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dimanche, 02 février 2020

La guerre des microbes du Pentagone UN PROJET AU SERVICE D’UNE IDEOLOGIE

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La guerre des microbes du Pentagone

UN PROJET AU SERVICE D’UNE IDEOLOGIE

Ex: https://geopolintel.fr

(Rappel: texte de décembre 2008)

Réunie officiellement en 1997, l’influente ligue « Projet pour le Nouveau Siècle Américain » (acronyme : PNAC) [1] regroupait un nombre imposant de membres issus du gouvernement de Ronald Reagan. En 2000, ils théorisaient dans un rapport intitulé :
« Reconstruire les défenses de l’Amérique » la nécessité pour ce pays de préserver et d’accroître sa position hégémonique afin d’instaurer la « Pax Americana ». En préambule de ce rapport, il était déclaré : « De nos jours, les États-Unis n’ont à l’échelle mondiale aucun rival. La grande stratégie de l’Amérique se doit de préserver et accroître cette position favorable pour une durée à venir aussi longue que possible. » [2]

Dans ce but, le PNAC préconisait de créer une unité militaire spatiale pour dominer l’espace ou de contrôler le cyberespace considéré comme une arme ennemie potentielle, mais aussi de développer des armes biologiques capables de cibler des génotypes humains. Ainsi, les idéologues néo-conservateurs annonçaient que : « Bien qu’il puisse falloir plusieurs décennies au processus d’adaptation pour se déployer, à terme l’art de la guerre, dans les airs, sur terre et sur mer, sera très différent de ce qu’il est aujourd’hui et le combat se déroulera vraisemblablement dans de nouvelles dimensions : dans l’espace ou le cyberespace et peut-être dans le monde des microbes. » Et ils écrivaient plus loin : « Les munitions elles-mêmes deviendront de plus en plus précises, tandis que de nouvelles méthodes d’attaques - électronique, non létale, biologique - deviendront plus facilement disponibles. » Enfin, ils précisaient leur pensée : « Et des formes évoluées de guerres biologiques capables de cibler des génotypes déterminés pourront faire passer la guerre biologique du règne de la terreur à celui d’un outil politique utile. ».

Beaucoup des membres du PNAC formaient, en 2001, le noyau dur de l’administration Bush junior, laquelle exprimait, dès le début de ce mandat, une volonté de privilégier l’action unilatérale et le refus de voir la souveraineté des Etats-Unis circonscrite par les traités multilatéraux et le droit international. Cette stratégie de primauté a été articulée, dès 1992, dans un rapport confidentiel intitulé « Defense Policy Guidance » [3] écrit par Paul Wolfowitz, secrétaire adjoint à la défense, et Lewis Libby, conseiller aux questions de sécurité, sous la vice-présidence de Dick Cheney. Ce texte recommandait d’« empêcher toute puissance hostile de dominer des régions dont les ressources lui permettraient d’accéder au statut de grande puissance », de « décourager les pays industrialisés avancés de toute tentative visant à défier notre leadership ou à renverser l’ordre politique et économique établi », et de « prévenir l’émergence future de tout concurrent global. » Une doctrine qui apparaissait donc un cran plus dure que le containment de l’époque de la guerre froide.

Après les attentats du 11 septembre 2001, véritable « Pearl Harbour spatial » prophétisé par Donald Rumsfeld, la révolution militaire voulue par le PNAC fut votée et budgétisée par le Congrès. La nouvelle armée spatiale fut créée, et, autorisé par cet événement extraordinaire, le retrait unilatéral du traité ABM [4] qui limitait la militarisation de l’espace, permit de relancer le programme de « Guerre des étoiles » entrepris sous Reagan ainsi que de déployer son bouclier anti-missile. De même que fut mis en œuvre le contrôle du cyberespace à travers le Cyber-Command créé en 2006 et annoncé, dès 2003, dans le document « Information Operations Roadmap ». [5]

Wolfowitz_portrait_cropped.jpgEn 2002, sous l’impulsion de Paul Wolfowitz, cette administration adoptait« The National Security Strategy of the United States of America » [6] qui présentait la conception de guerre préemptive selon laquelle les Etats-Unis ne se limiteraient pas à des actes de guerre défensive mais exécuteraient des actes de guerre contre tout pays prétendument sur le point de les attaquer.
Ce fut une accélération marquée dans l’échelle des intentions belliqueuses des Etats-Unis. La « Doctrine Bush », unilatérale et souvent brutale dans le discours, prônait la guerre préventive, le maintien de la suprématie militaire américaine ainsi que parodoxalement le développement de la coopération internationale, des droits de l’homme et de la liberté. Elle visait, en particulier, à la refonte du monde arabo-mulsuman.

A sa suite, fut émise la « Stratégie Nationale pour combattre les Armes de Destruction Massive » [7]. Ce plan appellait à l’utilisation des ADM en vertu du recours à toutes les options, nucléaires, chimiques et biologiques et il usurpait le droit du Congrès à déclarer la guerre en violation de la constitution des Etats-Unis.

PROGRAMMES MILITAIRES BACTERIOLOGIQUES

Tout comme le traité ABM (anti-missiles balistiques), la Convention sur les Armes Biologiques (CAB) [8] fut ratifiée en 1972 par plus de cent nations dont les Etats-Unis. Ce traité interdit la mise au point, la fabrication et le stockage des armes bactériologiques et exige également leur destruction ou leur conversion à des fins pacifiques. Depuis la seconde guerre mondiale, les Etats-Unis développent un programme de guerre biologique offensif mais, sous Nixon, on estime que les armes biologiques sont militairement contre-productives en ce sens qu’elles risquent d’engendrer un effet « retour de bâton » sur les forces armées et les populations. De plus, les USA disposent alors d’un arsenal nucléaire massif estimé plus efficient que les armes biologiques perçues comme la « bombe atomique du pauvre ». Ainsi la CAB empêche le développement peu coûteux de ces armes de destruction massive (ADM) par les pays du Tiers-Monde et garantit aux USA la supériorité militaire de leur force de frappe nucléaire grâce au Traité de 1968 sur la non-prolifération des armes nucléaires.

Nixon respecte apparemment la CAB mais dans les entrailles du Pentagone, l’ancienne unité du programme bio-chimique n’est pas dissoute. Et après leur arrivée au pouvoir en 1981, les reaganiens du Pentagone engagent des financements massifs dans des programmes biologiques militaires sous des prétextes de défense, exploitant une faille de la CAB qui n’interdit pas les recherches « à des fins prophylactiques, de protection ou autres fins pacifiques ». En effet, la Convention autorise le développement, la production et peut-être même le stockage d’agents biologiques pathogènes en quantités limitées si ces derniers sont liés à la production de moyens de défense tels que les vaccins, les thérapies ou des vêtements de protection spéciaux. De même, la recherche est admise de facto, puisque la Convention n’y fait pas référence. De plus, la CAB a été rédigée avant que l’ingénierie génétique ne soit parvenue au rang de science de la vie, elle n’a donc pas pris en compte cette connaissance qui permet de mettre au point un outil à double tranchant car pouvant déboucher sur une utilisation défensive ou offensive.

Avec leur « Programme de Recherche en Défense Biologique », les néo-conservateurs signent des contrats avec des universités réputées sur tout le territoire des Etats-Unis, en totale infraction de l’article I de la CAB. En 1985, en réponse à une inquiétude légitime concernant le dévoiement des sciences de la vie par le Pentagone, le Congrès demande au « Conseil pour une Génétique Responsable » (CGR) de faire une proposition législative. Le CGR ignore alors que les reaganiens ont déjà autorisé, par l’intermédiaire de Donald Rumsfeld, à l’époque représentant des USA au Moyen-Orient, des expéditions d’agents biologiques (virus du Nil et Anthrax) à Sadam Hussein, cela en infraction avec l’article III de la CAB, espérant que celui-ci les militarise et les emploie contre l’Iran. Cette administration s’oppose au projet de loi du CGR. [9]

Arrivé au pouvoir, Bush senior remplace les reaganiens par des experts plus proches de la politique de Nixon et la nouvelle équipe permet le vote de la loi préconisée par le CGR en lui demandant, cependant, de la présenter au Congrès comme une mesure permettant de faire face au bio-terrorisme venu du Tiers-Monde susceptible de menacer les Etat-Unis. C’est la loi « Anti-Terrorisme sur les Armes Biologiques de 1989 » et elle remédie à toute lacune du texte de la CAB qui est respecté jusqu’à l’arrivée de l’équipe de Clinton. Celle-ci réactive à son tour le financement des recherches illégales du Pentagone malgré leur extensive activité de la décennie précédente.

A leur retour aux affaires, les reaganiens recyclés avec Bush junior, refusant de voir leurs propres sites inspectés, rejettent le protocole de vérification et de contrôle la CAB, alors en négociation au niveau international. Le New York Times révèle une semaine avant les attentats du 11 septembre 2001, une des raisons essentielles de cette décision : l’administration souhaite dissimuler certains programmes de guerre biologique. Selon l’enquête du journal new-yorkais, trois projets semblaient particulièrement troublants : le test d’une installation expérimentale utilisant des organismes généralement inoffensifs, mais dotés de caractéristiques proches des agents pathogènes servant d’armes biologiques ; le test d’une bombe bactériologique, dont certaines composantes n’étaient pas au point ; un plan d’ingénierie génétique sur une souche résistante d’anthrax. Ils écrivent « Les États-Unis ont lancé un programme secret de recherches sur les armes biologiques qui selon les dires de certains fonctionnaires expérimente les limites du traité mondial interdisant ces armes. […] Au début de cette année, l’administration a dit que le Pentagone avait des plans pour créer génétiquement une variante potentiellement plus puissante de la bactérie qui cause la maladie du charbon. »

Le Centre pour la Loi et la Santé Publique (CLSP) qui a été formé un mois avant les élections de 2000, se réunit, en octobre 2001, dans le but d’établir une législation pour réagir à la menace bio-terroriste du moment. Le 23 novembre, il émet un document appelé « Actes des Pouvoirs des Modèles d’Urgence Santé » (APMUS) [10], une loi que le Département de la Santé et des Services Humanitaires suggère voir décrétée par les 50 états afin de contrôler les futures urgences en santé publique, telle que le bio-terrorisme. Une version révisée est émise le 21 décembre, contenant une définition plus précise de l’urgence en santé publique qui caractérise le bio-terrorisme et les agents biologiques et comprend des clauses pour les états qui veulent utiliser cet acte dans les cas de désastres chimiques, nucléaires ou naturels.

mevacc.jpgL’APMUS exige que chaque individu soit vacciné, un refus constituant un crime entraînant la quarantaine, et que chaque individu subisse un traitement médical spécifique, un refus constituant un crime entraînant la quarantaine. Il peut saisir toute propriété, incluant un immeuble, de la nourriture, des médicaments, de la gazoline ou des vêtements qu’un officier juge nécessaires pour contrôler l’urgence ainsi que
saisir et détruire toute propriété susceptible d’être dangereuse, il n’y aura ni compensation ni recours.
Il peut affecter un citoyen ou une entreprise au service de l’état, peut imposer le rationnement, le contrôle des prix, le contrôle des quotas et du transport. Enfin, cette loi peut suspendre n’importe quelle loi d’état, règle ou réglementation que l’on croira interférer à la maintenance de l’état d’urgence.

L’APMUS est actuellement évaluée par sept états. Cette loi n’espère-t-elle qu’un prétexte pour se voir décrétée et par la suite appliquée ? Que prévoient donc les autorités en proposant une telle loi ? A quel événement majeur se préparent-elles ?

Le nouveau « Programme de Défense Biologique et Chimique » (PDBC)) publié en mai 2004, qui succède au « Programme de Recherche en Défense Biologique » de Reagan, donne à plus de 300 instituts et 12000 personnes l’accès aux agents pathogènes appropriés à la guerre biologique. Le nombre des bourses du National Institut Health affectées à la recherche sur les maladies infectieuses est quant à lui multiplié par 15. Le PDBC sera par la suite appuyé par la « Déclaration Programmatique Finale d’Impact Environnemental » (DPFIE) du Pentagone. A la lecture du DPFIE /PDBC, il est évident que le Pentagone se prépare à mener une guerre biologique conformément aux directives de stratégie nationale de Bush Jr de 2002. Ainsi un paragraphe de cette déclaration stipule que la mission du PDBC est étendue à la défense des capacités militaires à réagir face à la menace lors de missions de sécurité nationale et de missions de combat.

Selon un rapport du Washington Post d’août 2005, le Pentagone a développé ses premiers plans pour des opérations visant à imposer la loi martiale dans le pays tout entier, en violation d’une décision du Congrès interdisant l’utilisation des militaires pour le maintien de l’ordre sur le territoire national (loi Commitus Posse). Les plans sont de grande envergure : les scénarios envisagés vont « de la basse intensité » avec des missions modestes de contrôle des foules, à « intensité élevée » avec la gestion totale de désastres à grande échelle après des attentats tels que l’émission d’un agent biologique.

En 2007, le rapport annuel du Pentagone atteste qu’il prépare des essais d’armes chimiques et biologiques à ciel ouvert en violation des Conventions internationales, révèle le professeur Francis A. Boyle expert au Conseil pour une Génétique Responsable et rédacteur de la loi de mise en application de la CAB, qui fut signée par le président George H. Bush Sr. Le Pentagone nie que le président George W. Bush ait émis une directive lui permettant de reprendre les essais de guerre chimique et biologique (GCB) en plein air, essais qui avaient été interrompus par le président Richard Nixon en 1969. Pourtant, les préparatifs annoncés par le Pentagone semblent indiquer qu’il est prêt à le faire. Le rapport annuel du Pentagone appelle apparemment à « des essais complets [de GCB] sur le terrain » pour ce qui touche à la mise au point et à l’exploitation de ces agents, et pas seulement de simulations. Le passage suivant est explicite : « Plus de 30 ans ont passé depuis l’interdiction aux États-Unis des tests en plein air d’agents chimiques vivants, et depuis que le dernier test de ce type a été réalisé, une grande partie de l’infrastructure nécessaire pour les essais sur le terrain, comme les détecteurs chimiques, n’existe plus ou est sérieusement périmée. Les augmentations actuellement prévues du budget de l’infrastructure « Essai et Évaluation » vont grandement améliorer aussi bien la mise au point que l’exploitation des essais sur le terrain, avec une meilleure représentation des menaces simulées et la définition de la réaction du système ».

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Les essais en plein air déplacent la recherche sur les agents létaux hors des laboratoires afin d’étudier leur efficacité, y compris leurs modes de dispersion aérienne, et pour juger de leur capacité à infecter et à tuer lors des essais sur le terrain. Bien qu’une loi fédérale permette au président d’autoriser les essais en plein air d’agents de GCB, Boyle déclare que cela ne résout pas le problème du respect du droit international car une telle autorisation violerait la Convention Internationale sur les Armes Chimiques et la Convention sur les Armes Biologiques ainsi que les textes législatifs sur la mise en application de ces conventions au niveau national, et ces violations seraient légalement des crimes. Boyle affirme que la mise au point de l’anthrax en vue d’une éventuelle offensive de buts est mise en évidence par les efforts du gouvernement pour essayer de stocker massivement des vaccins contre la maladie du charbon et des antibiotiques, pour 25 millions d’États-uniens au moins, afin de protéger la population civile dans le cas où il y aurait un « retour de manivelle » à l’utilisation de l’anthrax dans le cadre d’une guerre biologique menée à l’étranger par le Pentagone. Il prévient que celui-ci est tout à fait prêt à lancer la guerre biologique par le biais de l’anthrax. Tous les équipements ont été acquis et toute la formation menée et la plupart des membres de forces armées US prêtes à combattre ont reçu des équipements de protection et des vaccins qui les protégeraient prétendument de cet agent.

Associated Press indique de son côté que l’armée états-unienne est en train de remplacer son Institut militaire des maladies infectieuses situé à Fort Detrick par un nouveau laboratoire qui serait composé d’un campus de bio-défense exploité par plusieurs agences. L’armée a déclaré à AP que le laboratoire est destiné à poursuivre des recherches uniquement à des fins défensives contre les menaces biologiques. Le fait que des scientifiques du gouvernement ont créé de nouvelles souches d’agents pathogènes pour lesquels il n’existe pas de remède connu contredit fortement l’argument selon lequel la recherche états-unienne est menée à des fins défensives. Richard Novick, professeur de microbiologie à l’université de New York, déclare : « Je ne peux imaginer une justification plausible pour expliquer la modification génétique de l’anthrax comme une mesure défensive. » En effet, l’altération d’un agent pathogène consiste à modifier sa structure de base afin que les vaccins existants s’avèrent inefficaces contre elle. L’argument selon lequel il faut poursuivre l’ingénierie génétique sur des agents pathogènes afin de créer un vaccin n’est pas fondé. En effet, la nature produit en trop grand nombre des agents pathogènes modifiables, avec trop de gènes altérables, pour qu’un seul vaccin soit efficace. Tous les experts en défense biologique le savent. Alors, pourquoi les Etats-Unis poursuivent-ils ce projet ?

LES SCIENCES DE LA VIE DEVOYEES

L’histoire de l’arme biologique a toujours coexisté avec celles des conflits. Ainsi, les archers de l’antiquité trempaient leurs flèches dans les entrailles des cadavres putréfiés ; des rivières, des sources et des puits étaient empoisonnés par des poisons végétaux ou des carcasses d’animaux en décomposition lors des campagnes guerrières ; des cadavres infectés par la peste étaient catapultés par dessus les remparts des villes assiégées... Longtemps, ces tentatives sont restées anecdotiques. Le tournant fut pris en 1763, par un officier anglais, avec l’emploi d’une maladie spécifique, la variole, contre les indiens d’Amérique et par le biais de couvertures contaminées. Plus près de nous, pendant la première guerre mondiale, l’Allemagne fut accusée d’utiliser le choléra en Italie, la peste à St Petersbourg, et, d’avoir d’infecté des milliers de mules en Mésopotamie avec le bacille de la morve. En 1929, l’URSS ouvrit un centre de recherche sur les armes biologiques au nord de la mer Caspienne. En 1931, l’armée japonaise créa trois centres spécialisés en guerre biologique et se livra au sein de l’unité 731 du général Shiro Ishii à des expérimentations humaines sur des prisonniers. De 1940 à 1944, l’aviation japonaise répandit la peste sur plusieurs villes de Chine en larguant des bombes à fragmentation ou en porcelaine remplies de bacilles, en lâchant des puces infectées, en même temps que du riz pour attirer les rongeurs. La Grande-Bretagne expérimenta, en 1941-1942, sur l’Ile de Gruinard, des dispositifs dedispersion de Bacillus anthracis. Cette île restera interdite d’accès pendant plusieurs décennies. En 1952, pendant la guerre de Corée, les Américains ont été accusés d’avoir répandu le choléra et des insectes infectés par la peste. En avril et mai 1979, une épidémie inhabituelle de charbon pulmonaire survint à Sverdlosk en URSS, après l’explosion d’un bâtiment militaire.

Les agents biologiques susceptibles d’être militarisés sont des agents vivants ou non, issus du règne animal, végétal ou microbien, provoquant une maladie chez l’homme, les plantes ou les animaux ou une détérioration des matériaux. La définition est étendue aux substances produites par les micro-organismes, animaux et plantes, donc aux toxines et peptides, quel que soit leur mode de production y compris, par conséquent la biogénétique, le génie génétique, la bio-ingéniérie et autres biotechnologies.

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Les agents biologiques peuvent être classés en : agents vivants capables de se reproduire par eux même (bactéries, champignons) ; en agents vivants capables de se reproduire uniquement sur une cellule hôte (virus) ; en agents non vivants incapables de se reproduire mais sécrétés par des organismes vivants (peptides, toxines) et en agents non vivants obtenus par synthèse chimique et de structure identique ou très proche des précédents.

Dans le premier groupe susceptible de créer des infections et des épidémies figurent les bactéries, en particulier l’agent du charbon (bacillus anthracis), celui de la peste (yersinia pestis), celui de la tularémie (francisella tularensis) l’agent de la brucellose, de la fièvre Q (coxiella burneti), la coccidioidomycose. Parmi les virus, on compte celui de la variole et des encéphalites (encéphalite à tiques, encéphalite japonaise, encéphalite de Venezuela, fièvre de Chikungunya, d’O Nyong-Nyong, fièvre de la Vallée du Rift et de la Vallée du Nil), de la dengue, de la fièvre jaune et des fièvres hémorragiques dues aux arboviroses (Lassa, Marburg, Ebola), sans oublier les agents agissant sur les plantes (mosaïque du tabac, rouille du blé ou du riz) ou les agents agissant sur les animaux (morve des équidés).
Parmi cette liste de maladies potentielles à usage militaire, les agents suivants, de classe A (haute priorité,facile à produire et à disséminer, transmissible de personne à personne, létalité importante, impact majeur en santé publique, panique et perturbation sociale assurées) l’anthrax, le botulisme, la peste, la variole, la tularémie et les fièvres hémorragiques offrent seuls des utilisations crédibles.
Mais le développement de nouvelles armes, lié aux progrès des biotechnologies et de la génétique moléculaire, peut se faire par deux grands moyens : optimisation d’agents déjà connus pour les rendre plus agressifs ou création de nouveaux agents. Les agents naturels évoqués précédemment peuvent être améliorés selon plusieurs modalités : accroissement de virulence, sélection de résistance aux antibiotiques ou dans le milieu extérieur, extension des cibles dans l’organisme, inefficacité vis-à-vis des vaccins existants, tableau pathologique inhabituel, introduction d’éléments génétiques exogènes, expression d’une toxine inhabituelle et enfin par hybridation. Ont déjà été réalisés l’association combinant la toxine hémolytique du bacille céreus et une souche modifiée de bacillus anthracis pour vaccins ; le croisement de la variole et du virus Ebola ; l’association du virus de la grippe et de la toxine de cobra ; le pox-virus modifié génétiquement ; le mariage des virus de la variole et d’une encéphalite ; le cocktail enterotoxine B staphylococcique et encéphalite équine du Vénézuela…
Tous ces cocktails de toxiques, de germes et de toxines ont fait dire au prix Nobel Lederberg que le danger de ces agents était supérieur à celui de la bombe H.

Une arme biologique doit avoir plusieurs composantes : un agent délétère, un vaccin pour parer à l’effet « retour de bâton », un dispositif d’acheminement et un mécanisme de dispersion. Ce dernier point, quand il est exigé du laboratoire de recherches, contractant du Pentagone, est révélateur de l’option offensive du projet.
Grâce à la technique de l’épissage des gènes, le biologiste développe un nouvel agent biologique, puis le vaccin. Il aérosolise l’agent, le teste sur des organismes vivants et enfin remet ces unités fondamentales aux militaires qui peuvent alors les produire et les stocker en vue de leur déploiement et usage. Une fois le virus ou la toxine militarisés, il faut un vecteur de dissémination tel qu’une bouche d’aération de métro, un système de ventilation d’immeuble, un avion, le réseau d’eau potable, des produits alimentaires ou encore le circuit postal, ainsi que des conditions favorables(température, soleil, vent, humidité) pour déclencher une hécatombe.
Dans les meilleures conditions possibles, un seul aéronef serait en mesure de disperser des quantités élevées d’agents bactériologiques sur des centaines, voire des milliers de kilomètres carrés par pulvérisation en ligne droite contre le vent depuis la région ciblée. Se défendre contre les agents destinés aux armes biologiques pose un problème, vu la difficulté à déceler leur présence ou à les identifier, les exigences de la prévention (connaître à l’avance le type d’agent, assurer la disponibilité de médicaments efficaces et disposer de suffisamment de temps pour développer une immunité) et le fait que des concentrations suffisamment élevées de l’agent peuvent neutraliser même l’immunité déjà acquise.

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Les recherches médicales sur les séquences ADN visent à développer des produits pharmaceutiques capables de combattre les agents pathogènes en se basant sur le profil génétique de ces derniers mais aussi en agissant par rapport au code génétique d’une personne ou d’un groupe humain. En théorie, il est possible de développer un produit bien spécifique pour chaque individu et l’on peut imaginer qu’un traitement visant un groupe d’individus portant les mêmes gènes puisse être produit. Comme il est possible de créer un traitement médical fondé sur la génétique visant une ou plusieurs personnes, il est aussi possible en inversant le processus, de développer un agent pathogène ciblant un groupe humain spécifique. Ce n’est pas un hasard si les militaires ainsi que les services de renseignement du monde entier s’intéressent de près à la cartographie de l’ADN (décodage du génome humain).

Cette idée n’est pas nouvelle. En 1937, les japonais inoculent des virus et des bactéries à leurs prisonniers chinois, russes et américains afin d’en observer les effets selon les ethnies. Leurs travaux ont été récupérés par les américains après la guerre. L’état d’Israël s’est également livré à des recherches permettant le ciblage ethnique (le but étant de développer un agent touchant spécifiquement les arabes) et s’est basé sur des travaux sud-africains qui cherchaient à mettre au point une arme capable de tuer uniquement les individus à peau noire. Il ne faut pas oublier non plus le projet Paperclip, grâce auquel les Etats-Unis se sont garantis les services des plus brillants scientifiques nazis dès 1945, les faisant traverser l’Atlantique pour les faire travailler aux différents projets de guerre que l’armée américaine menait à cette époque. Cela fait donc près de 100 ans que de nombreux gouvernements étudient le moyen de développer des armes nouvelles en se basant sur des réactions chimiques et des séquences d’ADN. [11]

Fin 2001, la société britannique Acambis reçoit une commande de 155 millions de doses de vaccin contre la variole de la part du Département américain de la santé et des services humanitaires. [12] Pourquoi donc le gouvernement américain fait-il un stock de vaccin contre la variole alors que cette maladie est officiellement déclarée éradiquée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) depuis 1977 ? Et que seuls deux laboratoires sont dépositaires de ce virus, l’un américain, l’autre russe ? Ces deux laboratoires ont été initialement créés à des fins de guerre bactériologique lors de la guerre froide.Si la variole a disparu, la bataille autour du devenir des stocks de virus conservés continue d’opposer les partisans de leur destruction à ceux de leur conservation. La décision de destruction avait déjà été prise pour 1993. Depuis, elle a constamment été reportée. A l’heure actuelle la décision de la destruction n’est toujours pas prise, elle est fixée à 2011. [13]Pour quels enjeux ?

Certains laboratoires ont manifesté leur opposition en avançant la nécessité de poursuivre les recherches sur ce virus pour la mise au point de tests diagnostiques et ont soutenu l’idée qu’il pourrait être entre les mains d’états peu scrupuleux, voire de groupes terroristes. En juin 2001, trois mois avant le 11 Septembre, les Etats-Unis organisent l’opération Dark Winter [14], une simulation d’attaque par la variole dans des supermarchés de trois grandes villes américaines. C’est un exercice d’alerte organisé parl’Institut de défense nationale, le Centre de recherches stratégiques international, l’Institut de prévention du terrorisme. Le journal Le Monde du 26 octobre 2001 décrit ainsi l’exercice :« L’attentat ne laissait aucune trace avant qu’une dizaine de jours plus tard les services d’urgence des hôpitaux ne soient submergés de malades. Les personnes contaminées ayant, à leur insu, infectées leur entourage, l’épidémie se serait répandue dans tout le pays avant d’être détectée. En deux mois, elle aurait fait un million de morts. Seul remède, le vaccin antivariolique. Le gouvernement américain vient donc de décider d’une commande de 40 millions de doses de vaccin qui s’ajouteront aux 15 millions de doses déjà stockées et envisagent de constituer un stock de 300 millions de doses. »
Pourtant la variole n’est pas contagieuse pendant l’incubation alors il est impossible que les personnes infectées, mais non malades, contaminent les autres, les critères retenus pour cette stimulation sont manifestement incohérents avec le mode opératoire de la variole. Il a même été envisagé que des terroristes auraient pu se laisser contaminer par la variole puis se promener dans le métro et en ville pendant huit jours afin de contaminer un maximum de personnes. C’est tout à fait contraire aux capacités réduites de contamination de ce virus.

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En décembre 2002, le Pentagone révèle ses plans en cas d’épidémie de la variole. Cette autorité militaire argue que, compte tenu du fait que la variole est complètement éradiquée, un seul cas déclaré de cette maladie serait considéré comme résultant d’une attaque terroriste. Le gouvernement américain dit craindre que certaines souches aient pu être volées en Russie et vendues au marché noir à l’Irak. L’armée pourrait être appelée à assurer l’ordre dans les zones où une quarantaine serait imposée, pour le cas où une épidémie de variole éclaterait aux Etats-Unis à la suite d’une attaque bactériologique. Une campagne massive de vaccinations est préconisée, en commençant par les personnels de santé, et jusqu’à 500.000 militaires susceptibles de contracter la variole sur des champs de bataille. La commande du Pentagone inclut également le Vistide, un antiviral censé réduire les effets secondaires de la vaccination antivariolique ou traiter l’infection déclarée. Ce médicament est produit par les laboratoires Gilead Sciences dont le Secrétaire à la défense, Donald Rumsfeld, est le principal actionnaire après en avoir été administrateur jusqu’en 2001.

A la même époque, le journal The Independent rapporte que des scientifiques britanniques ont pour idée d’exhumer les corps de victimes de l’épidémie dite de la « grippe espagnole » qui est le virus de la pandémie la plus mortelle de l’histoire récente. (En quelques mois seulement de l’année 1918, la pandémie fit plus de victimes que la première guerre mondiale qui se terminait cette même année). Depuis 1997, de leur côté, deux groupes de biologistes moléculaires et de virologistes américains, dirigés par le docteur Jeffery Taubenberger (Institut de pathologie des forces armées, Washington) sont sur la trace de ce virus et ont annoncé en avoir retrouvé des fragments dans des tissus prélevés chez un américain mort de cette grippe, à l’âge de 21 ans, en 1918, en Caroline du Sud. Ils sont parvenus à recréer en laboratoire le virus et espèrent que ces résultats aideront à établir les bases moléculaires de la pathogénicité virale et, ainsi, à faciliter la mise au point de vaccins et de médicaments efficaces. [15]
Ils ont établi ainsi qu’il s’agissait d’un virus d’origine aviaire de sous-type H1N1. Selon le docteur Taubenberger, la pandémie de « grippe espagnole » a démarré en mars 1918 au Kansas dans l’une de ces fermes où existait alors une grande promiscuité entre canards, porcs et éleveurs. Cette variante de la grippe aurait donc trouvé le moyen de passer de l’animal à l’homme par le biais d’une mutation.Les chercheurs américains ont ensuite retrouvé la trace du même virus en Alaska, dans les tissus pulmonaires d’une femme décédée en 1918. Avec l’aide des techniques sophistiquées de la génétique inverse, ces chercheurs ont pu identifier les huit gènes du virus. Ils ont également réussi à créer ce matériel génétique « nu » qui, intégré à des cellules rénales humaines en culture, a permis, en quarante-huit heures, de recréer un agent pathogène que l’on croyait disparu depuis quatre-vingt-cinq ans.

Exhumer des corps pour obtenir un échantillon d’un virus disparu depuis près de cent ans et prendre le risque de faire resurgir l’épidémie. A quoi jouent donc ces apprentis sorciers ?

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En 2002, apparaît la pneumonie atypique, le SRAS, en Chine dans les environs de Hong-Kong. Entre le début novembre 2002 et début juillet 2003, elle touche presque 8500 personnes et fait 916 décès. En septembre 2003, de nouveaux cas apparaissent à Singapour, la cause de ce rebond semble due à un mauvais confinement du virus en laboratoire. Cette épidémie survient au moment même où est lancée la guerre totale contre le terrorisme, et la guerre Anglo-Américaine contre l’Irak sous prétexte que Saddam Hussein aurait accumulé un arsenal d’armes bactériologiques. Cette épidémie émergente complète opportunément les effets de la campagne contre le bioterrorisme. A l’époque, l’OMS lance un plan de crise pour éradiquer l’épidémie de pneumonie atypique. Davis Heymann, de l’OMS, déclare, à propos de la pneumonie atypique : « Nous n’avons jamais rencontré une épidémie aussi généralisée, à une aussi grande échelle ». Le Dr Stohr, virologue de l’OMS en charge de la coordination internationale des laboratoires, ajoute : « C’est la première fois qu’un réseau mondial de laboratoires échange ainsi des informations, des échantillons, des prélèvements sanguins et des images. Il n’y a plus de secrets, plus de jalousie, ni de compétition, face à une telle urgence sanitaire mondiale. C’est un réseau phénoménal ! ».

Entre temps, en avril 2003, un pavé dans la mare des communiqués des autorités provient de Russie. D’après Sergei Kolesnikov, membre de l’académie de Médecine, le virus est un cocktail de ceux de la rougeole et des oreillons, mélange qui ne peut pas apparaître spontanément dans la nature. « Nous ne pouvons l’obtenirqu’en laboratoire » a-t-il confié à l’agence de presse RIA Novosti lors d’une conférence à Irkoutsk en Sibérie. [16] A son avis, il s’agirait d’une arme bactériologique échappée d’un laboratoire et il existerait nécessairement un antidote tenu secret. Le Dr Nikolai Filatov, qui dirige les services d’épidémiologie de Moscou a, de son côté, confié au quotidien la Gazeta que la maladie a été fabriquée. De même, l’Institut of Science in Society de Londres évoque la possibilité que des expériences de génie génétique aient pu créer le virus de la pneumonie atypique, même par inadvertance. Il n’a cependant pas été jusqu’à envisager ouvertement l’hypothèse d’une création intentionnelle comme les scientifiques russes.

Dernier rebondissement, le 7 octobre 2008, le chef de la sécurité nationale de Taïwan déclare qu’il n’était pas exclu que l’épidémie de syndrome respiratoire aigu sévère de 2002 ait eu pour origine des recherches menées par Pékin sur les armes biologiques. Il a cependant reconnu qu’il n’avait pu recueillir aucune preuve à l’appui de cette thèse. Cette accusation est portée dans un contexte de conflit larvé entre la Chine et les Etats-Unis. [17]

Que ce virus ait été relâché ou qu’il se soit échappé, sa propagation permet d’évaluer le temps de réponse des autorités et des laboratoires face aux armes bactériologiques. Un virus faiblement létal de fabrication humaine, c’est l’ídéal pour étudier le mode et la vitesse de propagation d’une arme virale.

LE BOUCLIER BIOLOGIQUE, ILLUSION OU ALIBI ?

Aucun état ne peut s’engager dans un programme d’utilisation offensive des armes biologiques sans s’assurer au préalable que sa population civile est protégée, ou plus précisément que soit maintenu un ordre civil efficace capable de conserver l’infrastructure nécessaire au fonctionnement du programme. Il serait suicidaire et criminel de la part de l’administration Bush de lancer une guerre biologique dite « préemptive » sans avoir mis en place au préalable un programme de « Défense Civile ». Celui-ci est en marche forcé depuis 2003.

8700816.jpgAnnoncé à grand renfort de déclarations mobilisatrices pour contrer les effets d’une éventuelle attaque bio-terroriste sur le sol américain, un programme massif de Biodéfense est lancé, coordonné par le Homeland Security Service. L’organisme public National Institute of Allergy and Infection Diseases (NIAID) [18] qui fait partie du réseau des centres de recherche spécialisés dans la santé aux Etats-Unis ( National Institutes of Health), est en première ligne de ce programme qui comprend trois volets essentiels : développer des parades thérapeutiques contre les principaux agents pathogènes connus, constituer des stocks stratégiques de vaccins et de médicaments et mettre en place des structures d’intervention rapide. Ce programme a été doté de la somme considérable de près d’une centaine de milliards de dollars sur 10 ans. Une part importante de ces crédits est allée au projet BioShield (bouclier biologique). Inauguré en 2004, il s’appuie sur diverses entreprises pharmaceutiques faisant d’elles des partenaires de défense. Celles-ci sont chargées de produire des produits permettant de faire face aux principaux risques qui seront stockés au Strategic National Stockpile. Sept produits ont été retenus : bacille du charbon, variole, tularémie, toxine botulique, fièvres hémorragiques et peste. Ces maladies sont propagées par des germes (bugs) spécifiques, pour lesquels il faut concevoir des remèdes (drugs)spécifiques. Le projet Bioshield [19] repose donc sur le principe : «  one bug, one drug  ». Ainsi des millions de doses de vaccins contre l’anthrax ont été fabriquées, à l’usage prioritairement des forces de sécurité et de défense.

Mais les entreprises pharmaceutiques ne se sont pas empressées de répondre aux appels d’offre, celles-ci préférant investir sur des produits de grande consommation plutôt que dans la prévention de maladies encore inconnues ou peu probables. Ainsi Marie Vodicka de la Pharmaceutical Research and Manufacturers of America déclare : « La vocation de nos compagnies est de subvenir aux besoins actuels en matière de santé et ce facteur doit être pris en compte lors de l’examen des menaces théoriques futures. »

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Mais c’est au tour du Center for Biosecurity [20] de l’université de Pittsburgh de tenir un discours alarmiste en prévenant que les Etats-Unis restaient incapables de se prémunir contre les effets d’une attaque un tant soit peu consistante à l’anthrax. Le gouvernement exerce une pression acharnée pour développer son programme. Outre les laboratoires fédéraux largement sollicités, les industriels de la pharmacie sont vivement encouragés à participer à cette croisade contre ces nouveaux ennemis de la nation. Pour permettre aux grandes entreprises du secteur pharmaceutique, et accessoirement à celles qui fournissent des équipements de protection de faire face à leur devoir patriotique sans redouter d’être mises en cause en cas de problème avec l’un de leurs produits, la loi sur la Homeland Security prévoit de réduire considérablement leur responsabilité. Elles peuvent ainsi fournir à l’armée ou aux services publics n’importe quel produit défectueux, vaccin dangereux ou médicament mortel, sans courir le risque d’un procès ruineux. « Cela doit être un partenariat public privé pour être efficace », résume Anthony Fauci, principal architecte de BioShield. Pour convaincre les « big pharmas », Washington leur consent des conditions très favorables. L’Etat fédéral s’engage à acheter et à stocker les médicaments qui sortiront des laboratoires. Parallèlement, le NIAID [21] entend procéder au séquençage des génomes des principaux agents pathogènes connus. Ces travaux sont eux aussi considérés comme très stratégiques. Pour preuve, les membres participant à la commission intergouvernementale créée dans ce but : le DoD, la CIA, le FBI, la National Science Foundation et le NIAID.

Les spécialistes du bio-terrorisme dénoncent le côté illusoire voire dangereux d’un tel programme car la production des vaccins à grande échelle multiplie les risques d’évasions accidentelles ou criminelles. Quant à la pertinence du plan lui-même, plusieurs observateurs estiment que des bio-terroristes motivés et compétents feraient probablement appel à des souches génétiquement modifiées et par définition sans antidote connu. Une meilleure solution serait de développer des remèdes à large spectre actif contre une grande catégorie de virus et microbes. Une approche défensive sur le modèle du remède à large spectre demande des recherches fondamentales approfondies, afin de définir des structures et fonctions communes entre différents pathogènes, eux-mêmes susceptibles de muter spontanément ou artificiellement. Il ne s’agirait plus par ailleurs seulement de prévenir mais de réagir après contamination. Les autorités sanitaires américaines semblent avoir compris l’intérêt de cette démarche car le DoD vient de lancer une nouvelle initiative dite « Transformational Medical Technologies Initiative » [22]. Mais le projet Bioshield présente une autre faiblesse. Quels que soient les remèdes développés, encore faudrait-il les distribuer en temps utile aux populations. LeStrategic National Stockpile devrait en effet, en cas d’offensive bio-terroriste, distribuer très rapidement à plus de 3.000 administrations de terrain le remède adapté. Or ces administrations ont été laissées dramatiquement à l’abandon. Ni leurs effectifs ni leurs méthodes de travail ne leur permettraient de réagir efficacement comme cela a déjà été constaté à la suite de l’ouragan Katrina.

Le projet Bouclier Biologique est marqué par des retards et des problèmes opérationnels et le 12 décembre 2006, le Congrès adopte une loi approuvant un budget d’un milliard de dollars US pour financer trois années de recherches supplémentaires par le secteur privé sur ce programme.

L’ANTHRAX, UNE SAGA INTERMINABLE

Les deux guerres du Golfe

En 1990, l’administration Bush senior se prépare à la guerre contre l’Irak. Le ministre de la défense d’alors, Dick Cheney, ordonne que tous les soldats américains envoyés sur la zone d’hostilité soient vaccinés contre l’anthrax (ou maladie du charbon) et la toxine botulique avec des produits qui n’ont pas eu encore l’accord de la Food an Drug Administration (FDA) et sans le consentement éclairé des personnes concernées. Cheney craint-il l’effet « retour de bâton » sur ses troupes car connaissant la livraison secrète de ces agents pathogènes, par Rumsfeld à Sadam Hussein, lors de la guerre Irak-Iran dans les années 1980 ?
Où favorise-t-il, sous prétexte de prévention, les intérêts financiers du seul laboratoire fabricant les vaccins contre la maladie du charbon, le laboratoire du MBPI dans le Michigan qui dépend uniquement du département de la Défense (DoD) pour passer ses contrats et qui recrute donc des responsables militaires en son sein ? Le secteur pharmaceutique est bien représenté au sein même de l’administration en la personne de Donald Rumsfeld lui-même, qui a dirigé Searle (devenu Pharmacia) de 1977 à 1985, puis Amylin Pharmaceuticals et Gilead Science, jusqu’à sa nomination au poste de secrétaire à la Défense.

Les troupes américaines et anglaises engagées dans la première guerre du Golfe sont ainsi le champ d’une expérimentation médicale réelle à grande échelle qui semble être en grande partie responsable du « Gulf War Syndrom » qui touche la plupart des vétérans de ce conflit. Bush senior, Cheney, les généraux Colin Powell et Norman Schwarzkopf ont violé le Code de Nuremberg sur l’expérimentation médicale en obligeant leurs forces armées à prendre ces vaccins expérimentaux. Le Pentagone refuse toujours de reconnaître aujourd’hui l’existence du syndrome de la guerre du Golfe car il faudrait alors que les décideurs de l’époque, toujours en place aujourd’hui, en assument les conséquences légales, économiques et politiques.

En décembre 1996, MBPI fait l’objet d’une enquête de la FDA, qui débouche sur la menace d’une révocation de la licence du laboratoire fin 1997. Le Pentagone avait annoncé en mars qu’il allait lancer une campagne de vaccination de l’ensemble de ses troupes. Mais l’avertissement de la FDA contraint la société à cesser son activité pour rénover ses installations début 1998. Elle est alors cédée à une firme inconnue, BioPort Corporation, qui l’achète 25 millions de dollars, en septembre 1998, après avoir été assurée d’une subvention du Pentagone d’un montant de 15 millions de dollars pour la rénovation des installations. Un mois après ce rachat, un contrat inespéré de 29 millions de dollars est signé avec le DoD pour « produire, tester, embouteiller et stocker le vaccin contre l’anthrax ». Le Pentagone relance officiellement son projet de faire vacciner les 2,4 millions de soldats, marines et pilotes de chasse qui servent sous les drapeaux en mai suivant.

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BioPort est fondée sur la base d’un consortium créé pour l’occasion de la reprise de MBPI. Dans le cas d’une industrie aussi sensible que la production de vaccins pour l’anthrax, dépendante exclusivement de contrats militaires, le Pentagone a probablement influé sur la composition de son capital et de son organigramme. On retrouve en effet, au poste de président, l’amiral William J. Crowe Jr, devenu chef d’état-major interarmes sous R. Reagan et G. H.W. Bush. Il est membre du Council on Foreign Relations(CFR) [23] dont il a présidé un groupe de travail, en février 2001, sur les moyens de prémunir les États-Unis contre la menace terroriste. Crowe détient 22,5 % de la société Intervac L.L.C, le reste étant concentré entre les mains de la famille El-Hibri dont Fuad El-Hibri, ressortissant allemand d’origine libanais, apparaît comme le véritable patron d’Intervac. Comme les Bush, il a fait ses études à Yale. Il a pris la nationalité états-unienne et est aujourd’hui directeur et président-directeur général de BioPort. BioPort appartient au groupe Carlyle au conseil d’administration duquel siège Bush senior et un frère de Oussama ben Laden et Fuad El-Hibri est lui-même un proche de la famille ben Laden

Un autre groupe est le détenteur du brevet de l’antibiotique Cipro permettant de traiter l’Anthrax, c’est la firme allemande Bayer, qui en détient l’exclusivité jusqu’en janvier 2003. Le groupe se trouve en grande difficulté financière à l’automne 2001. Il doit en effet faire face à une série de fusions coûteuses et à un grand nombre de procès pour la commercialisation d’un de ses médicaments qui a provoqué plusieurs décès.

BioPort, de son côté accusée de malfaçon et de fraude par la FDA depuis 1997, a absolument besoin d’un agrément pour reprendre sa production. Le dossier doit être discuté devant l’Agence fédérale au début du mois d’octobre. Les allégations des vétérans de la guerre du Golfe liant les vaccinations à l’anthrax qu’ils ont subi au fameux « syndrome de le la guerre du Golfe » dont ils souffrent ne plaident pas en faveur de la société.
Pour Bayer, comme pour BioPort, tout événement lié à la maladie du charbon qui convaincra les pouvoirs publics de la nécessité de se prémunir contre le bio-terrorisme sera une aubaine.. [24]

Les lettres à l’Anthrax

Le 11 septembre 2001, alors que toutes les forces armées sont en alerte, le laboratoire de Fort Detrick au Maryland est évacué. Depuis les années soixante, ce laboratoire met au point des armes biologiques à partir du virus Ebola, de la variole et de l’anthrax. Vers 15 heures, CNN annonce que les équipes du centre épidémiologique fédéral basé à Atlanta et la chaîne d’information continue sont mobilisées : une attaque du pays à l’anthrax par Oussama ben Laden est imminente. Cette alerte ne se concrétise heureusement pas mais la psychose de l’anthrax commence. Ce même jour se déroulait un exercice appelé « Tripod I » qui simulait une attaque bioterroriste au dessus de New York. Pour ce faire, l’Office of Emergency Managment, le siège de la cellule de gestion de crise créée au début 2001 déménagea du WTC deux jours avant les attentats.

Un mois plus tard, les Etats-Unis subissent de nouvelles attaques traumatisantes avec l’envoi de premières lettres contenant cet agent pathogène adressées au Sun le 8 octobre et à la chaîne NBC le 12. Un troisième cas d’anthrax respiratoire est également recensé au sein de l’American Media Inc. La piste privilégiée par le FBI est celle de l’épandage d’anthrax dans l’air par des fondamentalistes musulmans. La panique s’empare de la population, qui se rue sur le Cipro sous l’effet du discours alarmiste propagé par les autorités et malgré l’avertissement des spécialistes en bioterrorisme qui pensent que la souche utilisée est certainement militaire et a donc été conçue pour résister aux traitements connus.

Depuis plusieurs mois, l’hypothèse de l’utilisation du bacille de charbon par des organisations terroristes était avancée par plusieurs responsables états-uniens. Donald Rumsfeld, le devin du « Pearl Harbor spatial » était l’un d’entre eux. En effet, dès le 16 septembre, le secrétaire à la Défense annonçait qu’« une [nouvelle] attaque de terroristes peut arriver à tout moment. [...] Ils peuvent nous menacer de guerre chimique, biologique, de missiles ». Bush et son état major, sur les conseils de Jérôme Hauer, conseiller à la sécurité aux National Institutes of Health(NIH), se mettent quant à eux à absorber le Cipro dès le 11 septembre. Comment Jerôme Hauer a-t-il pu anticiper un risque aussi spécifique ? Les députés et le personnel du Congrès reçoivent du Cipro seulement lorsque des lettres à l’anthrax sont trouvées au Capitole.

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Ces lettres sont destinées aux sénateurs démocrates, Daschle et Leahy, parlementaires opposés à l’USA Patriot Act. La salle du courrier du Congrès et les machines de tri ont été exposées à l’anthrax, les travaux parlementaires sont suspendus et les bâtiments évacués pour décontamination. On trouve des traces du bacille au département d’État et jusqu’au siège de la CIA. Le 23 octobre, le président Bush déclare « Je n’ai pas l’anthrax ! », ce qui laisse supposer que nul ne semblait à l’abri. La psychose est à son comble.
Bayer signe alors un accord avec le gouvernement pour la fourniture de 100 millions de tablettes Cipro au prix de 95 cents l’unité. Trois grandes sociétés pharmaceutiques ont pourtant proposé de fournir gratuitement un générique du Cipro, en échange de l’agrément de la FDA. L’offre est refusée.

Dans la foulée, la FDA accorde l’autorisation à BioPort de reprendre la production de vaccins contre l’anthrax, tandis que le gouvernement ressort son projet de vaccination de l’ensemble des troupes. Les affaires reprennent pour Bayer et BioPort.

Suspect de la première heure, Ayaad Assaad, un ex-biologiste de l’US Army Medical Research Institute of Infectious Diseases (USAMRIID) [25], d’origine égyptienne, est désigné par une lettre anonyme envoyée au FBI l’identifiant comme appartenant à une cellule terroriste peut-être liée aux attaques à l’anthrax. Elle a été envoyée avant l’arrivée des lettres à l’anthrax, ce qui laisse suggérer une connaissance préalable des attentats, et dans un langage similaire aux lettres mortelles. Ayaad Assaad fait un coupable idéal. D’origine arabe, il avait aussi intenté un procès à l’armée US pour discrimination. Si les lettres à l’anthrax ne contiennent pas de revendication, elles comportent un double message de haine envers Israël et les USA, et de gloire à Allah. Pourtant, selon le Hartford Courant, le FBI n’a pas cherché à retrouver l’auteur de la lettre, «  en dépit de son calendrier curieux, à savoir quelques jours avant que l’existence de lettres contaminées à l’anthrax ne soit connue. » Assaad a été rapidement mis hors de cause et la piste éludée.
Cette lettre démontre pourtant une connaissance intime des activités de l’USAMRIID, ce qui suggère qu’elle provient d’un groupe ayant l’accès à Fort Detrick. « L’auteur des lettres savait clairement tout sur moi : ma formation en agents chimiques et biologiques, mon accréditation de sécurité, à quel étage je travaille, que j’ai deux fils, le train que je prends pour aller travailler et où je vis » confie Assaad à la journaliste Laura Rozen. Il suggére au FBI de questionner deux de ses ex-collègues de l’USAMRIID susceptibles d’avoir une rancune contre lui : Philip Zack et Marian Rippy, lesquels quelques années auparavant avaient été réprimandés pour avoir envoyé à Assaad un poème raciste. Bien que la vidéo du Hartford Courant ait apporté la preuve que Zack avait fait des visites en dehors des horaires de bureau dans les laboratoires où étaient entreposés des agents pathogènes, il n’existe aucun dossier montrant que le FBI ait jamais enquêté sur lui ou sur Rippy. Zack a également été consultant chez Gilead, son nom apparaît dans une étude commandée par cette entreprise.

51c1bK+HLML._SX305_BO1,204,203,200_.jpgL’enquête baptisée Amerithrax mobilise des centaines d’agents fédéraux, donne lieu à plus de 8000 interrogatoires et 5000 assignations à comparaître. Dix-neuf laboratoires testent l’anthrax pour en découvrir l’origine. Les pistes du terrorisme international sont explorées, plusieurs lettres contenant des menaces à tonalité islamiste examinées. Mais la seule certitude de l’enquête mène à un centre de recherche de l’armée car selon un rapport de Barbara Hatch Rosenberg de la Fédération des Scientifiques d’Amérique, l’anthrax utilisé lors de ces attaques était concentré à un trillion de particules par gramme et les analystes du New Scientist affirment que cela correspond à la souche « Ames » laquelle provient de l’USAMRIID à Fort Detrick .
Barbara Rosenberg fournit à Jérôme Hauer, une liste d’une douzaine de suspects potentiels, notamment des scientifiques de divers instituts dont l’USAMRIID car, selon elle, seul un chercheur avait les capacités de la produire, de la dérober et de la transporter.

Un autre suspect émerge alors, pour le moins digne d’intérêt, suite à une fuite du ministre de la justice en personne. C’est le Dr Stephen J. Hatfill, microbiologiste accrédité secret-défense pour les recherches sur les armes biologiques. Spécialiste du bio-terrorisme, il est alors consultant pour la CIA, le Pentagone et le FBI. Son parcours est trouble. Travaillant pour le Pentagone depuis 1969, il part en Rhodésie dans les années 1980, se mettre au service du pouvoir en place. A la même époque, une épidémie de charbon touche des fermiers noirs. Puis, on le retrouve en Afrique du Sud, proche d’un chef de parti qui mène des actions contre des militants anti-apartheid. Il revient aux USA en 1995 et intègre le NIH. Il travaille à l’USAMRIID de 1997 à 1999. Enfin, il entre à la Scientific Applications International Incorporation (SAIC) [26]. Il se serait inventé un doctorat, une appartenance à la société royale de médecine. Sur son ordinateur, on trouve l’esquisse d’un roman racontant un attentat bio-terroriste. Hatfill a été aussi l’un des vecteurs de la fausse information selon laquelle l’Irak disposait des moyens technologiques pour fabriquer le meilleur anthrax au monde. Une histoire qui est plus tard reprise et amplifiée sous la forme des fameuses armes de destruction massive de Saddam Hussein. Il a eu l’occasion de côtoyer Jérôme Hauer à la SAIC au Centre Technologique et d’Analyse pour la Lutte contre le Terrorisme. Lors de son séjour en Rhodésie, il habitait dans le quartier de Greendale près de l’université où il enseignait. Les lettres à l’anthrax portaient le cachet « Greendale School », lieu inconnu en Amérique.

Pendant des mois, le Dr Hatfill est placé sous surveillance jour et nuit, sans résultat. Son accréditation secret-défense lui est retirée, il est suspendu de son travail mais garde son salaire. Le FBI se refuse à le désigner formellement comme suspect et, en 2005, il se retourne contre le gouvernement et le FBI pour fausse accusation.

Et sept ans après que les attaques d’anthrax ont entraîné la fermeture temporaire du Congrès, semé la panique dans tout le pays, tué 5 personnes et rendu malade 17 autres, en avril 2008, on apprend que le FBI se concentre sur 4 suspects. Fox News les identifie comme un ancien commandant adjoint, sans doute de l’US Army, un scientifique leader sur l’anthrax et un microbiologiste. Le quatrième suspect n’est pas décrit mais le FBI proclame tenir son homme en la personne de Bruce E. Ivins, scientifique à la renommée mondiale et couvert de décorations qui a travaillé au service de son pays pendant plus de 33 ans. Il travaillait depuis 18 ans dans le laboratoire de l’USAMRIID et, ironie du sort, c’est Ivins qui avec d’autres enquêteurs, avait aidé les enquêteurs du FBI dans le cadre de l’analyse d’une des enveloppes contenant de l’anthrax. Le FBI est « confiant dans le fait que le Dr Ivins est la seule personne responsable de ces attaques  ». Mais la première semaine d’août 2008, son suicide est annoncé. Selon les médias américains qui sont les premiers à rapporter l’affaire, M. Ivins est déclaré mort dans ce qui ressemble à un suicide par une overdose de Tylenol (paracétamol) mélangé à de la codéine. Son avocat, Paul Kemp, dit qu’Ivins avait passé un certain nombre de tests au détecteur de mensonges et que le jury qui devait décider de sa mise en accusation en avait encore pour des semaines à rendre son acte d’accusation. Ivins s’est plaint à des amis que les agents le traquaient lui et sa famille. Le superviseur de Ivins à l’USAMRIID rapporte que celui-ci avait été émotionnellement affecté par le comportement du FBI.

Quelques jours après sa mort, le FBI annonce qu’il va mettre fin à l’enquête Amerithrax. « Le dossier Anthrax est bouclé  » claironne le Daily News le 4 août. Ces annonces en suivent de près une autre, beaucoup plus discrète, le 27 juin, concernant le précédant suspect, Steven Hatfill qui porte sur la fin de son procès. Le gouvernement américain a dû lui verser 5,8 millions de dollars en compensations morales pour des accusations désormais considérées non fondées.

Francis Boyle, professeur de droit international et rédacteur de la loi de mise en application de la CAB, qui conseilla le FBI lors des enquêtes préliminaires sur les lettres à l’anthrax, dit de Ivins qu’il paraît difficile qu’il ait eu la connaissance technologique nécessaire à la production de lettres à l’anthrax. Jeffrey Adamovicz, qui dirigea la division bactériologique à Fort Detrick en 2003 et 2004, déclare que l’anthrax envoyé par courrier au sénateur Daschle était « si concentré, si consistant et si pur que j’affirmerais que Bruce ne pouvait pas avoir participé à ce travail ». Faisant suite à la publication du FBI concernant Ivins, le New York Times affirme dans un éditorial qu’« il n’existe pas de preuve directe de sa culpabilité » et dénonce le « manque de charges solides et incontestables. » Les enquêteurs ne sont pas parvenus à localiser Ivins dans le New Jersey lorsque les lettres ont été envoyées depuis la région de Princeton. Le mobile n’a pas non plus été établi. Pourquoi Ivins, un démocrate attitré, aurait réservé aux sénateurs Patrick Leahy et Tom Daschle (deux démocrates influents) l’envoi des lettres meurtrières ?
Il semble improbable qu’un savant fou puisse se spécialiser dans de telles activités politiques ciblées sans raison apparente. Le Dr Gerry Andrews, un professeur de microbiologie et ancien collègue de Ivins à Fort Detrick, a écrit dans le New York Times : « Quand l’équipe d’Ivins a analysé la poudre, elle a constaté qu’il s’agissait d’une arme à l’anthrax dont la qualité de préparation des spores était étonnamment raffinée, à un point jamais vu avant par le personnel à Fort Detrick. » Mais dans un email obtenu par Fox news, des scientifiques de Fort Detrick ont ouvertement évoqué le fait que l’anthrax qu’on leur a demandé d’analyser suite aux attaques était quasiment identique à celui fabriqué par leurs collègues.

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Si les scientifiques de Fort Detrick n’ont pas la capacité de produire ce type de bacille du charbon, qui l’a ? Et si le FBI a la conviction que le tueur à l’anthrax travaillait à Fort Detrick (des nouvelles techniques ADN ayant permis opportunément d’associer les spores à ce laboratoire), alors la lettre au sujet d’Assaad est une pièce maîtresse qui innocente Ivins. Beaucoup de questions sans réponse encore à ce jour mais peut-être que si la recherche de preuves basées sur les spores de la maladie du charbon était correctement menée, elle conduirait directement au programme secret de guerre biologique des Etats-Unis, programme illégal violant l’Anti-Terrorism Act de 1989 sur les armes bactériologiques. En effet, les défaillances choquantes du FBI ne s’arrêtent pas là. L’anthrax utilisé dans les attentats terroristes a donc été identifié comme étant similaire à une des souches conservées aux laboratoires de Ames. La base de données Ames conserve la liste complète des entités, des organismes et des laboratoires ayant fait l’acquisition de souches d’anthrax. Lorsque les chercheurs, par peur que les terroristes ne pénètrent dans le laboratoire, ont proposé de détruire les cultures d’anthrax, le FBI n’a pas fait d’objection. « Ce fut une étonnante décision » a déclaré Francis Boyle. « Ils auraient dû les conserver comme preuve. Il s’agissait de la piste qui menait vers celui ou ceux qui avait accès au développement de la super-souche qui a frappé Daschle et Leahy. » Boyle émet la théorie que l’enquête du FBI a été volontairement sabotée pour opérer une dissimulation. Il est à noter que l’agent du FBI en charge de la coordination de l’enquête sur l’anthrax est Marion « Spike » (la censure) Bowman qui a joué un rôle surprenant dans le fiasco de l’ordinateur de Moussaoui qui eut pour conséquence que les agents de terrain de Minneapolis s’en virent refuser l’accès.

William C. Patrick III est l’inventeur du processus de transformation, en arme biologique, de l’anthrax dit de type « Ames ». Il est aussi l’auteur d’un rapport, de 1999, auquel a participé Steven Hatfill, qui étudie les réponses possibles à une attaque à l’anthrax par courrier. Ce rapport qui a été classifié par la CIA met en garde contre une attaque bioterroriste à l’anthrax et note l’impréparation militaire en la matière. Il décrit ce que l’armée US devrait faire. Les similitudes entre ce que le rapport prédit et les attaques à l’anthrax de l’après 11 Septembre sont étranges. La BBC suggéra plus tard la possibilité qu’il existât un projet secret de la CIA visant à étudier les méthodes d’envoi d’anthrax par la poste qui serait devenu hors de contrôle et que le terroriste à l’anthrax connaissait l’existence de cette étude ou y avait participé. La CIA et William Patrick ont nié l’existence de ce rapport, bien que des copies de celui-ci aient fait l’objet de fuites dans les médias.

LA GRIPPE AVIAIRE, UNE INTOXICATION MONDIALE

« Sommes-nous à la veille d’une catastrophe mondiale résultant du passage imminent dans l’espèce humaine d’un virus grippal hautement pathogène d’origine animale ? Est-on au contraire en train de noircir, à l’envi, une situation épidémiologique, et ce alors même qu’aucun expert au monde ne peut raisonnablement prédire comment elle pourra évoluer à court, moyen ou long terme ?  » Le Monde du 29 septembre 2005.

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De 2003 au 23 septembre 2008, le bilan humain de la catastrophe attendue de la pandémie de grippe aviaire est de seulement 245 décès sur 387 cas confirmés biologiquement et notifiés à l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS).

Il existe énormément de souches différentes de virus aviaires, retrouvés chez les oiseaux migrateurs, certains peu pathogènes et d’autres hautement pathogènes comme le virus grippal Influenza A, dans son sous-type H5N1, qui peut se décliner à son tour en de nombreux variants, plus ou moins pathogènes. Ces formes virales n’infectent pas facilement l’homme. La grippe provoquée par le sous-type H5N1 est appelée « grippe aviaire », et n’affectait que les oiseaux sauvages ou domestiques avant 1997. C’est à compter de cette date que l’on signale les premiers cas d’infection chez l’homme. L’épidémie s’est déclarée à Hong-Kong, où 18 cas chez les humains, dont six décès, ont mené à l’abattage massif de poulets dans les régions présumées comme étant la source du virus.

A ce jour, on a signalé des cas humains dans sept pays, pour la plupart en Asie : Cambodge, Chine, Indonésie, Iraq, Thaïlande, Turquie et Viet-Nam. Les premiers patients de la flambée actuelle, notifiés au Viet-Nam, ont développé les symptômes fin 2003. Avec plus de 90 cas, ce pays reste le plus touché. Tous les cas humains ont coïncidé avec des épizooties de grippe aviaire H5N1 dans les populations de volailles. Globalement, plus de la moitié des cas humains confirmés en laboratoire ont été mortels mais la grippe aviaire H5N1 reste une maladie rare chez l’homme.

Cette affection est transmissible entre volatiles et plus rarement à des mammifères, dont le porc qui est à la fois réceptif aux virus grippaux aviaires et humains ; mais elle est habituellement difficilement transmissible à l’humain. Lorsque la souche est hautement pathogène, ce virus peut se transmettre exceptionnellement à l’homme. La transmission s’effectue avec des contacts directs, fréquents et intensifs, avec des sécrétions respiratoires ou des déjections d’animaux infectés. Une transmission du virus aviaire à l’homme risque de favoriser des échanges de matériel génétique entre les deux virus chez une personne déjà contaminée par le virus de la grippe humaine. Un tel réassortiment génétique entre ces deux virus pourrait engendrer l’apparition d’un nouveau type de virus susceptible de s’adapter plus facilement à l’homme. Ce mécanisme faciliterait ainsi la transmission inter humaine de ce nouveau type de virus qui pourrait diffuser sur un mode épidémique.

A l’heure actuelle, rien ne permet de présager que la grippe aviaire provoque chez l’homme une pandémie, c’est exclu tant que le virus H5N1 ne se transmet pas de personne à personne. Malgré cela, alors que la grippe aviaire reste circonscrite en Asie du Sud-Est, l’OMS multiplie, depuis début 2005, les messages d’alerte auprès de la communauté internationale sur le risque d’une pandémie de grippe aviaire. A ce jour, la menace ne touche pourtant que l’industrie de la volaille dans les zones concernées. En effet, les responsables sanitaires doivent détruire les élevages de manière à prévenir une éventuelle propagation du virus et environ 150 millions de poulets et diverses volailles ont dû mourir, soit de cette grippe aviaire, soit par abattage de prévention.

Devons-nous nous vraiment nous préparer à une épidémie de grippe comparable à celle de la grippe espagnole en 1918-1919 qui était également d’origine aviaire ? Une pandémie, c’est en quelque sorte la guerre mondiale des épidémies.

Pourquoi le gouvernement des États-Unis et d’autres pays occidentaux dépensent-ils des centaines de millions d’argent des contribuables pour stocker un soi-disant vaccin anti-H5N1 ? Il est impossible de créer un vaccin contre un virus qui n’existe pas encore. Si un vaccin contre la grippe aviaire dans sa forme pandémique est développé, cela signifie que le virus pandémique préexiste naturellement ou qu’il a été créé en le cultivant suffisamment longtemps dans des cellules souches humaines. Tous les virus grippaux de type A impliqués dans la grippe aviaire ou la grippe humaine sont génétiquement instables, les artificiellement créés encore plus. Ces virus peuvent muter, c’est-à-dire réassortir leur matériel génétique et fusionner. C’est le phénomène constant de commutation, aboutissant à la création d’un nouveau sous-type, différent des virus dont il est issu et contre lequel les populations n’ont aucune immunité, y compris vaccinale. La fiabilité d’un vaccin demande de plus des années, ou au moins des mois, de tests sur les populations visées.

Ne devrait-on pas plutôt, comme le préconise, le docteur Angot, directeur adjoint de l’Organisation mondiale de la santé animale, « mettre le maximum de fonds dans la lutte contre la maladie animale dans tous les pays où elle existe, pour tuer la maladie à la source et par là même éviter la possibilité de mutation du virus et son adaptation à l’homme ».

Mais les pays industriels, éloignés pour l’instant des foyers de grippe aviaire, préfèrent constituer à prix d’or des réserves d’un traitement antiviral, le Tamiflu, qui n’a pourtant pas même fait pleinement la preuve de son efficacité dans la grippe ordinaire. Un rapport de l’Office canadien de coordination de l’évaluation des technologies de la santé (OCCETS), confirmait en 2001 que le Tamiflu et le Relenza (autre antiviral) ne seraient pas plus efficaces qu’un placebo dans le traitement préventif et curatif de la grippe (rapports technologiques de janvier et novembre 2001). Pire en novembre 2005, Changaï Pharmaceutical Co reconnaissait avoir répertorié au Japon, le pays où cette pilule a été la plus vendue, depuis 2001, au moins 21 morts chez les plus de 16 ans sous Tamiflu, ainsi que 13 décès d’enfants de moins 16 ans entre mars 2004 et avril 2005. Le président de l’institut de pharmacovigilance japonais, Rokuro Hama, le répète dans tous les congrès et revues scientifiques. Les Etats-Unis ont cependant constitué une réserve de Tamiflu pour un montant de 3 milliards de dollars, la France et l’Angleterre se contentant chacun de plus de vingt à 40 millions de traitements individuels.

Particulièrement coûteuses, toutes ces mesures préventives conseillées par l’OMS ont pour effet de masquer les vraies causes de la propagation de ces épizooties que sont les méthodes d’élevage concentrationnaire de l’industrie avicole.

Les laboratoires pharmaceutiques seraient-ils les premiers à tirer profit de cette catastrophe hypothétique ?

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Le Tamiflu, antiviral contre la grippe saisonnière, a été développé et breveté en 1996 par la firme de biotechnologie californienne Gilead Sciences Inc. En janvier 1997, Donald H. Rumsfeld fut nommé président du conseil d’administration de Gilead Sciences, il y est resté jusque début 2001 quand il est devenu Secrétaire à la Défense. Alors que George W. Bush annonçait sa « stratégie nationale » à 7 milliards de dollars contre une éventuelle épidémie de grippe aviaire, Rumsfeld décidait de se mettre en retrait de toute décision gouvernementale sur la maladie. En effet, le magazine financier américain Fortune révélait, le même jour, que Rumsfeld était l’heureux détenteur d’au moins 5 millions de dollars d’actions de la société Gilead Sciences. Après la publication de l’article dans Fortune, le secrétaire à la Défense a préféré prendre les devants face à de possibles accusations de conflit d’intérêt. Il a indiqué avoir déjà pensé vendre ses actions en début d’année, lorsque la question d’une pandémie possible commençait à se poser. Puis, après avoir consulté le Comité d’éthique du Sénat, les services juridiques de la Maison Blanche et le département de la justice, il avait décidé de ne pas vendre mais de s’abstenir de toute participation aux décisions concernant la grippe aviaire. La moindre des prudences quand on sait que le Pentagone a déjà commandé pour des millions de dollars de Tamiflu pour les soldats US dans le monde. Fortune révélait également quel’ancien secrétaire d’Etat Georges Schultz, moins scrupuleux ou moins exposé et qui siège actuellement au conseil d’administration de Gilead, a vendu pour 7 millions de dollars d’actions depuis le début 2005.

Le Tamiflu est un remède long et coûteux à fabriquer, dérivé de la badiane, l’anis étoilé. Le processus de transformation de cette plante chinoise en antiviral dure plus d’un an. Aussi l’entreprise s’est associée, pour sa fabrication et sa commercialisation, aux laboratoires suisses Roche auxquels Gilead cède, en 1996, tous les droits d’exploitation du Tamiflu contre 10 % des ventes qui flambent depuis les discours de prévention de l’OMS.

Curieux retournement de situation pour un médicament jusqu’à présent considéré par les hommes de l’art comme de la camelote. Les tests effectués avant la commercialisation indiquent que absorbé, dans les 48 heures suivant l’apparition des premiers symptômes de la grippe humaine, leTamiflu peut réduire la durée de la maladie d’un jour et demi. Gain modeste qui peine à rivaliser avec remèdes empiriques et aspirine. De fait, jusqu’à l’arrivée opportune de l’épizootie de grippe aviaire, le Tamiflu vendait tellement peu que Roche pensait à le retirer du marché. Si l’effet sur la grippe humaine est faible, rien ne peut garantir l’efficacité du Tamiflu sur le virus aviaire mutant car ce virus n’existe pas encore. De plus, le virus aviaire a touché tellement peu de personnes dans le monde qu’il y a peu de patients sur lesquels le tester. Il semblerait même que des chercheurs japonais aient constaté qu’en administrant ce médicament à certains malades de l’aviaire, ceux-ci développent immédiatement une résistance au principe actif, qui ne fonctionnerait donc pas du tout.

Cependant, en août 2005, un communiqué de l’OMS informe que la firme pharmaceutique Roche donne à la communauté internationale trois millions de traitements de Tamiflu qui seront destinés à la lutte contre la grippe aviaire dans les pays pauvres. « En cas de pandémie et s’il est associé à d’autres mesures, l’administration de Tamiflu pourrait aider à limiter les maladies et les morts et contenir l’explosion du virus. Ou à en ralentir la diffusion » affirme la suprême autorité pour la santé publique. Avec son obole aux pauvres et grâce à l’aval de l’OMS, le Tamiflu entre en piste dans le cirque médiatique de la grippe aviaire. Cette opération de communication réussie propage le Tamiflu comme unique antiviral qui pourrait s’opposer à la grippe aviaire humaine. En l’espace de quelques mois, et en dépit du conditionnel qui entoure l’événement pandémique, soixante nations s’assurent de réserves pour 25 % de leur population, tandis que les pharmacies sont prises d’assaut par ceux qui se méfient des promesses des gouvernements. Roche annonce que les usines travaillent 24 heures sur 24, de 2004 jusqu’à fin 2006, la production de la précieuse poudre blanche sera décuplée.

En 2005, le chiffre d’affaires du Tamiflu dépasse le milliard d’euros et la multinationale réalise le meilleur résultat de son histoire. Alors que la moitié de la planète implore qu’on augmente la production ou qu’on délivre le brevet pour permettre la fabrication de génériques, Roche fait savoir qu’il est disposé à négocier. La pression des Nations Unies et des USA s’est manifestée, mais c’est le choix de la stratégie de communication qui une fois de plus l’emporte. Roche se déclare préoccupé de la santé publique et donc, prêt à discuter les conditions de cession de la licence à qui les contactera.

Par ailleurs, l’Organisation mondiale du commerce avait établi en 2001 et confirmé en 2003 qu’en cas d’urgence sanitaire les gouvernements ont le droit de copier les médicaments, en dépit de tout brevet. Anticipant une telle étape, Roche fait figure de philanthrope et se garantit une part des royalties. Etant donné le succès de la première donation, il renchérit avec deux autres millions de traitements, le communiqué de l’OMS récitant : « Nous sommes reconnaissants à Roche de sa généreuse donation ». La production du médicament est prévue pour 300 millions de doses en 2007. Les actionnaires de Gilead se portent bien.

Fortune écrit, en novembre 2005 : « Grâce à la peur d’une pandémie, les actions de Gilead sont passées en six mois de 35 à 47 dollars. Le chef du Pentagone nous a offert un million de dollars ».

En 2007, un conflit éclate entre l’OMS et l’Indonésie qui est un des pays le plus touché par la maladie en termes de mortalité humaine. Il s’agit du dossier brûlant du partage gratuit des échantillons de virus H5N1 nécessaires pour confectionner un vaccin. En février, la ministre indonésien de la Santé, Siti Fadilah Supari, annonçait avoir signé un accord avec un groupe pharmaceutique américain, la société BAXTER International. Le contrat prévoit l’envoi gracieux de souches virales de H5N1 en échange de vaccins contre l’épidémie, à tarif préférentiel, en cas d’urgence. La connaissance des séquences virales conditionne la mise au point de vaccins et l’OMS a immédiatement dénoncé ce contrat, au nom de la santé publique et de l’intérêt général. Elle appelle au principe de partage gratuit d’échantillons. L’Indonésie se sent doublement lésée : son bilan en victimes la place au premier rang des pays fournisseurs de souches virales de H5N1 alors que ses chercheurs ne sont pas associés à la recherche. Or,un dépôt de brevet de vaccin rapporte beaucoup d’argent et face à la menace d’une épidémie mondiale de grippe aviaire, le marché est prometteur et les laboratoires sont en rivalité dans la course à la découverte du vaccin. En monnayant un contrat d’exclusivité, souches contre vaccins, avec Baxter, le gouvernement indonésien a donc tiré son épingle du jeu, au risque de faire perdre du terrain aux laboratoires qui travaillent sous le parrainage de l’OMS. Carsi cette organisation souhaite la transparence des données au nom d’une noble cause, qui est de parer à une pandémie mondiale, elle protège aussi une quinzaine de laboratoires dans le monde qui, selon un arrangement conclu sous ses auspices, se partagent confidentiellement des informations cruciales sur le virus H5N1. Le système actuel est tel que l’OMS et ses affiliés partagent des échantillons de virus avec des sociétés privées, sans collaborer avec les états d’où proviennent ces échantillons de virus. « C’est inacceptable pour les pays en voie de développement. » s’insurge la ministre indonésienne. A moins d’accords du type de celui que l’Indonésie demande, rien n’empêche les laboratoires de l’OMS de passer un contrat d’exclusivité avec des compagnies pharmaceutiques, ce qui pourrait conduire à de graves problèmes d’accès aux médicaments pour les pays en développement en cas de survenue de la pandémie.

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Certains scientifiques et certains gouvernements interpellent publiquement l’OMS afin qu’elle publie cette base de données dans l’intérêt de la santé mondiale. Mais l’OMS ne donne pas les noms des laboratoires collaborateurs réticents à la publication des informations sur le séquençage de la grippe aviaire, parce ceux-ci veulent garder des droits sur l’information. Il est clair pour tous les observateurs que les Etats-Unis représentent l’obstacle principal. Le Centre pour la prévention et le contrôle des maladies (CDC) et le Centre des opérations du programme mondial de surveillance de la grippe des Etats-Unis, refusent de rendre publiques la plupart de leurs informations sur le séquençage. Les données qu’ils détiennent proviennent bien entendu d’échantillons du virus de la grippe aviaire collectés dans les pays atteints. L’aspect financier de cette affaire est révélateur des enjeux de la réponse à la grippe aviaire. La plupart des fonds consacrés à la lutte contre la grippe aviaire ont été centralisés en janvier 2006 lors d’une conférence à Beijing où près 30 donateurs se sont engagés pour 1,86 milliards de dollars. Parmi les donateurs, les Etats-Unis sont ceux qui dépensent le plus pour la grippe aviaire, même si la souche H5N1 du virus n’a pas encore touché le pays. L’argent de Washington afflue partout et stimule également ses entreprises, en particulier celles du secteur de la santé. Les fonds affectés à la surveillance par exemple, une des priorités pour le gouvernement des Etats-Unis, bénéficieront à Applera Corporation, qui est sur le point de lancer un partenariat mondial pour la distribution des protocoles de séquençage et des kits de détection de la grippe aviaire de la compagnie.

Lors des manifestations de cas de grippe aviaire, des échantillons du virus sont donc envoyés soit à des laboratoires collaborateurs de l’OMS pour des tests, soit directement collectés par divers programmes de surveillance des Etats-Unis, comme celui géré par le Réseau mondial des unités de recherches médicales de la Marine du Ministère de la Défense (NAMRU). Il faut noter que l’homme qui est responsable du réseau NAMRU au Secrétariat à la Défense des Etats-Unis est D.Rumsfeld, notoirement impliqué dans l’industrie pharmaceutique.On devrait se souvenir que Rumsfeld, quand il fut nommé président de G.D. Searle, fit pression sur la Food and Drug Administration pour permettre la mise sur le marché de l’Aspartame refusé pendant les dix années précédentes.

Il y a une unité NAMRU en Indonésie, qui sert en même temps de centre collaborateur de l’OMS pour les maladies infectieuses en Asie du Sud-Est. En mai 2008, après 30 ans de collaboration, le gouvernement indonésien demande au NAMRU de quitter le pays à l’expiration de son contrat. Le laboratoire de l’US Navy, NAMRU-2, est suspecté par les autorités indonésiennes de se livrer à des activités secrètes. « L’idée que l’unité de recherche médicale de la Marine fasse de l’espionnage est tout simplement absurde » déclare le chef-adjoint de la mission diplomatique américaine. «  Rien n’est couvert par le secret-défense, tout est totalement transparent. Le NAMRU-2 est un laboratoire de recherche biomédicale sur les pathologies infectieuses, au bénéfice mutuel des Etats-Unis, du ministère indonésien de la Santé et de la communauté internationale de santé publique. » assure-t’il.
« Pourquoi donc un laboratoire de santé devrait-il être géré par l’armée ? » rétorque la ministre de la Santé indonésienne. Dans son livre publié dernièrement « Il est temps pour le monde de changer : La main divine derrière la grippe aviaire » la ministre prétend que Washington utilise des échantillons de grippe aviaire partagés par des pays touchés pour créer des armes biologiques. Elle écrit notamment : « Il n’est pas impossible qu’il puisse exister dans les pays développés un groupe de personnes assez folles pour recombiner les virus afin de provoquer une pandémie mondiale. » Le ministre de la Défense indonésien, Juwono Sudarsono, se déclare, quant à lui hostile, à prolonger l’immunité diplomatique des chercheurs américains du NAMRU-2. « Il est clair qu’il faut mettre un terme aux activités du NAMRU-2 et fermer ses locaux ici. » a indiqué Mutamimul Ula, un parlementaire du Parti de la justice et de la prospérité. « Nous envisageons de proposer la création d’une commission parlementaire spéciale chargée de clarifier les raisons de la présence du NAMRU en Indonésie. » a de son côté annoncé Sidarto Danusubroto, un député du parti PDIP. Le chercheur indonésien en biodéfense, Isro Sanihardjo, a déclaré que les États-Unis pourraient utiliser les échantillons de virus de l’Indonésie pour développer des armes au laboratoire de Los Alamos. Isro était interrogé à propos du récent livre de la ministre Siti Fadilah. Washington et Jakarta négocient depuis 2005 une poursuite de la coopération entre le NAMRU-2 et le ministère de la Santé indonésien, mais les discussions sont dans l’impasse. L’Indonésie a en tout cas cessé d’envoyer ses échantillons de virus H5N1 au NAMRU-2. [27]

Que penser de cette grave polémique ? De telles accusations lancées par des membres d’un gouvernement à l’encontre d’un autre sont sérieuses. Il est difficile d’imaginer qu’elles ne sont proférées que dans le but de faire pression au sujet du litige, entre les deux pays quant à la souveraineté nationale sur les virus et aux enjeux financiers qu’elle implique. Ces exigences sont qualifiées de « dérive hallucinante » par Richard Holbrooke, diplomate américain, dans un texte du 23 septembre dernier co-écrit avec la responsable Santé au Conseil des relations étrangères. Dans celui-ci, il s’élève contre le refus indonésien de collaborer sur le virus H5N1. Il regrette que depuis 2005, l’Indonésie ait partagé avec l’OMS des échantillons provenant de seulement deux des plus de 135 personnes recensées comme étant infectées par le H5N1. Il s’étonne que le gouvernement indonésien menace de fermer l’unité de recherche médicale 2 de la marine américaine « qui fournit aux organismes de santé publique à travers le monde des informations transparentes d’importance vitale. » Il n’hésite pas à accuser l’Indonésie de favoriser l’émergence de nouvelles souches de grippe par son refus de communiquer les échantillons de virus. Enfin, il affirme qu’« il faut faire front à l’accusation de l’Indonésie selon laquelle NAMRU-2 est un site de recherche d’armes biologiques. » [28]

Ces allégations indonésiennes ne sont-elles pas à rapprocher des avertissements de Francis Boyle qui dit que suivant des directives de stratégie nationale adoptées par Bush en 2002, le Pentagone « est maintenant en train d’accélérer pour mener et gagner une guerre biologique sans information ou approbation préalable du public. » ? Boyle rajoute que le Programme de Défense Chimique et Biologique du Pentagone a été révisé en 2003 pour supporter une frappe « de premier usage » en cas de guerre et que ce programme inclut « Red Teaming », ce qu’il décrit comme « complot, planification et organisation de comment utiliser la guerre biologique ».
En outre, le biologiste moléculaire, Jonathan King, de l’Institut Technologique du Massachussetts avertit que « l’administration Bush a lancé un programme majeur qui menace d’exposer la santé de notre peuple à beaucoup plus de risques que les aléas auxquels elle prétend être en train de répondre. » King ajoute que la politique du président Bush « n’améliore pas la sécurité du peuple américain  » mais « crée un nouveau risque pour notre population de la plus effroyable espèce ».

Dans une étude réalisée en 2004, l’Association médicale britannique a lancé un avertissement à l’effet que le monde n’est peut-être qu’à seulement quelques années d’ « armes biologiques terrifiantes capables de tuer seulement les personnes de certains groupes ethniques  » en citant les progrès réalisés dans la technologie des armes génétiques.

La grippe aviaire pourrait-elle devenir une de celles-ci, après manipulation génétique du virus ? Pourquoi le NAMRU-2 tient-il autant à recevoir les échantillons de l’Indonésie ? Se préparent-ils à une pandémie de grippe ou préparent-ils une pandémie de grippe ? A moins que cette hystérie entretenue par l’OMS ne le soit que dans des buts lucratifs.

Dans l’expectative, nous constatons que les autorités craignent la lassitude des populations face à l’annonce maintes fois réitérée et pas concrétisée de cette catastrophe prédite. « Pandémique fatigue » cette expression fait le tour des congrès de virologie du monde entier. Elle indique la crainte des spécialistes face à la démobilisation d’une opinion publique mondiale lassée de s’entendre menacer d’un risque de pandémie aviaire incertain. L’OMS, les gouvernements, les fabricants de vaccins et les spécialistes de virologie multiplient les déclarations alarmistes pour tenter de convaincre de la certitude de sa survenue, sinon de sa date. Les congressistes réunis à l’occasion de la troisième conférence sur la grippe organisée à Faro ce mois-ci par l’Association des médecins en lutte contre la grippe (ESWI), se disent convaincus que : la « La pandémie adviendra. Quand ? Mystère ! ». Tous les résultats d’études qui sont actuellement publiés semblent donc bien parvenir aux même conclusions : l’humanité est bien à l’aube d’une grande pandémie mondiale due à une prochaine mutation de la grippe aviaire qui favorisera sa propagation entre les humains. La principale question qui hante désormais les chercheurs n’est donc plus « si », mais « quand » cette mutation interviendra t’elle ?

Le 16 juin 2008, Sanofi Pasteur, la division vaccins du groupe Sanofi-Aventis, annonce dans un communiqué de presse son engagement à donner 60 millions de doses de vaccin H5N1 à l’OMS pour la constitution d’un stock de réserve international. Même méthode pour capter le marché mondial qu’entreprise par Gilead pour le Tamiflu. Sanofi Pasteur se déclare être au premier rang pour la préparation à la menace de pandémie de grippe grâce à son expertise dans le développement et la fabrication de vaccins contre la grippe saisonnière. Sanofi est engagé dans un solide programme de recherche et développement et dans un plan ambitieux de production de vaccins contre la grippe saisonnière et pandémique. En avril 2007, la FDA a déjà enregistré un vaccin contre le virus H5N1 de Sanofi Pasteur, premier vaccin humain contre la grippe aviaire autorisé aux Etats-Unis. Sanofi Pasteur a également annoncé l’achèvement de la construction aux Etats-Unis d’une nouvelle usine de production de vaccin contre la grippe saisonnière. Cette usine, à la pointe de la technologie, est prévue pour être opérationnelle dès 2009. Enfin, une nouvelle unité de remplissage doit entrer en fonction en France qui permettra d’augmenter les capacités de production totales. Ce « prétendu » vaccin rentre en concurrence directe avec le Tamiflu, l’antiviral de Gilead.

EPIDEMIE MORTELLE CHEZ LES MICROBIOLOGISTES

Dans ce contexte ultra sensible de recherches en ingénierie génétique à vocation militaire ainsi que de course effrénée aux profits, une série suspecte de décès touche le milieu des scientifiques en microbiologie depuis le 11 Septembre 2001. Tous ces biologistes, dont certains de renommée internationale, sont morts précocement et dans des conditions troubles si ce n’est tragiques. Coïncidence ou conspiration ?

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«  Nous ne pouvons jamais dire d’un fait que ce n’est pas une conspiration, » dit Bradley Efron, professeur de statistiques à l’université de Stanford «  nous ne pouvons que souligner les chances qu’il ne le soit pas. »

En 2001, le 6 novembre, Wall Jeffrey Paris, 41 ans, est retrouvé mort près d’un parking non loin de son bureau. Il était un expert biomédical, spécialisé dans le brevet et la propriété intellectuelle.
Le 12 novembre, Benito Que, 52 ans, est trouvé dans un état comateux dans une rue près du laboratoire où il travaillait. Il décède trois semaines plus tard. Il était biologiste cellulaire, mêlé aux recherches ontologiques du département d’hématologie de l’école de Médecine de l’université de Miami. Ses recherches reposaient en grande partie sur l’étude des séquences de l’ADN.
Le 10 décembre, David Schwartz, 57 ans, est poignardé dans sa maison de campagne en Virginie. Il était membre fondateur de l’Association de biotechnologie de Virginie et directeur exécutif à la Recherche et au développement du Centre d’innovation technologique de Virginie. Il était fort respecté en biophysique et considéré comme faisant autorité dans le domaine des séquences de l’ADN.
Quatre jours plus tard, Set Van Nguyen, 44 ans, meurt dans le sas d’entrée d’une chambre froide dans les installations pour maladies animalières de l’Organisation de recherches scientifiques et industrielles du Commonwealth, à Geelong, en Australie. Deux scientifiques de cet aménagement, employant la manipulation génétique et les chaînes de l’ADN, auraient créé une forme incroyablement virulente d’une sorte cousine de la variole. Les chercheurs étaient préoccupés qu’une manipulation similaire puisse être faite sur la variole, pouvant ainsi en faire une arme terrible.
Le 16 décembre, Don C.Wiley, 57 ans, disparaît pendant un voyage professionnel à Memphis. La police retrouve sa voiture de location vide sur un pont en dehors de Memphis. Son corps sera repêché plus tard dans le fleuve du Mississippi. Il appartenait à l’Institut médical Howard Hughes de l’université Harvard et était un des plus éminents microbiologistes du monde. Il avait remporté bon nombre des plus prestigieux prix pour ses travaux qui pouvaient permettre de réaliser les vaccins antiviraux. Il était impliqué de près dans la recherche sur les séquences de l’ADN.

Le 23 décembre, Vladimir Pasechnik, 64 ans, est retrouvé mort à Wiltshire, en Angleterre, près de chez lui. Russe exilé en Grande-Bretagne, il était alors le plus important scientifique du programme de guerre biologique de l’URSS, lequel programme dépendait en grande partie des séquences de l’ADN. Il avait réussi le processus d’aérosolisation du microbe de la peste. La nécrologie du New York Times indiquait que l’annonce du décès de Pasechnik avait été faite aux Etats-Unis par le Dr Christopher Davis qui signala qu’une attaque cardiaque était à l’origine de son décès. Davis était le membre du Renseignement britannique qui fit faire un compte-rendu au Dr Pasechnik à l’époque de sa défection d’URSS. Pasechnik passa les dix années suivant sa défection à travailler au Centre de microbiologie appliquée et de recherches au Département de la santé du Royaume-Uni. En 2000, en compagnie de son partenaire Caisey Harlington, Pasechnik avait formé une entreprise appelée Regma Biotechnologies Ltd. Qui se décrivait comme une compagnie de produits pharmaceutiques œuvrant à fournir une alternative aux antibiotiques. Au cours de la panique causée par l’anthrax, Pasechnik avait offert ses services au gouvernement britannique.

Alibek.jpgEn URSS, son bras droit s’appelait Kanatjan Alibekov, aujourd’hui connu sous le nom américanisé de Ken Alibek. Il passa aux Etats-Unis en 1992. Il est actuellement président des Biosystèmes Avancés Hadron, une filiale de Hadron Inc. Elle se décrit comme une compagnie spécialisée dans le développement de solutions techniques pour les agences de renseignement. Le 20 décembre elle reçut 12 millions de dollars de fonds pour ses recherches en biodéfense médicale, de la part de l’Agence des projets de recherches avancées pour la Défense, les Recherches médicales et commandes matérielles de l’armée des Etats-Unis. Dans l’exercice de ses fonctions que Alibek donna un ample témoignage à la Chambre du Comité des Services Armés sur les armes biologiques.

Hadron est actuellement suspectée d’être étroitement reliée au vol du précieux logiciel Promis, propriété de la Corporation Inslaw, un programme informatique sophistiqué capable d’intégrer une grande variété de données informatiques. Ces dernières années, le logiciel aurait été couplé à l’intelligence artificielle et modifié par de nombreux services de renseignements, leur permettant de pénétrer dans n’importe quel système informatique sans se faire repérer. Etant donné sa capacité unique et les liens antérieurs de Hadron avec Promis, il est possible que le logiciel, en pénétrant dans les données informatiques utilisées par chacune des victimes susmentionnées, puisse avoir identifié les recherches qui menaçaient de compromettre une « opération noire ».
Ken Alibek a travaillé ces dernières années en étroit contact avec William C. Patrick III, le créateur de la souche d’Anthrax de type Ames qui a servi lors de l’attaque terroriste du Congrès.

Il y a, en outre, un lien entre trois des cinq scientifiques américains qui sont morts. Wiley, Schwartz et Benito Que travaillaient pour des installations de recherche médicale qui recevaient des subventions de l’Institut Médical Howard Hughes (IMHH). Celui-ci finançait un nombre important de programmes de recherche dans des écoles, des hôpitaux et des installations de recherche, et l’on suppose depuis longtemps des « opérations noires » de recherches biomédicales pour des agences de renseignement. La physicienne Patricia Dole, qui enquête depuis longtemps dans le domaine de la guerre biologique, rapporte un récit de personnes reliées à l’IMHH qui ont été assassinées. En 1994, José Trias rencontra un ami à Houston, au Texas, et planifiait de rendre public ce qu’il savait personnellement des subventions de « façade » de l’IMHH qui, par la « porte arrière », servaient aux opérations noires de la biorecherche. Le lendemain, Trias et son épouse furent trouvés morts dans leur demeure de Chevy Chase, dans le Maryland. L’IMHH a son quartier général à Chevy Chase. La police décrivit le double meurtre comme le fait de professionnels. Tsunao Saitoh, qui travaillait anciennement dans un laboratoire de l’Université Columbia subventionné par l’IMHH, a été fusillé à mort, le 7 mai 1996, alors qu’il était au volant de sa voiture, dans la cour de sa maison, à La Jolla, en Californie. La police a également décrit ceci comme l’œuvre d’un professionnel.

En 2002, en l’espace de quelques semaines en janvier, Ivan Glebov et Alexi Brushlinski, deux membres de l’Académie des sciences de Moscou décèdent à la suite d’une agression ; Glebov, à St Pétersbourg et Brushlinski à Moscou. Puis en février, le chef de la microbiologie de l’université de Médecine de Moscou, Vladimir Victor Korshunov, 56 ans, meurt d’un traumatisme crânien dans l’entrée de sa maison. La Pravda rapporta à l’époque que ce dernier avait probablement inventé un vaccin contre une arme biologique.
David Wynn-Williams, 55 ans, est tué le 24 mars, dans une collision entre deux voitures lors de son jogging près de sa maison à Cambridge en Angleterre. Il travaillait sur le projet antarctique d’Astrobiology et pour le centre de recherches de la NASA Ames. Il y eut un appel à témoin pour retrouver les véhicules.
Steven Mostow, 63 ans, meurt le 25 mars, près de Denver dans le Colorado dans l’accident de l’avion qu’il pilotait. Il était un des principaux experts en matière de maladie infectieuse et doyen associé à l’université du centre des Sciences de santé du Colorado. Mostow était un expert en menace de bio-terrorisme et était connu en tant que « Dr. Flu » pour son expertise dans le traitement de la grippe.
David R.Knibbs décède brutalement, le 5 août, à 49 ans, à la suite d’une syncope. C’était un pathobiologiste reconnu.

En 2003, le 24 juin, Leland Rickman, 47 ans, un expert de San Diego sur les maladies infectieuses et, depuis le 11 Septembre, conseiller en bioterrorisme, décède lors d’un déplacement professionnel en Afrique. Il se plaint à un collègue de mal de tête et celui-ci le retrouve mort dans sa chambre d’hôtel. Les causes de sa mort n’ont pas été déterminées. Il était professeur et praticien multidisciplinaires, expert dans les maladies infectieuses, la médecine interne, l’épidémiologie, la microbiologie et les antibiotiques.

David-Kelly-300x225.jpgEn Angleterre, David Kelly est retrouvé mort près de son domicile le 18 juillet, il se serait suicidé en se tailladant un seul poignet.Il était un employé du ministère de la défense britannique et un expert en guerre biologique ainsi qu’inspecteur de l’ONU en Irak où il est allé 37 fois. Il est prouvé qu’il était le principal informateur de Andrew Gilligan, journaliste de la BBC au sujet de son enquête sur la falsification d’un rapport de septembre 2002, par le gouvernement britannique de Tony Blair concernant les armes de destruction massive irakiennes.

Le scientifique britannique a été impliqué dans des travaux à l’Institut israélien pour la recherche biologique de Nes Sion. Les sources israéliennes affirment que Kelly a rencontré des scientifiques de l’institut à plusieurs reprises à Londres. Israël n’a pas signé la CAB et défend le développement, la possession et l’usage d’armes biologiques et chimiques. La CIA, le FBI et le MI5 examinent les connexions de Kelly. Leur enquête dévoile que Kelly avait des contacts avec deux sociétés dans l’industrie de bio-défense américaine. Kelly voulait démissionner de son poste au Ministère de la Défense pour travailler aux Etats-Unis.
Avant sa mort, il avait été discrètement contacté par deux sociétés : Hadron Advanced Biosystems proche du Pentagone et dont le président est Ken Alibek et REGMA Biotechnologies. Kelly, avec l’approbation du gouvernement anglais, avait aidé Pasechnik à créer Regma Biotechnologies à Porton Down pour effectuer des recherches classées secret-défense. Kelly s’est arrangé pour lui obtenir un laboratoire à Porton Down, un établissement spécialisé dans la défense contre les armes biologiques et chimiques. Pasechnik a été trouvé mort quelques jours après qu’il ait rencontré Don C. Wiley à Boston.
Le Dr Kelly a également travaillé avec Benito Que et Don Wiley. Quels étaient les liens entre le Ministère de La Défense américain et ses deux chercheurs ? Qu’est-il arrivé aux résultats de leurs recherches ? Les liens de Kelly avec l’Institut de Recherche Biologique de Nes Sion dans la banlieue de Tel Aviv intriguent plus encore. Sa connexion à l’installation biologique israélienne a été découverte en octobre 2001, peu après qu’un vol commercial reliant Israël à Novosibirsk en Sibérie, a été abattu au dessus de la Mer Noire par un missile sol-air ukrainien « égaré ». Le vol transportait entre autres cinq microbiologistes russes qui retournaient à leur institut de recherche à Novosibirsk, la capitale scientifique de la Sibérie. Pourquoi le Mossad a-t-il envoyé une équipe en Ukraine pour examiner l’accident ? Pourquoi les autorités ukrainiennes ont-elles toujours tu le nom des microbiologistes morts ? Pasechnik ou Kelly les connaissaient-ils ?
L’Institut pour la Recherche Biologique de Nes Sion est l’un des endroits les plus secrets d’Israël. Il y a eu des rapports persistants sur l’institut, indiquant que les israéliens aussi étaient engagés dans la recherche sur le séquençage d’ADN. Un ancien membre de la Knesset, Dedi Zucker, a provoqué un scandale au Parlement israélien quand il a déclaré que l’institut essayait de créer une arme spécifique ethnique capable de cibler uniquement les Arabes.

Michael Perich, 46 ans, meurt le 11 octobre, dans un accident de voiture au cours duquel il se noie coincé par sa ceinture de sécurité. Il avait travaillé sur le virus du Nil.
Le 20 novembre, Robert Leslie Burghoff, 45 ans, est percuté sur un trottoir par un chauffard qui prend la fuite. Il était stagiaire post-doctorat au Baylor College of Medecine de Houston au Texas, au département de la virologie moléculaire et de la microbiologie.

Le 23 janvier 2004, Robert Shope, 74 ans, meurt à l’hôpital des complications d’une greffe. Il était virologue au Département de pathologie du Centre de biodéfense et maladies infectieuses émergentes de l’université de Médecine du Texas. Il était l’auteur d’un rapport de 1992 avertissant de l’apparition de nouvelles maladies infectieuses dangereuses. Avec le Dr Tesh, ils avaient fait du centre la référence mondiale en matière de virus avec une collection de 5000 échantillons. Les deux dernières années, il travaillait avec le DoD pour développer des antiviraux aux agents viraux possibles du bioterrorisme.
Le 24 janvier, soit le lendemain de la mort du précédent, son collègue Michael Patrick Kiley, 62 ans, meurt d’une crise cardiaque foudroyante. Il travaillait avec le Dr Shope sur la mise à niveau du Centre de biodéfense pour abriter les microbes les plus pathogènes dans le cadre d’un programme d’armes biologiques.
Le 13 mars, Vadake Srinivasan, microbiologiste, meurt dans l’accident de sa voiture qui a percuté le rail de sécurité. Originaire d’Inde, il était réputé dans le milieu universitaire.
Le 27 juin, Paul Norman, 52 ans, de Salisbury en Grande-Bretagne, est tué dans le crash du mono-moteur qu’il pilotait dans le Devon. Il était considéré comme chef de file dans le domaine de l’expertise scientifique pour la détection et la protection au laboratoire du Ministère de la défense à Porton Down. Il était très investi dans la campagne contre l’usage d’armes biologiques et chimiques.
Larry Bustard, 53 ans,meurt dans des circonstances inconnues le 2 juillet. Il était un scientifique du Sandia National Laboratories. En tant qu’expert en matière de bio-terrorisme, son équipe a développé une nouvelle formulation de produits à utiliser contre les agents biologiques et chimiques. Il est intervenu pendant les attaques à l’anthrax pour décontaminer le Capitol Hill exposé à la poudre.
John Badwey, 54 ans,était un biochimiste à la Harvard Medical Schoolspécialisé dans les maladies infectieuses rares. Il est mort le 21 juillet, il avait contracté deux semaines plus tôt une pneumonie.
Matthew Allison, 32 ans, scientifique en biologie moléculaire et biotechnologie,est tué dans l’explosion de sa voiture le 13 octobre.
John R. La Montagne, 61 ans,microbiologiste, directeur-adjoint au National Institute of Allergy and Infectious Diseases (NIAID) du National Institutes of Health (NIH). Il décède le 2 novembre d’une embolie pulmonaire.

En 2005, le 7 janvier, Jeong H. Im, 72 ans, est découvert poignardé dans le coffre d’un véhicule en feu dans le Maryland. Il avait été chimiste à l’université du Missouri, spécialisé dans les protéines.
Douglas James Passaro, 43 ans, est mort le 18 avril de causes inconnuesà son domicile. Il était un épidémiologiste renommé et avait exécuté avec ses étudiants des exercices de bio-terrorisme.
Todd Kaupila décède le 8 mai, à l’âge de 41 ans, d’une pancréatite hémorragique à l’hôpital de Los Alamos. Il s’était réjoui, la veille de sa mort, du renvoi du directeur qui l’avait impliqué dans un scandale sur la sécurité du laboratoire duquel il avait été renvoyé. Il avait toujours soutenu avoir été un bouc émissaire.
Leonid Strachunsky est décédé le 8 juin après avoir été frappé à la tête avec un objet lourd. Expert épidémiologiste pour l’OMS et directeur du Therapy Institut de la Fédération de Russie de lutte anti-microbe, spécialisé dans la création de microbes résistants aux armes biologiques. Strachunsky a été retrouvé mort dans sa chambre à Moscou à l’hôtel Slavyanka. Venu de Smolensk, il était en route vers les États-Unis.
Les enquêteurs ont spéculé que le meurtre de Strachunsky était lié à une soudaine épidémie de l’hépatite A, qui avait frappé plus de 500 personnes en Russie, dans la région de Tver, et qui avait atteint Smolensk, et que certains croyaient avoir été causée par une arme biologique.

unnamed.jpgLe 22 mai 2006, le Dr Lee Jong Wook, 61 ans, décède d’une AVC. Directeur de l’OMS depuis 2003, il avait mené les programmes de lutte contre la grippe aviaire, le sida et autres maladies infectieuses.

Le 10 octobre 2007, Mario Alberto Vargas Olvera, est assassiné à son domicile de nombreux coups portés à la tête et au cou, à Ensenada en Californie. Il était un biologiste de réputation internationale.

Le 29 juillet 2008, le Dr Bruce Ivins, 62 ans, brillant biologiste des laboratoires militaires américains et principal suspect dans l’enquête de l’anthrax, se suicide avant son inculpation à son domicile en absorbant massivement de la codeine et de l’acétaminophène.

Le 29 juin précédant, deux étudiants en génie biologique, Laurent Bonomo et Gabriel Ferez, en stage de fin d’études à l’Imperial College de Londres avaient été sauvagement assassinés.

Ferez et Bonomo étaient considérés, à l’Impérial College, l’une des meilleures universités au monde, à la pointe de la recherche sur les pathologies infectieuses émergentes, ainsi que dans leur école d’ingénieurs « Polytech’Clermont-Ferrand » comme très brillants, et semblaient d’ores et déjà promis à un bel avenir professionnel. Il ne leur restait plus qu’une année d’étude avant de passer leur diplôme d’ingénieur et avaient été sélectionnés par le département des Sciences de la vie de l’Imperial College, pour un projet de recherche dans les chaînes de protéines au sein de l’ADN.

Le mobile du meurtre reste à ce jour inconnu, même si les enquêteurs semblent pencher pour un cambriolage qui aurait dégénéré en déchaînement de violence. Deux marginaux sont inculpés dans les jours qui suivent les faits. Leur procès permettra-t’il d’évacuer les zones d’ombre qui entourent ce fait divers dramatique ? Les agresseurs auraient torturé les deux étudiants pour leur extorquer les codes secrets de leurs cartes bancaires. Crime de psychopathes arguent certains enquêteurs.

Ces meurtres sont-ils une mise en scène ? La sauvagerie de l’attaque pourrait avoir valeur d’avertissement. David Holmes, maître de conférences à la Manchester Metropolitan University, a déclaré : « Ils ont été victimes d’un meurtre de démonstration. ».

Si l’assassinat des deux étudiants a vraiment un rapport avec leur spécialisation, ils sont deux scientifiques de plus parmi les nombreux assassinés, suicidés, morts accidentellement ou de maladie foudroyante au cours de ces dernières années. La plupart de ces scientifiques travaillaient sur les séquences d’ADN afin de trouver un traitement génétique à plusieurs maladies. Leurs recherches menaçaient la pérennité des contrats des compagnies qui fabriquent des antibiotiques, des antiviraux et des vaccins. S’ils réussissaient, c’était d’importants profits en perspective pour eux et leur société et perte de marchés pour les autres. De plus, leurs travaux n’avaient pas de prix non plus pour les militaires et les agences de renseignements intéressés à développer des armes biologiques.

CONCLUSION

La crainte de l’éventualité d’une guerre biologique, sournoise, à visée ethnique qui plus est, est alimentée par des années de recherches secrètes dans certains laboratoires gouvernementaux et des investissements massifs dans les budgets scientifiques militaires de ces pays. Le risque de prolifération mondiale des agents pathogènes à vocation militaire, quant à lui, n’est plus une hypothèse, dès lors que depuis ces 20 dernières années, il apparaît que beaucoup de pays ont monté des arsenaux considérables d’armes biologiques, ceci en violation des traités internationaux.

En raison de leur grande virulence potentielle, les armes biologiques coûtent moins cher que les armes classiques, chimiques ou nucléaires ; elles offrent une flexibilité tactique puisqu’il existe une variété d’agents pouvant être combinés de multiples façons ; elles peuvent théoriquement être utilisées pour frapper de grandes cibles sur de longues périodes en raison de leur capacité à se multiplier et à provoquer des épidémies, elles peuvent infliger d’énormes pertes et susciter la mobilisation de ressources massives pour riposter ; elles conviennent à des opérations clandestines car elles peuvent être diffusées discrètement et leurs effets mettent du temps à apparaître ; enfin elles peuvent apparaître comme naturelles et donc éviter toute velléité de riposte du pays touché envers le pays agresseur.

Par contre, les armes biologiques sont peu fiables en raison de leurs effets incertains et jamais immédiats ; elles peuvent toucher aussi l’agresseur et ses alliés ; elles compliquent les autres opérations militaires en imposant de lourdes mesures de précaution ; leur utilisation, interdite par une convention internationale, si elle est avérée, risque de conduire à des sanctions internationales.

En raison des avantages évoqués et bien que l’utilisation d’armes biologiques présente des inconvénients, les agents pathogènes peuvent se montrer d’une utilité politique efficiente, lorsque des résultats, ni immédiats ni massifs ne sont nécessaires. Cependant, l’imprévisibilité de leur impact en terme de morbidité et donc de mortalité, et les effets de panique qui caractérisent les armes biologiques, en font surtout des armes de désorganisation massive. En effet, outre leur pouvoir potentiellement dévastateur, le pouvoir psychologique de ces armes est considérable, (effet de démoralisation, de déstabilisation des populations, difficiles à gérer par les autorités). Ces armes créent le doute, la peur, voire la panique. En cela, elles disposent d’une formidable capacité de désorganisation d’une société et de nuisance sur son économie.

Parallèlement, la culture de la peur impose une vision irréfléchie de la menace, visant à affoler une population convaincue de la réalité du danger. La première arme est la désinformation et l’on peut dire que le pari du bio-terrorisme est déjà gagné lorsqu’il incite à prendre des mesures qui, en vertu du principe de précaution, font dépenser, probablement sans objet, des sommes considérables capables de faire fructifier artificiellement certaines industries.

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Les acteurs du PNAC, au pouvoir depuis presque dix ans et influents dans les coulisses depuis de longues années, ont projeté de développer des armes biologiques capables de cibler des populations précises. La guerre biologique est, pour eux, une des armes du futur, politiquement rentable et idéologiquement acceptable. Ils ont déjà largement fait les preuves de leurs intentions en réalisant en partie leur programme annoncé dans leurs écrits. Le verbe devance toujours l’action.

En raison de tout ce qui précède, l’émergence de toute épidémie ou même de toute nouvelle maladie, en quelque endroit du globe, doit être attentivement et lucidement considérée.

Rédaction Geopolintel

Décembre 2008

Et en mars 2009, débutait la « pandémie » dite mexicaine, puis porcine, enfin grippe AH1N1 !

dimanche, 26 janvier 2020

Des chercheurs pris dans la guerre biologique

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Des chercheurs pris dans la guerre biologique

par Etienne Aucouturier

Ex: http://www.geopolintel.fr

Que feriez-vous si le gouvernement vous demandait d’effectuer des recherches visant à défendre les populations contre des épidémies intentionnelles ? Au cours du XXe siècle, nombre de chimistes et biologistes civils, confrontés à cette question, ont accepté de collaborer secrètement, même si cela signifiait souvent aussi développer et produire les armes biologiques à combattre.

En janvier dernier, le virologue David Evans et son équipe de l’université d’Alberta, au Canada, indiquaient, dans la revue PLoS One, qu’ils avaient réussi à produire, à petit budget, une variante du virus de la variole. Conçue sur la base de séquences d’ADN trouvées sur Internet – qui provenaient du virus responsable de la forme chevaline de la variole –, l’initiative visait à produire un vaccin plus efficace contre cette maladie. Six mois plus tôt, la revue Science mettait déjà en garde contre cette recherche, alors en cours, qui pouvait donner l’occasion à des terroristes de produire à peu de frais des armes biologiques.

De fait, depuis que la période de l’après-Guerre froide a sonné le glas de la bipolarité politique du monde, ce que l’on nomme aujourd’hui le bioterrorisme préoccupe les États, particulièrement depuis l’épisode dit des « lettres à l’anthrax », au cours duquel, en octobre 2001, diverses institutions, dont des rédactions de journaux, avaient reçu des lettres contenant des bacilles de la maladie du charbon.

Certes, dès les premières décennies du xxe siècle, les États qui en avaient les capacités s’étaient lancés dans une course aux armements biologique et chimique, mais de nos jours, un nouvel aspect est venu renforcer l’inquiétude des dirigeants à ce sujet : la crainte de voir émerger des capacités de destruction sortant du cadre étatique. Le très grand nombre de canulars et les tentatives avérées de bioterrorisme des trente dernières années – dont celles des sectes Rajneesh à The Dalles, dans l’Oregon, en 1984 et Aum à Kameido, au Japon, en 1993 –, conjointement avec la fin de la Guerre froide et l’avènement d’Internet, laissent penser que l’arme biologique, l’arme atomique du pauvre comme la surnomment souvent les militaires, représenterait une menace sans précédent.

Le fait qu’une revue scientifique alerte sur les risques bioterroristes liés à une étude montre que le monde scientifique a fait siennes ces craintes. Mais cela n’a pas toujours été le cas. Si dès les années 1950, profondément marqués par l’emploi de la bombe atomique, les physiciens du domaine ont pris acte des enjeux éthiques et politiques de leurs recherches, pendant ce temps, les chimistes, biologistes et médecins concernés par l’usage militaire de leurs travaux ne dénonçaient que marginalement les recherches sur les armes biologiques et chimiques, sans doute à cause de leur caractère plus secret et des usages moins catastrophiques ou spectaculaires qui en étaient faits.

Pourtant, ces armes ont été développées et utilisées dès le début du xxe siècle, soit bien avant l’arme nucléaire, et ce grâce à l’expertise scientifique et médicale de nombre d’entre eux. Un minutieux travail de recherche dans les archives militaires françaises, mais aussi dans d’autres fonds comme les archives de la direction de l’institut Pasteur, nous a en effet récemment permis de montrer que, en France, ces armes ont fait l’objet d’une collaboration continue des militaires avec des scientifiques et médecins civils, membres d’institutions de premier plan.

Du roquefort aux nuages artificiels

at.jpgLa France a été pionnière dans le domaine des armes biologiques et chimiques. Dès la première décennie du XXe siècle, un chimiste français renommé, Auguste Trillat, inventeur du formol quelques années auparavant, brevetait certes un procédé de fabrication industrielle du roquefort, mais posait aussi les bases de la production intentionnelle d’épidémies à l’aide de nuages artificiels microbiens.

Bien avant la Première Guerre mondiale, le pays avait entrepris des recherches à visée militaire sur les armes chimiques. Mais c’est pendant cette guerre que les Français, puis les Allemands, firent pour la première fois usage de gaz de combat. Les armes dites biologiques furent elles aussi utilisées, mais de façon marginale, plutôt en tant que moyens de sabotage (pour tuer du bétail ou des animaux de transport) qu’en tant qu’armes de destruction massive, ou visant massivement les humains. Néanmoins, la menace de guerre bactériologique que ces attaques rendaient plus tangible fit avancer les recherches sur les méthodes de désinfection et de prophylaxie (l’ensemble des mesures à prendre pour prévenir les maladies). Trillat, devenu en 1905 chef du service des recherches appliquées à l’hygiène de l’institut Pasteur, à Paris, joua ainsi un rôle fondamental dans la création du programme français d’armement biologique et chimique après la Première Guerre mondiale.

En 1922, lui qui avait été pionnier tant dans la production de nuages artificiels déclencheurs d’épidémies, pour lesquelles il avait étudié les conditions atmosphériques propices à leur développement, que dans la recherche de méthodes de désinfection chimique à grande échelle, fut sollicité pour donner les lignes directrices de ce nouveau programme, sous la forme d’un rapport commandé l’année précédente par le ministère de la Guerre. Dès lors s’installa une collaboration continue entre institutions de recherche civiles et militaires. Les recherches sur les armes chimiques et biologiques requérant des compétences et des équipements similaires, les institutions et chercheurs mobilisés travaillaient en commun sur les deux systèmes, qu’il s’agisse de la recherche, du développement ou de la production.

L’institut Pasteur, ainsi que de nombreuses institutions scientifiques et médicales françaises de premier plan, dont le Muséum national d’histoire naturelle et le Collège de France, participèrent à ce programme par l’intermédiaire de certains de leurs membres éminents, comme les chimistes Charles Moureu (Collège de France), Marcel Delépine (faculté de pharmacie) et André Job (Conservatoire national des arts et métiers), travaillant sous contrats secrets avec la sphère militaire.

Dans le monde, la crainte que les guerres du futur voient s’amplifier le caractère de guerre totale qu’avait pris la Grande Guerre conduisit les principales nations occidentales, mais aussi le Japon, à préparer en temps de paix, dès l’entre-deux-guerres, les moyens de défendre – et d’attaquer – non plus seulement les combattants, mais les populations de nations entières. À cette même époque, des rumeurs issues de la presse britannique sur des essais secrets de dispersion d’agents biologiques effectués par des agents secrets allemands dans le métro parisien achevèrent de convaincre l’opinion publique et l’État français de la nécessité de prendre au sérieux cette menace. La réorganisation de la France en nation armée, souhaitée au plus haut niveau de l’État, conduisit à la production de moyens offensifs et défensifs de guerre chimique, biologique, puis, après la Seconde Guerre mondiale, nucléaire.

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L’activité secrète de la poudrerie du Bouchet

La poudrerie du Bouchet, à Vert-le-Petit, au sud de Paris dans l’actuelle Essonne, devint graduellement le centre névralgique d’un réseau de recherche et développement d’armes biologiques et chimiques, incluant d’autres institutions civiles et militaires. Elle demeure de nos jours, sous le nom de Centre d’études du Bouchet, le centre du ministère des Armées dédié à la défense contre les menaces biologiques et chimiques, et l’un des rares sites en France (et dans le monde) à disposer d’un laboratoire de niveau de sécurité P4. Peu à peu, la France rassembla ainsi secrètement, sous l’appellation d’armes spéciales, un arsenal de nouveaux moyens offensifs et défensifs, étudiés et développés avec l’apport constant de l’expertise scientifique et médicale civile.

En 1947, une Commission médicale de défense contre la guerre moderne vit le jour afin de mieux centraliser les études relatives aux armes spéciales, de reconstruire une défense nationale incluant ces armes et de tirer parti des recherches scientifiques civiles ainsi que des renseignements issus des réseaux scientifiques internationaux de chercheurs. Mixte, cette commission était composée de militaires et de savants de premier plan, pour beaucoup médecins des facultés de médecine ou chercheurs de l’institut Pasteur. Entre autres membres, Léon Binet, doyen de la faculté de médecine de Paris, Robert Debré, président de l’Institut national d’hygiène, ou Jacques Tréfouël, directeur de l’institut Pasteur, prenaient part aux discussions secrètes de la commission et répondaient secrètement à diverses commandes militaires. Les laboratoires civils entreprirent ainsi une grande diversité d’études sur, par exemple, le mode d’action des trilons (les gaz neurotoxiques Sarin, Tabun et Soman), la possibilité de vacciner contre la radioactivité ou encore celle de potentialiser les effets délétères d’aérosols de bacilles du charbon en les combinant avec des métaux lourds.

Les décennies suivantes, l’ouverture à la sphère civile des recherches sur les armes spéciales se referma partiellement, le gouvernement préférant concentrer ses forces sur l’arme nucléaire. Mais de nombreux chercheurs continuèrent de travailler sur financement militaire, à des fins prophylactiques ou non, leur expertise demeurant indispensable, s’agissant par exemple des études sur la polyvaccination. À titre indicatif, en 1967, le nombre d’animaux de laboratoire destinés en France à l’expérimentation d’agents chimiques et biologiques de guerre (20 000 souris, 20 000 rats, 5 000 cobayes, 2 000 lapins et 50 singes) représentait 10 % de l’utilisation actuelle par an d’animaux à des fins scientifiques.

Outre la motivation patriotique mise en avant par certains scientifiques pour justifier leur collaboration à ces programmes, la relation mutuellement bénéficiaire entre l’armée et les hommes de science en France explique sa pérennité. Ainsi, en 1972, Jacques Monod, alors directeur de l’institut Pasteur, écrivait au ministre de la Défense nationale Michel Debré qu’il serait souhaitable de renforcer et formaliser les liens entre l’armée et l’institut Pasteur, qui formait alors selon lui « la quasi-totalité des médecins-biologistes de l’armée ».

Des essais mystérieux en Algérie

Les armes testées au moins depuis les années 1930 à l’ouest du Sahara algérien (ainsi que dans certains centres d’expérimentation métropolitains, notamment près de Bourges) continuèrent de l’être jusqu’à la fin des années 1970. Notamment, on fit exploser des obus, roquettes et grenades chargés en agents biologiques ou chimiques pour mesurer leurs effets en situation réelle. La nature exacte et l’étendue des essais effectués secrètement en Algérie dans les deux décennies qui suivirent les accords d’Évian (1962) demeurent à ce jour peu connues et font donc régulièrement l’objet de spéculations légitimes de la part des populations concernées, craignant que les sites n’aient pas été parfaitement dépollués. Néanmoins ces essais ont eu lieu et ont participé de l’expertise française dans le domaine des armes chimiques et biologiques.

Ainsi, de l’aube du xxe siècle au début des années 1970, la France a développé et produit, à des échelles variables selon les époques et les priorités politico-militaires, des poisons synthétiques ou non, destinés, d’une part, à être utilisés en temps de guerre contre les hommes, les animaux et les plantes, mais aussi, d’autre part, à tester leurs effets à grande échelle pour mieux s’en prémunir en situation opérationnelle.

Les autres nations développées n’ont pas été en reste au cours du xxe siècle. Le Royaume-Uni, le Japon, les États-Unis, l’URSS, le Canada, les Pays-Bas, Israël, l’Afrique du Sud et d’autres ont aussi eu, à des fins diverses et des échelles variables, leur programme de guerre biologique et chimique. Le Japon, lorsqu’il occupait la Mandchourie avant la Seconde Guerre mondiale, a par exemple effectué de cruels essais sur les populations chinoises locales. Les États-Unis ont, à l’issue de cette guerre, secrètement récupéré les données que les Japonais avaient récoltées. Et, dans le cadre de la Guerre froide, l’URSS serait aussi entrée en lice avec son ambitieux programme Biopreparat, selon des transfuges russes tels que Ken Alibek ou Vladimir Pasechnik.

Parmi les scientifiques, mais aussi les militaires, il semble qu’un consensus ait perduré quant à la nécessité de maintenir une forme de politique de santé publique secrète pour défendre les populations contre les armes biologiques et chimiques. En France comme ailleurs, cependant, cette dimension avouable de leur action était contrebalancée par une contribution simultanée à des programmes souvent offensifs. Cette forme de politique de « santé publique inversée » – selon l’expression d’un de ses critiques de la fin des années 1960, le Britannique Robin Clarke – a placé les scientifiques et médecins devant un dilemme moral : collaborer secrètement avec les armées de leur pays pour prémunir des populations civiles contre des épidémies intentionnelles, au risque de contribuer en même temps à les doter de moyens offensifs en pratiquant des recherches non divulguées sur des agents pathogènes naturels ou synthétiques. Il semblait ainsi irresponsable de refuser cette collaboration autant qu’il l’était de l’accepter, et tout aussi irresponsable de publier les résultats des recherches comme de ne pas les publier. La réponse récurrente des scientifiques à ce dilemme, en France au moins, a majoritairement consisté à jouer le jeu du secret.

JBS-Haldane.jpgDe même, rares ont été les avocats de l’usage des sciences biomédicales pour la guerre. Si quelques scientifiques comme le généticien britannique John Burdon Sanderson Haldane (photo), dans les années 1920, ou des militaires tels que le brigadier général Jacquard Hirshorn Rothschild, après la Seconde Guerre mondiale, ont entrevu dans l’utilisation des connaissances en physiologie un moyen de rendre la guerre plus humaine (en introduisant la possibilité d’utiliser des agents non létaux plutôt que des armes conventionnelles aux effets moins prévisibles, comme les explosifs), la sélection précise des effets physiologiques des armes est demeurée une inclusion contre-nature de la science et de la médecine dans la guerre (tandis que des armes conventionnelles aux effets moins prévisibles sont restées autorisées).

Aujourd’hui, les armes biologiques et chimiques continuent de faire l’objet d’un dilemme moral récurrent pour la biomédecine. On ne s’improvise pas savant militaire : les chercheurs se lancent rarement dans une carrière médicale ou scientifique en vue de produire des systèmes d’arme ou de prémunir les populations nationalescontre des armes biologiques et chimiques. Aussi la sphère militaire a-t-elle toujours besoin de l’expertise de chercheurs civils et continue-t-elle, selon les périodes, à les inclure secrètement dans des programmes militaires ou à financer des travaux d’intérêt militaire.

La responsabilité des chercheurs civils est d’autant plus grande que sans expertise physiologique, la distinction entre les agents chimiques ou biologiques bénins et malins est impossible. La connaissance précise du fonctionnement du corps (humain, mais aussi d’autres animaux ou de végétaux) et de ses interactions avec des substances ou agents exogènes est essentielle pour caractériser une substance ou un agent comme un poison. À tel point que les armes biologiques et chimiques devraient être rassemblées sous un même terme, « armes physiologiques », qui insisterait plus sur la sélectivité de leurs effets que sur le moyen utilisé pour les obtenir.

Et demain ?

Sauf à adopter une anthropologie optimiste fondée sur une confiance universelle, il semble difficilement pensable qu’un État soucieux de la sécurité de sa population et du droit humanitaire international ne cherche pas à mobiliser ses scientifiques en vue de secrètement préparer sa défense, donc en effectuant des recherches sur un maximum d’agents malins et sur leurs antidotes. Il résulte de cette tension entre la vocation universaliste de la science et les circonstances politiques qu’il reste difficile de nos jours de distinguer les recherches à vocation défensive de celles à vocation offensive : se défendre contre des poisons implique en effet d’en disposer afin de trouver des antidotes. Et par conséquent d’anticiper les menaces en maintenant une recherche biomédicale et militaire de pointe. Si le cadre législatif international tend à préserver un statu quo entre les États, comme c’est le cas de la dissuasion nucléaire, le cadre géopolitique de l’après-Guerre froide tend quant à lui à laisser planer la menace d’une utilisation moins prévisible ou identifiable de ces armes empoisonnantes par des groupes privés ou non étatiques.

Cela d’autant que les avancées scientifiques et techniques des dernières décennies – notamment Internet, les nanotechnologies et l’utilisation des big data en médecine – sont susceptibles de conférer à des États comme à des entités privées des moyens de guerre biologique sans précédent, en accroissant la possibilité de sélectionner précisément les effets physiologiques ainsi que les éventuelles populations cibles.

Par exemple, nombre d’hôpitaux sont aujourd’hui dotés de biobanques où sont stockées et parfois partagées à grande échelle les données de patients consentants (notamment génétiques) et leurs échantillons biomédicaux. Ces biobanques constituent une avancée considérable pour la recherche biomédicale. Néanmoins, elles présentent aussi le risque qu’à la faveur d’une instabilité politique d’un État y ayant accès ou d’une privatisation de leur gestion (que l’OCDE préconise depuis 2001), le rêve d’un partage global des progrès de la biomédecine ne se transforme en un cauchemar militaro-industriel. Il est donc plus que jamais nécessaire que les citoyens s’emparent de la question de la guerre biologique, dont les enjeux relèvent tant de la sécurité militaire que des sécurités sanitaire et alimentaire.

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Armes chimiques et armes « bio »

Aujourd’hui, la terminologie militaire établit une distinction entre les armes chimiques et les armes biologiques, fondée sur les substances utilisées. Cette distinction à des visées juridiques et tactiques. Les deux types d’armes ne sont pas interdits de la même manière ni depuis la même époque, et leur usage diffère. Pourtant, ils n’ont pas toujours été dissociés.

Parmi les textes de loi emblématiques à ce sujet, au milieu du xixe siècle, pendant la guerre de Sécession, fut adopté le code Lieber (1863) qui interdit, entre autres pratiques cruelles, l’usage de poisons dans la guerre. Mais à l’issue de la Première Guerre mondiale, une légère nuance est apparue dans le Protocole de Genève (1925) : il spécifia qu’il était interdit d’utiliser des gaz asphyxiants, toxiques ou similaires et des moyens bactériologiques. Cette dissociation juridique en germe devint effective dans la seconde moitié du XXe siècle, avec la signature en 1972 de la Convention sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication et du stockage des armes bactériologiques (biologiques) ou à toxines et sur leur destruction. Les armes chimiques sont ainsi demeurées sans interdiction spécifique autre que celle du Protocole de Genève jusqu’en 1993, lorsque la Convention sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l’usage des armes chimiques et sur leur destruction fut adoptée.

Qu’est-ce qui distingue fondamentalement ces deux types d’armes ? Les toxines biologiques (la ricine, par exemple) étant fonctionnellement équivalentes à des armes chimiques, la distinction juridique est faite en vertu de leur origine. Les toxines biologiques sont ainsi qualifiées de biologiques en ce qu’elles ne sont pas des produits de la synthèse chimique, mais sont trouvées telles quelles dans la nature. Elles sont issues du vivant. Il en est de même des autres agents biologiques : bactéries, virus, champignons, et autres agents pathogènes non synthétiques sont inclus dans la catégorie des armes de guerre biologique. D’un point de vue juridique, les armes biologiques sont donc comparables… aux produits alimentaires dits « issus de l’agriculture biologique ». En revanche, toute reproduction de toxine biologique par chimie de synthèse relève du droit des armes chimiques…

Ainsi, la subdivision juridique des poisons prévus pour un usage guerrier est discutable à bien des égards. Elle a vraisemblablement eu pour fonction de permettre aux États concernés, dans la seconde moitié du XXe siècle, de poursuivre des recherches, développements et productions d’armes chimiques en toute liberté.

Etienne Aucouturier​​​​​​​