apparaît ainsi comme la politique occulte d'un cycle transhistorique, comme la métapolitique en action de son propre devenir transcendantal.

pound35.jpg

Ce que Virgile, Dante, Hölderlin et Ezra Pound ont invoqué et fait naître dans leur chant ininterrompu, c'est le lamento hyperboréen, l'anamnesis ensoleillante d'une race spirituelle  qui ne peut pas ne pas se souvenir , et jusqu'au plus interdit de son oubli préventionnel - et quel oubli profond est à présent son grand oubli, son refuge, son dernier refuge, son sommeil dogmatique et son Kiffhauser mental enseveli sous les cendres - qui ne peut pas souvenir, dis-je, des temps historiques, des saisons métahistoriques où l'espace de liberté ontologique réelle n'était pas encore exclue de sa propre histoire, de son propre espace d'être, et jusque de son propre sang et de sa propre conscience d'elle-même.

17

A mesure, cependant, que la grand aliénation occidental de la fin avance dans l'histoire et se développe négativement, son mystère originel, et même, en quelque sorte, sa raison agissante, deviennent de plus en plus patent, de plus en plus manifeste: la poésie d'Ezra Pound, qui en rend compte tout en essayant de le dépasser, finit, dans ses Cantos Pisanos, par faire, de ce mystère d'aliénation lui-même, l'espace intérieur de son agir, tout en l'assumant comme sa blessure de mort et comme la raison voilée de ses rhétoriques d'éclatement et d'agonie sans fin, d'insoutenable dégoût face comme dans le Canto LXXII, au grand usurier Satan-Géryon, prototype des patrons de Churchill.

Que j'entonne le chant de la guerre éternelle, entre la boue et la lumière,

s'intimera-t-il, doctrinalement, au milieu du Canto LLXXII. Ainsi, ce que l'histoire occidentale du monde n'en finit plus de vouloir dissimuler, va transparaître dans les Cantos d'Ezra Pound avec l'intolérable évidence d'une révélation arrachée de haute lutte à la grande nuit déjà régnante, récupérée subversivement sur les établissements des ténèbres en place, sur les avant-postes ennemis marquant la ligne de front des multiples dialectiques de diversion et de crime mobilisés pour aliéner, pour obscurcir comme de l'intérieur tout entendement éveillé des nôtres.

Mais cette poésie de la fin, de l'éclatement crépusculaire et de l'agonie d'une civilisation - celle-ci symbole actuel, elle-même, de toute la succession nocturne de civilisations engagées sur la spirale descendante de la fin négative d'un cycle - comportera aussi, et cachera en elle - souterrainement, très-souterrainement - comme un mince et frais Sunion de dédoublement visionnaire. Car sa mission est non seulement celle de récapituler et de conclure un cycle lui-même en état de conclusion, mais aussi celle de projeter, par-delà les gouffres et comme par réverbération - réverbération cosmique, en réverbération médiumnique aussi - la part secrète de ce qui ne doit pas périr, en aucun cas périr, l'espérance à peine entrouverte d'un autre recommencement, au-delà de Léthé.

18

Une chose en tout cas m'apparaît encore comme à retenir: personne, et ce surtout dans les temps de la fin, personne ne saurait plus respirer l'air raréfié des hauteurs vraiment ultimes, ni donner asile en soi à ce que Hölderlin appelait, dans Brot und Wein, «  la plénitude divine  », la Göttliche Fülle, sans que celle-ci ne vienne à y laisser ses aveuglante brûlures solaires, ses lissons ardents et son souvenir sans merci, inextinguible et silencieux, extatique.

ezra-pound-9445428-1-402.jpg

Si déjà, «  au bord de l'abîme  », Hölderlin faisait, en écrivant à un ami, sa terrible confession d'état, «  maintenant je peux bien le dire, moi aussi Apollon m'a frappé  » dans son Canto LXXIV, Ezra Pound ne se définissant-il pas lui-même comme «  l'homme sur qui le soleil est descendu  » ?

Mais, pareil à Sémélé, rendue incandescente et amoureusement consommée par le feu du ciel, Ezra Pound, frappé lui aussi, par le soleil, transforme ce feu en lumière et devient lui-même lumière, chant ininterrompu célébrant les noces à la fois sauvages et extatiques du ciel et de la terre et la naissance théurgique du troisième terme, du troisième état apollinien de l'être. La poésie, comme Artémise, n'appartient-elle pas entièrement à Apollon ? Et comme Orphée, Apollon n'est-il pas, aussi, un Dieu Noir ?

Ainsi, marquée par «  la lumière noire d'Apollon  » qu'avait entrevue, un jour Aimé Patri, par cette mystérieuse et troublante «  lumière des loups  » dont parlent les traditions hyperboréenne de la Grèce antérieure, l'existence d'Ezra Pound n'aura été qu'un long et terrible vertige d'écartèlement au-dessus des gouffres intérieurs de l'état d'exil, de l'état de loup-garou dans l'appartenance occulte du Dieu Noir, de l'Apollon lui-même crucifié sur les ténèbres intérieurs du soleil, au-dessus du Puits du Soleil ?

19

Né en 1885, dans l'Idaho, terre de l'Ouest profond traversée, sur ses hauts plateaux désertiques, par la rivière Snake, l'ancienne Rivière des Sorciers, Ezra Pound s'exilait des Etats-Unis en 19O7, où il ne devait retourner qu’en 1945, quarante ans plus tard, pour être jugé sous le chef d'accusation de «  haute trahison en temps de guerre  »,  haute trahison perpétrée en faveur des puissance de l'Axe et principalement en faveur de l'Italie, et pour se voir, éventuellement, condamné à mort. Cependant, reconnu comme «  dément  », dans «  l'impossibilité d'être jugé  » et nécessitant d'être «  interné et soigné  », jusqu'à nouvel ordre dans un «  établissement spécialisé  », dans un «  asile d'aliénés fédéral  », Ezra Pound échappa de justesse - miraculeusement même - à la corde, pour être interné à l'hôpital Saint-Elisabeth, à Washington.

9782213600000-G.JPG

Ainsi, après treize ans de «  détention psychiatrique  » - ce qui précède et pulvérise tous les records soviétiques en la matière - l'immense visionnaire occidental et roman des Cantos Pisanos quittait les Etats-Unis en 1959 pour ne plus jamais y retourner, puisqu’il est mort à Venise et 1972 - le jour du 1er novembre - et enterré dans une petite île au large de Venise, en terre adriatique.

Pendant la dernière guerre mondiale, en effet, Ezra Pound avait assuré une série d'émissions américaines à Radio-Rome, dans laquelle il exhortait la nation américaine à se ressaisir, à prendre conscience de la signification cachée, interdite et prohibitionniste, dévoyée à dessein, d'une guerre allant fondamentalement contre le destin profond et les intérêts les plus vitaux des Etats-Unis dans le monde, d'une guerre d'aliénation nationale et servant des buts étrangers si ce n'est subversivement antagonistes à la vocation, au souffle et à l'être supérieur de ses peuples.

Dans un témoignage intitulé Tombeau pour Ezra Pound, Dominique Jamet écrivait, le 3 juin 1986, dans les colonnes du Quotidien de Paris:

«  La décision de l'incarcérer postulait qu'une autorité supérieure à la sienne le rangeait, en toute connaissance de cause, au nombre des individus dangereux, pour lui-même et pour les autres. Pour avoir été fasciste, il fallait que Pound eût été fou. C'était faire bon marché de la santé mentale de quelques centaines de millions d'êtres humains qu'avait séduits l'idéologie dominante du deuxième tiers du siècle.  »

«  Fallait-il être fou pour se proclamer indifférent à la guerre suicidaire, absurde, qu'engageait une moitié de l'humanité contre l'autre ? Fallait-il être foi pour crier que dans cette guerre allaient s'engloutir les vestiges de la civilisation ? Il fallait sans doute l'être, ou aveugle, ne fût-ce qu'à ses intérêts, pour parler à la radio italienne alors que les Américains étaient entrés en guerre contre l'Italie fasciste. Il fallait être fou ou aveugle, pour ne pas renier les idéaux défaits alors même que la défaite emportait le Reich millénaire et le nouvel Empire romain. Mais était-ce folie que de dénoncer la nouvelle barbarie qui déferlait sur le monde ?  »

20

Arrêté en Italie par les forces américaines d'invasion à la fin du printemps fatal de 1944, ou plutôt «  livré par les partisans  », Ezra Pound, avant qu'on ne l'expédie par avion à Washington, devait passer six semaines - les quarante jours et les quarante nuits des grandes épreuves initiatiques, des grandes descentes infernales, - dans l'enceinte du DTC américain de Pise.

Jean-Parvulesco-Ezra-Pound.jpgExposé au milieu du camp, ses compatriotes - ses soi-disant compatriotes - l'avaient enfermé, seul, dans une «  cage à gorille  » en poutrelles métalliques, entièrement à l'air libre et sans toit, en plein hiver et la nuit un projecteur aveuglant - à dessein - braqué en permanence sur lui. Ce fut ainsi.

Photo: Jean Parvulesco et Ezra Pound à Paris

Ezra Pound, instance supremissime du cycle fondationnel d'une civilisation occidentale finale, démiurge de la saison poétique - de la grande saison ontologique - appelée à conclure et à recommencer apocalyptiquement ce qui, avant lui, eut à instruire, et depuis quels abîmes, le chant originel de Virgile, de Dante, de Hölderlin, Ezra Pound, «  l'homme sur qui le soleil est descendu  », avait à ce moment-là soixante ans, et les deux derniers vers des Cantos Pisanos, écrits dans sa «  cage à gorille  », ne sont qu'un insondable cri de désespoir, de honte terrifiante et nue:

«  Si le gel te mord sous la bâche

Tu crieras "pitié" à la fin de la nuit.  »

21

Ayant eu moi-même le privilège, que j'estime des plus extraordinaires, d'approcher personnellement, et de la façon la plus conséquente, l'auteur des Cantos Pisanos lors de ses derniers passages à Paris, je peux témoigne directement de son appartenance à un autre niveau d'être - un autre niveau de l'être - tout autant que de la réalité magnétique, du rayonnement intolérablement paroxystique de sa présence immédiate, de son influence charismatique directe, qui n'en finissaient plus d'agir sous le vœu orphique du silence total , de la renonciation acharnée à la parole, à toute parole, vœu et barrière par lesquels il manifestait sa volonté d'absence d'un monde irrémédiablement en proie, depuis «  le printemps fatal de 1945  », aux puissances du chaos et du néant. (...)

Que ta clémence, Perséphone, se maintienne,

priait, au début du siècle, le jeune Ezra Pound, dans un sonnet aux cadences, aux implications extraordinaires proches de celles des plus occultes confréries de Fidèles d'Amour.

Et ces implications détenant, je ne suis pas très-loin de le penser, la clef décisive de toute intelligence amoureuse de l'œuvre d'Ezra Pound, je veux dire de toute intelligence concernant les pouvoir cachés et la lumière cachée se dégageant d'une certaine expérience amoureuse, aussi spéciale qu'elle dût avoir été totale, et dont le parcours, dont l'action souterraine semblant avoir secrètement contrôlé, et de quelle dramatique manière, la vie et l'œuvre d'Ezra Pound. Et quand je parle de pouvoirs cachés, comment ne pas se demander, aussi, quelles peuvent bien avoir été les origines cachées de ces pouvoirs ?

Vertige solaire final, à partir des vertiges solaires des commencements. Quel aura donc été le plus profond secret de vie d'Ezra Pound ? Dans son œuvre, il faut se résigner à la reconnaître, il n'y en a pas la moindre trace: pour y être quelque peu admis à en connaître, il faut avoir eu accès à la part confidentielle de son existence, et celle-ci, je peux l'affirmer avec force, se trouve à jamais hors d'atteinte, sauvegardée d'avance de toute ingérence extérieure à ce qu'avait été son excellence propre, sa «  plus haulte vertu  ».

Et ce que moi j'avais été reçu à savoir, initiatiquement parlant, sur la «  carrière amoureuse  » d'Ezra Pound, personne d'autre que moi ne le sait aujourd'hui.

L'amour absolu conduit au pouvoir absolu, dont la poésie absolue n'est que l'aura irradiante, la lumière à l'extérieur, le resplendissement boréal.

22

Le soir du Décameron, quand Olga Rudge me disait: «  Je crois que le vieil oncle Ezra est dans les vignes du Seigneur  ».

ezra__0.jpg

Dans la vie du vieil oncle Ezra, deux femmes, Dorothy Shakespear, et Olga Rudge. Quand Mircea Eliade me confiait que, suivant un ancien secret gnostique redécouvert par lui, la seule voie de divinisation - la seule expérience divinisatrice - restant ouverte aujourd’hui, pour l'humain, est celle d'aimer deux femmes.

On a compris qu'il s'agit en fait d'une voie tantrique. La plus grande sainteté «  pouvoir aimer deux femmes à la fois  ». C'est l'échec de parcours de cette expérience qui va mener le héros d'un des romans roumains de Mircea Eliade, Paul Anicet, à la résolution du suicide, du «  suicide mystique  ». Ce roman, non encore traduit en français, s'intitule Le Retour du Paradis. Sans aucun doute le plus important des romans de Mircea Eliade.

Quelle vertigineuse fulguration gnostique Ezra Pound est-il parvenu à établir entre Dorothy Shakespear et Olga Rudge, et quelle fut l'incarnation du troisième terme s'établissant gnostiquement entre elles ? Tre donne intorno alla mia mente, est-il dit dans le Canto LXXXVIII. Confession ? Et quelle fut la Troisième, l'inconnue des gouffres du Feu Sulamitique, le «  quatrième feu  », et elle-même faisant l'objet, dans la vie de son corps et dans le corps de sa vie, des feux de la très-occulte «  clémence de Perséphone  » ? Quant aux mystères agissants du «  quatrième feu  », voir aussi le long chapitre que je consacre à ce sujet dans La Spirale Prophétique.

D'autre part, je relève les «  accointances galactiques  » dont il faut sans doute créditer Olga Rudge. Des «  accointances galactiques  » dans le sens même où l'eût entendu H.P. Lovecraft. Dans un sens, je veux dire, immédiatement conspirationnel et métacosmique.

Ainsi que les fort énigmatiques relations tibétaines de Dorothy Shakesear. D'ailleurs, les dix dernières années de la vie d'Ezra Pound furent entièrement situées sous une certaine lumière tibétaine. A travers le mariage de sa fille, des liens d'étroit rapprochement s'établissent, pour Ezra Pound, avec le Tibet, et avec certaine mouvance tibétaine en Europe, parmi les plus discrètes.

Ezra Pound, «  figure solaire  » de Dionysos. S'identifiant au grand chat sauvage des Montagne Rocheuses de son enfance, Ezra Pound en reproduit les feulements enragés quand il donnera personnellement lecture de ses Cantos. On y reconnaît l'identification dionysiaque par excellence, celle de «  l'homme léopard  ».

1-ezra-pound-literary-legend-john-springfield.jpg

Sur ce que, refermées sur elles-mêmes, les anciennes confréries dionysiaques appelaient le «  pacte du silence  ». Ezra Pound, on l'a dit ici-même, s'était complètement tu pendant une dizaine d'année, jusqu'à devenir «  dépourvu de parole  ». Il n'avait accepté de «  reprendre parole  » que la nuit du diner chez Dominique de Roux, rue boulevard Saint-Germain, quand il avait cru qu'il lui fallait me dire, coûte que coûte, ce qu'il pensait du livre que je venais de lui consacrer, livre qui, depuis, s'est perdu. Et la suite hallucinée de ses confidences, axées, pour la plupart, sur la Sicile.

(...)

24

Et pourtant, malgré la distance peut-être infranchissable entre les autres, quels qu'ils fussent, et son exil à l'intérieur même de l'exil, il était impossible d'approcher Ezra Pound sans se rendre compte de ce que je devrais appeler sa bonté, une bonté qui, chez lui, se manifestait pas une disponibilité enthousiaste et sans cesse renouvelée pour le génie des autres, pour tout ce qui lui paraissait pouvoir participer d'une intelligence authentiquement révolutionnaire de la conscience occidentale du monde au moment où celle-ci était appelée à faire face en catastrophe à la première lame de fond de la montée finale des forces négative du chaos et du néant. «  Tout aux autres  ». Elingue prédestiné, qui n'a-t-il pas soulevé de terre ?

Joyce, Brancusi, Cummings, Eliot, les plus grands noms de la littérature et de l'art occidental modernes restent profondément redevables, dans leurs manifestations ultérieures, de l'attention active, de la volonté enthousiaste et stratégiquement efficace, volonté d'intelligence et de soutien immédiat, avec lesquelles Ezra Pound s'était tourné, au moment le plus critique, vers le devenir, vers la situation de leur œuvre en marche. C'est sur l'intervention personnelle d'Ezra Pound que Harriet Weaver s'était décidée à «  donner à Joyce  », écrit G.S Fraser, «  tout l'argent qu'il lui fallait pour qu'il puisse terminer Ulysses sans être gêné dans sa vie  ». Et ce n'est là qu'un seul exemple entre bien d'autres, innombrables. Non point une poussée exceptionnelle, mais la conduite permanente de toute une vie. Une vocation illuminée, une forme de destin et de grandeur. La cristallisation en lui d'une vibration éternelle.

25

Apollon est un Dieu Noir, Apollon est aussi le Destructeur, le Dévastateur: son nom vient d'apollunai, défaire, détruire.

«  Nul ne saurait aller au Père si ce n'est par moi  ». Nul ne saurait être admis à la vision solaire totale, impériale, à la fois ardente et limpide, d'Apollon Phoibos, le «  resplendissement  », s'il n'est pas descendu, avant, lui-même, jusqu'à ces tréfonds interdits et obscurs où veille l'Apollon Noir, instructeur et maître de la lumière hyperboréenne du «  soleil des loups  ». Regarder en face le soleil du jour, c'est avoir su - et surtout pu - neutraliser en soi-même tous les pouvoirs, et jusqu'à la réalité même du soleil noir de la nuit et de la mort, c'est avoir tué la mort par la mort, anéanti la négation fondamentale par une négation trans-fondamentale, une négation d'au-delà de toute négation: c'est réduire l'Urgrund nocturne des origines ontologiques par l'Abgrund préontologique et intransitif, qui n'est ni d'avant ni d'après le lieu originel, mais du non-lieu sans origine aucune d'où tout vient et où tout va. Sans origine ni devenir, exil de l'exil dans l'exil, seule la poésie, le «  sentier aryen oublié  », livrera l'ouverture occulte vers les chemins qui portent à la délivrance absolue, au salut absolu et aux pouvoirs absolus de l'existence en tant que «  concept absolu  ».

8.jpg

Ce sentier aryen oublié, qui est peut-être aussi le sentier védique de la poésie la plus grande, est essentiellement un sentier d'exil, de rupture totale, de départ sans retour.

La voie secrète de la poésie la plus grande sera toujours la voie des éternels adieux.

26

Ainsi, «  Frères Illuminés de l'Asie  », «  Fraternité Secrète d'Héliopolis  », que sais-je encore, tous les noms sont bons pour monter ce qui ne doit absolument pas être montré: Ezra Pound voyait dans tous ceux qui, comme lui, concouraient à la mise-en-place d'un appareil clandestin de sauvegarde poétique et métahistorique d'une civilisation menacée, happée par la décadence et condamnée à l'anéantissement, les combattants héroïque d'une même cause ontologique, les héros sacrifiés d'avance d'une cause qui n'eût en aucun cas pu prétendre à l'emporter sans être passée par l'épreuve royale de l'or dans la fournaise, sans connaître la ruine finale de son propre temps historique et parcourir liturgiquement l'espace nocturne du mystère de sa défaite la plus irrémédiablement consumée.

Ainsi toute décadence dépassée devient-elle une conspiration active, dont les buts secret n'en finiront plus de se retourner contre elle-même.

27

- Dépassement, aussi, des tout derniers états de la conscience nationale par la conscience naissante, par le pressentiment hypnotique de la catastrophe générale.

- Déchéance américaine, déchéance occidentale, européenne, planétaire. L'obscurcissement intérieur d'un cycle à sa fin, le vertige en marche de la spirale intérieure d'une civilisation crépusculaire, de plus en plus nocturne.

- Déchéance d'une nation, d'une race, d'un sang, d'une souche métacosmique dévaluée, en voie d'auto-anéantissement - (H.P Lovecraft, «  Insmouth  »).

- Conclusion apocalyptique d’un cycle, inventaire de ce qui ne doit pas périr, de ce qui passera par-dessus les tumultes, les cauchemars de ka ligne du partage apocalyptique des «  eaux de la fin  » qui seront, surtout, des «  eaux de feu  ».

- Le ministère final de cet inventaire apocalyptique revenant, pour Ezra Pound, comme une prédestination de droit, aux tenants de la poésie en action, aux sacrifiés extatiques de la grande poésie.

- Au commencement et à la fin: c'est la poésie qui commence, c'est la poésie qui juge et qui anéantit, c'est la poésie qui juge et qui sauve.

- Clandestinité historique du Logos en action, la poésie est essentiellement guerre occulte, subversion et pétition permanente d'un renversement métahistorique total dont l'achèvement - quand viendra-t-il, quand, quand, quand - l'accomplit tout en la détruisant et la détruit tout en l'accomplissant, glorieuse et sereine.

28

Or, toute sa vie d'homme Ezra Pound l'a vécue hors de la terre humble et sauvage qui l'a vu naître et ses treize dernières années de séjour dans les établissement gouvernementaux de détention et de contrôle psychiatrique de Washington représentent sans doute la forme la plus tragiquement noire et destituante de l'être engagé dans l'escalade de l'exil intérieur, qui est à la fois l'exil dans l'exil et l'exil à l'intérieur, dans le sens où, jadis, on parlait d'  «  émigrés de l'intérieur  »: le renversement dialectique finale qui fait, comme dans le cas d'Ezra Pound ramené de force aux Etats-Unis, le dernier état de l'exil de la terre même du retour, n'est pas le dédoublement de l'exil, mais l'annulation définitive de tout espoir de retour dans la mesure même où la liberté, la salut et l'honneur ne sont plus donnés, et encore moins rendus par les retrouvailles de l'exilé avec sa terre originelle. Et d'autre part, quelle est la terre originelle de notre actuel exil ontologique à nous tous ?

Ezra-Pound-photograph-Alvin-Langdon-Coburn-1913.jpg

Ainsi se fait-il qu'en cette extrémité dernière de notre expérience crépusculaire de l'histoire et du monde, le salut, la liberté et l'honneur ne sont plus à chercher que dans le départ à nouveau, que dans le deuxième départ et dans le départ sans fin de celui pour qui désormais l'origine se confond avec la fin, le désastre avec la gloire et l'oubli le plus total de soi-même et du monde avec la mémoire totale d'au-delà toute mémoire. Mais il s'agit d'une mémoire immémoriale, antérieure à tout oubli, à tout désastre et toute fin obscure, et dont l'antériorité ne se pose plus dans le temps, mais hors du temps, ontologiquement: chaque fois que quelqu'un se souvient de ce qui se situe indéfiniment au-delà de l'oubli, le monde de l'oubli disparaît comme par enchantement, et c'est bien là, dans la soudaine rupture des interdits, que réside et se lève le souffle vivant de la part à jamais hors d'atteinte du double mystère  hyperboréen - mystère de la glace et mystère du feu - agissant à travers la spirale ascendante de l'  «  éternel retour  » du Sang Majeur.

Et qu'est-ce que la grande poésie, ce que nous appelons la grand poésie, si ce n'est le chant du Sang Majeur ?

29

Car c'est bien par le départ que l'exil se déclare et, tout comme l'os qui blanchit au fond de la blessure ouverte, c'est dans le départ que le destin se laisse, ou plutôt se donne à dévoiler: mais, si le destin le plus monolithique n'est jamais que le retour à l'être et, de par ce retour même, fondation nouvelle et nouveau commencement, et si c'est dans la rupture des digues et dans la dévastation des anciennes fondations, dans le déracinement et dans le désespoir que tout renouveau prend ainsi naissance, combien plus profond encore ne sera-t-il donc alors le destin enraciné dans le déracinement même, l'exil dont l'espérance n'est plus tournée vers le retour mais vers l'horizon agonique, vers la remise en question infinie d'un exil plus éloignant que tout exil, l'exil de l'exil dans l'exil ? Or c'est bien ainsi que se pose le problème de l'exil d'Ezra Pound, dont la poésie est aussi ce par quoi tout nous est désormais devenu exil, et exil à jamais.

30

La poésie fondationnelle des cycles métahistoriques, celle de Virgile, de Dante, de Hölderlin ou d'Ezra Pound, n'interpelle jamais la réalité immédiate, ne traite jamais directement de la réalité immédiate du monde qui est supposé être le leur, mais uniquement - toujours et jamais autrement - des figurations mythologiques particulières de cette réalité, qu'elles fussent religieuses, existentielles et tragique ou, lors des grandes saisons de désertification spirituelle, des figurations rhétoriques se suffisant à elles-mêmes, des «  figurations de figuration  », des figurations «  culturelles  », plutôt honteuses, «  post-créationnelles  », savantes.

Encore une fois: pour trouver et se donner le matériau de travail nécessaire à son affirmation, cette poésie des sommets et de l'agonie n'interpellera chaque fois que seule la culture de son époque, la culture seule dont elle est tenue d'établir la conclusion, la figure assomptionnelle suprême, et non la réalité directe du monde dont cette culture veut s'imposer comme la conscience vivante, comme l'interpellation chiffrée par les signes  de ses rhétoriques en action, et finalement, et toujours, comme le masque d'or théologique. A la fin seules les théologies l'emportent.

Pound_Ezra.png

Le cas de Hölderlin serait-il différent, dont les échappées lyriques l'emportent souvent - mais là aussi n'est-ce pas apparence, seule apparence - sur la sommation prophétiques de ses grands hymnes supra-historiques, de son hymnein ontologique ? La preuve qu'il n'en n'est rien, on la trouvera dans la tragédie de l'autodissolution de son moi dans l'ensemble de la vision sémiologique de la vision qui fut la sienne, qui lui appartint avant qu'il ne finisse lui-même par lui appartenir: c'est quand il parlait apparemment le plus de lui-même, au paroxysme ultime de l'incandescence lyrique du «  chant enclos  », que Hölderlin ouvrait les vannes de la remontée dévastatrice de l'être, de l'être - on me comprend - conçu dans les dissimulation tragiques et nocturnes - nocturnissimes - que l'on sait préposées aux temps de l'impuissance, de la sècheresse et de l'oubli. Les temps, autant le dire, de notre propre impuissance, de notre propre dessèchement, de notre propre oubli. C'est quand s'effaçait de plus en plus irrévocablement devant le ministère mythologique et fondationnel de son chant prédestiné, le chant d'un monde dont il devait ainsi devenir, en cessant totalement d'être lui-même, le vertige occulte de l'impersonnalisation absolue et le «  concept absolu  », que Hölderlin accédait à son identité ultime, supra-personnelle et supra-historique, à son identité dogmatique, mythologique et «  divine  ».

Longtemps, très-longtemps, à Tübingen, sur les rives du Neckart, Hölderlin sut montrer qu'il n'était plus lui-même, qu'il était devenu - définitivement - cette Allemagne éternelle dont la figure préontologique était censée illuminer, depuis les hauteurs, la totalité du cycle de destin continental qu'il avait ramené, lui-même, à ses principes, à son être eidétique, où la Garonne s'identifiait visionnairement - hypnagogiquement - avec le Rhin, avec l'Oxus, avec l'Indus, avec la rivière éternelle de l'être se rejoignant lui-même à travers le lointain des terres, des sables, des gouffres occultes du non-être et de ses dominations d'ombre.

Mais, d'autre part, le long sommeil dogmatique de son engouffrement dans le mystère orphique de la dépersonnalisation, Hölderlin ne l'a-t-il vécu, aussi, comme l'élévation extatique et pacifiée, infiniment pacifiante de ce qui, en lui, et par lui, avait ainsi établi, encore une fois, et combien secrètement, la gloire de son règne ?

31

Or ce même processus de dépersonnalisation existentielle apparaîtra aussi en des temps encore plus obscurs, et hypnagogiquement, avec le chuchotement mythologique de la romance de James Joyce, le Finnegan's Wake.

Ici, qui chante ? Et les abîmes lumineux du sommeil dogmatique de la dépersonnalisation, de la dépersonnalisation qui définit et dénonce, qui démantèle sans fin la «  personnalité  » supposée de l'écrivain James Joyce ainsi vertigineusement dissoute dans son propre chant avançant à travers le songe et avec tourbillons écumants de la rivière Anna-Livia Plurabelle, ces abîmes du sommeil de l'auto-dépersonnalisation mythologique de quelqu'un, mais de qui - de qui désormais - ces abîmes de la plus abyssale mémoire celtique de la plus grande immémoire du cycle, ne sont-ils finalement pas les mêmes - quelque part - dans l'œuvre poétique d'Ezra Pound, quand ils y apparaissent ?

32

La conscience totale et totalisante, polaire, la conscience littéralement totalitaire qui est celle des Cantos d'Ezra Pound par rapport aux vastes ensembles de ratissage «  culturel  » constituant - et sans cesse reconstituant - leur charge d'ouverture domaniale, vouée, celle-ci, exclusivement, à fournir l'exaltation réverbérante, le pathos déchirant du chant unique œuvrant comme pour son propre compte alors qu'il n'y œuvre que pour le compte de cela même dont le destin est de tout lui prendre, cette conscience ainsi réputée totalitaire n'est-elle pas, de par cela même, une conscience intemporelle, fondamentalement dépersonnalisée, où tout se doit, où tout est ramené - se doit d'être ramené - au seul présent dévotionnel de cette parousie ininterrompue dont les Cantos se nourrissent et vivent, parousie de leurs propres entrailles solaires, saisissables uniquement dans, et, surtout, par l'ensemble des chants en action, et jamais aux stations, aux étapes intérieures de cet ensemble, jamais au niveau d'un seul Canto ? Et là le mot à retenir est celui de parousie.

ezra_pound_1963b.jpg

Car, à l'instant même où, dans l'aventure d'une lecture - d'une récitation - intérieurement liturgique des Cantos d'Ezra Pound, on cesse de regarder en face le terrifiant soleil blanc de leur unité ontologique, le chant s'en trouve suspendu, et cesse, devient lettre suspecte d'un ensemble expirant, comateux, et comme lettre morte, à peine non-signifiante, cadavre dépecé et vertige obscurantiste, «  culturel  », de mots en interruption d'œuvre vive, voire, comme disaient les autres, «  cadavre exquis  ».

33

Dans un certain sens, les rapports situant l'émergence de la non-identité personnelle du porteur du chant dans les Cantos d'Ezra Pound - ou dans le Finnegan's Wake, ou dans les hymnes hölderlinien de la série prophétique et mythologique finale - face à l'ensemble de l'œuvre en action et souverainement régie, dans sa marche, par cette même émergence précisément, sont les mêmes rapports que ceux dont on entend qu’ils établissent , dans la phénoménologie husserlienne, l'élévation d'un Je transcendantal au centre et au-dessous - élévation à vrai dire combien mystérieuse quand elle parvient à se faire agissante - de la conscience qui, de conscience en conscience passe illégalement, gnostiquement, à l'état de conscience des consciences.

Qui l'eût cru ? Des noces clandestines de Meister Eckhart et de la Kabbale Juive, une lumière gnostique émane, qui sert, aussi, à illuminer en profondeur le secret institutionnel des Cantos Pisanos.

La répugnance que j'ai toujours ressentie à l'égard de la phénoménologie husserlienne en vase clos ne m'empêchera quand même pas d'y reconnaître les fers de l'ancienne griffe gnostique alexandrine, les feux spirituels qu'une gloire judaïque aussi clandestine qu'illégale religieusement, mais illuminée, opératoire, surpuissante et sainte très-certainement, que l'autre judaïsme n'a jamais voulu reconnaître et moins encore s'en concéder les fruits ardents, d'outre-monde, salvateurs et de maniement extrêmement périlleux. Encore que là-dessus, bien des choses resteraient à redire. Et des plus excitantes. Canto LXXVI, évoquant ces briques que l'on croit nées ex nihil.

34

Dans ses Cantos Pisanos - j'ai décidé d'appeler, désormais, tous ses Cantos du nom coronaire final de Cantos Pisanos, en souvenir très précisément, de ce qui lui fut fait à Pise - dans ses Cantos Pisanos, dis-je, Ezra Pound procèdera toujours par la dialectique opératoire - essentiellement gnostique, et je dirais même alexandrine - des accumulations, mais la mission de ses accumulations n'est pas celle d'épuiser exhaustivement le domaine de la matière culturelle occidentale de la fin ( disons, aussi, que j'utilise ici le terme de manière occidentale comme certains celtisant arthurien parlaient de la «  matière de Bretagne  »).

08mil05f4_0-U43060584597655AaB-U3050531439326e7D-1224x916@Corriere-Web-Sezioni-593x443.jpg

La mission propre des accumulations culturelles occidentale dans ses Cantos Pisanos, Ezra Pound la conçoit sur un mode en quelque sorte héraldique, destiné à établir comme une micronésie aussi éclatée qu'ardente, comme une grille sémiologique s'ensemble, engagée à mobiliser et à annoncer, à dénominer - et cette dénomination sera très hautement opératoire, gnostique et métacosmique dans ses œuvres ultimes - une accumulation sérielle d'accumulation dont les habilitation intimes se proposeront en effet de feindre de disposer - je veux dire de disposer symboliquement, voire magiquement - de la totalité culturelle de la «  matière d'Occident  » émergeant en cette fin occidentale du cycle de la fin, du grand Cycle de la Fin.

Les accumulations opératoires de la poésie des Cantos Pisanos ne prétendent en rien absolument à procéder à des amoncellements, à des bancs de données culturelles se donnant je ne sais quelle mission secrète préservatrice, désespérée par le tour que prennent les choses, ses accumulations n'ont d'autre identité que celle du pathos magicien et héraldique destiné à les porter vers ce qu'il faudrait peut-être convenir d'appeler leur réalité idéale, dodécaphonique.

Rien, absolument rien n'existe dans les Cantos Pisanos au niveau de la partie, tout y est accumulation et toute accumulation est engagée à s'auto-anéantir à l'instant même où elle se constitue en vue d'être admise à soutenir l'unique chant, le chant transcendantal qui émane - dans le sens gnostique du terme - de la seule totalité constituante et constituée des Cantos Pisanos dans leur ensemble dit et non-dit, et cette totalité elle-même se rompant, éclatant sans fin, une fois ainsi instituée, pour redescendre ders le gravier non-intentionné de ses parties, là où elles de trouvent et come elles s'y trouvent, de ses parties qui la soutiennent secrètement tout comme le gravier soutient la courant étincelant, limpide, de la rivière qui va, vers où elle va.

35

Il est à relever, d'autre part, que le traitement des parties extrême-orientale des Cantos Pisanos - ou de je ne sais quelles négritudes données pour transcendantales, fiction symbolique où Ezra Pound suit les obsessions atalantes de Léo Frobenius - appartient à une politique d'exploitation exclusivement culturelle de la matière d'occident, où les appellations extra-occidentale, quelles qu'elles fusent, ne sont admises à être utilisées que dans la seule mesure où elles peuvent justifier d'un intérêt que leur eût port" quelqu’un des nôtres et à l'intérieur d'une aire d'habilitation réellement occidentale. Tout compte fait, ce n'est pas tellement l'écriture chinoise qu'intéressera Ezra Pound, mais l'intérêt que Fenollos avait porté à celle-ci, etc.

30226135731_2.jpg

36

Le dessein occulte à l'œuvre dans les Cantos Pisanos prétend-t-il mobiliser, embrasser poétiquement la totalité de la culture occidentale concernée par la conclusion catastrophique de ce cycle final du Kali-Yuga, à elle seule cette prétention - ne fût-ce qu'en tant que prétention seule, et rien qu'une prétention avouée, proclamée subversivement - va aussitôt substantialiser la mise en symbole du processus ainsi déclenché, entamer la dialectique de son auto-transcendance, de la soudaine émergence en son sein du chant totalisateur, du pôle d'attraction active d'où procède la mystère du chant unique. Ne bougez point, laissez parler le vent: le Paradis est là, Canto CXX.

Comme le feu courant dans la plaine embrasée, et qui flambe haut, l'œcuménicité d'état du symbole de la totalité de l'aire culturelle à laquelle Ezra Pound en appelle ainsi fera que les choses apparaissent d'avance comme si elles étaient ainsi, et c'est cette apparence même - et sa substantialisation, sa mise-en-chant - qui constituait le but caché de l'opération menée, par lui, de main de maître. Une apparence acceptée comme symbole abyssal de ce qu'elle représente devenant, de par cela même, le noyau vivant de ce qui s'y trouve représenté, son "Je transcendantal". «  Qui t'a fait roi ?  » «  La royauté  », ou, plutôt, «  ma propre royauté  ».

37

Ainsi en viendra-t-on à comprendre qu'une lecture doctrinalement et philosophiquement légitimée des Cantos Pisanos équivaut réellement à une expérience gnostique en profondeur, que les pouvoirs supérieurs d'une certaine poésie secrètement comprise - conduisent à l'intelligence existentielle, autrement dit la participation liturgique directe et immédiate aux mystères fondationnels d'une civilisation accédant à la conscience dépersonnalisante de soi-même à l'instant précis où - or tout est dans cet instant - le processus dialectique final est entamé qui, d'une part, doit en prévoir l'auto-anéantissement à brève échéance mais, qui, d'autre part, ne doit pas moins veiller à ce qu'il y ait passage vers l'imprépensable des recommencements, de la reprise du souffle en vue des prochains grands cycles métacosmiques à maîtriser.

Je dois signaler que le concept d'imprépensable je l'emprunte, dans son acception ontologique, à Martin Heidegger.

shih-ching-ezra-pound-9780674133976.jpgEnfin, chose également à ne pas passer sous silence, la poésie vivante et agissante des Cantos Pisanos n'est pas seulement à proposer l'institution accélérée de l'Arche Métasymbolique de nos temps voués à l'auto-anéantissement, elle est elle-même, ontologiquement - et de par elle-même, révolutionnairement - cette Arche Métasymbolique.

Ainsi les armes de la poésie des Cantos Pisanos doivent-elles exhiber, comme devise, l'ancien mot diplomatique des nôtres, et in Arcadia ego.

38

Ezra Pound: «  L'ingenio est immortel, le temps n'en a pas fait sa proie  ». Récapitulations actives:

- au commencement, le ministère de la poésie accuse la transparence, le pathos royal et orphique, le mystère du nommer, le mystère du fonder (" Ce qui demeure, les poètes le fondent").

- à la fin du cycle: reconnaître le sien, redire, rappeler hypnagogiquement, s'utiliser à choisir ce qui doit rester, parvenir à emprunter une voie de passage vers le cycle suivant, par-delà l'abîme final.

Dans la poésie d'Ezra Pound, intercepter intérieurement le chant d'un monde solaire soigneusement dissimulé, va vibration intérieure, son «  rayon vert  » : le chant mémoire d'une monde solaire devenant, à son crépuscule, la mémoire ce chant, la mémoire qui chant qui s'éteint, du «  chant perdu  ».

-  certitude du retour, certitude gnostique du retour du soleil, du Sol Invictus.

- «  vertige solaire final, à partir des éclats du vertige solaire des commencement  ».

- or, à présent, la dernière interrogation accédant, à bout de souffle, à la formulation apocalyptique par excellence, quel sera son nom, qui sera le Sol Invictus, le demander à Gala Placidia, comme dans le Canto LXXII:

J'entendis alors

Des voix confuses et des bribes de phrases

Et le chant des oiseaux en contrepoint -

Dans le matin d'été et dans l'aigre refrain

D’une voix si douce:

          Moi Placidia, j'ai dormi sous une voûte d'or

Chanson comme les notes d'une corde bien tendue

         Mélancolie de femmes, et quelle tendresse, commençais,

Cependant que ...  »

39

Cinquante ans et plus après le départ de son Idaho natal, l'homme a été choisi et s'est choisi lui-même pour rendre compte des derniers états d'un cycle méta-historique déjà révolu, et révolu dans sa totalité intemporelle même, pour suivre les affres d'une civilisation s'engouffrant, agonisante, dans les souterrains métapsychiques, dans les "souterrains indiens" de la phase finale de son devenir obligé et de ses plus occultes enfers, le '"vieil oncle Ezra", l'ancien proscrit du collège d'Indiana, gardait encore, parfaitement intact, et quelle plus admirable preuve matérielle de son enracinement transcendantal dans le mystère pélasgien de la «  terre des origines  », l'accent et le parler de l'Idaho forestier, sauvage et chaotique, de l'Idaho magique et si puissamment magicien de son adolescence illuminée: à l'intérieur de lui-même, dans l'exil de l'exil de son exil, «  l'homme sur qui le soleil est descendu  » n'a jamais quitté les forêts de noirs sapin sous la brume, les rochers éclatés, les clairières pleines de silence, d'ombres indigo et de neige de ses Montagnes Rocheuses.

pound_portrait.jpg

Si le parler américain d'Ezra Pound charriait  des résonances, produisait une diction, des cadences et un souffle intérieur extrêmement différent - et lointains - de l'américain tel qu'on le parle aujourd'hui, c'est qu'en quittant les rives empoisonnées de la Snake, homme sur le soleil est descendu avait emporté avec lui ce que Donald Hall, en commentant les émissions de celui-ci à la radio - des lectures de ses Cantos - appelait «  l'ancien accent américain  ». Et le critique G.S Fraser, en évoquant, lui aussi, l'américain personnel d'Ezra Pound: «  c'est l’Idaho de 1880 qui, mystérieusement, nous parle  ».

Car ce n'est pas Ezra Pound qui a quitté les Etats-Unis, ce sont les Etats-Unis qui se sont à jamais quittés eux-mêmes à travers l'exil d'Ezra Pound, à travers l'exil planétaire et métacosmique, à travers l'exil ontologique de cet exil désormais s'accomplissant sans fin, sans espoir ni merci dans l'exil de son propre exil.

The world o'ershadowed, soiled and overcast,

Void of all joy and full of ire and sadness.

40

Mais comment la dit-il, dans son LXXVII Canto Pisan, comment la dit-il sa très nuptiale vision de l'Italie, de l'Italie Secrète ? Il dit que la brume recouvre les seins de Telus-Helena et remonte l'Arno.

Et s'est-on vraiment demandé - ne fut-ce qu'entre nous autres - pour quelle raison Ezra Pound avait fait de l'Italie - bien au-delà de tout choix politique - sa fulgurante patrie intérieure, sa patrie prophétique et amoureuse, la patrie secrète de son espérance et de son salut, la patrie, aussi, de sa foi perdue et de son grand amour perdu, la patrie ardente de la secretissima ? Je dis qu'une certaine lumière - songerions-nous à la Toscane, à l'Ombrie - pourra bien répondre à cette interrogation, et le faire silencieusement, comme de par sa seule présence-là. Nous approchons du rebord des confessions ultimes, face au vide, face à l'azur, face à la mer écumante et sombre, face à la mort en pleine lumière. Je le sais, la secretissima était une lumière, à midi.

La mer n'est pas plus claire dans l'azur

Ni les Héliades porteurs de lumière

écrit-il dans son sublime LLXXIX Canto Pisan, le grand chant des lynx et du mystère solaire du lynx et des roses, sous l’irradiation embrasante du feu vivant de la grenade, sous la protection des vignes, la protection la plus ancienne. Et la nôtre aussi, car nous le connaissons, nous autres, le Seigneur du Fruit de la Vigne.

Cythèrée, voici des lynx

Le chêne nain va-t-il se couvrir de fleurs ?

Il y a une vigne rose dans ces broussailles

Rouge ? Blanche ? Non, mais une couleur entre les deux

Quand la grenade est ouverte et qu'un rayon de lumière

La pénètre à demi

 

écrit-il, toujours dans le Canto LXXIX, où il dira aussi, brûlé par le secret rougeoyant de Pomone:

Ce fruit est rempli de feu

Pomone, Pomone

Il n'y a pas de verre plus clair

Que les globes de cette flamme

Quelle mer est plus claire que

Ce corps de grenade

Tenant la flamme ?

Pomone, Pomone

Lynx, garde bien ce verger

Qui a pour nom Mel grana

Ou le champ de Grenade

 

La traduction française de ces fragments des Cantos Pisanos appartient à Denis Roche (l’Herne, 1965)

Ce qu'Ezra Pound, l'homme sur qui le soleil est descendu, cherchait en Italie, on l'a compris, c'est le Paradis. Toscane, Ombrie, Ezra Pound avait accédé à la certitude inspirée, initiatique, abyssale, que le Paradis était descendu, en Italie, pendant le haut moyen-âge, et que très occultement, il s'y trouvait encore. Pour en trouver la passe interdite, il suffisait de se laisser conduire en avant, aveuglément - et nuptiale ment aveuglé - par la secretissima, par une certaine lumière italienne de toujours.

Jean Parvulesco

(Extrait du Cahier Jean Parvulesco publié en novembre 1989, aux éditions des Nouvelles Littératures Européennes, sous la direction d’André Murcie et Luc-Olivier d’Algange.)

 

samedi, 19 décembre 2020

Jean-Pierre Melville dans le Cercle Rouge

bisjovjvazd06ectcwno5viuqim-004.jpg

Jean-Pierre Melville dans le Cercle Rouge

Un témoignage de Jean Parvulesco sur Jean-Pierre Melville

Alors que pour n’importe quel avortement mondain la grande presse prend feu et flambe comme de la paille sèche, les meneurs cachés de la désinformation générale ont décidé que la mort de Jean-Pierre Melville devait être passée sous un éclairage ultra-diminué : à quelques rares, trop rares exceptions près, cette consigne, il faut le reconnaître a été plutôt bien suivie. La tristesse glaciale et ambiguë, par ailleurs si parfaitement urbaine, prévue, ainsi, pour signaler la disparition de Jean-Pierre Melville n’a donc pas manqué de sombrer, sur commande, dans une rhétorique de circonstance, factice, conventionnelle et vide, dont l’inauthenticité patente frisait l’obscénité  peut-être plus encore que la provocation. Tout cela s’est vu, épargnons-nous, par décence envers nous-mêmes, les citations appropriées.

jean-pierre-melville_fauteuil.jpg

L’homme seul, et si serein dans son désespoir absolu, qui, en moins de cinq ans, a su donner au cinéma français, Le Samouraï, L’Armée des Ombres, Le Cercle Rouge, c’est-à-dire ses seules armes actuelles de violence et d’action totale, l’homme qui avait su comprendre, et avec quelle discrétion hautaine, que la dernière chance d’un cinéma allant contre la mise en abjection générale était la tragédie et que la tragédie, aujourd’hui, au-delà de la politique, ne saurait plus être que morale, l’homme du dernier et suprême combat de la fatalité héroïque, qui est combat contre soi-même, ne méritait-il pas qu’on lui laissât l’honneur de s’en aller sans que l’on fasse donner, pour lui, la faquinade parisienne et ses minables chacaleries du prêt à porter sentimental, lui infligeant ainsi, sournoisement, et comme pour une dernière fois, ce qu’il avait le plus exécré, le plus haï dans sa vie ?

Le_Samourai.jpg

Jean-Pierre Melville n’était pas, Jean-Pierre Melville n’a jamais été des leurs. Ces jeunes larves fatiguées de ne pas être qui dictent, aujourd’hui, dans le cinéma français, leur loi de subversion et de déchéance avantageuse, Jean-Pierre Melville les vomissait de tout son être, et jusqu’au vomito nero, spécialité comme on le sait, des Papes qui s’en vont en état de désespoir, et marquent leur agonie d’un signe d’épouvante et de malédiction. Il faut dire, aussi, que les autres le lui rendaient bien. Ce n’est peut-être pas qu’ils avaient déjà tellement envie qu’il s’en aille tout de suite, mais ils n’avaient pas non plus tellement l’envie qu’il s’attardât encore. Depuis quelque temps Jean-Pierre Melville commençait vraiment à être de trop.

71HJ1K3ZXuL._AC_SL1500_.jpg

Mais d’où leur vint-elle donc cette haine inavouable autant qu’inextinguible, la méfiance active qu’ils n’ont pas fini d’entretenir à l’égard de l’auteur de L’Armée des Ombres, cette ségrégation à plaie ouverte qui lui a été si efficacement prodiguée le long de ces dernières années ? C’est que Jean-Pierre Melville était lucidement, et comme fatalement, un homme de droite, ainsi que le soulignait Jean Curtelin, - et si tant est que cette séparation douteuse entre la gauche et la droite puisse encore avoir, aujourd’hui, un sens autre que celui que s’acharnent à lui imposer le fanatisme halluciné, l’obscurantisme retardataire de ceux pour qui la gauche reste l’alibi d’une irrémédiable impuissance d’être en termes de destin.

D’autre part, plus qu’un homme seul, Jean-Pierre Melville était un homme séparé, un activiste forcené du vide qui sépare du monde et des autres, un fanatique glacé et serein du vide qui traduit tout en terme d’infranchissable. Le secret de sa vie tenait, tout entier, dans ce que Nietzsche appelait le pathos de la distance.

La séparation, pourtant, ni l’éloignement du monde, n’étaient, chez Jean-Pierre Melville, une forme de désertion, bien au contraire. Le monde, pour lui, il ne s’agissait pas de le fuir, mais de le changer. Car tel est l’enseignement intérieur de l’engagement pris par Jean-Pierre Melville envers sa propre vie, sa relation souterraine avec ce que Rimbaud avait appelé « la vraie vie » : ne pas changer soi-même devant le monde, mais changer le monde afin qu’il se rende conforme et s’identifie au rêve occulte, à l’image lumineuse et héroïque que l’on porte au fond de soi. Comment transfigurer, comment changer le monde si, comme le dit, toujours, Rimbaud «  le vrai monde es ailleurs ». Aux voies dites traditionnelles, Jean-Pierre Melville avait su préférer l’action directe, la vie de l’action directe, l’action occulte d’un petit nombre de prédestinés à l’accomplissement des grandes entreprises subversives du siècle, et qui, piégés à l’intérieur du Cercle Rouge, changent, pour s’en sortir, les états du monde, le cours de l’histoire et de la vie. Et c’est ainsi que Jean-Pierre Melville avait trouvé dans l’action politique, dans ses options subversives d’extrême-droite : une confrérie, une caste de combattants de l’ombre qui s’imposent à eux-mêmes une rigueur, un dépouillement terrible, indifférents aux résultats immédiatement visibles de leur action, attentifs seulement aux exigences de leur sacrifice et à la gloire cachée de leur longue rêverie activiste sur le mystère du pouvoir absolu.

13652976.jpg

En ce qui me concerne, c’est en termes de caste spirituelle, ainsi que l’eussent fait, à coup sûr, les Treize de Balzac constitués en société secrète de puissance, que je me risque à parler de Jean-Pierre Melville comme d’autres n’ont pas su, n’ont pas voulu ou, tout simplement, n’ont pas eu le courage de le faire, la terreur conjuguée du gauchisme qui se montre trop et du grand argent qui ne se cache plus assez les tenant tous à la gorge impitoyablement. Mais moi je n’ai plus rien à perdre. Alors, pourquoi ne parlerais-je.

Un cinéma chiffré en profondeur

Ce même combat de l’ombre, Jean-Pierre Melville le retrouve, avec son cinéma le plus grand, dans l’exploration des réprouvés suicidaires de la société et de leur milieu secret, exploration qu’il poursuit, lui-même à la fois lucide et fasciné, jusque dans les derniers retranchements, de leur décision de rupture, de leur séparation originaire.

3760861a-0f4e-4ba9-b681-ed1b136ea60b_2.jpg

Seulement il se fait que du Deuxième Souffle jusqu’au Cercle Rouge, ces réprouvés de la société ne sont qu’autant de projections chiffrées de ses propres phantasmes intérieurs, phantasmes qui n’ont rien à voir, en réalité, avec le monde irrespirable, intenablement atroce et vide, où évoluent les vrais truands. Bien mieux sans doute que certains autres, réputés, pourtant, et cultivés avec soin pour leurs relations supposées dans le grand mitan, le mitan dans le vent, Jean-Pierre Melville savait parfaitement à quoi il lui fallait d’en tenir quant à la soi-disant morale du milieu, qui n’en a rigoureusement aucune, et dont les seules vertus actives sont celles d’une immonde inclination aux boucheries inutiles et lâches, marque d’infamie des tarés qui en veulent congénitalement à l’ordre établi et qui se défoncent, chaque fois qu’ils peuvent se le permettre sans trop de risques, par l’étalage d’une violence que d’aucuns s’obstinent à vouloir à la noirceur exaltante, héroïque, alors qu’en réalité celle-ci n’a aucune signification autre que celle de sa bestialité intime, aucun souffle de désespoir profond ni de grandeur, fût-elle négative. Au bout du compte, et au-delà de tout romantisme imbécile, de toute fascination équivoque envers les bas-fonds, la seule attitude majeure envers le milieu reste celle d’une Roger Degueldre, qui, sous prétexte de je ne sais plus quelle « conférence au sommet » entre le grand milieu d’Afrique du Nord et l’OAS, avait réussi à rassembler les caïds de la pègre dans une ferme isolée des environs d’Alger pour un nettoyage par le vide dont on ressent encore les conséquences : trois générations de malfrats passés au fusil-mitrailleur, cela laisse quand même un trou.

Quelle est alors l’impulsion occulte, quelle est la déchirure fondamentale du cinéma de Jean-Pierre Melville, si admirablement cachés, au demeurant, l’une et l’autre, derrière les mythologies de dissimulation qui lui auront permis de dresser dialectiquement face au monde transparent et creux de la réalité extérieure, la réalité à la fois fulgurante et interdite de son propre monde intérieur ?

jean-pierre-melville-2.jpg

Comme Joseph Buchan, comme Fritz Lang, Jean-Pierre Melville appartient à la grande race des obsédés du pouvoir absolu. Le secret de sa vie, qui est aussi le secret de son cinéma, concerne une longue et déchirante rêverie sur le mystère en soi et sur l’appropriation subversive du pouvoir total, pouvoir  total conçu à la fois comme un vertige, comme une super-centrale activiste et comme un concept absolu. Appropriation subversive d’un pouvoir politique total dont les chemins passent par l’expérience ultime de l’empire de soi-même, auquel, pour y parvenir, il faut franchir, comme dans Le Samouraï, les épreuves terribles d’une action de plus en plus voisine de l’impossible, de plus en plus ouverte sur le vide de soi-même et, finalement, sur la mort.

Mais le pouvoir total ne saurait être qu’un pouvoir caché, et, de par cela même, un pouvoir essentiellement symbolique : le cinéma de Jean-Pierre Melville est un cinéma chiffré en profondeur, tout comme l’aura été sa propre vie. Car chose certaine et claire, l’expérience des confrontations permanentes, de la permanente remise en question, - remise en question des pouvoirs de la liberté cachée et de la liberté ultime de tout pouvoir secret, expérience dans laquelle on reconnaît le problème des rapports de force auxquels se résument tous les films noirs de Jean-Pierre Melville, est aussi, de l’expérience intérieure de tout pouvoir politique en prise directe sur la marche de l’histoire. Derrière le cinéma exaltant le mystère de solitude et de vide ardent du crime, Jean-Pierre Melville s’est employé à cacher en semi-transparence le véritable discours, l’unique tourment profond de sa vie. Discours et tourment qui n’ont jamais été que d’ordre politique : dans cette perspective de clair-obscur et de vertige au ralenti, le Samouraï devient soudain autre chose, Le Cercle Rouge aussi. Tout change, tout se laisse et se donne à comprendre autrement. Mais surtout, pas par n’importe qui. Il faut y avoir accès, il faut en être, il faut en avoir été. Ce qu’il n’avait pas pu mener à bien ouvertement jusqu’au bout, Jean-Pierre Melville l’a fait, occultement, dans son cinéma. Il en va, ainsi, de toute poursuite de la grandeur tragique en France, où le terrain est depuis longtemps pourri. Si quelque chose doit se faire jusqu’au bout, il faut d’avance se résigner à passer toujours par l’épreuve de l’acceptation des ténèbres et de la dissimulation.

DsyMmdYXoAE19nF.jpg

Quoi de plus français, en ce sens, qu’une figure apparemment logique et très claire, où le soleil limpide de la raison luit en liberté et s’exalte de tous ses feux, mais dont l’éblouissement même en double la clarté par une nuit impitoyable et profonde comme la mort ? Dans l’œuvre de Jean-Pierre Melville, la raison apparaît et semble s’imposer avec les mécanismes intérieurs du pouvoir de la pègre, où tout est logé dans les rapports objectifs des forces en présence, alors que la nuit et ses abîmes agissent, par en-dessous, à travers la confrontation nocturne des organisations secrètes de puissance et du pouvoir absolu qui se les approprie et les détruit, l’une après l’autre, en les assumant.

Ce que des témoins non prévenus se trouveront forcés de prendre pour des règlements de compte entre truands de haut vol, représenteraient ainsi, dans le cinéma de Jean-Pierre Melville, la tragédie intérieure du pouvoir politique total, le tourbillon qui porte, toujours plus avant vers son propre centre, vers le lieu de résolution finale de leurs destinées communes, les divers secrets d’action révolutionnaire que l’on sait et que l’on ne sait pas.

Dans cette perspective, et en forçant quelque peu la note, disons que le cinéma d’action de Jean-Pierre Melville pourrait fort bien n’être, après tout, et comme au bout du compte, qu’une longue réflexion sur le CSAR, sur le « Comité Secret d’Action Révolutionnaire » d’Eugène Deloncle, ou sur toute entreprise de grande subversion du même genre. Et cette supposition, on l’aura déjà compris, n’est pas tellement gratuite. Au contraire même, peut-être.

Enfin, toutes ces choses dites, il ne reste plus que le problème de la solitude irrémédiable du héros tragique, ce que Jean-Pierre Melville appelait « la solitude du tigre ».

La solitude du Tigre

Plus que jamais, devant le monde des autres, reconnu intolérable, l’unique recours est celui de faire face, de se refuser violemment à toute forme de démission, à tout compromis et à tout oubli. La morale intime de Jean-Pierre Melville est la morale secrète du samouraï, du guerrier mystique pour qui, indifférent quant à l’issue finale de son épreuve, seul compte le combat de la  lumière invisible de ses armes. Cette morale ne s’enseigne pas, son secret ni son souffle de vie ne sont transmissibles : on n’y accède que par la prédestination, ou par l’œuvre intime, en soi, du « seigneur inconnu du sceptre et de l’épée ».

Cette morale c’est déjà le Bushîdo  de la grande solitude occidentale de la fin, la solitude du tigre lâché dans la jungle de béton, dans le monde trois fois maudit du renversement final de toutes les valeurs.

Que l’on aille donc revoir les films de Jean-Pierre Melville, et l’on comprendra peut-être quelle espérance il nous reste de retrouver, en nous, un jour.

Jean Parvulesco.                        

Ce texte a été publié précédemment dans le  Cahier Jean Parvulesco  publié aux Nouvelles Littératures Européennes, sous la direction d’André Murcie et Luc-Olivier d’Algange.

dimanche, 06 décembre 2020

Jean Parvulesco: La lumière blanche de la lune, la folie et la mort - Der Tag der Idioten, Un film de Werner Schroeter

image_13078648.jpeg

Un texte de Jean Parvulesco :

La lumière blanche de la lune, la folie et la mort

Der Tag der Idioten, Un film de Werner Schroeter

Mettons que, tous comptes faits, ils sont déjà et qu’ils seront de plus en plus nombreux les heureux privilégiés qui, à la faveur de divers essayages techniques, projections privées et autres occasions par la bande pourront voir, avant sa future représentation à Cannes, le dernier film de Werner Schroeter, Der Tag der Idioten, Jamais la vie en français (que moi je traduirais, en l’occurrence, par Une Saison en Enfer). 

thumb_56919_film_poster_976x535.jpegŒuvre opaque et sur-compactée, ramassée sur elle-même comme le coquillage d’une bête apocalyptique, cachant, au fond des gouffres océaniques, le secret de ses entrailles à la fois éblouissantes et obscènes, infiniment, intolérablement obscènes, mais qui attend aussi l’heure prévue de la future remontée au jour de l’affliction la plus grande de la terre, le film de Werner Schroeter traite clairement de la folie. De la folie ordinaire, comme le dit le cher Charles Bukowski, mais aussi de la folie extraordinaire, la très-grande ; entre autre, de la folie allemande, ainsi que de la folie érotique, doucereuse et mystique de ceux qu’un Antonin Artaud appelait les suicidés de la société.  En effet, dans un monde éperdument en proie aux puissances de ténèbres qu’il s’invente et s’impose à lui-même, victime hébétée de la honte sans nom et du crime qu’il secrète sournoisement au jour le jour, et celles-ci, les puissances de ténèbres, déjà assez sûres d’elles-mêmes et de leur invincibilité séculière pour qu’elles finissent par se présenter le visage découvert et parées de toutes les insignes de leur gloire, dans ce monde dis-je, ou d’évidence nous avons depuis si longtemps déjà perdu la partie, le folie acharnée, responsable d’elle-même ou qui se figure encore pouvoir l’être, la folie réfugiée ou reléguée au centre le plus obscur de ses propres déploiements, - la contre-folie peut-être - ne représente-t-elle pas le dernier abri, le bunker fantasmagorique, pitoyable mais, en même temps, irréductible pour le petit nombre de ceux qui se souviennent encore des temps d’avant ou pour ceux qui s’imaginent qu’ils puissent encore s’en souvenir impunément ?

Le refus de l’anti-folie

L’aliénation définitive et tragique de soi-même il ne s’agit plus aujourd’hui de la combattre, parce qu’elle est tout ce qui, en nous-mêmes, de nous-même, se veut encore vivant : l’aliénation de nous-mêmes reste notre dernier nous-mêmes, le dernier souffle de vie en nous. Toutes les folles du film de Werner Schroeter ne se survivent que par les noces furieuses, mais en même temps sereines plus qu’on ne saurait le supporter, qu’elles sont amenées à célébrer sans cesse avec leur propre aliénation agissante, avec le pauvre cadavre enterré en elles-mêmes de leur identité d’avant, du néant pétrifié de leur être d’avant le premier cri du dehors. Ce qu’il faut donc, désormais, c’est ramer insidieusement, s’insinuer, se battre, l’écume aux lèvres, cogner aveuglément, bestialement pour arriver au dernier degré de la folie dans son ultime noyau de tranquillité certaine : la folie se doit d’être feinte jusqu’à ce qu’elle devienne vraie folie, folie ardente, folie essoufflée, folie, et ensuite rien ; folie sans désir de folie, folie tout court, folie tout à fait ordinaire. Car, à partir de la ligne rouge du renversement général de la folie, le Paradis se cache liturgiquement au cœur ultime des Enfers de même que, sous l’influence de l’étrange diacre Pâris, certaines religieuses de belle foi en étaient venues à s’intimer des stages de contrition dans les maisons de tolérance du putanat le plus sombre et le plus bas qu’eût entretenu Paris sous le règne déjà pas mal en flamme de Louis XV. Il y a là de fort rudes batailles qui se donnent. Qu’on le sache ou pas, des batailles aux réverbérations si ce n’est aux retentissements cosmiques. Mais il y a des choses dont on ne doit guère causer.

Werner_Schroeter.jpg

Aussi la folie vraie est elle-même une voie, un sentier dérobé vers ce qui, au-delà de sa propre expérience directement vécue, accomplie jusqu’à la fin et comme bue à la lie, la dépasse et l’annule : l’anti-folie, disions-nous, faute de mieux.

Telle sera donc la carrière suprêmement spirituelle, eucharistique dirais-je même – il y a un sens original du terme, bien plus terrible que celui de son acception catholique actuelle - que poursuit Carole Bouquet dans ce film-piège, film visant à se vouloir, très sournoisement, une espèce de Vierge de Nuremberg morale et y parvenant assez parfaitement, car elle, Carole Bouquet, n’hésitera pas, de son côté, à utiliser ce film, - et, pour l’utiliser, elle s’y précipitera comme dans le puits noir d’un suicide rituel – à la manière d’une machination suractive, comme une conspiration au second degré lui permettant (lui ayant permis) à elle, Carole Bouquet, de parvenir jusqu’au cœur immobile, jusqu’au cœur en fer noirci de sang où apparaît l’anti-folie, c’est-à-dire la mort. Je veux dire la mort en tant que telle, chose qui ne me paraît nullement impossible à affirmer dans ce contexte.

indexcb.jpg

De toute façons, quelle plus irrévocable humiliation pour la folie que son assujettissement à la mort, que la désertion de la mort ? Faire semblant de s’approcher de la folie comme d’un but en soi et, la trahison dans l’âme n’y voir qu’un mince sentier de prostitution, mobilisé pour qu’il fasse rejoindre subversivement les parages immédiats de la mort alors même que l’on fait si bien semblant de céder aux vertiges les plus réputés de la démence et de ses abattements, de ses mélancolies qui donnent le change.

Le pari halluciné de Carole Bouquet

Ce fut donc là le pari halluciné de Carole Bouquet (et je ne suis pas même certain que Werner Schroeter, lui, aura tout eu à comprendre de ces manigances de bonnes femmes dans le pressoir ou qu’il se résignât vraiment à prendre les choses ainsi). Car jamais, dans l’histoire actuelle du cinéma, l’être propre d’une comédienne n’a eu à s’offrir et de s’est vu offert avec plus d’élégance étudiée, insouciante aussi, et jeune, adolescente même et comme musicale à la fin, avec plus d’acharnement, de rage et de honte exaltée et exaltante aux jeux dramatiquement coupables et troublés en profondeur, aux jeux morbides et, finalement, tout à fait mortels du franchissement clandestin des chemins de sa propre mise à l’épreuve face à la folie, et ensuite dans la folie elle-même et au-delà de la folie, soudain, face à la mort et à la fin de tout comme poussée, elle-même, par derrière, brutalement, dans la mort. Il faut avouer, reconnaître que tout cela n’est quand même pas rien, loin de là. Se jouer ainsi de la folie, jouer de la  folie jusque dans le cœur même de la folie de la folie, jusque dans le cœur le plus inviolable, le plus sombre et le plus émietté, le plus cendreux de la folie et en sortir quand même par les portes hypnagogiques de la mort, et de la mort la plus ordinairement qualifiée, telle est l’aventure essentiellement infernale – et exemplaire s’il en fût, cette aventure , pour nous autres, chercheurs paranoïaques de toutes les passes interdites – dont Carole Bouquet s’est chargée de faire sien le mystère vivant dans ce film, ou plutôt à travers le film où elle a plus ou moins persuadé Werner Schroeter à l’y engager sans aucune espèce de retenue.

2028472,XrTtUeuDb25Y5ciMkHpG6UdYprIj_nKwIpXd_unMIm4Oz9Z08drMH04M6M5s4HpkJV2g6VWjoPPYpnx4p9z6OQ==.jpg

Et pourtant, il ne serait pas très intelligent de se laisser prendre à la doctrine affirmative, extérieure, de ce film, à ses écailles en surface, écailles mouvantes, et qui coupent mortellement, pas très intelligent de se laisser capturer de part en part en lui de son seul dit, qui fascine et qui sait convaincre : la part du non-dit y est immensément plus armée de mystère, plus significativement engagée dans le sens d’un avenir encore lointain, bien lointain peut-être, mais qui, lentement, je le sais, reviendra compréhensible, puissant et clair. C’est le sacrifice acharné, somme toute relativement démentiel et comment dire, trans-sanctifiant même de Carole Bouquet qui s’y auto-immole et bien plus encore, qui s’y auto-mutile à la folie la plus noire, à la folie grassouillette et grisâtre qui véhicule la mort imbécile et si peu sanglante des autres, des sous-être mis à sa disposition, de ses compagnes d’hospice, de masturbation et de crétinisme sans remède, ses pauvres sœurs captives des bourbiers capricieux d’une Apocalypse sans cesse interrompue dans ses élans comme par une espèce de coïtus interruptus justicier et valétudinaire, toujours menteur, trouve sa contrepartie occulte dans les gesticulations infâmes, dans l’écoeurante dérision des bas-restes, des haillons immondes qui signalent, ici et là, au cours du film, pareils à du vomi anonyme le long du couloir étincelant de l’hospice où tout se fait et se défait, trouve sa contrepartie occulte, dis-je, dans je ne sais quels antécédents, catholiques, du discours général, rémanent et parasitaire, dans un certain bégaiement christologique des sous-êtres-là et des choses informes qui les gardiennent. Carole Bouquet, en effet, va prendre sur elle toutes les ténèbres et toutes les nuits, la souillure abyssale, la mort et l’angoisse hallucinée de ce monde en les faisant clandestinement et comme très amoureusement siennes : ainsi Carole Bouquet les arrache-t-elle à elles -mêmes, ces épouvantables misères de la chair, de l’âme et de la conscience en putréfaction avancée dont elle s’est imposée le spectacle de cauchemar éveillé, et, en les arrachant à elles-mêmes, se les approprie eucharistiquement et les annule, parce que c’est en les faisant siennes, en les mangeant mystiquement et en les faisant brûler dans ses divines entrailles qu’elle en désarme la mainmise et la honte sur elles, la mainmise paroxystique du néant à l’œuvre dans sa propre Maison d’œuvres. Et c’est alors que le non-dit du film, le non-dit de la prestation secrète, illégale, de Carole Bouquet flambe, soudain, dans le creux, dans le mince sillon ardent et profondément caché où s’éclatent les termes d’une dialectique malgré tout christologique, porteuse non d’un voile de lin blanc ni même d’une nappe de sang, mais de la suie abjecte et apparemment non-significative que l’on recueille sur le visage estropié de ces crétines, de ces folles expulsées de l’être et du néant, somptueux gibier de latrines pour ceux qui savent et plus encore pour ceux qui osent.

th.jpg

Nue, à jamais nue

Or la marque angéliquement limpide de ceux qui en sont, de ceux qui ont osé, va apparaître là avec la nudité impitoyable et sauvage, avec la déchirante nudité de Carole Bouquet à l’œuvre : exhibitionnisme transcendantal de son  sexe dans un des premiers plans du film, de sa belle chair magnétique, cuite et recuite et comme noircie, voilée par les feux invisibles des regards de ses saldingues d’apparat, qui dévorent et qui calcinent, nudité extatique de ses longs cheveux noirs qui, minces serpentes de mercure, véhiculent les rayons de la Lune Noire, nudité même de l’intérieur de sa bouche, flamboyant de pourpres et d’écarlate comme une nova qui viendrait à peine d’exploser quelque part dans l’Alpha du Centaure, nudité toute puissante jusque dans la couleur même de ses yeux, ce vertigineux bleu profond, nocturne et sélénaire, glacial, appel désespéré à quelle aurore boréale à venir, bleu sidéral et océanique, interdit d’azur et qui proclame subversivement le règne de la nouvelle Glazialkosmogonie hörbigerienne, notre patrie perdue et l’éternité même d’un souvenir intact.

Mais que dit Régis Debray ? Il dit que d’où l’on se suppose parti, là il faut aller se reposer. Aussi doit-on, à la toute dernière limite de cette approche, se dire qu’il faut voir et comprendre Der Tag der Idioten de Werner Schroeter comme une sorte d’inversion ordurière des grands Jeux Olympiques filmés à Berlin, en 1936, par Leni Riefenstahl, un songe mort-né que l’on s’évertue de contempler dans un miroir infernalissime, dans un miroir plus noir que noir – nigra nigrum nigrius disent les textes alchimiques traditionnels – alors que, à l’intérieur d’un songe profond et comme éveillé, Carole Bouquet elle-même s’y laisserait surprendre comme une autre Leni Riefenstahl, mais les yeux arraché, mutilée, anéantie à Treblinka ou d’ailleurs (qu’importe, en fait, puisque Treblinka, aujourd’hui, est partout, en nous-mêmes, et hors de nous, sournoisement, bestialement), vidée de ses propres entrailles, qui furent d’un rose si céleste et soyeux, piétinée et déchiquetée dans sa propre pourriture d’être à la fois vivante et non-vivante, à peine gigotante encore, la bouche remplie de son propre sang comme on la surprend dans le dernier plan du film, son humble et tragique couronnement et la mise à jour de sa signification la plus occulte.

MV5BYTdkODk3MzMtNzRiNS00MzYwLTg0MDctYmM5NGU5MjUyMGRjXkEyXkFqcGdeQXVyMTc4MzI2NQ@@._V1_UY1200_CR85,0,630,1200_AL_.jpg

La bouche remplie encore de son propre sang, mais qui parvient encore, du plus profond de sa déréliction, à tout faire sauter, à tout faire s’écrouler à la fin. Car, à la fin, l’hospice spécialisé en saldingues irrécupérables et suicidaires saute, s’écroule dans non-être et tout s’auto-anéantit avec lui. Ainsi le mot ultime, le mot d’au-delà de tout mot, ainsi le dernier secret sont dits, et bien plus encore, sont clairement prédits : tout, à la fin sautera, tout s’écroulera. Car la semblance extraordinairement parfaite et si belle de ce film prétend que c’est Carole Bouquet elle-même qui doit se trouver, et qui finira par se trouver clandestinement à l’origine de ce geste apocalyptique final, à l’origine, je veux dire, de cette Apocalypse indéfiniment rêvée, indéfiniment reportée.

Régis Debray encore : Parce qu’elle abîme, l’incomplétude oblige à réparer. Mais c’est irréparable. Irréparable quant à la totalité, quant à la mémoire interdite et déchue de l’ensemble antérieur.

Cependant Hölderlin, lui, ayant payé de prix que l’on sait, le prix même du salut et de la délivrance par la folie pénétrant au cœur même, au cœur ultime de la folie extatiquement immobile en elle-même, le prix royal et sous-abyssal de l’anti-folie, ne se demandait-il pas, précisément, au-delà de toute sémiologie vivante et agissante : j’aurai vécu un jour comme vivent les dieux, et que faut-il de plus ?

Mais les dieux, comment vivent-ils ? Dans l’oubli, héroïque et limpide, des gouffres qui les portaient, sur les cimes nues de l’anti-folie.

Ainsi ce que Werner Schroeter voulait faire, ce qu’il est parvenu à réaliser à travers ce plus que fascinant Der Tag des Idioten, il n’aurait pourtant pas pu le faire sans Carole Bouquet, je veux dire sans Carole Bouquet elle-même. Car la prédestination sera toujours infiniment plus forte que toute volonté de destin, et la terrible faiblesse lunaire du don total, de la soumission avide de soumission jusqu’à la mort ne manquera jamais de l’emporter sur la volonté des ténèbres extérieures puisqu’elle est encore elle-même, intérieurement, ténèbres et, dans ces ténèbres, impuissance et oubli de tout. Encore que, de toute façon, l’abîme appelle l’abîme.

La mort seule m’a appris la vie, me disait un jour Carole Bouquet. Nue, à jamais nue, elle sera donc, désormais, sans fin des nôtres.

1000685185.jpg

Hécate, elle-même Hécate

Je crois que l’on ne le sait que trop : les très grands films exigent impérativement qu’une relation médiumnique profonde et, surtout occulte depuis le début jusqu’à la fin, s’établisse plus ou moins honteusement entre le metteur en scène et le comédien à partir duquel il compte déployer l’espace intime de son dit (mais sait-il toujours, quel est, quel sera son véritable dit, le dit qu’il lui sera donné de dire ? ). Le centre de gravité ultime du film qui se veut appartenir au sommet de l’expression cinématographique se situe donc non dans la réalisation du film au niveau de l’image, au niveau de la matérialité immédiatement saisissable et montrable, mais dans les profondeurs existentielles ou quelqu’un parvient à faire accepter à quelqu’un d’autre de prendre aventureusement, héroïquement le parti sacrificiel de mourir à lui-même, de mourir à son être extérieur et avouable, pour céder la place, en lui-même, à ce qui, mystérieusement, en lui-même, appartient au non-monde du non-dit, à la tragédie permanente d’un monde dont les archetypes ardents se perpétuent mythologiquement – je veux dire à l’intérieur toujours, de la même mythologie – sans tenir compte de la marche de l’histoire des êtres visibles à la seule lumière du jour.

Aussi, qu’il s’agisse de la lumière de la nuit ou de la claire journée d’hiver en Allemagne, à la limite des neiges, dans Der Tag der Idioten ,la lumière intérieure du film n’est jamais que la lumière hypnagogique de la lune, maîtresse des songes secrets et de la mort.

C’est que Werner Schroeter a su arracher, aux plus interdites profondeurs vitales et magiques de Carole Bouquet, une autre Carole Bouquet, qui s’identifie secrètement, qui est devenue elle-même, en elle-même, Hécate, la déesse sanglante et toute puissante de l’autre lumière, la lumière de la lune.

Hymne et action de grâce inavouable à la Lune Noire, Der Tag der Idioten rend à Carole Bouquet sa véritable identité, son identité nocturne et lunaire, nous en dévoile la gloire sombre et les adorations dévastatrices d’Hécate, qui vit médiumniquement en elle et qui demeure en elle, comme depuis toujours.

Jean Parvulesco

Ce texte a été publié précédemment dans le « Cahier Jean Parvulesco » publié en 1989, aux éditions Nouvelles Littératures Européennes, sous la direction d’André Murcie et Luc-Olivier d’Algange.

dimanche, 25 mars 2018

Jean Parvulesco et la Géopolitique transcendantale

JP-da2vg.jpg

Jean Parvulesco et la Géopolitique transcendantale

par Laurent James

Ex: http://parousia-parousia.blogspot.com

Le Comité Jean Parvulesco a l’honneur d’être l’un des organisateurs de ce colloque de Chisinau (Moldavie).

Ce Comité a été fondé par les descendants de Jean Parvulesco, Constantin et Stanislas (co-auteurs du texte de cette intervention) en date du 12 novembre 2016 à Câmpulung-Muscel, en Roumanie, non loin de Pitești, lieu de naissance de l’écrivain Jean Parvulesco (et jumelée avec Chișinău). Un service religieux orthodoxe fut alors célébré en l'église princière du Monastère de Negru Voda, commémorant le décès de Jean Parvulesco survenu le 21 novembre 2010, à l’intention à la fois du repos de son âme, de l’unité de l’Eglise et de la plus grande Europe. Une réunion fut ensuite tenue sur le thème : "Les racines spirituelles de la grande Europe eurasiatique".
(Une publication de ces allocutions est présentement en cours, il est possible d'en commander un exemplaire sur le lien suivant : https://www.lepotcommun.fr/pot/0u22zl5r ).

manifeste-de-chisinc3a0u-realiser-la-grande-europe-sf071701-1400x457.jpg

Ce thème a été la ligne de fond de toute sa pensée, aussi bien poétique que géopolitique, affirmée au cours de ses nombreux textes et ouvrages, dont certains sont actuellement en cours de traduction en langues roumaine et russe.

Il est parfois difficile pour nombre d’entre nous d’établir un lien direct entre la spiritualité et la politique. On se souvient que Charles Péguy craignait que « la mystique soit dévorée par la politique à laquelle elle a donné naissance ». Or, il est fort possible que nous nous trouvions aujourd’hui à une époque si particulière que ce soit au contraire la politique qui donne naissance à la mystique, et afin précisément de pouvoir être dévorée par celle-ci.

Ou, dit autrement : les événements politiques majeurs de notre temps sont tous concernés directement par la spiritualité, et de plus en plus, car la politique se débarrasse aujourd’hui complètement de l’idéologie pour entrer tête la première dans la géopolitique. Et, comme l’écrivait Jean Parvulesco en 2005 : « C’est la géopolitique en tant qu’expérience gnostique abyssale de l’histoire qui en pose les buts ultimes, et tend en avant les ultimes raisons eschatologiques en action ». Ou alors, de manière encore plus claire : « La géopolitique transcendantale est, en effet, une mystique révolutionnaire en action ».

Deux événements très importants eurent lieu en Europe durant la même période que la fondation du Comité Jean Parvulesco en fin d’année dernière, deux événements politiques absolument opposés l’un à l’autre.

L’élection de M. Igor Dodon à la présidence de la Moldavie d’une part, et la transformation du Régiment Azov en parti politique à Kiev, le 14 octobre 2016, d’autre part. Une dénommée « Marche de la Nation » menée par Azov, Praviy Sektor, C14 et d'autres formations nationalistes  a alors réuni plusieurs milliers de personnes dans les rues de la capitale ukrainienne.

Ces deux événements témoignent de la présence réelle, dans le champ politique européen, de deux pôles spirituels absolument opposés entre eux, deux ennemis irréconciliables dont la lutte sans merci se tient depuis les origines de l’humanité.

D’abord un pôle continental anti-atlantiste, régi par la volonté d’unification de destin des peuples eurasiatiques, porté par une foi vivante et agissante, catholique à l’ouest et orthodoxe à l’est, un pôle d’obédience christique et mariale pour lequel Jean Parvulesco a combattu durant sa vie entière.

Et puis, en face, un pôle violemment nationaliste, en réalité dépendant intégralement des forces atlantistes.

eurasiemicheldragon.jpgLes discours tenus publiquement par les dirigeants du Corps National, la branche politique du mouvement Azov, évoquent ouvertement une volonté d’en finir avec l’Eglise et toutes ses valeurs. Les textes théoriques et publics des intellectuels d’Azov, tels que Olena Semenyaka, coordinatrice du projet « Reconquista Azov » et membre du service de presse du Parti, mettent en avant une conception gnostique et anti-cosmique du monde basée sur le rejet absolu de l’idée messianique chrétienne au service intégral des Dieux des profondeurs. Ils estiment que le monde moderne, qu’ils prétendent combattre sans merci, est symboliquement incarné par le christianisme. Différentes modalités de la Voie de la Main Gauche sont proposées dans ses textes afin de faire intégrer la musique Black Metal et ses valeurs « nationalistes et chthoniennes » dans l’espace politique de l’assemblée de Kiev. Ces modalités peuvent être (je cite) : l’athéisme radical et nihiliste, l’occultisme, le satanisme théiste, et les cultes païens archaïques reliés à l’« aryano-luciférianisme ».

Je rajoute que le 17 mars 2017, un Manifeste politique national pan-ukrainien a été signé à la Maison des professeurs à Kiev entre les responsables des forces nationalistes les plus importantes du pays. Parmi les vingt points du Manifeste se trouve ceux-ci : « Reconnaître la fédération de Russie comme un pays agresseur à tous les niveaux de la diplomatie internationale. » ; « Reconnaître juridiquement certaines zones des régions de Donetsk et Louhansk comme des territoires occupés et développer un véritable plan pour libérer la Crimée et le Donbass de leurs occupants. Procéder immédiatement à la mise en œuvre d’actions concrètes allant de la reconnaissance militaire et du sabotage à la guerre économique et de l’information. » ; « Assurer à la langue ukrainienne le statut de langue d’État unique. ». Le texte de ce véritable manifeste de guerre ouverte a été déclamé par le chanteur du célèbre groupe de rock gothique ukrainien Komu Vnyz.

Il faut bien comprendre que ces mouvements ne se déclarent pas anti-eurasistes, dans la mesure où ils estiment être les seuls véritables pan-européens, revendiquant l’héritage de la Révolution Conservatrice. C’est la vieille tradition bien connue de l’inversion des paramètres : le vrai soleil c’est la lune, l’enfer est la porte du paradis, etc.

Nous comprenons donc aisément que ces deux pôles politiques très récemment inscrits dans l’espace européen sont la face visible de deux pôles spirituels antagonistes : le premier pôle est christique, ecclésial et favorable à la notion d’Empire comme serviteur du Christ, basé sur un faisceau d'alliances pacifiques entre souverainetés européennes et une synergie économique au service de l'homme, un Empire de la Paix ; le second pôle peut également être favorable à l’Empire mais avec une finalité toute différente, c’est l’Empire du Dragon détourné du Christ et résolument hors de l’Eglise, un pôle nationaliste par idolâtrie et ouvertement luciférien.

pendu-1.pngLes ramifications françaises du luciférianisme sont également très importantes, et elles ne sont pas près de faiblir depuis que la carte du Tarot « Le Pendu » vient d’être élue président de la République, l’envoyé des profondeurs parrainé par le maître Barack Obama.

On évoque toujours, à juste titre, la Révolution française, mais ces événements sont également la prolongation directe de la Révolution américaine, dont les Pères fondateurs n’étaient absolument pas chrétiens. Thomas Paine, qui en fut l’inspirateur, publia après celle-ci « The Age of Reason » qui constitue une des plus violentes attaques jamais écrites contre la Bible et les Evangiles. Il y dénonce la conception virginale du Christ, et écrit des phrases comme :

« Ce n’est pas un Dieu, juste et bon, mais un diable, sous le nom de Dieu, que la Bible décrit ».

« Un bon maître d’école est plus utile qu’une centaine de prêtres ».

« Le Vatican est un poignard au cœur de l’Italie ».

ou encore des professions de foi progressistes comme : « La nature humaine n’est pas vicieuse d'elle-même ».

Une véritable littérature de Pendu par les pieds, d’homme à l’envers.

andreiev.jpgUn écrivain russe encore trop peu connu en France a donné des prédictions qui correspondent tout à fait à notre monde contemporain. Il s’agit de Daniel Andreiev, qui prévoit dans son ouvrage « Roza Mira » (La Rose du Monde), écrit en prison sous Staline et parfois comparé à la Divine Comédie, la transformation des Etats nationaux en machines infernales, en centrales de production d’énergie négative.

Le seul avantage de notre époque repose sur le fait que la visibilité politique de ces deux pôles spirituels (l’un christique et l’autre luciférien) soit d’une clarté absolue. Néanmoins, la dernière chance pour certains est de tenter d’introduire la confusion et de mélanger ces deux pôles, ou plutôt de les inverser, et ceci au seul bénéfice du mal, bien entendu. L’inversion des paramètres dont je parlais à l’instant.

Il y a le détournement en Ukraine du principe de la Révolution Conservatrice par des nationalistes autoproclamés lucifériens. Et puis, en ce moment même, a lieu en France une tentative de récupération de Jean Parvulesco au service intégral de la puissance des ténèbres, essayant d’inverser sa pensée et de le faire passer pour un membre de la secte des Adorateurs du Serpent, c’est-à-dire un contempteur des religions assimilées à des égrégores dégénérés et des vampires psychiques, un ennemi absolu des trois monothéismes vus comme des trahisons de la spiritualité première, un opposant radical au processus de la création démiurgique et un gnostique fidèle de Lilith l’avorteuse.

Rose_du_Monde.jpgNotre grand écrivain catholique, notre grand visionnaire de l’Empire Eurasiatique du Saint-Esprit a écrit de nombreux textes très clairs sur toutes ces questions, et notamment deux que l’on peut trouver dans « Le Retour des Grands Temps ». Il pressentait sans doute déjà, de son vivant, l’éventualité d’une telle malversation.

Il est beaucoup plus simple d’attendre qu’un écrivain soit mort pour lui faire dire le contraire de ce qu’il a toujours dit.

La notion d’Empire défendue tout au long de sa vie par Jean Parvulesco ne doit pas être confondue avec la volonté d’hégémonie politique au service d’un seul pays.

D’abord, il livre un appel à ce que (je cite) « les uns et les autres nous trouvions comment revenir à la vision contre-révolutionnaire de l’Empereur Mystique, le grand Alexandre Ier, et de la Sainte Alliance des Trois Empires chrétiens, l’Empire d’Allemagne, l’Empire d’Autriche et l’Empire Russe, ce qui revient à prévoir à terme l’intégration du catholicisme et de l’orthodoxie en une seule instance impériale de présence et de témoignage de vie au sein d’une même et seule structure impériale d’Eglise ».

N’oublions pas que Guillaume II, qui se considérait lui-même comme l’Empereur de l’Atlantique, appelait son cousin Nicolas II, l’Empereur du Pacifique.

« Ainsi les actuelles retrouvailles nuptiales de la Russie et de l’Europe vont-elles devoir imposer le retour du sacré vivant au sein de la communauté impériale grand-continentale », écrivait encore Jean Parvulesco.

L’Empire est la structure naturelle de toute organisation communautaire. Il est basé sur le principe de subsidiarité : tout ce qui peut être réglé politiquement par la base doit être réglé par la base.

Ce sont les communautés naturelles qui régissent elles-mêmes leur propre organisation, l’économie de leur territoire.

Le principe de l’Empire est celui de l’unité suprême au sommet, et de l’hétérogénéité à la base.

On retrouve le principe spirituel de la monarchie, liée à une logique organique de la vie des peuples, et qui fait qu’un empire est naturellement lié à la notion de civilisation.

Le philosophe catholique et anti-communiste Jean Daujat a parfaitement décrit la manière dont les corporations de métiers des XIIè et XIIIè siècles en France furent codifiés par Saint Louis, mais pas organisés ni dirigés par celui-ci. « Ce qui couronnait tout l’intense mouvement de la vie sociale du XIIIè siècle était l’inspiration chrétienne de la politique mise au service du règne du Christ dans l’ordre temporel dont les souverains se considéraient comme les ministres », écrit-il. Et encore : « Tous les rois de France, en étant sacrés à Reims, s’engageaient à préserver le peuple contre toutes rapines et iniquités. »

Des événements historiques tels que la querelle des Investitures puis, bien plus tard, le Traité de Westphalie, ont engendré la dislocation des Empires, et conséquemment de leurs spiritualités, puis l’avènement des nations athées et orgueilleuses qui se sont toutes mises à guerroyer les unes contre les autres. Au seul bénéfice intégral de la puissance financière régnant sur le chaos.

stHRRDN.jpgPersonne ni aucun peuple ne doit être identifié ni s’identifier lui-même au pouvoir impérial. Le pouvoir impérial n’est pas l’attribut d’une nation, mais un attribut divin prêté et repris au souverain. Et il a pour seule fin le service des communautés.

Aucun pays européen, aucune nation européenne n’a hérité de l’Empire de Rome. C’est l’Eglise elle-même qui en a hérité, comme l’a bien expliqué Soloviev dans son ouvrage « La Russie et l’Eglise Universelle », où il écrit les phrases suivantes :

« Les grandes puissances du monde ancien n’ont fait que passer dans l’histoire : Rome seule vit toujours. La roche du Capitole fut consacrée par la pierre biblique, et l’empire romain se transforma en la grande montagne qui, dans la vision prophétique, était née de cette pierre. Et la pierre elle-même, que peut-elle signifier, sinon le pouvoir monarchique de celui qui fut appelé Pierre par excellence et sur qui l’Église Universelle — cette montagne de Dieu — fut fondée ? »

L’Eglise est une et indivisible, à la fois catholique (universelle dans l’espace) et orthodoxe (permanente dans le temps). 

L’Empire et l’Eglise sont donc indissolublement liées l’un à l’autre.

C’est ce que démontre avec superbe Dante dans son De Monarchia.

Je terminerai ma courte allocution en citant une phrase très significative de Jean Parvulesco, extraite d’une conférence donnée à Neuilly le 20 décembre 1994, titrée « La signification suprahistorique du massacre des Romanov ». Cette phrase permettra d’effectuer une ouverture à la fois sur nos origines les plus lointaines et sur la thématique précise de notre colloque.

« Ainsi que l’observait Guido Giannettini dans un de ses essais géopolitiques d’avant-garde, pour la première fois depuis des temps indéfinis, depuis la fin même, peut-être, du néolithique, les hommes d’un même sang et appartenant à la même vision fondamentale de l’être et du monde, à une même civilisation profonde, se retrouvent à nouveau ensemble, prêts à intégrer l’ancienne unité de leur prédestination commune, de l’Atlantique au Pacifique. »

https://www.geopolitica.ru/fr/studio/jean-parvulesco-et-l...

http://www.estica.eu/article/jean-parvulesco-si-geopoliti...

http://flux.md/opinii/jean-parvulesco-si-geopolitica-tran...

Jean Parvulesco. Les aventuriers de l'esprit

JP-DA-1or.jpg

Jean Parvulesco. Les aventuriers de l'esprit

 
Jean Parvulesco. Les aventuriers de l'esprit. Le film d'Olivier Germain-Thomas.
 

samedi, 03 mars 2018

Jean Parvulesco: Que le Japon vive et revive dix mille ans

japon-1JP.jpg

Jean Parvulesco: Que le Japon vive et revive dix mille ans

 
Hiroshima, 1er mars 2018.
 
Je me trouve actuellement à Hiroshima. J’ai lu le poème de Jean Parvulesco « Que le Japon vive et revive dix mille ans » aux alentours du dôme de Genbaku.
 
 

JPDA-1.jpg

vendredi, 02 mars 2018

Troisième Rome: de Dostoïevski à Jean Parvulesco

CBS-james.jpg

Réservation obligatoire: cercledubonsens@hotmail.com

lundi, 19 février 2018

Entretien d'Alain Santacreu avec la revue Rébellion

santacreu-1.jpg

Entretien d'Alain Santacreu avec la revue Rébellion

Ex: http://www.contrelitterature.com

RÉBELLION : Pourriez-vous présenter votre parcours dans une courte introduction ?

ALAIN SANTACREU : Je suis né à Toulouse, au mitan du dernier siècle. Mes parents étaient des ouvriers catalans, arrivés en France en 1939, en tant que réfugiés politiques. J’ai vécu toute mon enfance et mon adolescence dans cette ville. J’y ai fait mes études, depuis l’école des Sept-Deniers jusqu’à l’ancienne Faculté des Lettres de la rue des Lois, en passant par le lycée Pierre de Fermat et le lycée Nord. C’est au Conservatoire de Toulouse, dans la classe de Simone Turck, que j’ai commencé ma formation théâtrale.


Je me suis marié très jeune et j’ai dû quitter Toulouse. Durant quelques années, j’ai joué dans diverses compagnies théâtrales de l’Est de la France. J’ai aussi été directeur d’un centre culturel, près de Belfort. Finalement, je suis devenu enseignant et j’ai exercé dans des établissements de la région parisienne. C’est au cours de cette période que j’ai écrit mes premiers textes et fondé la revue Contrelittérature. Par la suite mes activités éditoriales se sont diversifiées et, tout en publiant un premier roman et un recueil d’essais, j’ai di­ri­gé plu­sieurs ou­vrages col­lec­tifs sur l’art et la spi­ri­tua­li­té, dans le cadre de la collection « Contrelittérature » aux éditions L’Harmattan. Quant à mon parcours intellectuel proprement dit, je l’aborderai en répondant à vos autres questions.


AS-l2.jpgR/ Dans votre dernier roman Opera Palas vous placez le lecteur dans une posture opérative originale. Pensez-vous que le regard du lecteur « fait » vraiment un roman ?

AS/ Toute la stratégie romanesque d’Opera Palas tourne autour de la phrase célèbre de Marcel Duchamp : « Ce sont les regardeurs qui font les tableaux ». C’est un commentaire qu’il a prononcé à propos de ses ready-made [1]. On sait que le ready made inventé par Duchamp est un vulgaire objet préfabriqué, prêt à l’emploi, comme son célèbre urinoir, « Fontaine », devenu un chef-d’oeuvre de l’art du XXe siècle.


  Toute oeuvre d’art a deux pôles : le pôle de celui qui fait l’oeuvre et le pôle de celui qui la regarde. Dans le ready made, l’artiste s’efface du pôle créatif puisqu’il ne réalise pas l’objet « tout fait » qu’il donne à voir. Dès lors, la production de l’oeuvre ne dépend plus que du second pôle, du regardeur, celui de la réception. Ainsi, le ready made de Duchamp démontre que le goût esthétique n’est que la projection de l’ego du regardeur sur l’oeuvre.


  Le spectacle – ce que j’appelle « littérature », comme j’aurai l’occasion de l’expliciter – est le pouvoir qui veut que je tienne mon rôle dans le jeu social dont il est l’unique metteur en scène. S’opposer à la volonté du spectacle, c’est donc mourir à soi-même, renoncer à ce faisceau de rôles qui me constitue, devenir réfractaire à cette image que la société me renvoie. Un texte signé Alaric Levant, paru récemment sur votre site internet, affirme que ce travail sur soi est un acte révolutionnaire : « Aujourd’hui, nous sommes face à une barricade bien plus difficile à franchir que celle des CRS : c’est l’Ego, c’est-à-dire la représentation que l’on a de soi-même »[2].


  La démarche de Duchamp vise à nous extraire de la perspective spectaculaire, en cela elle annonce le situationnisme, la dernière avant-garde artistique et politique qui se soit manifestée dans notre société contemporaine. Le pouvoir du regardeur de décider si une pissotière est une oeuvre d’art est factice ; en réalité, c’est dans les coulisses que le meneur du spectacle décide de la seule norme esthétique qui puisse me faire exister au regard des autres.


  Ainsi, les œuvres de l’art fonctionnent comme un immense kaléidoscope de miroirs que le regardeur manipule afin de customiser l’image qu’il a de lui-même. Plus encore : pour la pensée aliénée toute chose n’est que ready-made, marchandise « prête à l’emploi ». Votre goût esthétique est tout simplement le signe que vous êtes un moderne comme tout le monde. Si vous voulez être intégré dans le spectacle, vous devez vous conformer à l’exercice obligatoire de la différenciation mimétique – pour le dire à la manière de René Girard – de façon à vous assurer que vous appartenez bien à la classe de loisir – pour le dire à la manière de Thorstein Veblen.


 Opera Palas est l’équivalent contre-littéraire du ready-made duchampien. Marcel Duchamp est un protagoniste du roman et son oeuvre maîtresse, La mariée mise à nu par ses célibataires, même – aussi appelée Le Grand verre – est l’élément déclencheur du récit. La vanité de vouloir jouer un rôle dans la société du spectacle, la quête du succès et son obtention, Duchamp les a analysées dans son oeuvre majeure.


  En lisant, le lecteur est renvoyé à son propre acte interprétatif, le roman est le miroir de sa pensée. Cela est rendu possible parce que le moi du narrateur anonyme du roman s’efface au fur et à mesure qu’avance le récit. En effet, une véritable opération alchimique se joue entre le narrateur et son double : Palas.


  Le personnage de Palas est le nom générique de tous les lecteurs zélés d’Opera Palas. Il y a deux types possibles de lecteur. Le premier est celui qui se conforte dans la certitude de son moi, le lecteur aliéné qui réagit à partir du prêt-à-penser que la « littérature » lui a inculqué – pour celui-là, ce roman n’est pas un roman et il renoncera très vite à le lire ou même, sous l’emprise de son propre conditionnement idéologique, il l’interprètera comme antisémite, fasciste, homophobe ou conspirationniste. Le second type de lecteur est celui dont le zèle lui permet d’entrer en relation avec l’œuvre, d’établir un dialogue avec elle et de faire de sa lecture une opération de désaliénation de sa pensée. Le lecteur zélé accepte la mise en danger d’une lecture cathartique qui l’amène à oser se regarder lire.


  Lorsque le lecteur referme Opera Palas, il prend conscience qu’il n’a fait qu’un tour sur lui-même, étant donné que la dernière page du roman est la description de l’icône qui illustre la couverture du livre. C’est alors qu’il peut traverser le miroir.


AS-l4CL.jpgR/ Comment définir votre démarche de "Contre-Littérature" ?

AS/ Le texte germinatif de la contrelittérature est Le manifeste contrelittéraire. Ce texte est d’abord paru, en février 1999, dans le n°48 de la revue Alexandre dirigée par André Murcie ; puis, quelques mois plus tard, en postface de mon premier roman, Les sept fils du derviche, (Éditions Jean Curutchet, 1999). Par la suite, il sera repris et étayé dans l’ouvrage éponyme, paru en 2005 aux éditions du Rocher : La contrelittérature : un manifeste pour l’esprit. Dès le début, j’ai préféré lexicaliser le terme pour le différencier du mot composé « contre-littérature » déjà employé par la critique littéraire officielle.


  La contrelittérature est donc née à la fin du XXe siècle, pendant cette période d’unipolarisation du monde dans laquelle Fukuyama disait voir la « fin de l’histoire ». L’idéologie postmoderne du consensus global a été façonnée, dès le XVIIIe, par une Weltanschauung qu’Alexis Tocqueville, dans L’Ancien Régime et la Révolution, nomme « l’esprit littéraire » de la modernité. En deux siècles, la littérature avait si intensément « homogénéisé » la pensée, qu’à l’orée du XXIe siècle, une pensée hétérogène, contradictoire, était presque devenue impensable ; d’où la nécessité d’inventer un néologisme pour désigner cet impensable, ce fut : « contrelittérature ».
  Cela se fit à partir de la découverte de la logique du contradictoire de Stéphane Lupasco. Pour la contrelittérature, Stéphane Lupasco est un maillon d’une catena aurea qui se manifeste avec Héraclite et les présocratiques, en passant aussi, comme nous le verrons, par Pierre-Joseph Proudhon, un auteur très important dans ma démarche.


  Il faut partir de la définition la plus large possible : la littérature, c’est non seulement le corpus de tous les récits à travers lesquels une civilisation se raconte, mais encore tous les textes poétiques où elle prend conscience de son propre être et cherche à le transformer. La littérature doit être perçue comme un organisme vivant, un système dynamique d’antagonismes, pour reprendre la terminologie lupascienne, dont la production dépend de deux sources d’inspiration contraires : une force « homogénéisante » en relation avec les notions d’uniformité, de conservation, de permanence, de répétition, de nivellement, de monotonie, d’égalité, de rationalité, etc. ; et, à l’opposé, une force « hétérogénéisante » en relation avec les notions de diversité, de différenciation, de changement, de dissemblance, d’inégalité, de variation, d’irrationnalité, etc. Ce principe d’antagonisme a été annihilé par la littérature moderne qui a imposé l’actualisation absolue de son principe d’homogénéisation et ainsi tenté d’effacer le pôle de son contraire, l’hétérogène « contrelittéraire ».


  AS-l1.jpgTous les romans étaient devenus semblables, de plates « egobiographies » sans âme, il fallait verticaliser l’horizontalité carcérale à laquelle on voulait nous condamner, retrouver la sacralité de la vie contre sa profanation imposée. C’est pourquoi, dans une première phase, nous nous sommes attachés à valoriser l’impensé de la littérature, le récit mystique qui se fonde sur la désappropriation de l’ego. D’où la redécouverte du roman arthurien et de la quête du graal, la revisitation des grands mystiques de toutes sensibilités religieuses – par exemple le soufisme dans mon premier roman, Les sept fils du derviche. Cela a pu conforter l’image fausse d’une contrelittérature confite en spiritualité et se complaisant dans une forme d’ésotérisme. Très peu ont réellement perçu la dimension révolutionnaire de la contrelittérature.


  La contrelittérature est une tentative pour redynamiser le système antagoniste de la littérature. Il est évident que ce point d’équilibre des deux sources d’inspiration exerce une attraction sur tous les « grands écrivains ». Leurs oeuvres contiennent les deux antagonismes dans des proportions différentes mais tournent toutes autour de ce « foyer » de mise en tension. Il serait stupide de se demander si un écrivain est « contrelittéraire ». Toute création contient nécessairement à la fois des éléments littéraires et contrelittéraires. C’est le quantum antagoniste qui varie, c’est-à-dire le point de la plus haute tension entre les antagonismes constitutifs de l’oeuvre.


  On ne peut percevoir la liberté qu’en surplomblant les contraires, en les envisageant ensemble, d’un seul regard, sans en exclure un au bénéfice de l’autre. Telle est la perpective romanesque d’Opera Palas. Mon roman se construit en effet sur une série d’antagonismes. J’en citerai quelques-uns : la cabale de la puissance et la cabale de l’amour, le bolchévisme stalinien et le slavophilisme de Khomiakov, le sionisme de Buber et le sionisme de Jabotinsky, l’individu (le moi) et la commune (le non-moi, le je collectif) ; le nationalisme politique et le nationalisme de l’intériorité, l’éros et l’agapé ; sans oublier, pour finir, le couplage scandaleux entre Buenaventura Durruti et José Antonio Primo de Rivera, les ennemis politiques absolus.


  Ainsi, la contrelittérature reprend le projet fondamental du Manifeste du Surréalisme d’André Breton, à partir du point où les surréalistes l’ont abandonné en choisissant le stalinisme : « Tout porte à croire qu'il existe un certain point de l’esprit d'où la vie et la mort, le réel et l'imaginaire, le passé et le futur, le communicable et l'incommunicable, le haut et le bas cessent d’être perçus contradictoirement. Or c'est en vain qu'on chercherait à l'activité surréaliste un autre mobile que l'espoir de détermination de ce point. »


  Le plus haut drame de l’homme, ce n’est pas tant To be or not to be mais bien plutôt To be and not to be. La vraie quête initiatique est celle de ce point d’équilibre entre l’être et le non-être, c’est cela le grand retour du tragique, un lieu où la tension entre les contraires est si intense que nous passons sur un autre plan : un saut de réalité où les contraires entrent en dialogue.


R/ Votre démarche se rapproche pour moi de l'ABC de la lecture d'Ezra Pound. Ce prodigieux poète est-il une influence pour vous ?

AS/ L’ABC de la lecture est un génial manuel de propédeutique à l’usage des étudiants en littérature. On y trouve des réflexions d’une clarté fulgurante, telle cette phrase qui vous plonge dans un puits de lumière : « Toute idée générale ressemble à un chèque bancaire. Sa valeur dépend de celui qui le reçoit. Si M. Rockefeller signe un chèque d’un million de dollars, il est bon. Si je fais un chèque d’un million, c’est une blague, une mystification, il n’a aucune valeur. » [3]


  On voit que, pour Ezra Pound aussi, c’est le récepteur qui accorde son crédit à l’émetteur. Si un milliardaire émet un gros chèque, le récepteur l’estime tout de suite valable ; mais, par contre, si le même chèque est émis par un vulgaire péquenot, ce n’est pas crédible. On retrouve ici l’interrogation de la pissotière de Duchamp, qu’est-ce qui en fait une oeuvre d’art pour le regardeur ?


  Bien sûr, ce n’est pas exactement ce que veut signifier Pound dans cette phrase de son ABC de la lecture mais je l’ai citée à cause de son allusion « économique », thème prégnant dans d’autres de ses ouvrages. Je pense à un livre comme Travail et usure ou encore au Canto XLV.


  EP-ABC-de-la-lecture_8103.jpgEzra Pound est un des grands prédécesseurs de la contrelittérature. C’est à partir de lui que j’ai compris la similarité du processus d’homogénéisation de la littérature avec celui de l’usure. Pound a perçu de façon très subtile le phénomène de l’ « argent fictif ». Il insiste dans ses écrits sur la constitution et le développement de la Banque d’Angleterre, modèle du système bancaire moderne né en pays protestant où l’usure avait été autorisée par Élisabeth Tudor en 1571.


  Pour comprendre la nature métaphysique du sacrilège qu’Ezra Pound dénonce sous le concept d’usure, il faudrait se reporter au onzième chant de L’Enfer de Dante – La Divine Comédie est une référence constante dans Les Cantos – qui condamne en même temps les usuriers et les sodomites pour avoir péché contre la bonté de la nature (« spregiando natura e sua bontade »). J’ai moi-même repris ce parallèle dans mon roman Opera Palas en relevant la synchronicité, durant la seconde partie du XVIIIe siècle, de l’émergence des clubs d’homosexuels – équivalents des molly houses – avec l’officialisation de l’usure bancaire – décret du 12 octobre 1789 autorisant le prêt à intérêt.


  C’est en 1787, dans ses Éléments de littérature, que François de Marmontel utilisa pour la première fois le terme « littérature » au sens moderne. Il ne me semble pas que ce phénomène de la concomitance entre la littérature et l’usure ait jamais été pris en compte ni étudié avant la contrelittérature [4].


  Le concept poundien d’Usura ne se laisse pas circonscrire aux seuls effets de l’économie capitaliste. Dans la société contemporaine globalisée, tous les signes sont devenus des métonymies du signe monétaire, à commencer par les mots de la langue, arbitraires et sans valeur.


  L’usure littéraire consiste à vider les mots de leur sens pour leur prêter un sens abstrait. Usura entraîne le progrès de l’abstraction, c’est-à-dire de la séparation – en latin abstrahere signifie retirer, séparer. Usura ouvre le monde de la réalité virtuelle et referme celui de la présence réelle. Par l’usure, l’homme se retrouve séparé du monde.


Durant l’été 1912, Ezra Pound parcourut à pied les paysages du sud de la France, sur les pas des troubadours, afin de s’incorporer les lieux topographiques du jaillissement de la langue d’oc. La poésie poundienne est un combat contre l’usure. Chaque point de l’espace devient un omphalos, un lieu d’émanation du verbe, chaque pas une station hiératique. Ainsi est dépassée l’entropie littéraire du mot, l’érosion du sens par l’usure répétitive.


  Ce que Pound, lecteur de Dante, nomme « Provence », correspond géographiquement à l’Occitanie et à la Catalogne. Ce pays évoquait pour lui une civilisation médiévale de l’amour qui s’oppose au capitalisme moderne. L’amour est le contraire de l’usure.


  GB-Labespa.jpgCependant, Pound n’a pas su reconnaître la surrection du catharisme des troubadours dans l’anarchisme espagnol, ce que Gerald Brenan a très bien vu dans son Labyrinthe espagnol [5]. J’ai soutenu dans Opera Palas cette vision millénariste de la révolution sociale espagnole.


  À mes yeux, la véritable trahison politique d’Ezra Pound ne se trouve pas tant dans les causeries qu’il donna sur Radio Rome, entre 1936 et 1944, la plupart consacrées à la littérature et à l’économie, mais dans son aveuglement face à ce moment métahistorique que fut la guerre d’Espagne. Comment n’a-t-il pas vu qu’Usura n’était plus dans les collectivités aragonaises et les usines autogérées de Catalogne ? Comment n’a-t-il pas entendu d’où soufflait le vent du romancero épique, la poésie de Federico García Lorca, d’Antonio Machado, de Rafael Alberti, de Miguel Hernández?

 

R/ La notion de tradition apparaît dans vos écrits depuis l’origine. Quelle définition en donneriez-vous ? Quel est votre rapport à l’oeuvre de Guénon ?

AS/ Selon moi, le paradigme essentiel de la tradition réside dans la notion d’anthropologie ternaire, tout le reste n’est que littérature ésotérique.


  Jusqu’à la fin de la période romane, soit l’articulation des XIIe et XIIIe siècles, la « tripartition anthropologique » a été la référence de notre civilisation chrétienne occidentale [6]. La structure trinitaire de l’homme – Corps-Âme-Esprit – fut simultanément transmise à la « science romane » par les sources grecque et hébraïque. Sans doute, le ternaire grec, « soma-psyché-pneuma », ne correspond-il pas exactement au ternaire hébreu, « gouf-nephesh-rouach », mais les deux se fondent sur une tradition fondamentale qui inclut le spirituel dans l’homme.


  Dieu est immanent à l’esprit, mais il est transcendant à l’homme psycho-corporel, telle est l’aporie devant laquelle nous place cette « tradition primordiale » dont parle René Guénon. L’esprit n’est pas humain mais divino-humain ; ou, plus précisément, il est le lieu de la rencontre entre la nature divine et la nature humaine. Il n’y a pas de vie spirituelle sans Dieu et l’homme. C’est comme faire l’amour : il faut être deux ! C’est pourquoi une « spiritualité » laïque ne sera jamais qu’un onanisme de l’esprit.


  Martin-Buber-58.jpgCette tradition dialogique entre l’incréé et le créé m’évoque le mot principe « Je-Tu » de Martin Buber. L’existence humaine se joue, selon Buber, entre deux mots principes qui sont deux relations antagonistes : « Je-Tu » et « Je-Cela ». Le mot-principe Je-Tu ne peut être prononcé que par l’être entier mais, au contraire, le mot-principe Je-Cela ne peut jamais l’être : « Dire Tu, c’est n’avoir aucune chose pour objet. Car où il y a une chose, il y a autre chose ; chaque Cela confine à d’autres Cela. Cela n’existe que parce qu’il est limité par d’autres Cela. Mais là où l’on dit Tu, il n’y a aucune chose. Tu ne confine à rien. Celui qui dit Tu n’a aucune chose, il n’a rien. Mais il est dans la relation. » [7]


  Cependant, si Buber oppose ainsi le monde du Cela au monde du Tu, il ne méprise pas pour autant un monde au détriment de l’autre. Il met en évidence leur nécessaire antagonisme. L’homme ne peut vivre sans le Cela mais, s’il ne vit qu’avec le Cela, il ne peut réaliser sa vocation d’homme, il demeure le « Vieil homme » et sa misérable vie, dénuée de la Présence réelle, l’ensevelit dans une réalité irreliée.


  À l’intérieur de la relation du mot principe « Je-Tu », nous rentrons dans l’ordre du symbole. Le symbole est un langage qui nous permet de saisir l’immanence de la transcendance. Il n’est pas une représentation, il réalise une présence. La Présence divine ne peut être représentée, elle est toujours là.


  L’effacement de la conception tripartite de l’homme correspond à la période liminaire de la mécanisation moderne de la technique. Le XIIIe siècle marque ce point d’inflexion du passage à la modernité. C’est durant la crise du XIIIe siècle, comme l’a appelée Claude Tresmontant [8], que la pensée du signe va remplacer la pensée du symbole. Le mot pour l’esprit bourgeois n’est pas l’expression du Verbe, il est un signe arbitraire qui lui permet de désigner l’avoir, la marchandise.


  La logique du symbole est une logique du contradictoire. René Guénon, dans un de ses articles [9], affirme qu’un même symbole peut être pris en deux sens qui sont opposés l’un à l’autre. Les deux aspects antagoniques du symbole sont liés entre eux par un rapport d’opposition, si bien que l’un d’eux se présente comme l’inverse, le « négatif » de l’autre. Ainsi, nous retrouvons dans la structure du symbole ce point de passage, situé hors de l’espace-temps, en lequel s’opère la transformation des contraires en complémentaires.


  guenon-author-pg-image-3bis.jpgLa découverte de l’oeuvre de René Guénon a été décisive dans mon cheminement. Mes parents étaient des anarchistes espagnols et j’ai lu Proudhon, Bakounine et Kropotkine bien avant de lire Guénon. C’est la lecture de René Guénon qui m’a permis de me libérer de la pesanteur de l’idéologie anarchiste.


  Toute erreur moderne n’est que la négation d’une vérité traditionnelle incomprise ou défigurée. Au cours de l’involution du cycle, le rejet d’une grille de lecture métaphysique du monde a provoqué la subversion de l’idée acrate, si chère à Jünger, et sa transformation en idéologie anarchiste. La négation des archétypes inversés de la bourgeoisie, à laquelle s’est justement livrée la révolte anarchiste ne pouvait qu’aboutir à un nihilisme indéfini, puisque son apriorisme idéologique lui interdisait la découverte des « archés » véritables. Cette incapacité fut l’aveu de son impuissance spirituelle à dépasser le système bourgeois. La négation du centre, perçu comme principe de l’autorité, au bénéfice d’une périphérie présupposée non-autoritaire, est l’expression d’une pensée dualiste dont la bourgeoisie elle-même est issue. La logique du symbole transmise par René Guénon ouvre une autre perspective où la tradition se conjugue à la révolution.

AS-porJP.jpg

R/ Vous avez croisé la route de Jean Parvulesco. Pouvez-vous revenir sur cette personnalité flamboyante qui fut un ami fidéle de Rébellion ?

AS/ Jean Parvulesco et moi ne cheminions pas dans le même sens et nous nous sommes croisés, ce fut un miracle dans ma vie. Il est la plus belle rencontre que j’ai faite sur la talvera. Savez-vous ce qu’est la talvera ?


  Les paysans du Midi appellent « talvera » cette partie du champ cultivé qui reste éternellement vierge car c’est l’espace où tourne la charrue, à l’extrémité de chaque raie labourée. Le grand écrivain occitan Jean Boudou a écrit un poème intitulé La talvera où l’on trouve ce vers admirable : « C’est sur la talvera qu’est la liberté » (Es sus la talvèra qu’es la libertat).


  AS-l3.jpgMon intérêt pour la notion de talvera a été suscité par la lecture du sociologue libertaire Yvon Bourdet [10]. La talvera est l’espace du renversement perpétuel du sens, de sa reprise infinie, de son éternel retournement. Elle est la marge nécessaire à la recouvrance du sens perdu, à l’orientation donnée par le centre. Loin de nier le centre, la talvera le rend vivant. La conscience de la vie devenue de plus en plus périphérique, notre aliénation serait irréversible s’il n’y avait un lieu pour concevoir la rencontre, un corps matriciel où l’être, exilé aux confins de son état d’existence, puisse de nouveau se trouver relié à son principe. Sur la talvera se trouve l’éternel féminin de notre liberté, cette dimension mariale que Jean Parvulesco vénérait tant. C’est là que nous nous sommes rencontrés.


  Jean Parvulesco était un « homme différencié », au sens où l’entendait Julius Evola. Il appartenait à cette race spirituelle engagée dans un combat apocalyptique contre la horde des « hommes plats ». Ce fut le dernier « maître de la romance ». Il est l’actualisation absolue de la contrelittérature. C’est-à-dire que Parvulesco inverse totalement le rapport littérature-contrelittérature. Son oeuvre à contre-courant potentialise l’horizontalité littéraire et actualise la verticalité contrelittéraire, pour employer la terminologie de Lupasco. D’un certain point de vue, Jean Parvulesco incarne le contraire de la littérature.


  Je comprends aujourd’hui combien ma rencontre avec Parvulesco a été cruciale. Si notre éloignement m’est apparu comme une nécessité, j’ai su intérioriser sa présence, la rendre indispensable à ma propre démarche.


  J’ai relu l’autre jour le texte qui a été la cause de notre séparation. C’était durant l’hiver 2002, son article s’intitulait « L’autre Heidegger » et aurait dû paraître dans le n° 8 de la revue Contrelittérature mais j’ai osé le lui refuser [11]. Parvulesco s’y interroge sur la véritable signification de l’œuvre d’Heidegger. Il soutient que la philosophie n’était qu’un moyen pour dissimuler un travail initiatique qu’Heidegger menait sur lui-même et qui se poursuivit jusqu’à son appel à la poésie d’Hölderlin, ultime phase de son oeuvre que Parvulesco nomme son « irrationalisme dogmatique ».


  Or, ma démarche se résume à cette quête du point d’équilibre entre le rationalisme dogmatique des Lumières et l’irrationalisme dogmatique des anti-Lumières, ce point de la plus haute tension entre la littérature et la contrelittérature, alors que Jean Parvulesco incarnait le pôle contrelittéraire absolu.


  JP-5chsecret.jpgOn ne lit pas Jean Parvulesco sans crainte ni tremblement : la voie chrétienne qui s’y découvre est celle de la main gauche, un tantrisme marial aux limites de la transgression dogmatique. Son style crée dans notre langue française une langue étrangère au phrasé boréal. Mon ami, le romancier Jean-Marc Tisserant, qui l’admirait, me disait que Parvulesco était l’ombre portée de la contrelittérature en son midi : « Vous ne parlez pas de la même chose ni du même lieu », me confia-t-il lors de la dernière conversation que j'eus avec lui. Il est vrai que Parvulesco, à partir de notre séparation, a choisi d’orthographier « contre-littérature », en mot composé – sauf dans le petit ouvrage, Cinq chemins secrets dans la nuit, paru en 2007 aux éditions DVX, qu'il m'a dédié ainsi : « Pour Alain Santacreu et sa contrelittérature ».


  J’ai repris dans le texte de mon roman, pour les trois seules occurrences où le mot apparaît, cette graphie « contre-littérature ». Ce mot désignait à ses yeux le combat pour l’être. Oui, finalement, la seule réalité qui vaille, c’est la réalité de ce combat. Il ne faut pas refuser de se battre, si l’on veut vaincre les forces antagonistes !


  Ma rencontre avec Jean Parvulesco n’a pas été une « mérencontre », pour reprendre l’expression de Martin Buber, c’est-à-dire une rencontre qui aurait dû être et ne se serait pas faite. Notre rencontre a bien eu lieu, je l’ai compris en écrivant mon roman : Opera Palas, c’est l’accomplissement de ma rencontre avec Jean Parvulesco.


R/ Pour vous, comme pour Orwell, l’histoire s’arrête en 1936. Pourquoi ? Vous évoquez dans votre roman l’expérience de l’anarcho-syndicalisme de la CNT-AIT espagnole. Cette vision fédéraliste et libertaire est-elle la voie pour sortir de l’Âge de fer capitaliste ?

AS/ Comment faire pour s’extraire de l’« Âge de fer » capitaliste ? Alexandre Douguine [12] pense qu’il faut partir de la postmodernité – cette période qui, selon Francis Fukuyama, correspond à la « fin de l’histoire » – mais il commet une erreur de perspective : il faut partir du moment où l’histoire s’est arrêtée.


  Selon Douguine, la chute de Berlin, en 1989, marque l’entrée de l’humanité dans l’ère postmoderne. La dernière décennie du XXe siècle aurait vu la victoire de la Première théorie politique de la modernité, le libéralisme, contre la Deuxième, celle du communisme – la Troisième théorie politique, le fascisme, ayant disparu avec la défaite du nazisme.


  GO-backSP.jpgJe ne partage pas ce point de vue. Il n’y a pas eu de victoire de la Première théorie sur la Deuxième mais une fusion des deux dans un capitalisme d’État mondialisé. La postmodernité est anhistorique parce que l’histoire s’est arrêtée en 1936. C’est cela que j’ai voulu montrer avec Opera Palas. Le prétexte de mon roman est une phrase de George Orwell « Je me rappelle avoir dit un jour à Arthur Koestler : L’histoire s’est arrêtée en 1936. » Orwell écrit ces mots en 1942, dans un article intitulé « Looking Back on the Spanish War » (Réflexions sur la guerre d’Espagne). Et il poursuit : « En Espagne, pour la première fois, j’ai vu des articles de journaux qui n’avaient aucun rapport avec les faits, ni même l’allure d’un mensonge ordinaire. » Ainsi, parce que la guerre d’Espagne marque la substitution du mensonge médiatique à la vérité objective, l’histoire s’arrête et la période postmoderne s’ouvre alors.


  En 1936, contrairement à l’information unanimement répercutée par toute la presse internationale, les ouvriers et paysans espagnols ne se soulevèrent pas contre le fascisme au nom de la « démocratie » ni pour sauver la République bourgeoise ; leur résistance héroïque visait à instaurer une révolution sociale radicale. Les paysans saisirent la terre, les ouvriers s’emparèrent des usines et des moyens de transports. Obéissant à un mouvement spontané, très vite soutenu par les anarcho-syndicalistes de la CNT-FAI, les ouvriers des villes et des campagnes opérèrent une transformation radicale des conditions sociales et économiques. En quelques mois, une révolution communiste libertaire réalisa les théories du fédéralisme anarchiste préconisées par Proudhon et Bakounine. C’est cette réalité révolutionnaire que la presse antifasciste internationale reçut pour mission de camoufler. Du côté franquiste, la presse catholique et fasciste se livra aussi à une intense propagande de désinformation. À Paris, à Londres, comme à Washington ou à Moscou, la communication de guerre passa par le storytelling, la « mise en récit » d’une histoire qui présentait les événements à la manière que l’on voulait imposer à l’opinion. L’alliance des trois théories politiques a voulu détruire en Espagne la capacité communalisante du peuple. Ce que le bolchévisme avait fait subir au peuple russe, il est venu le réitérer en toute impunité en Espagne. C’est pourquoi je fais dans mon roman un parallèle entre les deux événements métahistoriques du XXe siècle où l’âme « communiste » des peuples a été annihilée : Cronstadt, en 1921 et Barcelone, lors des journées sanglantes de mai 1937.

marinsKst.jpg

Cronstadt voulait faire revivre le mir (commune rurale) et l’artel (coopérative ouvrière). Supprimer le mir archaïque signifiait supprimer des millions de paysans, c’est ce que firent les bolchéviques, par le crime et la famine.


  Comme en Russie, les bolchéviques furent les fossoyeurs de la révolution sociale espagnole. Il suffit pour s’en convaincre de lire Spain Betrayed de Ronald Radosh, Mary R. Habeck et Grigory Sevostianov, un ouvrage qui procède au dépouillement systématique des dernières archives consacrées à la guerre d’Espagne, ouvertes à Moscou (Komintern, Politburo, NKVD – police politique et GRU – service d’espionnage de l’armée) [13]. Ainsi, bien au contraire de ce que dit Alexandre Douguine, si l’on prend la Guerre d’Espagne comme point focal, on comprend qu’il n’y a pas eu combat mais connivence entre les trois théories politiques de la modernité.


  La vision fédéraliste et libertaire reste la seule méthode de guérison pour ranimer la capacité communalisante du peuple et lui permettre de retrouver son instinct de solidarité et de liberté.


  L’anarcho-syndicalisme de la CNT espagnole n’a pas réussi à s’extraire de l’idéologie anarchiste pour s’ouvrir à l’esprit traditionnel de l’idée libertaire. C’est justement cette opération utopique – ou plutôt uchronique – que tente de mettre en place un des protagonistes du roman : Julius Wood.

DurrutiJAnt.jpg

Opera Palas établit un couplage insensé entre Buenaventura Durruti et José Antonio Primo de Rivera, une mise en relation scandaleuse et paradoxale qui prend à revers la notion même du politique telle que la résume Carl Schmitt dans cette phrase : « La distinction spécifique du politique, à laquelle peuvent se ramener les actes et les mobiles politiques, c’est la distinction de l’ami et de l’ennemi. » [14]


  Le fédéralisme proudhonien repose sur cette mise en dialectique des contraires. Dans la pensée de Proudhon, le passage de l’anarchisme au fédéralisme est lié à cette recherche d’un équilibre entre l’autorité et la liberté dont un État garant du contrat mutualiste doit préserver l’harmonie.


  pal-Ginq.jpgOn se rappellera la légende du « Grand Inquisiteur » que Dostoïevski a enchâssée dans Les Frères Karamazov : le Christ réapparaît dans une rue de Séville, à la fin du XVe siècle et, le reconnaissant, le Grand Inquisiteur le fait arrêter. La nuit, dans sa geôle, il vient reprocher au Christ la « folie » du christianisme : la liberté pour l’homme de se déifier en se tournant vers Dieu.


  Dans ce récit se trouve la quintessence du mystère du socialisme. Choisir les idées du Grand inquisiteur, comme le fera Carl Schmitt [15], qui en cela se révèle non seulement catholique mais « marxiste », c’est le socialisme d’État ; Bakounine, lui, à l’image de Tolstoï, choisit le Christ contre l’État, et c’est le socialisme anarchiste. Dépasser la contradiction entre Schmitt et Bakounine par la dialectique proudhonienne, telle est la théorie politique de l’avenir.

______________________

NOTES

[1] Marcel Duchamp, Ingénieur du temps perdu, Belfond, 1977, p. 122.

[2] Alaric Levant, « Une révolution de l’intérieur… pour faire avancer notre idéal ? » : http://rebellion-sre.fr/revolution-de-linterieur-faire-av....

[3] Ezra Pound, ABC de la lecture, coll. « Omnia », Éditions Bartillat, 2011, p. 27.

[4] Cf. « Talvera et Usura » paru dans Contrelittérature n° 17, Hiver 2006. Texte repris et développé dans le recueil d’essais Au coeur de la talvera, Arma Artis, 2010.

[5] Gerald Brenan, Le labyrinthe espagnol. Origines sociales et politiques de la guerre civile, Éditions Ruedo Ibérico, 1962.

[6] Jean Borella, « La tripartition anthropologique », in La Charité profanée, Éditions du Cèdre/DMM, 1979, pp.117-133.

[7] Martin Buber, « Je et Tu » in La Vie en dialogue, Aubier 1968, p. 8.

[8] Claude Tresmontant, La métaphysique du christianisme et la crise du treizième siècle, Éditions du Seuil, 1964.

[9] René Guénon, « Le renversement des symboles » in Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps, chap. XXX.

[10] Yvon Bourdet, L’espace de l’autogestion, Galilée, 1979.

[11] Cet article a été intégré dans l’ouvrage de Jean Parvulesco, La confirmation boréale, Alexipharmaque éditions, 2012, pp. 223-229.

[12] Alexandre Douguine, La Quatrième théorie politique, Ars Magna Éditions, 2012.

[13] Édité en 2001, aux éditions Yale University, l’ouvrage est paru en Espagnol, en 2002, sous le titre España traicionada, mais n’a toujours pas été traduit en français.

[14] Carl Schmitt, La notion du politique, Calmann-Lévy, 1972, note 1, p.
66.

[15] Cf. Théodore Paléologue, Sous l’œil du grand inquisiteur : Carl Schmitt et l'héritage de la théologie politique, Cerf, 2004.

mardi, 10 janvier 2017

Hommage à Jean Parvulesco & souvenirs d'une collaboration inoubliable

JP-85340168.png

Robert Steuckers :

Hommage à Jean Parvulesco & souvenirs d'une collaboration inoubliable

Discours prononcé au monastère orthodoxe roumain de Câmpulung, le 12 novembre 2016

Ma première rencontre avec Jean Parvulesco date de la fin des années 80. Elle a eu lieu dans la Librairie Gregori, rue du Bac à Paris. Jean Parvulesco, au moment où j’entrais dans la librairie pour y effectuer un dépôt, choisissait, dans le rayon des revues rares, un exemplaire de mon premier numéro d’Orientations, une sorte de numéro zéro, daté de l’année 1980 et consacré à la géopolitique, en fait un résumé du livre que venait de sortir, l’année précédente, le général-baron autrichien Jordis von Lohausen. Mais ce qui avait plus particulièrement attiré Jean Parvulesco dans cette revue artisanale, fabriquée avec les moyens du bord par un groupe d’étudiants bruxellois, c’était une recension consacrée à l’ouvrage profond et révolutionnaire de l’ex-général italien Guido Giannettini, intitulé Dietro la Grande Muraglia, expliquant la double dynamique géopolitique sino-soviétique et sino-américaine, ainsi que les dissensions idéologiques internes au sein du communisme dit « international ». Dès 1972, Giannettini avait prévu des évolutions diamétralement contraires à la logique binaire de la guerre froide. L’alliance de facto, qui venait d’être forgée entre les Etats-Unis et la Chine de Mao, ne permettait plus aux militants européistes de tabler sur l’ex-Céleste Empire comme allié de revers pour dégager la malheureuse Europe de l’étau de Yalta. Au contraire, l’Europe et l’URSS étaient toutes deux coincées dans un étau sino-américain. Giannettini annonçait la nécessité de repenser notre destin : de nous rapprocher d’une Russie qui n’embrayait pas sur les modes délétères lancées en Europe occidentale suite aux pseudo-révolutions marcusiennes qui avaient brisé les reins à l’Allemagne qui cherchait à se réaffirmer, suite au miracle économique, et à la France gaullienne, qui avait fait preuve d’une belle volonté d’indépendance.

Lohausen1.jpgCe changement de donne était le résultat de la nouvelle diplomatie du ping-pong, manigancée par Kissinger sous la présidence de Nixon, selon les critères de la Realpolitik. En effet, le rapprochement entre Chinois maoïstes et Américains s’était amorcé par l’échange d’équipes de ping-pong, prélude avant les rencontres entre Kissinger et Chou-En-lai. La grande leçon de ce formidable coup de théâtre, auquel personne ne s’attendait en Europe, ce fut d’apprendre que les postures idéologiques ne sont que des paravents et que seules demeurent en place les logiques impériales, puisant leurs énergies dans une profondeur temporelle pluriséculaire sinon plurimillénaire. Ce retour à la Realpolitik, inspirée par Kissinger, qui se disait disciple de Metternich, appelait sans ambigüité aucune le retour de la géopolitique dans les débats. La géopolitique, sous prétexte qu’elle avait été théorisée et vulgarisée par Karl Haushofer en Allemagne in tempore suspecto, sortait littéralement du tombeau où on l’avait reléguée. Aux Etats-Unis en 1977, Colin S. Gray, dans Geopolitics of the Nuclear Era – Heartland, Rimlands and the Technological Revolution, reprenait et actualisait les thèses d’Halford John Mackinder, pourtant toujours appliquées dans les faits, mais sans que l’on ne l’avoue explicitement puisque le géographe écossais avait inspiré Haushofer. Celui-ci avait tout simplement inversé les thèses de Mackinder et ne parlait pas d’un endiguement de la « Terre du Milieu » (germano-russe) mais au contraire du nécessaire rassemblement permanent des impérialités telluriques pour annuler tous les atouts que glanaient les thalassocraties en s’accrochant aux « rimlands ».

Ce sentiment de la nécessité d’un rassemblement des impérialités telluriques, Jean Parvulesco l’avait eu depuis très longtemps. Dans les colonnes du journal gaulliste Combat, Jean Parvulesco, comme l’attestent les articles repris ultérieurement dans les Cahiers Jean Parvulesco, fut le premier observateur des grandes lignes de forces en politique internationale à déceler dans les écrits de Zbigniew Brzezinski, encore peu connus à l’époque, une volonté d’allier la Chine aux Etats-Unis pour créer, du Pacifique à la Caspienne, une dorsale anti-russe, activée de surcroît par un fondamentalisme islamiste virulent, instrument d’un endiguement permanent, soutenu par une démographie galopante, et censé empêcher définitivement toute projection impériale russe-byzantine vers l’Océan Indien, océan du milieu. L’objectif était de barrer la route, pour les siècles des siècles, à la Russie, afin que la Terre du Milieu ne trouve aucun pont terrestre, aucun littoral, pour joindre sa puissance tellurique à cet océan central, entourant le sous-continent indien. Jean Parvulesco n’écrivait-il pas, dans Les fondements géopolitiques du « grand gaullisme » (pp. 90-91), qu’il fallait compléter Mackinder et dire : « qui tient la Méditerranée occidentale, contrôle la Méditerranée ; qui tient la Méditerranée, contrôle l’Océan Indien, qui tient l’Océan Indien, contrôle le monde ».

Avec l’alliance forgée par l’habilité de Kissinger en 1972, la Chine participait à la logique mackinderienne d’encerclement par occupation des rimlands et allait déchoir de ce fait, et à l’insu du peuple chinois lixivié par la « révolution culturelle », au rang d’un simple rimland, simplement plus profond que les autres. Giannettini, dans les franges les plus idéologisées et les plus lucides du spectre politique italien, fut le premier à suggérer une alliance euro-russe pour faire échec à la nouvelle sinophilie américaine et au projet de chaotisation de l’Asie centrale par musulmanisme interposé, formulé par Brzezinski. Ce projet et ce stratégiste notoire étaient encore totalement inconnus du grand public à l’époque. Si 1972 fut donc une année-charnière, où la Realpolitik de Kissinger amenait tout naturellement la géopolitique à sortir de sa relégation, les années 1978 et 1979 furent aussi riches en bouleversements annonciateurs des catastrophes de notre époque. J’y reviendrai tout à l’heure.

Avant cela, je voudrais revenir à mes premières rencontres avec Jean Parvulesco. Ce doit être en 1989 qu’il a pris contact avec moi, en m’adressant une lettre flanquée de sa préface au livre de Dominique de Roux, L’écriture de Charles de Gaulle. L’auteur revenait sur le « grand dessein » du Général, formulé en 1967. Ce « grand dessein » visait une émancipation par rapport à la fatalité, incarnée par le duopole issu de Yalta. Pour y échapper, de Roux imaginait la constitution et la consolidation de points d’appui dans le sud-est européen et dans le sud-est asiatique. Et, de fait, Parvulesco ne cessait de me répéter dans nos conversations géopolitiques : « qui tient le sud-est de ces deux parties du monde que sont l’Europe et l’Asie les paralyse, leur ôte toute marche de manœuvre ». Dès les premières turbulences qui ont secoué la Yougoslavie au début des années 1990, cette maxime, éminemment prophétique, a pris tout son sens. Avec les événements actuels dans la Mer de Chine méridionale, elle confirme son bien fondé, une fois de plus. Dans sa longue introduction à L’écriture de Charles de Gaulle, Jean Parvulesco rappelle utilement quelques phrases importantes de Dominique de Roux, relatives au « grand dessein » : « Les zones stratégiques d’appui et de manœuvre du gaullisme seraient, d’une part, celle du Sud-Est Européen et, d’autre part, celle du Sud-est Asiatique. Essayant de dégager le Sud-Est Européen de l’emprise soviétique, de Gaulle neutraliserait opérationnellement la grande stratégie soviétique sur ses propres bases d’action extérieure, et en bloquerait les mouvements sur son propre axe de clivage. Essayant de dégager le Sud-Est Asiatique de l’emprise américaine, Paris neutraliserait opérationnellement la grande stratégie américaine sur ses propres bases d’action extérieure et en bloquerait les mouvements sur son propre axe de clivage. Aussi, bloqués politiquement sur leurs bases d’action extérieure, Washington et Moscou devraient passer, pour qu’ils puissent encore se mouvoir stratégiquement sur le plan de la politique mondiale, par la centrale occidentale d’intégration, par le quatrième terme de l’Empire du Milieu. Je précise que, par le terme de l’ « Empire du Milieu », Dominique de Roux entend, ici, la « Troisième France » (…). Et je rappellerai également que, si la pénétration révolutionnaire gaulliste du Sud-Est Asiatique avait trouvé son pôle de mobilisation politico-stratégique décisive avec le discours du général de Gaulle à Pnom-Penh, c’est bien le travail d’investissement gaulliste du Sud-Est Européen qui avait fait que le général de Gaulle en vint à se trouver, très précisément, à Bucarest, alors qu’à Paris même les manœuvres de déstabilisation politico-stratégique du gaullisme entraient brusquement dans la phase décisive des journées incendiaires de mai 1968, journées d’auto-dislocation et de vertige nihiliste fabriquées par les centrales subversives à couvert des puissances extra-européennes que l’on sait (ou que l’on ne sait pas, ou que l’on sait si bien faire semblant de ne pas savoir, haute trahison oblige).

JP-DdR-RA.jpg

Dans le langage qui est le sien (et qui fait le charme inégalé de son écriture), Jean Parvulesco démontre clairement l’importance stratégique de la péninsule balkanique, entre le Danube et l’Egée, et de l’Indochine baignée par les grands fleuves dont les eaux coulent depuis les hauts plateaux tibétains. La domination de ces espaces donne des avantages stratégiques incontestables. En tablant sur la Roumanie (pays qu’il visitera, en même temps que la Turquie, à l’époque où émerge le « grand dessein ») et sur le Cambodge en pleine guerre du Vietnam, le général de Gaulle, et les équipes de stratégistes autour de lui, tentait de ruiner les projets de domination universalistes des deux superpuissances nées des accords de Yalta, après l’éviction du Royaume-Uni. Car qui dit domination universaliste, plus précisément idéologique et universaliste, dit, chez les assujettis, absence totale de toute possibilité d’émancipation, de voie propre, d’originalité politique et historique, d’action créatrice et innovante, de resourcement constant dans l’humus primordial qu’est toujours l’histoire propre de ces peuples autochtones et périphériques. Les visites à Pnom-Penh et à Bucarest avaient pour objectif de dégager les deux « Sud-Est » de toute tutelle extra-européenne ou extra-asiatique, de toute tutelle émanant d’une puissance « extérieure à ces espaces » (pour paraphraser Carl Schmitt). L’histoire réelle en a décidé autrement : la réoccupation des Balkans yougoslaves, leur balkanisation et la présence d’Etats fantoches wahhabitisés et manipulés contre leur environnement immédiat montrent que la superpuissance d’au-delà de l’Atlantique a su prévoir et agir plus vite que tout gaullisme, fût-il gaullien et français ou allemand et néo-bismarckien ou autrichien et néo-habsbourgeois. Le Vietnam est aujourd’hui, contre la Chine, un allié assez sûr des Etats-Unis.

On aura remarqué en lisant les lignes de Jean Parvulesco dans la préface à L’écriture de Charles de Gaulle de Dominique de Roux, que celui-ci perçoit parfaitement le rôle néfaste du méga-happening que fut le mai 1968, de Nanterre et du Quartier Latin.  Tout le projet gaullien s’effondre alors, tant les desseins géopolitiques que les plans de réforme politique, sociale et économiques (planification, diversification des approvisionnements énergétiques, semi-autarcie, participation, intéressement, Sénat des régions et des professions) qui, systématisés et généralisés, approfondis et exportés, auraient donné un visage bien profilé à ce que l’on appelle aujourd’hui les « illiberal democracies ». En ce mois de mai 68, en France, ce furent bel et bien des « journées d’auto-dislocation ». On vit aujourd’hui, en France et dans la périphérie de la France, l’apothéose de ce « festivisme politicide », né de ce charivari écervelé, désormais accompagné de répétitions navrantes de vieux slogans laïcards et de poncifs soi-disant républicains. Le désastre de l’après-gaullisme a été fort opportunément esquissé par Eric Zemmour dans Le suicide français. Zemmour a eu le mérite de dresser le bilan abominable du détricotage lent et précis d’un Etat profond qui aurait vraiment pu avoir un dessein planétaire, s’il avait su garder intactes ses assises. Le retour dans le giron de l’OTAN, malgré la rebuffade de Chirac en 2003 lors de l’invasion de l’Irak, sanctionne ce long processus de déliquescence, bien prévu par Parvulesco.

JPnoces.jpgMais le pessimisme, la sinistrose, ne sont pas des postures politiques dans lesquelles il faut s’enferrer. Le capharnaüm politicide, festiviste, le barnum moderniste-occidental incarné par Hillary Clinton, vient d’essuyer une défaite historique retentissante. Nous n’avons pas été assez attentifs aux signes avant-coureurs venus de l’anglosphère : une véritable révolution conservatrice souterraine y avançait ses pions, lentement, sûrement, inexorablement. Une révolution conservatrice qui n’était nullement celle des millénaristes protestants ou des télé-évangélistes, qui n’était pas davantage celle des trotskystes déguisés en néoconservateurs autour des deux présidents Bush. Non, rien de cela, mais une véritable révolution conservatrice, alliant réalisme politique et critique acerbe des errements d’une modernité devenue anarchique en ses métastases. Nous assistons à la révolte des peuples de l’anglosphère contre ses propres golems idéologiques.

Revenons au récit de mes relations avec Jean Parvulesco. Dès le moment où nous prîmes contact, une collaboration féconde et enthousiaste s’amorça. Elle durera une bonne quinzaine d’années. Jean Parvulesco me confiait de nombreux articles qui paraissaient dans les revues Vouloir et Nouvelles de Synergies Européennes. La participation de Jean Parvulesco à ces modestes revues, qu’il a qualifiées, dans La conspiration des noces polaires, comme l’expression la plus radicale des « foyers d’attention géopolitique », mériterait une étude en soi, car c’est là, au rythme réel de la rédaction de ses textes, que Jean Parvulesco travaillait secrètement au grand but qu’il voulait final, ultime, soit la création d’un « Mouvement Révolutionnaire Grand-Continental », avatar des projets de Raymond Abellio, quand il s’appelait encore Georges Soulès, mais cette fois avatar exhaussé par l’espoir ardent de voir advenir un Règne Sophianique de Marie et du Saint-Esprit. Aujourd’hui, le temps manque pour les analyser méthodiquement, pour en tirer la substantifique moelle. Cependant, son article intitulé « L’avenir de la Serbie préfigure le prochain avenir de l’Europe et du monde », paru dans Nouvelles de Synergies Européennes, n°46, juin-juillet 2000, m’apparaît, rétrospectivement, comme le plus dense et le plus prophétique. Comme le plus idoine à être brièvement analysé, ici, aujourd’hui.

L’amorce de cet article part bien entendu d’un constat terrifiant pour la pensée géopolitique de Dominique de Roux et de Jean Parvulesco : le chaos  ­­-et non un quelconque ordre gaullien-  s’est à nouveau emparé du Sud-Est Européen, par la volonté de l’ennemi américain. L’objectif était et demeure clairement d’handicaper à jamais le sous-continent et à le priver de ses projections géopolitiques et culturelles vers l’Asie Mineure, le Levant, l’Egypte (et tout le bassin du Nil), la Mésopotamie et l’Océan Indien. La destruction de l’espace ex-yougoslave et de la Serbie/Monténégro résiduaire s’est opéré non pas en remplaçant le communisme vermoulu et rigide par un européisme fraternel, lié aux anciennes métropoles impériales allemande, autrichienne ou russe, qui aurait fait de cet espace du Sud-Est la pièce maîtresse et manquante d’une synergie paneuropéenne, mieux, d’une nouvelle Sainte-Alliance plus viable, plus solide que la précédente, celle de Metternich. Non, on n’a pas remplacé le communisme médiocre par un européisme fécond mais par un chaos à strates multiples, juxtaposant les anciens communistes sans foi ni loi passés à la vulgate néolibérale, les satanistes wahhabites, les transpositions locales de sectes turques, les euracratistes sans projet, les mafieux islamo-albanais, les trafiquants d’organes humains, les maquereaux sans scrupules et autres figures de l’Apocalypse : pour les forces du Non-Etre, ces figures à la Jérôme Bosch sont autant de pions pour tenir les forces du retour de l’Etre en échec, en échec et mat. La catastrophe balkanique annonçait les futures catastrophes irakienne, syrienne, libyenne et ukrainienne, le « printemps arabe » ayant fort heureusement échoué en Egypte, où les Frères musulmans, après avoir semé le désordre et la folie ont été blackboulés au profit d’une saine gestion militaire. C’est tout l’espace conquis par Alexandre le Grand, avant qu’il n’accède à la Perse et aux régions de l’Indus, qui est désormais plongé dans un chaos qui barre la route à toute projection européenne, et entend barrer la route à toute projection russe, freiner, si possible ad vitam aeternam, la progression du Règne Sophianique vers ses saintes fins ultimes.  Jean Parvulesco, en constatant la « chaotisation » des Balkans, utilisait une expression juste et précise : il y avait désormais, pour le mauvais hegemon, vecteur planétaire du Non-Etre, une « précédence établie ». Constat qu’il faisait suivre par un appel à la résistance, lancé aussi, à l’époque, par Henri de Grossouvre, auteur d’un plaidoyer pour un « Axe Paris/Berlin/Moscou ».


Dans cet article pour Nouvelles de Synergies européennes, Jean Parvulesco évoquait la fabrication, à usage planétaire, du « politiquement correct », bien que l’on puisse parfaitement affirmer qu’il était déjà en marche à Paris, bien appuyé par les instances médiatiques ubiquitaires du monde occidental, depuis l’émergence de la « nouvelle philosophie » des Glucksmann, Lévy et autres « penseurs » à la solde de stratégies étrangères, à peine secrètes. Jean Parvulesco écrit : « Les services politiques spéciaux de Washington ont largement travaillé à l’installation au pouvoir, subversivement, d’une chaîne de régimes sociaux-démocrates partout en Europe et en Amérique romane, pour (…) qu’un barrage permanent puisse être dressé face à toute velléité de résistance de la part des puissances (…) agressées… ».  

Le résultat de ce verrouillage par sociaux-démocrates mercenaires (des sociaux-démocrates qui peuvent souvent être des chrétiens-démocrates) est quintuple :

  • Les régimes agressés ne se rendent pas tout de suite compte de leur assujettissement.
  • Ils sont complices de leur propre agression.
  • Se met alors en œuvre « la dialectique du remplacement (…) commandé des régimes nationaux manifestant des velléités d’indépendance ».
  • Le risque est alors patent d’une « guerre civile de libération continentale ».
  • Cette guerre civile pourrait démarrer par la manipulation et la mobilisation de la diaspora turque en Allemagne, pensait à l’époque Jean Parvulesco.

JP-grandtemps.jpgLe point 3) annonçait le remplacement du gaullisme résiduaire, structurant l’Etat profond français, par le sarközysme bling-bling et le pseudo-socialisme à la Hollande, inaugurant une ère de présidences indignes, où l’Etat profond est délibérément mis hors jeu, toujours, sans discontinuité, en même temps que les fondements anthropologiques de toute société européenne. Les points 4) et 5) annonçaient la crise migratoire que subit l’Europe depuis 2015. Jean Parvulesco ne pouvait imaginer l’ampleur effrayante que prendrait cette crise migratoire ni l’incommensurable naïveté d’Angela Merkel mais, néanmoins, ses capacités prophétiques extraordinaires lui dictaient quelques lignes denses et absolument clairvoyantes :  « En même temps, un mouvement d’investissement concerté, planifié à grande échelle, est en train d’être exécuté par le Tiers-Monde, en direction de l’Europe, dont les infiltrations, de plus en plus soutenues, massives, idéologiquement intensifiées, servent de masse de manœuvre aux inavouables desseins de la subversion sociale-démocrate au pouvoir partout en Europe, qui vise ainsi, secrètement, la dévastation à terme de l’identité nationale, sociale, culturelle et religieuse de l’ensemble des pays de l’Europe de l’Ouest. Dans ces conditions, comment résister encore, comment ne pas céder à la tentation nocturne, sournoise, fatidique, de la démission à laquelle on nous invite d’une manière si extrêmement pressante?».

Jean Parvulesco, même face aux pires ressacs imaginables, n’a nullement cédé à cette « tentation nocturne et sournoise ». Il imagine immédiatement les contre-attaques. Il fallait, selon lui, et il faut, selon nous, appuyer la « contre-stratégie andine » de Hugo Chavez et de ses successeurs malgré l’éviction des péronistes en Argentine et des partisans brésiliens du BRICS. Il s’agit encore et toujours pour nous de garder une oreille plus qu’attentive aux velléités continentalistes de l’Amérique romane, aux aspirations de cette Amérique romane à renouer avec l’Europe par le pont potentiel que fournit l’Hispanidad. Ensuite, outre ce lien à maintenir avec les contestataires de la Doctrine de Monroe en Amérique romane, Jean Parvulesco nous exhortait à refuser le clivage entre une Europe catholique/protestante, d’une part, et une Europe orthodoxe/byzantine, d’autre part. Ce clivage est induit, depuis 1993, par les stratégistes américains qui ont fait une lecture superficielle de l’ouvrage de Samuel Huntington, Le choc des civilisations. Cependant, la volonté d’imposer ce clivage et de restituer de la sorte un Rideau de Fer idéologique et religieux, va provoquer le rapprochement entre les Européens. L’hegemon sera alors un « Beschleuniger wider Wille », selon l’expression forgée par Carl Schmitt, soit un « accélérateur contre sa propre volonté ». Il va obtenir, par l’exercice de ses manigances, le contraire du but visé, selon l’effet d’hétérotélie, si finement mis en exergue par Jules Monnerot. Jean Parvulesco exprimait cette vue dans son article de Nouvelles de Synergies européennes : « L’opération visant la création subversive d’une séparation politico-religieuse de l’Europe ayant finalement produit des effets contraires à ceux qu’escomptaient ses manipulateurs dans l’ombre ».

La tentative de briser tout élan conduisant lentement mais inexorablement à l’émergence d’une nouvelle Sainte-Alliance réintroduit fatalement la nécessité d’un vigoureux réarmement théologique du catholicisme et de l’orthodoxie, comme bon nombre de voix, et non des moindres, ont tenté de le faire au 19ème siècle, suite aux injonctions lumineuses du Tsar Alexandre I. Jean Parvulesco nous exhortait, dans ce maître-article de l’an 2000, « à faire réapparaître la religion impériale des origines, la première religion impériale des débuts antérieurs de l’Europe, de l’Europe d’avant la grande fracture intérieure de ses actuelles origines ». Telle est la perspective de l’IMPERIUM ULTIMUM, qui ne pourra advenir que par l’INCENDIUM AMORIS, évoqué par Dante et, à Bruxelles, par Marc. Eemans, fondateur/continuateur des cercles évoliens de Flandre et de Bruxelles, un INCENDIUM AMORIS porté, selon les vœux de Jean Parvulesco, par les « Cercles géopolitiques actifs », par ceux qui esquissent une autre géopolitique que celle que nous impose l’hegemon, malfaisant vecteur du Non-Etre. Malraux, autre gaullien, disait que le 21ème siècle serait religieux, marqué par le retour du religieux ; oui, sans doute, mais cette religion devra être archangélique, michaëlienne, sophianique et impériale. Elle sera telle ou ne sera pas.

Robert Steuckers,

Forest-Flotzenberg, octobre 2016-Janvier 2017.

mardi, 06 septembre 2016

Nouvelle célébration de Jean Parvulesco

sollev39356425.jpg

Nouvelle célébration de Jean Parvulesco

par Nicolas Bonnal

Ex: http://www.dedefensa.org

Jean-Parvulesco.pngIl s’est absenté il y a six ans déjà. Je pense bien souvent à lui, donc j’en reparle dans ces lignes. J’ai été le dernier à le prendre en photo. Ma femme Tatiana aussi nous prit en photo, je semblai plus fatigué que lui à la veille de sa mort. Comme dit Shakespeare après Azincourt,  

Let life be short, else shame will be too long.

Que notre vie soit courte, sinon la honte en sera longue.

 Car on ne se bat plus, on attend la mort comme des couards. Par un noble hasard, je n’ai pas contacté Jean Parvulesco, c’est lui qui l’a fait en 1990, via les fameuses éditions l’âge d’homme et surtout un article que j’avais écrit sur Mitterrand le grand initié – titré plus sobrement alors Mitterrand mage noir ! J’avais alors sur les conseils d’un admirateur feuilleté un de ses livres les plus aboutis, les Mystères de la villa Atlantis, où il évoquait des sociétés secrètes folles, égyptiennes et noires ; de l’OSS (et non de l’OAS…) sans le deuxième degré, celui qui tue l’âme française.

Il voulait me voir, il voulait se confier. Il était alors, et il sera toujours, à la recherche de disciples. Il y a des gourous – ou des upa-gourous – qui comme cela recherchent leurs disciples. J’ai l’impression que toutes proportions gardées c’est ce que fait d’ailleurs Jésus au début ; on fait venir la foule, qui se charge de venir toute seule, mais on se doit d’aller chercher ses disciples à la porte des écoles ou d’ailleurs.

 A Paris nous nous voyions vers six heures du soir, à la Rotonde, dans un décor art-déco. Nous étions voisins : en dépit d’une grave maladie à l’œil, liée pensa-t-on alors, à quelque magie noire, je vivais des heures assez heureuses au début des années 90, du côté de Passy. Nous nous voyions dans le Paris géodésique et ésotérique qu’il aimait tant, tout près de la rue Bois-le-vent, si bien nommée. Lui aimait parler, moi j’aimais écouter : je n’ai pas la santé de l’acteur, ou bien du politique. Et comme Le Pen, que je voyais aussi à cette époque, Jean était inépuisable en effusion verbale, et jamais ennuyeux. Parfois je le contredisais, et il se laissait facilement contredire. Il changerait de sujet, pas de situation.

C’est qu’il était pour quelques-uns des médias bien placés (Boutang, Germain-Thomas) l’homme de la droite subversive, illuminée et galactique. Sa fascination pour Mitterrand était grande, pour l’Allemagne impériale, pour les géants du cinéma, comme Rassam, à qui il devait sans doute de somptueuses soirées dans des restaurants de luxe. Scénariste mythomane et pique-assiette dans l’âme, Parvulesco se rêvait Casanova, espion, maçon sublime, conspirateur, père Joseph, grand pèlerin, auteur acclamé, rédacteur de lettres confidentielles lues de lui seul. Quand on faisait partie de son cercle, on faisait partie de son monde. J’ai eu moi-même l’honneur d’être deux ou trois fois cité par lui comme si j’avais été un personnage de fiction avec lequel d’ailleurs il était redoutablement peu d’accord, comme s’il pressentait que je ne partageais aucune de ses lubies, le luxe ou la luxure, l’empire, les combines, les néogaullistes, la nouvelle vague et l’extrême-droite, tout le reste. Ce qui nous rassemblait, c’était notre sympathie génétique et notre condition d’écrivains maudits de société secrète engloutie. J’avais aussi une certaine, une secrète attirance pour l’est, le monde slave, l’orthodoxie, dont j’ai épousé une fidèle. Mon futur m’attendait en Espagne, comme son passé l’y avait projeté, lorsqu’il écrivait pour la revue de la Phalange à la fin des années cinquante, après son passage plein d’inconnues dans l’OAS. Et je la retrouvais d’une façon prémonitoire en lui, cette Espagne éolienne et hauturière, certain que l’occident c’est ce qui doit tomber, et tombera toujours. Ce n’est pas pour rien qu’un de ses fans m’a nommé un écrivain post-punk. De post-punk j’aurai même eu la jeunesse, finalement, aussi sale et sans déguisement. J’ai aimé dans Parvulesco cette nostalgie des années libertaires 70, ces soirées décalées et invisibles, cette nostalgie d’un monde culturel à l’agonie sous les contrechocs de l’industrie de l’information. C’était un vénitien consommé et très inconscient de l’omnipotence du satanisme à notre époque de recyclage aigri. C’est que pour lui l’hôtel ou le restau de luxe était un avatar des lieux initiatiques de Virgile.

Iam subeunt Triuiae lucos atque aurea tecta.

JeanParvulesco_Paris2000-217x300.jpgEn 93, tout a changé : je suis allé en Inde d’où je lui écrivais. L’Inde était encore un peu l’Inde. Ce n'était pas Slumdog dollar. Son texte sur Goa dans la spirale est fantastique. Mais de retour en France les années ont recommencé à passer. On l’aura vu dans l’arbre, le maire et la médiathèque, filmé par son protecteur Rohmer face au bizarre photographe ou plouc crétin qui avait détourné l’attention de l’héritière l’Oréal. Jean lui évoque le Mitterrand d’extrême-droite sans guère le convaincre ; mais j’ai compris qu’en réalité il ne convainquait personne ou presque. Quel dommage ! Et les milliards de l’Oréal !

Il avait le nez creux pour sentir, soulever les complots, les combines, l’air du temps. Il croyait comme un fou en l’Europe, l’euro, et Kohl et Mitterrand. Il s’y voyait déjà… Et lorsque je le revis en 2002 ou 3, je lui montrais les prix que nous payions pour un café ; et qui en avait profité ; il détourna tristement la tête. La logistique ne serait jamais son fort. J’en retirais l’impression que comme une petit illusionniste de café mystique, il cherchait à capter une atmosphère, à s’en rendre maître ; ou qu’il voulait de tel mystère en être l’organisateur Je l’ai vu prendre les armes pour Seguin, puis pour Chirac, enfin bien sûr pour Sarkozy. Il semble qu’on l’ait vu à une émission du regretté Taddeï, aux côtés de l’inénarrable et bizarre Villepin. De quoi aura-t-il pu bien leur parler…

 Infandum, regina, iubes renouare dolorem.

Nationaliste, il l’était ; mais pas français en tout cas. Grand d’Europe, il était impérial et prêt à boire toutes les bières pour cet empire… En attendant il espérait me voir progresser, et il se verrait bien mon suzerain. A cette même époque je commençais à publier et très vite (attendez un mois ou moins…) sans aucune joie. Que de déceptions, des échecs, du ressentiment. L’échec d’une vie que de se faire publier, de vouloir se faire connaître. Lui m’avait choisi comme vassal un soir de restaurant au milieu de sa cour et de son éditeur d’alors, qui n’a jamais su le vendre. Mais je ne voyais rien venir de bon dans ces livres publiés. Lui-même publiait n’importe quoi, des resucées de ses journaux de ces terribles et nauséeuses années 80, oubliant sa prose poétique, son souffle épique et lyrique, sa phraséologie baroque, sa remarquable architecture syntaxique (Cioran, Ionesco, lui : les derniers écrivains français sont daces…). On restait dans des plats libertins refroidis, avec du sexe de marquise en chaleur à cinq heures, de la cruauté flasque, de la conspiration dégénérée en combines et surtout un nombre effroyable de coquilles qui montraient que ni lui ni son éditeur ne voulaient faire leur travail. Les dernières années il s’est remis à très bien écrire et on l’a enfin corrigé. Cela n’a rien donné au plan des ventes, me confirmant dans mon intuition des vingt ans : ce n’est pas l’auteur qui est mort, c’est le lecteur. Plus personne n’a l’audace ou la patience ou bien l’humilité et la culture pour être lecteur. J’ai épousé une lectrice ukrainienne qui est devenue ma traductrice et ce n’est pas un hasard. Je n’écris maintenant que pour elle ou pour moi, et les fantômes qui m’entourent. Ce qui se passe avec le numérique est horreur pure, anéantissement du monde, mais lui ne le voyait pas. Je l’avertis de cette menace en rédigeant mon Internet nouvelle voie. Nous sommes quand même allés voir Matrix auquel d’ailleurs il ne comprit rien (sinon la prise de pouvoir par les blacks) ; une autre fois il raffola de Eyes wide shut. Ce film est taillé pour lui en effet. Venise, la conspiration du sexe et de l’argent, l’illuminé au visage masqué… En y repensant nous avons vu ensemble les deux films les plus essentiels de l’époque ; il adorait aussi le candidat mandchourien. Il était de bon conseil, de même qu’il voyait peu de films. Peu avant son envol, je lui dis qu’il était abondamment cité dans la dernière bio de Godard, signée de Baecque, que j’avais rencontré un beau soir à la cinémathèque, avec Barbet Schroeder. Il n’en avait pas entendu parler. Et pourtant, on garantissait qu’il était alors bien le gourou de Godard, vedette américaine d’A bout de souffle. Quel destin aurait dû être le sien…

Credo equidem, nec uana fides, genus esse deorum.

 Je me suis demandé comment avec son talent, son ambition aussi, avec son carnet d’adresses des années 70 il n’avait pas mieux tiré son épingle du jeu. J’ai rencontré Gérard Brach lorsque j’écrivais mon bouquin sur Annaud. Ou au Pérou (mais oui !), un certain Steve quelque chose, qui avait travaillé avec Schroeder sur les Joueurs. Les deux compères m’apprirent que certes on le connaissait mais qu’on ne l’avait pas pris au sérieux, et je l’ai d’autant moins mis en doute que je crois que c’est ce qui m’est arrivé aussi. On passe comme ça, à la surface de tout, en bleu, brillance, et puis c’est tout. Tout de même il aurait pu se rapprocher des catholiques, avec son culte marial et son papisme fidèle. Mais son univers était fait comme un nid d’oiseaux : occultisme, christianisme, socialisme magique, érotisme tantrique, gaullisme anarchiste, fantastique anglais, géopolitique russe. Je n’ai jamais su l’ordonner, il me semblait qu’il reflétait mon propre désordre, comme son échec annonçait le mien que j’avais décrété à vingt ans. La vie post-apocalyptique, c’est une jeunesse ratée qui dure. La sienne de vie aura duré longtemps après sa dure jeunesse. Comment savoir s’il a vraiment traversé le Danube à la nage pour sa faire attraper par ces pauvres serbes de l’autre côté de la rive ? Il a écrit une très belle page que j’ai reprise dans mon Lancelot, et où il s’inspire de Buchan pour évoquer la course à pied. Le crosscountry est un programme métapolitique dans cette Angleterre post-vénitienne et nominaliste qui le fascina tant. Pour lui comme pour Buchan le monde est une idée pas une réalité. C’est pour cela qu’il parlait sans convaincre, ne cherchant qu’à séduire.

jeanparvulescoXXX43cd135896755.jpgPierre-André Boutang, le fils de l’helléniste maurrassien qui exaspérait Bernanos, lui donna un jour sa chance à la télé, et pour une heure. Il parla bien, échappa au public. Pour les idées et surtout pour la réussite médiatique (on était avant la tyrannie absolue et folle d’aujourd’hui), Jean fut mon maître à penser et surtout à dépenser… Il aimait aussi beaucoup ce film intitulé l’Ultime souper, où l’on voit des gauchistes empoisonner tous leurs ennemis politiques pour se retrouver bien seuls. Le nouvel ordre mondial est gastronomique. Il vous empoisonne. Ces artilleurs culinaires ne savent même faire que cela.

Et puis il y a le Jean Fauché comme les blés ; je ne parle pas pour toutes les sommes qu’il m’emprunta, et qu’il empruntait à d’autres au point de s’en faire des ennemis, sans parler des restaurants qu’il fallait éviter passée une date de crédit dépassé… Parvulesco, un grand nom d’emprunt, comme dirait de Gaulle. C’est d’ailleurs sur la géopolitique et l’alliance avec la Russie qu’il était le plus sérieux, le plus réel. Le plus concret organisateur de la victoire à long terme si les occidentaux et l’OTAN ne parviennent à nous détruire tout entiers d’ici là ! J’ai pensé que son livre sur Poutine ferait fureur. Même pas. Vingt après la chute du mur, pas de visa pour nos frères, et l’Eurafrique à l’ordre du jour. Il a écrit un effrayant et si beau texte sur l’arraisonnement de la fontaine Saint-Michel à ce sujet – si j’ose dire.

Le secret de son génie je ne l’ai pas foré. Ou je ne veux pas le dire. Il y a son style incomparable ; parfois mal maîtrisé, parfois comme surhumain.

 Il m’a parlé de ses sorties dans l’astral, de ses rencontres avec Evola, de ses lubies d’église tantrique. Et après ? Un style parfois sublime, égal des plus grands, d’un Chateaubriand cardinal, d’un Bossuet magicien, et encore. Est-il parmi nous, veille-t-il ? Mes plus proches sont morts, Beketch, lui, Jean Phaure ; je suis seul sur mon rocher, priant devant la mer, comme un héros de Gracian. J’ai vu les quatre âges : celui de Phaure, calligraphiant à la main sa poésie orientale et hindoue ; celui de Jean, tapant à la machine comme Hemingway, et conspirant ; celui de Serge (qu’il exaspérait par son style et son gaullisme) m’initiant à la paresseuse et cool écriture sur  l’ordinateur au journal Minute ; et celui du SMS, le signe dévoré s’effritant et flirtant avec le néant.

 Pour lui vivre sa vie c’était la raconter. Et c’est d’autant plus vrai qu’il inventait ce qu’il n’avait pas vécu tout en cachant ce qu’il vivait et qui était très présent et religieux et très concret. Epouses (il fut veuf : je ne le sus qu’à sa mort), enfants, vie réelle, il en eut, et plus que nous tous, fils des âges mort-nés de la postmodernité. Mais ce n’était pas son sujet, cela n’entrait pas assez dans la combine. Il préférait me jouer le « roi délire » en attendant le café. Je regrette de ne pas assez l’avoir fait boire ; il aimait le Champagne, c’est alors qu’il se livrait dans ses conversations fulgurantes que l’on nommait ridotti à Venise, la clé secrète de son œuvre. Il fut le dernier convive de pierre du siècle des Illuminés, le maître au cilice au siècle du silicium. Un amateur de cabale au Canada.

 Je lui ai donné un rôle dans mon épopée héroïco-comique Les Maîtres carrés, disponible en ligne sur le site de la France courtoise (France-courtoise.info). A bientôt, cher Jean à la voix d’oracle et à la destinée d’acrobate.

Et vous tous, lisez ou relisez les Mystères de la Villa Atlantis. C’est comme si Dumas, le plus important des romanciers français, avait soudain eu du style.

Nicolas Bonnal

(Alhambra de Grenade, août 2016)

mardi, 15 septembre 2015

L'Atlantide contre l'Atlantisme

atlantide-1.jpg

L'Atlantide contre l'Atlantisme

par Laurent James

Voici le texte de mon intervention aux Rencontres Eurasistes de Bordeaux, le 5 septembre dernier

Le but de mon intervention est de montrer les principes de l’Atlantide et de l’atlantisme afin d’éviter toute confusion entre les deux. La confusion contemporaine entre l’eurasisme et le mondialisme est fondamentalement basée sur les mêmes erreurs, et j’expliciterai les raisons pour lesquelles ce sont, précisément, le nationalisme, le marxisme et le complotisme (tous regroupés sous le terme générique de « dissidence » qui la propagent.
 
On peut trouver sur le site de VoxNR un texte inédit de Douguine. Il s’agit du chapitre 3 d’un livre titré « Misterii Evrazii » (Les Mystères de l’Eurasie »), un ouvrage paru en Russie en 1996, puis traduit en espagnol et en italien mais pas encore en français. Douguine y développe les motivations ésotéristes du combat eurasiste, lesquelles ne sont pas tellement connues.
 
A ce sujet, on peut noter que c’était précisément pour présenter ces aspects, que nous l’avions invité à Rennes-le-Château le 18 janvier de cette année pour une journée de conférences avec, entre autres, André Douzet, Erik Sablé, Walid Nazim, Tony Baillargeat et Constantin Parvulesco. Ce dernier devait présenter à cette occasion des « Interprétations alchimiques du Saint-Suaire ». J’en profite pour insister sur un point évoqué dans mon dernier texte paru sur le blog de Parousia, à propos de Paul-Eric Blanrue. Selon la tradition, le Suaire est le Linceul, cité par les Evangiles, qui servit à envelopper le corps du Christ au tombeau. Il renvoie directement à la réalité de la Passion, et c’est pour cette raison que Jean-Paul II l'a défini comme étant le « miroir de l'Evangile ». Tous les révisionnistes du Saint-Suaire sont nos ennemis absolus, à nous autres catholiques intégraux et soldats du Christ. Que cela soit bien clair !
 
Excusez-moi de parler de ça cinq minutes encore, même si ça semble hors sujet. Ça ne l’est pas, en réalité. Certains me reprochent de parler parfois de sujets subalternes, comme la querelle entre Yann Moix et Paul-Eric Blanrue. Je trouve au contraire qu’il est très intéressant d’insister sur le fait que ce n’est pas parce que le premier est un atroce écrivain béhachélien que le second a forcément raison. Voici ce que Blanrue a écrit dans le n°141 de « L’Homme libre, fils de la terre (Recherche d’une psychologie libératrice) », en octobre 1994 :
 
"J’aimerais aborder tranquillement les questions de l’historicité du Christ (rien ne prouve que Jésus soit autre chose qu’un mythe syncrétiste judéo-païen), de la mystification de la Salette (une des rares « apparitions » à avoir été jugée comme arnaque), des problèmes archéologiques liés à la découverte un peu trop providentielle du Saint Sépulcre (trois siècles après les prétendus événements)".
 
C’est le problème principal du révisionnisme, ça ne s’arrête pas aux portes des chambres à gaz. Dans le même texte, il parle de « la vieille Eglise catholique en pleine phase déliquescente ».
 
Lorsqu’on passe des années à saper les fondements du catholicisme en usant d’une arme aussi profane qu’est le zététisme voltairien (il faut savoir que Voltaire est la référence majeure de Blanrue), et que l’on se convertit ensuite à l’islam après avoir constaté qu’il n’y avait plus de valeurs dans le catholicisme, je pense qu’on est inconséquent, c’est le moins que l’on puisse dire. Pourquoi Blanrue ne continue-t-il pas sur sa lancée voltairienne, et ne démontre-t-il pas maintenant, par exemple, que la Kaaba n’a jamais été construite par Abraham ? Il publierait son étude sous le titre « Le secret de la Kaaba : autopsie d’une escroquerie », et là, il aurait une certaine cohérence !
 
On peut se convertir à l’islam pour de très bonnes raisons, mais on peut aussi le faire pour de très mauvaises. De manière générale, le mot conversion est banni de mon vocabulaire. La seule conversion légitime est le retour à la foi de ses parents, ou de ses grands-parents. A condition que celle-ci soit légitime et justifiée, bien sûr ! Pour rester dans le monde chrétien : la fidélité à ses parents quand ils sont évangélistes ou Témoins de Jéhovah est, en réalité, une trahison complète envers la Tradition. Un de mes amis a trahi la foi protestante helvétique de sa famille, en venant se faire déprotestantiser à Marseille par le Père Zanotti-Sorkine. Voilà un bel exemple de fidélité absolue !
 
Revenons à Rennes-le-Château. Douguine connait parfaitement l’importance métahistorique de la région du Razès. Il désirait établir avec nous une connexion solide entre le Royaume d’Araucanie et la Sainte-Russie sur une des places fortes de la Gaule surnaturelle et enchantée. Ainsi que je l’ai dit, sa conférence devait porter sur les racines ésotéristes de l’eurasisme.
 
AtlantideScience.jpgComme vous le savez peut-être, une poignée de très sombres individus a réussi à faire capoter le projet cinq jours avant qu’il n’ait lieu. La version officielle réside dans la lâcheté de l’organisateur, qui en trahissant Alexandre Douguine, a également trahitoute la famille Parvulesco : le grand-père Jean, le père Constantin (qui avait immédiatement décidé d'annuler sa venue en apprenant la censure de Douguine), et le fils Stanislas. Mais nous sommes aussi parfaitement au courant des manipulations effectuées dans l’ombre par d’autres personnages, ésotéristes de troisième zone et guénolâtres stériles. Certains d’entre eux se sont d’ailleurs publiquement réjouis de l’annulation de cette conférence, assurés de leur impunité. Qu’ils sachent que nous les avons tout à fait identifiés, et que la riposte sera à la hauteur de leur lâcheté.
 
Je reviens à ce chapitre écrit par Douguine, diffusé sous forme de samizdat en 1988, portant sur « L’Amérique, ou la Terre verte ». Il y examine les « dessous mythologiques de l’Amérique », disant que (je cite) « si une telle idée de l’Amérique a pu s’enraciner dans la conscience géopolitique universelle et devenir quelque chose de néo-sacral, il doit y avoir à cela des raisons très sérieuses associées à l’inconscient collectif de l’humanité, et à cette géographie secrète continentale qui plonge ses racines dans les millénaires mais dont le souvenir continue à vivre comme archétypes psychiques ».
 
Il commence par noter que le continent américain était connu, « longtemps avant le voyage de Christophe Colomb », notamment par les Vikings. Ceci est aujourd’hui validé par presque tout le monde, et l’arrivée de Leif Erikson à Terre-Neuve, par exemple, est une chose établie. Sans parler du grand voyage de saint Brendan de Clonfert et saint Malo jusqu’au Québec au VIè siècle. Sur la question des Vikings en Amérique, je ne saurais trop conseiller de lire les ouvrages de Jacques de Mahieu (dont le fils Xavier Marie se livre aujourd’hui à des activités politiques intéressantes en Argentine). Jacques de Mahieu, professeur et directeur de l'Institut des Sciences de l'Homme de Buenos Aires dans les années 70 et 80, a étudié de nombreuses cartes géographiques précolombiennes, dont la célèbre carte de l’amiral ottoman Piri Reis, dérobée à un compagnon de Colomb après un combat naval. Cette carte représente de manière très précise l’Amérique du nord et du sud, ainsi que le Groenland et l’Antarctique. Pour Jacques de Mahieu, ces connaissances géographiques remontent au moins jusqu’aux Vikings, qui se seraient implantés au Pérou pour y fonder l’empire de Tiahanacu, ancêtre des Incas, et qui seraient à l’origine de la production métallurgique dans ce pays (mines d’or et d’argent). Il pensait même que la richesse des Templiers, qui financèrent la construction de 80 cathédrales gothiques en moins de cent ans, provenait de l’exploitation industrielle de ces mines et de leur réception au « port secret du Temple », celui de la Rochelle.
 
Cependant, la connaissance du continent américain est peut-être bien antérieure encore. L’amiral Piri Reis affirmait que, parmi les documents ayant permis à Colomb d’entreprendre son expédition, se trouvait également « un livre datant de l’époque d’Alexandre le Grand ». Mais est-ce bien de l’Amérique dont il s’agit ?
 
1)      L’Atlantide
 
Rappelons brièvement que l’Atlantide tenait elle-même ses principes civilisationnels de la Tula hyperboréenne, l’île polaire sacrée placée sous la protection de la constellation de la Grande Ourse. Lorsque l’on évalue les dates principales de notre cycle en se basant sur les ères précessionnelles de 2160 ans, la Chute, soit le passage de l’Age d’Or à l’Age d’Argent, ou encore la naissance du mal dans l’histoire humaine, s’est produite il y a environ 39 000 ans. Ce qui correspond à l’irruption de l’Homme de Cro-Magnon en Europe, mais ceci est un autre sujet.
 
L’Age d’Argent dura ensuite près de 20 000 ans, puis l’Age de Bronze débuta en – 17000 (ce que l’on appelle historiquement le magdalénien). Il se manifesta notamment par l’irruption de ce cataclysme spirituel irrévocable qu’est l’œuvre d’art plastique (art pariétal), et par la naissance de l’Atlantide sous le signe de la Balance.
 
Rappelons que tous les cyclologues, de Platon à Gaston Georgel, en passant par Guénon, situent la fin de l’Atlantide dix mille ans avant notre ère, soit en plein milieu de l’Âge de Bronze. – 10000 : c’est la fin de la glaciation de Würm II, avec une élévation importante du niveau des eaux, et le tout début de l’avènement du néolithique. Six mille ans plus tard, en – 4300, l’Age de Bronze se termine brutalement et débouche sur l’Age de Fer avec le Déluge de Noé, que Platon nomme le Deucalion.
 
Attention à ne pas confondre le Déluge de Noé avec le Déluge de l’Atlantide, 6500 ans les séparent.
 
Une fois, Douguine me demanda de lui dire en quelques mots ce que représentait pour moi l’eurasisme. Je lui répondis : c’est la meilleure manière de guérir du traumatisme du néolithique. Guérir notre continent d’une plaie infiniment douloureuse et lancinante, le traumatisme infligé par la submersion de l’Atlantide, la perte du dernier foyer de connaissance qui nous liait à l’Hyperborée primordiale, ce qui signa la fin du nomadisme métaphysique des peuples européens par leur sédentarisation agricole de plus en plus stérile et dissolvante : c’est donc ce que l’on nomme historiquement le néolithique, advenu durant les ères successives du Cancer et des Gémeaux, qui ont précédé le Déluge de Noé en – 4320.
 
On considère généralement qu’il y a eu deux récepteurs de la civilisation atlantéenne, deux filles de l’Atlantide : l’Egypte et la Chaldée, toutes deux émergeant durant l’ère précessionnelle du Cancer (8640/6480 av. J.-C.), soit deux mille ans avant la fin de l’Age de Bronze.
 
Le cas de l’Egypte est, de loin, le plus étudié. Voir, par exemple, les travaux de Schwaller de Lubicz sur la très haute civilisation de la « théocratie pharaonique » originelle. De nombreux auteurs ont mentionné que les pyramides étaient des images de l’axe polaire hyperboréen, dont les proportions arithmosophiques provenaient d’un enseignement atlantéen, et qu’elles avaient certainement été construites à une époque antédiluvienne.
 
Quant à la Chaldée, de nombreux auteurs l’ont en partie associé à la Celtide.
 
Jean Phaure relevait « l’identité sémantique de la terre celte et de la Chaldée (keltoï désignant en grec la caste sacerdotale) ». Il est possible que les celtes originels constituaient la caste sacerdotale de la société chaldéenne.
 
Je cite René Guénon, dans « Symboles fondamentaux de la science sacrée » : « La tradition celtique pourrait vraisemblablement être regardée comme constituant un des points de jonction de la tradition atlante avec la tradition hyperboréenne, après la fin de la période secondaire où cette tradition atlante représenta la forme prédominante et comme le substitut du centre originel déjà inaccessible à l’humanité ordinaire ».
 
Notons par ailleurs que la Chaldée et l’Egypte furent également deux étapes successives de l’histoire du peuple juif, avec les figures d’Abraham et de Moïse. Sem vécut d’abord chez Japhet avant de se rendre chez Cham. Cela explique la présence de la tradition atlantéenne dans l’Ancien Testament, comme l’avait étudié Guénon.
 
Alexandre Douguine «  La Terre verte – l’Amérique » [partiel]
 
« L’Atlantide est ce paléocontinent dont parlèrent Solon, Platon et beaucoup d’autres après eux. L’Atlantide est le continent sacré occidental, où prospéra une grande civilisation spirituelle, qui périt à la suite d’un terrible cataclysme et d’une inondation. La destruction du continent est le plus souvent décrite comme un événement graduel : après l’abaissement de sa partie continentale, de sa partie principale, située à l’ouest de l’Europe et de l’Afrique, survécurent pendant un certain temps quelques îles dans l’Atlantique Nord, où se concentrèrent les dernières souches atlantes, dépositaires de la tradition ancienne. L’une de ces terres, d’après Hermann Wirth, fur Mo-Uru, qui fut à son tour submergée beaucoup plus tard, plusieurs millénaires après le cataclysme principal. »
 
« Dans l’image sacrée (et par conséquent dans le nom) de l’Amérique doit d’abord se refléter l’idée de son origine ‘extrême-occidentale’. Selon les travaux du professeur Wirth, le plus ancien centre sacré de l’Occident était la terre de Mo-Uru, l’île de Mo-Uru, située dans l’Atlantique du Nord-Ouest. Ce nom est mentionné dans le Bundahishn (un texte sacré zoroastrien), où il vient en troisième position après l’Aryanam-Vaejo des grands ancêtres aryens (l’Aryanam-Vaejo se trouvait directement au Pôle Nord, sur le continent arctique ‘Arctogaïa’, disparu il a déjà de nombreux millénaires) ».
 
C’est probablement ce que les Grecs nommaient l’Hyperborée.
 
« C’est justement avec l’aide de ce mot-clé Mo-Uru, et en se fondant sur le déchiffrement des runes et des symboles proto-runiques que le professeur Wirth parvint à pénétrer les secrets de plusieurs cataclysmes ethniques et raciaux de la préhistoire ».
 

atlantide-dessin.jpg

 
« Il existe une doctrine sacrée mentionnée par Guénon, affirmant que la tradition judaïque est ‘occidentale’ par son origine symbolique et préhistorique. Ur en Chaldée, d’où Abraham partit vers la terre promise, apparaît comme un substitut de Mo-Uru, de la ‘Ur nord-atlantique’, puisque même le Zohar affirme que Ur, où résidait initialement Abraham, symbolise ‘l’état spirituel supérieur’, dont Abraham, par nécessité providentielle, ‘descendit’ vers le bas (il est intéressant de remarquer que les juifs partagent assez souvent ce point de vue concernant l’origine occidentale de leur tradition, comme cela apparaît à travers les premiers projets sionistes de l’organisation d’un ‘Etat juif’ en Amérique ou dans les livres de Simon Wiesenthal sur la préhistoire juive de l’Amérique et de Edmund Weizmann sur ‘L’Amérique, Nouvelle Jérusalem’). De cette manière, l’énigmatique nom Mo-Uru désigne précisément le continent sacré extra-européen, situé à l’Ouest, dans l’Atlantique ».
 
« Cependant le continent Amérique, selon nous, n’est pas le contient le plus occidental de la géographie sacrée (l’Atlantide), mais sa ‘continuation’ vers l’Occident. En d’autres mots, l’Amérique est une ‘Outre-Atlantide’, c’est-à-dire une terre située ‘de ce côté, vers l’Ouest’. Il est possible que ce déplacement sacralement symbolique de l’Amérique explique l’inquiétant secret associé à celle-ci dans le contexte de la géographie sacrée des civilisations traditionnelles de l’Eurasie.
 
 En accord avec cette géographie sacrée, à l’Occident se trouve la ‘Terre Verte’, la ‘Terre des morts’, une sorte de monde semi-matériel, qui rappelle l’Hadès ou le Shéol. C’est le pays du Crépuscule et du Coucher, d’où la sortie est impossible pour les simples mortels, et auquel peut accéder seulement un prédestiné. On pense que le nom du Groenland (littéralement, le ‘Pays Vert’) se réfère justement à ce lieu symbolique. Le ‘Pays Vert’ n’est pas l’Atlantide (et Mo-Uru non plus !), mais quelque chose se trouvant plus à l’Occident de celle-ci, le ‘monde de la mort’, le ‘royaume des ténèbres’. Et cet aspect ultra-mondain du continent américain se révèle d’une manière surprenante dès le premier regard sur une chose aussi banale que le symbole du dollar. René Guénon a remarqué un jour que le symbole $ sur la monnaie américaine est une simplification graphique de l’emblème sacré qui se rencontre sur les monnaies anciennes de la région méditerranéenne. Initialement les deux lignes verticales étaient des représentations des ‘colonnes d’Hercule’ qui, selon la tradition, se trouvaient à l’extrême-occident, après le détroit de Gibraltar. Sur ce symbole apparaissait initialement l’inscription symbolique ‘nec plus ultra’, qui signifiait littéralement ‘rien au-delà’. Ces deux symboles désignaient une frontière, la limite occidentale de la géographie sacrée humaine, au-delà de laquelle se trouvaient les ‘mondes non-humains’. Et ce symbole ‘frontalier’, indiquant qu’on ne peut pas aller au-delà de Gibraltar, est devenu d’une manière paradoxale le symbole financier de l’Amérique, d’un pays qui se trouve ‘au-delà de la frontière’, ‘là où on ne peut pas aller’, là où l’inscription sur le prototype du dollar interdisait justement d’aller ».
 
« Dans une telle perspective, la redécouverte du continent américain par Colomb porte en elle-même une signification assez funeste, puisqu’elle indique l’apparition à l’horizon de l’histoire de ‘l’Atlantide submergée’, et même pas de l’Atlantide, mais de son ‘ombre’, de sa continuation négative dans l’Occident symbolique, dans le ‘monde des morts’. Et la coïncidence chronologique de cette ‘redécouverte’ avec le début du brusque déclin de la civilisation européenne (et eurasienne en général), qui commença dès ce moment à perdre rapidement ses principes spirituels, religieux, qualitatifs et sacrés, est assez significative à cet égard »
 
« Sur le plan purement culturel-philosophique, l’Amérique devient dès lors le lieu de projection idéal de toutes les utopies profanes, athées ou semi-athées. On peut comparer le cycle historique de l’Amérique à celui d’une ‘Nouvelle Atlantide’, sortie de la profondeur des eaux, mais il ne s’agit pas de la vraie Atlantide ressuscitée, mais d’une autre, chimérique, contrefaite, fantomatique, qui s’est consacrée à faire revenir ‘l’âge d’or’, mais de laquelle émane l’odeur du continent-tombe ».
 
« L’eschatologisme pénètre la conception même d’un ‘Nouvel Ordre Mondial’ qui répète et développe les projets idéologiques américains, et cette conception présuppose l’expansion du modèle américain sur tous les territoires restants de la planète. Ainsi, émergeant des profondeurs d’un inquiétant mystère ésotérique, le ‘Nouveau Monde’ tente de se présenter comme la ‘nouvelle terre’ spirituelle dont parle l’Apocalypse et qui doit apparaître après la Fin des Temps. Mais pour le continent américain l’époque post-apocalyptique est déjà arrivée : la victoire des armées alliées dans la seconde guerre mondiale – qui a conduit les Etats-Uns à la domination mondiale – ainsi que la signification symbolique des vicissitudes des Juifs (de cette nation mystique si importante dans l’histoire) en Allemagne, tout cela a fusionné dans la théorie de ‘l’Holocauste’, de ‘l’ultime sacrifice de l’histoire’, après lequel l’Outre-Atlantide, unie au ‘Nouvel Israël’, est entrée dans la période du ‘Grand Sabbat’, de ‘l’époque heureuse’, de ‘l’ère d’abondance’. L’attente des temps messianiques a commencé, et la conscience continentale américaine archaïque, ‘l’esprit’ inquiet du continent ‘ré-émergé’, donne aux tendances messianiques et eschatologiques une force mystique enracinée dans la perception symbolique du monde d’une humanité qui conserve la conscience du lien et des correspondances de l’espace et du temps au cours des longs millénaires ».
 
On pourrait résumer cette prodigieuse analyse de cette manière :
 
L’atlantisme outrepasse l’Atlantide et contrefait la Jérusalem Céleste.
 
Il double l’origine et parodie la fin.
 
Parmi des milliers de citations, en voici une de  George Washington : « Les Etats-Unis sont la Nouvelle Jérusalem, établie par la Providence dans un territoire où l’homme doit atteindre son plein développement, où la science, la liberté, le bonheur et la gloire doivent se répandre en paix ».
 
Je reprends un paragraphe du texte de Douguine, «  La Terre verte – l’Amérique », portant sur l’Age d’Or.
 
« Si l’on ne tient pas compte du rôle symbolique de l’Outre-Atlantide dans son ensemble supra-temporel et méta-historique, ce pathos messianique restera incompréhensible et toute la dimension de fausse spiritualité qui se trouve derrière lui ne pourra pas être comprise et évaluée. Comme dans toutes les eschatologies ‘parodiques’, nous avons affaire ici à la confusion de ‘l’âge d’or spirituel, qui arrivera immédiatement après la Fin de l’histoire, avec la période temporelle précédent cette Fin ».
 
L’atlantisme est une eschatologie parodique, prétendant établir directement sur terre le nouvel Age d’Or (exactement comme l’a été le bolchevisme). L’eurasisme, quant à lui, propose l’établissement d’un rapport entre civilisations qui précéderait ce nouvel Age d’Or. Il s’agit de préparer les Temps de la Fin, et en aucun cas de faire advenir la Fin des Temps dont saint Matthieu nous dit bien «  Pour ce qui est du jour et de l’heure, personne ne le sait, ni les anges des cieux, ni le Fils, mais le Père seul » (XXIV.36). Tout en rajoutant au verset suivant quelque chose de fondamental « Ce qui arriva du temps de Noé arrivera de même à l’avènement du Fils de l’homme » (XXIV.37).
 
Et le déluge de Noé, c’est justement l’éradication de toutes les colonies atlantes, à l’exception – comme je le disais tout à l’heure – de la Chaldée (Japhet), de l’Egypte (Cham) et des juifs faisant la jonction entre les deux (Sem). C’est aussi, à cette occasion, le début de l’écriture. J’y reviendrai à la fin de mon intervention.
 
L’eurasisme n’a donc aucune prétention à établir un nouvel Age d’Or terrestre. L’Empire Eurasiatique ne constitue en aucun cas un pendant, un succédané ou une prolongation de l’empire américain. Penser et écrire cela, c’est justement ne rien comprendre à l’opposition radicale entre Atlantide et atlantisme. Ces sempiternelles accusations de contre-initiation à l’égard de Douguine et de l’eurasisme proviennent toujours de ces mêmes milieux de guénolâtres sectaires et dogmatiques, qui dressent une barrière autour de leur Idole (ils se défendent tous de ce terme, mais il est ici usité dans son acception la plus exacte) afin de la conserver dans sa pureté d’ivoire. Ces guénolâtres sont obsédés par les derniers chapitres de « Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps », attachés à traquer derrière la moindre parole ou le moindre geste de ceux qu’ils n’aiment pas (c’est-à-dire tous ceux qui tentent d’agir concrètement pour la beauté et la justice) les indices de « contre-initiation », de « contre-tradition », ou tout simplement de satanisme. Ces guénolâtres tentent de faire passer leur pauvreté ontologique, humorale et physique pour le résultat d’un grand travail guénonien de dépersonnalisation. On ne sera pas étonné d’apprendre, d’ailleurs, que certains d’entre eux font justement partie du groupe d’individus dont je parlais tout à l’heure, qui ont tout tenté pour faire capoter la venue de Douguine à Rennes-le-Château.
 

atlantide_bresil_decouverte.jpg

 
Pour ces gens-là, Léon Bloy est également un contre-initié de première classe. J’ai justement retrouvé un texte extraordinaire de Léon Bloy : c’est la conclusion de son Exégèse des Lieux Communs. Je vais vous le lire partiellement, et vous verrez à quel point les visions du catholique intégral sont proches des nôtres, notamment sur cette opposition fondamentale entre atlantisme et Atlantide.
 
Léon Bloy Conclusion de « L’Exégèse des Lieux Communs » [partielle]
 
« On a souvent demandé où pouvait bien être situé le Paradis terrestre. Platon et mon savant ami de l’Institut, Pierre Termier, m’ont donné les moyens de l’identifier.
 
Le Paradis terrestre, le lumineux Eden d’où furent expulsés nos premiers Parents n’était et ne pouvait être que l’Atlantide.
 
Je sais que cela a été dit déjà par j’ignore quels Américains qui voudraient faire croire que ce continent disparu depuis tant de siècles fut autrefois une partie considérable de leur continent et que l’Amérique actuelle prolonge, en cette manière, à travers les âges, le biblique Jardin de Volupté. Il suffit d’avoir vu, ne fût-ce qu’en passant, le soi-disant béatifique empire du Dollar, pour savoir ce qu’il faut penser de cette prétention. Mais ils ajoutent sottement et lourdement que le Déluge qu’on croyait universel est assez expliqué par la submersion de la seule Atlantide et l’anéantissement simultané du premier Eden. Je cesse alors d’écouter ces protestants spécieux et je reviens au divin Platon qui ne savait rien du Paradis terrestre, mais qui paraît avoir été l’irrécusable témoin d’une tradition archi-séculaire.
 
En son admirable conférence à l’Institut océanographique, le 30 novembre 1912, Pierre Termier a supérieurement démontré, par les plus récentes acquisitions de la science géologique, la véracité du grand philosophe qui raconte, imperturbablement, depuis vingt-quatre siècles, l’histoire de l’Atlantide en ses Dialogues ».
 
2)      L’Atlantisme historique
 
Sur le plan strictement historique, Robert Steuckers nous explique dans son texte fondamental titré « Eurasisme et atlantisme : quelques réflexions intemporelles et impertinentes », que l’atlantisme est d’abord une alliance européenne et chrétienne contre l’islam.
 
« L’atlantisme naît évidemment de la découverte des Amériques par Christophe Colomb en 1492. Mais l’objectif premier des puissances européennes, surtout ibériques, sera d’exploiter les richesses du Nouveau Monde pour parfaire un grand dessein romain et “alexandrin”, revenir en Méditerranée orientale, reprendre pied en Afrique du Nord, libérer Constantinople et ramener l’Anatolie actuelle dans le giron de la “Romania”. Le premier atlantisme ibérique n’est donc que l’auxiliaire d’un eurasisme “croisé” ibérique et catholique, allié à la première offensive de l’eurasisme russe, et portée par un dessein “alexandrin”, qui espère une alliance euro-perse. Une telle alliance aurait reconstitué le barrage des empires contre la steppe turco-hunnique, alors que les empires antérieurs, ceux de l’antiquité, se nourrissaient de l’énergie des cavaliers de la steppe quand ceux-ci étaient indo-européens. »
 
La naissance de l’atlantisme correspond donc historiquement à celle de la modernité. Il est identitaire et non-traditionaliste, puisqu’il est profondément ancré dans une époque qui se détourne radicalement du monde tri-fonctionnel médiéval.
 
Mais l’atlantisme se détache ensuite de notre continent, puis se constitue objectivement contre celui-ci. Son caractère anti-traditionaliste se renforce contre l’identité de l’Europe.
 
« L’atlantisme proprement dit, détaché dans un premier temps de tout projet continentaliste eurasien, nait avec l’avènement de la Reine Elisabeth I d’Angleterre (1558-1603). […] Le décès prématuré de Marie Tudor amène Elisabeth I sur le trône en 1558; elle y restera jusqu’en 1603: motivée partiellement par l’ardent désir de venger sa mère (Anne Boleyn), la nouvelle reine enclenche une réaction anti-catholique extrêmement violente, entraînant une cassure avec le continent qui ne peut être compensée que par une orientation nouvelle, anglicane et protestante, et par une maîtrise de l’Atlantique-Nord, avec la colonisation progressive de la côte atlantique, prenant appui sur la réhabilitation de la piraterie anglaise, hissée au rang de nouvelle noblesse après la disparition de l’ancienne aristocratie et chevalerie anglo-normandes suite à la Guerre des Deux Roses, à la fin du XV° siècle.
 
C’est donc une vendetta familiale, un schisme religieux et une réhabilitation de la piraterie qui créeront l’atlantisme, assorti d’une volonté de créer une culture ésotérique différente de l’humanisme continental et catholique. Elle influence toujours, dans la continuité, les linéaments ésotériques de la pensée des élites anglo-saxonnes, notamment ceux qui, en sus du puritanisme proprement dit, sous-tendent la théologie politique américaine. »
 
« Le terme d’atlantisme apparaît lors des accords entre Churchill et Roosevelt, scellés au beau milieu de l’Océan en 1941. En 1945, l’Amérique du Nord et l’Europe occidentale forment un ensemble, qui deviendra l’OTAN, une alliance centrée sur l’Atlantique-Nord, que l’on qualifiera rapidement, dans les écrits polémiques, d’ “atlantisme”. »
 
Parler d’atlantisme pour évoquer le pouvoir judéo-anglo-saxon est certes réducteur, comme l’écrit Steuckers, parce que l’Empire est tri-océanique (Atlantique, Pacifique et Indien). Le vocable « atlantisme » n’est donc pas véritablement géographique, tout comme le vocable Occident, par ailleurs : c’est le monde entier qui est occidentalisé, d’Est en Ouest et du Nord au Sud. C’est la raison pour laquelle l’Occident – tout comme l’atlantisme, dont il est rigoureusement synonyme - est aujourd’hui une notion absolument délocalisée. Cela pourrait même constituer une véritable définition de l’Occident, tout à fait paradoxale mais juste : l’Occident est le terme qui désigne une zone du monde géographiquement délocalisée. Tout ce qui est géographiquement délocalisé est occidental. C’est-à-dire qu’il est tout à fait logique que la zone du monde qui se soit accaparé toutes les autres soit justement celle dénuée de toute racine, c’est-à-dire de toute valeur ontologiquement spirituelle. On reproche souvent son prosélytisme à la religion quelle qu’elle soit, mais en réalité, la laïcité, l’athéisme franc-maçon et le matérialisme libéral sont infiniment plus prosélytes que n’importe quel jésuite ou salafiste.
 
On peut donc parler d’Empire du non-être, puisque c’est un Empire qui ne possède aucun contour physique, aucune armature idéologique et aucune transcendance spirituelle.
 
3)      Nationalisme
 
En ce qui concerne l’eurasisme, le premier véritable changement de paradigme a eu lieu avec Konstantin Leontiev, diplomate, écrivain et philosophe russe de la seconde moitié du dix-neuvième siècle.
 
L'eurasisme russe était majoritairement pro-occidental (indo-européanisant) et anti-musulman jusqu'à l'avènement de la guerre de Crimée de 1853. Or, Konstantin Leontiev, à cette époque, a complètement changé les perspectives en proposant (je cite Robert Steuckers)."une alliance anti-moderne des chrétiens orthodoxes et des musulmans contre le libéralisme et le démocratisme modernes, diffusés par les puissances occidentales. Leontiev suggéra dès lors une alliance entre Russes et Ottomans, qui constituerait un bloc de Tradition contre le modernisme occidental" Il se trouve que l'eurasisme "douguinien" promeut très activement cette vision des choses.
 
C'est une des raisons principales pour laquelle la plupart des extrême-droites européennes sont anti-douguiniennes, ce dernier étant islamophile et se revendiquant d'une "race" russe (mélange de slaves, de scandinaves et de mongols). Douguine intègre l'épopée du khanat et de la Horde d'Or dans l'histoire de la Russie, et la revendique pleinement. Ce qui agace particulièrement les nationaux-socialistes racialistes, tous favorables à l'Ukraine pro-Otan (et racialement slave, non "contaminée" par les mongols).
 
Je pense personnellement que la guerre du Donbass est également motivée par des critères raciaux, surtout du côté ukrainien où l’on considère généralement que les russes sont des faux slaves. J’ai rencontré l’ukrainien Andriy Voloshyn à Zvenigorod en octobre 2011, lors du congrès « Against Post-Modern World ». C’est un homme très intéressant, bon poète et connaisseur de la littérature française. C’est en discutant avec lui et ses amis que j’ai découvert pour la première fois l’existence d’une animosité raciale ukrainienne contre le « faux slavisme » russe. Voloshyn est aujourd’hui chef adjoint des relations internationales pour Svoboda.
 
Je cite un exemple précis.
 
2906785185_1_3.jpgLe site nationaliste Breiz Atao a mis en ligne en août 2014 un texte titré « Alexandre Douguine ou la subversion de la Russie orthodoxe », très violemment opposé au penseur de l’eurasisme. Le texte cite un entretien de Douguine de 2002 donné au journal russe Kommersant-Vlast : « La Russie est seulement sauvée par le fait que nous ne sommes pas de purs Blancs. Les corporations multinationales prédatrices, oppressantes et détruisant tous les autres, sans parler de MTV, des gays et des lesbiennes – c’est le fruit de la civilisation blanche, dont il est nécessaire de se débarrasser. Donc je suis pour les rouges, les jaunes, les verts, les noirs, mais pas pour les blancs. » On imagine ce que ce trait d’humour peut provoquer chez des racialistes un peu crispés.
 
Le même article reproche à Douguine le fait d’estimer que la Russie ne soit pas un pays européen, contrairement à Poutine qui a déclaré “Les valeurs russes ne diffèrent pas des valeurs européennes”. Or, les principes premiers de l’eurasisme excluent d’autorité toute valeur commune entre l’Europe et la Russie, puisque les principes premiers de l’eurasisme relèvent de la spiritualité, et que l’Europe est (ou devrait être) catholique et protestante (malheureusement) et la Russie est orthodoxe. On peut travailler au rapprochement entre le catholicisme et l’orthodoxie, et c’est même la plus grande tâche à accomplir aujourd’hui, mais la Russie et l’Europe ne peuvent pas être confondues ni mises sur le même plan.
 
Rappelons que l’eurasisme politique, dont les bases intellectuelles se trouvent dans le concept de multipolarité civilisationnelle, promeut le rejet de toute norme internationale dans quelque domaine que ce soit et la promotion de la coexistence des civilisations au niveau mondial.
 
Je vais dire à nouveau ce que j’ai dit à Bruxelles en octobre dernier, parce que l’eurasisme politique est quelque chose d’absolument fondamental, et qu’il n’est pas vain ni inutile de rappeler ce paragraphe qui est en opposition frontale avec tous les schémas de pensée nationaliste, que l’on trouve notamment dans la fameuse dissidence française nationalisto-marxisto-complotiste.
 
Les civilisations sont les pôles du monde multipolaire, et leur définition repose sur le substrat de ce qu’est une civilisation au sens traditionnel, c’est-à-dire sa spiritualité ; ces civilisations sont (je cite Douguine dans son ouvrage "Pour une théorie du monde multipolaire") : la civilisation orthodoxe (« Son guide est l’union eurasienne, dont les étapes sont l’intensification de la coopération militaro-stratégique au sein de l’Organisation du Traité de Sécurité Collective, le partenariat économique au sein de la Communauté économique eurasienne, l’Union entre la Biélorussie et la Russie, le projet de l’espace économique commun, incluant l’Ukraine en partie, ainsi que les structures de la CEI ») ; la civilisation islamique (« recouvrant la Conférence islamique, la Banque islamique de développement, l’espace chiite commun incluant l’Iran, l’Irak et le Liban, ainsi que les projets fondamentalistes du nouveau califat »)
 
ce point est particulièrement important, dans la mesure où la dissidence nationalisto-marxisto-complotiste voit systématiquement derrière tout mouvement "islamiste radical" un complot américano-sioniste. Ces conceptions se retrouvent également dans son ouvrage "La Quatrième Théorie Politique". Voir, notamment, son chapitre "L'empire islamique (le califat mondial)" où il écrit clairement : "Le fait que les islamistes radicaux aient désigné les Etats-Unis comme leur principal ennemi constitue une preuve suffisante du fait que nous avons affaire à un projet sérieux et responsable". Bien sûr, le terme de califat utilisé par Douguine n’a rien à voir avec l’actualité, ses ouvrages étant antérieurs à 2013. Ce qui compte véritablement, c’est que puisse surgir «un Etat musulman supranational qui serait parvenu à unifier et restructurer le monde musulman» (je cite Soleiman Al-Kaabi, spécialiste de la temporalité coranique, et qui nous fait l’honneur d’être présent dans cette salle).
 
; la civilisation hindoue (« renforcement de l’influence indienne en Asie du Sud, sur le sous-continent indien, au Népal et dans certains pays du bassin du Pacifique, proches de l’Inde géopolitiquement et culturellement ») ; la civilisation chinoise (confucianiste) incluant la Chine, Taiwan, l’émergence de la zone du yuan or ; la civilisation japonaise ; la civilisation catholique (Europe d’un côté et Amérique latine de l’autre) ; la civilisation bouddhiste (Asie du sud-est) et la civilisation africaine (« Organisation de l’unité africaine, les Etats-Unis d’Afrique »).
 
Je répète, donc, ce que j’ai dit en octobre dernier à Bruxelles : Comprendre l’Empire Eurasien, c’est favoriser la gouvernance globale civilisationnelle contre la révolte des nations bourgeoises. La révolte des nations bourgeoises, comme par exemple la révolte de l’Ukraine atlantiste et occidentale contre l’Empire civilisationnel russe, contre la Novorossiya et ses hommes encadrés par Igor Strelkov, tous prêts à donner leur vie pour Jésus-Christ. Alors qu’en face, chez Svoboda ou le bataillon Azov, on se bat pour l’Ukraine indépendante.
 
Le texte de Breiz Atao cité tout à l’heure continue en ces termes :
 
« On comprend dès lors que Douguine ne souscrive absolument pas au principe de vérité révélée seule détenue par l’Eglise, orthodoxe ou catholique, et qu’en conséquence son approche géopolitique consiste à défendre un strict cosmopolitisme spirituel. Acquis à l’idée gnostique que la connaissance éclaire l’homme et le sauve et que la vérité est partout, pour qui sait la voir, Douguine veut donc dresser l’ensemble des civilisations non-occidentales, contre l’Ouest démocratique paradoxalement né dans les mêmes cercles.
 
Cette approche hérétique du point de vue orthodoxe comme catholique sert pourtant de base idéologique à l’intellectuel “eurasiste” afin de se faire passer comme le tenant d’une Russie orthodoxe intransigeante.
 
Ce confusionnisme spirituel, il le partage avec celui qui est de mise aux USA où les sectes et groupes religieux de toute nature sont particulièrement puissants, de l’Eglise de Scientologie à la maçonnerie, en passant par les églises évangélistes, les organisations musulmanes ou bouddhistes. »
 
Une confusion maximale est encore atteinte ici entre l’atlantisme et la Tradition héritée de l’Alantide. La proposition de Douguine en matière de religion consiste à éviter toute notion de conversion ou de mission religieuse : les conceptions politiques de la multipolarité s’étendent à la sphère spirituelle. C’est-à-dire que l’on condamne toute propagande religieuse. Par exemple, il est normal qu’un orthodoxe prétende que sa religion possède un caractère universel, et que tout le monde devrait être orthodoxe. Mais le principe de la multipolarité veut qu’il s’occupe d’abord de sa propre civilisation orthodoxe, qu’il la bâtisse correctement afin qu’elle soit belle, juste et cohérente. S’il convainc d’autres personnes de devenir orthodoxe, ce sera grâce à la perfection de l’exemple qu’il pourra donner. L’eurasisme est radicalement anti-colonialiste sur tous les plans, y compris – et peut-être même surtout – sur le plan religieux. Le traditionalisme pratiqué par Douguine sert surtout à comprendre que, si chaque religion est la seule valable pour la personne qui la pratique, le fait que toutes les religions justifiées procèdent d’une même substance permet de ne pas voir le croyant d’une autre religion comme un ennemi mais comme un allié face à l’athéisme marchand. Chacun sait qu’il a raison dans son for intérieur de posséder sa propre foi, mais chacun sait également qu’il a raison de ne pas vouloir convaincre l’autre par tous les moyens d’abandonner sa foi pour rejoindre la sienne. C’est justement cela, la multipolarité, et c’est la meilleure politique possible au XXIIè siècle. Et cela n’a strictement rien à voir avec ce « cosmopolitisme spirituel » dont parle le site Breiz Tao. Toujours cette confusion entre atlantisme et Atlantide. Par ailleurs, j’ai bien parlé de religions justifiées, telle que celles citées précédemment : orthodoxie, islam, hindouisme, confucianisme, shinto, catholicisme et bouddhisme. Les spiritualités modernes (Scientologie, maçonnerie ou Témoins de Jéhovah) n’ont pas leur place dans un monde eurasiste. Il n’y a aucune tolérance ni aucun confusionnisme spirituel dans les principes eurasistes.
 

atlantide-de-platon-presentation-543po.gif

 
J’ai assisté il y a peu à une conférence de Mgr Williamson à Marseille. Il affirme que, lorsque l’on discute avec un orthodoxe comme M. Poutine par exemple, le but premier de la conversation est de pouvoir amener par tous les moyens son interlocuteur au catholicisme. Je pense, personnellement, qu’il y a d’autres urgences que de vouloir convertir à tout prix les masses russes à la foi catholique, et que, par ailleurs, il n’est pas tout à fait certain que l’on puisse y parvenir aussi facilement que cela.
 
Dans la perspective eurasiste, ce sont donc les alliances de civilisations, et conséquemment des spiritualités authentiques, qui renverseront la matrice du non-Etre. En tant que construction bourgeoise élaborée par la classe marchande pour élargir ses intérêts socio-économiques, la nation est la première ennemie du monde traditionnel, surtout dans notre patrie où, comme je l’ai déjà expliqué dans d’autres conférences, la France s’est construite de manière particulièrement visible contre la Gaule au bénéfice intégral de ses fausses élites, à tel point que la centralisation française et la destruction concomitante de nos terres enchantées sont devenues le modèle structurel et archétypal de l’occidentalisation du monde.
 
Pour des raisons historiques liées à leur anti-atlantisme originel, la plupart des mouvements nationalistes en Europe faisaient partie des dernières forces politiques à n’avoir pas succombé aux sirènes états-uniennes. Mais cette époque est bel et bien terminée, et la guerre du Donbass les a presque tous fait tomber dans le piège.
 
Je pense notamment à Zentropa ou Casapound. Je sais bien qu’il existe de nombreux courants de pensée en interne vis-à-vis de ces questions-là, mais enfin, il est quand même évident qu’ils relaient essentiellement des messages anti-NovoRossiya.
 
Ceux qui écoutent de la musique industrielle ou neofolk (ou autres) le savent aussi bien que moi : presque tous ces groupes musicaux sont passés du côté de Svoboda. Je pense notamment à la dernière série de concerts de Death In June, cette année en France, et à leur nouvelle version de « Liberté c’est un rêve ». Après l’incantation « Où est Klaus Barbie », Douglas Pearce rajoute « Où est Ben Laden, où est Poutine ? ». Ils appellent même ça le « Bin Putin mix ». Ce qui signifie bien, par ailleurs, qu’il n’y a jamais eu aucune ambiguïté depuis le début avec ce titre, Barbie étant considéré comme un méchant absolu au même titre que Ben Laden et Poutine, exactement comme le pense n’importe quel journaliste du Nouvel Observateur. Le groupe a également joué à Kiev, à Odessa, même à Marioupol, sur la mer d’Azov, « en hommage à leurs frères d’armes » ont-ils proclamé. De manière plus anecdotique, mais tout aussi révélatrice, un type comme Claus Larsen (de Leatherstrip) qui nous soulevait d’enthousiasme en 1992 avec son titre « Anti US », chante aujourd’hui « The evil in Putin’s Eyes ».
 
En réalité, ce n’est pas la première fois que les nationalistes tombent dans ce type de piège tendu par l’atlantisme.
 
J’ai relu cet été « Les Décombres » de Lucien Rebatet. J’ai été frappé par de nombreuses analogies avec notre époque. La volonté de guerre de l’Occident face à l’invasion des Sudètes par Hitler (en septembre 1938) fait songer à la propagande belliciste face au rattachement de la Crimée par Poutine. 1938 : les allemands des Sudètes, minorité ethnico-linguistique en danger au sein d’un pays fictif comme la Tchécoslovaquie. 2015 : les Russes de Crimée et du Donbass, minorité ethnico-linguistique en danger au sein d’un pays fictif comme l’Ukraine. Et, à l’époque, comme aujourd’hui, les nationalistes qui poussent à la guerre aux côtés de l’Occident. Rebatet, lui, faisait partie du camp de la paix.

Lucien Rebatet « Les Décombres – Ch. III Pour l’amour des Tchèques » [partiel]

« A une volonté de guerre aussi extravagante et frénétique, il fallait certainement des ressorts considérables. A Je Suis Partout et à l’Action Française, on les avait décrits sans répit depuis des mois. Le clan de la guerre tchèque était le même qui avait livré Mayence, remis Strasbourg sous le feu des canons allemands, vomi l’insulte contre Dollfuss, reçu Schussnigg à Paris dans une gare de marchandises, traité en hors la loi Mussolini, le garde du Brenner. La sécurité territoriale, la suprématie et la prospérité de la France lui importaient fort peu. Encore moins l’Autriche. Il l’avait condamnée e 1919. Il avait sournoisement précipité sa fin en lâchant et vilipendant ses défenseurs.
 
Mais la Tchécoslovaquie était sa chose, sa création de choix. J’hésitais souvent devant les explications un peu grosses et populaires d’un événement politique. Mais cette fois, l’erreur eût été de subtiliser. Hitler eût pu exiger sans courir le moindre risque le retour de plusieurs millions d’autres Allemands dans le giron nazi. Il réclamait ses Sudètes, Allemands de la tête aux pieds, en vertu d’un droit des peuples codifié et contresigné par les démocrates eux-mêmes. Mais le droit genevois variait selon les hommes et l’heure autant que la liberté et la justice des républicains. Il n’y avait pas plus de droit des peuples pour les Sudètes que de droits de l’homme pour Maurras en prison.
 
Nos boutefeux eussent peut-être bien livré sans coup férir deux millions d’Alsaciens authentiques. Mais le dessein de Hitler portait atteinte à un fief élu de la grande maçonnerie. Il menaçait de forcer la porte d’une Loge illustre entre toutes les loges.
 
La construction tchécoslovaque était manifestement ridicule et branlante. Mais c’était justement la meilleure raison pour que les hommes de toutes les expériences idiotes, des faillites socialistes, des pactes lunaires, des finances de cirque, des avions contre Franco, des sanctions contre le Duce, des tendresses à Staline, des ambassades de Guignol, l’adoptassent comme leur rejeton amoureusement couvé. Il avait fallu un collage laborieux et des spoliations indignes pour donner consistance à cet Etat chimérique. Mais nos hommes le caressaient comme le chef-d’œuvre de leur traité. Sur leurs cartes, les Allemands le coloriaient du vermillon dévolu aux pays contaminés par le bolchevisme. C’était bien en effet sa nature et sa fonction : au cœur de l’Europe, un instrument choisi du despotisme marxiste, des intrigues, des capitaux, des vetos et des haines du Triangle et d’Israël. Hitler menaçait là quelque chose d’infiniment plus essentiel aux yeux de bien des gens que la plaine d’Alsace ou la vie d’un million de nos fantassins. M. Benès avait fait le grand signe de détresse. Il ne s’agissait plus d’une des mésaventures ministérielles qu’on résout avec quelques pelotons de gardes mobiles et deux ou trois assassinats. Le grand branle-bas de combat répondait à l’appel de Frère ».
 
Rebatet confortera ensuite dans Je suis Partout sa position pacifiste, fasciste et grand-continentale. Un an après, la même histoire recommençait avec la Pologne. Et la guerre totale s’enclencha…
 
L’hitlérisme était un eurasisme par bien des côtés, et la lecture de Drieu La Rochelle nous le confirme, lui qui disait que la seule chose qui le gênait au début dans le fascisme, c’était le nationalisme, et qu’il avait définitivement rejoint le fascisme après qu’il se soit débarrassé de cette erreur. La victoire concomitante du libéralisme et du communisme en 1945 ont plongé l’Europe, et même le monde, dans une nuit profonde. L’intensité de l’oppression démocratique, médiatique et financière augmente chaque jour en France depuis 70 ans, tant et si bien que l’on est aujourd’hui persuadé qu’il est impossible que la libération ne provienne de forces internes à notre pays. Revenons à l’hitlérisme : c’était bien sûr un eurasisme partiellement dévoyé, car non ancré dans une authentique spiritualité justifiée et bien établie. Jean Parvulesco en dresse un court bilan dans Un retour en Colchide, son dernier ouvrage – son dernier roman – publié en 2010. Vous allez voir qu’on est très loin du discours « dissident » actuel.
 

atlantis-detail.jpg

 
Jean Parvulesco « Un Retour en Colchide » [partiel]
 
« Si ce matin, au réveil, je ‘écrie Acqua Alta, c’est que je sens que nous entrons en des temps de très hautes marées. Des puissances immenses, tout à fait insoupçonnées jusqu’à présent, s’apprêtent à être de retour en force ; des choses se passeront que nous n’avions jamais encore vues, et cela d’un instant à l’autre. D’autre part il est certain que, malgré l’état authentiquement révolutionnaire de ses débuts, le Troisième Reich hitlérien a dû assumer, jusqu’à la fin et même au-delà, quatre grandes erreurs fondamentales, erreurs qu’il a dû payer de sa totale destitution politico-historique, de son évacuation irrévocable de la réalité de ce monde, comme s’il n’avait jamais existé. Ces quatre erreurs sont les suivantes – c’est le moment de les rappeler.
 
(1)   L’inconcevable imbécillité criminelle de la Shoah, de la conception et de la mise en œuvre dans les conditions que maintenant l’on sait du projet visant l’anéantissement du peuple juif dans toutes ses dispersions européennes ».
 
Afin de couper court aux critiques qui pourraient immédiatement fuser de la part des milieux « dissidents » actuels, je précise que Parvulesco n’écrivait pas ceci dans le but de passer à la télévision, d’entrer à l’Académie française ou d’avoir son siège au comité directeur du Groupe Bilderberg : il avait 81 ans, était rongé par la maladie et ne pouvait plus sortir de son lit. Mais Parvulesco, en tant qu’authentique ésotériste traditionaliste, a toujours proclamé sa passion pour la véritable mystique juive et pour la Kabbale (tout comme Guénon, d’ailleurs, je le signale aux guénolâtres antisémites qui courent un peu partout).
 
Je reprends.
 
« (2) Le mépris paranoïaque de toutes les nations slaves, et de la Russie en premier lieu, dans la perspective finale d’une vaste entreprise de colonisation des espaces continentaux de l’Est européen ».
 
On peut d’ailleurs penser que l’antisémitisme hitlérien n’était rien d’autre qu’un sous-produit de son anti-slavisme irréductible.
 
« (3) L’hostilité à l’égard de l’Eglise catholique, dont la partie la plus ardente eût dû constituer le substrat eucharistique de la grande révolution continentale européenne que menait le IIIè Reich.
 
(4) Ne pas avoir su reconnaître et encore moins utiliser, sur son front de combat intérieur, des penseurs de la taille d’un Martin Heidegger, ou de Karl Haushofer, ce dernier idéologue du rapprochement continental germano-russe, et avoir préféré à leur place les services d’un crétin subalterne comme Alfred Rosenberg et tous les débiles de la même classe d’indigence mentale (exception faite, peut-être, pour les niveaux supérieurs, ‘ultimes’, de certaines hiérarchies intérieures secrètes de la SS). 
 
Derrière ces terribles erreurs – derrière ces malédictions indélébiles – il y eut cependant une partie incomparable de grandeur réalisée, de surpuissance visionnaire et d’engagement irrationnel, abyssal, d’exploitation symbolique, révolutionnaire, de l’histoire européenne en marche, une part qui ne lui sera jamais enlevée ».
 
Pierre-Antoine Cousteau, dans son Dialogue des Vaincus avec Rebatet, publié en 1950, lâche cette stupéfiante prophétie : « L ’Amérique a mis le doigt dans un drôle d’engrenage. Ca se terminera peut-être très bien, par l’établissement sur cette planète d’une sorte de pax americana, à base de Coca-Cola, de bulletins de vote et de télévision. Ou ça se terminera très mal par un étripage général et des effondrements de gratte-ciel ».
 
4)      Marxisme
 
Les marxistes considèrent que le conflit entre Russie et Occident est une dispute intra-capitaliste, un combat entre deux entreprises multinationales, une lutte économique entre deux entités atlantistes. C’est assez similaire au discours des complotistes « catholiques » comme Pierre Hillard, qui considèrent que le conflit ukrainien n’est qu’une guerre entre deux sectes juives. On retrouve aussi ce discours chez des ésotéristes anti-chrétiens obsessionnellement anti-eurasistes, qui voient dans tout ceci un combat obscur entre deux forces concurrentes de la contre-initiation, Poutine étant issu du KGB et donc de la contre-initiation absolue, évidemment.
 
En fait, personne n’a avalé la désoviétisation de la Russie, effectuée entre autres sous l’impulsion de Jean-Paul II. Il est vrai que ce dernier a pu mener cette opération avec, en partie, le financement de Ronald Reagan. Mais Jean-Paul II l’a fait au nom de la Vierge Marie.
 
Les premiers à regretter la désoviétisation de la Russie sont les marxistes, bien sûr. Certains d’entre eux regrettent que la Russie n’en ait pas profité pour adopter le « véritable communisme » au lieu de se jeter la gueule ouverte dans le Christ ou Mahomet. Dès qu’ils en ont eu la possibilité, les 150 millions de Russes ont choisi de se jeter à corps perdu dans la foi vivante de leur religion retrouvée. Les 120 millions d’orthodoxes ont renoué avec le Christ dont ils avaient soif depuis plus de soixante ans, les 20 millions de musulmans ont retrouvé le chemin de leur mosquée, et les autres ont pu ré-embrasser Bouddha, la Torah ou la main de leur chamane.
 
Il n’y a pas que l’économie dans la vie. Pratiquer la religion ardente de ses ancêtres, avec les valeurs qui l’accompagnent, c’est aussi une façon de résister à l’Occident.
 
La structure économique russe est aujourd’hui faite de capitalisme et de corruption, parce que le caractère totalitaire du capitalisme financier est d’une puissance phénoménale. Mais, contrairement à l’Europe de l’ouest qui a choisi en 1945 de se faire coloniser par l’Amérique, le peuple russe a choisi au début des années 2000 des valeurs fondamentalement anti-occidentales, toutes basées sur l’orthodoxie ou bien l’islam.
 
Contrairement à ce que tentent de nous faire croire les nationalistes engagés du côté de Kiev, tous les partis communistes européens sont aujourd’hui délibérément anti-russes. Et le PCF en tout premier lieu.
 
Exemple n°1, communiqué du 27 novembre 2014. "Le régime de Poutine continue l’œuvre de la restauration capitaliste en ex-URSS, la liquidation des acquis sociaux, de pans entiers de l’appareil de production, l’accaparement des richesses par quelques oligarques. Il s’appuie sur les forces les plus réactionnaires, religieuses, nationalistes, souvent racistes. Il ne tolère les organisations syndicales et politiques, y compris celles dénommées « communistes », que lorsqu’elles lui restent docilement soumises. Le régime est répressif, policier, militariste."
 
Exemple n°2 : communiqué du 20 août 2012, relayé par « L’Humanité ».
 
 « A Moscou, la condamnation à 2 ans d'incarcération des Pussy Riot suscite de multiples protestations dans le monde au nom de la liberté d'expression et pour la défense d'une jeunesse russe qui supporte de moins en moins un système Poutine fermé et répressif.
 
Le Parti communiste français condamne ce qui apparait comme un procès politique qui a du mal à se cacher derrière les accusations de "blasphème" et "d'incitation à la haine religieuse". Il exprime sa consternation devant une peine aussi lourde dont la vocation manifeste est de chercher à freiner un mouvement de protestation populaire et d'aspirations démocratiques qui grandit en Russie.
 
Ce qui aurait pu rester comme une exhibition contestataire et insolente est devenu une affaire nationale qui pose la question des principes et des pratiques d'un Etat de droit, du respect des libertés et des conditions de la laicité et de la démocratie en Russie.  
 
Signé : Parti communiste français »
 
Exemple n°3. Communiqué du 1 mars 2015 : Le Parti communiste français a jugé ce dimanche 1er mars que l'assassinat de l'opposant russe Boris Nemtsov à Moscou avait un "mobile politique évident". Il "condamne avec la plus grande fermeté l'assassinat de Boris Nemtsov et souhaite que l'enquête puisse aboutir dans les plus brefs délais sur l'arrestation des responsables de ce crime, des hommes de main jusqu'aux donneurs d'ordre, et sur des poursuites judiciaires". "C'est un dû à l'ensemble de la société russe qui souffre déjà trop de carences et dénis démocratiques", ajoute le parti dirigé par le sénateur Pierre Laurent.
 
Etc., etc.
 
Il n’y a aucun « rangement délibéré et permanent du PCF derrière l’empire des terres », comme on veut parfois nous le faire croire.
 
Etre marxiste, c’est considérer qu’une Russie soviétique vaut toujours mieux qu’une Russie orthodoxe, quelle que soit la réalité du soviétisme vécu.
 
Etre catholique, c’est considérer qu’une Russie redevenue orthodoxe grâce à l’action de Jean-Paul II est un miracle historique qui devrait être célébré chaque jour avec joie. Bien que polonais, il est notoire que Jean-Paul II aimait la Russie : il avait lu Vladimir Soloviev et Nicolas Berdiaev, ce même Berdiaev qui avait écrit : « La culture occidentale est une culture de progrès. Le peuple russe, quant à lui, est le peuple de la fin ». La doctrine de la « toute-unité » de Soloviev, concernant la question de l’unité chrétienne, était : unité maximale dans la multiplicité maximale. En l’an 2000, pour le centenaire de la mort de Soloviev, Jean-Paul II avait déclaré : « En faisant mémoire de cette personnalité russe d’une profondeur extraordinaire, qui avait très bien perçu le drame de la division des chrétiens et le besoin urgent d’unité, je voudrais inviter le monde à prier pour que les chrétiens d’Orient et d’Occident [de Russie et d’Europe] retrouvent au plus vite la pleine communion ».
 

atlantis-temple.jpg

 
Etre catholique, c’est étudier la pneumatologie orthodoxe, avec Saint Grégoire Palamas par exemple, ce saint du XIVè siècle né à Constantinople, qui fit son éducation monastique au Mont Athos, et qui recommanda la méthode d’oraison hésychaste (purification de l’intelligence et maîtrise du souffle) comme expérience directe avec Dieu. Saint Grégoire Palamas a passé sa vie à développer cette idée fondamentale : « Dieu s'est fait homme, pour que l'homme devienne Dieu ».
 
Etre catholique, c’est appeler à une unité retrouvée entre catholicisme et orthodoxie. Non pas dans un sens œcuménique, comme le dira l’orthodoxe Constantin Parvulesco tout à l’heure, c’est-à-dire que le but n’est pas de convertir les orthodoxes au catholicisme. Le but, comme l’écrivait Jean Parvulesco le catholique, c’est de parvenir à trouver le secret de la suprême jonction entre l’orthodoxie et le catholicisme, et ce secret réside dans le dogme du couronnement de la Vierge Marie associé à l’amour intransigeant du Paraclet.
 
Jean Parvulesco parlait de « l’immense bataille théologique et métahistorique en train de constituer actuellement les fondements du renouveau révolutionnaire grand-continental européen du troisième millénaire, qui verra la nativité dogmatique d’une nouvelle religion impériale grand-continentale axée sur la figure de Marie couronnée, de Marie souveraine maîtresse des cieux et de la terre ».
 
Etre catholique, c’est vénérer la Royauté Absolue et Cosmique de la Sainte Vierge, comme dans les visions de Joachim de Flore, comme la décrit saint Jean au chapitre XII de son Apocalypse.
 
Après deux millénaires de représentations picturales et sculpturales du Couronnement de la Vierge, de très nombreux courants chrétiens demandent aujourd’hui la reconnaissance dogmatique de la titulature de la Vierge comme co-médiatrice, co-rédemptrice, Mère de l’Eglise, Reine du monde… Comme l’écrit le Père Zanotti-Sorkine : « En reconnaissant que Marie a sauvé le monde avec son fils, l’église permettrait à sa royauté d’apparaître sous un jour unique, jamais atteinte par aucune tête couronnée de la terre. »
 
Enfin, être catholique, c’est être définitivement anti-marxiste, anti-démocrate, et anti-républicain.

 

 

5)      Complotisme
 
Au début de mon exposé, je rappelais que l’écriture est supposée être née vers – 3500, durant l’ère précessionnelle du Taureau, la première ère de l’Age de Fer qui débuta par le déluge de Noé.
 
Et le déluge de Noé, c’est justement l’éradication de toutes les colonies atlantes, à l’exception – comme je le disais tout à l’heure – de la Chaldée (Japhet), de l’Egypte (Cham) et des juifs faisant la jonction historique entre les deux (Sem).
 
J’aimerais insister sur le lien structurel et signifiant entre l’écriture et son support, et également entre la lecture et son support.
 
Contrairement à ce que proclament les évolutionnistes, toute irruption dans l’histoire d’une nouvelle technologie est un signe direct de l’affaiblissement des connaissances humaines. Plus l’homme est intelligent, et moins il connaît. Et c’est même parce qu’il connaît de moins en moins, du fait de l’éloignement progressif et historique des origines de sa création, que son intelligence analytique se complexifie afin de pouvoir reproduire des phénomènes qu’il savait contrôler auparavant par d’autres moyens que technologiques : des moyens cognitifs et spirituels. L’invention de la roue - et de la charrette – ne prouve rien d’autre le fait que l’homme était alors devenu suffisamment moderne pour ne plus savoir se déplacer autrement que par des moyens matériels.
 
L’écriture est née en même temps que la roue, et au même endroit : en Mésopotamie vers 3600 avant Jésus-Christ. La première écriture montre le besoin de fixer des connaissances sous forme de traits gravés dans l’argile, c’est l’écriture cunéiforme. Puis, quelques centaines d’années plus tard, on trouve les premiers hiéroglyphes en Egypte sur la palette de Narmer. Comme je le disais tout à l’heure, on trouve la présence des trois fils de Noé : deux sont sédentaires, Japhet et Cham, et le troisième, Sem, est nomade. Dans la cité de Japhet (la Chaldée), Sem s’appelle Abraham avant de se rendre dans la cité de Cham (l’Egypte), où il s’appellera Moïse. La vision philosémite des événements consiste à dire que les Juifs récupèrent à chaque fois l’écriture, c’est-à-dire les traces visibles de la religion – d’abord Gilgamesh puis Amon – afin de sauver l’essentiel de chaque civilisation avant qu’elle ne s’écroule. L’Arche d’Alliance pourrait alors être le cœur non-écrit de l’écrit, le centre vide du rouleau, la part interne et non divulgable réservée à la caste sacerdotale La vision antisémite consiste, au contraire, à dire que ce sont les Juifs qui provoquent à chaque fois l’écroulement de la civilisation, d’abord chaldéenne puis égyptienne, afin de pouvoir lui dérober son trésor spirituel. Ce n’est pas mon sujet.
 
Je veux insister sur le fait qu’avec l’écriture se révèle désormais à tout homme une partie des principes spirituels, alors que toutes les religions pratiquées depuis l’expulsion du Paradis étaient jusqu’alors basées sur des principes transmis de manière exclusivement orale et réservés à la connaissance des hommes en mesure de les comprendre.
 
L’invention de l’écriture correspond ainsi à une divulgation partielle des principes. C’est ce qui fait dire à un ami que Moïse, avec ses Tables de la Loi, a été le premier démocrate de l’histoire. Les grandes étapes de l’écriture ont ensuite été les suivantes : l’imprimerie, seconde moitié du XVè siècle (si l’on met de côté la xylographie pratiquée en Asie depuis 700 ans) ; les lettres sont désormais isolées les unes des autres, ce qui segmente la phrase. C’est à cette époque que surgissent à la fois l’humanisme et le protestantisme, deux pensées modernes et hérétiques qui se basent sur une version lettriste du monde, c’est-à-dire qui analysent les choses au pied de la lettre. Notons qu’en même temps, et comme par un effet de contre-réaction, on trouve Rabelais, Marsile Ficin, tous ces écrivains qui tentent d’utiliser la nouvelle technologie en la contournant, afin de retourner le plus efficacement possible aux sources du savoir.
 
Pour François Rabelais, et c'est indiqué très nettement dans le Pantagruel, Platon est le prince des philosophes. Il y fait beaucoup référence dans ses cinq livres. 
 
Il est souvent représenté, à tort, comme un humaniste.
 
Mais Rabelais était un excellent catholique, il voulait revenir aux sources de sa religion. Il disait qu'il fallait parler la langue arabe pour lire le Coran, ainsi que maîtriser l'hébreu et le grec. Rabelais nous parle de la Sibylle de Cumes qui annonça la venue du Christ et nous rappelle par là les origines helléniques (et donc égyptiennes), et non pas seulement juives, du christianisme. Il évoque la cyclologie, il situe la "création du monde" (entrée dans l'âge de fer) quatre mille ans avant Jésus Christ. Rabelais insiste sur la double origine du judaïsme, par l'analogie des épouses d'Abraham, l'une chaldéenne et l'autre égyptienne. Rabelais insiste également sur le rôle apocalyptique de la Vierge Marie. En bref, ce corpus est celui d'une pensée traditionaliste en totale opposition avec la pensée humaniste des lumières, de la naissance de la modernité. 
 
Par ailleurs, ce n’est certainement pas un hasard si l’invention de l’imprimerie en Europe correspond à la création, pour la première fois, de sociétés ésotériques profanes, laïques, telle que la Société Angélique à Lyon.
 
La rupture technologique suivante dans l’histoire de l’écriture, après l’imprimerie, est l’ordinateur. Après que la phrase ait été fragmentée par le système de l’imprimerie, c’est la lettre elle-même qui se fragmente sous l’effet de la pixellisation numérique. Comme l’avait très bien vu Abellio dans son roman La Fosse de Babel publié en 1962.
 
Au chapitre VI, le policier Pirenne exhibe sa gigantesque machine automatique de gestion d’informations sur les individus : c’est une « trieuse d’âmes ». « Vous êtes ici en présence du premier chef-d’œuvre de la police quantitative », explique Pirenne. « On raconte l’histoire de ce fantassin de l’armée Vlassov qui, étant ivre, en juin 44, à Sotteville, près de Rouen, coupa le doigt d’une jeune fille pour lui voler sa bague. On le retrouva en trois jours, à Strasbourg, un an et demi après, en sachant seulement qu’il était blond, mesurait environ 1 m 80 et avait une fossette au menton… Un jour, chaque homme aura sa fiche et on pourra, en un point quelconque du monde, à des milliers de kilomètres de chez lui, remonter instantanément dans son passé. Il n’y aura plus de distance et plus de passé ».
 
Raymond Abellio prophétise en ce roman en 62 le règne totalitaire de l’ordinateur qui abolit le temps et l’espace.
 
On retrouve ainsi une parfaite similarité entre l’évolution de l’écriture et les phases principales de la modernité chez l’homme décrites par Guénon : la lettre et l’être connaissent la même régression spirituelle : d’abord la coupure du lien transcendantal (invention de l’écriture), puis la coupure des liens horizontaux et la naissance de l’individualisme (isolement des lettres par l’imprimerie), et enfin la dissolution de l’être (pixellisation de la lettre). On ne lit pas un texte sur ordinateur, on le regarde, c’est tout à fait différent.
 
Enfin, voici la phase ultime. Avec internet, tous les ordinateurs du monde sont reliés les uns aux autres, et chaque pixel est instantanément délocalisé et mis en réseau. Le protestantisme est né avec l’isolement de la lettre ; le flicage généralisé des uns par les autres (la police parfaite) est né avec l’ordinateur ; avec la mise en réseau des pixels, est née la pensée en toile d’araignée : le complotisme.
 
J’ai suffisamment écrit sur le complotisme pour ne pas avoir à m’étendre sur le sujet. Lisez mondernier texte sur le sujet, mis en ligne sur le blog de Parousia le 16 février 2014, et titré « Le complotisme, cet anaconda dont nous écraserons la tête à coups de talon ». Je rajouterais simplement que cette pensée spécifiquement infantile produit des dégâts considérables en matière de religion et de politique.
 
Le versant religieux du complotisme se voit dans le succès grandissant du sédévacantisme, cette hérésie typiquement moderne où chacun prétend avec sa propre science infuse que le Vatican n’est plus le Vatican. Même Mgr Lefèvre n’a jamais été sédévacantiste ! On voit des traces de satanisme partout, sur le moindre cheveu du moindre curé de campagne.
 
Mais les ravages du complotisme en matière de politique sont tout aussi ahurissants.
 
On peut trouver sur internet une vidéo titrée « Incroyable : Poutine est juif et veut le nouvel ordre mondial ! », toujours relayée par les mêmes ahuris. En voici quelques commentaires.
 
7mn40 : On voit Poutine serrer la main du Pape François. « Tout le côté pseudo chrétien et anti-corruption de Poutine, c’est du théâtre ». Il est vrai que dans l’ombre des extra-terrestres, les illuminati à la tête du Vatican mettent la Cabale au sein de la prochaine société antéchristique…
 
9mn15 : « Il faut savoir que Poutine est juif, par sa mère qui s’appelle Maria Ivanovna Shalomova ». Il faut savoir que je suis moi-même juif, mon véritable nom est Laurent Jamesovitch, et je suis un ashkénaze infiltré dans les milieux eurasistes pour tout balancer aux flics. Je vous assure que c’est ce que l’on raconte dans certains milieux !
 
12mn50 : « Il faut savoir que Poutine a du sang sur les mains : Boris Nemtsov, Anna Politkovskaya ». La source ? Bloomberg News !
 
13mn42 : « Illuminati Puppets »
 
33mn : A propos de l’eurasisme : « Ca permet de brouiller les cartes des nations, et de faire croire que les nations, c’est dépassé ». Pour les complotistes, l’eurasisme est un mondialisme. Toujours cette confusion sempiternelle, ancrée – comme je l’ai montré – dans la confusion entre Atlantide et atlantisme.
 
34 mn : « Douguine, c’est un Brzezinsky russe »
 
« Ca me rappelle la deuxième guerre mondiale, où on avait d’un côté un camp inspiré par Marx (les russes), et de l’autre par Nietzsche (les allemands). A chaque fois, c’est des faux théoriciens qui viennent donner une idéologie pour permettre aux gouvernants d’être suivis par la foule ».
 
41mn30 : « Forcément, nos élites ne vont pas nous montrer le mauvais côté de la Russie, si c’est la Russie qui doit diriger le nouvel ordre mondial. C’est logique. Il faut forcément que le nouvel ordre mondial donne envie aux gens. Donc c’est pour ça que l’ancien ordre mondial, donc l’occident, qui se fait détruire parce qu’il est chrétien et que c’est l’ennemi des juifs, est déprécié. Donc en fait on montre une Russie complètement forte et largement supérieure à l’occident, parce que justement le but c’est d’écraser l’occident. Voilà, j’espère que vous avez compris la stratégie ». « Le but est l’instauration d’un nouvel ordre mondial communiste ».
 
Le complotisme est une pensée extrémiste fabriquée par internet pour lutter frontalement contre la pensée radicale.
 
Le complotisme est une force structurellement démotivante (puisque les Etats-Unis, les illuminati et les lézards contrôlent tout, y compris Douguine et le Vatican), mise en avant pour détruire de l’intérieur la révolution eurasiste.
 
Le complotisme est la maladie infantile de l’eurasisme.
 
Je termine avec le dernier paragraphe du texte de Douguine « La Terre verte – l’Amérique ».
 
« En premier lieu, les archétypes inconscients associés à la structure spatiale et temporelle du cosmos doivent être examinés à la lumière d’une tradition métaphysique véritable et orthodoxe, qui seule peut remettre les chose à leur juste place à l’intérieur de l’ordre divin. Au contraire, s’ils restent au niveau inconscient, ces archétypes, étant efficaces et puissants, pourront toujours attirer non seulement des individus particuliers, mais aussi des nations entières, des races et des civilisations vers les conséquences les plus imprévisibles et les plus destructrices. Mais pour atteindre la tradition métaphysique capable d’illuminer par le rayon de l’intelligence divine la profondeur abyssale du psychisme, il faut faire un effort intellectuel et spirituel presque incroyable dans les circonstances actuelles, afin de s’arracher aux ‘dogmes’ infondés de la pensée profane et matérialiste qui s’est emparée de la plupart de nos contemporains, mais sans pour cela tomber dans l’occultisme chaotique, le néo-mysticisme ou le néo-spiritualisme. La meilleure voie pour cela, et même la seule, est d’accepter une religion traditionnelle et, par la pratique spirituelle, rituelle et intellectuelle de cette religion, de pénétrer dans ses aspects ésotériques et secrets, dans ses mystères.
 
Deuxièmement, seules deux traditions religieuses sont moins exposées à l’influence de la ‘Terre verte’, à savoir le christianisme orthodoxe […] et l’islam orthodoxe. En tout cas, l’orientation verticale et métaphysique de ces religions, à conditions qu’elles soient épurées à la fois de toutes leurs stratifications modernes et de leurs associations archaïques, apparaît comme une garantie suffisante d’authenticité et d’efficacité spirituelle.
 
Et enfin, il est nécessaire de former un concept purement géopolitique et non-religieux de ‘bloc eurasien’ (‘Kontinentalblock’, comme on disait autrefois), qui unirait tous les peuples et tous les Etats eurasiens dans un seul complexe autonome et soustrait au paradigme parodique-eschatologique qui opprime le monde traditionnel. Aujourd’hui, après le démantèlement du système socialiste, il n’est pas vraiment important de savoir sous quelle forme politique et étatique cela surviendra. Au niveau mondial, il est maintenant beaucoup plus important qu’un seul peuple et qu’un seul Etat affrontent ‘l’Atlantide réémergeante’ et sa mission. C’est pourquoi l’idée d’une ‘Eurasie des peuples’ ou d’une ‘maison commune’ qui aurait une forte orientation anti-atlantique et qui ferait appel aux ressources intérieures, spirituelles, religieuses, économiques et matérielles, n’est aujourd’hui pas aussi abstraite et utopique qu’elle peut le sembler à première vue. La foi dans les ‘ancêtres morts’, dans les fabricants de coca-cola, est-elle plus réaliste et plus objective ?
 
Quant au continent Amérique, la période de son expansion, selon les correspondances cycliques précises, probablement, sera tendue, orageuse, pleine d’événements inquiétants, mais aussi extrêmement brève, puisque le ‘New Age’ dont l’arrivée a été annoncée par les partisans mystiques de la ‘Nouvelle Jérusalem’, mais qui n’a pas encore commencé, finira par arriver. Son arrivée sera signalée par un grand cataclysme géographique. Et qui sait si l’Amérique, la ‘Terre Verte’, ne connaîtra pas le même destin que celui qui frappa jadis un autre continent situé dans l’Atlantique ? »

 

Contre le triptyque Nationalisme, Marxisme et Complotisme :
Eurasiste, Catholique et Révolutionnaire ! 


Laurent James, Sainte-Foy-la-Grande, 5 septembre 2015

mercredi, 13 mai 2015

Stanislas Parvulesco & Laurent James

Diapositive1.JPG

mardi, 17 mars 2015

Report on the Jean Parvulesco Symposium Bucarest 2015

Report on the Jean Parvulesco Symposium Bucarest 2015

Jean Parvulesco 2015Ex: http://www.openrevolt.info

A symposium on the French writer Jean Parvulesco led by Vlad Sauciuc and the Romanian branch office of the TV news channel Russia Today was held in the Hotel Crystal Palace of Bucharest on February 28th and 29th 2015.

From his Moscow apartment relayed via Skype, Alexander Dugin joined the symposium to share the memories of his friend Jean Parvulesco, whom he met in the late 1980s at the occasion of his first contacts with representatives of the French New Right. Alexander Dugin recognized the fact that the real identity of Jean Parvulesco will always remain a mystery, but added that if we were to try to define his true identity, he would think of a manifestation of the Celtic bard Talesin entrusted with a secret mission (undoubtedly in reference to Jean Parvulesco description of Julius Evola as a secret agent of the Holy Roman Emperor Frederick II). In his second conference, Alexander Dugin explained the core concepts of Jean Parvulesco’s geopolitical ideas, especially that of the eschatological Endkampf that would conclude centuries of occult warfare between the the Altantist order and the Eurasist order beyond the scene of world politics.

Natalia Melentiyeva, Alexander Dugin’s wife, joined the conference and, as a philosophy professor, introduced the key concepts of Neoplatonism, the true philosophia perennis common to most esoteric hermeneutics of the three monotheistic religions, in order to show how the philosophy of Plato and Plotinus can help deciphering the main themes of Jean Parvulesco’s novels. She also explain how each culture can be said to have its specific logos, which explains why each nation or ethnic ground needs to define its own Fourth Political Theory.

Jean Parvulsco’s son, Constantin Parvulsco, shed light on the mysteries of Jean Parvulesco early life: escape from the communist regime in Romania swimming across the Danube river, labor camp in Yugoslavia, escape and rescue from a mysterious virgin in Medjugorje, student life in Paris with the artistic avant-garde, armed struggle in Spain and Africa, mystical experiences, meetings with Ezra Pound, Julius Evola, Martin Heidegger, Mircea Eliade or Dominique de Roux, late literary career and militant involvement with the French New Right as well as various secret societies.

Stanislas Parvulesco, Jean Parvulesco’s grandson talked about the links between Eurasianism and South America with an inspiring speech on the resistance against globalization, and neo-liberal capitalism, with references to Peron and Chavez, as well as to the struggle of native American tribes to maintain their traditions.

As an expert on René Guénon and his Traditionalist school, Claudio Mutti talked about Jean Parvulesco’s friendship with other well-known Romanian figures, such as Jean Vâlsan, Vasile Lovinescu, Mirchea Eliade or Emil Cioran. His second speech was dedicated on Romanian sacred geography, with abundant references to Vasile Lovinescu’s book on the Hyperborean Dacia.

With his flamboyant style, Laurent James gave a very interesting speech on the influence of the French writer Dominique de Roux on Jean Parvulesco, followed by the recitation of a beautify people on Romania written by Dominique de Roux and most probably inspired or even written by Jean Parvulesco. Laurent’s second speech was fascinating compilation of Roman Catholic prophesies focused on Petrus Romanus, the last pope, who may herald the end of the papacy and a return of the Latin Church to Orthodoxy.

Finally, Alex Wyeth gave a first speech focused on Jean Parvulesco’s meetings with Julius Evola in 1968 to show that Jean Parvulesco could be seen as a true disciple of Julius Evola through three core themes that can serve as keys to decipher Jean Parvulesco’s cryptic novels, namely Tantrism (reinterpreted in a Western hermetic or Catholic frame), the Holy “Eurasianist” Empire and the Order of differentiated men leading the ultimate underground battle against the princes and principalities of dissolution. His second speech gave an example of the occult geopolitical influence of secret societies and their link to Eurasianism through the example of Martinism in Russia.

Many other fascinating topics have been discussed shedding light on Jean Parvulesco’s life and work from many different angles.

Beside conferences, the speakers have been received with the legendary hospitality of their Romanian friends, meeting fascinating people as diverse as representatives of Romanian parliament as well as the Russian embassy, Hesychasts inspired by René Guénon, National Bolshevik activists, legionaries of the Romanian Iron Guard, scholars and members of esoteric orders united by the mysterious figure of Jean Parvulesco as well as by the core principles of Eurasianism and Alexander Dugin’s Fourth Political Theory.

Alex Wyeth March 6, 2015 for OpenRevolt.info

00:05 Publié dans Jean Parvulesco | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jean parvulesco, événement, bucarest, roumanie | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

mardi, 18 novembre 2014

Vidéos des "Rencontres eurasistes" de Bruxelles

 

eurasisme,russie,europe,affaires européennes,jean parvulesco,événement,bruxelles

Vidéos des

"Rencontres eurasistes"

de Bruxelles,

18 octobre 2014

 

Laurent James - Lecture du texte de Jean Parvulesco "Vladimir Poutine et l'Empire Eurasiatique de la Fin"

 

 

N. Pendragon - De la Quatrième théorie politique

 

Gandharian - Antitourisme, photos d'un voyageur en Eurasie

  Laurent James - L'Eurasie comme grande synergie métahistorique

 

 

Alexandre Douguine - Cyber-intervention depuis Moscou

 

 

 

Laurent James - Lecture d'une lettre de Jean Parvulesco à Robert Steuckers

 

 

 

Robert Steuckers - L'Eurasie depuis la proto-histoire : lignes de force d'une histoire méconnue

 

 

Constantin Parvulesco - La métapolitique eurasiste de Jean Parvulesco : de la prophétie à l'héritage

 

 

Roberts Steuckers - Question/Réponse

 

 

Laurent James - interlude

 

 

 

Allocution de son Altesse Royale Stanislas Ier , Roi eurasien du Royaume littéraire d'Araucanie et de Patagonie

 

 

 

 

lundi, 27 octobre 2014

Jean Parvulesco, visionnaire d'Empire

Jean Parvulesco, visionnaire d'Empire

jeudi, 23 octobre 2014

Absous sur la tombe de Jean Parvulesco

Absous sur la tombe de Jean Parvulesco

00:05 Publié dans Hommages, Jean Parvulesco | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : hommage, jean parvulesco | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

mercredi, 22 octobre 2014

Le livre-hexagramme de Jean Parvulesco

hexagramme_marial.jpg

Le livre-hexagramme

 

de Jean Parvulesco

 

par Alain Santacreu

Ex: http://www.contrelitterature.com

Deux livres de Jean Parvulesco (1929-2010), La Spirale prophétique et Le Retour des Grands Temps, constituent une figure d’ensemble qui, l’un et l’autre s’entrelaçant à travers le chasse-croisé d’une lecture appropriée, suggère l’image d’un hexagramme, symbole de leur structure tantrique cachée, mandala dissimulé de l’action de la lecture.

Est-ce à dire qu’il faille se livrer à une lecture parallèle de la Spirale et du Retour ? Il semble évident qu’il y a une voie de lecture qui aimanterait tout lecteur prédisposé, une sorte de marche rituélique salomonienne.

D’un livre à l’autre, on retrouve les mêmes thèmes, en des endroits souvent inversés. Par exemple, dans La Spirale prophétique, dès les premiers chapitres, en référence à l’œuvre de Denys Roman, la Franc-maçonnerie se voyait octroyer une mission de sauvegarde des héritages traditionnels à la fin du cycle. Dans Le Retour des Grands Temps, ce rôle conservateur d’Arche vivante des symboles se verra dévolu au « roman occidental de la Fin ». En effet, s’interroge Jean Parvulesco, « depuis l’heure des plus atroces, des plus obscènes déchéances spirituelles de la Franc-Maçonnerie, qui fut, pour nous, longtemps et si heureusement l’Ordre des Refuges, le grand occultisme n’est-il pas réduit, lui aussi, à son tour, à chercher asile, à se dissimuler, provisoirement, et désormais comme faute de mieux, derrière les œuvres finales, crépusculaires, d’une certaine littérature occidentale ?  » (p. 107).

Mais, ce rôle exchatologique promis à la Franc-Maçonnerie, conservatrice des héritages, ressurgira dans les derniers chapitres du Retour des Grands Temps, dans la même perspective intégralement traditionnelle, impériale, qui s’était découverte sous l’impulsion de Denys Roman.

C’est ainsi que dans le chapitre intitulé « La mission occulte de Julius Evola », il est fait allusion à une réémergence de la Roma Principia, archétype occidental de l’idée impériale : « À cette enseigne, dira Jean Parvulesco, l’Église, la Franc-Maçonnerie et le Judaïsme s’y trouvaient directement concernés dans leur double éidétique, intact, persistant virginalement dans l’invisible, et c’est la convergence, l’intégration et les épousailles abyssales de ces Trois Instances qui constitueront alors l’immaculée concepion du Nouvel Un, de l’Un final demandant à émerger une nouvelle foi à travers l’identité suprahistorique de la "Roma Ultima". » (p. 383).

C’est par le roman que s’établit la jonction entre La Spirale et Le Retour. Durant la dizaine d’années qui les séparent, l’auteur aura écrit ses quatre premiers romans  – qui sont autant de départs clandestins vers l’Inde[1]. Le roman est le liant des deux livres et, par les recensions, en constitue la matière première.

Le Retour des Grands temps, lu en miroir avec La Spirale prophétique, donne lieu à un livre-hexagramme, étrange essai d’alchimie spirituelle.

Dès le deuxième chapitre, l’analyse d’un livre de Graham Masterton, Walkers, nous révèle la métaphore récurrente du Retour. Un long passage est consacré aux voyages souterrains pratiqués sur les lignes dites "ley" par les anciens grands initiés celtes. Cette magie de la terre supposait, dans les temps pré-chrétiens, des lieux magiques reliés entre eux par un réseau de lignes situées à l’intérieur de la terre et que l’on pouvait suivre en marchant.

Métaphoriquement, le lecteur devra lui aussi parcourir ces lignes tracées par Jean Parvulesco sur les pistes du roman occidental de la fin. Romans ardents et passes mystérieuses, romans en tant que récits et récits en tant que romans, glissements ontologiques de l’être dans sa remontée sur la spirale prophétique, les romans sont des chemins initiatiques.

Très vite, il s’établit une sorte d’identité entre le lecteur de Parvulesco et Parvulesco en tant que lecteur d’une autre instance narratrice. La lecture devient ainsi acte transmutatoire donnant lieu au mystère d’une  identité agrégative.

Si le roman est l’expérience des limites, les romanciers de la grande littérature, telle que l’entend Parvulesco, appartiennent à cette confrérie des marcheurs du ciel dont le tracé transmigratoire est une via ignis de la romance. Les compagnons de route de Jean Parvulesco, dans Le Retour des Grands Temps, s’appellent Graham Masterton, John Dickson-Carr, Erle Cox, Bram Stoker, Guy Dupré, Patrick Ferré, Maurice Leblanc, Jean Robin, Raoul de Warren, Zacharias Werner, Olivier Germain-Thomas, Talbot Mundy, John Buchan, Donna Tartt. Tous d’une seule confrérie agissant à l’intérieur d’un seul Ordre – ainsi que le montre Herman Hesse dans son Voyage en Orient.

Ces pressentis de l’outre-monde forment une confrérie héroïque, agrégat d’existences engagées vers les chemins brûlants de l’Inde intérieure ; et, les translations romanesques auxquelles ils s’adonnent, annoncent uniment le Retour des Grands Temps.

Jean Parvulesco insiste sur la correspondance du roman de la fin avec l’ Œuvre au jaune des anciens alchimistes – la Xantosis grecque, le Citredo latin –, « manière de rêve éveillé, de réalisation passagère de ce qu’un jour, plus tard, nous en viendra éternellement » (p. 389).

Cet état de supraconscience onirique, de rêve abyssal, dans un chapitre de La Spirale, « G.I. Gurdjieff et la Fraternité des Polaires », Jean Parvulesco l’avait nommé « le quatrième rêve ».

Cette assimilation du roman de la fin à l’« Œuvre au jaune » induit le regard du lecteur vers une vision chromatique. Dans Le Retour, à partir du chapitre « En réentrouvant les portes de l’Inde », il semble que le livre se teinte en bleu, d’un bleu toujours plus intense, jusqu’à atteindre l’indigo le plus marial dans les derniers chapitres.

C'est à partir de la lecture de Talbot Mundy que le livre bleuit. De ce roman, Il était une porte, Parvulesco nous dit qu'il est un mandala, « une porte induite entre ce monde-ci et l'autre monde : c'est l'"écriture même de ce roman d'aventures qui nous conduit jusqu'aux pieds de la Captive aux Cheveux bleus, qui est, elle, en elle-même, le passage vers l'autre monde, et qui, dans un certain sens, n'est faite, elle-même, que de la seule écriture qui n'en finit plus, en ce roman, d'aller vers elle et de la rejoindre en la constituant. Un mandala qu'il s'agit de savoir réactiver par une lecture appropriée »(pp. 306-307).

Nous pouvons alors prévoir, qu'entre le jaune et le bleu, le vert doit surgir. Ce lieu du passage au vert devra être recherché dans la structure d'ensemble de l'hexagramme constitué par Le Retour et La Spirale ; c'est au milieu exact de cette figure cachée que pointe le vert.

Quelle orientation donner à l'hexagramme ? Quelle lecture appropriée adopter afin d'activer ce mandala ? Le triangle pointé vers le haut, est-ce celui du Retour ? et celui pointé vers le bas, est-ce celui de La Spirale ?  Heureusement, le centre commun aux deux triangles qui s'interpénètrent, leur cœur orientant, est explicitement désigné par Jean Parvulesco dans le chapitre du Retour intitulé « La mission occulte de Julius Evola » : « Ainsi ai-je eu à susciter, au cœur même – comme on vient de le voir – du présent écrit, l'inquiétant problème d'un livre de "témoignages et de révélations" abordant "tout ce qui sans trahir peut être dit" sur Julius Evola » (p. 395).

Il suffira par conséquent de retrouver le chapitre correspondant « au cœur même » de La Spirale pour découvrir la juste orientation de l'hexagramme.

Le lecteur zélé aura déjà compris que ce lieu ne peut être que le chapitre intitulé « La réapparition du Visage Vert » – car, entre le jaune et le bleu, verte est la teinture des marcheurs du ciel, verte est la faille du centre qui les aimante. Cette faille intérieure, stigmate du cœur incendié, passage secret de la structure d'ensemble, transforme le phénomène de la lecture qui devient acte alchimique. Lire, ainsi conçu, est une prise d'arme pour l'ultime combat.


Alain Santacreu

[1] La Servante portugaise, Les Mystères de la Villa Atlantis, L'Étoile de l'Empire invisible, Le gué des Louves.

(Une première version de ce texte est parue, en 1998, dans le n°3 de la revue "Avec Regard", pp. 100-101).

lundi, 20 octobre 2014

Jean Parvulesco, les aventuriers de l'Esprit

Jean Parvulesco, les aventuriers de l'Esprit

vendredi, 07 février 2014

Answers to the questions of Pavel Tulaev

Answers to the questions of Pavel Tulaev
About my modest biography, my experiences in the French New Right Circus, etc.

 

Dear Robert Steuckers, you are among the few West European journalists or publicists who profoundly understand the history and geopolitics of Russia. We know each other now since more than fifteen years and that’s why I find this interview is important. First of all, would like to introduce yourself, to tell us about your profession, your specialisation, your titles, etc. ?
 
RS: Well, there is nothing special about me. I was born in Uccle/Ukkel in January 1956 in a quite poor family. My father was the son of a peasant having a family of seven children and came to Brussels to find a job as a servant in 1933. He didn’t want to go to school to become a schoolmaster, didn’t want to work on the farm feeding the pigs and couldn’t find a long-lasting job in his province. My mother, who died recently in December 2011 at the age of 97, was the daughter of a beer brewer and seller, who, at the age of 14, left his village, where his own father had also seven children and only one cow he had to drive along ways and paths in his village in order to let her graze as he had no meadow of his own.
 
lancier_belge.jpgIn Brussels my grand-father became the helper of a baker and then could be hired by the army to replace a rich son of a bourgeois family, who had no lust to do his military service (at that time conscription was not yet compulsory in Belgium). He served for three years in the 2nd and 4th Lancers, an elite light cavalry regiment, in which he got the noble attitude in his daily gestures he kept till his last breath, almost 87 years old. With the money he got from the rich family to do military service instead of the son of the house, he could buy and take over the small business of a retired or passed away brewer and marry my grandmother in 1908, the very year one of his sisters migrated to the United States, to Indiana, to run a farm with her husband: they too had seven children. My mother’s parents started a trade in beers and lemonades, which lasted 80 years, being taken over by my uncles in 1953. My grand-parents’ youngest son retired in 1988. My grandfather was called up in August 1914 and participated in the First World War as a sergeant in the transport units behind the Yser Front in Flanders. He swallowed mustard gas (Yperite), suffered ten years long from the effects of this nasty chemical but could recover after a terrible pneumonia, due to lung complications, in 1928. Even if he could earn a good life by selling beers to pubs and private customers, he was the model of an ascetic, eating almost no meat, only oats with milk and eggs, together with rhubarb and prunes that he cultivated in his own garden. He wanted to remain thin to mount horses in case if… but he had no horse anymore. He bought motorcars and lorries that he was never able to drive himself: this was the task of his sons. He used to say: “Modern times are preposterous: they all need a motor under their bottom even for a distance less than 500 yards”. My grandmother was even more ascetic and left me one of her often quoted saying: “Clock hours (i. e. measured time) are for fools, the wise know their time” (‘t Uur is voor de zotten, de wijzen weten hun tijd). In this sense, she was exactly in tune with the celebrated German writer Ernst Jünger, when he theorized his ideas about time.
 
My father came to work as a servant to the House of Count Willy (Guillaume) de Hemricourt de Grunne in 1938. In the summer of this year he made his first trip outside Belgium to a village in Franche-Comté, near the Swiss border, where Count de Grunne had inherited a wonderful mansion house from an aunt who had inherited it from his own grandfather, the French Catholic thinker and politician Count Charles de Montalembert. I still spend some days in this part of Europe twice or three times a year. In August 1939, just a few days after the Molotov-Ribbentrop agreement, my father was called up in the Belgian army, was sent to barracks near the German border during the phoney war, then to the Beverloo military camp, where he underwent the German air attack by Stuka bombers in the early morning of May 10th, 1940. After his duty, as no Flemish conscript soldiers were taken prisoner of war and sent to Germany, my father went back to the House of Count de Grunne, where he worked till his retirement in 1978. Some months later Willy de Grunne died, just three days before his 90th birthday.
 
My youth was spent in the marvellous surrounding Willy de Grunne created in the large garden behind his house in Brussels, which was a marvel of architecture designed by the genial Belgian architect Brunfaut in the early Twenties. Willy de Grunne wanted to have different flowers in his garden in spring, summer and late summer, so that I always could play among the most beautiful selection of plants that a team of very able professional gardeners kept with love and care. The mansion in Franche-Comté is still a marvel today and is now run by his grandson, whose father was Russian and son of a White Guard officer and later one of the best teachers of your language in Belgium. The surroundings created by Willy de Grunne made of me a youth completely immune to the seductions of modern world, but simultaneously I was perhaps also affected by a serious handicap: I could never understand the way of working in factories or offices, with the artificial rhythms and hierarchies they imply.

 

eliz.jpgThe world of my youth was a world with only personal, friendly relationships never determined by contracts, only by pure genuine human and manly confidence, based on the given word you never withdraw. Books were important in this world, as Willy de Grunne had, among other tasks as a diplomat, to read books for Queen Elizabeth Wittelsbach, a Bavarian Duchess, who became Queen of the Belgians in 1909. Willy de Grunne was Grand Master of her House in the Thirties. Queen Elizabeth was, just as her whole Bavarian family in Munich, an excellent sponsor of arts, music and museums. We owe her the Egyptology Museum in Brussels and among many other things the world famous “Concours Reine Elizabeth”, promoting young talented musicians from all over the world. Many young Russian musicians participated in this prestigious competition. Besides, Queen Elizabeth has been (and still is) criticized for being of German origin and for having refused to boycott the USSR and China during the Cold war. She ended her life in the Fifties and the early Sixties by acquiring the then sulphurous reputation of a “Bolshevik Queen”. She died in 1965.

Now, I became a so-called “intellectual” thanks to my father’s sister Julienne, who had a diploma of schoolmistress, had married Hendrik Lambrechts, a Flemish schoolmaster in ‘s Gravensvoeren (Fouron-le-Comte), and had a son, Raoul, who after his father’s death in 1949, became a political scientist having studied at the prestigious University of Louvain, after brilliant secondary school studies (Latin and Greek) achieved at the Flemish “Heilig Hart College” (“Sacred Heart College”) in Ganshoren near Brussels. My aunt was very proud of her son. But unfortunately Raoul died in 1961 from a heart disease that would now be easily cured. I was only five years old when I was brought to the University Hospital in Louvain to see him dying after a previous operation that provoked a blood clot that stroke his brain. The vivid and awful memory of this dying unconscious young man, his desperate eyes and the frightful calls of his mother remain in my mind till now. After Raoul’s death my father was told and even ordered by his sister to make all the efforts needed to let me study at a University, because, she said, “our old Province Limburg should have an elite born out of peasant families”. I was given the task, even the burden, to replace Raoul in the family: a man had been killed, another had to take his place. Aunt Julienne died in 1991. I saw her some days before her passing away. She was as happy as happy can be. A bright smile illuminated her face, although she was suffering a lot due to the dog days: finally, not only me, the crazy boy full of silly fantasies, had something like a diploma, but also the daughter of her daughter, who just got her diploma of political scientist at the State’s University of Ghent. One of my cousins found the right words when she held a very well balanced speech in the church on her burial day: “A grand and simple lady”.
 
These family circumstances explain why I was first sent to a good primary school in the part of the City where I’ve always lived. The teachers were severe and taught us parsing very well, which has been of the uttermost importance for my further studies in Latin in the secondary school and in German, English and Dutch for my studies at University or at the Translators’ and Interpreters’ School. After the usual six years of primary school, I was sent to a secondary school not far from home, where my father, after a good briefing of Aunt Julienne and of Willy de Grunne, let me be registered in the Latin classes. I couldn’t understand why I had to study Latin when we both went to this impressive old school to meet a friar responsible to register the new pupils. He told me when I asked him why Latin was for that a secondary school is like a train with several cars, that my seat had been booked in the Latin car and if after a year or a couple of years I couldn’t feel well in this kind of luxury or first class car, they would book a seat for me in another one, perhaps less prestigious but even more efficient and pragmatic. But I immediately liked to study Latin, especially words and etymologies, and never failed any examination in this subject. My crux during the years of my secondary school had been maths not because I had a prejudice against maths —on the contrary— but because in September 1967, some crazy and criminal minds had decided to introduce “modern math” (singular!) without any pedagogical preparation: modern math is indeed too abstract to understand for children younger than 12 or 13 years and I was only 11 when I started secondary school. I was saved at the end of the first year because fortunately some clever minds had rung the alarm bell and imposed algebra in the traditional way.
 
During the fifth year, the so-called Latin “poetry class”, I became firmly decided to learn modern languages, more precisely German and English at University. After two years I changed for the Translators and Interpreters School, which was not far from my home. After four years I got the diploma of English and German translator. To obtain it I had to translate and comment a book of Ernst Topitsch and Kurt Salamun criticizing “ideologies” as constructed systems that prevent real pragmatic thoughts to develop or that serve as crushing instruments to perpetuate the domination of false elites (like the pigs in Orwell’s Animal Farm) becoming gradually out of touch.
 
So I became successively a clerk by Rank Xerox (to answer calls in several languages), the dumbfound redaction secretary of Benoist’s magazine “Nouvelle école” (having had the privilege to analyse on the very field the preposterousness of the all business lead by this silly old wet blanket of Benoist), a soldier doing his military service in the 7th Company Logistics for ten short months in Saive (near Liège), in Marche-en-Famenne, in the marvellous Burg Vogelsang and the village of Bürvenich in Germany along the border, a freelance translator and interpreter for twenty years (with a lot of different customers active in all possible social fields), a sworn translator for the Ministry of Justice, a private teacher, one among the numerous freelance assistants of Prof. Jean-François Mattei, who published in 1992 the “Encyclopédie des Oeuvres philosophiques” for the “Presses Universitaires de France”, and, as a wonderful and enthralling hobby, the metapolitical fighter you’ve known since now more than fifteen years. As a metapolitcal fighter, I was first a young and second-rank animator of the Brussels’ GRECE-group around Georges Hupin, an occasional pen pusher for his small bulletin “Renaissance Européenne” (still published nowadays as the organ of Vial’s “Terre & Peuple” movement in the French-speaking part of Belgium), then the founder of “Orientations”, the redaction secretary of “Nouvelle école”, one of the founders of the Brussels’ EROE–group, the founder of “Vouloir” together with Jean E. van der Taelen, a speaker having wandered throughout Europe to address meeting or participate to seminars of all kinds, a member of Faye’s “Etudes & recherches”-club within the “nouvelle droite”, then the organiser together with others of the Munkzwalm-seminars in Flanders, one among the founders of “Synergies Européennes” (together with Gilbert Sincyr and Jean de Bussac) and organisers of all the activities lead by this European group, including the publication of “Nouvelles de Synergies Européennes” and “Au fil de l’épée”.
 
You have a universal outlook that can be called encyclopaedic. How did you get your education? Whom can you consider your teachers? Who are the authors and which are the books that have influenced you most?
 
If once in your life you decide to become a metapolitical fighter you have of course as a duty to read ceaselessly and to acquire willy-nilly this “encyclopaedic outlook” you talk about. Moreover if the metapolitical purpose you follow is to re-establish European culture in all its richness the piles of books awaiting you reach permanently the ceiling. I got my education at school and nowhere else. It would be dishonest and conceited to invent a story trying to demonstrate somehow the contrary. Schoolbooks for the subject “History” were and are still good in Belgium. You have simply to assimilate the contents and to complete them with further readings. Of course, I owe a lot to our Latin teacher Simon Hauwaert and our philosophy teacher Lucien Verbruggen, not only for their lessons but also for the long tours they organized for us in Greece and Turkey, in order to discover Ancient Greek civilisation. When I was sixteen and a half, I was brought by the circumstances of these long school trips in the streets of Athens or Istanbul and visited Ankara’s Hittite Museum just one day after having had a short tour around Cappadocia’s cave dwellings and Byzantine churches. This was an even so good training in fact than school curriculum in itself. Another good thing was that we had to prepare every year for Hauwaert and his successor Salmon a paper on a classical Latin topic together with a grammatical analysis of an original text (I had with my late friend Leyssens, a future gynaecologist, who died in a mountain accident at 42 leaving three orphan sons, to study successively Lucretius’ De rerum naturae, a part of Plinius’ Natural History and Plautus’ theatre). The last year Rodolphe Brouwers, our French and History teacher, compelled us to write a paper on history: I had to write a survey about the COMECON countries (Poland, Czechoslovakia, Bulgaria, Rumania, Hungary). Brouwers had also the good idea to let us parse in all details Bossuet’s speeches in order to let us discover the good balance of a possible barrister’s plea or to be able later to coin speeches along the same stylistic guidelines in order to let them be better understandable only by giving them a well-balanced rhythm à la Bossuet. It has been very useful each time the GRECE-people asked me to address their annual meeting held in Paris or Versailles. During a first year at University, I followed the lectures of René Jongen in German grammar and had a course of German literature by the Flemish writer Paul Lebeau. Later I had English grammar by Jacques Van Roey, as well as good introductory lectures in history, among which the ones of Léopold Génicot on the West European Middle Ages were the most memorable. At the interpreters’ school, two years later, we had excellent practical trainings in modern languages.
 
What concerns the specific New Right literature I was deeply influenced by Pierre Chassard’s introduction to Nietzsche’s philosophy (“Nietzsche, finalisme et histoire”), which compelled me to read Nietzsche more critically and to be definitively defiant in front of all kinds of ready-made idealistic notions (the ready-made “Platonisms” that lards unrealistic political programs) and to know that moralistic arguments are too often escapism and rejection of plain common sense. I had already read Nietzsche’s “Antichrist” and his “Genealogy of Moral” but I had then as a boy of 14 or 16 no serious guidelines to understand actually the purposes Nietzsche had by writing this two cardinal books. In 1970, when I was in the 3d class, I asked my French teacher Marcel Aelbrechts which novels I had to read: all he suggested me was excellent but the main book in the series was undoubtedly the “Spanish Testament” of Arthur Koestler: so I got fascinated by English novels not through the English teacher (who at that time was also an excellent man, Mr. Mercenier) but through the French teacher, an old mischievous friar, who was certainly not sanctimonious (and with whom I had a real boxing fight at the end of my studies because he tried to prevent me to beat the math teacher; we nevertheless remained good friends; normal people fight and shout at each other: the political correctness says today that such attitudes are wrong but in no other period of history so many people had to look for the help of the psychiatrist or to swallow sedating pills; so “political correctness”, as we can objectively state, is surely bad for your health…).
 
lhomme-revolte-camus.jpgMy next French teacher was Jacques Goyens, who is now retired of course and considered nowadays as a main French-speaking Belgian author. He introduced us to poetry (Rimbaud, Leconte de Lisle, Baudelaire, Verlaine,…) and to present-day literature. During springtime 1972, Jean-Paul Leyssens and I worked on Albert Camus and we stressed mainly his philosophical ideas, inspired by Nietzsche and written down in “L’homme révolté”. Goyens was disappointed because we had coined a portrait of Camus as a Nietzschean philosopher and therefore neglected his main contribution to the genuine French literature of the Fifties. But in the end I was happy to have learned about the philosophical dimension of Camus’ work and Goyens was perhaps thoroughly right as Camus is more important as a writer than as a philosopher, but what both parties forgot was the rather complex context in which Camus’ political views developed at the time when existentialism was fashion in Paris. In March 1973, Goyens took us away from school to visit an important exhibition at the Belgian Royal Museum of History and Archaeology: it was about the glorious medieval period of the so-called Rhine-Meuse civilization between the 9th and the 15th centuries. This region is indeed the cradle of the Western Imperial tradition, as the reaction against the Merovingian decay (our first “Smuta”) took place in the area between Meuse, Rhine and Mosel among the Pippinide clan of Charles the Hammer (Charles Martel) and as Charlemagne settled his main capital in the City of Aachen, from where a kind of Renaissance of Ancient thought took place long before the more widely known Italian Renaissance of the 15th Century. I was just seventeen then but the idea that our own imperial cradle was so near to my place fascinated me especially as my father’s family is from Flemish Limburg, an area close to this fertile and green cradle county. Jean Thiriart too liked to stress that his family originated from the Walloon part of this Rhine-Meuse area and that therefore the European idea was his own as the Carolingian Imperial idea had been the one of his ancestors.
 
In the translators’ and interpreters’ school we had good grammar and lexicology teachers like Potelle, Van Hemeldonck and Defrance (who had had a tremendously active life and had founded one of Belgium’s more prestigious bookshop in Ostend before becoming a teacher and who brought us to Berlin in 1977 and to Munich in 1978 during two memorable students’ trips). What concerns more specifically geopolitics and history, the lectures of Mrs. Costa, based on a German official handbook, whose title was “Zweimal Deutschland”, provided us a thorough knowledge in recent German history, which is the key to understand the process of geopolitical and political alienation in Europe after 1945. The history lectures of Prof. Peymans stressed the political and philosophical specificity of the liberal and subversive Western hemisphere (Britain, USA, France), which, in order to be able to develop, had to get rid of all the traditional institutions generating the peoples’ identity or of all the “atavistic forces” as Solzhenitsyn called them while he was defending old Russia against all the endeavours of the wild Westernization you have endured in your country. During the two last years in the translators’ school, we had lectures in international politics and current affairs given by Mrs. Massart, who agreed to let me comment and introduce Jordis von Lohausen’s book on geopolitics. My destiny as a “geopolitician” within the New Right groups was settled once for all. Having read the German “geo-economicist” Anton Zischka about Eastern Europe in order to be able to write out Brouwers’ history paper in 1974, my non Western vision of European history was from then on quite complete, as Mrs Costa’s lectures on recent German history, Zischka’s nostalgia of a united European area without any Iron Curtain and Lohausen’s Central European vision of history and geography made me immune for all strictly Western or NATO world visions.
 
As I’ve already told it to our Scandinavian friends in an interview they submitted me, historical atlases were important for me, among them I want to quote the “DTV-Atlas zur Weltgeschichte” and Colin MacEvedy’s British atlases issued by the celebrated Penguin publishing house in Harmondsworth, England.
 
You know some European languages and make a lot of translations. Why didn’t you study Russian or any other Slavonic language?
 
I’ve got a diploma for the English and German languages. As we spoke Dutch and French at home and more generally in Brussels’ everyday life, I was quasi born as a bilingual boy. My school education was in French as most of the Flemish schools disappeared in the late Forties and early Fifties because the Germans had supported a policy of “Rückgermanisierung” or “re-Germanization” during their second occupation. After 1945, the “Germanization” policy, that had been launched through the financial support for a revival of the Flemish language, was of course cancelled and the Belgian establishment inaugurated a policy of “Rückromanisierung”, that decelerated later because people started to send their children back to Flemish schools again, mostly because they weren’t attended by so many immigrants. This phenomenon of “Rückromanisierung” was especially the case in the Southern municipalities of Brussels. My cousin Raoul could attend a Flemish high quality secondary school in the Northern part of the urban area. An education in French was not as such a bad thing, of course, but we thought anyway that, even if French is a very important world language, the policy of “French alone”, followed by some Frenchified zealots within the Belgian establishment in Brussels lead to a kind of closeness or isolation, as Dutch/Flemish is a excellent springboard to learn English, German and Scandinavian languages. The left liberal and socialist Flemish author August Vermeylen, at a time between 1890 and 1914 when socialism in Belgium wasn’t uprooted (and an uprooting force as well) and produced excellent and original cultural goods, used to say that we had to be Flemings again in order to become good Europeans (in Nietzsche’s meaning of the phrase). Vermeylen didn’t exclude French as a language of course but wanted people to open their minds to the cultural worlds of Britain, Holland, Germany and Scandinavia. In this sense I am a socialist à la Vermeylen. And my own boy went to a Flemish school, despite the fact that his mother was born in Wallonia and had to learn Dutch as an adult.
 
To learn Slavonic languages at the time of the Cold War was almost impossible as you couldn’t meet native speakers in common professional and everyday life surroundings. When I was eleven years old in summer 1967, just after having achieved primary school, I went to de Grunne’s place in Franche-Comté, where he had invited “Babushka”, the grand-mother of his grand-children. “Babushka” was a fantastic elderly woman, who taught the Russian language to her grand-sons and I helped her to keep them and bring them to a playing area with a toboggan in the village. During these afternoons, only Russian was spoken! About more than one year later, I went for the first time in my life to a real theatre (i. e. not a wandering theatre for school children) to watch an adaptation of Dostoievski’s “Crime and Castigation”, written by Alexis Guedroitz, de Grunne’s son-in-law, and masterly performed by the troupe of the famous Belgian actor Claude Etienne, who played the role of the investigating police principal. This was not the only Russian presence in my childhood: the wife of our neighbour was Russian and I played as a boy with their half-Russian children. More: her father, a former Colonel of the Czar, had an old batman, a giant and handsome mujik, who worked in their little shop producing children disguises for carnivals and fancy fairs, as they had to make a living when they came back like many White Russians completely ruined from Congo where the Belgian authorities had sent them before this Central African country became independent. This former corporal batman of the White Army was fascinated by the little boy I was because —I disclose it here for the first time as I’ve always been too shy to tell it— I had been elected in 1958 the most beautiful baby boy of Belgium: this has been my very first diploma but since then I grew old and ugly! As a simple man, the old Russian White Gardist was very proud to be the neighbour of the most beautiful baby boy of Belgium and once a week this poor penniless man bought for me a bar of chocolate in our street’s sweets shop and put it in the letter box. My mother told me that this was a real sacrifice for such a poor man and taught me to respect sincerely this modest and kind weekly gesture of gentleness. But I kept in mind that all simple Russian men were generous and not avaricious, so I always have picked up denigrating propaganda, be it the German one of WWII or the NATO one of the Cold War, with an extreme scepticism.
 
When I moved to Forest again in 1983, my neighbour was the celebrated nurse Nathalia Matheev, daughter of another Czarist officer, who died fighting the Red Army in Crimea. She was loved by all our neighbours and died just a few days before my son was born. In her flat, where I live now, many Russians of the Twenties’ emigration came to pay her a visit, especially on Easter Day, when “Paska” and vodka with fruit juice were served: among them a cousin of Admiral Makharov and the German-Baltic Count von Thiesenhausen, who at Nathalia’s burial mass, stood upright at the respectable age of 83 during three long hours, holding a candle and singing the old sweet Slavonic burial songs, without a single minute of rest. Nathalia studied nursery in Brussels after having left Russia and was even sent as a volunteer of the Belgian Red Cross to Peru to manage a health centre high in the Andean mountains in 1928.
 
I tried by my own to learn Russian through an Assimil method when I was sixteen in 1972. I discovered Indo-European comparative etymology in our reference schoolbook “Vocabulaire raisonné Latin-Français” of the Belgian Latinist Cotton, where you could find the roots of all the Indo-European basic vocabulary, so I was inclined at that time to start studies of comparative linguistics and I decided shortly before the Easter holiday that I traditionally spent at the Flemish sea resort of De Haan, together with the future gynaecologist Leyssens, whose grand-father had a house there. I stayed alone in a charming and cheap hotel as my father loathed to spend weeks at the sea side: he was a land peasant unable to understand the importance of the sea, “a space you cannot cultivate and whose water is salty and undrinkable for men and cattle”. Every morning and every evening, after a complete day outside by foot or by bike even under the rainy and cold skies of the West-Flemish coastal district in March or April, I studied a lesson of Russian, another of Welsh and a third one of Swedish, in order to discover a Slavonic, a Celtic and a Teutonic language that I didn’t know. This was of course silly —a crazy idea of a funny teenager— as you cannot study such a spectrum of languages by your own without a well-established didactic frame and able teachers. So the experience didn’t last long. At the translators’ school, I started a Danish course but the extremely sympathetic lady, in charge of these lectures, died two weeks later and we had to wait for some weeks or months to find a new teacher, who came only at the very end of the academic year. In 2008, I was offered a free course of Russian but this initiative, due to several reasons, collapsed rapidly, chiefly because it couldn’t match into the scheduled and compulsory school activities.
 
So at the time of the Cold war, it was easier to learn German and English, two languages that are closer to our own Dutch and Flemish, in their official varieties as well as in their many dialects. I could have a better and direct access to these languages than to Slavonic or Celtic languages. In a speech held at the very beginning of the academic year 1976 (the day the underground train of Brussels was inaugurated), Alexis Guedroitz told the assembled teachers and students that Russian was a language that you can only acquire properly “with your own mother’s milk”. To study correctly a subject implies not to get rid of the quality of “otium”, giving you time and pleasure and banking on pieces of knowledge you already and naturally have, avoiding at the same time painful efforts that could spoil your life and degenerate into “negotium”, i. e. the feverishness of a greedy businessman who is never satisfied of what the gods give him. If I can read —and not properly speak— Latin languages is due to the fact that Simon Hauwaert was a very demanding Latin teacher. Shortly before my grand-father died in December 1969, I only had experienced a couple of years in the Latin classes and discovered next to his old worn-out and brownish armchair a copy of “Oggi”, a popular Italian magazine —I still cannot imagine how this magazine arrived there as my grand-father couldn’t understand a single word of Italian— and stated that I could understand for my own many sentences, thanks to the efforts of our Latin teachers (Philippe, Dumont, Salmon). Later, when Georges Hupin opened in 1979 a first office for the New Right/G.R.E.C.E. branch in Brussels, I could read copies of Marco Tarchi’s leading bulletin “Diorama Letterario” and of Pino Rauti’s weekly “Linea”, which were among the best the movement produced in Western Europe at that time. So I decided to try as much as possible to understand and translate the articles. I took the opportunity between January and October 1982, when I was out of work and had to wait to be enlisted in the army, to study the general features of Italian and Spanish, in order to acquire at least a passive knowledge of these languages; the purpose of this superficial studying was to get able to gather as much information as possible from Southern European publications in order to feed the New Right magazines with original stuff. What concerns Portuguese texts, I had been spoilt by the publisher of “Futuro Presente”, the New Right quarterly issued in Lisbon at that time. He came regularly to Paris, when I worked for “Nouvelle école” there in 1981. We often had the opportunity to have meals together. I helped myself to read these magazines with a copy of an Assimil method for Portuguese and an old dictionary.

We started our cooperation at the time you published “Nouvelles de Synergies Européennes” and animated the groups called “European Synergies”. Would you like to remind us the history of this organisation? How did it start?

 

 

As you know it, I had been active in several “New Right” initiatives in Belgium and France since 1974 and became a member of the GRECE-group in September 1980 after having followed a special summer course in July 1980, which took place in Roquevafour in Provence. I worked for “Nouvelle école” during nine months in 1981, came back to Belgium in December 1981 to do my military service and started, with the help of Jean E. van der Taelen, to activate a club in Brussels, that was called “EROE” (“Etudes, Recherches et Orientations Européennes”) in order to be completely independent from the Parisian coterie around Alain de Benoist and of course to be protected from all the quarrels and campaigns of hatred he used to rouse against his own friends and partners, especially against Guillaume Faye. From August to December 1992, I stated that cooperation with the crazy Parisian pack would be quite impossible to resume even in the very next future and that all type of further collaboration with them meant a waste of time, a time we would have spent arbitrating quarrels between new and former friends of Benoist or defending ourselves against preposterous gossip. After I had left the 1992 summer course in Roquefavour earlier, as I was fed up with the quarrels between de Benoist and GRECE-Chairman Jacques Marlaud, who, after having been insulted in the worst of all possible ways, was supposed to be prosecuted next to me in front of a Court composed of Benoist himself, a stuck-up simpleton and a snitch called Xavier Marchand and the usual godawful yesman Charles Champetier (nicknamed “His Master’s Voice”). Marchand had to play the role of the Prosecutor; he tried to make an angry face but was very nervous, his jackass’ look betraying obviously the fact that he was playing a part that had previously been dictated to him. As a good bootlicker pupil, he did his homework with application and started to accuse Marlaud and myself, first to have given articles to Michel Schneider’s magazine “Nationalisme & République”, an activity that had been forbidden a posteriori, and second to have started a non very accurately defined “plot” in favour of Schneider (who had no intention at all to plot against the Parisian bunch but only wanted to give a new life to the group he once founded, the CDPU [= “Centre de Documentation et de Propagande Universitaire”], of which my old friend Beerens was the correspondent in Brussels). After Marchand’s vociferated speech, I simply asked him to repeat his accusation. He resumed his clumsy plea but the contents of the second version were slightly different than the ones of the first version: poor simpleton Marchand hadn’t learned properly by heart his lesson… I said: “Which is the correct version? If it’s version B, then version A is false and…”. Benoist, Marlaud and Marchand, all nonplussed by this apparently harmless question, started immediately to shout loudly at each other, giving the very amusing spectacle that a quarrel between Frenchmen always is, while Champetier remained silent and was blowing the smoke of his cigarette up the air. After they all had uttered their grievances loudly, they left the backyard, where the trial should have taken place, and only Benoist followed me, repeating ceaselessly that “he liked me” while he walked heavily with his flat feet through the marshy meadow next to the river flowing along the park where the Summer course’s beautiful old mansion stood, disturbing the siesta of a good score of frogs and toads, that jumped away, cawing clamorously, to escape the hooves of this huge approaching pachyderm blowing a nasty gas cloud of cigarette smoke. I left the summer course, telling cocky Marchand, who had made a cock–up of the wannabe trial, that he should find immediately a car to travel to Aix-en-Provence. As he of course asked me why, I said that he had to buy an Assimil method to learn German, as I was about to leave and as he had of course to replace me as a translator for the German group. He had exactly a couple of hours to become fluent in German. 
 

Aqueduc_de_Roquefavour.JPG

 

 

I decided to leave definitively in December after they refused to pay me back the copies of my magazines that had been sold during the annual meeting, as well as the ones of “The Scorpion” Michael Walker had asked me to sell for him. I had already the impression to be a clown in a awkward circus but if this role implied to lose permanently money, it was preferable to leave once for all the stage. I had the intention to devote myself to other tasks such as translating books or private teaching. This transition period of disabused withdrawal lasted exactly one month and one week (from December 6th, 1992 to begin January 1993). When friends from Provence phoned me during the first days of 1993 to express their best wishes for the New Year to come and when I told them what kind of decision I had taken, they protested heavily, saying that they preferred to rally under my supervision than under the one of the always mocked “Parisians”. I answered that I had no possibility to rent places or find accommodations in their part of France. One day after, they found a marvellous location to organise a summer course. Other people, such as Gilbert Sincyr, generously supported this initiative, which six months later was a success due to the tireless efforts of Christiane Pigacé, a university teacher in political sciences in Aix-en-Provence, and of a future lawyer in Marseille, Thierry Mudry, who both could obtain the patronage of Prof. Julien Freund, the most distinguished French heir of Carl Schmitt. The summer course was a success. But no one had still the idea of founding a new independent think tank. It came only one year later when we had to organise several preparatory meetings in France and Belgium for a next summer course at the same location. Things were decided in April 1994 in Flanders, at least for the Belgians, Italians, Spaniards, Portuguese and French. A German-Austrian team joined in 1995 immediately after a summer course of the German weekly paper “Junge Freiheit”, that organized a short trip to Prague for the participants (including Sunic, the Russian writer Vladimir Wiedemann and myself); people of the initial French team, under the leading of Jean de Bussac, travelled to the Baltic countries, to try to make contacts there. In 1996, Sincyr, de Bussac and Sorel went to Moscow to meet a Russian team lead by Anatoly Ivanov, former Soviet dissident and excellent translator from French and German into Russian, Vladimir Avdeev and Pavel Tulaev. We had also the support of Croatians (Sunic, Martinovic, Vujic) and Serbs (late Dragos Kalajic) despite the war raging in the Balkans between these two peoples. In Latin America we’ve always had the support of Ancient Greek philosophy teacher Alberto Buela, who is also an Argentinian rancher leading a small ranch of 600 cows, and his old fellow Horacio Cagni, an excellent connoisseur of Oswald Spengler, who has been able to translate the heavy German sentences of Spengler himself into a limpid Spanish prose. The meetings and summer courses lasted till 2003 and the magazines were published till 2004. Of course, personal contacts are still held and new friends are starting new initiatives, better adapted to the tastes of younger people. In 2007 we started to blog on the net with http://euro-synergies.hautetfort.com in seven or more languages with new texts every day and with http://vouloir.hautetfort.com and http://www.archiveseroe.eu/ only in French with all the articles in our archives. This latest initiative is due to a rebuilt French section in Paris. These blogging activities bring us more readers and contacts than the old ways of working. As many people ask to read my own production, mostly students in order to write some short chapters in their papers or to be able to write out proper footnotes, I decided in October 2011 to publish my own personal archives on http://robertsteuckers.blogspot.com/

What are the main goals of “Synergies Européennes”?
 
Now the very purposes of “Synergies Européennes” or “Euro-Synergies” were to enable all people in Europe (and outside Europe) to exchange ideas, books, views, to start personal contacts, to stimulate the necessity of translating a maximum of texts or interviews, in order to accelerate the maturing process leading to the birth of a new European or European-based political think tank. Another purpose was to discover new authors, usually rejected by the dominant thoughts or neglected by old right groups or to interpret them in new perspectives.
 
“Synergy” means in the Ancient Greek language, “work together” (“syn” = “together” and “ergon” = “to work”); it has a stronger intellectual and political connotation than its Latin equivalent “cooperare” (“co” derived from “cum” = “with”, “together” - and “operare” = “to work”). Translations, meetings and all other ways of cooperating (for conferences, individual speeches or lectures, radio broadcasting or video clips on You Tube, etc.) are the very keys to a successful development of all possible metapolitical initiatives, be they individual, collegial or other. People must be on the move as often as possible, meet each other, eat and drink together, camp under poor soldierly conditions, walk together in beautiful landscapes, taste open-mindedly the local kitchen or liquors, remembering one simple but o so important thing, i. e. that joyfulness must be the core virtue of a good working metapolitical scene. When sometimes things have failed, it was mainly due to humourless, snooty or yellow-bellied guys, who thought they alone could grasp one day the “Truth” and that all others were gannets or cretins. Jean Mabire and Julien Freund, Guillaume Faye and Tomislav Sunic, Alberto Buela and Pavel Tulaev were or are joyful people, who can teach you a lot of very serious things or explain you the most complicated notions without forgetting that joy and gaiety must remain the core virtues of all intellectual work. If there is no joy, you will inevitably be labelled as dull and lose the metapolitical battle. Don’t forget that medieval born initiatives like the German “Burschenschaften” (Students’ Corporations) or the Flemish “Rederijkers Kamers” (“Chambers of Rhetoric”) or the Youth Movements in pre-Nazi Germany were all initiatives where the highest intellectual matters were discussed and, once the seminary closed, followed by joyful songs, drinking parties or dance (Arthur Koestler remembers his time spent at Vienna Jewish Burschenschaft “Unitas” as the best of his youth, despite the fact that the Jewish students of Vienna considered in petto that the habits of the Burschenschaften should be adopted by them as pure mimicking). Humour and irony are also keys to success. A good cartoonist can reach the bull’s eye better than a dry philosopher.
 
In 1997, Anatoly Ivanov, a Russian historian, polyglot and essayist registered the Russian branch of the “European Synergies” in Moscow. How did you learn about him?
 
I don’t remember quite well but I surely read some sentences about him and his work in an article of Wolfgang Strauss, who wrote an impressive amount of articles, essays and interviews about Russian affairs in German and Austrian magazines as Criticon, Aula, Junges Forum, Staatsbriefe, Mut, Europa Vorn, etc. The closest contact I had at that time was with the team of Junges Forum in Hamburg, which also published next to Strauss’ essays a monthly information bulletin called DESG-Inform (DESG meaning “Deutsch-Europäische Studiengesellschaft”). In this context, I received a copy of a German translation of his very important book Logika Koshmara (Logik des Alptraums) published in 1993 in Berlin with a foreword and a conclusion of Wolfgang Strauss, explaining the world view of the new Russian dissidents, who were not ready to exchange communism for the false values of the West. After the publishing of Logik des Alptraums, Ivanov was regularly quoted in the DESG bulletin or in Strauss’ long and accurate essays in Staatsbriefe. But the very first contact I had was a letter by Ivanov himself, in which he introduced himself and sent some comments that we translated or reproduced for Nouvelles de Synergies Européennes or Vouloir. After having received this letter, I phoned him, so that we could have a vivid conversation. The rest followed. But I am sad that I never could meet him till yet.
 
The same is true for Strauss: I should like to remember here that the very first German article I summarized for Hupin’s Renaissance Européenne was a Strauss’ contribution to Schrenck-Notzing’s Criticon about the neo-Slavophile movement in Russia. I met Strauss only once and too briefly: at a Summer Course of the German weekly magazine Junge Freiheit near the Czech border in the region of Fichtelgebirge in 1995. The representative of Russia was then Vladimir Wiedemann, whose speech I translated for Vouloir.
 
Since then our magazines ‘Heritage of the Ancestors” and “Atheneum” have published news about the “European Synergies”, some of your articles in Russian translation and reviews about such publications as “Nouvelles de Synergies Européennes”, “Vouloir”, “Nation Europa”, “Orion”, etc. Do you find such an initiative important? Why?
 
It is indeed important to inform people about what happens in the wide world. The pages “Atheneum” dedicates to the activities of other groups in Europe or elsewhere in the world replace or complete usefully the information formerly or still communicated by DESG-Inform, Diorama Letterario, Nation Europa, Nouvelles de Synergies Européennes, etc. Recently, i. e. in the first days of June 2011, when I was interviewed in Paris for the free radio broadcasting station “Méridien Zéro”, the two young journalists declared to regret the lack of information about what is said, published or broadcast in the so-called “New Right” or “Identitarian” movements throughout Europe, since “Nouvelles de Synergies Européennes” ceased to be published. They both found that the ersatz of it on the Internet was not sufficient, although one of them produces every week, depending on the topics they are dealing with, an excellent survey of webpages, books and magazines on the “Mériden Zéro’s” website. The same kind of intelligent survey should be done regularly for books because there is one big difference between the time, when the New Right began to develop at the end of the Sixties and in the Seventies, and now: many topics aren’t taboo anymore, such as geopolitics or Indo-European studies at scientific level. Lots of books on the main topics the New Right wanted to rediscover at the time when such topics were repressed are nowadays issued by all possible publishing houses and not only by clearly identifiable conservative or rightist publishers. For general news on current affairs, we can bank on a German friend to issue monthly a general survey of interesting topics gathered from the German press and on a Flemish friend for the same purpose, but this time twice or three times a week. The Flemish “Krantenkoppen” (= “papers’ heads”) are in four languages (Dutch, French, German and English). You can jump into the web to discover them regularly by paying a visit to : http://euro-synergies.hautetfort.com/. In Italian you can get daily a excellent collection of articles on http://www.ariannaeditrice.it/. A good survey of the American non conformist press and webpages can be found on Keith Preston’s site : http://www.attackthesystem.com/. But you and the Méridien Zéro journalists are right: the instrument should be widened and rationalized. This one important goal to reach for all those who were formerly confident of the “Synergies Européennes” network.
 
You also published articles and interviews of us all in the bulletin “Nouvelles de Synergies Européennes” and in the journal “Vouloir”. Had these texts some echo? Who among your readers did pay more attention to our material and about Russian matters in general? Was it Wolfgang Strauss, Jean Parvulesco or Guillaume Faye?
 
parvul10.jpgAll our readers agreed that our articles about Russia or Russian authors and our interviews of Russian personalities were of the uttermost importance. Strauss and Parvulesco received the magazines regularly. I had regular contacts with Parvulesco, who unfortunately died in November 2010 (cf. The category “Jean Parvulesco” on http://euro-synergies.hautetfort.com ), and I know that he always read attentively everything coming from Russia: one should not forget that Parvulesco was among the first thinkers in France who were aware of the dangers epitomized by Brzezinski’s strategic projects in Central Asia and elsewhere, be it along the “New Eurasian Silk Road” or in the Caucasian and Pontic areas. Articles like “La doctrine des espaces de désengagement intercontinental” and “De l’Atlantique au Pacifique” (and within this important geopolitical manifesto, the paragraphs under the subtitle “Zbigniew Brzezinski et la ligne politico-stratégique de la Chase Manhattan Bank” – Both texts can be read in “Cahier Jean Parvulesco”, Nouvelles Littératures Européennes, 1989).

 


But at a first stage, we have to thank retrospectively the guy who translated Russian texts under the pseudonym of “Sepp Staelmans” (a “Bavarianification & Flemishification” of “Josef Stalin”!). He came to us, when he was sixteen and we all were still students, and asked to our friend Beerens what he could do for the movement: Beerens, who in this very evening had most probably drunken too much red wine, told him: “You should learn German and Russian!”. Incredible but nevertheless true: the young lad did it! Many other translations were done by girls who were trainees in my own translation office. More students indeed study Slavonic languages now than formerly, simply because there is no Iron Curtain anymore and they can meet youth of their own age in Slavonic countries. Michel Schneider, who once published the interesting political magazine “Nationalisme et République”, stayed in Moscow for a quite long time and sent us articles too. The former readers of Schneider’s magazine welcomed heartedly of course the Russian stuff he sent to us.
 
One day in Paris, just after having jumped out of the train from Brussels, I had a meal in the famous “Brasserie 1925”, just in front of Paris’ “Gare du Nord”, with a young lady, an incredibly attractive and intelligent woman seeming to come just out of the most beautiful fairy tale. She belonged to the team around the most efficient French present-day Slavists, such as Anne Coldefy, Lydia Kolombet or Marion Laruelle. They wanted to have copies of all our publications dealing with Russian topics for their archive.

Many other articles or essays on Russian matters were inspired by German books of Slavistics produced by the publishing house Otto Harassowitz in Wiesbaden. This publishing house is indeed specialized in Russian ideas and topics and issues regularly a thick journal called Forschungen zur osteuropäischen Geschichte (= “Studies on East European History”), where we could find many inspiring texts.
 
Can we call our own initiatives as belonging to the transnational “New Right” movement? How would you define this ideological movement? Who are its leaders?
 
The phrase “New Right” has of course many different significations. Especially in the Anglo-Saxon world it can delineate a rather multiple-faced libertarian movement inspired by Reaganomics, Thatcherite British conservatism, i. e. an renewed form of the old liberal Manchesterian way of managing a country’s economy, etc. The main theoreticians who inspire such a British or Transatlantic view of politics, state or economics are Milton Friedman, Friedrich von Hayek or Michael Oakshott. This is not, of course, the way we would define ourselves as exponents of a “New Right” (although in some particular aspects, beyond economics as such, Hayek’s notion of “catallaxy” is interesting).
 
Personally I would say that I belong to a synthesis of 1) the German “Neue Rechte”, as it had been accurately defined by Günter Bartsch in his book “Revolution von Rechts?”, 2) of the French “nouvelle droite” as it has been coined by Louis Pauwels, Jean-Claude Valla and Alain de Benoist at the end of the Sixties and 3) of the Italian initiatives of, first, Pino Rauti and his weekly paper “Linea”, and, second, of Dr. Marco Tarchi and his journals “Diorama letterario” and “Trasgressioni” before they started sad aggiornamenti in order not to be insulted by the press.

Img 7_Pauwels.jpgThe German “Neue Rechte”, as defined by Günter Bartsch, is a bio-humanist movement, opposed to technocracy in the widest sense of the word, has got a biological-medical view on man (on anthropology). This implies the rather well-known option for ethnopluralism, which, subsequently, implies an option for all kinds of “liberation nationalism”, within and outside Europe, and for a broad conceived “European Socialism”. The story of the French “nouvelle droite” is better known throughout the world due to the many essays or books written about it since more or less four decades but not so much has in fact been written about the link between, on one hand, the early G.R.E.C.E.-Groups and, on a second hand, Louis Pauwels, editor of the futurology and prospective journal “Planète”, the organized “Groupes Planète” throughout France’s regions, the specific interpretation of the May 1968 ideology of Herbert Marcuse that had been developed in the numerous essays of the magazine, the critical approach of Western materialism, the speculations of Arthur Koestler about biology (“The Ghost in the Machine”) and his attraction towards parapsychology, the influence of the Gurdjieff group on the all venture, the presence in the redaction team of the Belgian thinker Raymond De Becker with his particular interpretation of Jung’s psychoanalysis (and his past as a “crypto-fascist” activist in the Thirties and the Forties, afterwards fascinated by Jungian psychoanalysis during the seven years he spent in jail). Moreover, “Planète” was in a certain way “ethnopluralist” as it supported the Occitan revival in Southern French regions such as Provence and Languedoc. Purpose was of course to dismantle the materialistic and rationalist Jacobine French State. From my experience in the New Right groups, I consider as essential the following topics: the metapolitical way of working, the critical view on the Western world (developed in a special issue of “Nouvelle école” on America and a remarkable issue of “Eléments” on the “Western civilization”), the exploration of the German Conservative Revolution through thinkers like Spengler, Jünger, Moeller van den Bruck or Carl Schmitt.
 
The Italian magazines were more interested in pure political sciences, even in some popularized articles from “Linea”, describing mostly the life of important and original political figures and of political scientists (such as Pareto, Mosca, Sombart, Weber, Sorokin, etc.) and explaining the main trends of their works. For us in Belgium the critique the Italian fellows developed to reject partitocracy was more interesting than the French or German ideas or debates. Why? Simply because the corrupted situation in which we lived and still live, the impossibility to realise genuine political programmes and an authentic reformation aiming at solving actual problems was very similar to what happened and still happens in Italy: in France, De Gaulle had made it possible to escape the narrowness of the 4th Republic’s petty politics and had suggested original ideas such as the workers’ participation, the “intéressement” of a factory’s personnel in the benefits of their company or a new form of Senate with representatives of the regions and the professions and not with aloof professional politicians, who could after some years of parliamentary life become totally cut from all social realities. Nothing of all these intelligent projects after him became reality but nevertheless at the end of the Seventies, there was still hope to translate these seducing programmes into French political life. In Germany at that time, the full results of the post war reconstruction could be felt and at that time the country didn’t experiment the impediments generated by the many dissolving consequences of a partitocratic system.

The French “nouvelle droite” acquired a worldwide reputation after a team around Jean-Claude Valla could manage in the autumn 1978 to man the redaction of a new and broad dispatched weekly magazine, the “Figaro Magazine”. Alain de Benoist was among the new journalists selected and took over the “rubrique des idées” (the “ideas’ column”) he already had run in the Figaro daily paper’s literary supplement, which was issued every Sunday. Louis Pauwels, the head of the new weekly “Figaro Magazine” and former chief animator of the “Groupes Planète” had accepted the deal proposed by the young wolves within the GRECE-team that proceeded from small national-revolutionist groups, students’ associations and tiny political parties that had failed to score sufficiently during several rounds of general or local elections in the Sixties. They all formerly were more or less linked to the monthly magazine “Europe-Action” mainly supervised by Dominique Venner. The events of May 1968 proved that the left or all the leftist non communist caucuses had actually seized the cultural or metapolitical power in France and elsewhere in Western Europe. Nowadays many studies tend to demonstrate that the American OSS and later the CIA had created artificially the 68 uprising in order to weaken Germany which became at the end of the Sixties an economical and industrial power again and to weaken also France which under De Gaulle became a nuclear military power having developed a competitive aircraft industry (Bloch-Dassault with the celebrated Mirage fighters that had been sold to Israel, India, Australia and Latin American countries as well as to some European countries such as Belgium). But in a first step the purpose of the metapolitical fight was to criticize and to suggest a counter-power to the 68 ideology as well as to defeat the heavy influence the communists still had in the French press at that time. This brought the “nouvelle droite” in a kind of precarious balance as, on the one hand, they still had columns in “Valeurs actuelles” and “Le Spectacle du monde”, which were publications owned by the press magnate Raymond Bourgine, who was an Atlanticist, and as, on a second hand, they had started to develop a thorough criticism of American values in both their separate home magazines “Nouvelle école” (1975), under the brilliant intellectual leadership of the Italian Giorgio Locchi, and “Eléments” (1976) under the vigorous supervision of Guillaume Faye.
 
Other ambiguity: Pauwels within the network of the “Groupes Planète” had staunchly supported some social criticism of the pre-68 movement and stressed the importance of the more or less Nietzschean notion of “one-dimensional man”, as a possible aspect hic et nunc of the “Last Man blinking his eye” whose deleterious influences one had to fight against, as well as the notion of an “Eros” able to wipe out all the petty consequences of a hyper-civilized and hyper-rationalized Western world, both notions having been theorized in Herbert Marcuse’s main books in the Sixties; now, in the columns of the brand new glossy “Figaro Magazine” (or abbreviated: “FigMag”), all the effects of the pre-68 and genuine 68 movement were submitted, with the help of the formerly marginal “pre-new right” would-be journalists, to a thorough criticism leading to a final and total rejection, in name of a new conservatism aiming at preserving the values of the West or at least of Old Europe. More than one theoretical gap between these discrepancies were not filled, leading in the four or five following years to a quite large array of misunderstandings. The eternal problem of lack of time couldn’t solve these discrepancies, leading at the end of 1981 to a clash between de Benoist and Bourgine, then to a recurrent blackmailing of Pauwels, who was threatened by attrition in the way advertisement agencies refused to place ads in the weekly FigMag. The constant blackmail Pauwels underwent aimed at sacking the “New Right” people and at throwing them out of the “Figmag” for the sole benefit of the exponents of the new ideological craze, coined by the system’s agencies: neo-liberalism.
 
A Russian “New Right” cannot be of course a tributary of all these Western European aspects of a general conservative-revolutionnist criticism of the main modern ideologies or political systems. A Russian “New Right” must of course be an original and independent stream, a synthesis of Russian ideas. According to the German Slavist Hildegard Kochanek, the Russian source of a general conservative revolutionist attitude lies of course in the Slavophile tradition, taking into account values like “potshvennitshestvo” and “samobytnitshestvo”, i. e. the roots of the glebe and the genuine political sense of community (“Gemeinschaft” in German). This implies, still according to Mrs. Kochanek, a kind of socialism, very different than the historical dominant forms of socialism within the 1st, 2nd and 3d Internationals, the West-European social democracies or the Soviet communism. Mrs. Kochanek sees Vladimir Soloviev and Sergej Nikolaïevitch Bulgakov (1871-1944) as the spiritual fathers of a spiritualized socialism, inspired by the very notion of Greek-Byzantine Sophia. Bulgakov, as an émigré in Paris, in the Twenties and Thirties, was clearly conscious of the lack of ethics in the several forms of real existing socialisms or communisms. Sophia and ethics help to break the vicious effects of “economical materialism” of both communist and social democratic doctrines, which are in the end not fundamentally different from the utilitarian Anglo-Saxon bourgeois ideology (“burzhuaznost”), as it was theorized by Jeremy Bentham and later by David Ricardo. Society, according to Bulgakov, cannot be seen as a mere mechanism of individual atoms trying to realize their own petty interests. In fact, Bulgakov produced long before the existence of a “New Right” a complete critique of the Western ideologies, that Guillaume Faye tried to formulate again —but this time in a non Christian intellectual frame— in his very first articles on “Western Civilisation”, published in “Eléments” in 1976, as well as in several articles and short essays about economical theory (but the main book Faye wrote about his views on economics was thrown into the wastebasket by de Benoist… I could only save some pages that I published in my “Orientations”, Nr. 5; the rest was spoilt by Faye himself, who used to clean his pipe with the scattered sheets…). In the former Soviet Union, Mikhail Antonov wrote some articles in 1989 in the well-known Moscovite journal “Nash Sovremennik”, urging the Russian economists not to adopt the Western unethical forms of economics but to continue Bulgakov’s work (see: Hildegard KOCHANEK, Die russisch-nationale Rechte von 1968 bis zum Ende der Sowjetunion – Eine Diskursanalyse, Franz Steiner Verlag, Stuttgart, 1999); in the eyes of Bulgakov, it is impossible to let economics not be counter-balanced by ethical brakes. Without such “brakes”, economics tends to invade the whole sphere of human activities and to destroy all other factual, intellectual or spiritual fields in which mankind is evolving. Hypertrophy of economics leads to an extreme “fluidity” of human thoughts and actions: as Carl Schmitt explains it in his posthumous “Glossarium”, we aren’t Roman surveyors anymore but seamen writing “logbooks”. He meant that we have lost all links with the Earth.
 
So we expect to learn more about Russian ideas through a totally independent Russian “New Right”, that wouldn’t in no respect imitate Western models.

When you ask me who are the leaders or the leading personalities of the Western European New Right, I will have to enumerate country by country the men who were and are the main exponents of this diversified ideological current. I’ll only select France, Germany, Italy, Spain and Austria. In France, the leading personality is of course Alain de Benoist, who seems to personify the movement in its wholeness. According to Pierre Chassard the core group that intended at the very beginning to launch a metapolitical struggle and to spread “other ideas” than those in power was a college of friends, was mainly built by old members of “Europe Action” or the “Fédération des Etudiants Nationaux”, or even people having tried initiatives in the Fifties. They selected some younger collaborators. Alain de Benoist was among the members of this new generation: he had been selected because he had made good synthesized reviews of books and magazines and had coined well balanced definitions for “L’Observateur Européen”, a bulletin which was at the same time the heir publication of the “Cahiers Universitaires”, the intellectualized publication of a students’ association (FEN – Fédération des Etudiants Nationaux), and later a supplement to Dominique Venner’s monthly “Europe Action” (“Europe Action Hebdomadaire”). After Venner resigned in July 1967, a team decided to abandon pure politics and opt for metapolitics: this was the very birthday of “Nouvelle école”, the wonderful magazine that seduced me six years later in 1973, when I was only seventeen. But next to the first emergence of what will become the still existing “New Right” as a later expression of the prior “Nouvelle école” redaction, Domnique Venner started the “Institut d’Etudes Occidentales” and a bulletin called “Cité-Liberté”, but the experience only last a year and a half (from November 1970 till July 1971).

Later, some people hoping for a more active approach created the G.R.E.C.E.-Groups, more or less along the same organizational lines as Louis Pauwels’ “Planète-Groups” in the Sixties, with a representative group in every important town; these groups were supposed to start a “cultural revolution” to get rid of the conventional post war liberal ideology and its “translations” in real life; for the “Grecists”, their similar town-based groups would be called “unités régionales”. These metapolitical groups had as a purpose to organize locally speeches, debates, conferences, seminars or art exhibitions to compete with the dominant ideologies. To inform the members of these new created network, a bulletin called “Eléments” was launched, very simple in its layout: it was a plain pile of sheets wrapped in a light cardboard cover. In 1973 it became a full magazine, not only designed for the members but for a broad public. Both magazines made Benoist’s reputation in and outside France. For me all positive aspects of Benoist’s initiatives are directly linked with “Nouvelle école”. Later Guillaume Faye, a figure of a new “Grecist” generation, gave an energetic punch to “Eléments”. We may say after four decades of observation that the soul having animated “Nouvelle école” is undoubtfully Alain de Benoist and that all his other initiatives are either awkward adaptations to the Zeitgeist or betrayals of the core message of the initial movement from which he proceeds.
 
I mean here that the birth of metapolitics at the end of the Sixties was a clear and harsh declaration of war against the dominant metapolitical powers and against all the political systems and corrupted personnel they support: the very aim of metapolitics is to let appear the dominant power as a full illegitimacy. In such a long lasting war you cannot make compromises, you never criticize positions you once adopted, you never negate what you once asserted. On the contrary you have to spot immediately the new pseudo-intellectual garments the dominant power is regularly putting on, each time when its usual instruments aren’t fully efficient anymore; this spotting job is absolutely necessary in order not to be trapped by the new seducing strategies the foe is trying to spread to fool you, according to the principles once invented by Sun Tsu. You cannot criticize positions you once opted for, as if you had to be forgiven for youth mistakes, because you lose then rather large parts of your operation field. If you reject, for instance, biology or biohumanism or biological anthropology (Arnold Gehlen) or all types of medical-biological questions, because you could eventually be accused by the press to be a proponent of a new kind of “biological materialism” or of a “zoological view of mankind” or of “racialist eugenics”, etc., you’ll never be able anymore to suggest a well-thought national health policy programme elaborated by doctors, who intend to develop a preventive health system in society. That’s what happened to poor de Benoist, who was scared stiff to be labelled a “Nazi eugenist” since the very first polemical attack he underwent in 1970, an attack that wasn’t lead by the left as such but by Catholic neo-royalists, who had purposely adopted a typical leftist phraseology and created an ad hoc anti-racist committee to crush the future “New Right” team they saw as competitors in the new metapolitcal struggle that was about to be fought in France in the early Seventies.
 
dia_konrad-lorenz.jpgSome years later Alain de Benoist interviewed for “Nouvelle école” the Nobel Prize Konrad Lorenz who had written well shaped didactical books to warn mankind of the dangers of a possible “lukewarm death” if the natural (and therefore biological) predispositions of Man as a living being were not taken into consideration by the political world or the Public Health Offices. Although he had the backing of a Nobel Prize winner and of the Oslo or Stockholm jury having granted Prof. Lorenz the Prize, de Benoist has till yet feared to resume the kind of research “Nouvelle école” had tried to start in the middle of the Seventies. The paralysing fear he felt in the deepest of his guts lead him to express all kind of denials and rejections that were in no case scientifically or factually established but were mere makeshift jobs typical of political journalists manipulating blueprints in order to deceive their audience.
 
The further evolution of the first French “New Right” team involved some years of interesting developments from 1970 to 1978, with as only outside tribune the magazines published by Bourgine, “Valeurs actuelles” and “Le Spectacle du monde” (the famous book of Alain de Benoist “Vu de droite” is a 1978 anthology of articles having been first published in Bourgine’s publications). The creation of the “FigMag” in 1978 boosted the G.R.E.C.E.-groups and brought them into the very debates of the “French Intellectual Landscape” (“Paysage Intellectuel Français” or “PIF”). This period of intoxicating euphoria lasted till December 1981. During three years Alain de Benoist thought he had deep in his tuxedo’s pocket the (metapolitical) key to a very soon available power access or to a seat in the celebrated “Académie Française” and became incredibly arrogant and haughty in a typical Parisian way, what was in our eyes a very funny scene to watch and mock. These arrogant manners of him but also his exhilarating strokes of near nervous breakdowns, when he was once more scared stiff for futilities and swallowed handfuls of sedating pills, were very often aped in Paris, in all the province towns and in the Brussels’ pubs where we met to discuss the last tittle-tattle of the movement, leading to general hilarity and merriment. Guillaume Faye was of course the best animator in such merry meetings. This period was nevertheless the apex of the movement. With the publication of Faye’s “Le Système à tuer les peuples” and the ideological consequences of two publications of the group, the special issue of “Nouvelle école” about America and the American Way of Life and the issue of “Eléments” inaugurating a thorough critique of Western values, the movement had really broken with the usual Western and Atlanticist positions of the dominant rightist-conservative political field. It was now thoroughly different from the old far right groups on the French political chessboard but became also quite different from the established official right (the main political parties of Giscard d’Estaing and Chirac). The movement had its originality. But the world political surroundings had completely changed. First, the Socialists of François Mitterrand won the presidential elections in May 1981, a new political synthesis was about to dominate the world stage, combining the libertarian view of economics with the anti-Soviet and anti-fascist heritage of the usual Jewish-American East Coast Trotskites. This meant that the Trotskite intellectual gangs of the East Coast decided to abandon the usual leftist phraseology and to adopt a new vocabulary larded with conservative or rightist (anti-communist) expressions. At the same time, this new conservatism with Trotskite background became the proponent of libertarian economics and of an aggressive anti-Soviet foreign policy, destroying all the assets left by the endeavours of diplomacy (the German “Ostpolitik”, the policy of bilateral relationships between small powers of the EEC and of the COMECON suggested in Belgium by Pierre Harmel, the independant policy of the Gaullists and some of their most brilliant ministers such as Jobert and Couve de Murville, etc.) and re-introducing the geopolitics of anti-Russian containment inaugurated by the British geographer Sir Halford John Mackinder in 1904 and later improved by NATO-geopolitics as it had been coined by Nicholas Spykman and some other geopoliticians working for the American Foreign Affairs or for the US Army. The new synthesis of economical libertarianism, anti-communist conservatism and recycled Trotskite thoughts lead to the election of Reagan and to the introduction of “Reaganomics” in the United States. Simultaneously, new forms of slightly toned down Reaganomics or Thatcherite recipes were suggested in European countries: in Belgium the future Prime Minister Guy Verhofstadt, who was at that time a young challenging politician, started a campaign to let adopt Thatcherite methods in the Low Countries and a whole bunch of French journalists such as Guy Sorman, Alain Minc and Laurent Joffrin stood up for adjusting French economics to the new American or British standards.
 
The New Right wasn’t prepared at all to face such a worldwide well orchestrated offensive; first, its staff was not numerous enough to man all the bastions where a fierce defence fight was needed and second, under the too preponderant influence of de Benoist, the topics of economics or economical theory, of geopolitics and of political sciences and history of political ideas (such as the genesis of all the possible combinations the US American ideological sides were able to adopt when they changed their strategies in order to win elections) had been fully neglected in favour of purely cultural or literary speculations. In 1979, Giorgio Locchi left the G.R.E.C.E.-Group because he disagreed with the policy of “entrisme” in the press and in established conservative caucuses (he meant the “FigMag”-affair and the cooperation with a think tank of Giscard d’Estaing’s party, called “Maiastra”). At the same time a group left also the G.R.E.C.E -team to create a so-called “Club de l’Horloge”, more focussed on political and economical matters but even more predisposed to “entrisme”-policies.

The ambiguity was actually present: the G.R.E.C.E./New Right movement was indeed torn between two possibilities. Either it specialized in pure intellectual, cultural, literary or philosophical topics or it specialized in political sciences with both a theoretical branch and a pragmatic one, with the purpose of translating the theoretical principles into real political life, for instance by modelling solutions as they would be suggested in a Parliament. Giorgio Locchi thought it was to early to risk a way or another of “entrisme”; he was too conscious of the weakness and ill-preparedness of the movement and estimated that every kind of “entrisme” would lead to a fading away of the strong philosophical corpus. No actual conservative revolution was possible in his eyes in 1979 France. The withdrawal of Locchi was a catastrophe. In the only really scientific study about the “nouvelle droite”, that was written by Pierre-André Taguieff in 1993, Locchi’s and Mohler’s roles were duly stressed, as they were rightly considered as the real ancestors of the movement, as belonging to the small group of the “Founding Fathers” having already modelled the concept of their wished new conservative revolution in the Fifties: according to late Professor Piet Tommissen, who unfortunately died recently in August 2011 just after having written down his own memoirs, Mohler, as a secretary of the world famous German writer Ernst Jünger, was ceaselessly organizing meetings and speeches throughout Switzerland and Germany as early as 1952 when the future Flemish university teacher Piet Tommissen met him for the first time. Locchi was surely as active in Italy. His departure meant that the movement lost a part of its roots at the very moment when it seemed to have reached its apex. Alain de Benoist started, consciously or unconsciously, his strategy of cutting links with the old generation as he would also cut all links with newcomers in the movement: successively Faye, myself, Baillet, Champetier, Bresnu and many others were isolated and ruled out, reducing the movement to his single person surrounded by some narrow-brained lackeys. The movement ceased gradually to be a real team of good friends working on different topics, each according to his acquired academic knowledge, to become the tiny club of a guru with no other purpose that to repeat endlessly its own static patterns or, even worse, to repeat brainlessly the newly coined aggiornamenti without being conscious of the contradiction between them and the previous assertions of the guru.

 

The fears Locchi had when he contemplated the future with pessimism were about to become plain reality at the end of 1981. In November 1981 the offices of G.R.E.C.E. were a real hive of activity in order to materialize the new craze or the new Machiavellian trick, that was supposed to produce the metapolitical and final breakthrough of the movement on the French political stage. Some got the pseudo-Evolian idea to “ride the Tiger” by adopting Reaganomics or Thatcherite ideas and to smuggle stealthily de Benoist into a team of representatives of this new monetarist or neoliberal network for which a huge international conference would be organized in Paris with the support of the “FigMag”. As de Benoist would be alone among the mostly American or British monetarist or neo-conservative eggheads of the panel, his would-be Machiavellian chums thought naively that no one would have smelt a rat that the whole affair had been set up secretly by the “new right” team. So in the first days of December an international conference, under the simple and pompous title of “Alternative libérale”, had been planned. It would have hoisted boastful Benoist into a network of conservative and neo-conservative political scientists or economists; our man would gather subsequently high consideration in the wide world and wouldn’t be taken for a “fascist” or a “crypto-fascist” anymore. But the whole affair was quickly discovered. The office of “Alternative libérale” was settled in a flat belonging to de Benoist’s mother who died some months previously. The very efficient spying network of the former Trotskites turned “neoconservatives” could rapidly spot who was poorly hidden behind the flimsy set-up. But the conference rooms had been rented, folders and pamphlets printed, etc. so that the initiative couldn’t be cancelled without risking to ruin the movement! Under harsh pressure of Raymond Aron (who, just like Karl Popper, had been fawned on by Benoist some weeks before in an article of the “Figmag”), of Norman Podhoretz and of several neoconservative caucuses from America and France, de Benoist was kicked out from the conference panel like a tramp who would have lost his way in a luxury hotel along the Riviera. The conference took nevertheless place with only a panel of recycled Trotskites, neoconservatives, Thatcherites and other birds of ill omen. The lesson we should draw from this ludicrous incident is that “Mr. Nouvelle Droite” has simply no ideas of his own; he is only a poor parrot aping others’ voices: he imitated Locchi or Mohler when he pretended to be a “conservative revolutionist” in the German tradition; he imitated some others when he wanted to participate to any possible “Alternative libérale”; he imitates a bright feathered queer customer like the Swiss Jean Ziegler when he plays the role of a “New Leftist” animated by a deep concern for the alleged “Third World”; he still plays the drama character of the catacombs’ fascist when he wants to get some dosh from a reduced bunch of old chums who were former activists of “Europe Action”... He has neither personal ideas nor stable views and only looks for opportunities to be hoisted on prestigious panels or to grasp money to pay the bills of his printers. But the funniest result of all is that the “New Right” teams helped to saddle neo-liberalism on the French political stage, a neo-liberalism that was closer to its arch-enemies, the “nouveaux philosophes”, who imposed the newspeak of “political correctness” during the three last decades, excluding by the way Benoist and his “New Right” from all official panels. Who were the cheated lovers, the “cocus magnifiques”? You can easily guess…
 
When the conference of “Alternative libérale” was being prepared feverishly, Faye was puzzled and disappointed. Exactly like Michel Norey, the only member of the team who had written for “Nouvelle école” (nr. 19) an introduction to an alternative history of economics, he belonged to a completely different tradition in the history of economical ideas. This tradition is the so-called “historical school” having roots in Continental Europe, in Germany as well as in France. Guillaume Faye, Ange Sampieru and I agreed that the way out of the liberal Western mess could only be instrumentalized by some revival and updating of the intellectual assets of the “historical school”. Faye studied the works of André Grjebine and François Perroux, Sampieru discovered long before priggish de Benoist the new French anti-utilitarian movement of the M.A.U.S.S.-team as well as the authors of the “regulationist school” and I suggested in the Eighties the reading of alternative histories of economical thought in order to bring didactically some order in our friends’ minds. In December 1981 I left definitively the Parisian offices of G.R.E.C.E., while Benoist was brooding and chewing over his failure to become a star in the new Reaganized and Thatcherized world. The result of this brooding and chewing over process in “Prig Benoist’s” scattered scatter-brain, the very result of the sad cogitations of Big Failed Chief, was —I must confess— a wonderful article in the issue of “Eléments” that was dispatched in France’s kiosks in January 1982. Imitating both Spengler and Evola, he had given his long and well-balanced article the title of “Orientations pour des années décisives”, an allusion to Evola’s booklet “Orientations”, issued in the early Fifties, and to Spengler’s “Jahre der Entscheidung” (“Années décisives” in French), published as a bestseller in 1933, the year when Hitler took over power in Germany. Deeply offended because he had been kicked out of his own December plot and had missed an opportunity to become a worldwide star, Prig Benoist took positions and adopted views that were diametrically opposed to the ones usually backed by the people reading the “FigMag” or the publications of Bourgine’s press group. In his article, Prig Benoist wrote a couple of sentences that were quite easily considered as pure provocation by the people in Bourgine’s teams: “We’ll finally prefer to put on our heads Red Army caps than to finish as fat old guys eating disgusting hamburgers somewhere in a nasty Brooklyn lane”. Faye, Sampieru and I found the sentence surely provocative but amusing and very well written. The result of this whim was that Benoist was immediately kicked out of Bourgine’s glossy magazines as soon as Boss Bourgine himself could read a copy of “Orientations pour des années décisives” (Benoist nevertheless could recuperate his position as a chronicler in “Le spectacle du monde” during the first decade of the 21st century, long after Boss Bourgine’s death). It lasted only some weeks before he was also evicted from the highly considered “Ideas’ column” of the “FigMag”, but as Louis Pauwels was a chivalrous gentleman, Prig Benoist could keep the “Video column”, where he had to comment films. The apex era of the French “New Right” was over. Definitively.
 

 

The movement had no bias of “petty conservatism” or of “alternative liberalism” anymore and cultivated from now on a kind of discrete “national-bolshevism”, trying openings to non conformist left clubs, just as the German “Neue Rechte” had done till yet. Sampieru and I were delighted. In January 1982, the second period in the history of the French “New Right” started. During this interesting period of decrease in real power or real influence in the media world but of increase in intellectual maturity, the movement tried to define itself as an alternative non Western movement, heir of the anti-American Gaullist positions and of alternative non Marxist socialist thoughts (such as those of Sombart, Sorel, De Man, etc.). In 1982, the German neutralist movement became better organized and started to acquire national dimensions it hadn’t previously had. In 1981, Willy Brandt’s son Peter Brandt had already showed the way as he had revived the Prussian socialist tradition alongside a big exhibition about past Prussia in Berlin, the first of the kind that had been set up after 1945 in the German and Prussian capital. Peter Brandt and others, among them Wolfgang Venohr, coined a new left nationalism that was seducing us, in the way that it wasn’t Western-oriented anymore and took into account the former Prussian/Russian alliances of 1813 and during the time Bismarck was in office. They rediscovered also the most interesting figure of Ernst Niekisch, member of the short-lived Soviet republic of Bavaria’s government (1919) and advocate of a German-Russian alliance against the West in the Twenties and Thirties, who was sent to jail in Hitler’s time. Behind the historical recollections that exhibitions, books and essays allowed, there was a thorough political re-orientation: Germany, if it wanted to be reunified as a neutral country in Central Europe just as were Austria since the Treaty of 1955 and Finland since the special agreements with the USSR signed in 1948, had to adopt a non Westernized pattern of thought. In our eyes, the same was true for all Western-European countries.
 
1982-3-4.jpg I was the first in the New Right group to stress the importance of this new drift in European politics, as I was the only reader of Siegfried Bublies’ magazine “Wir selbst”, which was the main platform that had the real will to dispatch and popularize the new ideas. A summary of all the aspects of this important political drift at the very begin of the Eighties was published in the third issue of my magazine “Orientations” and Philippe Marceau, one of the most honest managers in the G.R.E.C.E.-team, invited me in June 1982 to hold a speech at the G.R.E.C.E. internal “Cercle Héraclite” to explain which were the fundamentals of the new German neutralist nationalism. It wasn’t easy to convince people, accustomed to NATO-ideology, to accept the new world view induced by the pacifist and neutralist movement in Germany and elsewhere in Europe.

 

When we started our bulletin “Vouloir”, we decided to transmit regularly information about what happened and was written in Germany in the wake of this renewed trend in international and national policy. We acquired the still sulphurous reputation of being “national-bolsheviks” as we refused to repeat or to take into positive consideration the usual views that the pro-NATO conservatives dispatched in the mainstream media.
 
locchi.jpgAlain de Benoist observed our activities very distrustfully but most probably due to the influence of Armin Mohler, who had established guidelines for a genuine European foreign policy in his book “Von rechts gesehen” and said that we had to bet on the “rogue states” in order to free ourselves from American mental colonisation, he accepted our views gradually. The projects for a neutral Mitteleuropa became obsolete as soon as Gorbachev proclaimed his glasnost and perestroika. We were awaiting the peaceful and gradual passage of Eastern Europe and Russia to a more gentle form of socialism, crossed with populist (narodniki) and national bias, cultivating Slavonic roots. This was of course a mistake as nothing like that happened. From 1982 to about 1987, the French New Right remained in a kind of no-man’s-land. The best publication issued in the Eighties was undoubtedly a booklet of Guillaume Faye (85 pages), “L’Occident comme déclin” (“The West as Decay”). Keep in mind the difference with Spengler: Faye doesn’t talk in his book about the decay of Western civilisation but about the West as a decay producing negative force encompassing the whole world.

This long essay is certainly the best Faye has ever written. He described the process of Westernization in the all world. The essay is written in the best French, has a considerable intellectual depth and poetic punch: the Westernization of our Planet Earth is equivalent to a dark night in which no one seems to hope anymore for a revival of the pre-Westernized pluralistic world in Europe or elsewhere. But a deep night is never eternal, concludes Faye, as there always will be a new dawn. As the anti-values producing the darkest night cannot subsist in bright daylight, the values of daylight will be completely different and will be ours, as ours are diametrically opposed to the ones producing darkness. Faye: “At the time of the triumphant rise of equalitarianism, of the victorious forward movement of the Last Man’s mentality, a regeneration of the old European consciousness would have been impossible. Today, everything changes. The Last Man is settled in power and he cannot suggest anything else than what is already there. And what exists seems not to be sufficient”. But “the first light of dawn will appear after a long time”.
 
After having read the typescript of this wonderful booklet, Alain de Benoist got into a terrible rage and threw it into the dustbin and forbade the publishing department of the movement to let it be printed. Faye was deeply offended, disappointed and utterly distraught. He expressed his helplessness in front of his comrades from Franche-Comté, who read the typescript and found it of course terrific. One of them, Patrice Sage, decided to finance a first edition of the booklet not under his own name but under the very name of the publishing department of Paris, the so-called “SEPP” (“Société d’Editions, de Presse et de Publicité”), the personnel of which had previously been forbidden by Benoist to publish the typescript. He considered this generous gesture as a “present” to the poor “SEPP”-people, who alleged not to be able to afford the task of printing, publishing and dispatching Faye’s wonderful booklet. In three weeks time, the booklet was completely sold out! I was the only guy in Belgium who could get three copies of it. Our late friend Jean-Marie Simar, who had already published other Faye typescripts like ”Europe et modernité” and “Petit Lexique du Partisan Européen” (now available in an extended English version under the title “Why We Fight”) that had also been thrown pitilessly into the trashcan by furious Prig Benoist, decided generously to finance a new edition. I told him to be careful, as the booklet had not been printed by Faye or by a one of his good friends like Sage, but officially by the SEPP, which had sold the complete bulk without having paid a penny back to Faye. I feared of course that, although the SEPP hadn’t paid a single penny for the printing and hadn’t paid any royalties to Faye, they could nevertheless sue Simar for having reprinted and commercialized a publication of their own. So I travelled to Paris with Simar to let Faye sign a regular contract with Simar’s small publishing department, called “Eurograf”. Ten days later, a new edition of Faye’s “L’Occident comme déclin” was printed. A couple of weeks later, a silly pettifogging lawyer, sent by this two-faced obnoxious miscreant Alain de Benoist, phoned me, accusing me of being the editor of the new edition of Faye’s booklet, because, he said, I was “the man doing everything in Belgium”. I answered: “You probably mean that I am the King… so you must have dialled the wrong number…”. I said that there was a contract between Faye and Simar’s Eurograf; therefore he could only sue Faye for having signed two contracts with two different publishing houses… But as Faye hadn’t actually signed a contract with the SEPP and hadn’t been paid any royalties, he was of course free to sign contracts with others as the law regulating authors’ royalties foresees it in France. Later another lawyer, who admired Faye’s productions, took up his case and dismissed the SEPP’s pettifogging goggled lawyer. This incident shows how contemptible the mentality of Benoist and his fellow travellers is.

After this farcical and nonsensical incident, the movement went through a series of crises; first, in 1985, the General Secretary Jean-Claude Cariou, a deeply honest man wholly dedicated to the movement, was sacked simply because he very politely introduced a case asking for a better salary for Faye (who earned at that time 5000 French francs, which was a far too modest salary to live decently in Paris). The forced departure of Cariou let vanish the organisation and the logistics between all the local clubs spread throughout the French territory and abroad. Second, after Cariou’s preposterous and laughable “trial” staged by Benoist’s fellows in pure Vishynsky style, the official Chairman, an international leading specialist of Indian mythology,

 

Jean Varenne, a benevolent and charming university teacher, whose relevant studies were financially supported by the UNESCO, left the movement without a single word in order to stress the deep contempt he felt. Third, Gilbert Sincyr, who replaced Cariou for a while, left the movement in order to prepare a hypothetical rebirth of it. Fourth, Faye left the movement, with the help of his now eternal chum Yann-Ber Tillenon, at the very beginning of 1987, writing to the members of GRECE a too gentle open letter, simply stating that the movement had reached its apex and that times had come to start something new. The second period in the history of the French New Right ended actually in a messy sewer in which Benoist revelled himself.

In Belgium, we had our own initiatives completely shielded from all the Parisian circus of hullabaloo and quackery. 1986 was even the best year of “EROE” (“Etudes, Recherches et Orientations Européennes”), the informal movement Jean van der Taelen and I set up in October 1983 in order to organize under one single appellation the series of conferences and speeches we intended to propose to interested people in Belgium. In 1987 we invited Guillaume Faye after he had broken with de Benoist, in order to give us a speech about the so-called “cotton language” (la langue de coton) or tone-downed “newspeak” he had theorized under the pseudonym of Pierre Barbès together with the celebrated French strategist François-Bernard Huyghe. Just one day before the meeting, which had to take place in the prestigious Brussels Hotel “Métropole”, Benoist let a quick-tempered idiot, he had previously stirred up and brainwashed, phone me to dissuade me to have further contacts with Faye. I simply answered that, first, I wasn’t the official organiser of the meeting (it was Rogelio Pete from the GRESPE-group) and, second, I wasn’t interested in personal quarrels fought by temperamental natives abroad, quite far away from Brussels, and that only interesting topics were stimulating me. “The cotton language” was one of them and therefore Pete, van der Taelen and I had invited Faye to talk about it. I had no other comments to utter, I said, and hung up.
 
The two years that followed after Faye’s departure were a kind of desert crossing for the GRECE-movement. In June 1988, I received a letter from a young lad called Charles Champetier, who wanted to purchase a complete collection of the magazines I had published (“Orientations” and “Vouloir”) till then. I immediately phoned him and we decided to see each other at a rally organized by Swiss friends some weeks later at the occasion of the Swiss national celebration, during which traditionally people light up bonfires on hills or mountain tops to commemorate the foundation act of the Swiss Confederation, i. e. the celebrated Rütli Oath. Champetier was only 18 at that time, had just been married to a sweet 16-years old girl he had met some months before at a bazaar fair and had already a beautiful baby son. We had a long conversation in Switzerland and we took the decision to meet each other in September or October in Brussels to see what could be done in the now scattered movement. Champetier published at that time a modest bulletin, whose title was “Idées” and which popularized the core ideas the GRECE had spread at the very beginning of its existence. In Brussels, he suggested to become himself a member of GRECE in order to give a new start to a movement that he admired so much: I answered that it might be a good step forward but I duly warned him that after the so many quarrels fought during the last four years the movement had become a “panier à crabes” (“a crabs’ basket”), where they all were constantly trying to cheat each other under the supervision of the cretinous twit having a voice like a foghorn, who had organised Cariou’s trial in 1985 and whom I nicknamed “Vlanparterre” (= “Wham! Again on the floor!”). Back in Paris young Charles asked to become a member of the then derelict club around moaning Prig Benoist and his barking wiseass Vlanparterre. So a new era started in the history of the core movement of the French New Right. We can call it the Champetier Era or the third period in the history of French New Right. It lasted twelve years, from the end of 1988 to the year 2000.

Champetier rightly thought that the movement needed a full refurbishing, that the core ideas had to be thought again according to new fruitful trends in philosophy (the so-called postmodernity) and sociology (the anti-utilitarian movement in economics and sociology, that had been discovered by Sampieru five or six years before). His first model was Marinetti’s Italian futurism, which had the will to sweep the world of thoughts and art from all the petty, useless and preposterous pseudo-embellishments the Biedermeier or bourgeois mentality of the 19th Century had added to Italian and European culture in general. Along similar lines, Champetier wanted to get rid of some boring ritornellos (“ritournelles”) of the movement’s old guard and to wipe out of European culture all the ideological rests of a broadly bad understood Enlightenment.
 
9783050045337.jpgHe invited me in June 1989 to talk about postmodernity, not in the usual way that prevailed in the end, i. e. the postmodern trend that leads downhill to more vulgar permissiveness and degenerated festivism (Philippe Muray), but in a way that had been suggested by the real and true old guru of the European New Right, who was Dr. Armin Mohler; he had read an excellent book on postmodernity, the only one I find worth reading on this topic even after so many years: Wolfgang Welsch’ “Unsere postmoderne Moderne” (“Our Postmodern Modernity”), published in 1988. In a didactical short essay in Caspar von Schrenck-Notzing’s magazine “Criticon”, Mohler delineated the reasons, our own reasons, to believe that postmodernity meant simultaneously the end of the eudemonist Enlightenment’s projects and febrile political schemes that had lead Europe politically and biologically to decay. Postmodernity meant going beyond the modern general project, as many avant-garde artists like for instance the dadaists and surrealists as well as the new traditionalists (like Guénon and Evola) wanted to surpass modern times. Ten months later, Champetier organised a conference about futurism, to which he invited Jean-Marc Vivenza and late philosopher and alpinist Omar Vecchio (who died some ten years later climbing a high peak in the Himalayas). Champetier gave also a new punch to the good habit to organise Summer Courses, that had been abandoned in 1987 and 1988. He created a kind of substructure called “Nouvelle Droite Jeunesse” (NDJ or “New Right Youth”), which attracted some new people and launched a new dynamic.
 
During three years I participated to the activities dynamically promoted by Champetier and was happy that things were still going on despite the departure of Faye. These happy times lasted till 1992. During these three years I committed, without being really conscious of it, an all array of terrible frightful sins. I did too much. I met too many people. I talked to a lot of old friends, who could have been seduced by my way of working and could perhaps think of financing my activities... I was reproached three articles: the one on Welsch’ book on postmodernity, an article asking to investigate the case of French Right (“Il faut instruire le procès des droites”) and the script of my speech in Italy during a conference set up in February 1991 by Dr. Marco Tarchi and Dr. Alessandro Campi in Perugia. I was also blamed for having written several articles in Michel Schneider’s new magazine “Nationalisme & République”, as, of course, I had been forbidden to write again for “Nouvelle école” and “Eléments”, two game areas reserved in all exclusiveness for the personal essays of Big Prig Guru and for the good boys who obsequiously and childishly venerated him. And worst of all other sins, I had been hired by Prof. Jean-François Mattéi to cooperate in a Presses Universitaires de France’s project to publish an “Encyclopédie des Oeuvres philosophiques”; my task was to write short didactical essays and establish bibliographies on mainly German Romantic or Conservative philosophers and on geopoliticians (as the scope was at that time to broaden the area of “philosophicité” and to include some non philosophers in the formerly exclusive realm of pure philosophy). Big Prig Guru was in rage because he personally hadn’t been hired by Prof. Mattéi simply because he couldn’t be hired as he has no diploma at all neither of a secondary school nor of a university. This doesn’t mean anything essential as so many educated idiots circulate around the world but for a University foundation such as the venerable PUF a sheepskin is inevitably compulsory.
 
brylcreem rood 150ml 2.25.jpgSince the very day he heard about it, he started to hate me from the deepest corners of his nicotinized guts, like he most probably had hated in the same way many other guys before, as Locchi or Faye. The effects of this hatred was of course more funny than tragic. When I paid my monthly visits to Paris after the PUF incident, I could immediately notice a changing of attitude by Charles Champetier and by a newcomer, Arnaud Guyot-Jeannin (nicknamed “Jeannot Toto-Lapin”), a funny-looking Brylcreem guy, who hadn’t obviously benefited from a real school education and was permanently uttering slogans and blueprints in a Frenchy arrogant authoritarian sharp abrupt voice but with a good measure of anxious nervousness, that was impossible for him to conceal, and with trembling and soggy hands, all features which would have made of him a good character for a Louis de Funès’ film. Champetier and Toto-Lapin were friendly at the beginning but as their brainwashing was going on with huge portions of venomous gossip, they lost, the poor, all humour and, worst of all, smiles were wiped out from their young still adolescent faces. During the short meetings in Parisian cafés, I had the impression to meet angry taxmen or atrabilious inspectors of I don’t know what. I used to dispatch during such informal meetings the new issues of “Vouloir” or “Orientations”: these were certainly welcomed till begin 1991 but afterwards, they all sulked when I handed over the issues. I remember one day Champetier saying in a low disregarding voice, “again an article on geopolitics – geopolitics doesn’t exist…”. And I answered: “Well, my dear, you may of course say that politics, in the usual trivial sense of the word (and not “the political” in the sense coined by Carl Schmitt and Julien Freund), is irrelevant but if you say that “geo”, id est “Gaia”, the Greek goddess symbolizing our good old Earth, doesn’t exist, it would mean that you are in a permanent state of levitation, what I can observe in a certain way in your behaviour and read in your scriptures…”. Spoilt sour by his Master’s gossip as he had become, Champetier was upset by my ironical answer and started in his turn to cultivate a dark kind of Tshandala’s hatred and rancorous resentment against my poor naturally easy-going person.

Some weeks after this short but significant incident, I once more sat together with Philippe-Nicolas Bresnu just before lunchtime at a nice Parisian terrasse for the same purpose of dispatching the magazines and Toto-Lapin came half a hour later to have the noon meal with us and to pick up the publications. He was very angry, ill-willy, and looked at us with big disapproving eyes, even before we had uttered a single word, and suddenly after some nonsensical and low-voiced babbled sentences, he shouted in the middle of the pub, next to the astonished other guests, “Alain de Benoist is the greatest philosopher of the 20th Century!”. “Maybe” answered Bresnu ironically, “but what about Heidegger then…?”. Toto-Lapin: “He has only paved the way for Alain de Benoist…”. We both burst out laughing and Toto-Lapin’s rage become even more funny as he repeated mechanically like a clockwork parrot what he had asserted while a poor fly landed on a tuft of hair on his forehead and couldn’t fly away anymore, as the frail insect was glued in the thick lay of gomina argentina our Benoistian superfreak conscientiously smeared his hair with every morning before leaving his luxury flat of the well-off suburb of Neuilly.
 
More and more nervous, Toto-Lapin went ahead shouting his usual nonsense as the fly was flapping its wings in a desperate attempt to leave the messy gum in which its many legs were perilously locked up. All the utterances of Toto-Lapin were punctuated by the buzzing noise of the poor bogged bug’s wings.
 

fly-trapped-on-sticky-paper.jpg

 
Bresnu, many others and myself thought it was high time to leave this ambulant lunatic asylum, where no sensible conversation was possible and where no clever and witty guys could be found anymore, except if you would have got the idea of setting up a vaudeville or a remake of Molière’s “Précieuses ridicules”. The definite break took place in December 1992, as I explained it previously in this interview. So the third period in the history of the French New Right continued till the thankless and ungrateful thrust out of poor zealot Champetier himself at the end of the year 2000, after his twelve long years of loyal duty, more, after having sacrificed his best youth years for the worshipping service of his Master (he had written just before his eviction: “No, no, He’s not my Master, He is my friend, my Marx” – besides, why Marx? And not Christ? Or was Champetier at that time of his young years cut out to be a new Lenin?). Champetier started a new career in some scientific magazines (like “Bio-Sciences”), dealing with the popularization of biological thought, in a kind of organic futurist perspective, which was absolutely not preposterous and potentially fruitful. This hidden life of post-New Right Champetier lasted till 2005-2006; after this period of independent autonomous metapolitical action, he worked professionally together with another former collaborator of Benoist, who had also left the movement, despite a key position he had held in the journal “Krisis”, also lead by Benoist since the end of the Eighties. Champetier had hoped that “Eléments” would have supported his new post-Grecist activities by commenting or reviewing his articles or essays. Not a single word was ever printed in Benoist’s magazines to help promoting Champetier’s editorial or internet activities after his departure: another proof that Chief Prig is a real malevolent and ungrateful bloke.
 
From the very day Champetier left the “cockpit” of the GRECE-movement, we can talk about a fourth period, the Post-Champetierite era, around the sole egomania of the “lider ridiculo”. The start of a fifth period could possibly be stated since the end of 2010, when things were taken over by an apparently intelligent young fellow, Pascal Eysseric, who, according to some rumours, would have Russian roots. The issues of “Eléments” under his supervision seem to be better balanced, even if they have now absolutely no impact on the “French Intellectual Landscape” (= “PIF or “Paysage Intellectuel Français”). But wait and see: how long will this apparently clever guy be able to serve in Benoist’s scaramouch troop? Is a plot against him already fabricated behind the stage by bad old geek Vlanparterre? Will he sacrifice twelve years of his healthy and vigorous youth, like the former yesman Champetier, before being pitilessly fired? When will he write down the excellent essay that will make Chief Prig angry and rancorous? The problem with efficient young managers is that they mostly ignore the sad past of a club or a company when they take it over, thinking that they are going to heal it from a transient disease, that is in fact not temporary but chronic with outbursts after apparent respites like by a patient suffering from malaria.

 

During the Champetier’s era, Pierre Vial founded the “Terre & Peuple” club in the Nineties, that in its initial phases was ruled like a kind of think tank within Le Pen’s “Front National”. As we weren’t French citizens and as we didn’t want to start a political movement in Belgium akin to the French FN or to become the representatives of a party being dominantly of “Old Right” signature, we didn’t join nor pay any attention to it. It’s only after the break between Vial and Le Pen that we started to be more interested in this new initiative born out of Vial’s mind, another historical figure of the French New Right. We all must admit now that “Terre & Peuple” has reached its full maturity, by publishing excellent articles about American imperialism and about globalization and plutocracy. Nowadays as a regularly published magazine, that you can buy at any newsagent’s shop as well in France as in Belgium, you only have Dominique Venner’s “Nouvelle Revue d’Histoire”. On the other hand, the people having founded the “Club de l’Horloge” in 1977-1978 run now under the supervision of Jean-Yves Le Gallou a very interesting website: http://www.polemia.com/. Yvan Blot too, a former leading figure of the “Club de l’Horloge”, runs several websites from which you can download interesting articles interpreting European political history according to the general Ancient Greek guidelines coined 500 years B.C. at the so-called “Axis period” of history (the phrase “Axis period” —Achsenzeit— was coined by the German philosopher Karl Jaspers and has been resumed nowadays by the Irish-British historian of religion Karen Armstrong, who developed and broadened the idea in her excellent book “The Great Transformation”; Dr. Armin Mohler called the German “Konservative Revolution” a kind of “Axis Time” in the history of European political thought as it had been influenced by Nietzsche during the decades between 1890 and 1930.
 
It’s nevertheless a pity that the core movement that started the “New Right” as such in France isn’t manned anymore by younger people of several generations having been recruited during the four or five decades of the history of the movement. All younger people have been ruled out, and the new young people will inevitably be ruled out when time will come, a deeply diseased system which will condemn the movement to a silent disappearing within the next fifteen years. Pascal Eysseric won’t be able of course to find back all those who have been kicked out and won’t be able either to recruit a sufficient mass of new people as the mainstream media keep now totally silent about the core group of New Right in France.
 
Let us now examine the “New Right” initiatives outside France. In Germany, when I started to investigate the scene, it was dominated by three giant figures: Armin Mohler (former secretary of Ernst Jünger), Baron Caspar von Schrenck-Notzing (editor of “Criticon”) and Gerd-Klaus Kaltenbrunner. Mohler wrote for “Criticon”, which was a magazine devoted to all possible currents in the so-called German conservative stream and in which Mohler could take a third of all pages to set out his ideas of an “existentialist-vitalist” New Right that wasn’t exactly on the same line as the bio-humanist views explained by Günther Bartsch. Kaltenbrunner wrote especially biographies and thematic essays for widespread collections of small books like “Herderbücherei Initiative”. Later, Kaltenbrunner’s essays were published in many different volumes. Next to these three giant figures, we had the Hamburg group around the simply produced magazine “Junges Forum” of Heinz-Dieter Hansen, mainly interested in people’s liberation movements in Western and Eastern Europe. In Munich, Hans-Dieter Sander published “Staatsbriefe”, with lots of articles about Russia from Wolfgang Strauss, before this former Gulag’s convict ceased all activities due to age and illness. In Northern Germany, Bernhard Wintzek published the monthly “Mut” with many articles of Gerd-Klaus Kaltenbrunner. During the two last decades, Dieter Stein, who at the very beginning of his career, published a small DINA5-bulletin in a small town in South-Western Germany, managed to develop it at giant scale and so to create the now prestigious weekly paper “Junge Freiheit” based in Berlin. To replace “Criticon” after the passing away of Baron Caspar von Schrenck-Notzing, the historian and theologian Dr. Karlheinz Weissmann, author of many interesting books around the so-called “Konservative Revolution” or around several other historical topics, launched the new high level magazine “Sezession”, together with a former officer of the scout armoured cars of the West-German army, Götz Kubitschek, and his wife Ellen Kositza. Their activities are coordinated by an “Institut für Staatspolitik”, organising one or two prestigious courses and conferences each year. There are also many other activities in Germany, especially the publication of many books around topics linked to the wide realm of “conservative-revolutionnist” ideas.
 
In Austria the many activities were of course linked to the German scene but the magazine of the Students’ “Burschenschaften”, “Aula”, gives us still a more genuine Austrian view on the usual topics. It is mainly through the Students’ movement that we got in touch with Austrian friends. A group of them came each time we organized seminars in the Flemish village of Munkzwalm. Genuine friendship was born. Then a group around Jürgen Hatzenbichler came to the French Summer courses in Roquefavour. Hatzenbichler, together with Selena Wolf, had created the small magazine “Identität”, in which ideas of the New Right were spread. Hatzenbichler unfortunately changed his mind and became a leftist activist; I cannot explain which were his motivations for such a switch as I lost all tracks of this very sympathetic young man, who explained me during our last phone conversation that he could observe from the window of his study a short but heavy fight along the Austrian-Yugoslavian border in 1992: a tank of the Federal Yugoslavian Army attacked a customs office held by Slovenian militiamen, who fired antitank rockets as retaliation, causing the complete destruction of the small building.
 
me.pngIn this duty free customs office, Hatzenbichler used to buy his cigarettes every day. Due to the successes of the national-liberal party first lead by Jörg Haider and later by Hans-Christian Strache the Austrian scene became much more politicized than elsewhere in Western Europe. Most activities take place around the weekly paper “zur Zeit”, which was at the beginning an Austrian version of Stein’s “Junge Freiheit”. The magazine is now lead by Andreas Mölzer, an elected Member of the European Parliament. To be complete we also have to mention the excellent magazine “Neue Ordnung” published by Mag. Wolfgang Dvorak-Stocker, leader of the well-known publishing house “Stocker Verlag”. Due to the fact that Austria has been officially a neutral country since the Treaty of 1955, the views expressed by their publications are not Atlanticist but genuinely European and “neutral”, which could be a model for similar Western political parties. Till yet it has not been the case.
 
In Italy you had and still have a well working “New Right” club under the leading of Dr. Marco Tarchi, a political scientist from Firenze. Even if he would deny it now, as he became some years ago a distinguished and established professor, Tarchi owns his genuine way of working to the political activist Pino Rauti, who died at the end of 2012.

 

Rauti had volunteered in Mussolini’s Social Republican Army, was taken prisoner in Northern Italy after the German-Italian collapse in Spring 1945, almost escaped being shot by communist partisans when British paratroopers evacuated the Fascist prisoners, sent them subsequently to camps in French Northern Africa in order to select a good deal of them who could be eventually sent to Australia to be settled in the Western half desertified regions around the present-day town of Perth. Once liberated, Rauti and two friends, who didn’t want to settle in the hottest, driest and snakes infected regions of British Australia, reached Rome where they sang too loudly some patriotic songs in the streets, songs of the RSI that had of course be banned by the new government. They were sent for a couple of weeks to the Maria Coeli jail, where they found books of Julius Evola: the three fresh liberated RSI-Army comrades were immediately fascinated by the philosopher’s ideas and decided on the spot to pay a visit to him, once they would leave the Maria Coeli clink. When they rang the bell at Evola’s door along the Corso Vittorio Emmanuele, the Austrian servant told them that her master was still being cured in a hospital in Bologna, after a wall crumbled down and broke his spine during the siege of the Imperial City of Vienna by Soviet troops, making a cripple of the gallant former officer, alpinist and diplomat. They immediately rushed to Bologna and when they arrived, Evola had been sent back to his home in Rome. Finally they decided to resume political and metapolitical activities, a decision that lead, at least for Rauti to the foundation of the movement “Ordine Nuovo” in the Fifties (which was banned and sued by the Italian State) and later the weekly paper “Linea”. We received copies of “Linea” in Brussels and I could, as a very young man, observe that the cultural pages of the paper were indeed of the highest possible quality.

Tarchi belonged obviously to the Rauti’s branch of the so-called “Italian Social Movement” and decided first to develop more genuinely the satirical press of the movement and the metapolitical activities within its frames. By publishing the really “politically incorrect” satirical magazine “La Voce della fogna” (“The Sewer’s Voice”), Tarchi attracted the more radical activists. It was the “Sewer’s Voice” simply because the French artist and activist Jack Marchal created the famous comic figures of the

 

“Black Rats”, dwelling in sewers, after having imitated the Belgian anti-fascist cartoonist Raymond Macherot who created bad guys characters in the shape of angry rats, also dwelling in underground drains. Marchal’s “Black Rats” became a craze among “radical right” groups in the late Seventies and Tarchi adopted them and introduced these characters in his “Voce della fogna”, so that almost every staunch right-wing activist identified with the sinister and giggling “Black Rats” (a Swiss equivalent of “La Voce della fogna” was also published in Geneva under the title “Le Rat Noir”). But by starting his highly learned magazine for book reviews and philosophical comments, “Diorama letterario”, he attracted also the best intellectuals. “Diorama letterario” as well as “Trasgressioni” (with deep-thought essays) are still published in Italy nowadays. If there is a person incarnating “New Right” in its best form in Europe, it is undoubtedly Tarchi, as he is a genuine political scientist of high level, duly acknowledged by academic caucuses, whose studies are penetrating and extensive. More, Tarchi’s printed productions are the only ones in the New Right realm to appear regularly, just like Venner’s “Nouvelle revue d’histoire”. The Italian New Right, under the supervision of Tarchi, is a well-oiled machine: if the trains arrived on time in Mussolini’s Fascist State, publications are similarly issued in time in Tarchi’s own “New Right” preserve. The exact contrary of Prig Benoist’s and Vlanparterre’s erratic publishing policy in Paris.

But there is something pitiful in Tarchi’s person and activities: he is totally under the silly influence of Benoist, although he is a far more brilliant thinker and analyst and also a better manager of his publishing house. He surely belongs to an Italian tradition in political sciences, early born in the 16th century with Machiavelli and perpetuated by other high figures like Mosca or Pareto. When Tarchi worked in tandem with another political scientist from his home City of Firenze, Dr. Alessandro Campi, and when they published together the seven or eight wonderful issues of “Futuro Presente” —a perfect clone journal of Benoist’s “Nouvelle école”, what concerns the lay-out at least, the rest of the essays printed were genuinely original— they really reached an apex in the history of the Italian New Right. I take the opportunity here to thank once again Dr. Tarchi for the excellent and accurate translations he made of my own texts and those of my friends, and that appeared till 1993 in “Diorama letterario” or “Trasgressioni”.
 
But now I feel compelled to add some “venenum in cauda” in order to remain fully objective in my narration of the New Right avatars. I’ve just said that I considered and still consider Tarchi as far more brilliant than Benoist, so that I cannot understand his slavish submission in front of his Parisian shabby master. When I decided to leave definitively the GRECE-movement end 1992, I received some weeks later a furious, stupid and childish letter from Dr. Campi, who didn’t really know me personally, accusing me of being something like a naughty heretic for having had a cheek to abandon Prig Benoist and for allegedly plotting against the Lord of the New Right flies (maybe those very bugs that are attracted by Toto-Lapin’s gomina argentina…).

 

Therefore, in the paranoid crazy logic of the sectarian Benoist’s fan club, I had to be punished: I won’t receive review copies of “Diorama letterario” and “Trasgressioni” anymore and my articles as well as all the ones that I translated from German or from Dutch wouldn’t be translated into Italian anymore; and I was also forbidden to translate Tarchi’s or Campi’s articles. Obeying like a good drilled mutt, the prick-and-boobs trash creams seller from Antwerp, about whom I’m going to talk next, did exactly the same but without writing a letter… The old Flemish dumbbellified wacko knew pretty well that I could have translated and published it with the best polished sarcastic comments. Campi and Tarchi were in fact shooting in their own feet: no one in the Benoist’s silly small club was ever able to translate their own texts and their Italian readers were from then on definitively bereft of articles from Germany or elsewhere and subsequently fed up like fattened up geese, whose fat liver is a real “délicatesse” (with onion jam!), with Benoist’s and Champetier’s abstruse productions, which are of course inedible. Of the considerable amount of reviews, articles and essays of Tarchi, only one short interview of him was taken over and printed in an issue of Benoist’s “Eléments” and that single poor miserable translation was made in a period of more than twenty years! That’s what happens when you recruit tinkers, umbrellas’ repairers, parrots’ breeders, Parisian slappers who wipe the stinking shit off their babies’ bottom at the back of the conference room while Benoist and Champetier are explaining their sophisticated strategies in front of the assembled members!

Tarchi is obviously a high learned man, whose deep knowledge in political sciences I respect, but I must objectively add that he behaves nevertheless in a quite bizarre way in everyday life. Always dressed up with a sad lightless blue blazer and a white shirt, never forgetting his eternal dark and dull tie, he looks really like a stuffed up unbearable egghead or as a lugubrious funeral director. These outfits of him are worn in all circumstances, even in the hottest Mediterranean summers. One day, I decided with some other participants to the 1990 summer course in Provence to have a walk in the mountains surrounding the mansion, where we stayed, in order to catch a glimpse at the superstructure of the fantastic aqueduct that you can find at the back of the mansion’s park and to climb high enough along small stony paths to be able to see the celebrated “Montagne Sainte Victoire” near Aix-en-Provence and the blue water of the Mediterranean. To be able to perform this rather easy sports activity, you need of course to wear some comfortable casuals and shoes and have a solid canvas belt to fix your water flask, as you cannot walk under the hot sun of August in Provence without taking some water with you.
 
180px-Gourde_de_l'armée_française.pngTarchi was upset and scandalized to see me in casuals (i. e. a mustard-yellow T-shirt and linen trousers!) and with a water flask! He made me some disapproving remarks in a 19th Century schoolmaster’s tone, adding that I looked too “military”, because of the flask (which was nevertheless very “civilian”-looking) and because of the canvas and sack-cloth boots of sand colour. From then on, after having shortly observed the sweat-drenched white shirt and the ugly rumpled tie of our dear Italian professor and after having stated once more his poor derelict appearance of a weak puny little thing, who was unable to understand our Zarathustra’s desire to climb higher and higher, I got the conviction that some screws were loose in his professor’s skull and that he had definitively a monotonously buzzing bee in his bonnet. Since January 1993, I have never heard of him anymore. Poor chap! Reality for him is quite narrow, just reduced to library walls, and beautiful nature and landscapes are banned from his dreary existence. His lungs are only breathing books dust (according to some visitors, his books are among his toys and his childhood’s Mickey Mouse/Topolino dolls in his parents’ house, where he still lived in the early Nineties…) and not, for instance, the wonderful lavender smell of the Provençal countryside.

In Spain many activities took place firstly under the supervision of journalist and author J. J. Esparza, who founded the journals “Punto y Coma” and “Hesperides”, together with a group of other comrades. These journals were all excellent and I let translate some of the most brilliant articles for my own publications. J. J. Esparza is a celebrity now in Spain as he is the author of two best-sellers: “La gran aventura del Reino de Asturias – Así empezó la Reconquista” (Esfera de los libros, Madrid, 2010) and “Moros y Cristianos – La gran aventura de la España medieval” (Esfera de los libros, Madrid, 2011). These two books are now the myth giving texts to remember all Spaniards the very core of their history, i. e. a strong will to resist and survive, even against a giant power as the Muslim world was one in the 8th and 9th centuries: history is born out of the spirit of people who never capitulate. Esparza didn’t follow the bad path some of the French New Rightists took in venerating everything that is Non European or Muslim while developing a kind of self-hate or “oikophobia”, as it is said now to stigmatize this attitude among European politicians to invent laws and rules to

 

crush patriots or to forbid or limit the celebration of European festivals like Christmas or Carnival because this could offend people having one day come from all possible alien continents. Simultaneously the same politicians spend huge amount of the taxpayers’ money to stimulate the celebration of the most strange and weird festivals of foreign folks or to sponsor new ridiculous festivities among which you can include the well-known “Gay Prides” that Serbians and Russians loath in the name of Orthodox decency. Among all those who were active in the frame of the old New Right of the Eighties, Esparza didn’t become an “oikophobic” traitor like many others. Esparza wrote also books to criticize the domination of television in the Western way of life (“Informe sobre la televisión – El invento del Maligno”, Criterio Libros, Madrid, 2001). He participated also to collective initiatives aiming at destroying the persistent myths of the Spanish and international Left, that were born during the Spanish Civil War of 1936-1939 and are still conveyed by the present-day left, which they now call the “Zapaterismo”. In this respect, Esparza was the editor of “El libro negro de la izquierda española” (Chronica, Madrid, 2011; “The Black Book of the Spanish Left”). As a brilliant hispanist, you should take all those ideas and books into consideration if you want to develop an original Russian New Right. Esparza’s life is the true story of a metapolitical success.

During the nine months I worked in Paris as a secretary of “Nouvelle école”, I had quite often the pleasure to meet for dinner Jaime Nogueira Pinto, who was the editor of “Futuro Presente”. After my stay in Paris, I’ve never heard of him anymore, what I regret it sincerely. Later, a Portuguese group belonged to “Synergies Européennes”, participated actively to all summer courses and published a magazine “Sinergeias Europeias”, before founding a publishing house in Lisbon. Nowadays the former leader of the “Terre & Peuple” antenna in Portugal, Mr. Duarte Branquino, runs a popular satirical paper “O Diabo”, that you can find at every newsagent’s shop in Portugal, and  animates  several websites like “Pena e Espada”  while other animate another important site “Legio Victrix”, which posts many  translation from French, Spanish, Italian and English.

Two weeks before I left Brussels to go to Paris to work for “Nouvelle école” in March 1981, I had received a letter from Michael Walker who was about to launch his magazine “The Scorpion” the first issues had as title the “National  Democrat”). Walker was living in Berlin at that time and earned his life as an English teacher by Berlitz. Next to a Canadian friend, Paul Thomson, he was the very first man to pay me a visit at my new office in Paris. We immediately planned common activities and I participated several times, even once as the chairman, to his annual conferences in London. Michael with some friends of him had founded a club called IONA, which was quite active in the British capital in the Eighties. He and his friends came also to Brussels or elsewhere in Belgium to address meetings and I had often the opportunity to meet him in France too. After I left Benoist’s Parisian circus, I learned one hot summer day about a stay of Michael Walker in the Provençal mansion where the movement’s members regularly met. Flemish and French friends, who told me about everything that happened there during the summer courses, told me Michael had had a lot of fun during his stay over there and described me one of his funniest and most mischievous misadventures. I wanted to talk Michael more about this joyful summer course and to invite him to further activities that I planned for the next autumn. When I phoned, he was very surprised that I knew everything that had happened in Roquefavour during the summer course and he reacted in a quite bizarre way, as no one has ever heard about him in New Right clubs after that… There was absolutely no reason to disappear like that, as Michael did exactly what a German friend of Hatzenbichler did one or two years before. I deeply regret not to hear anything more from Michael. Life is sometimes quite cruel. And as far as I know, “The Scorpion” isn’t published anymore and Michael has no webpage.
 
Personally I wouldn’t say that I actually and mentally belong to the New Right, especially if you mean the French branch of it. I always felt myself as a stranger in their hectic and often pathological surrounding. It is mainly due to the fact that the Belgian and French political and ideological systems are thoroughly different and that you cannot import purely and simply a French system into Belgian reality, be they Flemish or Walloon. I had thought of course that as an atypical and a wilful European movement, at least in its declared intentions, the French New Right could have been a springboard to develop a genuine Paneuropean movement, i. e. a rallying movement for all those who wanted to rediscover and reactivate their deepest roots in all the countries whose populations were from European kinship. I was very often disappointed. I remember having invited in 1982 at my place in Wezembeek-Oppem people from all parts of Belgium as well as the main members from the Lille GRECE-group in order to try to cooperate pragmatically as closely as possible, for instance by organising common conferences, by inviting the same speakers in all of the main cities in Flanders, Wallonia and in the two “départements” of Nord and Pas-de-Calais in order to maximise the impact of the texts producing people we had among us. First, the stupid, stultified and uneducated (at that time… he got a diploma for a quite good end paper two decades later when he was almost 60…) leader of the Flemish group in Antwerp, a clumsy worshipper of Big Prig Benoist, refused to come as he stubbornly refused to be anything else but the true, only and main vicar of his venerated Chief in our provinces, as he claimed he alone had the right —because once upon a time he became a rich man by selling Swedish miracle powders to get wonderful erections or wonder creams to get big boobs— to invite people to common meetings. Second, another totally uneducated tosspot, who also foolishly venerated Big Prig and was officially the head of the Lille “GRECE-regional unit”, wanted to control all the cities where conferences and speeches would have been held in French under the name of “Fédération Nord” of which he would have been the almighty chairman. By saying “Fédération Nord” he upset a representative of the Liège-group, a Walloon university teacher who asked spontaneously an ironical question: “Why a “Fédération Nord”? From which entity are we a Northern part?”. He then said that we could say in Belgium to be a part of the Southern provinces of the former United Kingdom of the Netherlands (1815-1831) or the Far-Western-Middle part of the former Holy Roman Empire of the German Nation or, especially in Liège, the very middle part of the Carolingian core of the early medieval Austrasian entity or a remote province of the Austrian Hapsburg Empire of the 18th Century. But in no case a new “Northern” appendix of a French Republic centred on the City of Paris. This incident will in the aftermath astonish many neutral Flemish observers, accustomed to discover views in the Flemish movement and literature that were opposed to any unique French tutelage: it was a genuine Walloon from Liège —whose direct ancestor survived after having been run over by the Platev’s cossacks the crowd in Verviers acclaimed as the liberators who repelled Napoleon’s troops— who opposed a total French control on the New Right circles in the Low Countries and not the Flemish alleged leader, who slavishly venerated his Parisian master and later retired somewhere in a lost village in France maybe to have more opportunities to kiss his Master’s hands and feet in an act of total devotion. He should have become now an innkeeper in a kind of Gaulish “middle-of-nowhere-hamlet”. Many Flemish nationalist thinkers have complained during almost a century that the common Flemish people often have had in history a slavish mentality in front of French-speaking bosses. This was also true in the main club of the Flemish New Right in the Eighties of the 20th Century, a club exhibiting proudly the GRECE-logo on the front page of all its publications, signalling an actual and total dependence from the initial French club. But the Antwerpian fathead’s refusal to work closely with us prevented the systematic translation of the Dutch texts into French or into other languages: the Dutch and Flemish authors worked subsequently for a narrower audience instead of having the opportunity to participate to a wider discussion forum spread throughout Europe and the world. Narrow brains always produce narrow things.
 
We had decided after this meeting 1) not to become dependent of the Parisian entity, 2) to accept a common New Right initiative only if voices from France, Germany and Italy and from other minor countries were heard equally and benevolently as emanating from a college of pairs and not dominated by the Parisian team around Prig Chief, 3) to reject the appellation of “New Right” as it was totally inadequate in Belgium where the word “right” had completely disappeared from the political vocabulary and had also not very often been used. To judge critically political matters and to suggest new policies like a shadow cabinet would do, the French New Right offered almost no intellectual instruments as Belgian political life is structured in a completely other way. It would have been better to popularize the Italian matters and topics about partitocracy and political corruption as the Italian political stage is more like the Belgian, Austrian and German ones. But the fathead, who sold prick-and-boobs powders and creams in Antwerp, rejected the idea as, you know, he is a kind of Northern Viking genius (his powders and creams were Swedish, weren’t they?), even if he has only the poor narrow shoulders and the half beard without moustache of a derelict Mennonite clergyman (so that he couldn’t defend himself, just one day before his second wedding party, when he came out of a shop selling cheap china dishes…); he would have lost his imaginary rank and title and his alleged “Northerness” if he would have read, translated and dispatched mean Italian/Latin texts and books. The result of this cretinous behaviour is that the Flemish political identitarian movements and parties, that got lots of votes in the Nineties and till 2004, were never really prepared on intellectual level to face the dominating partitocracy and couldn’t crack it as Berlusconi (Forza Italia), Fini (Allianza Nazionale) and Bossi (Lega Nord) did it partly with the assent of a good deal of the population in the Nineties in Italy (the operation “Clean Hands” or “Mani pulite”). The new Italian triumvirate of the early Nineties could achieve the job and largely discredit patritocracy because they had behind themselves teams of political scientists perfectly drilled in thoroughly criticizing a corrupt plural partitocracy and able to suggest practical solutions (see Gianfranco Miglio’s book “Come cambiare” that I let summarize for “Vouloir” in January 1993). One more metapolitical struggle that has been lost by the historical “benoistian” New Right…
 
So, if you consider yourself to be members of a imaginary world movement called “New Right” or not, I don’t really care. The important thing for you is to start a revival of the Narodniki ideas in an actualized way and to remember that the phrase “conservative revolution” was first coined in Russia by Youri Samarin and F. Dmitriev in 1875 in a short essay “Revoliutsionny konservatism”. Before this essay was written, the phrases “conservative revolution” or “revolutionist conservatism” in Germany had only been quoted without having been properly defined. It’s up to you to table on this very Russian heritage. Besides, one should never forget this sentence once written by Dieter Stein: “The notion of ‘New Right’ can arbitrarily be filled by any possible contents, can be stretched or slackened in all possible directions like chewing gum, so that malevolent people can suspect (of “fascism” or of any other odd feelings) everything and/or everyone linked at random to it” (“Auflösung eines Begriffs”, in: “Junge Freiheit”, nr. 30/2003).

Do you consider Alain de Benoist as belonging to the New Right or to the New Left? Explain your answer…

Well, he belongs historically and obviously to the New Right as he is generally considered as one of the main founding fathers of the movement or as the sole representative of it after all the memorable quarrels that tarnished the four or five decades long history of the movement. But all know that Benoist is unhappy with the appellation of “New Right”, that was first given to his movement by the French weekly magazine “Le Nouvel Observateur” in 1979, as malevolent journalists often equate “New Right” and “Extreme Right” or even “Fascism”, in order to wipe out all the potential innovations that a reappraisal of repressed or forgotten ideas would soon arouse and subsequently suggest other solutions to present-day affairs. In the French context, the purpose was of course to prevent the emerging of any possible challenging intellectual club, that could possibly ruin the established metapolitcal power acquired by the “nouveaux philosophes” in all the French mainstream medias. These “nouveaux philosophes” around people like Bernard-Henri Lévy or André Glucksmann were certainly former leftists or even Maoist thinkers or Trotskite intellectuals and had therefore a genuine “left” label, even if they never cared really about the actual problems of the French working class; they developed during the four last decades a kind of new ideological blend made of
1)     anti-communism (by communism they meant the USSR as a state and a superpower —a “panzercommunist” main power on the chessboard as they used to say— and the French PCF as a possible anti-American force next to the nationalist Gaullists) and of
2)     American neo-conservatism, exactly as the current neo-cons in the United States were in former times mainly Trotskite intellectuals of the East Coast who turned conservative shortly before Reagan took over power in Washington D.C.
 
 
The dominant ideology in the West, exported by the many NGO’s everywhere in the world, is now this very mix of
1)     disguised Trotskite revolutionism (where the “permanent war” waged in the area of the “Great Middle East” and elsewehre replaces the hoped “permanent world revolution” coined in the Thirties by Trotsky), of
2)     neo-conservatism, of
3)     anti-communism, of
4)     neo-liberalism as the most useful and efficient tool to globalize the world economy and of
5)     left-overs of the typical religious puritanism of the protestant “dissidents” of 17th Century British zealots expelled from England and sent on ships like the Mayflower to America to found there a “New Jerusalem” according to their cock-and-bull Biblical views.
 
This puritanical protestantism remains the core ideology of the United States (what some observers call the “American theocracy”) and are responsible for all the eager fanaticism under “democratic” or “liberal” disguises that the US produced during recent history and that outbalanced the traditional way of practicing diplomacy. It also explains why the United States are the best allies of the worst Wahhabite islamists in parts of the world like Libya, Chechnya or Syria. There is a global plot of all the most obscure fundamentalists against all normal political conditions in the world, as they have been derived from Aristoteles’ philosophy in the Catholic, Byzantine-Orthodox and Islamic (Ottomanic and Persian) civilisational realms. Against Aristotelician political and pagan realism, Puritans of dissident Protestant provenience, Wahhabite Muslims, Jewish zealots and Trotskite chaotic revolutionnists are constantly rebelling, creating permanently instability on the world chessboard that should according to Kissinger, Brzezinski or the Clintons (wife and husband) be totally turned upside down.

In front of this mainstream new dominant ideology in France, the pseudo-rational purpose of de Benoist is to avoid being labeled a “Fascist” or being accused of supporting in a way or another Le Pen’s National Front so that he could be accepted as a full legitimated partner in fake pluralist debates in the press or on television, where he would play the role of a gentle “non-conformist” who could perhaps lightly spice the controversial discussions: to say it in a nutshell, Mr. “Nouvelle droite” would like to be considered in Paris intellectual clubs as a mere pinch of soft mustard.
 
amora-moutarde-douce-flacon-souple-260-g-.jpgHe simply longs for being on the stage again, the very stage from which he was expelled in December 1981 by the future winners in the metapolitical game. In this sense he is very naive as the kind of people now in power, and controlling tightly the media-ruled “soft power”, will never be ready to leave him even an extremely reduced room to express his views. It is for such a flimsy and unachievable ambition —being a mere pinch of soft mustard in the dreary meal boiled in the hotchpotched kitchen of the narrow-minded French media world— that he has betrayed many of his old friends like Guillaume Faye and that he refuses to discuss objectively the problems arousing from mass immigration and, subsequently, by a rampant islamization in big Cities (and as an odd-thought population demographical graft, a “chaotization” in large urban areas within the main states and civilizational realms considered since President Carter as mere “aliens audiences” areas, even if they are theoretically good “allies”).
 
As you cannot find the magazine “Eléments” anymore since at least twenty years in Belgian newsagents’ shops, I have to buy my copies in France when I travel in some parts of this neighbor country. In November 2010 I found a copy of the then last issue in Nancy, where my wife likes to have a delicious cup of coffee on the celebrated “Place Stanislas” and to do some shopping. I unfortunately lost this issue somewhere during the rest of my travel through France, Switzerland and Germany (I visited Heidegger’s favorite holiday place in Todtnauberg where this world famous Black Forest philosopher wrote a good deal of his books). In this issue, Stuffed Shirt Alain de Benoist tried to demonstrate that the “New Right” was in fact the real “New Left” and the true inheritor of Marx’ ideas as well as the devoted intellectual protector of the masses of African and Muslim immigrants against the centralization and assimilation efforts of the alleged “xenophobic” French State’s system, while the “New Left” was genuinely a neo-conservative islamophobe movement or had become gradually such a faction, due to the blend first with “Reaganism” and second with neo-conservatism under Bush Senior and Bush Junior and maybe also with the Zionist Likud ideology. His old silly chum Michel Marmin, in the same issue, asserted that the New Right, somehow contrary to Maurras’ views at the beginning of the 20th Century, was a movement inspired by Immanuel Kant (and why not by Mother Theresa from Calcutta or Father Christmas from a heavens’ portion above Lapland...?).
 
The exercise of proving that Left is Right and vice-versa could be very entertaining and philosophically challenging, provided it would have been written in a humorous style. It was not. Prig Benoist wrote all that very seriously, in the credulous hope he would have been finally taken as a genuine leftist by the Left and would have transformed his alleged false rightist young fellows in true new leftists more leftist than the usual leftists (Do you follow...?). Such an attempt is of course preposterous. Prig Benoist and Aloof Marmin tried to sell the wide public opinion the absurd story that they were in fact the only actual New Left and that nobody in the world could grasp it till yet... But would ultimately grasp it now, once all clever minds all over the world would have read the brittle pseudo-intellectualized demonstration printed in “Eléments”.
 
The problem is that they cannot be labeled “New Left” as they never had any historical connection with, for instance, the “Frankfurter Schule” or with any other of its subsidiaries like for instance the group around Ernst Bloch and Rudy Dutschke or, in France, with clubs around Sartre’s “Les Temps Modernes” or with the Christian personalist caucuses around Jacques Maritain or Emmanuel Mounier and their journal “Esprit” (even if Benoist participated in a debate with their late heir Jean-Marie Domenach in 1993; I think Domenach also wrote an article for Benoist’s third magazine, “Krisis” but cooperation ended quite soon with that single piece of writing). Benoist is almost 70 now: I think that it is too late for him now to change views and that it would also be completely silly to play the role of a kind of ageing pagan leftist Saint Paul, converting to the faith of his former foes on an imaginary way to an even illusory Damascus (or is the joy of putting one’s flabby bottom on the armchair of a television studio worth all denials...?).
 
I think that, due to these nonsensical exercises by which Prig Benoist still tries to find a position as a now allegedly mature man, he is finally nowhere anymore as his recurrent “aggiornamenti” produced only confusion and puzzlement first in his own flibbertigibbet brain and second in his readers’ minds (be they friendly towards his initiatives or not). Fact is that he is a pathological coward and that he invents constantly new intellectual constructions that he doesn’t understand properly himself as he is finally a poor awkward philosopher (Faye used to say: a “scissors-and-paste thinker”), simply because he is permanently scared witless to be once more insulted by adverse gannets as a “Rightist” or even worse as an “extreme Rightist”, a “Fascist” or a “Nazi”. As I once wrote: “Fear is a bad adviser”. Indeed you cannot achieve anything if you’re pathologically dominated by fear (Benoist couldn’t properly understand what Evola or Jünger —his alleged favorite authors whose numerous books he claims to have read and meditated in order to absorb literally all their thoughts— told us masterfully about fear and fearlessness, be it as an alpinist in the mountains around the Lyskamm, a soldier in the WW1 trenches or a reader of martial Buddhist texts).

 

After all, Benoist can call himself as he wants to be called; it would only be one more ludicrous sketch in the long vaudeville à la de Funès of which his personal existence and his personal feelings were parts. Only the poor Pierre-André Taguieff had once upon a time, when he was writing a book about the “nouvelle droite”, the weakness of believing the self-concocted fiction that Benoist is hawking about himself, fabricating the fable of a serious intellectual, reading heaps of books since his caring childhood, while he is often only a substandard “feuilletonist” and a plagiarist. When Taguieff heard one day the truth about Benoist’s failures in the Lycée where he studied as a teenager, failures that of course Chief Prig had stupidly concealed as we all had failures as teenagers or as students, he phoned me while he was beside himself and complained that he had been abused...
 
How did you get to know Alexander Dugin? What is your opinion about his works and his Eurasian ideology? Are you still in contact with him?

I met Dugin for the first time in 1990 in a Parisian bookshop. It was still a time when you almost never met Russian people in Western Europe, except in compact groups duly coached by guides and interpreters, as we did for instance in Lübeck, Germany, in Spring 1979. You also could recognize Soviet citizens at their clothes as there wasn’t yet a standardization of garments like in present-day globalized world. When I heard a Russian man and his wife talking with the usual charming Russian accent, I got immediately the impression that the person in front of the bookshop’s desk was Dugin himself. He had already written a couple of letters to me and, also of course due to Wolfgang Strauss’ articles, I knew already quite a lot about him. I went straight to him and asked: “You are Alexander Dugin, I presume...?”. He looked very afraid as if I had been a policeman in plain clothes. But I introduced myself and we had a long and friendly conversation in a pub. Later I interviewed him for “Vouloir”. He also held a speech at a GRECE annual meeting in 1991. About one year later, he invited Benoist and myself to Moscow where we met personalities like Guennadi Zyouganov and Alexander Prokhanov, former editor of “Lettres soviétiques”, who had published the very first complete issue of a Soviet magazine dedicated to Dostoievski. Beerens and I could buy copies of it in Brussels in 1982 (if I remember well...), together with a long study of Boris Rybakov about Russian paganism printed in the Journal of the Soviet Sciences Academy. During my short stay in Moscow a “Round Table” was held in the offices of the newspaper “Dyeïnn”, which was run by Prokhanov at that time. A press meeting had also been organized by the tandem Dugin/Prokhanov where I was interviewed by people from the journal “Nash Sovremennik”, who had published an article of mine about economics. Later in September 1992 Dugin invited Jean Thiriart, Michel Schneider, Carlo Terracciano and Marco Battarra who met the same people as we did, plus Nikolai Baburin.
 

img042.jpgI supposed that Benoist, who hated deeply all the people invited by Dugin and Prokhanov in September 1992, started to tell Dugin the worst possible things about myself and the others. In his paranoid eyes, the combined invitation was the evidence that a “Schneiderite-Steuckersite” plot was about to succeed with the sardonic blessing of Thiriart, whom Benoist loathed particularly, because the Belgian animator of the former “Young Europe” movement based in Brussels and his fellow-travelers like Bernard Garcet couldn’t stop mocking the “would-be intellectual and narcissistic Frenchie”, who has “frail, puny and unmuscular arms coming out of his shabby sleeves” and “who was permanently smoking like a chimney”. Thiriart unfortunately died some weeks after his visit to Moscow. But since then, probably due to Benoist’s gossip, I could meet Dugin only once, in 2005, when he came to Brussels and Antwerp to address two different meetings. Just after the Brussels’ meeting, held in the famous Coloma Castle, Dugin took a very light meal (as it was Lent time) and jumped on the train to Paris, as he had an appointment with Benoist. I’ve never heard of him anymore since then. Alain de Benoist surely pursued his usual dissolving job of chitchatting and splitting the movement, by setting the people of our own spiritual-intellectual community at loggerheads, as if he was duly paid to do so by some mysterious sponsors...

The only tracks of Dugin that I can follow now are his video clips on “You tube”, that the webmaster of “euro-synergies.hautetfort.com”, old friend Ducarme, sometimes takes over to inform our readers about Dugin’s new activities.

As you surely know, Dugin derives his Eurasian ideology from two main sources: Konstantin Leontiev and Lev Gumilev. As you cannot consider Leontiev and Gumilev as pro-European thinkers, our views are slightly different than those of Dugin: we surely admit the criticism Leontiev and Gumilev adressed to Western thoughts when they were still alive but as we consider ourselves as “Europeans” and not “Westerners”, we cannot accept the equation too often made between “Europe” and the “West”. Leontiev at his time knew that Western European liberalism was the main danger for Russia (and for other empires, as well as for the Western European people themselves) and wanted to isolate the Czarist Empire from the womb of subversion that Europe was in his eyes. Gumilev thought more or less according to the same line, adding biological views that a spiritualist like Leontiev wouldn’t have taken into consideration. Surely in the context of the 19th Century, they were right. But the Western subversive spirit came to Russia under the mask of Bolshevism and remained in power for about 70 years, while the usual liberal ideology spoilt continuously the rest of Europe. The two sides during the era of the Cold War underwent a form or another of subversion. Now we all face a major risk of Westernization under neo-liberal (globalist) disguise. So neither Western-Central Europe nor the countries of the former USSR can win the battle against subversion alone. Would Russia isolate itself according to the formerly well-thought guidelines coined by Leontiev or Gumilev (and reproduced in a much simpler formulation by Dugin), we Western Europeans wouldn’t play any role in the future world struggle against subversive ideologies or would have to fight in the limited area of the reduced Western part of the Eurasian peninsula. The risk is to recreate a kind of new isolated Soviet Union or a renewed “Tatar Block’ (according to the Eurasian ideology of Alexander Blok, who also spoke of a Scythian Russia and of a Bolshevik revolution being the best embodiment of subversion but at the head of which the opponents to subversion should place themselves as you cannot struggle againt subversion if you don’t first take control over it). Isolation isn’t a solution today neither for the Russians nor for ourselves. Otherwise the worst aspects of Nazi or Nato propaganda could be too easily reactivated.

I expressed our vision of Eurasian or Euro-Russian solidarity in the foreword I wrote for a book by our Croatian friend Jure Vujic about Atlanticist and Eurasian geopolitics. The “Synergist” movement is maybe also “Scythian” but not in the way Blok thought it was Scythian. For us the Indo-European horsemen’s tribes, that left Eastern Central Europe with the first domesticated horses to spread far across the Ukrainian and Central Asian steppes, are the first historical subjects in the Eurasian areas between the present-day Western Ukrainian borders and today’s Chinese Sinkiang or Turkestan. Eurasia was first dominated by Indo-European people and not by Altaic or Mongolic khans. It is true that from about 220 B.C. the Proto-Mongolic tribes united in the so-called Xiongnu Federation, that started the movement of the Hunnic people towards the Western areas of Eurasia and would in the run expel or annihilate politically the Indo-European horsemen’s peoples and tribes. The Russian “reconquista” from Ivan IV to the 19th Century is the revenge of the Indo-European people, the cosacks’ sotnia replacing the Scyths, Proto-Iranians, Sarmatians and Sakhians. In France, a Ukrainian historian of protohistorical times, Iaroslav Lebedynsky, has published several very accurate historical and archeological studies about the Indo-European horsemen’s people that allow us to develop a specific Eurasian vision, that is slightly different than the one coined by Dugin. The young French historian Pascal Lassalle is, among former members of the GRECE-groups, the best present-day specialist of Lebedynsky’s works.

samedi, 07 décembre 2013

L’ARRIÈRE-PAYS ROUMAIN DE JEAN PARVULESCO

jean-parvulesco.jpg

L’ARRIÈRE-PAYS ROUMAIN DE JEAN PARVULESCO

par Claudio Mutti

Ex: http://www.eurasia-rivista.orginv

 

Le texte suivant reproduit l’intervention du directeur d’”Eurasia” au colloque sur Jean Parvulesco qui a eu lieu à Paris le 23 novembre 2012.

Ma première rencontre avec le nom de Jean Parvulesco date du 1974, quand j’étais l’objet d’attention des mêmes juges italiens qui, dans le cadre d’une enquête politique, s’intéressaient aussi à ce mystérieux roumain lequel appelait à être prêt pour le Endkampf (un mot très suspect aux yeux des chasseurs de sorcières, qui, dans leur orthographe, devenait endekampf) (1).

Selon les enquêteurs, le Roumain aurait voulu réaliser, avec deux des accusés, un accord fondé sur deux points: “a) adhésion à la politique de lutte internationale contre le bipolarisme russo-américain dans la perspective de la ‘Grande Europe’, de l’Atlantique aux Ourals; b) contacts avec les forces du gaullisme et du neutralisme eurasien qui se proposaient cette ligne internationaliste” (2).

Trois ans après, en 1977, je lus dans le bulletin “Correspondance Européenne”, dirigé par Yves Bataille, un longue article intitulé L’URSS et la ligne géopolitique, qui semblait confirmer les bruits diffusés par quelques “dissidents” soviétiques au sujet de l’existence d’une mouvance pro-eurasienne agissant plus ou moins clandestinement de l’intérieur de l’Armée Rouge.

J’ai publié la traduction de cet article dans le premier numéro (janvier-avril 1978) d’une petite revue italienne qui s’appelait “Domani”.

L’auteur en était Jean Parvulesco, qui résumait dans la façon suivante les thèses fondamentales de certains milieux russes présentés comme “les groupes géopolitiques de l’Armée Rouge”, thèses exprimées dans une série de documents semi-clandestins arrivés en sa possession.

1. Le “Grand Continent” eurasiatique est un et indivisible, “de l’Atlantique au Pacifique”.

2. La politique européenne de la Russie soviétique ne saurait donc être qu’une politique d’unité continentale, solidaire avec une Europe intégrée autour de la France et de l’Allemagne.

3. L’unité du Grand Continent eurasiatique doit être poursuivie, aussi, à travers la mise en place d’une structure de relations économiques et politiques avec l’Afrique, le Monde Arabe, le Japon, l’Indonésie.

4. L’ennemi fondamental de l’unité géopolitique eurasiatique reste les Etats-Unis.

5. La mission historique de la Russie n’est pas terminée, elle ne fait que commencer.

Selon un “mince livret” cité dans l’article de Parvulesco, le jour de la mort de Staline trois saints staretz étaient partis à pied de Kiev, en assumant, chacun d’eux, la responsabilité apostolique du renouveau final de l’Orthodoxie dans une aire culturelle du Continent. Des trois staretz, Élie prit la Russie, Alexandre la “Grande Sibérie” e Jean l’Europe.

Ce dernier, Frère Jean, bien que poursuivi pendant des années par la Securitate roumaine, aurait produit par sa seule présence sur place le “changement intérieur” du régime communiste de Bucarest.

Pour soutenir cette affirmation, Parvulesco évoque le témoignage du roman Incognito de Petru Dumitriu, paru en 1962 chez les Éditions du Seuil.

480.jpgPetru Dumitriu (1924-2002) a été un romancier roumain, dont le chef-d’oeuvre, Cronica de familie, a été également publié en France par Seuil, en 1959. En 1960, voyageant en Allemagne de l’Est, il passa clandestinement à Berlin Ouest et demanda asile politique aux autorités françaises, qui le lui refusèrent; il l’obtint en Allemagne Fédérale. Ensuite il vécut à Frankfurt et à Metz, où il mourut en 2002.

Le Frère Jean qui figure dans Incognito de Petru Dumitriu est vraisemblablement l’alter ego littéraire du moine russe Ivan Koulyguine (1885- ?), représentant d’un filon hésychaste remontant au grand staretz ukrainien Païssius Vélitchkovsky (1722-1794), qui vécut au XVIIIe siècle au monastère de Neamtz en Moldavie et ensuite à Optina Poustyne.

En novembre 1943 le Père Ivan Koulyguine s’était enfui de l’Union Soviétique avec le métropolite de Rostov et avait trouvé refuge dans le monastère Cernica, près de Bucarest. Appelé en Roumanie Ioan Străinul, c’est à dire Jean l’Étranger, le Père Ivan devint le guide spirituel du Buisson Ardent (“Rugul Aprins”), un groupe d’intellectuels roumains qui se proposait de ranimer la tradition hésychaste.

Ivan Koulyguine fut arrêté par les Soviétiques en octobre 1946; poursuivi en justice et condamné en janvier 1947 à dix ans de travaux forcés, il fut transféré en URSS, où l’on perdit sa trace.

Jean Parvulesco n’est pas le seul à parler d’un “changement intérieur” produit en Roumanie par l’action de Frère Jean, c’est à dire du Père Ivan.

Aussi Alexandru Paleologu, qui a été ambassadeur de la Roumanie à Paris, a écrit qu’après la libération des survivants du groupe du Buisson Ardent, qui eu lieu grâce à l’amnistie voulue par Gheorghiu-Dej, “les nouvelles générations, les jeunes assoiffés de Dieu, (…) devinrent, en quelque sorte, les témoins au deuxième degré d’un mouvement chrétien qui a su jouer un rôle encore plus important qu’on aurait pu le croire et qui, à la vérité, s’avérait être de ‘longue haleine’ et d’une influence profonde” (3).

Ensuite, j’ai trouvé l’état civil de Jean Parvulesco dans une fiche de la Securitate roumaine rédigée dans les années ’50, que je vais traduire:

“Jean Pîrvulescu, fils de Ioan et de Maria, né le 29 septembre 1929 à Piteşti, dernier domicile à Craiova, str. Dezrobirii n. 25. En 1948 il a disparu de son domicile et il a passé frauduleusement la frontière; en 1950 il a écrit de Paris, France, à ses proches en RPR. En 1956 on a signalé que, avec l’espion Ieronim Ispas, il était sur le point de venir en Roumanie sous couverture du rapatriement, en mission d’espionnage. Dans le cas où il est identifié, il doit être arrêté” (4).

Piteşti, la ville natale de Jean Parvulesco, se trouve au bord de l’Argeş, une rivière qui constitue le scénario d’une fameuse légende roumaine: la légende de Maître Manole, constructeur de ce monastère de Curtea de Argeş qui fut commissionné par Negru Voda, duquel la mère de Jean Parvulesco serait une descendante.

Piteşti est située très près de la région historique de l’Olténie, dont Craiova est la capitale. Dans cette même région se trouve la localité de Maglavit, où, depuis le 31 mai 1935, un berger illetré du nom de Petrache Lupu (1908-1994) était le destinataire des communications d’une entité qu’il appellait Moşul, c’est à dire “le Vieux”, et qui était considérée comme une sorte de théophanie. “À Maglavit et dans les alentours – rapporte la presse de l’époque – prévaut un état d’esprit complètement nouveau. Les gens ont accueili les exhortations de Petrache Lupu à chercher de s’imposer un type de vie différent” (5).

L’écho que ces événements ont en Roumanie (on parle de la “psychose de Maglavit”) conduit Emil Cioran à changer d’avis sur le scepticisme du peuple roumain et à placer ses espoirs en un prochain grand phénomène spirituel et politique. “On ne peut pas dire – écrit Cioran – ce qu’il sera; mais on peut dire que, s’il ne naît pas, nous sommes un pays condamné” (6).

valsan.JPGMihai Vâlsan (1911-1974) reçoit du voyant de Maglavit une sorte de “bénédiction” (binecuvântare); et, comme les messages du “Vieux” semblent annoncer aux Roumains que leur terre deviendra le siège d’un centre spirituel comme l’avait déjà été la Dacie dans l’antiquité, Vâlsan pense que tout cela a affaire avec le Roi du Monde. On connaît le développement de cette histoire.

Ce qui peut nous intéresser ici, c’est la position de Parvulesco face à ces deux Roumains d’expression française – Cioran et Vâlsan.

Pour ce qui est de Cioran, Parvulesco a dit dans un entretien avec Michel d’Urance paru dans “Éléments”: “Je porte encore en moi le deuil atroce que j’avais ressenti devant l’effroyable auto-mutilation que Cioran avait infligée à son génie profond, à son inspiration la plus intime, afin qu’il puisse se faire relativement admettre au banquet des noces démocratico-marxistes d’après la guerre – qui battait alors son plein. Le nihilisme de Cioran, aussi loin qu’il pût aller, n’avait jamais représenté un choix doctrinal, n’ayant en aucun cas constitué que le signe exacerbé d’un constat de désastre face à l’effondrement en cours de la civilisation européenne tout près de sa fin” (7).

Quant à Michel Vâlsan, Jean Parvulesco a dû voir en lui, dans quelque façon, l’intermédiaire secret entre l’enseignement de René Guénon et le Général De Gaulle.

Dans La spirale prophétique il se demande: “Quels sont (…) les rapports encore présents et les rapports à venir entre l’oeuvre de René Guénon et celle de Michel Vâlsan? Y a-t-il eu, y a-t-il, de l’une ou l’autre, la continuation d’un même ministère, exclusivement, ou bien l’oeuvre de Michel Vâlsan apparaît-elle, ou commencerait-elle à apparaître comme la proposition, comme le fruit ardente d’une spécification déjà differenciée?” (La spirale prophétique, p. 75). En tout cas, Parvulesco était convaincu de “l’existence d’une convergence voilée mais très profonde entre l’enseignement de René Guénon et les dimensions confidentielles, voire occultes, de l’action historique et transhistorique entreprise par Charles de Gaulle (…)” (8).

Si nous devions ajouter foi aux dires de Jean Robin, Michel Vâlsan aurait joué un rôle occulte auprès de “ce grand guénonien que fut le général de Gaulle” (9), rangé par Vâlsan lui-même – toujours selon Jean Robin – parmi les “préfigurations du Mahdi” (10) qui se sont manifestées au XXe siècle. Rapportant une information qu’il déclare avoir recueillie auprès de “certains disciples de Michel Vâlsan” (11), Jean Robin fait allusion à une correspondance épistolaire entre Vâlsan et le Général, ainsi qu’à une “mystérieuse initiation” que le premier aurait transmise au second dans les jardins de l’Élysée; il ajoute que Vâlsan était en mesure d’annoncer à l’avance à ses disciples les décisions de Charles de Gaulle y compris les moins prévisibles.

Cependant, Michel Vâlsan ne figure pas dans la liste des écrivains qui, selon ce que Parvulesco dit dans l’entretien paru dans “Éléments”, “ont le plus compté pour [lui], qui ont souterrainement nourri [son] oeuvre”. Il s’agit d’une liste de trente-six auteurs, parmi lesquels il y a Virgile et Dante, Rabelais et Pound, Gobineau et Saint-Yves d’Alveydre; on y trouve aussi Haushofer, Hamsun, Drieu La Rochelle, Céline, Guénon, Corbin, Heidegger.

vasile.jpgLe seul compatriote que Parvulesco ait cité dans cette liste est “Basile Lovinesco”, c’est à dire ce Vasile Lovinescu (1905-1984) qui nous a donné l’exégèse hermétique de la légende de Maître Manole.

D’ailleurs, lorsque dans La spirale prophétique nous lisons la phrase sur les “remanences carpathiques de l’ancien culte du dieu Zamolxis” (12), c’est bien Vasile Lovinescu qui nous vient à l’esprit, avec son essai sur la “Dacie hyperboréenne”, écrit sous le pseudonyme de “Géticus” et originellement paru en français dans plusieurs livraisons de la revue “Études Traditionnelles” en 1936-1937.

Pour ce qui est de Mircea Eliade, dans l’entretien avec Michel d’Urance Jean Parvulesco dit que, selon une information qu’il avait reçu à la rédaction d’”Etudes”, Jean Daniélou aurait demandé à Eliade, sur instance du pontife Pie XII, de s’engager dans un travail intellectuel ayant pour but d’exposer une nouvelle vision de l’histoire des religions, pour combattre dans les milieux universitaires l’hégémonie culturelle du marxisme et de ses dérivés. L’engagement d’Eliade dans cette entreprise, observe Parvulesco dans l’entretien citée plus haut, “ne lui a plus permis de tellement s’occuper de littérature, alors que ses romans roumains d’avant la guerre, ainsi que ses nouvelles plus récentes, n’avaient pas cessé d’administrer  la preuve éclatante de son extraordinaire vocation de romancier”.

Parvulesco nous dit que deux nouvelles d’Eliade, Minuit à Serampore et Le secret du Docteur Honigberger (respectivement parues en Roumanie en 1939 et en France chez Stock en 1956 et 1980), recèlent une conception tantrique occulte et interdite envisageant la suspension et le changement du cours et de la substance même de l’histoire (13).

Il nous dit encore que tous les grands romans roumains écrits par Eliade avant la guerre “instruisent pathétiquement le procès de cette génération [c'est à dire la "nouvelle génération" roumaine entre les deux guerres mondiales, génération, il dit,] de hauts mystiques sacrifiés dans un dessein très occultement providentiel, et qui eurent à subir, en quelque sort, l’épreuve de l’immolation sanglante jusqu’à l’avoir eux-mêmes inexorablement attirée sur eux” (14).

Parmi les romans éliadiens d’avant-guerre, c’est surtout Le retour du Paradis (Întoarcerea din rai) qui a touché Parvulesco, et cela à cause d’une citation poétique insérée dans ce texte. Il écrit: “C’est en lisant, adolescent encore, Le retour du Paradis de Mircea Eliade que j’avais en effet pris conscience des pouvoirs suprahumains contenus dans un hymne orphique de Dan Botta, qui s’y trouvait cité (sans doute très à dessein, je ne le sais plus). Quarante ans après, des fragments de l’hymne orphique de Dan Botta viennent me hanter encore. (…) Ce fut à l’instant même de la première lecture de l’hymne orphique de Dan Botta que Chidher le Vert est venu se saisir de moi, porté par le sommet d’une immense vague de lumière verte, supracosmique, lumière fondamentale (…) de la Voie Deltaïque, qui concerne l’humanité dans les cycles de son devenir impérial occulte d’avant et d’après le cycle actuel, Voie Deltaïque régie, dans les abîmes, par la divine Una, la jeune femme verte, la vierge supracosmique dont le nom et la figure irradiante se perpétuent irrationnellement dans les remanences carpathiques de l’ancien culte du dieu Zamolxis” (15).

Le roumain Dan Botta (1907-1958), poète, dramaturge, essayiste, philologue, traducteur de Sophocle, Euripide, Shakespeare, Villon et Poe, appartenait à la “nouvelle génération” et adhéra au mouvement légionnaire; il fut membre du comité de direction de l’Encyclopédie Roumaine et fonda en 1941 la revue “Dacia”.

Comme poète, il débuta en 1931 avec un volume de vers intitulé Eulalii et préfacé par Ion Barbu (1895-1961), dans lequel se trouve la plus célèbre de ses créations poétiques, Cantilena, écrite dans les formes et les rythmes d’une poésie populaire. Or, l’”hymne orphique de Dan Botta” est justement Cantilena et le passage cité par Eliade qui a hanté longuement Jean Parvulesco est le suivant:

Pe vântiri ascult

Orficul tumult 

(…) 

Oh, mă cheamă-ntruna

Palida nebuna 

Fata verde Una, 

Şi-n mine se strânge 

Piatra ei de sânge…

Parvulesco nous en donne une belle traduction, un peu libre, faite vraisemblablement par lui même:

exposé sur les hauts vents

un orphique tumulte j’entends

quand elle dresse soudain sa lyre,

la fille verte de mon délire

Una, et qu’en moi se tend

la pierre rouge de son sang.

Dans le même chapître du Retour du Paradis où sont cités les vers de Cantilena, quelques personnages du roman d’Eliade essayent de comprendre pourquoi la femme aimée par le protagoniste, Anicet, porte le nom de Una; l’un d’eux pense à la Junon des Etrusques, qui s’appellait Uni, tandis qu’un autre pense au Dialogue entre Monos et Una de Edgar Poe. Mais on n’arrive pas à une explication conclusive.

En 1960, vingt-six ans après la publication du Retour du Paradis, Mircea Eliade est revenu sur les vers de Cantilena, écrivant dans une revue de l’émigration roumaine: “Pour Dan Botta, le monde devenait réel quand il commençait à révéler ses structures profondes; c’est à dire, quand l’oeuil de l’esprit commence à saisir, derrière les apparences, les images éternelles, les figures mythiques. Tu pénétrais dans le mystère d’une nuit d’été quand tu arrivais à te la révéler comme dans ces vers de Cantilena: ‘Pe vântiri ascult – Orficul tumult – Când şi ardică struna – Fata verde, Una, – Duce-i-aş cununa…‘ Alors le cosmos entier dévoilait ses significations profondes, car le vent, la lune étaient la chiffre de mythes et drames anciens, qui faisaient déjà partie de l’histoire spirituelle de l’homme. Plus exactement: de l’homme balcanique, entendant par ce terme ethno-géographique toute l’Europe de l’est (…) Dan Botta avait un faible pour ce territoire (…) Dans une certaine façon c’était une géographie sacrée, parce que sur ces plaines et ces montagnes les hommes avaient rencontré Apollon et Dionysos, Orphée et Zamolxis” (16).

Zamolxis la Genghis-Han.jpgLa relation entre la suprême divinité des Daces et l’activité de Eliade a été soulignée par Jean Parvulesco, qui, à propos des “remanences carpathiques de l’ancien culte du dieu Zamolxis”, écrit: “D’ailleurs, juste avant la dernière guerre, Mircea Eliade n’avait-il pas commencé l’édition d’une collection de cahiers de l’histoire des religions intitulée, précisément, Zamolxis ?” (17).

Pour revenir à la “fille verte Una”, il faut citer un autre passage de La spirale prophétique, qui est le suivant: “Je rappelle que, dans certains groupements spirituels des plus spéciaux et actuellement des plus retirés, c’est le 7 juillet [rappellez cette date] que des rassemblements se font, à l’abri du plus parfait secret, pour célébrer la ‘déesse verte’ Una, l”infiniment absente, l’infiniment lointaine, l’infiniment silencieuse mais qui, bientôt, ne le sera plus’ ” (18).

Dans “la fille verte Una” (fata verde Una) évoquée par Dan Botta, Eugène Ionesco y a vu une épiphanie de Diane rattachable à la mythologie légionnaire, probablement parce que la couleur verte était la couleur symbolique de la Garde de Fer.

Mais il faut dire, aussi, qu’en Dacie on a trouvé des nombreuses inscriptions dédiées à Diane (Diana regina, vera et bona, mellifica), avec laquelle a été identifiée une divinité traco-gétique.

Il faut ajouter que le nom latin de Diana a produit en roumain le mot zână, qui signifie “fée”, tandis que Sancta Diana a donné origine à la forme plurielle Sânziene. Le Sânziene sont fêtées dans la nuit du 24 juin, une fête solsticiale qui coïncide avec la nativité de Saint Jean le Baptiste. C’est précisement cette nuit la “nuit d’été” que Eliade – dans le passage que je viens de vous lire – a mis en relation avec les vers de Cantilena qui hantaient Jean Parvulesco.

Je rappelle aussi que Noaptea sânzienelor, “La nuit des fées”, est le titre d’un roman de Mircea Eliade (publié en 1955 chez Gallimard avec le titre de Forêt interdite), où le protagoniste, Ştefan Viziru, se trouve emprisonné avec les légionnaires à Miercurea Ciuc, exactement comme le fut Mircea Eliade.

Or, Jean Parvulesco a écrit un texte mystique qui s’appelle Diane devant les Portes de Memphis, imprimé exactement le 7 juillet 1985 et présenté comme une liturgie de Diane.

Qui est donc cette Diane célébrée par Jean Parvulesco? D’après ce qu’il dit, on la peut l’identifier avec la mystérieuse “femme couverte de soleil, la lune sous ses pieds et couronnée dedouze étoiles” (19) qui se tient, dit Parvulesco, au centre de la future civilisation impériale eurasiatique.

Ici il faut donc souligner une autre convergence essentielle entre Mircea Eliade et Jean Parvulesco. C’est leur commune reconnaissance du destin unitaire du Continent eurasien. Dans ses entretiens avec Claude-Henri Rocquet, Eliade déclarait avoir découvert qu’en Europe “les racines sont bien plus profondes que nous l’avions cru (…) Et ces racines nous révèlent l’unité fondamentale non seulement de l’Europe, mais aussi de tout l’ékoumène qui s’étend du Portugal à la Chine et de la Scandinavie à Ceylan” (20).

Presque simultanément, Jean Parvulesco s’engageait dans les voies de l’avènement de la nouvelle Europe grande-continentale, de l’ « Empire Eurasiatique de la Fin ».

1. Fiasconaro e Alessandrini accusano. La requisitoria su la strage di Piazza Fontana e le bombe del ’69, Marsilio, Padova 1974, p. 231.

2. Fiasconaro e Alessandrini accusano, cit., p. 142.

3. André Paléologue, Le renouveau spirituel du “Buisson Ardent”, “Connaissance des Religions”, avril 1990, p. 132.

4. Mihai Pelin, Culisele spionajului românesc. D.I.E. [Direcţia de Informaţii Externe] 1955-1980, Editura Evenimentul Românesc, Bucarest 1997, p. 42.

5. H. Sanielevici, Rasa lui Petrache Lupu din Maglavit, “Realitatea Ilustrată”, IXe année, n. 447, 14 août 1935.

6. E. Cioran, Maglavitul şi cealalta Românie, “Vremea”, VIIIe année, n. 408, 6 octobre 1935, p. 3.

7. Jean Parvulesco: “Une conscience d’au-delà de l’histoire”. Propos recueillis par Michel d’Urance, “Éléments”, 126, Automne 2007, pp. 54-57.

8. Jean Parvulesco, La spirale prophétique, Guy Trédaniel, Paris 1986, p. 76.

9. Jean Robin, René Guénon. La dernière chance de l’Occident, Guy Trédaniel, Paris 1983, p. 9.

10. Jean Robin, Les Sociétés secrètes au rendez-vous de l’Apocalypse, Guy Trédaniel, Paris 1985, p. 211.

11. Jean Robin, Les Sociétés secrètes au rendez-vous de l’Apocalypse, cit., p. 335.

12. Jean Parvulesco, La spirale prophétique, cit., p. 325.

13. Jean Parvulesco, La spirale prophétique, pp. 255-256.

14. Jean Parvulesco, La spirale prophétique, pp. 324-325.

15. Jean Parvulesco, La spirale prophétique, p. 325.

16. Mircea Eliade, Fragment pentru Dan Botta, “Prodromos”, 7, juillet 1967, p. 21.

17. Jean Parvulesco, La spirale prophétique, pp. 325-326.

18. Jean Parvulesco, La spirale prophétique, pp. 328.

19. Jean Parvulesco: “Une conscience d’au-delà de l’histoire”. Propos recueillis par Michel d’Urance, cit., p. 53.

20. Mircea Eliade, L’épreuve du labyrinthe. Entretiens avec Claude-Henri Rocquet, Pierre Belfond, Paris 1978, p. 70.

dimanche, 10 mars 2013

Raymond Abellio: a modern Cathar?

Raymond Abellio: a modern Cathar?

The French politician and author Raymond Abellio could be one of modern history’s most enigmatic characters… if his career and reputation were known outside of France, where he is largely an unknown entity.

Philip Coppens

Ex: http://www.philipcoppens.com/



Raymond Abellio

The French Cathar expert Déodat Roche may not be the only modern Cathar. Another candidate put forward for such a distinction is “Raymond Abellio”. Raymond Abellio is the pseudonym of French writer and political activist Georges Soulès. Already, in his choice of nom de plum, there is a direct reference to the solar deity of the Pyrenees, often linked with Apollo – and Lucifer. It was, in fact, Otto Rahn himself who made the link between Lucifer and Abellio.
Abellio was a deity of Soulès’ homeland, especially the Garonne Valley in Gallia Aquitania. His existence is known through a number of inscriptions that were discovered at Comminges. He may have been a god of apple trees. Equally, though Raymond is a name of Germanic origin, composed of the elements ragin (“counsellor”) and mund (“protector”), the name was, at the time of Catharism, specifically linked with the counts of Toulouse. The choice of protector and counsellor of the deity of light is an apt choice to describe what Soulès envisioned to be his mission in life.

Soulès was born November 11, 1907 in Toulouse, and died August 26, 1986 in Nice. His parents came from Ax-les-Thermes, in the Ariège valley, only 16km from the ancient Cathar castle at Montségur. Soulès was a brilliant student, and during his engineering studies, discovered an interest in politics and became a staunch supporter of Marxism. He joined the Étudiants Socialist of the XIV arrondissement of Paris, affiliated to the French Socialist party (SFIO). Here he befriended the celebrated political philosopher, Claude Lévi-Strausse. Amongst his tutors was Marcel Deat, the politician and philosopher who formed his own party, the Parti Socialiste de France, under the motto “Order, Authority and Nation”.


In 1931, at the age of 24, he joined the Centre Polytechnicien d’Études Économiques, popularly known as X-Crise. The aim of the group was to study the political and economic consequences of the 1929 Wall Street crash. One of the results of this study was his adoption of “Planisme”, a political philosophy that embraced centralised control of the economy and key services, such as power and transport, which today remain pillars of most socialist governments.


According to Guy Patton, author of “Masters of Deception”: “It appears that the Planist approach offered the best route to a French national renewal and a change in France’s economic fortune. He wanted to replace the famous Republican slogan, ‘Liberty, Equality, Fraternity’, with ‘Prayer, War, Work’, to represent a new society built on an absolute hierarchy led by a king-priest.” It is therefore apparent that Abellio did not want to stop with bringing socialism to power, but had a much greater vision for France.

Abellio was also on the board of the Atlantis magazine, founded, in 1926, by Paul Le Cour. Le Cour was to be an inspiration for Pierre Plantard’s political and esoteric philosophy – the illustrious Priory of Sion. Le Cour himself was the heir of the Hiéron du Val d’Or movement, which campaigned for the return of a priest-king to rule France. All of these organisations, however diversified they might appear to be, had one common denominator: the return of a New or Golden Age, and it is here that they link up with Abellio’s vision for France.
In 1947, Abellio’s “Vers un prophetisme nouveau” specifically called for the formation of “a grand order consisting of a community of initiates under the direction of a man with a sense of mission”. The question, of course, is: initiates of what?

Abellio wrote two books in the Gnostic genre, entitled “Manifeste de la nouvelle gnose” (Manifestation of the New Gnosis) and “Approches de la nouvelle gnose” (Approaches of the New Gnosis). He was also interested in the possibility of a secret numerical code in the Bible, a subject that he developed in “La Bible, document chiffré” (which could best be translated as “The Bible Code”!) in 1950, and later in “Introduction à une théorie des nombres bibliques” (Introduction to a theory of biblical numbers), in 1984. He proposed in particular that the number of the Beast –i.e. the Devil – 666, was the key number of life, a manifestation of the holy trinity on all possible levels, material, animist and spiritual.


Abellio’s writings all underline his ideology, which is that there is an ongoing process whose final term he called the “assumption” of the world’s multiplicity into the “inner Man”. Man was supposed to be able to achieve the complete unification of that multiplicity, a unification that would end up providing the subject with a “gnostic consciousness”, also called “secondary memory”, by the same token leading to the “transfiguration of the world”.

So far, there is little evidence that Abellio might have been a Cathar. Whenever his ideology is explained, there are references to the influence of Pierre de Combas on his thinking, as well as his interest in Oriental philosophy, the Vedas, and eschatology. Indeed, it is only in Jean Parvulesco’s “Le Soleil Rouge de Raymond Abellio” (The Red Sun of Raymond Abellio) – and then even in a somewhat secretive manner – that the notion that Abellio likely had Cathar allegiances rises to the surface.


Parvulesco was a writer and French journalist, who argued that he was heir of the “Traditional thinking”, in line with other esoteric authors like René Guénon and Julius Evola. He knew Abellio personally, and was thus a person who could penetrate into his inner world – see his “true self”, which was an important part of Abellio’s philosophy.

It is in the chapter “The Final Secret of Raymond Abellio” that we find – unexpectedly – two direct references to Catharism. But before doing so, Parvulesco opens the chapter by underlining that Abellio died in an “immense solitude”. He then writes how “Raymond Abellio never stopped to be, secretly, and whether he himself knew or not nevertheless is important, the ecstatic and suicidal ecstatic of Montségur, whom carried inside himself the mission for this life and for all lives to come.” He continues: “And, on the other part, he, so long amongst us as the confidential agent of the other world, is going to try to be, now, our confidential agent in the other world.”


The first paragraph is a rather awkward method of writing and it is almost as if Parvulesco is about to fall over his own words, trying to express something that is very intense. Parvulesco nevertheless makes it clear that Abellio had a mission, which he links with Montségur, and though some might argue that Parvulesco used the castle’s name because it was near to where Abellio’s family originated from, that actually doesn’t work within the context, with references to suicide – noting that suicide was specifically linked with the Cathars besieged at that castle during the Siege of Montségur. Even more specific: Parvulesco implies Abellio’s mission is specifically linked with Montségur – known for one thing only: the symbolic demise of Catharism.


Two pages later, and totally out of sorts with the tone of the book and chapter, Parvulesco introduces the consolamentum. Parvulesco is at odds to explain the end of Abellio’s life, why he died in total isolation, and is unable to come up with a logical answer – except one: “the only answer that I can support is not the least: […] it is in the mystery of this sacrament instituted by the consolamentum of the very perfect that it is where we need to search the reasons of his mystic complicity with the arrest of death that concerned him, and about which he did not ignore the promises of deliverance, the suspension of the movement of the penitential wheel of the blind lives. But let us not talk about that which is so savagely prohibited to be spoken off.”

Jean Parvulesco

Few have read this sole paragraph for what it truly states. Not only does it refer directly to the fact that Parvulesco knew what Catharism meant – the end of the series of incarnations, accomplished through the consolamentum –, not only does he reveal that such things should not be spoken off, but he specifically does note that it is in this framework and especially in the sacrament of the consolamentum that one should search the reason why Abellio died in the manner that he did. In short, Parvulesco states that Abellio died in total solitude, as he died after receiving the consolamentum; the total isolation being nothing else but his endura.

These two paragraphs are powerful evidence, by a person who knew him, that Abellio was indeed a Cathar. In two paragraphs, Parvulesco sums up the life of his friend as that of a man who was born with “the mission of Montségur” and who died conform to the Cathar rituals.


These paragraphs also put another episode in Abellio’s life in context: a theatre play entitled “Montségur”, which was about the Cathar Crusade. In the play, he set off the conflict between knowledge and power on the one hand, as well as an awakening and the part it played in a particular mindset. Was it his awakening and his mindset?

As such, all of his interests in the Bible, as well as Oriental philosophy, should be seen for what they were: the interests of a Cathar, who realised that the Bible and these philosophies contained ideas that were similar to his own – those of Catharism. These interests should not be seen – as most interpret them – as those of a social activist who went in search of a larger religious framework. It was a confirmation of his belief, rather than exploration of beliefs, to eventually pick one that suited him best.


Equally, as Parvulesco underlined, perhaps we should see his social activism and his strife for a New Europe as his “mission” – to once again quote Parvulesco – a mission that equally was part and parcel of the Cathar social agenda of medieval Europe. Though Abellio has often been labelled a synarchist (i.e. a man who proposed that the world was ruled by a secret elite – his “initiates”), it may be that he realised that after the fate that Catharism befell in the 13th century, rule by secrecy might have been the only method through which his – if not their – social reform could ever be accomplished. Hence, we need to ask whether his strife – and that of those like him – as another Cathar revival.

 

vendredi, 27 juillet 2012

The Empire of the end (a brief introduction to Jean Parvulesco)

The Empire of the end (a brief introduction to Jean Parvulesco)

 

by Thor E. Leichhardt


Ex. http://www.new-antaios.net

Jean Parvulesco is not exactly a household name in the West.  All of his books remain untranslated from French, in no small part due to the complex, idiosyncratic prose style they contain.  Parvulesco is a living mystery of European literature. Mystic, poet, novelist, literary critic, connoisseur of political intrigue, revolutionary, friend and confidant of many European celebrities of the latter half of the twentieth century (from Ezra Pound and Julius Evola to Raymond Abellio and Arno Breker), his true personality remains a mystery. A Romanian who fled to the West in the 1940’s, he became one of the most brilliant French stylists in contemporary prose and poetry. But no matter how different were his works, from tantric stanzas and complex occult novels to biographies of eminent friends (in particular “Red Sun of Raymond Abellio”), his real calling was – “visionary,” direct and inspired contemplator of spiritual spheres, opened to the chosen behind the sullen and trivial appearance of contemporary profane world.

At the same time, Parvulesco does not have anything in common with vulgar representatives of contemporary “neomysticism” and all of its false offshoots.  Parvulesco’s vision is gloomy and tragic: he has absolutely no illusions concerning the hellish, infernal nature of the contemporary world (in this sense, he is most likely a traditionalist). He is completelety alien to the infantile optimism of theosophers and occultists, and pseudomystical “goggles” of the New Age. But unlike many traditionalists with an “academic” temperament, he does not limit himself to sceptical preaching about the “crisis of the modern world” and empty-worded, marginal condemnation of materialist civilization of the end of Kali Yuga.

Jean Parvulesco’s texts are filled with the Sacral, which speaks directly through a dream-like, almost prophetic level of strange revelation, “visitation,” breaking out to higher spheres through the dark energies which are the norm in today’s collective psyche. Parvulesco is an authentic visionary, deep enough and ideologically prepared, not to accept the first phantoms of subtle reality to come across, for “messengers of light,” but at the same time straining to the limit his intuition in a dangerous and risky “voyage inwards,” to the “center of the Black Lake” of modern soul, without fear of going beyond norms fixed by rational dogmatics (here originate the multi-level paradoxes that fill Parvulesco’s books).

Parvulesco’s message can be defined in this way: “The Sacral has disappeared from daily reality of the modern world, and it is completely obvious that we live in the ”End of Times”, but the Sacral has not vanished (since it could not vanish theoretically, as it is eternal), but was transferred to a nightly, invisible projection, and is now ready to come down on human physical cosmos in a terrible apocalyptic moment of apogee of history, at a point, when the world that forgot about its spiritual nature and disowned it, will be forced to meet with it in a brutal flash of Revelation.” As long as this has not taken place, and humanity peacefuly sleeps in its dark, materialist illusions, only the chosen, visionaries, members of the secret brotherhood, the Apocalyptic Order, keep awake, secretly preparing ways for the coming of the Last Hour, “Heavenly Kingdom,” the Great Empire of the End.

Jean Parvulesco sees in himself not a literary figure, but the herald of this Invisible Empire (his last book is called “Star of an Invisible Empire), speaker of the occult Parliament, consisting of the planetary elite of the “awakened.” His personality doubles, triples, quadruples in characters of his novels, among which the author himself has a place, along with his doubles, occult duplicates, and real historical personalities, other-worldly shades, shells of “external twilight,” “nominal demons,” secret agents of occult special services. Parvulesco opens an entire parallel world, not just stage decoration of individual fantasies or reminiscences. His texts are populated with frightening reality: his strange (often quite black) humor at times touches on the holy relics of religions, dogmas and canons, awakening their inner, mysterious essence, ridden of spiritually devastating fetishist reverence. Following tantric presciptions, Parvulesco vivifies the language, makes it operative. That is why his texts are something more than literature. It is the magical spells and scandalous denunciations; it is the provocation of events and foretelling of their meaning; it is submergence into the Ocean of the Interior, subterranean tunnels of the Hidden, into the frightening empire of that, which exists in each one of us. That is exactly why Parvulesco can be as terrifying as any true genius: he intently and scientificaly studies us from the inside, at times getting over the known brink. The visionary anatomist.

In The Beginning Was Conspiracy

Parvulesco states, clearly and paradoxically at the same time, that Reality has a fundamentally dual nature. All of Parvulesco’s work can be summarized as an attempt to understand Duality, and the processes necessary to resolve all polarities and bring about “The Europe of the End”:

“The sole liberating question: when the time comes (and it is already here) will the European nations find, in their deepest selves, the burning reality of the “nation before all the nations,” the transcendental legacy of the “Indo-European nation” of our former origins?” (Le Spirale Prophetique)

Secret agents of Being and Nonexistence appear in all key spheres of control of the modern world, directing all processes of civilization. History results from the superimposition of one polarity of the Dual, as the energy vectors of two occult nets, form the fabric of actual, concrete history. Generals and terrorists, spies and poets, presidents and occultists, Church Fathers and heretics, mafiamen and ascetics, freemasons and naturalists, prositutes and holy saints, salon artists and activists of the workers’ movement, archaeologists and counterfeiters — all of them are only obedient actors of a saturated conspirological drama — and who knows, which social identification shelters a higher Initiate? Often, a gangster or a beggar turns out to be the curator of a President or the Pope, and a military leader or a banker act as puppets of a salon poet, behind whose grotesque and fantastic personality one finds a cold guru and architect of brute political history.

Against Demons and Democracy

“Star of an Invisible Empire” is Parvulesco’s last and key novel. In it, the threads from earlier books are tied together. The work depicts transcendental metahistory, of which our author is a chronicler, as nearing its final outcome. Here is a summary: On the entire planet, and especially in France and Portugal (and also in Peru and Mexico) — all magical “acupuncture” spots of the occult West — agents of Nonexistence constructed black pyramids, physical and superphysical objects, intended to support direct intrusion of demonic energies, hordes of Gogs and Magogs. This apocalyptic project has a secret name, the “Aquarius Project,” since in accordance with astrological symbolism, the era of Aquarius, which brings with it not happiness and harmony (as “agents of Nonexistence” are trying to assure humanity), but disintegration, rot, chaos, and death, “dissolution in lower waters,” is about to dawn.

The hero of “ The Star of an Invisible Empire”, Tony d’Antremont, depicts the onset of the “Aquarius epoch” in this way: “I see together with Lovecraft the potting around of enormous foul masses, moving in endless waves, stepping over the last remaining crystal structures of resistance of spiritual elites; I am gazing, in ecstatic powerlessness of my hallucinatory awakening, at the shimmering black foam, the foam of black disintegration, terror of democratic stench and frightening organs of these convulsing corpses, which – in the makeup of dirty whores with a deceitful smile, with the California beach smile of European anti-fascists, with the smile of mannequin whores in flickering windows(so I would define it) — are preparing our final defeat, leading us to a destination which they themselves do not know, or, more precisely, know it too well, on the way there with relish sucking out our bone marrow; this is the hallucinatory leaden mantle of Human Rights, this faecal-vomitory discharge of Hell, although by saying so, I am insulting Hell.”

Servants of “Aquarius,” opening the way into the human world to black “shells” of contemporary twilight, are trying to present their unnatural advent as a blessing, as salvation, as the limit of evolution, hiding their true nature, Vomitto Negro (Black Vomit), under the political and spiritualistic catchwords New Age and New World Order.

But against Aquarius, in which the entire terrible, “metagalactic” potential of the network of Nonexistance, finding its final incarnation in the “New World Order,” is concentrated, fight the representatives of a secret western order Atlantis Magna. A special role in the rituals of this order is played by the Woman, known under the mystical name Licorne Mordore, or the “red-brown Unicorn.” In physical reality she carries the name Jane Darlington. But the true persona of this woman principally goes beyond the bounds of individuality. More likely, she represents in herself some sacral function, divided among all women of the order, whose personal and everyday relations among themselves reflect an ontological hierarchy of being itself (one of them corresponds to spirit, another – to the soul, the third – to flesh.) Men of the Order, including the main character Tony d’Antremont, are also hardly individuals in a strict sense: deaths and adultery, the depiction of which fills the novel, illustrate the especially functional essence of the main characters; the ritual death of one of them only intensifies conspiratory activities of another, and their wives, in the process of commiting adultery, find out that in essence they remain loyal to one and the same being. So, Atlantis Magna weaves its continental web to struggle with the Aquarius conspiracy: this web is finalized at a higher transcendental level, a ritual tantric realization of eschatological Occurrence, connected with the appearance of the Consoler and Wife archetypes. Only on this level it is possible to defeat the builders of “black pyramids.” Preparation and organization of the mysterious ritual of the “red circle” composes the main part of the plot. Members of Atlantis Magna on the way to this procedure make symbolic voyages, analyze mystical texts, work at finding true causes of political transformations, research strange aspects of history of some ancient European families, decipher esoteric ideas (which appear as leaks in tabloid press), endure romantic and erotic relationships, experience assasination attempts, become victims of kidnapping and torture, but the entire concrete body of the captivating, almost detective-like novel is really an uninterrupted reading and clarification of interconnected visionary reality of the Final Event of History, appearance of the Great Eurasian Empire of the End, Regnum Sacrum or Imperium Sacrum, reflections of which can be seen in all aspects of modern world.

Jean Parvulesco with Ezra Pound in Paris in 1970es of 20th century

On the political level of the conspiracy, the heroes of the novel also act aggressively and decisively. Spiritual resistance to the New Age, neospiritualism, for the representatives of which (from Alice Bailey to de Chardin and Sai Baba) Tony d’Antremont offers to establish an “occult super- prison” projects on political resistance to the “New World Order,” Americanism, and liberalism, which forces the agents of Being to weave webs of planetary conspiracy with participation of all political forces opposing mondialism. Underground groups , social-revolutionaries and members of other already non existing groups, descendants of aristocratic families loathing “democracy,” secretly wishing for an end of the liberal epoch, members of the Italian mafia, Gaullists and admirers of Franco, revolutionaries of the Third World, shamans of America and Asia, communist leaders, German bankers – all of them become participants in the geopolitical project, directed towards the recreation of the final Eurasian Empire. Diplomatic intrigues, foreign trips, confidential talks and the collection of information compose the political aspect of the conspiracy of “agents of Being” and a special subject thread of the novel, superimposed on occult conversations and long esoteric monologues of the characters.

Parvulesco’s novel does not follow the traditional logic of a finished tale.

It is significant that it ends on a half-word on page 533. The entire preceding plot sees the reader close in on the eschatological outcome of the occult war, but… Here the literary world ends, and actual reality sets in. The majority of characters in the novel are historical figures, some of whom have died, others still alive. Books and texts quoted in the tale do really exist. Many episodes and retold legends are also not made up (although quite a few are fictional). Significant detail: the majority of mentioned names are furnished with dates of birth and death. After reading “ The Star of an Invisible Empire,” a question naturally arises: what have we just read? A novel? Fiction? Fantasy? Surreal literature? Or, perhaps, an esoteric tract?

Or the real revelation of the hidden motive of contemporary history, seen from the position of metaphysical completeness in its entire volume, to the other side of hallucinations, of which, in effect, consist all banal, everyday assumptions, that explain nothing and are as far from the truth as imaginable?

Jean Parvulesco himself describes his novel: “a most secret and dangerous initiation novel, where Absolute Love gives its final weapon to Absolute Power and lays the occult basis for a future great Eurasian Empire of the End, which will signify Heavenly Kingdom, Regnum Sanctum.” No more, no less.

Agents of the inner Continent are awake. Already there appears on the night sky of our sickening civilization a magic Star, heralding the soon-to-be transformation of the Internal into the External. This – is the Star of an Invisible Empire, Empire of Jean Parvulesco…

“Soldiers already lost in a war that becomes ever more total, ever more occult, we bear at the very edges of this world the spiritual arms and the most enigmatic destiny of miltary honors from the Beyond. In the ranks, both visible and invisible, of the Black Order to which we belong, those whom death has struck down march on side by side with those who are still standing.” (La Conspiracion de Noces Polaires)

Edited by Thor Einar Leichhardt

Note by Thor Einar Leichhardt :

Many sincere thanks to author of this article and all of his his literary endeavours.

Article was published here in an attempt that people of the non French speaking countries can get a glimpse into the works of the late great Jean Parvulesco.

I would like to clarify also that Jean Parvulesco’s books and writings are not for the people who see everything around them just as a three dimensional world.  Same could be said for his friend and confidante Raymond Abellio. In the past Stefan George, Alfred Schuler and Ludwig Klages were some of those people. Today Rolf Schilling is one of those rare authors whose poetry, prose and literary genius stands far, far away from the ordinary three dimensional world and whose poetry we have to learn to read and study like diving in the deep and unexplored underground tunnels filled with crystal clear blue water which are here on the planet Earth from the beginning of the time.

Jean Parvulesco’s writings are not connected with Traditionalist School , New Age, Masons or Occultists.

00:05 Publié dans Jean Parvulesco | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jean parvulesco | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook