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samedi, 01 mars 2025

Jean Parvulesco et le secret de la Nouvelle Vague

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Jean Parvulesco et le secret de la Nouvelle Vague

Nicolas Bonnal

Rebelote avec Jean Parvulesco et le cinéma qui loin de sa marotte était sa Fin ultime: voyez son texte sur David Lynch, le cinéma comme révélation et comme dévoilement de ce monde... Je rappelle qu’il fut émerveillé par Eyes Wide Shut, dernier film du monde, qui annonçait notre post-monde (élites hostiles folles et génocidaires, masse complice et aveugle): il découvrait Kubrick.

Mais parlons de la Nouvelle Vague. Moi aussi elle me rendit prodigieusement nostalgique, comme s’il s’était agi d’une époque, les Sixties, d’ailleurs assez agréables à vivre, et où l’on touchait du doigt le cinéma via la cinéphilie, ce culte nouveau mais bref. Tout s’effondra dans les années 70, assez brutalement je dois dire: mai 68, France défigurée, pornographie, télé, bagnole, gauchisme, crise du pétrole, destruction de Paris : voir notre texte sur Mattelart car cette destruction se fit sur ordre US.

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Fin 1998. Nous sommes à Paris à la Rotonde. Comme toujours Jean est arrivé en avance. Il me dit tout joyeux qu’il allait se faire éreinter dans la revue 1895 (voyez le film de la femme de Coppola, un étrange voyage vers Paris, une traversée de la France en cabriolet 504, et qui passe par une curieuse visite au musée du cinéma à Lyon) par une certaine universitaire nommée Hélène Liogier : du temps de sa jeunesse folle, Parvulesco avait écrit dans une revue de droite espagnole que la nouvelle vague était « fasciste. » Rappelons d’abord que si ce mot est une insulte fourre-tout pour la gauche, il est un vocable fourre-tout pour une certaine droite !

Le texte était évidemment enflammé et hyperbolique, bien dans son style. Il était surtout attrape-tout. Il est évident que ce petit monde qui fut acheté ensuite par les subventions de la culture et de Jack Lang n’allait pas rester longtemps provocateur : il attendait sa retraite sur fond de Kali Yuga français (voyez l’excellent Rebelle de Gérard Blain, acteur de Howard Hawks tout de même, qui exprime le désespoir de cette fin des années Giscard).

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Mais l’auteure, qui l’éreinte plus ou moins bien, oublie certains faits. Parvulesco fut toujours ami de Rohmer, qui fut un fan du Graal et de l’ésotérisme, un arpenteur de la France en sommeil, et même un provocateur (le salut « Montjoie ! » bras tendu au début de La collectionneuse). Même Louis Malle cite Drieu La Rochelle dans le Souffle au cœur et il le filme même quinze ans plus tôt avec Maurice Ronet, qui disait aimer « le goût amer de l’échec ». Voyez mon livre sur la Damnation des stars où je fais le lien entre les stars et le sujet brûlant de l’après-guerre: les rock stars britanniques de la grande époque (Jimmy Page, Bowie, Keith Moon…) furent étonnamment provocantes et tentées. Même un apparent gauchiste comme Jean Eustache fait lire dans la Maman et la putain (deux obsessions du fasciste) un livre sur la SS au copain de J. P. Léaud (quelle vie celui-là : douze ans de rêve, cinquante ans d’oubli). Et l’on connaît le penchant de Truffaut qui a été proche de Rebatet, si l’on oublie le fascisme déclaré de Raoul Coutard (photo,ci-dessous), plus grand chef-op’ de l’après-guerre, héros de la guerre d’Indochine qui célébra SAS ou la légion sautant sur Kolwezi...

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Je repense à un des derniers films du cinéma, Hatari, avec John Wayne, Gérard Blain, Michèle Girardon, future suicidée et actrice de Rohmer - et bien sûr Hardy Kruger : on est dans un exercice de fascisme cool, post-historique mais encore bien colonial. On s’amuse, on attrape des filles (encore que ce soit plutôt les filles qui attrapent des pigeons) et des animaux, on retombe en enfance et on découvre que Nietzsche s’est trompé : on ne renaît pas comme dans Zarathoustra ou dans 2001 quand on retombe en enfance.

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J’allais oublier Paul Gégauff tué au couteau par sa femme, grand provocateur, créateur de la fameuse scène des Cousins : on descend en officier SS dans un escalier le chandelier à la main, en écoutant du Wagner et en épelant du Nietzsche (pauvre Brialy). Gégauff aura avec Chabrol bien montré la transformation en monstre du mâle froncé, à coups de bagnole et de téléradio, au cours des années gaullisto-pompidoliennes : revoyez le Boucher ou que La bête meure en ce sens.

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Rappelons aussi que Le petit soldat fut censuré, comme La religieuse de Rivette ou Les Sentiers de la gloire de Kubrick – et que Malraux, liquidateur de la culture française, abolit la cinémathèque française en 68, ce qui déclencha une mémorable révolte. C’était avec le renvoi de Langlois la fin d’une Eglise. Le cinéma allait devenir ce qu’en dit Duhamel : un divertissement d’ilotes.

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Parvulesco fut l’upagourou de Godard. Il est interviewé à la fin d’A bout de souffle. Habillé comme Bogart (jouer au gangster ou au privé américain, c’est être un homme libre, au moins dans ce foutu hexagone), il répond à une interview à l’aéroport. La vieille France va disparaître et la femme moderne, la « dégueulasse » va prendre le pouvoir avec la sinistre Jean Seberg qui joua aussi Jeanne d’Arc et Bonjour tristesse.

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Parvulesco joué par Melville : saluons encore ce juif, pas très gauchiste non plus, et qui dépeignit admirablement la destruction vitrifiée de la France durant les années gaullistes, voyez ma Destruction de la France au cinéma. Il est temps en tout cas de comprendre que notre anti-héros américain a tout pour fasciner l’intellectuel de droite en Europe. Aldrich dira de son propre Mike Hammer qu’il était un fasciste : certes, mais un fasciste en lutte contre les mafias et le Deep State US dans  En quatrième vitesse. Toute la quincaillerie Belmondo-Delon aura pastiché ces géants du film noir américain.

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Mais il faut reparler de Godard.

Je vais alors rappeler  en quelques mots l’essentiel à savoir sur Godard :

Godard pour moi n’a existé que dans les années soixante, au temps de la splendeur de Bardot, de Belmondo, de Marina Vlady, actrice d’Orson Welles, qui sera lui aussi accusé de fascisme par les gauchistes de la fin des années Malraux. On vivait, pas encore anesthésiés à l’heure de la Conquête du cool décrite par Lipovetsky, et Godard incarne à la fois une révolte formelle – qui a totalement disparu depuis du cinéma – et politique, une révolte proche dans l’esprit de celle des situationnistes.

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En quelques films il remet en cause la réalité de la France bourgeoise, consumériste et gaulliste – et ne propose rien. Il s’est euthanasié ailleurs à plus de 90 ans et, dans un de ses textes cités par Liogier, Parvulesco parle de fascisme qui débouche sur du nihilisme. Pensez aussi à Dominique Venner. Quand il va proposer quelque chose (la Chine maoïste, les Black Panthers, etc.), Godard va sombrer.

Dans A bout de souffle l’aéroport aussi est un signe : on quitte la France profonde, le paysage ancestral devient un terminal. Jünger en a très bien parlé dans Soixante-dix s’efface (NRF, p. 534) de cette disparition du monde et de cette surabondance de paysages spectraux. Dès Alphaville ou Weekend, plus grand pamphlet anti-bagnole de l’Histoire, le monde a disparu. On sent la même intensité du néant palpiter dans les Killers de Don Siegel (toujours lui…) ; dernier grand film de Lee Marvin et aussi dernier film d’un certain Ronald Reagan…

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Aucune envie de polémiquer. Je rappellerai donc que :

Dans A bout de souffle, Godard montre (et dénonce sans doute sans le vouloir) l’américanisation en profondeur et en surface de la France. La France est déjà un pays englouti par l’américanisation, peut-être plus que d’autres (d’où sans doute ce très inutile antiaméricanisme qui nous marque tous). La belle américaine mène notre voyou franchouillard à la mort (comme aujourd’hui ils nous remmènent à l’abattoir – on y a pris goût).

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Dans Alphaville, Godard annonce le nazisme numérique de la Commission de Bruxelles. C’est la victoire du professeur von Braun et de la machine. On a tant écrit sur ce sujet – pour rien encore…

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Dans Deux ou trois choses que je sais d’elle, Godard filme l’horreur des banlieues et des HLM. Le grand remplacement a déjà eu lieu et il est dans les têtes et les paysages. Relire Virilio et mon texte sur ce très grand auteur, repris par son éditeur Galilée.

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Dans Le Petit soldat, Godard fait un film d’extrême-droite, peut-être le seul du cinéma français. C’est sur la guerre d’Algérie. Le film vaut par la surperformance de Michel Subor, acteur d’origine russe-azéri, que l’on retrouvera dans le Rebelle de Blain.

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Dans Le Mépris, Godard lamente, avec le thème sublime de Delerue, la fin du cinéma, la Fin des dieux (il cite Hölderlin et nous montre Fritz Lang), et la fin de la Méditerranée. Le touriste va remplacer les héros odysséens. La crise du couple postmoderne nous barbe beaucoup plus. L’homme aux dieux grecs, à Ulysse et à Ithaque est tout bonnement prodigieux. Ne lisez que Virgile, Homère et Ovide (les Métamorphoses).

D’autres films pourraient être cités de cette extraordinaire époque anarchiste de droite, comme Les Carabiniers, qui avaient enchanté Roman Polanski. Rappelons que ce dernier a longtemps travaillé avec Gérard Brach, devenu un ami grâce à la rédaction de mon livre sur Jean-Jacques Annaud, et qui était un ancien de l’armée allemande... Doux et désabusé, Gérard est présent une seconde dans A bout de souffle.

Les aventuriers de l’arche perdue pourraient aussi suivre les errances de Barbet Schroeder (un autre mutant du cinéma de cette époque), dans More (belles allusions à Otto Skorzeny) et de son équipe dans la Vallée en Nouvelle-Guinée : sublime moment quand Bulle Ogier récite dans le désordre les Scènes de la vie des marionnettes de Kleist sur fond de  monde fragmenté. Certaines scènes annoncent avec beaucoup moins d’argent mais autant d’inspiration Apocalypse now et les citations de T. S. Eliot du colonel Kurz. Godard s’était fait un devoir de défendre ses citations.

Et ce que le cinéma nous aura appris à Jean et à moi finalement c’est qu’on peut faire des films d’extrême-droite tout en étant parfaitement de gauche ; à l’inverse des conservateurs (cf. John Ford) peuvent faire n’importe quoi avec leurs bonnes intentions de droite. De toute manière la question n’est pas là. Une flamme brillait, celle du génie de la Liberté, qui n’est plus là.

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Sources:

https://www.persee.fr/doc/1895_0769-0959_1998_num_26_1_1376

http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2022/09/13/j...

https://www.dedefensa.org/article/kleist-et-le-transhumai...

https://www.dedefensa.org/article/parvulesco-et-david-lyn...

https://www.dedefensa.org/article/la-destruction-de-la-fr...

https://www.dedefensa.org/article/mattelart-les-jo-et-la-...

https://www.dedefensa.org/article/eric-zemmour-et-le-crep...

lundi, 19 septembre 2022

Jean-Luc Godard ou le cinéma en tant qu'œuvre d'art totale

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Jean-Luc Godard ou le cinéma en tant qu'œuvre d'art totale

L'histoire du cinéaste français est le récit d'une indépendance artistique obtenue en essayant de ne répondre à rien d'autre qu'à sa propre conscience au prix d'aller à l'encontre de l'esprit du temps

par Andrea Piran

Source: https://www.barbadillo.it/106075-jean-luc-godard-ovvero-il-cinema-come-opera-darte-totale/

Ce n'est pas une hyperbole de dire que Jean-Luc Godard appartient à cette catégorie de cinéastes, composée d'une poignée de noms, qui ont forgé la grammaire du septième art, élevant son rang d'attraction de cirque à une discipline digne d'une étude académique. Le début de sa carrière, cependant, c'est en tant que critique de cinéma pour divers magazines avec un intérêt particulier pour le cinéma américain et en essayant d'élaborer une haute idée de cette discipline au point d'écrire : "à la question 'qu'est-ce que le cinéma ?' je répondrais d'abord : l'expression de sentiments nobles".

Cette approche le conduira au cours de sa filmographie à repenser les formes du cinéma afin de résoudre la contradiction qui existe parce que le film est simultanément un produit industriel et une œuvre d'art. Le principal problème théorique que pose la notion d'auteur au cinéma est lié au fait que, pour des raisons de production, le nombre de personnes impliquées dans la réalisation d'un film est si important que la personne responsable du résultat artistique ne peut être identifiée au premier coup d'œil. Ce n'est pas un hasard si la définition du cinéaste en tant qu'auteur est liée à l'existence d'éléments esthétiques qui permettent de définir un style et qui sont cohérents dans sa production. Ce n'est pas un hasard si l'intérêt de Godard pour la technologie et les techniques cinématographiques est lié à sa conviction que l'indépendance économique du cinéaste est essentielle pour parvenir à un contrôle esthétique du film.

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Sa production cinématographique peut essentiellement être divisée en trois phases : la première, qui s'étend de Jusqu'au dernier souffle en 1959 à La Chinoise en 1967, est la plus connue car elle est propre au mouvement dit de "la nouvelle vague" et à son importance historique bien établie, et parce qu'elle est la plus facile à apprécier. Dans le cadre des innovations formelles de ces films : l'absence de salles de cinéma et le montage inégal c'est-à-dire, une scène est découpée en parties divisées par une ellipse temporelle au lieu d'un lien, l'utilisation d'un scénario de type traditionnel, bien que soumis à des réécritures et des modifications en cours de production, est le lien avec une forme de cinéma à caractère également populaire, sachant que Godard n'a jamais caché sa considération critique du cinéma de genre, notamment américain, et, ce n'est pas un hasard, de nombreux topos de ces formes populaires sont présents bien que filtrés par la poétique personnelle de l'auteur. Dans cette phase, le projet de l'auteur est le renouvellement d'une forme qui est de toute façon liée, ou conséquente, aux maîtres du passé, mais à moderniser en éliminant les traits les plus nettement théâtraux et en insérant un élément de réalité d'une matrice éminemment photographique.

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La deuxième phase, qui s'étend de British Sounds en 1969 à Tout va bien en 1972, est liée à l'idée d'un cinéma marxiste : c'est-à-dire que Godard entame une réflexion sur la relation entre les conditions économiques de la réalisation d'un film et sa forme esthétique, et par conséquent sur la manière dont le cinéma peut jouer un rôle politique dans la construction de la conscience de classe. De nombreux films de cette période sont signés "Groupe Dziga Vertov" et réalisés avec d'autres cinéastes, notamment Jean-Pierre Gorin, en référence aux tendances de l'époque qui prônaient la centralité de l'action collective par rapport à l'action individuelle. L'hommage au maître soviétique se reflète dans l'utilisation de formes de nature documentaire, notamment dans Un film comme les autres, et dans la capacité à faire un cinéma éloigné de la propagande fade tout en étant idéologiquement orienté en vertu d'un détachement programmatique de l'artifice.

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Dans cette phase, la tendance à passer d'un cinéma qui doit raconter une histoire à un cinéma qui doit représenter une pensée commence à émerger et, par conséquent, une utilisation marquée des voix off commence, qui ont pour tâche de créer une relation dialectique entre le son et l'image ainsi que de rompre la cohérence cinématographique habituelle entre ces deux éléments. À la fin de cette phase, il y a un silence artistique essentiellement lié à l'épuisement d'une saison politique et à la crise pratique d'un projet esthétique (le "Groupe Dziga Vertov" se dissout en raison de désaccords entre ses membres) où l'aspect esthétique est relégué à l'aspect fonctionnel.

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Après une phase intermédiaire d'œuvres réalisées avec Anne-Marie Miéville en 1980, commence la troisième phase, qui s'étend de La vie sauve ceux qui peuvent, jusqu'à Le livre d'image de 2018, qui est, selon l'écrivain, la plus importante de son œuvre. Dans cette phase, en s'émancipant d'une cohérence narrative de type littéraire, c'est-à-dire raconter une histoire, le cinéma devient un véritable Gesamtkunstwerk dans lequel convergent les influences et les suggestions de tous les arts, tenus par une cohérence formelle de type philosophique, c'est-à-dire développer une pensée.

L'une des œuvres symboliques de cette période est Histoire(s) du cinéma, dans laquelle des fragments de toute l'histoire du cinéma sont articulés dans une réflexion complexe sur la forme, montrant les éléments qui se répètent et se modifient au fil du temps, et dans laquelle le spectateur est appelé à les analyser et à les interpréter dans le contexte de la réalisation ; une œuvre rendue possible par l'utilisation de la bande vidéo, car ce support permet une extraction du contenu et une duplication beaucoup plus simples que la pellicule, et surtout, il permet l'absence de recours à des figures tierces.

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En définitive, l'histoire de Jean-Luc Godard est l'histoire d'une indépendance artistique obtenue en essayant de ne répondre à rien d'autre qu'à sa propre conscience au prix d'aller à l'encontre de l'esprit du temps : on se souvient qu'il ne s'est pas rendu à Los Angeles, l'une des patries du salutisme politiquement correct, pour recueillir l'Oscar de sa carrière, sous prétexte que le voyage était long et qu'il était interdit de fumer dans l'avion. Pour la postérité, il tente de répondre à la question qui sous-tend son dernier film : est-il possible d'écrire un livre, c'est-à-dire d'atteindre le même niveau de discursivité que l'écrit, en utilisant des images ? Quelles sont les implications pour les techniques d'édition ? L'alternative est de rester obstinément ancré à la tradition et à ses codes esthétiques, mais cela signifie être persuadé de la fin de l'histoire.

Andrea Piran.

19:44 Publié dans Cinéma, Film | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jean-luc godard, cinéma, film, 7ème art | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

mardi, 13 septembre 2022

Jean-Luc Godard et le crépuscule des dieux 

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Jean-Luc Godard et le crépuscule des dieux 

par Nicolas Bonnal

Source: https://lecourrierdesstrateges.fr/2022/09/13/jean-luc-godard-et-le-crepuscule-des-dieux-par-nicolas-bonnal/

Quelques lignes de Nicolas Bonnal pour rendre compte du vrai Godard, très loin des mièvreries de la bien-pensance qui se déversent depuis ce matin.

Godard pour moi n’a existé que dans les années soixante, au temps de la splendeur de Bardot, de Belmondo, de Marina Vlady. On vit à l’heure de la Conquête du cool décrit par Frank, et Godard incarne à la fois une révolte formelle – qui a totalement disparu depuis du cinéma – et politique, une révolte proche dans l’esprit de celle des situationnistes.

En quelques films il remet en cause la réalité de la France bourgeoise, consumériste et gaulliste – et ne propose rien. Quand il va proposer quelque chose (la Chine maoïste, les Black Panthers, etc.), il va sombrer. Parvulesco, confirmé par Antoine de Baecque, me disait que, dans sa jeunesse, il était d’extrême-droite, Godard, comme pas mal de cinéastes de cette époque étonnante ; et que, lui, Parvulesco lui servait de gourou. D’où l’extraordinaire interview de Melville grimé en Parvulesco dans A bout de souffle. L’homme a tout perdu, notamment par rapport à la femme en Amérique woke : tel est le message rigolard du maître goliard que je n’ai jamais contesté. Quel dommage qu’on ait perdu le cinéma de Hawks et de Hitch au passage (voyez mes livres).

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La caméra prophétique de Godard

Aucune envie de polémiquer. Je rappellerai donc que :

  • Dans A bout de souffle, Godard montre (et dénonce sans doute sans le vouloir) l’américanisation en profondeur et en surface de la France. La France est déjà un pays englouti par l’américanisation, peut-être plus que d’autres (d’où sans doute ce très inutile antiaméricanisme qui nous marque tous). La belle américaine mène notre voyou franchouillard à la mort (comme aujourd’hui ils nous remmènent à l’abattoir – on y a pris goût).
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  • Dans Alphaville Godard annonce le nazisme numérique de la Commission de Bruxelles. C’est la victoire du professeur von Braun et de la machine. On a tant écrit sur ce sujet – pour rien encore…
  • Dans Deux ou trois choses que je sais d’elle, Godard filme l’horreur des banlieues et des HLM. Le grand remplacement a déjà eu lieu et il est dans les têtes et les paysages. Relire Virilio et mon texte sur ce très grand auteur, repris par son éditeur Galilée.

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  • Dans Le Petit soldat Godard fait un film d’extrême-droite, peut-être le seul du cinéma français. C’est sur la guerre d’Algérie. Allez voir.
  • Dans Le Mépris, Godard lamente avec le thème sublime de Delerue la fin du cinéma, la Fin des dieux (il cite Hölderlin et nous montre Fritz Lang), et la fin de la Méditerranée. Le touriste va remplacer les héros odysséens. La crise du couple nous bassine un peu plus.

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D’autres films pourraient être cités de cette extraordinaire époque anarchiste de droite, comme Les Carabiniers, qui avaient enchanté Polanski. Finissons avec Hölderlin : « les dieux existent peut-être, mais au-dessus de nos têtes, et dans un autre monde ».

22:29 Publié dans Cinéma, Film, Hommages | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, france, film, hommage, nicolas bonnal, jean-luc godard | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook