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dimanche, 15 octobre 2023

Chant funèbre pour Stepanakert

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Chant funèbre pour Stepanakert

par Georges FELTIN-TRACOL

Une fois encore, la nation arménienne qui transcende dans le temps et l’espace les limites actuelles de la république post-soviétique d’Arménie connaît un profond chagrin et une immense peine dus à l’arrachement d’une partie de son territoire ancestral.

Du 18 au 20 septembre 2023, la quatrième guerre du Haut-Karabakh a provoqué la fin de la république indépendantiste de l’Artsakh et la fuite de plus de 90 % des quelque 120 000 habitants de ce berceau historique du peuple arménien. Les autorités rebelles de l’Artsakh ont annoncé la dissolution effective de toutes leurs institutions au 1er janvier 2024. Pas sûr que le vainqueur azéri patiente jusqu’à cette date…

Le traitement médiatique occidental pratique volontiers l’euphémisme à propos de ce nouveau nettoyage ethnique commis en direct sans susciter l’indignation des beaux esprits de la « communauté internationale ». Les journalistes occidentaux ne se préoccupent que de l’action humanitaire et délaissent toute considération géopolitique et historique. La version francophone de Wikipédia – Wokipédia serait une appellation plus appropriée pour cette encyclopédie en ligne infestée de wokistes – ne place même pas cette tragédie dans la catégorie « Événements en cours » alors que les pitoyables manifestations féministes en Iran y figurent depuis plus d’un an… Par ailleurs, la Hongrie de Viktor Orban ne condamne pas l’invasion azérie. Elle l’approuve au contraire, tropisme ouralo-altaïque oblige. Qu’en pensent donc les zélateurs français de l’illibéralisme de Budapest ?

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Ce n’est pas la première fois que les Arméniens voient le fer, le feu et le sang briser leur idéal politique. L’espérance mise dans le traité de Sèvres du 10 août 1920 qui offrait aux survivants du génocide de 1915 un territoire autour des villes d’Erzurum, de Trabzon et de Van disparaît au traité de Lausanne du 24 juillet 1923 sous les coups de butoir de la reconquête kémaliste. Deux ans plus tôt, en 1921, l’Armée rouge bolchevique anéantissait la République arménienne des Montagnes proclamée en 1918 aux confins de la Turquie, de la Perse et des futures Arménie et Azerbaïdjan. Les forces communistes constituèrent ensuite une structure soviétique d’expression arménienne au lendemain de l’échec transcaucasien.

Fin connaisseur des questions nationales auprès de Lénine, le Géorgien Joseph Staline entretient les vieilles rivalités ethniques tout en garantissant officiellement le droit de chaque peuple lié à l’ensemble soviétique de maintenir leur identité culturelle. Adeptes du « diviser pour régner », les bocheviks poussent à l’extrême la logique politique des nationalités en respectant l’ancrage territorial des langues. Ainsi l’Asie centrale compte-t-elle des enclaves ouzbèkes, turkmènes et tadjikes. Dans le Caucase, l’Azerbaïdjan, déjà pourvu en hydrocarbures, reçoit l’exclave du Nakhitchevan coincée entre la Turquie et l’Arménie, et le Haut-Karabakh à majorité arménienne.

Les réformes dévastatrices de Mikhaïl Gorbatchev au milieu de la décennie 1980 déclenchent un vaste réveil des peuples dans une URSS malade. Dès 1988, des incidents très violents opposent Arméniens et Azéris. Les Arméniens du Karabakh réclament au mieux leur rattachement à l’Arménie, au pire une séparation définitive avec l’Azerbaïdjan. Le 2 septembre 1991, ils proclament leur autodétermination. L’éclatement de l’URSS entraîne aussitôt l’intervention militaire de l’Arménie, épaulée de volontaires d’origine arménienne ou non venus d’Occident et du Proche-Orient. Les Arméniens écrasent les forces azéries, libèrent l’Artsakh et occupent 20 % du territoire azerbaïdjanais. L’exode d’un demi-million d’Azéris et de Kurdes mahométans clôt cette première guerre (1992 – 1994). Le Nagorny-Karabakh devient la Crimée des Azerbaïdjanais et le Kossovo des Arméniens.

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Entre 1994 et 2016, l’Artsakh polarise toute la vie politique arménienne. La victoire de 1994 développe un nationalisme soldatique favorable aux vétérans, aux anciens combattants et aux responsables de l’Artsakh quand bien même Erevan n’a jamais reconnu officiellement cette cryptocratie. Par exemple, chef de l’Artsakh de 1994 à 1997, Robert Kotcharian est Premier ministre de l’Arménie de 1997 à 1998, puis président de l’Arménie de 1998 à 2008. Il défend une ligne nationaliste intransigeante. Son successeur, natif de Stepanakert, Serge Sarkissian, est chef de l’État arménien de 2008 à 2018. Assurés de la pérennité de leur victoire, les politiciens arméniens et artsakhiotes s’assoupissent face au voisin azéri et pratiquent une kleptocratie générale éhontée. Pendant ce temps, Bakou prépare sa revanche.

L’Azerbaïdjan profite des gigantesques gisements d’hydrocarbures en Caspienne pour acquérir un armement sophistiqué. La deuxième guerre d’avril 2016 d’une durée de quatre jours révèle la fragilité du camp arménien. Seule la médiation russe, soucieuse de son étranger proche, cache l’avancée azérie. La troisième guerre dite des « Quarante-quatre Jours » (27 septembre – 10 novembre 2020) confirme l’avancée technique des Azéris et l’infériorité de l’armement arménien et artsakhiote. Bakou reprend l’ensemble des territoires jusque-là occupés par les Arméniens et entre en Artsakh malgré une modeste présence militaire russe d’interposition. La Russie assiste en spectatrice au basculement du Caucase. Erevan accuse Moscou de soutenir en sous-main Bakou. En riposte, à la fin du mois de septembre se sont déroulées des manœuvres militaires communes entre Arméniens et Étatsuniens. Le 3 octobre dernier, le parlement arménien ratifiait la reconnaissance de la Cour pénale internationale (CPI). Proche selon certaines rumeurs des milieux Soros, Nikol Pachinian aimerait quitter l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) afin de rejoindre le Bloc occidental atlantiste via l’OTAN. Les motifs de crispations réciproques s’accumulent donc entre le Kremlin et Erevan.

Les réactions internationales demeurent pour la circonstance discrètes et timorées. Le droit international privilégie les États aux dépens des peuples. L’Azerbaïdjan met au pas une région séparatiste. Le gouvernement azéri impose un blocus hermétique d’une dizaine de mois et coupe le couloir de Latchine vital pour les relations nombreuses entre l’Arménie et l’Artsakh. Le 6 octobre 2022, le Premier ministre arménien, Nikol Pachinian, reconnaît la légitimité de l’Azerbaïdjan sur le Nagorny-Karabakh. Bakou peut enfin lancer son « opération spéciale anti-terroriste » avec succès.

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Maintenant que l’Azerbaïdjan a retrouvé l’intégralité de son territoire, va-t-on vers un apaisement régional ? Pas du tout ! On aurait cependant tort de considérer l’Azerbaïdjan comme le simple supplétif de la Turquie néo-ottomane d’Erdogan. Le président azerbaïdjanais Ilham Aliev a ses propres visées territoriales. Il entend d’abord établir une continuité territoriale avec le Nakhitchevan en s’emparant de l’Arménie méridionale autour de la région de Syunik qualifiée à Bakou d’« Azerbaïdjan occidental ». C’est la question brûlante du corridor de Meghri aussi nommé « corridor de Zanguezour ». Les diplomates azerbaïdjanais estiment par ailleurs que le tracé frontalier post-soviétique demeure confus et imprécis à grande échelle, là où se distinguent finages, dépressions et ruisseaux. L’armée azérie occuperait déjà 150 km² du territoire arménien. Le président Aliev en considère la prise comme une « nécessité historique ». Il dispose désormais des moyens de réaliser cette revendication. Les sanctions économiques contre la Russie contraignent l’Union pseudo-européenne à négocier avec Bakou. L’Azerbaïdjan livre aux États-membres du « Machin de Bruxelles » la bagatelle de 12 milliards de m³ de gaz en attendant 20 milliards de m³ ! Les bénéfices partent aussitôt dans l’achat de drones de combat perfectionnés turcs et israéliens. Depuis 2016, 70 % des importations d’armes proviennent de l’État d’Israël qui, en retour, bénéficie de 40 % des hydrocarbures sorties de la Caspienne. Un pont aérien presque continu s’opère entre les deux États en matière militaire et économique.

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Or la région de Syunik est indispensable pour les liens irano-arméniens. Attaquer l’Arménie reviendrait à attaquer un État souverain reconnu internationalement (sauf par le Pakistan !). L’Iran pourrait intervenir aux côtés de l’Arménie. Dernièrement, le Guide suprême de la Révolution islamique, Ali Khamenei, a déclaré que le corridor de Meghri « constitue une voie de communication depuis des milliers d’années ». Bien que lui-même d’origine azérie, le haut-dignitaire iranien se méfie des ambitions territoriales de Bakou. Téhéran soupçonne le gouvernement azéri de lorgner sur la province iranienne d’Azerbaïdjan. Les Iraniens se souviennent toujours de l’éphémère république démocratique de l’Azerbaïdjan iranien de Jafar Pishevari (1893 - 1947), président d’un gouvernement populaire, de novembre 1945 à mai 1946, avec l’assistance intéressée de l’URSS. À l’instar de la minorité arabe du Khouzistan, des Kurdes et du Baloutchistan occidental, un regain activiste et sécessionniste plus ou moins téléguidé parcourt la portion iranienne de l’Azerbaïdjan. Téhéran accuse en outre Bakou d’accueillir au moins une station d’écoute du renseignement israélien, voire des unités de sabotage et d’action illégale. Une féroce guerre secrète se déroule en effet entre Israéliens et Iraniens pour empêcher que l’Iran accède au seuil nucléaire. La révolution de couleur féministe en cours en Iran contribue à cette déstabilisation concertée.

La chute de Stepanakert ne se comprend pas seulement à l’aune simpliste du conflit séculaire entre Arméniens et Azéris. Certes, c’est un réel choc des civilisations entre Arméniens chrétiens d’origine indo-européenne et Azéris turcophones musulmans chiites comme l’explique un article de Charlie Hebdo du 4 octobre dernier. Mais l’échec final de l’Artsakh s’inscrit dans un champ conflictuel plus large. On craint parfois que la prochaine guerre mondiale surgisse des faubourgs de Kyiv ou de la banlieue de Donetsk. Il est plus probable qu’elle éclate sur les versants du Caucase.      

GF-T

  • « Vigie d’un monde en ébullition », n° 87, mise en ligne le 10 octobre 2023 sur Radio Méridien Zéro.

samedi, 30 septembre 2023

Haut-Karabakh : résultats de la guerre de deux jours

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Haut-Karabakh: résultats de la guerre de deux jours

Source: https://katehon.com/ru/article/nagornyy-karabah-itogi-dvuhdnevnoy-voyny

À l'issue d'un conflit éphémère, le Haut-Karabagh est entièrement et officiellement sous le contrôle de Bakou. Comment cela va-t-il changer l'équilibre des forces dans la région ?

Le dernier conflit

Les 19 et 20 septembre, les forces armées azerbaïdjanaises ont mené des "activités antiterroristes de nature locale" sur le territoire du Haut-Karabakh. En conséquence, les autorités de la République non reconnue d'Artsakh ont accepté une capitulation de facto : désarmement complet et retrait des formations armées arméniennes du territoire du Haut-Karabakh en échange d'un cessez-le-feu de la part de la partie azerbaïdjanaise. Le 20 septembre, cinq soldats de la paix russes, dont le commandant adjoint du groupe de maintien de la paix, le capitaine de premier rang Ivan Kovgan, ont été tués par des tirs militaires azerbaïdjanais dans la zone de conflit.

L'Arménie a refusé d'intervenir dans le conflit aux côtés des Arméniens du Karabakh. Les forces russes de maintien de la paix ont adopté une position neutre, ne s'engageant pas dans les combats avec les militaires azerbaïdjanais, mais ont contribué à l'accord de cessez-le-feu. Le 21 septembre, des négociations entre les représentants de la communauté arménienne du Karabakh et les autorités azerbaïdjanaises ont eu lieu dans la ville de Yevlakh. Aucun accord final n'a été conclu, mais un vecteur commun a été défini : la réintégration du Haut-Karabakh dans l'Azerbaïdjan aux conditions de Bakou.

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Le 27 septembre, les autorités azerbaïdjanaises ont arrêté Ruben Vardanyan (photo), un oligarque russe d'origine arménienne qui, en 2022, a renoncé à sa citoyenneté russe et a dirigé le gouvernement arménien autoproclamé du Haut-Karabakh.

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L'exode

On assiste à un exode massif de la population arménienne du Haut-Karabakh. Selon les représentants de la communauté arménienne, 120.000 personnes, soit l'ensemble de la population arménienne de la région, quitteront la région. Dans les années 1990, toute la population azerbaïdjanaise a été expulsée de la région. Aujourd'hui, le même processus se produit avec les Arméniens. Bakou, officiellement, est prêt à accorder des garanties pour les Arméniens, mais tout le monde comprend que dans une région où les deux peuples ont des comptes à régler depuis longtemps, les Arméniens qui se sont battus contre Bakou et leurs propres voisins azerbaïdjanais dans les années 1980 et 1990 ne vivront pas sans danger dans un État-nation azerbaïdjanais.

L'avenir du Haut-Karabakh doit être réglé par les Azerbaïdjanais, principalement les anciens réfugiés de la région et leurs descendants. Cela soulève toutefois la question de la nécessité d'un contingent russe de maintien de la paix au Nagorny-Karabakh. Un contingent d'environ 2000 personnes est stationné dans la région depuis 2020, précisément pour assurer la sécurité des Arméniens, qui tentent actuellement de quitter la région. 

Le sort de Pashinyan

Lors du dernier conflit au Haut-Karabakh, des manifestations de masse ont eu lieu en Arménie même contre l'inaction du gouvernement de Nikol Pashinyan. Le Premier ministre arménien a déclaré qu'il ne se laisserait pas entraîner dans la guerre. Il a donc refusé toute assistance aux formations armées de la République du Nord-Karabakh, laquelle n'est pas reconnue. Toutefois, rien ne permet pour l'instant de supposer que M. Pashinyan démissionnera, comme le réclament les manifestants, ou qu'il changera le vecteur pro-occidental de sa politique. Les dirigeants arméniens transfèrent la responsabilité des Arméniens du Karabakh à Moscou. Le 24 septembre, Nikol Pashinyan s'est adressé au peuple arménien, accusant la Russie de se plier aux exigences de l'Azerbaïdjan. 

Parallèlement aux protestations contre Pashinyan, des manifestations anti-russes ont eu lieu à Erevan et le ministère arménien de la défense a organisé des exercices avec des partenaires américains.

L'Arménie ne renonce pas à son vecteur de développement pro-occidental, abandonnant de facto le Karabakh "problématique" et misant sur la coopération avec les Etats-Unis et la France. L'avenir de la base militaire russe de Gyumri est en question, tout comme l'adhésion de l'Arménie à l'OTSC. Nikol Pashinyan est l'incarnation de ce vecteur pro-occidental du développement de l'Arménie. Pour l'heure, rien ne permet de penser que les manifestations, relativement peu nombreuses, seront en mesure de le contraindre à démissionner.

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Influence des acteurs étrangers

Le président français Emmanuel Macron s'est solidarisé avec Nikol Pashinyan, déclarant que "la Russie est désormais complice de l'Azerbaïdjan" et que "la France soutiendra le peuple arménien". La ministre des Affaires étrangères de la Cinquième République, Catherine Colonna, a annoncé l'élargissement des contacts militaro-diplomatiques entre Paris et Erevan. L'intention d'ouvrir un consulat français dans la région stratégique de Syunik, en Arménie, où l'Azerbaïdjan et la Turquie font pression pour la création d'un corridor de transport vers la République autonome du Nakhitchevan, isolée du reste de l'Azerbaïdjan et partageant une frontière commune avec la Turquie, a également été annoncée. De facto, il s'agit d'établir un centre de renseignement français sous le couvert d'un consulat.

Les Etats-Unis, quant à eux, développent des contacts tant avec l'Arménie qu'avec l'Azerbaïdjan. Samantha Power, directrice de l'USAID (Agence américaine pour le développement international), est arrivée la veille à Bakou en provenance d'Erevan. 

La Turquie, alliée de l'Azerbaïdjan, renforce activement ses positions. Le président azerbaïdjanais Ilham Aliyev et son homologue turc Recep Tayyip Erdogan se sont rencontrés à Nakhitchevan le 25 septembre. Au cours de cette rencontre, ils ont discuté du corridor de transport passant par Lachin (Zankezour). Selon Erdogan, le corridor vers le Nakhitchevan via l'Iran est également possible. Ainsi, l'Arménie tente de se placer dans l'orbite de l'influence turque, d'abord économique, en proposant le projet de corridor, qui devrait d'une part débloquer les communications économiques dans la région, et d'autre part ouvrir à la Turquie un accès direct à la mer Caspienne et à l'Asie centrale.

L'Iran, comme la Russie, est, d'une part, préoccupé par l'avancée des positions occidentales dans la région. D'autre part, Téhéran voit d'un mauvais œil les tentatives de déstabilisation de l'Iran par l'intermédiaire des Azéris iraniens, ainsi que la coopération étroite entre Israël et l'Azerbaïdjan. Historiquement, l'Iran a plutôt soutenu l'Arménie dans la région.

En général, les intérêts et les positions de Téhéran et de Moscou coïncident au plus haut point parmi tous les acteurs de la région : empêcher le renforcement des positions de l'Occident en Transcaucasie, empêcher la propagation du pan-turquisme et de l'extrémisme radical sunnite, contrebalancer le renforcement de la Turquie (tout en la détachant des structures euro-atlantiques et en l'impliquant dans les formats régionaux multilatéraux), promouvoir le développement des corridors de transport (principalement le corridor nord-sud). Ce n'est pas un hasard si, lors d'une conversation téléphonique le 26 septembre, les présidents russe et iranien Vladimir Poutine et Ebrahim Raisi ont plaidé pour l'activation de la plateforme régionale "3+3" (Russie, Iran, Turquie, Arménie, Azerbaïdjan, Géorgie). 

L'influence de la Russie, suite au conflit, est objectivement très limitée. Les forces de maintien de la paix russes sont les otages de la situation, car les principales forces militaires ont été détournées vers l'Ukraine. Beaucoup dépendra des actions futures de la diplomatie russe, y compris en direction de l'Iran, ainsi que de la réaction de Moscou à l'assassinat des soldats de la paix russes, de sa capacité à faire preuve de force et à obtenir un châtiment équitable pour les assassins.

La fin du Haut-Karabakh et l'instabilité aux frontières de la Russie

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La fin du Haut-Karabakh et l'instabilité aux frontières de la Russie

La fin de la jeune république. Les "avancées" occidentales vers l'Arménie et l'Azerbaïdjan et les intérêts d'Israël et de l'Iran

Source: https://www.piccolenote.it/mondo/nagorno-karabakh-e-instabilita-ai-confini-russi

Le président de la République Samvel Shahramanyan a mis fin, par un simple décret, à la courte histoire de la république du Haut-Karabakh, qui cessera d'exister le 1er janvier prochain. Une histoire mouvementée, puisqu'elle est née après la dissolution de l'URSS, avec un référendum proclamant son indépendance, le 21 septembre 1991, posant une question cruciale qui n'a jamais été résolue puisque, dans l'empire soviétique, elle faisait partie de l'Azerbaïdjan, devenu indépendant de Moscou le 30 août de la même année.

L'Azerbaïdjan n'a d'ailleurs jamais accepté la séparation, d'où la pression exercée pour réintégrer la région perdue. La coexistence dans le Nagorno Karabakh d'Arméniens et d'Azerbaïdjanais, avec des conflits de longue date qui ont même conduit à des massacres de part et d'autre, complique considérablement les choses.

Et puis les frictions plus larges entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, tous deux prêts à défendre les raisons de leurs groupes ethniques respectifs dans la petite république. Ces frictions se sont traduites par une guerre ouverte entre les deux États entre 1992 et 1994, qui s'est terminée par un cessez-le-feu rompu en avril 2016 (la guerre des quatre jours) et a repris avec le conflit sanglant de 2020 (septembre-novembre).

La dernière guerre avait pris fin grâce à la médiation de Poutine, la paix ayant duré jusqu'à il y a une semaine, lorsque l'Azerbaïdjan a décidé de recourir à nouveau à la force.

La dernière guerre du Haut-Karabakh

Une intervention de courte durée et le Haut-Karabakh capitule, les forces de maintien de la paix russes, présentes depuis longtemps dans la région, protègent les Arméniens et négocient une reddition inconditionnelle de facto, évitant ainsi le bain de sang redouté (les forces de maintien de la paix russes ont d'ailleurs subi des pertes).

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Les images des foules d'Arméniens fuyant le Haut-Karabakh, revenu à toutes fins utiles à l'Azerbaïdjan, en direction de la mère patrie voisine, ont fait le tour du monde, accompagnées d'accusations de nettoyage ethnique.

Reste à comprendre les raisons de cette démarche, alors que le président arménien avait déclaré en mai qu'il était prêt à reconnaître la souveraineté azerbaïdjanaise sur le Haut-Karabakh si la sécurité des Arméniens qui y vivent était garantie.

Bref, Bakou aurait pu obtenir le même résultat sans l'épreuve de force actuelle, manifestement décidée, comme lors de la guerre précédente, par l'hésitation de l'autre partie à faire des pas réels dans cette direction.

Cependant, cette guerre, comme d'autres, implique un jeu géopolitique beaucoup plus complexe que l'antagonisme entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie, puisque le sort de deux pays caucasiens, d'une importance stratégique mondiale en raison de leurs frontières avec la Russie, est en jeu.

C'est ce qu'explique M. K. Bhadrakumar dans Indian Punchline, en rappelant qu'au cours des derniers mois, le président arménien Nikol Pashinyan, arrivé au pouvoir grâce à une autre révolution colorée qui a eu lieu dans les anciens pays soviétiques (la "révolution de velours" en Arménie), s'est débarrassé de ses anciens oripeaux modérés pour revêtir ceux habituels des dirigeants établis par de tels bouleversements, amorçant un détachement-antagonisme progressif vis-à-vis de Moscou.

Un détachement qui s'est manifesté dans toute sa plasticité lors des exercices militaires conjoints USA-Arménie qui ont eu lieu peu avant l'attaque azérie et qui ont été le catalyseur de l'intervention : il est probable que les autorités de Bakou craignaient qu'avec Washington engagé en Arménie, la réintégration convoitée du Haut-Karabakh ne devienne une chimère.

Nouvelle instabilité aux frontières russes

Cependant, Bhadrakumar explique comment l'Azerbaïdjan a longtemps été choyé par l'Occident: "L'année dernière, l'UE a signé un accord pour fournir du gaz à partir de Bakou" et "la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a fait l'éloge de l'Azerbaïdjan en tant que "partenaire crucial" pour atténuer la crise énergétique de l'Europe".

"L'intérêt stratégique de l'UE, poursuit M. Bhadrakumar, est que l'Arménie et l'Azerbaïdjan minimisent l'influence russe en Transcaucasie. Avec autant d'acteurs géopolitiques puissants impliqués dans la région du Caucase, la situation est délicate. La ville espagnole de Grenade est l'endroit à surveiller car, dans quinze jours, près de 50 pays européens sont attendus pour une réunion de la Communauté politique européenne, y compris l'Arménie et l'Azerbaïdjan".

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L'interprétation de Bhadrakumar est que l'invasion du Nagorno-Karabakh a en fait résolu un problème pour l'UE et les États-Unis : avec le règlement du conflit du Nagorno-Karabakh, l'Arménie et l'Azerbaïdjan pouvaient être invités à rejoindre l'UE. Une étape préalable à une éventuelle entrée dans l'OTAN.

Bref, une voie similaire à celle empruntée par l'Ukraine, qui a commencé son antagonisme avec Moscou par une révolution colorée revendiquant l'entrée dans l'UE, le carburant qui a alimenté l'incendie de la place Maïdan dont les flammes dévorent encore le pays. Cet intérêt a rendu les protestations contre l'agression azerbaïdjanaise quelque peu ineptes, bien différentes de celles soulevées par l'invasion de l'Ukraine.

"Profitant des inquiétudes de la Russie au sujet de l'Ukraine, les États-Unis et l'Union européenne se sont introduits de manière agressive dans la région de la mer Noire et dans le Caucase. L'Arménie est un fruit à portée de main", écrit Bhadrakumar.

L'Azerbaïdjan est moins à portée de main, étant donné son double lien avec la Turquie, une variable incontrôlable dans ce puzzle.

Israël, Iran et Azerbaïdjan

Mais il y a une autre pièce dans cette mosaïque, aussi cachée que significative. L'éditorial du Haaretz écrit à ce sujet : "Depuis la deuxième décennie du 21ème siècle, Israël a aidé l'Azerbaïdjan à commettre des crimes de guerre et à vaincre les Arméniens dans le Haut-Karabakh".

"Israël entretient avec les Azerbaïdjanais une relation stratégique fondée sur l'achat d'armes [israéliennes] d'une valeur de plusieurs milliards de dollars, mais aussi sur la guerre d'Israël contre l'Iran [Tel-Aviv utilise l'Azerbaïdjan comme base contre Téhéran] et sur l'achat à l'Azerbaïdjan d'une part importante du pétrole dont il a besoin".

Et il explique comment "le 6 mars, Haaretz a rapporté qu'au cours des sept dernières années, 92 avions-cargos azerbaïdjanais ont atterri à la base aérienne d'Ovda, le seul aéroport d'où l'on peut exporter des explosifs".

Puis, après avoir évoqué d'autres liens entre les deux pays, il rapporte que "le ministère des Affaires étrangères a admis que le refus d'Israël de reconnaître le génocide arménien - qu'il qualifie simplement de "tragédie" - découle en partie de ses relations avec le gouvernement azerbaïdjanais".

"Ce qui se passe dans le Haut-Karabakh n'est pas le premier cas de nettoyage ethnique qui porte les empreintes d'Israël. La persécution des Rohingyas au Myanmar et des musulmans pendant la guerre en Bosnie ne sont que deux exemples parmi tant d'autres. Israël devrait apprendre de l'histoire du peuple juif que le mélange d'énormes quantités d'armes avec la déformation de l'histoire est une recette sûre pour le désastre".

Enfin, il y a la relation ambiguë entre l'Azerbaïdjan et l'Iran : s'il est vrai que Téhéran regarde son voisin avec inquiétude, il reste les liens ataviques plus élevés, étant donné que l'Azerbaïdjan est le seul pays chiite en dehors de l'Iran.

Un puzzle complexe et risqué.

jeudi, 22 septembre 2022

La conflit oublié du Karabakh

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Le conflit oublié du Karabakh

Peter W. Logghe

Bron: Nieuwsbrief Nr 172 - September 2022 - Knooppunt Delta Vzw

L'invasion de la Russie et la guerre en cours en Ukraine ont relégué au second plan - dans les médias en tout cas - d'autres conflits sur notre planète. L'escalade militaire du conflit du Karabakh entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan au mois d'août jette une lumière claire sur la situation particulièrement tendue dans la région. Les acteurs géopolitiques du Caucase du Sud, outre les deux adversaires que sont l'Arménie (qui revendique le Karabakh) et l'Azerbaïdjan, sont la Turquie, l'Iran et la Russie. La guerre en Ukraine, par exemple, amène la Russie à réduire ses effectifs dans et autour du Karabakh, modifiant ainsi l'équilibre des forces existant.

Dans les derniers jours de juillet, le conflit, qui avait commencé en 2020, s'est rallumé. Suite à des bombardements mutuels, l'armée azerbaïdjanaise a très récemment lancé une offensive éclair et pris le contrôle de plusieurs endroits stratégiques. Ce qui a fait que le gouvernement des nationalistes arméniens à Stepanakert (capitale du Karabakh) a décidé de déclarer immédiatement la mobilisation générale.

Les tensions géopolitiques croissantes persistent

Le conflit militaire enfle donc à nouveau, préoccupant Téhéran, Constantinople et Moscou. Ce qui pouvait ressembler aux premiers pas vers une solution stable avec un cessez-le-feu en 2020 s'est toutefois progressivement transformé en un fouillis de passages frontaliers peu clairs et de prétendues troupes de maintien de la paix de la Turquie et de la Russie.

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En novembre 2020, les gouvernements d'Arménie, de Russie et d'Azerbaïdjan ont conclu un cessez-le-feu. Le retrait des troupes arméniennes des territoires occupés en Azerbaïdjan et le stationnement de troupes russes dans la région étaient à peu près les principaux éléments constitutifs au cœur de la trêve. Cela a permis au président russe Poutine de souligner son rôle de "courtier honnête de la paix" et aussi de faire comprendre aux Arméniens à quel point leur situation était désespérée (sans l'aide de la Russie).

La Russie, cependant, a dû laisser assez rapidement la place à une autre superpuissance (régionale). La Turquie, sous la direction de son très ambitieux président Recep Erdogan, avait utilisé des drones technologiquement avancés et agressifs pour influencer le cours de la guerre en faveur de son partenaire et allié, l'Azerbaïdjan. Sans la participation de l'Arménie, les troupes turques ont pu accéder aux territoires contestés. Alors qu'elles devaient rester en dehors des zones véritablement arméniennes, les troupes turques étaient désormais également aux commandes du centre de contrôle qui était censé aider à surveiller le cessez-le-feu.

Sans surprise, le début des hostilités entre la Russie et l'Ukraine suite à l'invasion de la Russie a été suivi avec un intérêt particulier en Azerbaïdjan. Encore et encore, des attaques (limitées) azéries contre des soldats et des civils arméniens ont eu lieu dans la région. On a remarqué que de plus en plus de prisonniers ont été faits. Les observateurs occidentaux pensent que l'Azerbaïdjan est occupé à poser des mines dans de nouvelles zones pour préparer une nouvelle offensive. L'Azerbaïdjan espère qu'une offensive bien préparée et coordonnée lui permettra d'avancer si rapidement que le Karabakh arménien pourra être entièrement placé sous son contrôle. Cela permettrait à l'Azerbaïdjan non seulement de forcer l'entrée au Nakhitchevan (une exclave de l'Azerbaïdjan prise en sandwich entre l'Arménie et l'Iran), mais aussi d'établir une liaison terrestre avec la Turquie. Aux dépens des Arméniens, qui perdraient ainsi non seulement le Karabakh, mais aussi d'importantes portions de leur territoire à l'est (où leurs terres s'étendent jusqu'à la frontière de l'Iran).

Et nous en arrivons ainsi au troisième partenaire dans le jeu d'échecs géopolitique. L'Iran a clairement montré son mécontentement face aux escarmouches entre ses voisins. L'ayatollah Ali Khamenei a clairement indiqué que si l'Iran était très heureux que l'Azerbaïdjan ait repris le contrôle de vastes zones de son territoire, une modification des frontières irano-arméniennes: non, Téhéran ne veut pas de ça. Selon l'Iran, il s'agit d'"une route commerciale millénaire" - lisez : redessiner ces frontières est trop délicat.

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Dans la région, l'Iran a longtemps été considéré comme un ami à moitié caché de l'Arménie. Les deux pays partagent une aversion historique pour la Turquie et entretiennent de bonnes relations avec les Russes. Après le discours de Khamenei, des troupes iraniennes ont été immédiatement envoyées dans la zone frontalière. Pour l'information de nos lecteurs, plus d'Azéris vivent en Iran qu'en Azerbaïdjan même. Ainsi, les sentiments pan-turcs qu'Erdogan ne cesse de jouer ne sont pas seulement particulièrement bienvenus et sensibles en Azerbaïdjan, mais aussi dans certaines provinces iraniennes. Une offensive militaire turque réussie dans le Caucase du Sud pourrait être particulièrement menaçante pour l'État pluripolaire qu'est l'Iran.

mercredi, 09 décembre 2020

La Crise du Haut-Karabagh avec Pierre Le Vigan & Gilbert Dawed

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Cafe Noir N.00

La Crise du Haut-Karabagh

avec Pierre Le Vigan & Gilbert Dawed

Ce qui compte n''est pas la guerre des civilisations c'est la géopolitique. Café Noir – Un Autre Regard sur le Monde. Émission du Vendredi 4 décembre 2020 avec Pierre Le Vigan et Gilbert Dawed.
 

mardi, 01 décembre 2020

L’Azerbaïdjan? Quatre motifs de satisfaction pour Israël

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L’Azerbaïdjan? Quatre motifs de satisfaction pour Israël

Le bloc-notes de Jean-Claude Rolinat

Ex: http://synthesenationale.hautetfort.com

On sait que les États sont des monstres froids, et qu’en général ils n’ont pas « d’amis », mais seulement  des intérêts. Toutefois, il peut y avoir de rares exceptions. Mais ce que l’on appelle la « realpolitik », c’est-à-dire la défense d’intérêts égoïstes, reprend toujours le dessus. C’est ce que nous pouvons constater dans l’affaire de l’agression du Haut-Karabakh arménien par l’Azerbaïdjan chiite. Quatre bonnes raisons ont incité l’État hébreu à ne penser qu’à ses intérêts. Notons, avec amertume, qu’il n’est pas le seul dans le concert des nations, dont certaines, l’Allemagne fédérale pour ne pas la nommer, ont carrément tourné la tête pour ne pas déplaire au satrape d’Ankara.

1°) L’Azerbaïdjan du clan Aliev, est un pays musulman qui entretient des relations diplomatiques avec Israël. Notons que l’État juif n’en a pas tant qui aient ouvert des ambassades chez lui. Au Moyen-Orient, on les compte sur les doigts d’une main : l’Egypte, la Jordanie, bientôt Bahreïn et les Émirats arabes unis. En retour, l’ouverture d’une légation à Bakou était la bienvenue, tant la reconnaissance internationale de leur pays est une obsession des dirigeants israéliens.

2°) Les affaires ! Si les « petits cadeaux entretiennent l’amitié », le businessest un excellent moyen d’influencer un partenaire, sans compter que vendre des marchandises ou du matériel de guerre notamment, rapporte des devises. D’autant qu’Israël excelle dans la production d’électronique militaire et la fabrication de drones.

3°) Les peuples arméniens et juifs, ont été tous deux victimes de génocides au cour du XXe siècle, le siècle le plus meurtrier dans l’histoire de humanité. Israël, au lendemain de la seconde Guerre mondiale, dont une bonne partie de la population était composée de rescapés de la Shoah, - mais pas que -, a-t-il voulu conserver une sorte d’exclusivité du mémoriel, l’holocauste dans son exceptionnelle monstruosité, ne pouvant supporter aucune concurrence ? Dès lors, il semblait inconvenant pour lui, de venir au secours d’un peuple, le peuple arménien, ayant, lui aussi, terriblement souffert.

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4°) Le fait que l’Azerbaïdjan, frontalier de l’Iran chiite, n’entretienne pas spécialement de bonnes relations de voisinage avec le pays des Ayatollahs, est un autre motif de satisfaction pour Jérusalem qui, on le sait, mène une guerre larvée contre Téhéran. Le récent assassinat du scientifique Mohsen Fakhirzade, spécialisé dans le nucléaire, imputé à Israël par le ministre des affaires étrangères iranien Mahammad Javad Zarif, s’ajoutant à une déjà  longue liste d’exécutions non élucidées mais attribuées au Mossad, - on ne prête qu’aux riches !-, n’arrange rien. Et c’est dans ce contexte que les velléités séparatistes des Azéris de la province de Tabriz, qui voudraient bien être rattachés à Bakou, s’inscrivent dans une vaste perspective géopolitique pouvant redessiner, un jour, les frontières de l’Iran. N’oublions pas que de novembre 1945 à mai 1946, fut proclamée une « République démocratique de l’Azerbaïdjan » sous la férule de Moscou. D’autant qu’à l’extrémité orientale du pays, plus de deux millions de Baloutches pourraient bien, eux aussi, revendiquer de s’unir à leurs frères du Pakistan qui avaient déjà proclamé leur « État » en 1947, faisant sécession du « pays des purs », sous l’égide du Khan de Kalat (1).

On le voit, les raisons ne manquent pas à Tel-Aviv de ne pas avoir les « yeux de Chimène » en faveur de l’enclave arménienne du Nagorny-Karabakh, renommée « République de l’Artsakh » par les nationalistes arméniens. Il est vrai que, comme pour les pays occidentaux, l’Arménie en général, le Haut-Karabakh en particulier, n’ont ni gaz , ni pétrole, simplement des églises chrétiennes pluri centenaires !

(1) Pour en savoir plus, lire  le « Dictionnaire des États éphémères ou disparus de 1900 à nos jours », éditions Dualpha. cliquez ici

samedi, 28 novembre 2020

Le rôle de l’État hébreu dans les coulisses de la crise arménienne

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Le rôle de l’État hébreu dans les coulisses de la crise arménienne

Par le général (2S) Dominique Delawarde

Ex: https://strategika.fr

Les médias mainstream occidentaux ont beaucoup insisté sur le rôle majeur et indéniable de la Turquie dans la crise opposant l’Arménie à l’Azerbaïdjan, mais ils sont restés extrêmement et étonnamment discrets, voire silencieux sur le rôle tout aussi important, joué, en coulisse, par Israël, et sur son positionnement dans cette affaire.

Ce rôle n’a pourtant pas pu échapper à un géopoliticien ou à un observateur averti.

   Il y a, bien sûr, les discrètes navettes aériennes entre Tel Aviv et Bakou qui, au début d’octobre, ne transportaient pas des oranges, mais de l’armement sophistiqué (notamment des drones et des missiles). Une part non négligeable de l’armement azéri est d’origine israélienne. Il faut rappeler que l’Azerbaïdjan est le premier pourvoyeur de pétrole d’Israël et lui fournit 40% de ses besoins. Ceci suffirait presque à expliquer l’alliance de fait, entre les deux pays, alliance basée sur une sorte d’échange «pétrole contre armement».

https://www.jpost.com/israel-news/video-shows-azerbaijan-...

   Il y a la relative discrétion des chancelleries et des médias occidentaux – dont on sait qui les contrôle – sur l’ingérence ouverte de la Turquie, pays membre de l’OTAN, contre l’Arménie, pays membre de l’OTSC (Organisation du Traité de Sécurité Collective) aux côtés de la Russie. La coalition occidentale a bien protesté du bout des lèvres; elle a bien appelé «à la retenue» et au «cessez le feu», mais elle a laissé faire la Turquie sans vraiment dénoncer son impérialisme islamiste, désormais tous azimuts (Syrie, Irak, Libye, Méditerranée orientale, Caucase).                                                                                          

   Il y a encore la prise de position officielle de Zelenski, premier président juif d’Ukraine, en faveur de l’Azerbaïdjan, et contre l’Arménie. Ce président aurait certainement été plus discret dans son soutien si l’Azerbaïdjan avait été hostile à l’état hébreu.

    Il y a enfin cette déclaration de Georges Malbrunot, grand reporter au Figaro qui nous apprend dans un tweet:

Conflit au Nagorny-Karabakh: au-delà de la station du Mossad basée en Azerbaïdjan pour espionner l’Iran et de la livraison de matériels militaires à Bakou, Israël entraîne les forces de sécurité azéris, confie un diplomate européen, qui fut basé en Azerbaïdjan.

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Mais pourquoi l’État hébreu se distingue-t-il aujourd’hui, par sa présence et son action dans cette région du monde aux côtés de la Turquie, de l’Azerbaïdjan et du djihadisme islamiste?

    Avant de tenter de répondre à cette question,il faut se rappeler que l’activisme d’Israël sur la scène internationale n’est pas que régional, mais mondial. Il peut être direct ou indirect. Son empreinte est souvent perceptible et parfaitement identifiable dans la politique étrangère des grands pays occidentaux (USA, UK, FR, Canada, Australie), mais elle l’est aussi dans presque tous les grands événements qui ont affecté l’évolution géopolitique mondiale des dernières décennies: (guerres au Proche et Moyen-Orient, révolutions colorées et/ou changement de pouvoir (ou tentatives) notamment en Amérique du Sud (Brésil, Bolivie, Venezuela, Colombie, Équateur) mais aussi en Europe (Maïdan …) et en Afrique du Nord (printemps arabes, hirak algérien). A noter aussi l’ingérence plus ou moins ouverte dans les élections des grands pays de la coalition occidentale (USA, FR, UK, Canada, Australie) par des financements généreux de sa diaspora visant à promouvoir les candidats qui lui sont favorables et à détruire ceux qui ne le sont pas.

   Cet activisme pro-israélien s’exerce par le biais d’une diaspora riche, puissante et organisée. Cette diaspora  collectionne les postes d’influence et de pouvoir, plus ou moins «achetés» au fil du temps et des circonstances, au sein des appareils d’État, au sein des médias mainstream, au sein des institutions financières et des GAFAM qu’elle contrôle. Le Mossad n’est pas en reste et fonde l’efficacité de son action sur le système des sayanims, parfaitement décrit par Jacob Cohen dans sa conférence de Lyon. https://www.youtube.com/watch?v=2FYAHjkTyKU

   L’action de ces relais et soutiens vise à défendre et à promouvoir les intérêts directs et indirects de l’État hébreu sur la planète entière et à élargir le cercle des pays et des gouvernances qui le soutiennent. Elle vise aussi à affaiblir celles et ceux qui lui sont opposés. Elle est tenace,  efficace et s’inscrit dans la durée.

   Pour gagner, l’État hébreu, comme le fait aussi très bien l’OTAN, n’hésite jamais à faire des alliances de circonstance, limitées dans l’espace et dans le temps, avec tel ou tel de ses adversaires (Turquie et djihadistes en Syrie par exemple). Ses actions sont souvent «préméditées», «concoctées» et «coordonnées» avec ses correspondants «néoconservateurs» de Washington. Comme partout ailleurs le mensonge d’État et la duplicité sont monnaies courantes…

   Pourquoi susciter et/ou mettre de l’huile sur le feu dans un conflit entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie et pourquoi maintenant ?

    Trois grands pays de la région, la Russie, la Turquie et l’Iran, sont directement concernés par ce conflit et par ses conséquences potentielles, parce qu’ils sont frontaliers avec l’une des deux parties en conflit, et parfois les deux. Israël, pour sa part, n’est qu’indirectement concerné, mais l’est tout de même, nous le verrons.

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Par ailleurs, cette région du Caucase est également une «zone de friction» entre des alliances qui ne s’apprécient pas vraiment: La coalition occidentale et l’OTAN dont la Turquie et Israël jouent la partition, l’OTSC (Organisation du Traité de Sécurité Collective) dont la Russie et l’Arménie sont membres, et l’OCS (Organisation de Coopération de Shangaï) à laquelle la Russie et l’Iran sont liés (pour l’Iran, comme membre observateur et aspirant candidat depuis 15 ans).

   Pour compliquer le tout, le premier ministre arménien en fonction, Nikol Pashinyan, a cru bon de devoir afficher sa préférence pour l’Occident dès sa prise de fonction et de prendre ses distances avec Moscou, ce qui met son pays en position délicate pour réclamer aujourd’hui l’aide de la Russie.

   Le déclenchement de la crise actuelle est, selon moi, une opération qui dépasse largement le cadre étroit d’un conflit territorial entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie. Il s’agit d’une opération de plus – après Maïdan en Ukraine, après la tentative de révolution colorée en Biélorussie et après les affaires Skripal et Navalny – visant à mettre la pression sur la Russie, mais aussi sur l’Iran, en les mettant dans l’embarras, voire, en les poussant à la faute.

   Il est clair que toute intervention rapide et musclée de la Russie dans ce conflit aurait été immédiatement condamnée par la «communauté internationale autoproclamée» – c’est à dire par l’OTAN – et suivie de l’habituel train de sanctions anti-russes, par les USA, servilement suivis par ses vassaux européens. Il ne faut pas oublier qu’aujourd’hui, mettre un terme au gazoduc North Stream II reste un objectif majeur pour les USA……

   L’absence d’une ferme réaction des occidentaux dans la crise du Caucase est, en elle- même, révélatrice sur quatre points:

   1 – La défense de l’Arménie n’est pas une priorité pour la coalition occidentale. Monsieur Nikol Pashinyan, premier ministre arménien, s’est donc trompé de cheval en misant sur l’Occident pour la défense de son pays. La coalition occidentale laisse souvent tomber ses alliés de circonstance comme ils l’ont fait pour les Kurdes en Syrie …..

   2 – En atermoyant et en laissant venir une réaction russe qu’elle espère pouvoir sanctionner en mettant définitivement fin au North Stream II, la coalition occidentale montre, une fois de plus, sa duplicité et son cynisme. Peu lui importe l’Arménie …..

   3 – En créant un foyer d’infection djihadiste aux frontières de la Russie et de l’Iran, la coalition israélo-occidentale montre, une fois de plus, qu’elle est prête à pactiser avec le diable et à l’instrumentaliser pour parvenir à ses fins, en l’occurrence l’affaiblissement de ses adversaires russes et iraniens.  

   4 – En laissant agir la Turquie et Israël sans réaction, la coalition occidentale reconnaît implicitement, derrière des discours trompeurs, que ces deux pays agissent à son profit.

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Le quotidien israélien «The Jerusalem Post» a abordé dans un article récent les affrontements entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie non sans laisser éclater la joie israélienne de voir le Caucase devenir un nouveau foyer de crise potentiellement susceptible d’avoir un impact considérable sur le Moyen-Orient. L’impact recherché par Israël est toujours le même: alléger les pressions et les actions iraniennes et russes sur le théâtre syrien en ouvrant un «nouveau front de préoccupations» aux frontières de ces deux pays.

   En conclusion, quatre points méritent d’être soulignés, à ce stade de la crise,

   1 – Monsieur Pashinyan, premier ministre arménien, a fait une erreur d’appréciation en misant sur un camp occidental qui s’avère moins fiable que prévu pour défendre l’intérêt de son pays. Il devra, peut être, in fine, faire des concessions douloureuses et pourrait bien y perdre son emploi lors des prochaines élections.

   2 – Monsieur Aliyev, président d’un Azerbaïdjan majoritairement chiite, regrettera peut être un jour d’avoir introduit sur son sol des djihadistes sunnites pour combattre l’Arménie. Il regrettera peut-être aussi l’instrumentalisation dont il est l’objet par la Turquie et Israël, chevaux de Troie de l’OTAN. Ses voisins russes et iraniens ne lui pardonneront pas facilement…..

   3 – La Russie, dont la gouvernance et la diplomatie ne sont pas nées de la dernière pluie,  n’est toujours pas tombée, tête baissée, dans le piège de l’intervention immédiate et musclée qui pourrait, après la tragi-comédie «Navalny», sonner le glas du North Stream II.

  Elle interviendra, tôt ou tard, lorsque le bon moment sera venu. Les différents protagonistes directs et indirects ne perdront rien pour attendre.

   4 –  Israël et l’Occident otanien auront-ils gagné quelque chose à poursuivre leurs  actions de harcèlement aux frontières de la Russie et de l’Iran en instrumentalisant l’Azerbaïdjan et en cherchant à détacher l’Arménie de l’OTSC dans le cadre de la stratégie d’extension à l’Est qu’ils poursuivent depuis trente ans ? Rien n’est moins sûr. L’avenir nous le dira.

  Quant à la solution du problème territorial, source du conflit déclenché par l’Azerbaïdjan-contre l’Arménie, elle réside probablement dans l’application de l’article 8 du Décalogue de l’Acte final d’Helsinki voté le 1e août 1975 qui régit les relations internationales entre les états participants. Cet article évoque clairement «le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes».

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Lorsqu’une volonté de quitter un ensemble étatique est validé par un, voire plusieurs référendums à plus de 90%, et lorsque cette sécession a été effective durant 34 ans, sans conflit majeur – ce qui est le cas pour la république d’Artsakh (Haut-Karabakh)-,  il semble légitime que la communauté internationale puisse prendre en compte la volonté des peuples et d’accepter de reconnaître ce fait en dotant ces nouveaux états d’une structure juridique particulière leur garantissant une paix sous protection internationale.

  On me rétorquera que l’article 3 du même décalogue d’Helsinki rappelle l’intangibilité des frontières. Il s’agira donc, pour la communauté internationale, de déterminer si le droit des peuples à disposer d’eux même doit primer, ou non, sur l’intangibilité des frontières, après 34 ans de séparation totale et effective de vie commune entre deux parties d’un même état.

  Cette décision, lorsqu’elle sera prise, ne devrait pas être sans conséquences jurisprudentielles sur le futur du Kosovo, de la Crimée, ou de la Palestine occupée……

  Pour ceux qui souhaitent élargir et diversifier leurs connaissances sur ce sujet sensible, je suggère la lecture de deux articles intéressants:

– un article de Jean Pierre Arrignon, historien byzantiniste et spécialiste de la Russie

– un éditorial d’Eric Denécé, patron du CF2R (Centre Français de Recherche sur le Renseignement sous le titre: «Le conflit Arménie/Azerbaïdjan au Haut-Karabakh relancé par la Turquie».

https://cf2r.org/editorial/le-conflit-armenie-azerbaidjan...

samedi, 21 novembre 2020

La guerre du Karabakh est terminée. La crise ne l’est pas. Que se passera-t-il après ?

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La guerre du Karabakh est terminée. La crise ne l’est pas. Que se passera-t-il après ?

Par The Saker Blog

Tout d’abord, je veux commencer cette analyse en publiant la traduction complète d’un article publié hier par le webzine russe Vzgliad. Je n’ai matériellement pas le temps de faire ma propre traduction, donc ce que je publierai n’est qu’une traduction automatique peu retouchée, veuillez m’en excuser.

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Cinq grands mystères de la deuxième guerre du Karabakh

par Evgenii Krutikov

La fin de la deuxième guerre du Karabakh a donné lieu à de nombreuses énigmes et théories du complot. En effet, certaines des circonstances de ce conflit sont extrêmement mystérieuses, ou du moins paradoxales du point de vue de la logique militaire conventionnelle. Apparemment, la direction arménienne elle-même a provoqué une catastrophe politique.

Faisons la liste des énigmes qui soulèvent les plus grandes questions et provoquent l’apparition de «théories du complot» en Arménie, et ailleurs.

1. Pourquoi une mobilisation à part entière n’a-t-elle pas été menée en Arménie et des unités militaires complètes n’ont-elle pas été déployées dans la zone de conflit ?

Malgré les déclarations patriotiques bruyantes, il n’y a pas eu de réelle mobilisation en Arménie. L’effectif permanent de l’armée arménienne – environ 50 000 hommes – n’a été augmenté que par des volontaires. Alors que les conditions des combats exigeaient d’augmenter le nombre de défenseurs du Karabakh jusqu’à 80 ou 100 000 hommes au moins. Dans le même temps, très vite, le manque de spécialistes – par exemple calculs d’artillerie et  lance-roquettes multiple MLRS – a commencé à affecter le front de l’armée arménienne. Il n’y avait personne pour combler les pertes.

Il est inexplicable que Erevan n’ait pas mené une réelle mobilisation. Les dirigeants arméniens évitent tout simplement de parler de ce sujet. S’il y avait un plan de mobilisation, personne n’a essayé de le mettre en œuvre. En conséquence, il n’y avait pas de rotation du personnel militaire en première ligne, dans certaines régions, les gens sont restés dans les tranchées pendant un mois sans être relayés. Les jeunes de 18 à 20 ans étaient en première ligne et, à un moment donné, les jeunes non formés représentaient jusqu’à 80% des effectifs. Les détachements du Karabakh, composés de professionnels et de vétérans, ont subi de lourdes pertes au cours de la première semaine, parce qu’il n’y avait personne pour compenser, il n’y avait tout simplement pas de renforts.

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Des groupes de volontaires arméniens ont été formés selon des principes d’appartenance à des partis politiques. Le scandale a été provoqué par une tentative de former un détachement distinct d’un parti arménien prospère nommé d’après l’oligarque Gagik Tsarukyan, qui est désormais le principal opposant à Pashinyan. Les deux sont en conflit depuis plus d’une décennie. Désormais, le Premier ministre désigne ouvertement Tsarukyan comme «le coupable de la chute de Chouchi», car son escouade fantôme n’aurait pas été assez nombreuse sur le front pour gagner. Ces conflits auraient pu être évités simplement en ayant un plan de mobilisation et une volonté de le mettre en œuvre.

Les principales forces militaires arméniennes ne se sont pas déplacées vers le Karabakh. Mais pour soulager la tension créée par les drones azerbaïdjanais, il suffisait de simplement déplacer les radars de détection précoce à Goris. Et un corps d’armée aurait suffi à couvrir la zone sud au moment où les Azerbaïdjanais prenaient tranquillement leur temps devant la première ligne de défense. Les approvisionnements nécessaires n’ont pas été organisés et, après un mois de combats, cela a conduit à une pénurie de missiles pour les MLRS et d’obus pour l’artillerie. Et sans soutien d’artillerie, l’infanterie ne peut que mourir  héroïquement.

Tout cela frôle le sabotage, même s’il peut s’expliquer en partie par la négligence locale et la réticence à affaiblir la défense de l’Arménie proprement dite. Cette dernière attitude est très controversée et il semble que les dirigeants arméniens aient tout simplement abandonné le Karabakh à son sort.

2. Pourquoi le front nord s’est-il comporté si étrangement ?

Dans le nord et le nord-est du Karabakh, dans la région de la République kirghize, il y avait une vaste zone fortifiée de défense arménienne, qui comprenait des unités tout à fait prêtes au combat. Et ils ont vraiment opposé une résistance sérieuse à l’avancée du groupe azerbaïdjanais pour finalement la stopper, perdant cependant plusieurs positions et des villages importants.

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Mais après cela, le bataillon d’élite Yehnikner s’est soudainement retiré, bien que son commandant ait réussi à obtenir le titre de «héros de l’Artsakh». De plus, depuis le 3 octobre, ni Yehnikner,  ni aucune autre unité militaire n’ont été retirés du front nord et déplacées pour aider le sud en feu. Dans le même temps, les Azerbaïdjanais n’ont décidé qu’une seule fois de simuler à nouveau une offensive dans le Nord, manifestement à des fins de distraction. Il n’était pas nécessaire de garder jusqu’à 20 000 hommes dans le Nord.

La direction du Karabakh explique tout cela de manière informelle par un manque de ressources. Mais maintenant, le «manque de ressources» au Karabakh explique tout.

3. Pourquoi le front sud s’est-il effondré ?

Le fait que le coup principal serait infligé par les Azerbaïdjanais au sud, dans la zone de steppe, était déjà visible à l’œil nu dans les premiers jours de la guerre. Néanmoins, des ressources – humaines et techniques – ont commencé à arriver sur le front sud alors que ce front n’y était plus en fait. La zone de steppe a été perdue et le front s’est arrêté le long des montagnes, de Krasny Bazar à Martuni. En conséquence, jusqu’à 30 000 personnes défendant le Karabakh se sont entassées dans cette région. Elles ont été menacées d’encerclement complet et de destruction, ce qui a été l’une des raisons de la signature de l’accord de cessez-le-feu. Dans le même temps, avant l’occupation de Jabrayil, les troupes azerbaïdjanaises avançaient très lentement, perturbant leur propre rythme d’attaque. Cela a donné aux Arméniens une longueur d’avance, petite mais c’était un début pour comprendre la situation et s’engager dans la relocalisation.

Après l’occupation de Jabrayil, le front a commencé à se désagréger et l’avancée des Azerbaïdjanais s’est fortement accélérée. L’occasion était perdue.

Pour une raison quelconque, le commandement arménien n’a pas pris de décision concernant le transfert de ressources supplémentaires vers le front sud ? Ceci est un autre mystère.

4. Pourquoi la partie arménienne s’est-elle limitée à la défense passive ?

Pendant toute la guerre, la partie arménienne n’a tenté qu’à deux reprises une contre-attaque contre les unités avancées des Azerbaïdjanais qui couraient loin devant. Les deux fois, cela s’est produit en face de Latchin dans une gorge étroite, rendant extrêmement vulnérable le bataillon-tactique azerbaïdjanais (BTG). Une fois même avec succès. Mais ces opérations ont été simplement réduites à une attaque massive de MLRS contre les groupes ennemis. Des opérations pour bloquer la gorge et encercler l’ennemi dans d’autres secteurs du front sud ont été suggérées. Mais pas une seule unité arménienne n’a bougé. Une guerre incroyable dans laquelle l’une des parties n’a pas mené une seule opération offensive sur le terrain, se limitant uniquement et exclusivement à la défense passive.

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Une contre-offensive réussie dans la gorge, devant Latchin, aurait écrasé tant de forces azerbaïdjanaises dans le chaudron qu’elles n’auraient pas pensé à attaquer Chouchi pendant au moins deux semaines. Et plus tard, il était tout à fait possible de détruire l’infanterie azerbaïdjanaise dans le ravin Averatec. Mais cela aurait demandé beaucoup d’efforts.

Rien n’explique pourquoi la partie arménienne n’a même pas essayé de contre-attaquer ou d’utiliser d’autres méthodes pour exploiter l’avantage opérationnel qu’elle a eu à plusieurs reprises. Le manque de ressources ne peut être évoqué sans fin que dans les dernières étapes de la guerre, mais la défense passive est une tactique constante depuis le début de la guerre.

5. Pourquoi Chouchi a-t-elle été abandonnée ?

C’est la question la plus sensible et incompréhensible. Le premier assaut contre la ville par l’infanterie azerbaïdjanaise a été totalement infructueux. Ensuite, la deuxième colonne d’Azerbaïdjanais a été couverte par des frappes de MLRS. Avec quelques efforts et l’aide de l’Arménie, le groupe azerbaïdjanais qui a pénétré dans la ville pouvait être détruit. Cependant, soudain, une décision est prise de quitter la ville sans combat et de ne pas tenter de la libérer dans une situation opérationnelle et tactique favorable qui a duré encore une journée.

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On pense que la décision de quitter Chouchi a été prise par le président du NKR [le Karabakh] Araik Harutyunyan et le secrétaire du Conseil de sécurité du NKR, le général Samvel Babayan, une légende locale. Désormais, pour protester contre la signature de l’armistice, il quitte son poste et renonce au titre de héros de l’Artsakh. La chaîne arménienne YouTube «Lurer» («nouvelles») a publié un enregistrement des pourparlers de Babayan et Harutyunyan, d’où il ressort que le général Babayan a vraiment envisagé la possibilité de reprendre Chouchi même après son abandon, mais la nouvelle perspective de résistance était très sombre.

Fragment de conversation (non verbatim) :

Évaluons la tâche (du combat). Vingt, trente volées de frappe de couverture par les MLRS «Smerch» sur Chouchi. Nous tuons tout le monde là-bas. Reprenons la ville. Et après ? L’état de l’armée et de la population civile ne permet pas la guerre. Nous avons mené la bataille, pris Chouchi, alors quoi ? (…) On ne peut pas combattre contre l’armée de l’OTAN, avec des mercenaires, tout équipés… J’ai essayé d’organiser une opération avec trois bataillons hier. Nous n’avons que quatre obusiers. Si l’artillerie ne nous est pas fournie, comment allez-vous assurer l’offensive ou couper sa retraite (celle de l’ennemi) ? (…) Aujourd’hui, nous devons enfin négocier avec la Russie pour que nous cédions ces territoires et que nous les quittions. Ou ils nous aident. Imaginez que nous avons aujourd’hui deux MLRS Grads pour toute l’armée, et une douzaine d’obusiers, pour lesquels nous n’avons pas d’obus.

Pour résumer, le général Babayan pensait que la résistance était inutile à ce stade des combats. Il faut refuser de continuer la guerre et soit se rendre, soit demander dix jours pour une sortie organisée de la population locale et des 30 000 soldats du front sud qui sont complètement encerclés. En guise d’alternative, il a été proposé de demander d’urgence à la Russie une assistance militaire directe sous la forme de mercenaires ou de volontaires, d’équipement et de munitions.

Mais tout cela n’évacue pas la question de savoir pourquoi un petit groupe de fantassins azerbaïdjanais sans équipement lourd, qui a pu percer jusqu’à Chouchi, n’a pas été détruit avant que l’armée arménienne ne commence à paniquer. L’occupation de Chouchi a créé une architecture complètement différente d’accords politiques pour le NKR et l’Arménie. S’il s’agit d’une décision politique, qui l’a prise ?

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Cette liste des mystères de la deuxième guerre du Karabakh est loin d’être complète. En outre, les dirigeants arméniens ont suscité de nombreuses questions similaires sur la préparation de la guerre. Cette guerre a été perdue avant même d’avoir commencé, précisément à cause de l’inaction ou de l’action étrange d’Erevan.

Le processus se poursuivra pendant longtemps. La situation dans la région a changé si radicalement au cours de ces quarante jours que toutes les anciennes approches pour résoudre le conflit et sa composante militaire ont disparu d’elles-mêmes. Et la nouvelle réalité exigera de nouvelles solutions pour l’Arménie. Et on ne sait pas encore qui prendra ces décisions.

Fin du texte de Evgenii Krutikov

* * *

Personnellement, je ne vois aucune sombre  conspiration ici. Ce que je vois, c’est un niveau d’incompétence vraiment phénoménal de la part des dirigeants sorosites [sous la coupe de Soros] d’Arménie. En termes simples, la grande majorité des dirigeants arméniens vraiment compétents, civils et militaires, ont été soit emprisonnés, soit, à tout le moins, licenciés en masse. Il y a une explication très simple à cela aussi.

Du point de vue de Pashinian, et, à partir de maintenant, quand je dis «Pashinian», je veux désigner les suspects habituels : MI6, CIA, Soros, etc., la «vieille garde» des dirigeants formés à la soviétique a dû être supprimée car on ne pouvaient pas leur faire confiance. Mais ce que cet imbécile et ses maîtres n’ont pas réalisé, c’est que la direction «éduquée par les Soviétiques» était bien plus compétente que les «démocrates éveillés et les amis transgenres» qui ont pris le pouvoir en 2018.

Aparté

Avez-vous remarqué quelque chose d'assez intéressant ? Les forces militaires 
«anciennes» et «entraînées par les Soviétiques» en général, et leurs commandants
en particulier, sont systématiquement beaucoup mieux entraînées que ces
forces entraînées par l'OTAN ou «l'armée la plus puissante de l'histoire de
la galaxie»
. Pourquoi les forces démocratiques, progressistes et avancées
comme, disons, les Saoudiens, les Israéliens, les Géorgiens, les Yéménites
[pro-saoudiens, NdSF] ou tous les autres nombreux «bons terroristes» se
comportent-ils toujours misérablement au combat ? Je vais vous laisser
réfléchir à cette question :-)

Au fait, Pashinian, qui se cache dans un bunker ou dans l’enceinte de l’ambassade américaine à Erevan, y est toujours ! Hier, il a appelé Macron, qui est sous la pression de l’importante diaspora arménienne en France pour faire quelque chose, pour lui demander son aide et Macron a promis d’aider à trouver une solution acceptable par toutes les parties, impliquant deux choses :

  1. Que la «solution russe» – en réalité arménienne – qui est l’acceptation par Erevan des termes azéri n’est pas acceptable.
  2. Que la France ait une sorte de baguette magique que Macron peut agiter plusieurs fois pour transformer, à jamais, toute la zone d’opération en une terre paisible où coule le lait et le miel où tout le monde se tiendrait par la main en chantant Kumbaya et «ressentirait l’amour» pour toujours.

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Comme d’habitude, les Britanniques sont beaucoup plus sournois, secrets et intelligents : le chef du MI6 est en Turquie pour rencontrer des «hauts fonctionnaires». Oui en effet ! Au fait, ce chef du MI6, Richard Moore, est un ancien ambassadeur du Royaume-Uni en Turquie. Pour avoir une idée de ce dont il s’agit, tout ce que vous avez à faire est de consulter n’importe quel livre d’histoire pour voir que les Britanniques ont toujours utilisé les Ottomans comme chair à canon contre la Russie.

Quant aux Américains, ils sont fondamentalement paralysés par le chaos dans leur propre pays. Mais l’un ou l’autre des pouvoirs guignolesques en compétition actuellement pourrait essayer quelque chose de désespéré pour «brandir le drapeau» et prouver qu’il est «dur avec la Russie».

Alors, quelle est la prochaine étape ?

Depuis des années, je dis ce qui suit à propos des dirigeants politiques occidentaux : ils sont incapables de construire quoi que ce soit qui vaille la peine, mais ils sont très certainement capables de semer le chaos, l’anarchie, la violence, les insurrections, etc. Donc, la première chose dont vous pouvez être sûr est que les anglo-sionistes feront tout ce qui est en leur pouvoir pour inciter les Arméniens, les Azéris et même les Turcs à rejeter un résultat que l’Occident considère comme un triomphe pour la Russie, et pour Poutine personnellement !

Ensuite, il y a Erdogan, qui est furieux du rejet catégorique, par les Russes, de ses demandes de faire partie de la force de maintien de la paix. Tout ce que les Russes ont accepté, c’est de créer un «poste de surveillance» spécial composé de Russes et de Turcs, loin de la région du Haut-Karabakh où une équipe conjointe d’observateurs «surveillerait» la situation en regardant des ordinateurs. Il n’y aura pas de soldats turcs dans la zone de maintien de la paix – voir la carte militaire russe en tête de cet article.

En tant qu’option de secours, les Turcs exigent également qu’ils soient autorisés à piloter leurs propres drones au-dessus de la zone d’opérations. En réponse, la partie arménienne a déclaré que l’Arménie et la Russie avaient conjointement déclaré une zone d’exclusion aérienne sur toute la région. Pour autant que je sache, les Russes n’ont pas confirmé cela «pour l’instant», mais vous pouvez être à peu près sûr qu’ils abattront immédiatement tout aéronef non autorisé s’approchant de leurs positions.

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Pour avoir une idée de la façon dont les Russes agissent, vous devez savoir deux choses :

Premièrement, les médias libéraux russes sont déjà en train de se plaindre que la Russie a inclus des systèmes d’armes «non déclarés» dans sa force de maintien de la paix – MLRS et véhicules blindés. Cela n’est guère surprenant compte tenu de la très forte probabilité de provocations des deux côtés. En outre, le langage vague de l’accord permet aux Russes d’apporter des «véhicules spécialisés» qui pourraient signifier tout et n’importe quoi.

En outre, je suis assez convaincu que la 102e base militaire russe à Gyumri recevra des renforts et servira de centre de soutien logistique à la force russe de maintien de la paix.

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Le lieutenant-général Rustam Muradov, commandant la force russe de maintien de la paix, et Vladimir Poutine

Deuxièmement, il vaut la peine d’examiner la carrière de l’homme qui commandera la force de maintien de la paix russe, le lieutenant-général Rustam Muradov. Vous pouvez consulter sa biographie ici et ici. Je résumerai simplement la carrière de cet homme en deux mots : Donbass, Syrie.

Ce n’est pas une sorte de prétendu général dont les qualifications sont principalement bureaucratiques et politicardes. Ce type est un vrai général de combat, le genre d’officier qui va au feu et s’assure d’être régulièrement avec ses hommes en première ligne, qui a l’expérience de « l’Axe du Bien » et ses «bons terroristes», qu’ils soient locaux ou spéciaux.

L’Occident le comprend parfaitement et est absolument furieux d’être à nouveau «trompé» par la Russie !

Premièrement, les Russes ont arrêté la guerre sanglante en Syrie, maintenant ils ont arrêté la guerre en Azerbaïdjan. Pour l’Empire, cela signifie la perte totale du chaudron d’instabilité qu’ils ont essayé avec délectation de créer dans le Caucase et au Moyen-Orient pour finalement atteindre le ventre mou de la Russie. Ils ont raté. Ils ne le pardonneront pas.

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Deuxièmement, la plupart des Arméniens du monde entier sont absolument horrifiés par l’issue de cette guerre et ils ont ma sincère sympathie. Le problème ici est que beaucoup d’entre eux blâment la Russie plutôt que leurs propres dirigeants. En outre, il y a beaucoup de nationalistes vraiment enragés parmi les forces opposées à Pashinian en Arménie. En ce moment, ce dernier se cache quelque part et il refuse toujours de démissionner, soutenu jusqu’au bout par l’Occident, bien sûr. Mais cela va changer, je ne peux pas imaginer que quiconque reste au pouvoir après une telle catastrophe.

Cependant, Pashinian parti ne signifie pas du tout que des pro-russes, voire des neutres, lui succéderont. En fait, comme dans la plupart des situations chaotiques, ce sont les extrémistes qui sont les plus susceptibles de prendre le pouvoir. Et Dieu sait seulement ce qu’ils pourraient faire ensuite !

De manière paradoxale, le meilleur résultat pour la Russie serait que Pashinian reste au pouvoir un peu plus longtemps, juste assez longtemps pour créer un fait accompli sur le terrain qu’aucune folie ne pourrait véritablement renverser.

En ce moment, les réfugiés arméniens bloquent les seules routes qui leur permettront de fuir vers l’Arménie. Ces pauvres gens ne feront jamais confiance à la parole d’un Azéri et, encore moins, d’un Turc, et qui pourrait leur en vouloir ?!

C’est vraiment une tragédie déchirante qui aurait pu être complètement évitée si Pashinian et ses Sorosites avaient fait quelques choses vraiment basiques comme se préparer à la guerre et se contenter d’un accord de paix imparfait pour commencer.

Les forces arméniennes du Karabakh se retirent également, et ce n’est pas comme si elles avaient beaucoup d’option : s’échapper avec la vie sauve est vraiment tout ce que ces pauvres soldats pouvaient espérer – et ce n’est pas de leur faute, j’ajouterais !

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Les prochaines semaines seront cruciales et je ne peux qu’espérer que les Russes seront pleinement prêts à faire face à toute éventualité, y compris un revirement arménien complet si Pashinian est renversé très bientôt.

C’est maintenant une course contre la montre : d’un côté, l’Occident veut littéralement virer la Russie quoi qu’il en coûte en vies azéries et arméniennes tandis que les Russes se décarcassent pour faire de l’accord une réalité bien défendue sur le terrain. En Ukraine, ils disent que « l’Occident est prêt à combattre la Russie jusqu’au dernier Ukrainien ». J’espère et je prie pour que cela ne se produise pas dans le Caucase.

The Saker

PS : du côté vraiment triste et tragique, je n’imagine personnellement aucun réfugié disposé à revenir, malgré toutes les pieuses promesses faites par toutes les parties. Écoutez, soyons honnêtes ici : pendant la première guerre du Karabakh, que les Arméniens ont gagnée, les Azéris ont été brutalement expulsés, il y a eu plusieurs cas de meurtre massif de civils azéri par les forces arméniennes triomphantes. Cette fois-ci, les Azéris ont fait toutes sortes de promesses, mais si j’étais Arménien, je ne me fierais pas à un seul mot de ce que disent les Turcs ou les Azéris – diable, ces deux-là nient encore qu’il y ait eu un génocide des Arméniens par les Ottomans ! Gardez à l’esprit que dans cette courte guerre, environ 4 000 civils sont morts; c’est le chiffre officiel, le vrai est probablement encore pire !

Peut-être que dans une décennie ou deux, et seulement si la Russie reste la gardienne de la paix dans le Caucase, certains réfugiés, ou leurs fils et filles, retourneront-ils dans leur patrie historique. Mais pour le moment, la force russe de maintien de la paix finira probablement par maintenir la paix dans un Haut-Karabakh désert. C’est un résultat révoltant qui, je le répète, aurait pu être évité par Pashinian et sa bande de Sorosites. Que cela soit une leçon pour quiconque prend ces clowns maléfiques au sérieux !

The Saker

Traduit par jj, relu par Hervé pour le Saker Francophone

mercredi, 21 octobre 2020

Kaukasus-Konflikt

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Kaukasus-Konflikt

Willy Wimmer

Ex: https://www.world-economy.eu

Im Kaukasus sterben Menschen und sie sterben, weil ein regionaler Krieg zwischen zwei Kaukasus-Staaten wieder aufgeflammt ist. Die Kriegsparteien sind bekannt. Es handelt sich um Armenien und Aserbeidschan. Sich diese beiden Staaten alleine anzusehen, reicht nicht. Beide Staaten stehen für Konfliktfelder, die eine globale Dimension haben. Es überschneiden sich Rivalitäten, die weit in die Geschichte von zwei Jahrhunderten zurückreichen und Staaten wie Russland und Amerika, die Türkei und Frankreich ebenso betreffen wie heute Iran und Israel.

Es reicht völlig, sich die Staaten in ihrer jeweiligen Kooperation anzusehen. Der internationale Akteur, der jedenfalls die Lage vor Ort kannte, wurde vor Ausbruch der Kämpfe politisch aus dem Verkehr gezogen: die OSZE. Derzeit kann keine internationale Struktur den Konflikt auffangen. Die Bemühungen Russlands um einen Waffenstillstand machen deutlich, wie hoch das Gefährdungspotential über den Kaukasus hinaus eingeschätzt wird. Jetzt hat der Vorsitzende armenischer Kirchengemeinden in Deutschland die Bundesregierung aufgefordert, sich in dem Konflikt zu engagieren und gleich die Geschichte ins Feld geführt. Hier zeigt sich bereits im Ansatz, was das Führungschaos bei der OSZE bewirkt hat. Niemand kann heute sagen, wer den ersten Schuss in dem bislang fast eingefrorenen Konflikt abgefeuert hatte? Feststellen kann jeder, wie die Ausgangslage für diesen Krieg aussieht. Es gibt mehrere Grundtatbestände. Das sind zunächst die international anerkannten Grenzen. Danach liegt der Zankapfel namens „Berg-Karabach“ eindeutig auf dem Staatsgebiet von Aserbeidschan. Ebenso unbestritten sind zwei weitere Umstände. Berg-Karabach wird mehrheitlich von Armeniern besiedelt. Über das Gebiet von Berg-Karabach hinaus haben armenische Streitkräfte als Ergebnis des Konfliktes von 1991-1994 um das Gebiet von Berg-Karabach Teile des Staatsgebietes von Aserbeidschan besetzt. Hunderttausende Flüchtlinge sind nach den Feststellungen der UN Binnenflüchtlinge in Aserbeidschan.

Welchen Zielen soll eine deutsche Initiative gelten? Nach dem jetzigen Stand der Dinge muss das Sterben beendet werden. Dafür besitzen andere die Durchschlagskraft, dies jedenfalls zu versuchen. Wenn es gilt, internationale Standards wieder zu respektieren, kann niemand von Deutschland erwarten, dass unser Land sich dafür einsetzen sollte, territoriale Kriegsgewinne aus dem Konflikt 1991-1994 anerkannt zu sehen. In der Zeit von Helmut Kohl haben die Kriegsparteien Realismus genug gezeigt, eine allseits anerkannte und respektierte Regelung zu treffen. Der Vater des heutigen Präsidenten von Aserbeidschan war pragmatisch genug und in Jerewan war man das auch. Man kann nicht einfach anknüpfen, denn das lassen die Hintermänner nicht zu.

Die Meinung des Autors/Ansprechpartners kann von der Meinung der Redaktion abweichen. Grundgesetz Artikel 5 Absatz 1 und 3 (1) „Jeder hat das Recht, seine Meinung in Wort, Schrift und Bild frei zu äußern und zu verbreiten und sich aus allgemein zugänglichen Quellen ungehindert zu unterrichten. Die Pressefreiheit und die Freiheit der Berichterstattung durch Rundfunk und Film werden gewährleistet. Eine Zensur findet nicht statt.“

 

vendredi, 16 octobre 2020

L’ombra di Brzezinski sul Nagorno-Karabakh

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L’ombra di Brzezinski sul Nagorno-Karabakh

di Vladimir Malyshev

Fonte: SakerItalia & https://www.ariannaeditrice.it

Commentando l’attuale sanguinoso scontro militare tra Armenia e Azerbaijan sul Nagorno-Karabakh, molti lo vedono come un conflitto puramente interno tra i due Paesi, nonché come conseguenza dell’intervento di una Turchia sempre più ambiziosa. Tuttavia, ci sono anche voci di coloro che credono che questo sia in realtà un gioco geopolitico molto più ampio, in cui sono coinvolti gli Stati Uniti.

“L’ombra di Brzezinski sul Nagorno-Karabakh” – sotto questo titolo il quotidiano italiano “Il Giornale” ha pubblicato un articolo in cui la guerra per il Karabakh richiama parte del grande gioco geopolitico, iniziato a tempo debito dalla Gran Bretagna e ora proseguito da Washington.

“È impossibile comprendere appieno cosa sta succedendo in Nagorno-Karabakh senza tener conto del contesto più ampio, che non è il contesto di una semplice disputa azero-armena, ma è il contesto delle nuove guerre russo-turche e ancor di più della partita a scacchi per il controllo dell’Heartland”. , scrive il giornale. Allo stesso tempo, Heartlandomon chiama “il nucleo dell’Eurasia, che si estende dall’Asia centrale alle steppe siberiane, e il destino voleva che la Russia lo governasse”.

L’obiettivo finale di Washington nell’era moderna è lo stesso che guidò Londra tra la fine del XVIII e l’inizio del XX secolo: impedire a qualsiasi potenza eurasiatica di assumere il pieno controllo del cosiddetto Heartland, osserva il giornale. Per questo gli anglosassoni erano bravi. Per avere una conferma, basta ricordare almeno l’omicidio a Teheran nel 1832 dell’ambasciatore russo e notevole poeta e diplomatico Alexander Griboyedov. L’attacco all’ambasciata russa a Teheran fu poi appoggiato dall’Inghilterra, che cercò a tutti i costi di impedire l’espansione dell’influenza dell’Impero russo nella regione.

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Parlando nel 2016 alla Duma di Stato, il regista Nikita Mikhalkov ha detto che mentre lavorava alla sceneggiatura del film La vita e la morte di Alexander Griboedov, ha lavorato con fonti, incluso l’archivio del ministero degli Esteri, e ha trovato documenti che indicano che “l’omicidio di Griboedov – non è dovuto ad una “marmaglia musulmana arrabbiata”, è un assassinio politico pianificato e freddo, creato, inventato e portato a termine dagli inglesi “. C’erano anche “documenti assolutamente incredibili, dai quali è chiaro che il conte Nesselrode, il cancelliere dell’Impero russo, ma tedesco di nascita, era un agente dell’intelligence britannica”, ha detto Mikhalkov.

Oggi, gli Stati Uniti continuano la politica insidiosa dell’Inghilterra volta a cacciare la Russia dalla regione e minare la sua influenza.

“L’egemonia sul Caucaso meridionale, una regione dalla quale la Russia è stata quasi completamente estromessa negli anni a causa dell’opportunità unica offerta dal crollo dell’URSS, è un passo necessario in questo contesto per il suo ruolo chiave nell’unire il Mar Nero e il Mar Caspio, collegare l’Europa con l’Asia centrale: ecco perché gli Stati Uniti hanno sponsorizzato la rivoluzione colorata in Georgia, poi in Armenia e ora appoggiano l’Azerbaigian “, osserva Il Giornale.

Sir Halford Mackinder, che in Occidente è considerato il padre fondatore della moderna geopolitica, ne ha scritto nel suo libro “The Geographical Pivot of History”. Ha sostenuto che se il Regno Unito vuole mantenere la sua egemonia globale, deve spostare la sua attenzione dalla supremazia marittima alla dimensione terrestre, in particolare l’Eurasia. Mackinder era spaventato da tre forze: Germania, Russia e Cina. Di conseguenza, ha definito i principi guida per una grande strategia volta ad evitare l’asse russo-tedesco, e portare l’Heartland fuori dal controllo di qualsiasi grande potenza eurasiatica. Secondo Mackinder, “chi governa l’Europa orientale, governa l’Heartland; colui che governa l’Heartland governa l’Isola del mondo; chi governa L’isola del mondo governa il mondo. “

Lo stesso punto di vista è stato espresso da Zbigniew Brzezinski sulle pagine del libro “The Great Chessboard” [la Grande Scacchiera]. A suo parere, il moderno Azerbaigian, come aveva previsto, è diventato un fornitore di energia vitale per l’Occidente. Ma Baku, con le sue condutture, doveva rientrare nella sfera di influenza di Ankara per essere veramente utile e pienamente utilizzabile in una partita a scacchi. La Turchia impedirebbe alla Russia di esercitare il monopolio sull’accesso alla regione, e quindi priverebbe anche la Russia della sua decisiva influenza politica sulle politiche delle nuove repubbliche dell’Asia centrale.

Quindi, ciò che sta accadendo ora in Nagorno-Karabakh è una conseguenza del tentativo dell’Occidente di attuare questa strategia di dominio predetta da Brzezinski, che la Gran Bretagna iniziò a perseguire molti anni fa, e che poi fu adottata dagli Stati Uniti.

È curioso che gli Stati Uniti abbiano precedentemente fornito assistenza finanziaria al Nagorno-Karabakh sulla base della decisione della commissione per gli stanziamenti esteri. Secondo il direttore esecutivo di questo comitato, Aram Hambaryan, l’assistenza finanziaria statunitense contribuisce a “promuovere gli interessi degli Stati nella regione strategica”. Per che cosa? Non si tratta solo di piani per l’egemonia globale nella regione, ma anche di risolvere un problema specifico. Come ha avvertito Vladimir Zakharov, direttore dell’Istituto per la ricerca sociale e politica della regione del Mar Nero-Caspio, nel 2014, gli americani desideravano da tempo utilizzare il territorio della repubblica non riconosciuta in un attacco all’Iran.

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“Gli Stati Uniti non stanno abbandonando l’idea di iniziare le ostilità con l’Iran. E per questo, gli americani hanno bisogno di avere tali posti nelle immediate vicinanze dell’Iran da cui possano decollare gli aerei americani “, ha osservato Zakharov.

L’Azerbaigian, secondo Zakharov, non è adatto al ruolo di testa di ponte per l’aviazione americana, poiché Teheran ha messo in guardia sulla possibilità di un attacco di ritorsione contro questa repubblica se fornirà assistenza militare attiva agli Stati Uniti. “Gli americani devono lasciare intatto il loro satellite. E il Karabakh è una posizione eccellente per l’inizio delle ostilità “, ha sottolineato Zakharov.

Il dispiegamento di forze di pace statunitensi nel Nagorno-Karabakh è parte integrante del piano per invadere l’Iran. Le truppe americane ritirate dall’Afghanistan saranno dispiegate in Azerbaigian.

La guerra degli Stati Uniti con l’Iran potrebbe iniziare con operazioni su larga scala delle truppe azere nel Nagorno-Karabakh. Dopodiché, le truppe americane entreranno nel Nagorno-Karabakh con lo scopo di mantenere la pace. E poi questi “peacekeepers” prenderanno parte alla campagna militare contro l’Iran.

Una tale previsione è stata fatta una volta da un esperto russo, e quindi è possibile che questa sia proprio la ragione principale della guerra inaspettata tra Azerbaigian e Armenia oggi. Il conflitto tra loro è causato, ovviamente, sia da ragioni interne sia dal fatto che gli armeni non possono dimenticare il genocidio turco del 1914. Tuttavia, come parte dell’URSS, vivevano pacificamente, ma ora, essendo repubbliche indipendenti, sono diventate vittime di istigatori dietro le quinte e conduttori inconsapevoli di interessi globali stranieri.

*****

 Articolo di Vladimir Malyshev pubblicato sul sito di Nikolay Starikov il 10.10.2020

dimanche, 11 octobre 2020

Can and Should Russia Stop the War in the Caucasus?

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Can and Should Russia Stop the War in the Caucasus?

This war is officially a war between Azerbaijan and the (unrecognized) Republic of Nagorno Karabakh (RNK) aka “Republic of Artsakh” (ROA) which I shall refer to simply as Nagorno Karabakh or “NK”. As is often the case, the reality is much more complicated. For one thing, Erdogan’s Turkey has been deeply involved since Day 1 (and, really, even much before that) while Armenia has been backing NK to the hilt since the breakup of the Soviet Union. It is even worse: Turkey is a member of NATO while Armenia is a member of the CSTO. Thus a war started over a relatively small and remote area could, in theory, trigger an international nuclear war. The good news here is that nobody in NATO or the CSTO wants such a war, especially since technically speaking the NK is not part of Armenia (Armenia has not even recognized this republic so far!) and, therefore, not under the protection of the CSTO. And since there have been no attacks on Turkey proper, at least so far, NATO also has no reason to get involved.

I should mention here that in terms of international law, NK is an integral part of Azerbaijan. Still, almost everybody agrees that there is a difference between NK proper and the kind of security zone the army of NK created around NK (see map)

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(note: the Nakhichevan Autonomous Republic is part of Azerbaijan)

The reality on the ground, however, is very different, so let’s look at the position of each actor in turn, beginning with the party which started the war: Azerbaijan.

Azerbaijan has been reforming and rearming its military since the Azeri forces got comprehensively defeated in the 1988-1994 war. Furthermore, for President Aliev this war represents what might well be the best and last chance to defeat the NK and Armenian forces. Most observers agree that should Aliev fail to achieve at least an appearance of victory he will lose power.

Armenia would have been quite happy to keep the status quo and continue to form one country with the NK de facto while remaining two countries de jure. Still, living in the tough and even dangerous “neighborhood” of the Caucasus, the Armenians never forgot that they are surrounded by more or less hostile countries just like they also remained acutely aware of Erdogan’s neo-Ottoman ideology which, sooner or later, would make war inevitable.

Iran, which is often forgotten, is not directly involved in the conflict, at least so far, but has been generally sympathetic to Armenia, primarily because Erdogan’s neo-Ottoman ideology represents a danger for the entire region, including Iran.

Turkey has played a crucial behind the scenes role in the rearmament and reorganization of Azeri forces. Just as was the case in Libya, Turkish attack drones have been used with formidable effectiveness against NK forces, in spite of the fact that the Armenians have some very decent air defenses. As for Erdogan himself, this war is his latest attempt to paint himself as some kind of neo-Ottoman sultan which will reunite all the Turkic people under his rule.

One of the major misconceptions about this conflict is the assumption that Russia has always been, and will always be, on the side of Armenia and the NK, but while this was definitely true for pre-1917 Russia, this is not the case today at all. Why?

Let’s examine the Russian position in this conflict.

First, let’s get the obvious out of the way: Armenia (proper, as opposed to NK) is a member of the CSTO and should anybody (including Azerbaijan and/or Turkey) attack Armenia, Russia would most definitely intervene and stop the attack, either by political or even by military means. Considering what Turkey has done to the Armenian people during the infamous Armenian Genocide of 1914-1923 this makes perfectly good sense: at least now the Armenian people know that Russia will never allow another genocide to take place. And the Turks know that too.

And yet, things are not quite that simple either.

For example, Russia did sell a lot of advanced weapon systems to Azerbaijan (see here for one good example). In fact, relations between Vladimir Putin and Ilham Aliyev are famously very warm. And while it is true that Azerbaijan left the CSTO in 1999, Russia and Azerbaijan have retained a very good relationship which some even characterize as a partnership or even an alliance.

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Furthermore, Azerbaijan has been a much better partner to Russia than Armenia, especially since the Soros-financed “color revolution” of 2018 which put Nikol Pashinian in power. Ever since Pashinian got to power, Armenia has been following the same kind of “multi-vector” policy which saw Belarus’ Lukashenko try to ditch Russia and integrate into the EU/NATO/US area of dominance. The two biggest differences between Belarus and Armenia are a) Belarusians and Russians are the same people and b) Russia cannot afford to lose Belarus whereas Russia has really zero need for Armenia.

On the negative side, not only has Azerbaijan left the CSTO in 1999, but Azerbaijan has also joined the openly anti-Russian GUAM Organization (which is headquartered in Kiev).

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Next, there is the Turkey-Erdogan factor as seen from Russia. Simply put, the Russians will never trust any Turk who shares Erdogan’s neo-Ottoman worldview and ideology. Russia has already fought twelve full-scale wars against the Ottomans and she has no desire to let the Turks trigger another one (which they almost did when they shot down a Russian Su-24M over northern Syria). Of course, Russia is much more powerful than Turkey, at least in military terms, but in political terms an open war against Turkey could be disastrous for Russian foreign and internal policy objectives. And, of course, the best way for Russia to avoid such a war in the future is to make absolutely sure that the Turks realize that should they attack they will be suffering a crushing defeat in a very short time. So far, this has worked pretty well, especially after Russia saved Erdogan from the US-backed coup against him.

Some observers have suggested that Russia and Armenia being Christian, the former has some kind of moral obligation towards the latter. I categorically disagree. My main reason to disagree here is that Russians now are acutely aware of the disgusting lack of gratitude of our (supposed) “brothers” and (supposed) “fellow Christians” have shown as soon as Russia was in need.

Most Armenians are not Orthodox Christians, but members of the Armenian Apostolic Church, which are miaphysites/monophysites. They are also not Slavs.

The ONLY slavic or Orthodox people who did show real gratitude for Russia have been the Serbs. All the rest of them have immediately rushed to prostitute themselves before Uncle Shmuel and have competed with each other for the “honor” of deploying US weapons systems targeted at Russia. The truth is that like every superpower, Russia is too big and too powerful to have real “friends” (Serbia being a quite beautiful exception to this rule). The Russian Czar Alexander III famously said that “Russia only has two true allies: her army and her navy”. Well, today the list is longer (now we could add the Aerospace forces, the FSB, etc.), but in terms of external allies or friends, the Serbian people (as opposed to some of the Serbian leaders) are the only ones out there which are true friends of Russia (and that, in spite of the fact that under Elstin and his “democratic oligarchs” Russia shamefully betrayed a long list of countries and political leaders, including Serbia).

Then there is the religious factor which, while crucial in the past, really plays no role whatsoever in this conflict. Oh sure, political leaders on both sides like to portray themselves as religious, but this is just PR. The reality is that both the Azeris and the Armenians place ethnic considerations far above any religious ones, if only because, courtesy of the militant atheism of the former USSR, many, if not most, people in Armenia, Azerbaijan and even Russia nowadays are agnostic secularists with no more than a passing interest for the “spiritual values which shaped their national identity” (or something along these lines).

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One major concern for Russia is the movement of Turkish-run Takfiris from Syria to Azerbaijan. The Russians have already confirmed that this has taken place (the French also reported this) and, if true, that would give Russia the right to strike these Takfiris on Azeri soil. So far, this threat is minor, but if it becomes real, we can expect Russian cruise missiles to enter the scene.

Finally, there are major Azeri and Armenian communities in Russia, which means two things: first, Russia cannot allow this conflict to sneak across the borders and infect Russia and, second, there are millions of Russians who will have ties, often strong ones, to both of these countries.

Though they are not currently officially involved, we still need to look, at least superficially, at the Empire’s view of this conflict. To summarize it I would say that the Empire is absolutely delighted with this crisis which is the third one blowing up on Russia’s doorstep (the other two being the Ukraine and Belarus). There is really very little the Empire can do against Russia: the economic blockade and sanctions totally failed, and in purely military terms Russia is far more powerful than the Empire. Simply put: the Empire simply does not have what it takes to take on Russia directly, but setting off conflicts around the Russia periphery is really easy.

For one thing, the internal administrative borders of the USSR bear absolutely no resemblance to the places of residence of the various ethnicities of the former Soviet Union. Looking at them one would be excused for thinking that they were drawn precisely to generate the maximal amount of tension between the many ethnic groups that were cut into separate pieces. There is also no logic in accepting the right of the former Soviet Republics to secede from the Soviet Union, but then denying the same right to those local administrative entities which now would want to separate from a newly created republic which they don’t want to be part of.

Second, many, if not most, of the so-called “countries” and “nations” which suddenly appeared following the collapse of the Soviet Union have no historical reality whatsoever. As a direct result, these newborn “nations” had no historical basis to root themselves in, and no idea what independence really means. Some nations, like the Armenians, have deep roots as far back as antiquity, but their current borders are truly based on nothing at all. Whatever may be the case, it has been extremely easy for Uncle Shmuel to move into these newly independent states, especially since many (or even most) of these states saw Russia as the enemy (courtesy of the predominant ideology of the Empire which was imposed upon the mostly clueless people of the ex-Soviet periphery). The result? Violence, or even war, all around that periphery (which the Russians think of as their “near abroad”).

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I think that most Russian people are aware that while there has been a major price to pay for this, the cutting away of the ex-Soviet periphery from Russia has been a blessing in disguise. This is confirmed by innumerable polls which show that the Russian people are generally very suspicious of any plans involving the use of the Russian Armed Forces outside Russia (for example, it took all of Putin’s “street cred” to convince the Russian people that the Russian military intervention in Syria was a good idea).

There is also one more thing which we must always remember: for all the stupid US and western propaganda about Russia and, later, the USSR being the “prison of the people” (small nations survived way better in this “prison” than they did under the “democratic” rule of European colonists worldwide!), the truth is that because of the rabidly russophobic views of Soviet Communists (at least until Stalin – he reversed this trend) the Soviet “peripheral” Republics all lived much better than the “leftover Russia” which the Soviets called the RSFSR. In fact, the Soviet period was a blessing in many ways for all the non-Russian republics of the Soviet Union and only now, under Putin, has this trend finally been reversed. Today Russia is much richer than the countries around her periphery and she has no desire to squander that wealth on a hostile and always ungrateful periphery. The bottom line is this: Russia owes countries such as Armenia or Azerbaijan absolutely nothing and they have no right whatsoever to expect Russia to come to their aid: this won’t happen, at least not unless Russia achieves a measurable positive result from this intervention.

Still, let’s now look at the reasons why Russia might want to intervene.

First, this is, yet again, a case of Erdogan’s megalomania and malevolence resulting in a very dangerous situation for Russia. After all, all the Azeris need to do to secure an overt Turkish intervention is to either attack Armenia proper, which might force a Russian intervention or, alternatively, be so severely beaten by the Armenians that Turkey might have to intervene to avoid a historical loss of face for both Aliev and Erdogan.

Second, it is crucial for Russia to prove that the CSTO matters and is effective in protecting CSTO member states. In other words, if Russia lets Turkey attack Armenia directly the CSTO would lose all credibility, something which Russia cannot allow.

Third, it is crucial for Russia to prove to both Azerbaijan and Armenia that the US is long on hot air and empty promises, but can’t get anything done in the Caucasus. In other words, the solution to this war has to be a Russian one, not a US/NATO/EU one. Once it becomes clear in the Caucasus that, like in the Middle-East, Russia has now become the next “kingmaker” then the entire region will finally return to peace and a slow return to prosperity.

So far the Russians have been extremely careful in their statements. They mostly said that Russian peacekeepers could only be deployed after all the parties to this conflict agree to their deployment. Right now, we are still very far away from this.

Here is what happened so far: the Azeris clearly hoped for a short and triumphant war, but in spite of very real advances in training, equipment, etc the Azeri Blitzkrieg has clearly failed in spite of the fact that the Azeri military is more powerful than the NK+Armenian one. True, the Azeris did have some initial successes, but they all happened in small towns mostly located in the plain. But take a look at this topographic map of the area of operations and see for yourself what the biggest problem for the Azeris is:

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Almost all of NK is located in the mountains (hence the prefix “nagorno” which means “mountainous”) and offensive military operations in the mountains are truly a nightmare, even for very well prepared and equipped forces (especially in the winter season, which is fast approaching). There are very few countries out there who could successfully conduct offensive operations in mountains, Russia is one of them, and Azerbaijan clearly is not.

Right now both sides agree on one thing only: only total victory can stop this war. While politically that kind of language makes sense, everybody knows that this war will not end up in some kind of total victory for one side and total defeat of the other side. The simple fact is that the Azeris can’t overrun all of NK while the Armenians (in Armenia proper and in the NK) cannot counter-attack and defeat the Azeri military in the plains.

Right now, and for as long as the Azeris and the Armenians agree that they won’t stop at anything short of a total victory, Russia simply cannot intervene. While she has the military power to force both sides to a total standstill, she has no legal right to do so and please remember that, unlike the US, Russia does respect international law (if only because she has no plans to become the “next US” or some kind of world hegemon in charge of maintaining the peace worldwide). So there are only two possible options for a Russian military intervention:

  1. A direct (and confirmed by hard evidence) attack on the territory of Armenia
  2. Both the Azeris and the Armenians agree that Russia ought to intervene.

I strongly believe that Erdogan and Aliev will do whatever it takes to prevent option one from happening (while they will do everything in their power short of an overt attack on Armenia to prevail). Accidents, however, do happen, so the risk of a quick and dramatic escalation of the conflict will remain until both sides agree to stop.

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Right now, neither side has a clear victory and, as sad as I am to write these words, both sides have enough reserves (not only military, but also political and economic) to keep at it for a while longer. However, neither side has what it would take to wage a long and bloody positional war of attrition, especially in the mountain ranges. Thus both sides probably already realize that this one will have to stop, sooner rather than later (according to some Russian experts, we are only talking weeks here).

Furthermore, there are a lot of very dangerous escalations taking place, including artillery and missile strikes on cities and infrastructure objects. If the Armenians are really pushed against a wall, they could both recognize NK and hit the Azeri energy and oil/gas infrastructure with their formidable Iskander tactical ballistic missiles. Should that happen, then we can be almost certain that both the Azeris and the Turks will try to attack Armenia, with dramatic and most dangerous consequences.

This conflict can get much, much more bloody and much more dangerous. It is thus in the interests of the entire region (but not the US) to stop it. Will the Armenian lobby be powerful enough to pressure the US into a more helpful stance? So far, the US is, at least officially, calling all sides for a ceasefire (along with France and Russia), but we all know how much Uncle Shmuel’s word can be trusted. At least there is no public evidence that the US is pushing for war behind the scenes (the absence of such evidence does, of course, not imply the evidence of the absence of such actions!).

At the time of writing this (Oct. 9th) Russia has to wait for the parties to come back to reality and accept a negotiated solution. If and when that happens, there are options out there, including making NK a special region of Azerbaijan which would be placed under the direct protection of Russia and/or the CSTO with Russian forces deployed inside the NK region. It would even be possible to have a Turkish military presence all around the NK (and even some monitors inside!) to reassure the Azeris that Armenian forces have left the region and are staying out. The Azeris already know that they cannot defeat Armenia proper without risking a Russian response and they are probably going to realize that they cannot overrun NK. As for the Armenians, it is all nice and fun to play the “multi-vector” card, but Russia won’t play by these rules anymore. Her message here is simple: if you are Uncle Shmuels’s bitch, then let Uncle Shmuel save you; if you want us to help, then give us a really good reason why: we are listening”.

This seems to me an eminently reasonable position to take and I hope and believe that Russia will stick to it.

PS: the latest news is that Putin invited the Foreign Ministers of Azerbaijan and Armenia to Moscow for “consultations” (not “negotiations”, at least not yet) with Sergei Lavrov as a mediator. Good. Maybe this can save lives since a bad peace will always be better than a good war.

PPS: the latest news (Oct 9th 0110 UTC) is that the Russians have forced Armenia and Azerbaijan to negotiate for over thirteen hours, but at the end of the day, both sides agreed to an immediate ceasefire and for substantive negotiations to begin. Frankly, considering the extreme hostility of the parties towards each other, I consider this outcome almost miraculous. Lavrov truly earned his keep today! Still, we now have to see if Russia can convince both sides to actually abide by this agreement. Here is a machine translation of the first Russian report about this outcome:

Statement by the Ministers of Foreign Affairs of the Russian Federation, the Republic of Azerbaijan and the Republic of Armenia

In response to the appeal of the President of the Russian Federation V.V. Putin and in accordance with the agreements of the President of the Russian Federation V.V. Putin, President of the Republic of Azerbaijan I.G. Aliyev and Prime Minister of the Republic of Armenia N.V. Pashinyan, the parties agreed on the following steps :

1. A ceasefire is declared from 12:00 pm on October 10, 2020 for humanitarian purposes for the exchange of prisoners of war and other detained persons and bodies of the dead, mediated and in accordance with the criteria of the International Committee of the Red Cross.

2. The specific parameters of the ceasefire regime will be agreed upon additionally.

3. The Republic of Azerbaijan and the Republic of Armenia, with the mediation of the OSCE Minsk Group co-chairs, on the basis of the basic principles of the settlement, begin substantive negotiations with the aim of reaching a peaceful settlement as soon as possible.

4. The parties confirm the invariability of the format of the negotiation process.

vendredi, 09 octobre 2020

Options russes dans le conflit du Karabakh

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Options russes dans le conflit du Karabakh

Par The Saker 

Source The Saker

Avec les yeux de la plupart des gens rivés sur le débat entre Trump et Biden, le conflit entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie au sujet du Haut-Karabakh (NK) a reçu relativement peu d’attention en Occident. Pourtant, c’est une situation potentiellement très dangereuse.

Pensez à ceci : les Arméniens accusent les Turcs d’avoir abattu un Su-25 arménien au-dessus de l’Arménie – pas au dessus du Nagorno-Karabakh ! Si cela est vrai, certains diront que c’est une énorme nouvelle car cela signifierait qu’un État membre de l’OTAN a commis un acte d’agression contre un membre de l’OTSC [Collective Security Treaty Organization]

Cela signifie-t-il que la guerre entre deux plus grandes alliances militaires de la planète est inévitable ?

À peine.

En fait, il me semble que ni l’OTSC, ni l’OTAN n’ont beaucoup d’enthousiasme pour s’impliquer.

Prenons un peu de recul et mentionnons quelques éléments de base.

  • L’Arménie a suivi une voie anti-russe depuis la révolution de couleur soutenue par Soros en 2018.
  • L’Azerbaïdjan est clairement allié avec, et soutenu par, la Turquie – un pays actuellement dans des crises politiques, ou autres, avec à peu près tout le monde. Erdogan est clairement une planche pourrie perdante et on ne peut lui faire confiance en aucune circonstance.
  • En vertu du droit international, le Haut-Karabakh fait partie de l’Azerbaïdjan. Pour cette raison, l’Arménie ne peut pas faire appel à l’OTSC – tout comme le plaidoyer d’Erdogan pour le soutien de l’OTAN contre la Russie lorsque les Turcs ont abattu un Su-24M russe au-dessus de la Syrie a été rejeté par l’alliance.
  • Militairement parlant, l’Azerbaïdjan a l’avantage quantitatif et même qualitatif sur l’Arménie, même si cette dernière dispose d’un équipement moderne. Pourtant, comme aucune des deux parties ne dispose d’une force aérienne moderne, il n’est pas impossible que la Turquie ait envoyé des F-16 pour aider l’armée de l’air azérie, pour l’essentiel obsolète, à s’occuper des Su-25 arméniens.

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Découvrez l’immense complexe de l’ambassade américaine à Erevan et demandez-vous ce que font tous ces gars toute la journée ?

On aurait pu imaginer que la Russie se rangerait immédiatement du côté de l’Arménie chrétienne contre les Azéris musulmans, mais cette fois-ci, il y a des preuves que les Russes ont – enfin ! – tiré des leçons douloureuses de l’histoire, en particulier sur les « frères putatifs orthodoxes » de la Russie. La triste vérité est que, tout comme la Biélorussie sous Loukachenko, l’Arménie suit, depuis au moins 2018, le même type de parcours politique «entre deux chaises» que la Biélorussie. Je résumerais cette politique comme ceci : «tenir un cap politique anti-russe tout en exigeant le soutien de la Russie». Les Russes n’aimaient pas plus cela en Arménie qu’en Biélorussie. Mais la grande différence est que si la Russie ne peut pas se permettre de «perdre» la Biélorussie, elle n’a pas du tout besoin de l’Arménie, en particulier d’une Arménie hostile.

Cela ne veut pas dire que la Russie devrait soutenir l’Azerbaïdjan. Pourquoi ? Eh bien, cela n’a rien à voir avec la langue ou la religion et tout à voir avec le fait que l’Azerbaïdjan moderne est un protégé politique de la Turquie d’Erdogan, ce protégé est vraiment l’un des pays et des régimes politiques les plus dangereux, que la Russie devrait approcher avec la prudence d’un charmeur de serpents face à une vipère particulièrement méchante et imprévisible. Oui, la Russie doit s’engager à la fois avec la Turquie et l’Azerbaïdjan, ne serait-ce que parce que ces deux pays sont puissants, au moins dans un sens régional, et parce qu’ils sont presque toujours prêts à faire le pire, en particulier la Turquie.

Ensuite, il y a la question du rôle des États-Unis dans tout cela. Nous pouvons être à peu près sûrs que les États-Unis parlent aux deux parties en leur disant que tant qu’ils maintiennent un cap anti-russe, ils obtiendront le soutien de l’oncle Shmuel. Il y a deux problèmes avec cette attitude :

  • Les deux parties savent que les États-Unis parlent aux deux côtés
  • Quand les choses se gâtent, le soutien des États-Unis importe vraiment très peu

Je dirais même que toute escalade majeure du conflit prouvera aux deux parties que les États-Unis sont prolixes sur les promesses et avares de les tenir réellement. En revanche, la Turquie tient ses promesses. Oui, imprudemment et, oui aussi, en violation du droit international, mais quand même – la Turquie tient ses promesses et elle n’hésite pas à le confirmer.

Tout comme dans le cas de la Biélorussie ou de l’Ukraine, la Russie pourrait mettre fin à ce conflit, surtout si le Kremlin décide d’utiliser la force militaire, mais ce serait terrible en termes politiques, et je suis convaincu que la Russie n’interviendra pas ouvertement. D’une part, cette guerre est un cas clair de jeu à somme nulle dans lequel un compromis négocié est presque impossible à atteindre.

De plus, les deux parties semblent déterminées à aller jusqu’au bout, alors pourquoi la Russie devrait-elle intervenir ?

Il semble que rester un intermédiaire neutre est la meilleure et la seule chose que la Russie devrait faire pour le moment. Une fois la poussière retombée et une fois que chaque partie se rendra pleinement compte que l’oncle Shmuel est plus fort en paroles qu’en actes, alors peut-être que la Russie pourra, une fois de plus, essayer d’offrir une solution régionale, impliquant éventuellement l’Iran et excluant les États-Unis à coup sûr. Mais cela ne pourra se faire que plus tard.

À présent les deux côtés se sont bloqués chacun dans un coin du ring et semblent également engagés vers une victoire militaire totale.

Conclusion

Dans ce conflit, la Russie n’a ni alliés ni amis. À l’heure actuelle, les Azéris semblent gagner, mais si l’Arménie engage ses missiles Iskander ou reconnaît l’indépendance du Haut-Karabakh – ce que les Arméniens menacent maintenant de faire – cela tournera mal et une intervention turque deviendra possible.

Voyons comment – et même si – les États-Unis feront quelque chose pour aider Erevan. Sinon, il sera intéressant de voir ce qui se passera une fois que les Arméniens redécouvriront une vérité historique bien connue : l’Arménie ne peut pas survivre sans la Russie. Et même si les Arméniens arrivent aussi à cette conclusion, je recommanderais tout de même que la Russie fasse très attention en plaçant son poids derrière les deux camps du conflit, d’autant plus que les Azéris ont le droit international de leur côté.

En d’autres termes, je recommande à la Russie d’agir uniquement et exclusivement dans son propre intérêt géostratégique et de laisser toute la région découvrir à quel point l’oncle Shmuel peut vraiment apporter, ou pas, son aide. Plus précisément, j’affirme qu’il est dans l’intérêt de la sécurité nationale de la Russie de s’assurer que :

  • La Turquie reste aussi faible que possible le plus longtemps possible
  • Les USA restent aussi faibles que possible dans toute la région

À l’heure actuelle, la Pax Americana est aussi mauvaise dans le Caucase qu’elle l’est au Moyen-Orient. C’est bon pour la Russie et elle ne devrait rien faire qui puisse aider l’oncle Shmuel. Ce n’est qu’une fois que les États-Unis seront hors jeu, y compris en Arménie, que la Russie pourra offrir son aide et son soutien à un accord de paix entre les deux belligérants.

The Saker

Traduit par jj, relu par Hervé pour le Saker Francophone

jeudi, 08 octobre 2020

La guerre du Haut-Karabakh est-elle déjà dans une impasse ?

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La guerre du Haut-Karabakh est-elle déjà dans une impasse ?

Ex: https://echelledejacob.blogspot.com 

Sept jours après que l’Azerbaïdjan a lancé l’attaque contre le territoire du Haut-Karabakh tenu par les Arméniens, ce pays n’a pas avancé sur le terrain.
L’Iran et la Géorgie comptent sur leur territoire d’importantes minorités azéries et arméniennes.

Les hautes terres du Haut-Karabakh sont ethniquement arméniennes. Les districts en bleu clair étaient à l’origine azéris mais ont été ethniquement nettoyés pendant la guerre du début des années 1990.

La Turquie soutient l’Azerbaïdjan en lui fournissant des drones turcs et des mercenaires qui sont des « rebelles syriens modérés » amenés de Syrie et de Libye. Tous sont acheminés par avion en traversant l’espace aérien géorgien. D’autres mercenaires semblent venir d’Afghanistan. Du matériel supplémentaire arrive par la route, également par la Géorgie. Un autre partisan de l’agresseur est Israël. Au cours de la semaine dernière, des avions de transport militaire azerbaïdjanais ont volé au moins six fois en direction d’Israël pour revenir avec des drones suicides israéliens supplémentaires à bord. Ces drones Harop ont été largement utilisés dans des attaques contre des positions arméniennes. Un missile balistique à courte portée LORA, de fabrication israélienne, a été utilisé par l’Azerbaïdjan pour attaquer un pont qui relie le Haut-Karabakh à l’Arménie. Il y aurait également des avions de chasse F-16 pilotés par des Turcs en Azerbaïdjan.

La Turquie semble diriger les drones et les avions de chasse en Azerbaïdjan et au Haut-Karabakh par le biais d’avions de contrôle aérien de type AWACS qui volent en cercle à la frontière turco-arménienne.

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Le plan d’attaque que l’Azerbaïdjan avait à l’esprit lorsqu’il a lancé la guerre prévoyait de prendre des zones de plusieurs miles de profondeur par jour. Ce plan n’a pas survécu au premier jour de bataille. L’Azerbaïdjan a commencé l’attaque sans préparation d’artillerie importante. L’attaque au sol n’a été soutenue que par des frappes de drones sur les chars, l’artillerie et les positions de défense aérienne arméniennes. Mais les lignes défensives tenues par l’infanterie arménienne n’ont pas été endommagées par les drones. L’infanterie arménienne retranchée pouvait utiliser ses armes antichars et anti-infanterie à pleine capacité. Les chars et l’infanterie azerbaïdjanais ont été massacrés lorsqu’ils ont tenté de percer les lignes. Les deux camps ont subi des pertes importantes, mais dans l’ensemble, les lignes de front n’ont pas bougé.

Cette guerre semble déjà être dans une impasse. Ni l’Arménie ni l’Azerbaïdjan ne peuvent se permettre d’utiliser la puissance aérienne et les missiles balistiques achetés à la Russie sans le consentement de celle-ci.

Les attaques de drones ont été, pendant un certain temps, assez réussies. Un certain nombre de vieux systèmes de défense aérienne ont été détruits avant que les Arméniens n’en tirent la leçon et les camouflent. Les Azerbaïdjanais ont alors utilisé une astuce pour dévoiler les positions cachées de la défense aérienne. Des avions Antonov AN-2 radiocommandés, des reliques propulsées par hélices de la fin des années 1940, ont été envoyés au-dessus des positions arméniennes. Lorsque la défense aérienne a ensuite lancé un missile contre eux, un drone suicide a été immédiatement largué sur la position de tir.

L’astuce semble avoir marché pendant un jour ou deux, mais de telles attaques de drones sont désormais devenues rares. Des dizaines de drones ont été arrêtés avant d’avoir pu atteindre leur cible et l’Azerbaïdjan semble être à court de drones. Un clip musical bizarre que les Azerbaïdjanais ont posté montre quatre camions transportant chacun neuf drones. Il y avait peut-être plusieurs centaines de ces drones, mais probablement moins de mille. Israël est actuellement soumis à un strict confinement à cause de la pandémie. Le réapprovisionnement en drones sera un problème. Depuis, l’Azerbaïdjan a fait appel à plus d’artillerie lourde, mais il semble qu’il l’utilise principalement pour frapper les villes et les agglomérations, et non les lignes de front où cela serait plus utile.

On ne sait pas qui commande les troupes azerbaïdjanaises. Il y a quelques jours, le chef de l’état-major général de l’Azerbaïdjan a été viré après s’être plaint d’une trop grande influence turque sur la guerre. Cela n’a pas aidé. Deux attaques terrestres plus importantes lancées par l’Azerbaïdjan plus tôt dans la journée ont également échoué. Les Arméniens contre-attaquent actuellement.

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Dans notre précédent article concernant cette guerre, nous avions souligné les plans américains visant à « déborder la Russie » en créant des troubles dans le Caucase, comme c’est le cas actuellement. Fort Russ note : L'actuelle directrice de la CIA, Gina Haspel, a effectué des missions sur le terrain en Turquie au début de sa carrière, elle parlerait turc, et elle a déjà été chef de station à Bakou, en Azerbaïdjan, à la fin des années 1990. On peut donc supposer qu'elle a toujours des liens avec les élites du gouvernement local et du monde des affaires. L'actuel chef du MI6, Richard Moore, a également travaillé en Turquie, où il a accompli des tâches pour les services de renseignement britanniques à la fin des années 1980 et au début des années 1990. Moore parle couramment le turc et il a également été ambassadeur britannique en Turquie de 2014 à 2017. Les chefs des services de renseignements des deux pays les plus puissants de l'Anglosphère sont des « turcophones » ayant des connexions en Turquie et en Azerbaïdjan. Il serait raisonnable de supposer qu'un conflit régional d'une telle ampleur qui se déroule actuellement, sous leur surveillance, est loin d'être une simple coïncidence.

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Avant que le président Trump ne mette fin au programme, la CIA avait utilisé la compagnie aérienne azerbaïdjanaise Silk Way Airlines, pour plus de 350 vols, afin d’acheminer des armes de la Bulgarie vers la Turquie et les remettre aux « rebelles syriens ». Bakou, la capitale de l’Azerbaïdjan, n’est pas seulement une station de la CIA mais aussi un centre du Mossad pour mener sa guerre silencieuse contre l’Iran.

L’ancien ambassadeur indien en Turquie, M.K. Bhadrakumar, a écrit deux articles intéressants sur le conflit actuel. Dans le premier, il nous rappelle la révolution de couleur de 2018 en Arménie, qui, selon lui, cherchait à créer des problèmes à Moscou.

Je n’ai jamais vu les choses de cette façon. Même si l’actuel Premier ministre arménien, Nikol Pashinyan, a essayé de se mettre les puissances « occidentales » et l’OTAN dans sa poche, il n’a pas pu changer fondamentalement la politique étrangère de l’Arménie. Il y a cent ans, la Turquie, avec aujourd’hui la deuxième plus grande armée de l’OTAN, avait lancé un génocide contre les Arméniens. Ces derniers ne l’ont jamais oublié. Il était également certain que les relations avec l’Azerbaïdjan continueraient à être hostiles. Cela ne changera que si les deux pays se retrouvent à nouveau dominés par un empire. L’Arménie dépend autant que l’Azerbaïdjan du soutien en armes de la Russie, mais l’Azerbaïdjan a plus d’argent et paie plus pour ses armes russes, ce qui permet à la Russie de subventionner celles qu’elle vend à l’Arménie.

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Après que Nikol Pashinyan fut installé, et a tenté de se tourner vers l’« Occident », la Russie a fait la même chose qu’avec la Biélorussie, lorsque le président Loukachenko a commencé à conclure des accords avec l’« Occident ». Elle s’est tenue à carreau en attendant que l’« Occident » trahisse ses nouveaux partenaires. C’est ce qui s’est passé en Biélorussie il y a quelques semaines. Les États-Unis ont lancé une révolution de couleur contre Loukachenko et celui-ci n’avait pas d’autre choix que de se tourner vers la Russie. Aujourd’hui, l’Arménie est attaquée par des forces soutenues par l’OTAN et ne peut espérer aucune aide autre que celle de la Russie.

De même, l’Iran ne craint pas le nouveau gouvernement arménien d’Erevan. Il était préoccupé par les récents échanges diplomatiques de Pashinyan avec Israël, qui ont été effectués à l’initiative de la Maison Blanche. Mais cette inquiétude a maintenant été levée. Pour protester contre la récente vente d’armes par Israël à l’Azerbaïdjan, l’Arménie a rappelé son ambassadeur en Israël deux semaines seulement après l’ouverture de son ambassade dans ce pays.

Pashinyan devra s’excuser auprès de Moscou avant que la Russie ne vienne à son secours. Comme le relaie Maxim Suchkov : C'est intéressant : Evgeniy "le chef de Poutine" Prigozhin donne une courte interview pour exprimer son "opinion personnelle" sur le Haut-Karabakh. Quelques pistes : - Le Karabakh est un territoire azerbaïdjanais - La Russie n'a aucune base légale pour mener des activités militaires au Karabakh - il y a plus d'ONG américaines en Arménie que d'unités militaires nationales - Le Premier ministre Pashinyan est responsable de la situation - jusqu'en 2018, la Russie a pu faire en sorte que l'Arménie et l'Azerbaïdjan discutent du conflit autour d’une table de négociations, puis les États-Unis ont amené Pashinyan au pouvoir à Erevan et celui-ci se sentant le roi n’a pas voulu parler avec Aliyev Je me demande si les remarques de Prigozhin suggèrent qu'il serait réticent à déployer ses hommes en Arménie - si nécessaire ou si on lui demande de le faire - ou bien s'il ne fait qu'exprimer ses propres opinions ou si c'est une façon de faire délicatement entendre à Pashinyan que Moscou n'est pas content de lui... ?

L’intérêt de la Russie – et de l’Iran – est de geler à nouveau le conflit du Haut-Karabakh. Mais pour cela, il faut que les deux parties se plient à cette exigence. C’est pourquoi la Russie n’a pas d’objection à ce que l’Azerbaïdjan exerce actuellement une certaine pression sur Pashinyan. Mais elle ne peut pas permettre à l’Azerbaïdjan de remporter une victoire significative. Une de ses principales préoccupations sera de mettre la Turquie hors-jeu et cela nécessitera un soutien à l’Arménie. L’Iran a une stratégie assez similaire. Les États-Unis vont probablement essayer d’aggraver la situation et de compliquer les choses pour la Russie. Il est probable qu’ils disent en silence à la Turquie d’accroître sa participation à la guerre.

La Russie n’interviendra probablement que si l’une ou l’autre des parties réalise des gains territoriaux importants. À moins que cela ne se produise, elle laissera probablement la guerre se poursuivre dans l’espoir qu’elle s’épuise toute seule : Les conditions hivernales à venir, associées à la rudesse du terrain, limiteront les opérations militaires à grande échelle. De plus, les économies paralysées de l'Azerbaïdjan et de l'Arménie ne leur permettront pas de maintenir une confrontation militaire conventionnelle prolongée.


Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par Jj pour le Saker Francophone

lundi, 05 octobre 2020

Artsakh : le retour des empires

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Artsakh : le retour des empires

Ex: https://institutdeslibertes.org

À tous ceux qui pensent qu’une armée est inutile et que la guerre entre États est improbable, le conflit qui vient de se déclencher en Artsakh apporte un démenti cinglant. Région disputée par l’Arménie et l’Azerbaïdjan depuis 1991, la chute de l’URSS et l’indépendance de ces deux républiques, l’Artsakh pour les Arméniens, le haut Karabagh pour les Azéris est une frontière chaude et un conflit larvé qui dure. Bien que le conflit soit gelé celui-ci n’est pas éteint. Les événements qui s’y déroulent depuis dimanche montrent qu’un conflit qui sommeille peut se réveiller à tout instant.

Nous avons ici un classique jeu de puissance à plusieurs échelles et à plusieurs coups. L’échelle nationale d’abord. Une région disputée par deux États, chacun proclamant sa légitimité et la portant au niveau international. Impossible de départager les belligérants, les deux ont à la fois raison et tort quant à leurs droits et à leurs antériorités. L’Artsakh est occupé de fait par l’Arménie et peuplé à près de 90% par des Arméniens. C’est également, comme le Kosovo pour les Serbes, une région historique du berceau arménien. Durant l’époque soviétique, l’oblast du Haut-Karabakh était rattaché à la République socialiste soviétique d’Azerbaïdjan. Bakou s’appuie sur cet été de fait pour réclamer le retour de la région dans son giron.

Une guerre sans solution

C’est une situation insoluble, chaque pays pouvant invoquer des éléments de droit qui lui donne raison et donc justifier de la légitimité de sa position. Depuis 1991, aucune solution n’a été trouvée ni par l’ONU ni par le groupe de Minsk, présidé par les États-Unis, la France et la Russie et pourtant chargé de régler le problème. On avait fini par penser que le temps et la lassitude régleraient un conflit embrouillé. C’est oublier que les guerres de civilisation ne peuvent avoir de solution pacifique. Un même territoire convoité par deux peuples, deux religions, deux histoires sur lequel les uns et les autres se mêlent ne peut trouver d’issu que dans l’éviction d’un des deux peuples, c’est-à-dire dans une purification ethnique. À défaut de quoi le conflit s’enlise et dure. Or des purifications ethniques la région en a connu beaucoup au cours du dernier siècle dans les limites géographiques du vaste territoire qu’il a un temps contrôlé. Les deux pays étant de forces égales, aucun ne peut prendre l’ascendant sur l’autre.

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Comme dans tout conflit gelé il y a, de façon régulière, des escarmouches et des attaques afin de rappeler la réalité du conflit et des tensions. L’attaque est un message envoyé à l’adversaire, lui rappelant que l’on convoite toujours la zone, et un message envoyé à sa population, afin de lui rappeler qu’il faut rester en éveil, car sous la menace d’un ennemi. L’Azerbaïdjan étant en proie à des difficultés économiques et politiques il est utile de raviver ce conflit afin de souder le peuple autour de son dirigeant et de dépasser ainsi les tensions internes. C’est néanmoins un jeu dangereux qui parfois tourne mal, comme en firent l’amère expérience les colonels argentins avec l’expédition des Malouines.

Une guerre turque

Mais en réalité ce n’est plus une guerre qui oppose Arménie et Azerbaïdjan, c’est un conflit turc qui s’inscrit dans le cadre de l’expansion de la Turquie. L’Azerbaïdjan ici n’est plus autonome ; Bakou est le jouet d’Ankara. Le conflit de l’Artsakh est l’un des épisodes des offensives conduites par Erdogan, en Libye et en Syrie d’abord, contre la Grèce et en Méditerranée orientale ensuite. Cette attaque est peut-être une façon de camoufler l’échec subi en Méditerranée orientale ou bien une manière d’ouvrir un troisième front afin de peser sur les négociations à venir autour du gaz et de Chypre. On imagine très bien Ankara s’engager à partir de l’Artsakh à condition que les Européens lui donnent un bout de la ZEE grecque. Comme dans toute guerre, l’Artsakh est une fausse bataille, une diversion pour tenter d’obtenir un morceau plus gros. Mais force est de reconnaître qu’Ankara a très bien mené la partie.

La Turquie a ainsi envoyé en Azerbaïdjan plusieurs milliers de mercenaires islamistes qui combattaient en Syrie au côté de l’État islamique. Embauchés pour un contrat de trois mois au tarif de 1800 dollars par mois, ces mercenaires ont été transportés par avion jusqu’en Turquie puis par camion en Azerbaïdjan. L’internationale des mercenaires islamistes, présente au Sahel et en Libye, officie désormais dans le Caucase. D’après des sources concordantes, le célèbre terroriste syrien Abu Amsha, commandant de la brigade de Suleiman Shah, devenu célèbre dans les combats en Libye, est également arrivé en Azerbaïdjan. Ses hommes sont définis comme « les pires tueurs », caractérisés également par une haine extrême envers les chrétiens « infidèles ».

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À la manœuvre on retrouve également les fameux drones turcs, qui ont fait merveille en Libye, et des F-16 qui ont détruit au moins un soukhoï arménien. L’observation des lignes aériennes sur les sites spécialisés montrent des avions de guerre turcs quittant la Libye pour se rendre en Azerbaïdjan. Les drones d’attaque Bayrakdar sont pilotés à distance par des experts militaires turcs en Azerbaïdjan. Ce conflit n’est pas une guerre entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, mais une guerre contre la Turquie dont l’Azerbaïdjan n’est que le prétexte et le faire-valoir.

Le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlüt Çavuşoğlu, s’est rendu à l’ambassade d’Azerbaïdjan en Turquie et y a réitéré le soutien « total » d’Ankara à Bakou. « Nous sommes aux côtés de l’Azerbaïdjan tant sur le terrain qu’à la table des discussions. Nous voulons désormais éradiquer ce problème. » Les journaux turcs soutiennent l’attaquent de l’Azerbaïdjan et la position du gouvernement Erdogan.

Le conflit ethnique entre Arméniens et Azéris est en train de se mouvoir en guerre religieuse par la grâce de la Turquie. Les mercenaires de l’EI disent combattre les infidèles et vouloir étendre le glaive de l’islam. C’est du moins ce que tente la Turquie : transformer ce conflit en guerre religieuse afin de prendre le commandement des croyants, comme au temps du calife. Une situation qui est loin d’être évidente, tant la Russie et l’Iran ne pourront pas laisser passer une telle offensive.

Russie et Iran, la permanence de deux empires

Défaite en Libye par les Turcs, la Russie ne peut pas laisser passer une ingérence d’Ankara au Caucase et une atteinte à son allié arménien. Nous sommes ici dans l’étranger proche russe, l’ancien territoire de l’URSS où Moscou ne souhaite pas que les Turcs interviennent. La Russie devrait rapidement calmer les ardeurs azéries, à condition que Bakou contrôle encore quelque chose. Il en va de même pour l’Iran, chiite aussi comme l’Azerbaïdjan et qui ne se laissera pas distancer par la Turquie dans la région. Ici, Ankara trouvera des pays beaucoup plus redoutables que la molle Europe, incapable pour l’instant de réagir aux provocations de la Turquie. Inaudible sur la Libye, inaudible sur la Grèce et Chypre, pourtant États membres, l’Union européenne est encore et toujours inaudible sur ce conflit. L’Allemagne ne bougera pas, le Royaume-Uni non plus, il ne reste donc que la France, co-présidente du groupe de Minsk et historiquement alliée de l’Arménie. Il y a urgence, d’une part parce que les combats sont intenses, d’autre part parce qu’on ne peut pas laisser Erdogan étendre son empire de façon infinie. Pour exister, les États ont besoin d’ennemi. Le retour du Turc sur la scène européenne et le renouveau de l’Empire ottoman pourrait être une occasion pour l’Europe de se redresser en considérant que l’histoire n’est pas finie et qu’il faut être prêt à sortir l’épée pour assurer la paix et la sécurité de sa population.

Auteur: Jean-Baptiste Noé

Jean-Baptiste Noé est docteur en histoire économique. Il est directeur d'Orbis. Ecole de géopolitique. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages : Géopolitique du Vatican. La puissance de l'influence (Puf, 2015), Le défi migratoire. L'Europe ébranlée (2016) et, récemment, un ouvrage consacré à la Monarchie de Juillet : La parenthèse libérale. Dix-huit années qui ont changé la France (2018).

dimanche, 04 octobre 2020

Les enjeux de l’échiquier Arménie-Azerbaïdjan

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Les enjeux de l’échiquier Arménie-Azerbaïdjan

par Pepe Escobar

Ex: https://reseauinternational.net

 

Ramener la Russie dans le marasme du Haut-Karabakh signifie une plus grande liberté d’action pour la Turquie sur d’autres théâtres de guerre.

Peu de points chauds géopolitiques sur la planète peuvent rivaliser avec le Caucase : cette intraitable Tour de Babel tribale, depuis toujours carrefour controversé d’empires du Levant et de nomades des steppes eurasiennes. Et il devient encore plus désordonné quand on y ajoute le brouillard de la guerre.

Pour tenter de faire la lumière sur l’actuel affrontement Arménie-Azerbaïdjan, nous allons parcourir les faits de base avec quelques éléments de fond essentiels.

À la fin du mois dernier, Ilham Aliyev, « l’homme fort » de l’Azerbaïdjan, au pouvoir depuis 2003, a lancé une guerre de facto sur le territoire du Haut-Karabakh détenu par l’Arménie.

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Lors de l’effondrement de l’URSS, le Haut-Karabagh avait une population mixte composée de Chiites azéris et de Chrétiens arméniens. Pourtant, même avant l’effondrement, l’armée azerbaïdjanaise et les indépendantistes arméniens étaient déjà en guerre (1988-1994), entraînant un triste bilan de 30 000 morts et environ un million de blessés.

La République du Haut-Karabakh a déclaré son indépendance en 1991 : mais cela n’a pas été reconnu par la « communauté internationale ». Finalement, un cessez-le-feu a été décrété en 1994 – le Haut-Karabakh est entré dans la zone grise/no man’s land de « conflit gelé ».

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Le problème est qu’en 1993, les Nations Unies avaient approuvé pas moins de quatre résolutions – 822, 853, 874 et 884 – établissant que l’Arménie devait se retirer de ce qui était considéré comme environ 20% du territoire azerbaïdjanais. Ceci est au cœur du raisonnement de Bakou pour lutter contre ce qu’elle qualifie d’armée d’occupation étrangère.

L’interprétation d’Erevan, cependant, est que ces quatre résolutions sont nulles et non avenues parce que le Haut-Karabakh abrite une population à majorité arménienne qui veut faire sécession de l’Azerbaïdjan.

Historiquement, l’Artsakh est l’une des trois anciennes provinces d’Arménie – enracinée au moins au 5ème siècle avant J.-C. et finalement établie en 189 avant J.-C. Les Arméniens, sur la base d’échantillons d’ADN provenant d’os excavés, affirment qu’ils sont installés dans l’Artsakh depuis au moins 4 000 ans.

L’Artsakh – ou Nagorno-Karabakh – a été annexé à l’Azerbaïdjan par Staline en 1923. Cela a préparé le terrain pour qu’une future poudrière explose inévitablement.

Il est important de se rappeler qu’il n’y avait pas d’État-nation « Azerbaïdjan » avant le début des années 1920. Historiquement, l’Azerbaïdjan est un territoire situé au nord de l’Iran. Les Azerbaïdjanais sont très bien intégrés au sein de la République Islamique. La République d’Azerbaïdjan a donc en fait emprunté son nom à ses voisins iraniens. Dans l’histoire ancienne, le territoire de la nouvelle république du 20ème siècle était connu sous le nom d’Atropatene, et Aturpakatan avant l’avènement de l’Islam.

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Comment l’équation a changé

Le principal argument de Bakou est que l’Arménie bloque une nation azerbaïdjanaise contiguë, car un coup d’œil sur la carte nous montre que le sud-ouest de l’Azerbaïdjan est de facto séparé jusqu’à la frontière iranienne.

Et cela nous plonge nécessairement dans un contexte profond. Pour clarifier les choses, il ne pourrait y avoir de guide plus fiable qu’un expert de haut niveau d’un groupe de réflexion caucasien qui m’a fait part de son analyse par e-mail, mais qui insiste sur la mention « sans attribution ». Appelons-le M. C.

M. C note que « pendant des décennies, l’équation est restée la même et les variables de l’équation sont restées les mêmes, plus ou moins. C’était le cas malgré le fait que l’Arménie est une démocratie instable en transition et que l’Azerbaïdjan avait beaucoup plus de continuité au sommet de l’État ».

Nous devrions tous être conscients que « l’Azerbaïdjan a perdu du territoire dès le début de la restauration de son statut d’État, alors qu’il était essentiellement un État en faillite dirigé par des amateurs nationalistes de salon [avant l’arrivée au pouvoir de Heydar Aliyev, le père d’Ilham]. Et l’Arménie était aussi un désastre, mais dans une moindre mesure si l’on tient compte du fait qu’elle bénéficiait d’un fort soutien de la Russie et que l’Azerbaïdjan n’avait personne. À l’époque, la Turquie était encore un État laïque avec une armée qui regardait vers l’Ouest et prenait son adhésion à l’OTAN au sérieux. Depuis lors, l’Azerbaïdjan a développé son économie et augmenté sa population. Il n’a donc cessé de se renforcer. Mais son armée était encore peu performante ».

Cela a lentement commencé à changer en 2020 : « Fondamentalement, au cours des derniers mois, vous avez constaté une augmentation progressive de l’intensité des violations quasi quotidiennes du cessez-le-feu (les violations quasi quotidiennes ne sont pas nouvelles : elles durent depuis des années). Cela a donc explosé en juillet et il y a eu une guerre de tirs pendant quelques jours. Puis tout le monde s’est calmé à nouveau ».

Pendant tout ce temps, quelque chose d’important se développait en arrière-plan : Le Premier Ministre arménien Nikol Pashinyan, qui est arrivé au pouvoir en mai 2018, et Aliyev ont commencé à parler : « La partie azerbaïdjanaise pensait que cela indiquait que l’Arménie était prête à un compromis (tout a commencé lorsque l’Arménie a connu une sorte de révolution, avec l’arrivée du nouveau Premier Ministre qui a reçu le mandat populaire de faire le ménage sur le plan intérieur). Pour une raison quelconque, cela a fini par ne pas se produire ».

Ce qui s’est passé en fait, c’est la guerre de tirs de juillet.

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Le Premier Ministre arménien Nikol Pashinyan
N’oubliez pas le Pipelineistan

Le Premier Ministre arménien Pashinyan pourrait être décrit comme un mondialiste libéral. La majorité de son équipe politique est pro-NATO. Pashinyan a fait feu de tout bois contre l’ancien Président arménien (1998- 2008) Robert Kocharian, qui avant cela était, fait crucial, le Président de facto du Haut-Karabakh.

Kocharian, qui a passé des années en Russie et est proche du Président Poutine, a été accusé d’une tentative obscure de « renversement de l’ordre constitutionnel ». Pashinyan a tenté de le faire emprisonner. Mais plus crucial encore est le fait que Pashinyan a refusé de suivre un plan élaboré par le Ministre russe des Affaires Étrangères Sergeï Lavrov pour régler définitivement le problème de l’Artsakh/Nagorno-Karabakh.

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Dans le brouillard de guerre actuel, les choses sont encore plus désastreuses. M. C souligne deux points : « Premièrement, l’Arménie a demandé la protection de l’OTSC et s’est fait gifler, durement et en public ; deuxièmement, l’Arménie a menacé de bombarder les oléoducs et gazoducs en Azerbaïdjan (il y en a plusieurs, ils sont tous parallèles et ils alimentent non seulement la Géorgie et la Turquie mais maintenant les Balkans et l’Italie). En ce qui concerne ce dernier point, l’Azerbaïdjan a dit en gros : si vous faites cela, nous bombarderons votre réacteur nucléaire ».

L’angle du Pipelineistan est en effet crucial : pendant des années, j’ai suivi sur Asia Times ces myriades de feuilletons sur le pétrole et le gaz, en particulier le BTC (Bakou-Tbilissi-Ceyhan), conçu par Zbigniew Brzezinski pour contourner l’Iran. J’ai même été « arrêté » par un 4X4 de British Petroleum (BP) alors que je suivais l’oléoduc sur une route latérale parallèle partant de l’énorme terminal de Sangachal : cela a prouvé que British Petroleum était en pratique le véritable patron, et non le gouvernement azerbaïdjanais.

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Des gazoducs qui évitent le territoire arménien.

En résumé, nous avons maintenant atteint le point où, selon M. C :

« Le bruit du sabre de l’Arménie est devenu plus agressif ». Les raisons, du côté arménien, semblent être essentiellement internes : la mauvaise gestion du Covid-19 (contrairement à l’Azerbaïdjan), et l’état désastreux de l’économie. Ainsi, dit M. C, nous sommes arrivés à un concours de circonstances toxique : L’Arménie a détourné ses problèmes en se montrant dure avec l’Azerbaïdjan, alors que ce dernier en avait tout simplement assez.

Cela concerne toujours la Turquie

Quoi qu’il en soit, si l’on considère le drame Arménie-Azerbaïdjan, le principal facteur de déstabilisation est désormais la Turquie.

M. C note comment, « tout au long de l’été, la qualité des exercices militaires turco-azerbaïdjanais a augmenté (tant avant les événements de juillet que par la suite). L’armée azerbaïdjanaise s’est beaucoup améliorée. De plus, depuis le quatrième trimestre 2019, le Président de l’Azerbaïdjan s’est débarrassé des éléments (perçus comme) pro-russes en position de pouvoir ». Voir, par exemple, ici.

Il n’y a aucun moyen de le confirmer ni avec Moscou ni avec Ankara, mais M. C avance ce que le Président Erdogan a pu dire aux Russes : « Nous entrerons directement en Arménie si a) l’Azerbaïdjan commence à perdre, b) la Russie intervient ou accepte que l’OTSC soit invoquée ou quelque chose de ce genre, ou c) l’Arménie s’en prend aux pipelines. Ce sont toutes des lignes rouges raisonnables pour les Turcs, surtout si l’on tient compte du fait qu’ils n’aiment pas beaucoup les Arméniens et qu’ils considèrent les frères azerbaïdjanais ».

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Il est crucial de se rappeler qu’en août, Bakou et Ankara ont organisé deux semaines d’exercices militaires aériens et terrestres communs. Bakou a acheté des drones avancés à la fois de la Turquie et d’Israël. Il n’y a pas de preuve, du moins pas encore, mais Ankara a peut-être engagé jusqu’à 4 000 djihadistes salafistes en Syrie pour se battre – attendez – en faveur de l’Azerbaïdjan à majorité chiite, prouvant une fois de plus que le « djihadisme » consiste à se faire de l’argent rapidement.

Le Centre d’Information Arménien Unifié, ainsi que le média kurde Afrin Post, ont déclaré qu’Ankara a ouvert deux centres de recrutement – dans des écoles africaines – pour les mercenaires. Apparemment, cette mesure a été très populaire car Ankara a réduit les salaires des mercenaires syriens envoyés en Libye.

Il y a un autre aspect qui est très inquiétant, non seulement pour la Russie mais aussi pour l’Asie Centrale. Selon l’ancien Ministre des Affaires Étrangères du Haut-Karabakh, l’Ambassadeur Extraordinaire Arman Melikyan, des mercenaires utilisant des cartes d’identité azéries délivrées à Bakou pourraient être en mesure de s’infiltrer au Daghestan et en Tchétchénie et, via la Mer Caspienne, d’atteindre Atyrau au Kazakhstan, d’où ils peuvent facilement rejoindre l’Ouzbékistan et le Kirghizstan.

C’est le cauchemar ultime de l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS) – partagée par la Russie, la Chine et les « stans » d’Asie Centrale : une terre – et une mer (Caspienne) – djihadiste, pont du Caucase jusqu’en Asie Centrale, et même jusqu’au Xinjiang.

Quel est l’intérêt de cette guerre ?

Que se passe-t-il ensuite ? Une impasse presque insurmontable, comme l’explique M. C :

  1. « Les pourparlers de paix ne vont nulle part parce que l’Arménie refuse de bouger (de se retirer de l’occupation du Haut-Karabakh plus 7 régions environnantes par phases ou d’un seul coup, avec les garanties habituelles pour les civils, et même les colons – à noter que lorsqu’ils sont entrés au début des années 1990, ils ont nettoyé ces terres de littéralement tous les Azerbaïdjanais, soit entre 700 000 et 1 million de personnes) ».
  2. Aliyev avait l’impression que Pashinyan « était prêt à faire des compromis et a commencé à préparer son peuple, puis il a eu l’air stupide de n’avoir rien fait ».
  3. « La Turquie a clairement fait savoir qu’elle soutiendrait l’Azerbaïdjan sans condition, et a traduit ces paroles en actes ».
  4. « Dans de telles circonstances, la Russie a été surpassée – en ce sens qu’elle a pu arbitrer la confrontation entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, en aidant à la médiation de pourparlers qui n’ont abouti à rien préservant le statu quo qui en réalité favorisait l’Arménie ».

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Et cela nous amène à la question cruciale. Quel est l’intérêt de cette guerre ?

M. C : « Il s’agit soit de conquérir le plus possible avant que la « communauté internationale » [dans ce cas, le Conseil de Sécurité des Nations Unies] n’appelle/exige un cessez-le-feu, soit de le faire pour relancer des pourparlers qui mènent réellement à des progrès. Dans un cas comme dans l’autre, l’Azerbaïdjan finira par gagner et l’Arménie par perdre. On ignore dans quelle mesure et dans quelles circonstances (le statut et la question du Haut-Karabakh sont distincts de ceux des territoires occupés par l’Arménie autour du Haut-Karabakh) : c’est-à-dire sur le champ de bataille ou à la table des négociations ou une combinaison des deux. Quoi qu’il en soit, l’Azerbaïdjan pourra au moins conserver le territoire qu’il a libéré au cours de la bataille. Ce sera le nouveau point de départ. Et je pense que l’Azerbaïdjan ne fera aucun mal aux civils arméniens qui resteront. Ils seront des libérateurs modèles. Et ils prendront le temps de ramener les civils azerbaïdjanais (réfugiés/IDP) dans leurs foyers, en particulier dans les zones qui deviendraient mixtes à la suite du retour ».

Que peut donc faire Moscou dans ces circonstances ? Pas grand-chose, « sauf intervenir en Azerbaïdjan proprement dit, ce qu’ils ne feront pas (il n’y a pas de frontière terrestre entre la Russie et l’Arménie ; ainsi, bien que la Russie ait une base militaire en Arménie avec un ou plusieurs milliers de soldats, elle ne peut pas simplement fournir à l’Arménie des armes et des troupes à volonté, compte tenu de la géographie) ».

Il est essentiel que Moscou privilégie le partenariat stratégique avec l’Arménie – qui est membre de l’Union Économique Eurasiatique (EAEU) – tout en surveillant méticuleusement tous les mouvements de la Turquie, membre de l’OTAN : après tout, ils sont déjà dans des camps opposés en Libye et en Syrie.

Ainsi, pour le moins, Moscou marche sur le fil du rasoir géopolitique. La Russie doit faire preuve de retenue et investir dans un équilibrage soigneusement calibré entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan ; elle doit préserver le partenariat stratégique entre la Russie et la Turquie ; et elle doit être attentive à toutes les tactiques américaines possibles de division et de domination.

Au cœur de la guerre d’Erdogan

Donc, au final, ce serait encore une autre guerre d’Erdogan ?

L’incontournable analyse « Suivez l’argent » nous dirait, oui. L’économie turque est un véritable désastre, avec une forte inflation et une monnaie qui se déprécie. Bakou dispose d’une abondance de fonds pétroliers et gaziers qui pourraient devenir facilement disponibles – ce qui s’ajoute au rêve d’Ankara de faire de la Turquie un fournisseur d’énergie.

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M. C ajoute que l’ancrage de la Turquie en Azerbaïdjan entraînerait « la création de bases militaires turques à part entière et l’inclusion de l’Azerbaïdjan dans l’orbite d’influence turque (la thèse « deux pays – une nation », dans laquelle la Turquie assume la suprématie) dans le cadre du néo-ottomanisme et du leadership de la Turquie dans le monde turcophone ».

Ajoutez à cela l’angle de l’OTAN, qui est très important. M. C voit essentiellement Erdogan, avec l’aide de Washington, sur le point de faire une poussée de l’OTAN vers l’est tout en établissant ce canal djihadiste immensément dangereux vers la Russie : « Ce n’est pas une aventure locale d’Erdogan. Je comprends que l’Azerbaïdjan est en grande partie un pays d’Islam chiite et cela va compliquer les choses mais ne rendra pas son aventure impossible ».

Ceci est totalement lié à un rapport notoire de RAND Corporation qui détaille explicitement comment « les États-Unis pourraient essayer d’inciter l’Arménie à rompre avec la Russie » et « encourager l’Arménie à entrer pleinement dans l’orbite de l’OTAN ».

Il est plus qu’évident que Moscou observe toutes ces variables avec un soin extrême. Cela se reflète, par exemple, dans la manière dont l’irrépressible porte-parole du Ministère des Affaires Étrangères, Maria Zakharova, a présenté, en début de semaine, un avertissement diplomatique très sérieux : « La destruction d’un SU-25 arménien par un F-16 turc, comme le prétend le Ministère de la Défense en Arménie, semble compliquer la situation, puisque Moscou, sur la base du traité de Tachkent, est obligé d’offrir une assistance militaire à l’Arménie ».

Il n’est pas étonnant que Bakou et Erevan aient compris le message et nient fermement tout ce qui s’est passé.

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Le fait essentiel reste que tant que l’Arménie proprement dite n’est pas attaquée par l’Azerbaïdjan, la Russie n’appliquera pas le traité de l’OTSC et n’interviendra pas. Erdogan sait que c’est sa ligne rouge. Moscou a tout ce qu’il faut pour le mettre dans le pétrin – comme en coupant l’approvisionnement en gaz de la Turquie. Pendant ce temps, Moscou continuera d’aider Erevan en lui fournissant des informations et du matériel – en provenance d’Iran. La diplomatie est la règle, et l’objectif ultime est un nouveau cessez-le-feu.

Attirer la Russie à nouveau

M. C avance la forte possibilité – et j’ai entendu des échos de Bruxelles – que « l’UE et la Russie trouvent une cause commune pour limiter les gains de l’Azerbaïdjan (en grande partie parce qu’Erdogan n’est le favori de personne, non seulement à cause de cela mais à cause de la Méditerranée Orientale, de la Syrie, de la Libye) ».

Cela met en évidence l’importance renouvelée du Conseil de Sécurité des Nations Unies dans l’imposition d’un cessez-le-feu. Le rôle de Washington en ce moment est assez intriguant. Bien sûr, Trump a des choses plus importantes à faire en ce moment. En outre, la diaspora arménienne aux États-Unis est très favorable à la démocratie.

Et puis, pour résumer, il y a la relation Iran-Arménie, qui est très importante. Voici une tentative énergique pour la mettre en perspective.

Comme le souligne M. C, « l’Iran favorise l’Arménie, ce qui est contre-intuitif à première vue. Les Iraniens peuvent donc aider les Russes (en canalisant les approvisionnements), mais d’un autre côté, ils ont de bonnes relations avec la Turquie, notamment dans le domaine de la contrebande de pétrole et de gaz. Et s’ils se montrent trop ouverts dans leur soutien, Trump a un casus belli pour s’impliquer et les Européens n’aiment peut-être pas se retrouver du même côté que les Russes et les Iraniens. Ça se présente mal. Et les Européens détestent avoir l’air mauvais ».

Nous en revenons inévitablement au fait que tout ce drame peut être interprété dans la perspective d’un coup géopolitique de l’OTAN contre la Russie – selon un certain nombre d’analyses circulant à la Douma.

L’Ukraine est un trou noir absolu. La Biélorussie est dans l’impasse. Le Covid-19. Le cirque naval. La « menace » pour le projet Nord Stream-2.

Attirer à nouveau la Russie dans le drame Arménie-Azerbaïdjan, c’est tourner l’attention de Moscou vers le Caucase pour qu’il y ait plus de liberté d’action turque dans les autres théâtres – en Méditerranée Orientale contre la Grèce, en Syrie, en Libye. Ankara – bêtement – est engagée dans des guerres simultanées sur plusieurs fronts, et avec pratiquement aucun allié.

Cela signifie qu’encore plus que l’OTAN, monopoliser l’attention de la Russie dans le Caucase pourrait être profitable à Erdogan lui-même. Comme le souligne M. C, « dans cette situation, le levier/ »atout » du Haut-Karabakh aux mains de la Turquie serait utile pour les négociations avec la Russie ».

Pas de doute : le sultan néo-ottoman ne dort jamais.

Pepe Escobar

source : https://asiatimes.com

traduit par Réseau International

samedi, 03 octobre 2020

Objectifs stratégiques derrière la guerre contre l’Arménie

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Objectifs stratégiques derrière la guerre contre l’Arménie

Par Moon of Alabama

Dimanche, Ilham Aliyev, le dictateur de longue date de l’Azerbaïdjan, a lancé une guerre contre la région du Haut-Karabakh tenue par les Arméniens. Le fait qu’il ait osé le faire maintenant, 27 ans après qu’un cessez-le-feu a mis fin à une guerre dans la région, est un signe que la situation stratégique plus large a changé.

Lorsque l’Union soviétique s’est effondrée, la région du Haut-Karabakh avait une population mixte de musulmans chiites azerbaïdjanais – également appelés azéris – et de chrétiens arméniens. Comme dans d’autres anciennes républiques soviétiques, la diversité ethnique est devenue problématique lorsque les nouveaux États ont évolué. Les zones mixtes ont été disputées et l’Arménie a gagné la région du Haut-Karabakh. Il y a eu depuis plusieurs escarmouches aux frontières et petites guerres entre les deux adversaires mais l’intensité des combats est maintenant beaucoup plus élevée qu’auparavant.

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Source : Joshua Kushera – Agrandir

En 2006, Yasha Levine a écrit sur sa visite au Haut-Karabakh pour The Exile.

Il a décrit les adversaires inégaux :

En 1994, les Arméniens ont gagné et forcé l'Azerbaïdjan à un cessez-le-feu. 
Entre-temps, le Haut-Karabakh s'est organisé en un pays souverain [appelé Artsakh]
avec sa propre armée, des élus et un parlement. Mais il n’a toujours pas été
reconnu par aucun pays autre que l’Arménie et est toujours classé
comme l’un des «conflits gelés» de la région, avec les régions séparatistes
d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud en Géorgie. Mais ce «conflit gelé» pourrait bientôt s’échauffer, si vous en croyez ce que
dit le playboy, accro au jeu et président de l’Azerbaïdjan, Ilham Aliyev.
Non pas que les Azerbaïdjanais devraient être trop excités par une autre
guerre : si les Arméniens sont toujours les combattants qu’ils étaient il y
a dix ans, alors statistiquement, ce sont les Azéris qui compteront la plupart
des morts. Bien qu'ayant un nombre égal de soldats, les Azéris avaient
le double de la quantité d'artillerie lourde, de véhicules blindés et de
chars que les Arméniens ; mais quand ce fut fini, le nombre de pertes azéri
était trois fois plus élevé que celui des Arméniens. Les victimes azéries
s'élevaient à 17 000. Les Arméniens n'en ont perdu que 6 000. Et cela ne compte

pas les civils azéris restants que les Arméniens ont nettoyés ethniquement.

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Depuis l'ouverture de l'oléoduc Bakou-Ceyhan, d'une importance stratégique, 
pompant du pétrole de la mer Caspienne vers l'ouest via la Turquie, le
président azéri menace ouvertement de reprendre par la force le Haut-Karabakh.
Les 10 milliards de dollars de revenus pétroliers qu'il s'attend à gagner par an
une fois que l'oléoduc sera pleinement opérationnel lui montent à la tête.
10 milliards de dollars peuvent sembler peu élevés - mais pour l'Azerbaïdjan,
cela représente une augmentation de 30% du PIB. Dans chaque interview, Aliyev
ne peut même pas mentionner le projet de pipeline sans virer au sujet de la
«résolution»
du conflit du Haut-Karabakh. Aliyev a commencé à dépenser l'argent du pétrole avant même que celui-ci ne

commence à couler et a annoncé un doublement immédiat des dépenses militaires.
Un peu plus tard, il a annoncé le doublement de tous les salaires des militaires.
Les généraux d’Aliyev ne se privent pas de fanfaronner que l’année prochaine,
leur budget militaire sera de 1,2 milliard de dollars, soit la totalité du budget
fédéral de l’Arménie.

Au cours des 14 années suivantes, la guerre que Yasha Levine prévoyait en 2006 ne s’est pas produite. Le fait qu’elle ait été lancée maintenant indique un changement important. En juillet, une autre escarmouche à la frontière a éclaté pour des raisons encore inconnues. Puis la Turquie est intervenue :

À la suite du conflit de juillet, l’implication de la Turquie est devenue beaucoup 
plus importante qu’elle ne l’était auparavant, avec une rhétorique belliqueuse
sans précédent venant d’Ankara et des visites répétées de haut niveau entre les
deux parties. Ankara semblait voir le conflit Arménie-Azerbaïdjan comme une autre
arène dans laquelle exercer ses ambitions croissantes de politique étrangère, tout
en faisant appel à un bloc nationaliste et anti-arménien dans la politique intérieure
de la Turquie. L’adhésion plus étroite de la Turquie a à son tour donné à Bakou la confiance
nécessaire pour adopter une ligne plus ferme contre la Russie, le plus proche
allié de l’Arménie dans le conflit, mais qui maintient des liens étroits avec
les deux pays. L'Azerbaïdjan a fait l'objet de rapports très médiatisés - toujours
non confirmés - sur d'importantes expéditions d'armes russes en Arménie juste
après les combats, et le président Ilham Aliyev s'est personnellement plaint
à son homologue russe, Vladimir Poutine.

Le président turc Erdogan est intervenu avec plus que de la rhétorique :

En août, la Turquie et l'Azerbaïdjan ont achevé deux semaines d'exercices 
militaires aériens et terrestres conjoints, notamment dans l'enclave
azerbaïdjanaise de Naxcivan. Certains observateurs se sont demandé si
la Turquie avait laissé du matériel militaire ou même un contingent de troupes.

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Le potentiel d'une forte implication turque dans le conflit est surveillé de 
près par la Russie, qui est déjà du côté opposé au membre de l'OTAN dans les
conflits en Libye et en Syrie. La Russie vend des armes à la fois à l'Azerbaïdjan et à l'Arménie, mais possède
une base militaire en Arménie et favorise ce partenariat stratégique.

L’Azerbaïdjan a acheté des drones à la Turquie et à Israël et il y a des rumeurs selon lesquelles ils seraient pilotés par des personnels turcs et israéliens. La Turquie a également embauché 2 000 à 4 000 djihadistes sunnites de Syrie pour se battre au côté de l’Azerbaïdjan chiite. Une douzaine d’entre eux ont déjà été tués pendant le premier jour de la guerre. On se demande combien de temps ils accepteront d’être utilisés comme chair à canon par des chiites, par ailleurs détestés.

Il y avait d’autres rumeurs selon lesquelles il y aurait des avions de combat turcs en Azerbaïdjan tandis que des avions d’espionnage turcs scrutaient l’espace aérien au-dessus de l’Arménie depuis sa frontière occidentale.

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Source : IWN News –Agrandir

L’objectif immédiat de la guerre en Azerbaïdjan est de prendre les deux districts de Fizuli et Jabrayil dans le coin sud-est du territoire possédé par les Arméniens :

Alors que le cœur du conflit entre les deux parties est le territoire du Haut-Karabakh, 
Fuzuli et Jabrayil sont deux des sept districts entourant le Karabakh que les forces
arméniennes occupent également. Ces districts, qui étaient presque entièrement peuplés
d’Azerbaïdjanais avant la guerre, abritaient la grande majorité des plus de
600 000 Azerbaïdjanais déplacés dans le conflit. Bien que les Arméniens se soient installés modestement dans certains des territoires
occupés, Fuzuli et Jabrayil restent presque entièrement non peuplés.

Les deux districts ont de bonnes terres agricoles et l’Arménie, déjà pauvre, voudra les conserver. Elle se battra certainement férocement à ce sujet.

La guerre n’a pas bien progressé pour l’Azerbaïdjan. Il a déjà perdu des dizaines de chars (vidéo) et des centaines de soldats. L’accès à internet dans le pays a été complètement bloqué pour masquer les pertes.

Les pertes n’empêchent pas les scribes d’Erdogan de crier déjà victoire :

Défendre l'Azerbaïdjan, c'est défendre la patrie. C'est notre identité politique et 
consciente. Notre esprit géopolitique et nos stratégies de défense ne sont pas
différents. Souvenez-vous toujours que «patrie» est un concept très large pour nous ! Nous ne faisons pas une simple exagération lorsque nous disons que «l’Histoire a
été réinitialisée»
. On attend aussi une victoire du Caucase lui-même !

Bon …

Il y a une heure, le gouvernement arménien a déclaré que la Turquie avait abattu l’un de ses avions :

L'Arménie affirme que l'un de ses avions de combat a été abattu par un avion turc, 
dans une escalade majeure du conflit dans la région contestée du Haut-Karabakh. Le ministère des Affaires étrangères arménien a déclaré que le pilote du SU-25
de fabrication soviétique était mort après avoir été touché par le F-16 turc dans
l'espace aérien arménien. La Turquie, qui soutient l'Azerbaïdjan dans le conflit, a nié cette allégation. ... L'Azerbaïdjan a déclaré à plusieurs reprises que son armée de l'air ne disposait
pas d'avions de combat F-16. Cependant, la Turquie en a.

Une attaque turque à l’intérieur des frontières arméniennes déclencherait le traité de sécurité collective qui oblige la Russie et d’autres à défendre l’Arménie.

Une entrée russe dans la guerre donnerait à Erdogan un sérieux mal de tête.

Mais ce n’est peut-être même pas son pire problème. L’économie turque se contracte, la Banque centrale n’a plus que peu de devises fortes, l’inflation est forte et la livre turque continue de baisser. Aujourd’hui, elle a atteint un nouveau record de baisse.

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Source : Xe – Agrandir

L’Azerbaïdjan a pas mal d’argent provenant du pétrole et pourrait peut-être aider Erdogan. L’argent peut en effet faire partie de la motivation d’Erdogan à prendre part à cette guerre.

La Russie ne sautera certainement pas la tête la première dans le conflit. Elle sera très prudente pour ne pas s’étendre excessivement et tomber ainsi dans un piège américain.

L’année dernière, la RAND Corporation, financée par le Pentagone, a publié un rapport exposant des plans contre la Russie :

S'appuyant sur des données quantitatives et qualitatives provenant de sources 
occidentales et russes, ce rapport examine les vulnérabilités et les inquiétudes
économiques, politiques et militaires de la Russie. Il analyse ensuite les options
politiques potentielles pour les exploiter - idéologiquement, économiquement,
géopolitiquement et militairement - y compris les options aériennes et spatiales,
maritimes, terrestres et multi-domaines.

Parmi les options, le rapport a discuté de l’extension de la Russie (pdf) dans le Caucase :

Les États-Unis pourraient étendre le conflit à la Russie dans le Caucase de 
deux manières. Premièrement, les États-Unis pourraient faire pression pour
une relation de l'OTAN plus étroite avec la Géorgie et l'Azerbaïdjan, conduisant
probablement la Russie à renforcer sa présence militaire en Ossétie du Sud,
en Abkhazie, en Arménie et dans le sud de la Russie. Alternativement, les États-Unis pourraient essayer d'inciter l'Arménie à rompre
avec la Russie. Bien que partenaire russe de longue date, l'Arménie a également
développé des liens avec l'Occident: elle fournit des troupes aux opérations
dirigées par l'OTAN en Afghanistan et elle est membre du Partenariat pour la paix
de l'OTAN, et elle a également récemment accepté de renforcer ses liens politiques
avec l'UE. Les États-Unis pourraient essayer d'encourager l'Arménie à entrer
pleinement dans l'orbite de l'OTAN. Si les États-Unis réussissaient dans cette politique, la Russie pourrait être
contrainte de se retirer de sa base militaire à Gyumri et d'une base militaire
et aérienne près d'Erevan - actuellement louée jusqu'en 2044 - et de détourner
encore plus de ressources vers son district militaire du sud.

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Le rapport RAND ne donne à ces options qu’une faible chance de réussir. Mais cela ne signifie pas que les États-Unis n’essaieront pas de créer des problèmes supplémentaires dans le sud de la Russie. Ils ont peut-être donné à leur allié de l’OTAN, la Turquie, un signal indiquant que cela ne les dérangerait pas qu’Erdogan donne un coup de main à Aliyev et se lance dans une autre guerre contre la Russie.

À moins que le cœur de l’Arménie ne soit sérieusement attaqué, la Russie restera probablement sur la touche. Elle aidera l’Arménie avec des renseignements et des équipements acheminés via l’Iran. Elle continuera de parler avec les deux parties et tentera d’arranger un cessez-le-feu.

Presser l’Azerbaïdjan dans ce but nécessitera d’abord quelques succès arméniens importants contre les forces d’invasion. Il y a trente ans, les Arméniens se sont révélés être de bien meilleurs soldats que les Azéris. De ce que l’on peut glaner sur les médias sociaux, cela semble toujours être le cas. Ce sera l’élément décisif pour l’issue de ce conflit.

Moon of Alabama

Traduit par jj, relu par Wayan pour le Saker Francophone

mardi, 29 septembre 2020

Escalation in Nagorno-Karabakh: The Eurasian perspective

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Escalation in Nagorno-Karabakh: The Eurasian perspective

 
Ex: https://www.geopolitica.ru

On September 27, a new round of escalation of the conflict in Nagorno-Karabakh began. As the Azerbaijani Defense Ministry reported, in response to shelling Azerbaijani villages with artillery and mortars from Armenian side, the country's army launched a counteroffensive operation. It is reported that Azerbaijani troops have moved deep into the territories controlled by Armenian formations and seized a number of settlements.

Martial law has been introduced in Armenia and general mobilization has been announced. The Armenian side accuses the Azerbaijani military of shelling populated areas. In turn, Baku claims that the authorities of Armenia and the unrecognized NKP (Nagorno-Karabakh Republic) themselves put the civilian population at risk.

President of Azerbaijan Ilham Aliyev addressed the people of the country and expressed readiness to finally put an end to the Nagorno-Karabakh problem.

The current aggravation of the military conflict in Nagorno-Karabakh is the most acute since the "four-day war" in April 2016, when Azerbaijan managed to regain up to 20 square kilometers of territory along the line of contact with Armenian troops.

The roots of the conflict

The conflict in Nagorno-Karabakh has been going on since the late 1980s. Traditionally, for at least the last 100 years, relations between the Armenian and Azerbaijani communities in Transcaucasia have been strained during periods of weakening the geopolitical power that held control over the region. It was so during the Armenian-Azerbajani massacres of 1905-1906, that coincided with the First Russian Revolution and during the Civil War in Russia.

The era of Perestroika led to the renewal of centrifugal tendencies and the blossoming of both Azerbaijani (Turkic) and Armenian nationalisms. The very idea of building nation-states in the region, where both peoples historically lived intermittently as part of empires, could not but lead to a war accompanied by ethnic cleansing.

Specifically in Nagorno-Karabakh, the Armenian community proclaimed the creation of its own state with the prospect of joining Armenia. As a result, a war broke out that ended with the signing of an armistice in 1994. Azerbaijanis were expelled from Nagorno-Karabakh. In turn, almost the entire Armenian community of Azerbaijan also left the country.

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Now the only diplomatic format for conflict resolution is the OSCE Minsk Group, co-chaired by Russia, USA and France.

At the same time, all peace initiatives have reached a deadlock. Over the past 10 years the so-called "Kazan formula" has been discussed in the expert community, and since 2016 the so-called "Lavrov plan": Russia's proposals to start de-escalation of the conflict.

The "Kazan formula" referred to Armenia's exchange of the seven occupied districts of Azerbaijan around Nagorno-Karabakh for the end of the economic blockade by Baku. These seven districts make up the so-called Nagorno-Karabakh Security Belt, where there is virtually no population.  The second initiative concerned five of the seven districts, leaving the unrecognized NKP to have a land corridor for communication with Armenia.

However, as pro-Western politician Nikol Pashinyan came to power in Yerevan after colored revolution, the Armenian side refused this compromise.

zaAAkjtj.jpgPashinyan's factor

In 2018, a liberal politician Nikol Pashinyan became the Prime Minister of Armenia. Previously, he was a member of parliament from the "Yolk" bloc, which advocated Armenia's withdrawal from the structures of the Eurasian economic integration.

The new Prime Minister of Armenia took a double stance on Nagorno-Karabakh. On the one hand, he provoked Azerbaijan by advocating direct negotiations between Stepanakert and Baku, which the Azerbaijani authorities could not do. On the other hand, he entered into a political conflict with the NKP leadership related to the Armenian leader Serzh Sargsyan, who was deposed in Yerevan in 2018 as a result of protests.

Pashinyan also entered into a conflict with the Armenian Diaspora in Russia, initiating criminal proceedings against his political opponents. One of them was the former president of Armenia and the first president of the unrecognized NKP, Robert Kocharyan, who when he had been the leader of the country had established good personal ties with Vladimir Putin. At the same time, representatives of Western liberal foundations and NGOs came to Armenia's governing structures under Pashinyan.

It is possible that this factor also played a role in Azerbaijan's decision to solve the Nagorno-Karabakh problem by force: Pashinyan refused to compromise, while complicating relations with Russia. Baku may well have thought that Moscow would not stand up for Pashinyan, who has accumulated many questions.

The Turkish factor

For a long time, the Nagorno-Karabakh conflict remained a time-bound mine that could blow up the region. The reason why the Nagorno-Karabakh conflict is so important is that major regional powers may be drawn into it, primarily Russia (on Armenia's side as a CSTO ally) and Turkey (as a traditional ally of Azerbaijan).

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Turkey, represented by President Recep Tayyip Erdogan and numerous officials has already announced full support of Azerbaijan by all possible means. After clashes on the Armenian-Azerbaijani border in July 2020, Ankara and Baku held a series of joint exercises, including near the border with Armenia.

The foreign and Russian media reported on the possible transfer of pro-Turkish fighters from Syria to Azerbaijan ("Sultan Murad Division"). Besides Syria itself, Turkish private military company SADAT uses this contingent in the Libyan campaign.  Armenian Ambassador to Russia Vardan Toganyan also accused Ankara of sending 4 thousand militants to Azerbaijan.

If the reports about Syrian fighters are at least partly true, Ankara's activity in the Karabakh direction may be due not only to the desire to help the "brothers" of Azerbaijanis, but also to pressure Russia near its borders to make concessions both in Syrian and Libyan directions.

However, Turkey's large-scale involvement in the conflict contradicts Ankara's objective geopolitical interests.

The prospect of a clash with Russia collapses the complex system of negotiations and force balancing that Moscow and Ankara have been building in recent years. Despite the tactical contradictions and support of various parties in specific conflicts in Syria and Libya, this system has effectively isolated other players, primarily Western countries led by the United States. According to the Western think tanks, Turkey and Russia have become the main forces in Syria and Libya.

Economic and energy projects, primarily "Turk Stream", are also mutually beneficial for Russia and Turkey. On the contrary, it is important for Washington to undermine this project as well as “Nord Stream-2”.

If Ankara is dragged into an open conflict with Moscow over Nagorno-Karabakh, Turkey will find itself in a situation similar to that of the Russian Su-24 in November 2015. It will lose an important partner, but it will not get the appreciation of the West (especially given the activity of the Armenian lobby in the United States and European countries).

Atlanticist trap

Russia maintains allied relations with Armenia, and the only Russian military base in Transcaucasia is now located in Armenia - in Gyumri. However, Azerbaijan is Russia’s important geopolitical and economic partner. Moscow is least interested in a large-scale conflict in the region.

Moreover, whatever position it takes if the conflict turns into a full-scale war, Russia is in a position of a loser.

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If Moscow supports Yerevan in the conflict, it will lose Azerbaijan and the North-South Corridor project, which should connect Russia with Iran and India, will collapse. NATO bases could emerge in the Caspian Sea.

Refusal to support Yerevan threatens Armenia's withdrawal from Eurasian integration structures. In that case, the Russian military will have to leave Armenia and the Americans will take their place. Armenia's neighborhood with Iran is an additional motivating factor.

Turkey's possible protests do not count, as the Americans have already had experience of being in Syria, near the Turkish birders, supporting the anti-Turkish Kurdish forces, that Ankara considers terrorist. And such a hostile behavior did not lead to the serious consequences for the American side.

Finally, we cannot rule out the possibility of American or European "peacekeepers" appearing in the conflict zone.

It is the Atlantic Pole that benefits from the large-scale war in the region from extra-regional forces.

It is in the U.S. interests to turn Russia and Turkey against each other. The Americans are interested in two forces challenging the unipolar world order to fight each other, not against the US hegemony. Diverting attention from both Russians and Turks to Nagorno Karabakh will allow Americans to dramatically increase their influence in Syria, Libya, the Eastern Mediterranean as a whole, and other regions where Moscow and Ankara have become visible.

It is indicative that activation of the conflict in Nagorno-Karabakh coincided with other strikes of the Atlantists in the "Great War of Continents": riots in Belarus and pressure on Germany to abandon the "Nord Stream-2" ("Poisoning of Alexei Navalny ").

It is in the interest of the Eurasian Geopolitical Pole to do everything so that the scenario of Atlantic revenge does not materialize and the conflict is ended as soon as possible.

At that, a goal should be set to eliminate all networks of Atlantic influence in the region, both in Armenia and Azerbaijan, as well as in Russia and Turkey. Interference of extra-regional forces into the conflict should be stopped.

The OSCE Minsk Group has proven to be completely unsuitable. It serves as a tool to legitimize American and European interference in the region. The choice of the co-chairmen of the group based on the principle of representing the world's largest Armenian Diasporas is also doubtful. This causes Azerbaijan's distrust.

Besides Armenia and Azerbaijan, the conflict directly affects such powers as Russia, Iran and Turkey. In Syria, these three powers were able to implement a more effective negotiation mechanism - the Astana format, which significantly reduced the destructive influence of the West and the Persian Gulf countries.  It is time to talk about the Astana format on Nagorno Karabakh issue.

 

mardi, 15 octobre 2019

Potential military action against Iran and the Nagorno-Karabakh conflict

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Potential military action against Iran and the Nagorno-Karabakh conflict

 
Dr. David Shahnazaryan
 

The purpose of this article is not to analyze the situation around Iran and all the possible scenarios.We just would like to present some considerations in view of the dangerous developments around the Islamic Republic, as Washington and Tehran remain locked in the ongoing standoff with no end in sight.

Despite some recent positive trends and moves,which have reduced the risk of a possible military action against Iran, the situation around the Islamic Republic remains quite explosive. U.S. attempts to put together a new coalition of nations to counter what it sees as a renewed maritime threat from Iran, the deployment of warships in the Persian Gulf, the seizure of oil tankers and destruction of military drones have created a situation, when hostilities are more likely to betriggered by the so-called ‘war by accident’, rather than by a political decision of one of the major involved partis.

Given the large number of key players and stakeholders in this process, involving both public and non-public actors, it is not ruled out that one of the players may attempt to provoke a hostility that could be portrayedas ‘war by accident’.

In case of the worst possible scenario –if hostilities and war breakout – it is obvious that ground operation against Iran is practically impossible, first of all, because of geography–we mean mountain ranges along some of its border, deserts in the east,swamps in the south  and Turkey in the east that would not let US troops use its land to invade Iran.

But it is also evident that the geography of the military operation theater would expand significantly across the region. Military operations may embracecountries that would be involved in war inadvertently. As a result, the number of nations involved in hostilities would increase dramatically and the hostilities would extend throughout the Middle East- from Syria to the UAE, from Iran to Saudi Arabia, and so on.

In the event of hostilities against  Iran, it is more than likely that it would take Tehran from four to six months to developa nuclear weapon.Some experts are tendingto consider the situation around the Islamic Republic to be much more complicated than the Caribbean Crisis, saying the latter involved two partiesonly  and it was  much easier for them to seek a way out, while in the case of Iran, as already mentioned, the evident and non-evident key actors are many.

It is more than obvious that in the event of hostilities or war, it would be impossible to calculate all the scenarios, but one thing is clear: massive airstrikes against Iran would triggera large influx of refugees from that country. Most likely, Turkey would close its borders, and those flows would head north to the borders with Armenia and Azerbaijan.

This would pose a serious threat not only to Armenia and Azerbaijan but also to Russia. Some Russian military experts have already argued that Russia would have to increase and consolidate the number of its frontier troops on the Armenia-Iran border, take also control of Azerbaijan-Iran border, as well as the actual border between Nagorno-Karabakh and Iran.

In the event of such developments, it may be difficult for Azerbaijan to sit on different geopolitical chairs at the same time and official Baku would be more likely to allow  Russia to take control of its  border with Iran (including its exclave Nakhichevan) as the large flow of refugeeswould become a source of serious domestic political instability.

The hostilities against Iranwould produce no winners, neither military nor political. All would lose. But there is no doubt that Russia would get the biggest political dividends, and maybe China as well. Possible hostilities against Iran would greatly enhance Russia’s role and none other than Moscow could assume the part of a mediator. China might also show assistance to Moscow.

The Russia-Iran relations are already acquiring strategic allied qualities. As evidence,we can point out the recently signed agreement on expanded military cooperation between Iran and Russia. Iran is pursuing closer ties with the Russia-led Eurasian Economic Union (EEU). The sides are completing a set of procedures necessary for the entry into force of aninterim agreement establishing a free trade zone between Iran and the EEU, which is to begin operatingstaring October 27, 2019.

Given Turkey’s growing multilateral cooperation with Russia, it is safe to say that the Moscow-Ankara-Tehran triangle will become decisive, with Russia gaining significant influence in it. Thistrilateral cooperation may have a different meaning and impact, also in a variety of processes in a much larger region.

 Potential military action against Iran and the Nagorno-Karabakh conflict

Opportunities and potential scenarios ofhow interests and influences may change in the Middle East are a subject of constant discussions  in the context of Iran-related  developments, while the South Caucasus, where there are big conflict-generating  potential and  serious factors threatening  stability and security, and first of all, the Nagorno-Karabakh (NK)conflict, as a rule, is being ignored. The negotiation process under the auspices of the OSCE Minsk Group co-chairing countries – Russia, the United States and France –is now in a stalemate.

Given the bellicose, belligerent rhetoric, resumed after a pause by Azerbaijani president and some other top officials, as well as Armenian prime minister’s contradicting speeches along with his defense minister’s statements containing  aggressive elements, it is not ruled out that in the event of a possible large military action against  Iran,Azerbaijan may try to resort to hostilities in Nagorno-Karabakh presenting it as a justified response to contradicting and incomprehensive statements, even to the OSCE Minks Group co-chairs, coming from the current Armenian authorities, and their short-sighted policy.

 

It should be noted that significant changes have taken place in the NKconflict negotiation process under the auspices of the OSCE Minsk Group co-chairing countries. After the so-called ‘four-day war’ in 2016 April, thefocus in the discussions was placed exclusively on the ways to ease tensions and on the OSCE Minsk Group co-chairs proposals to maintain the ceasefire agreement, signed back on May 12, 1994.

They include the deployment of a larger OSCE monitoring group on the contact line, the installation of special electronic equipment to record ceasefire violations along the line of contact, and the creation of mechanisms for an international investigation of ceasefire breaches by the sides of the NKconflict. Azerbaijan has so far refused to accept these proposals of the OSCE Minsk Group co-chairing countries, ignoring the mediators’ calls.

After the change of power in Armenia in April-May 2018,these issues were pushed out from the negotiation agenda, and are no longer mentioned in the OSCE Minsk Group co-chairs’ official statements. By the way, starting in 2013 and until 2016, these proposals werepresented to the conflicting parties as a demand.

Instead, the focus in the discussions in the negotiation process shifted to the conflict settlement issues, which obviouslyis not promising, and that is why, as mentioned above, the negotiations have appeared in an uncertain, almost deadlocked situation.

Such a change in the agenda seems to satisfy Azerbaijan, and the current deadlock does not, to put it mildly, contribute to the maintenance of the ceasefire by the parties to the NKconflict, which, by the way, is their international obligation.

t should be noted that while earlier the mediators considered the conflict management, ceasefire and security maintenance to be their task, now after the famous ‘elevator’ verbal agreement reached between Pashinyan and Aliyev on September 28, 2018, in Dushanbe, to open a direct Armenian-Azerbaijani communication line,the ceasefire maintenance has shifted to the Pashinyan-Aliyev format.This change has been already stated in the OSCE Minsk Group co-chairs’ statements. These realities have significantly diminished the role of mediators in maintaining the ceasefire and restraining the rise of tensions.

Now it will be quite difficult, almost impossible in this situation to persuade Azerbaijan, or force it to return to the previous agenda, as the Azerbaijani authorities have got an opportunity to ignore the agenda that was not benefiting them.In case of an outbreak of hostilities in NK conflict, the active involvement of new political players, in the first place of Russiaand also the US, Turkey and Iran, would becomeinevitable.

Can OSCE Minsk Group co-chairing countries establish stability on the line of contact in the Nagorno-Karabakh conflict zone without the consent of parties of the conflict?

Azerbaijan has consistently opposed proposals to reduce the tension on the line of contact. The implementation of these measures can only be achieved with the consent of theparties of NKconflict. However, the OSCE Minsk Group co-chairing states have the opportunity to make the situation in the NKconflict zonemanageable and stable without the consentof the conflicting parties.

Given the fact that the OSCE Minsk Group co-chairing states – Russia, the United States and France – are permanent members of the UN Security Council, and are the most important geopolitical centers, all three technically are capable of establishing satellite control over the contact line, and as amatter of fact,they use this opportunity regularly to follow all the movements and changes on the line of contact in the NKconflict zone.

Consequently, these three mediating states can exercise political will and, without the consent of the parties to the conflict, come out with a joint official statementto say that they will exchange information regularly from satellite monitoring and will periodically discussand  analyze all the changes in the military situation in the conflict zone and possible undesirable developments.

The exchange of satellite monitoring information, discussions and analyses among the OSCE Minsk Group co-chairing states could serve as a serious deterrent to offensive plans of the sides to the conflict. Such a form of cooperation will substantially reduce the risk of resumption of large-scale hostilities and will become a strong positive impetus for furthering the NKpeace process.

At present, there are threats to global security in the region, and potential hostilities against Iran may spur a new war in Nagorno-Karabakh, and on the contrary, the outbreak of hostilities in NKconflict zone may trigger an escalation of the tension around Iran.In this context, the task of de-escalating and reducing the risk of new large-scale hostilities in the NKconflict zone is becoming more relevant for the wide regionMiddle East-South Caucasus.

Dr. David Shahnazaryan,

Ambassador Extraordinary and Plenipotentiary, Ambassador of the President of Armenia on Special Missions and Special Representative of the President of Armenia 1992-1995, the Head of the National Security 1994-1995, former two-term deputy in the Armenian parliament from 1991-1995 and 1995-1999.

lundi, 11 avril 2016

Der Konflikt in Berg-​Karabach

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Der Konflikt in Berg-​Karabach

von Robin Classen

Ex: http://www.blauenarzisse.de

Lernajin Gharabagh, zu deutsch „gebirgiger schwarzer Garten“, heißt die Region Berg-​Karabach auf armenisch. Sie war schon immer recht inhomogen und jetzt kracht es dort erneut.

Die etwa 11.500 Quadratkilometer große Gebirgsregion wird heute von rund 147.000 christlichen Armeniern bewohnt, die die Region für einen unabhängigen Staat halten und auch als solchen führen.

Ebenso wie alle anderen Staaten der Weltgemeinschaft, die Vereinten Nationen und der Europarat hat auch Armenien die Region allerdings noch nicht als Staat anerkannt. Völkerrechtlich wird sie als stabilisiertes De-​facto-​Regime angesehen. 1991 stimmten bei einem Referendum jedenfalls gerade einmal 24 von 108.000 Wählern gegen die Unabhängigkeit. Um für seine Rechte einzutreten, hat sich die „Republik Bergkarabach“ mit den russisch gesteuerten Separatistenstaaten Abchasien, Südossetien und Transnistrien zur „Gemeinschaft der nicht-​anerkannten Staaten“ zusammengetan.

Der Berg-​Karabach-​Konflikt entlud sich bereits 1992 in einem Krieg

Und in der Tat kann die Region sich darauf berufen, schon zu Zeiten der Sowjetunion den Status eines autonomen Gebietes innegehabt zu haben. Nachdem der Sowjetbolschewismus 1990 zusammenbrach, entflammte ein Streit zwischen den frisch gebackenen Staaten Armenien und Aserbaidschan um die Zugehörigkeit der Region. Die Folge ab 1992: Zwei Jahre lang gab es Krieg. Bis zu 50.000 Menschen starben, 1,1 Millionen vornehmlich muslimische Aserbaidschaner wurden aus der Region vertrieben, in der heute wohlgemerkt nur noch 147.000 Menschen leben.

Morde an Zivilisten durch beide Seiten und grausames Vorgehen von Milizen säte Hass, der heute noch in den Köpfen festsitzt. Armenische Truppen eroberten zudem auch weitere Provinzen, weswegen die heutige Republik Bergkarabach mit 11.500 Quadratkilometern wesentlich größer als die autonome Sowjetprovinz ist, die nur 4.400 Quadratkilometer verwaltete. Bei den zusätzlich annektierten Provinzen handelt es sich um strategisch wichtige Grenzregionen zum Iran, aber vor allem zum Protektor und großen Bruder Armenien, der heute noch mit 20.000 Soldaten die Waffenstillstandslinien wehrhaft hält. Dies ist angesichts immer wieder auftretender Grenzscharmützel mit Toten auf beiden Seiten und immer wiederkehrenden Kriegsdrohungen auch bitter nötig.

Russland verhält sich vorbildlich

Aserbaidschan hat mehrfach betont, den Status Quo nicht zu akzeptieren und notfalls militärisch eine Wiedereingliederung in das eigene Staatsgebiet anzustreben. Dass es dazu noch nicht gekommen ist, liegt vornehmlich an der in diesem Konflikt wirklich als vorbildlich zu bezeichnenden Rolle Russlands, welches tendenziell eher auf armenischer Seite steht, aber bereits seit 25 Jahren regelmäßig als unparteiischer Vermittler mit beiden Seiten Abkommen und Lösungsmöglichkeiten ausgearbeitet hat. Die Türkei, bei den Armeniern vor allem durch den Völkermord am armenischen Volk in Verruf, stand seit jeher wenig verwunderlicher Weise auf Seiten des Bruder-​Turkvolks der Aserbaidschaner.

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Historisch gesehen verfügt die Region über eine ähnlich wechselhafte Zugehörigkeit wie die Krim oder Israel, welche bekanntlich ebenfalls regelmäßig für Schlagzeilen sorgen. Ethnokulturell homogen war Berg-​Karabach wohl noch nie. Wie ein roter Faden zieht sich allerdings eine mal mehr, mal minder starke Präsenz christlich-​armenischer Kultur und Menschen durch seine Geschichte. Ab dem 8. Jahrhundert war die Region allerdings von wechselnden islamischen Völkern besetzt, was sich auch in der Ansiedlung einer entsprechenden Bevölkerung niederschlug.

Nach dem Russisch-​Persischen-​Krieg gelangte die Region 1805 jedoch unter russische Herrschaft, was zur Wiederansiedlung zehntausender Armenien führte. Ähnliches geschah nach dem Völkermord in und der Vertreibung der Armenier aus der Türkei. Immer wieder waren die Siedlungsbewegungen beider Seiten mit gewaltsamen Spannungen verbunden, sodass die viel kritisierte Aussage des ehemaligen armenischen Präsidenten Robert Kotscharjan, Armenier und Aserbaidschaner seien „ethnisch inkompatibel“, gewissermaßen durchaus der Wahrheit entspricht.

Die schlimmsten Auseinandersetzungen seit dem Waffenstillstand von 1994

Das letzte Aufflammen des Konflikts liegt nicht weit zurück: Im Sommer 2014 starben einige Soldaten auf beiden Seiten wegen Scharmützeln an der Grenze. Doch was nun am 2. April in der Region geschah, könnte mehr als nur ein Strohfeuer sein. Wie aus dem Nichts griff Aserbaidschan mit Panzern, Hubschraubern und Artillerie an und tötete 18 armenische Soldaten und ein armenisches Kind. Armenien will daraufhin fünf aserbaidschanische Panzer zerstört haben. Es war die schwerste bewaffnete Auseinandersetzung seit dem Waffenstillstand von 1994.

Für einen länger andauernden militärischen Konflikt spricht diesmal auch die weltpolitische Gesamtlage. Insbesondere das nördlich gelegene Russland und die westlich an Armenien grenzende Türkei könnten diesmal versucht sein, einen Stellvertreterkrieg zu führen. Seit dem Abschuss eines russischen Kampfjets durch die Türken sind die Beziehungen zwischen Russen und Türken angespannt wie seit langen Zeiten nicht mehr. Russland hat Tausende Soldaten in Armenien stationiert, aber seit jeher auch einen guten Draht zu Aserbaidschan gehalten, was die zentrale Rolle als unparteiischer Verhandlungsführer erst ermöglichte.

Doch der Preis war hoch: Zwischen 2010 und 2015 sind laut WELT die aserbaidschanischen Rüstungsimporte um mehr als 200 Prozent gestiegen – und die stammen hauptsächlich aus Russland. Wozu diese Waffen dienen sollten, hätte dem Kreml klar sein müssen. Ein 200 Millionen Dollar Kredit zum Kauf von russischen Waffen an den in der Eurasischen Union organisierten Verbündeten Armenien sollte wohl das Gleichgewicht wahren, doch wer Waffen kauft, wird diese irgendwann auch einmal einsetzen wollen.

Der NATO-​Russland-​Konflikt könnte eskalieren

Aserbaidschan würde dabei wohl Erdogans Rückendeckung genießen: Man werde das Land „bis zum bitteren Ende“ unterstützen, tönte der Irre von Ankara. „Wenn die armenischen Provokationen andauern, starten wir eine umfassende Operation auf der ganzen Länge der Front und setzen alle unsere Waffen ein“, verlautbarte derweil Aserbaidschan. Da die „armenischen Provokationen“ ohnehin nur in der Propaganda Aserbaidschans existieren, ist ein solcher offener Krieg nicht völlig ausgeschlossen. Deutschland sollte sich derzeit an den regional erfahrenen Verhandlungspartner Russland halten, dessen Außenminister binnen weniger Stunden Aserbaidschan immerhin zu einer Feuerpause bewegen konnte.

Sollte es zum offenen Konflikt kommen, so wäre wohl wegen der NATO-​Geiselhaft eher mit einer einseitigen Positionierung pro Aserbaidschan zu rechnen. Dies würde den Kalten Krieg mit Russland auf eine neue Stufe heben, denn Armenien ist nicht nur in dessen Eurasischer Union organisiert, sondern auch in der russisch dominierten „Organisation des Vertrags über kollektive Sicherheit“. Außerdem unterhält Russland in Armenien eine Militärbasis mit etwa 5.000 Soldaten.

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vendredi, 06 janvier 2012

Le système euro-atlantiste oppose son veto à l’indépendance du Nagorno-Karabakh

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“ALIENA”:

Le système euro-atlantiste oppose son veto à l’indépendance du Nagorno-Karabakh

Le nom de Stepanakert, actuelle capitale de la République du Nagorno-Karabakh (RNK), doit son nom au révolutionnaire bolchevique Stepan Chaumjan (1878-1918), originaire de Bakou et connu sous le sobriquet de “Lénine du Caucase”. En langue arménienne, cette république s’appelle “Lernayin Gharabagh” ou “Arts’akh”; “Nagorno Karabakh” est son nom en russe, où l’adjectif “nagorno” signifie “montagneux”. Cette région de 4400 km2 (elle est à peine plus grande que la province italienne de la Molise) se trouve dans le Caucase mériodional et s’est proclamée indépendante le 6 janvier 1992. Comme d’habitude, la communauté internationale adopte une politique de deux poids deux mesures quand il s’agit de reconnaître le statut juridique d’entités nouvelles s’étant constituées lors de la liquéfaction d’anciens Etats sur la masse continentale eurasienne. D’une part, le Kosovo a pu compter sur l’appui inconditionnel d’une grande majorité d’Etats occidentaux, malgré l’opposition de la Serbie. D’autre part, la RNK n’a pas connu de telles faveurs.

Pourtant, le référendum demandant la sécession de cette région, officiellement azerbaïdjanaise, référendum qui s’est tenu en décembre 1991, n’est en fait que la confirmation d’une déclaration antérieure,  datant de l’époque soviétique et prévoyant également le rattachement à l’Arménie, ce que ne souhaitaient alors ni Moscou ni Bakou. Cette déclaration date de la fin des années 80 et avait été introduite par le Soviet de la région autonome, au temps de l’URSS. L’espoir actuel d’obtenir l’indépendance est conforté par l’idée d’une sorte de continuité juridique remontant à l’époque soviétique: il se placerait ainsi dans une “logique évolutive”.

Cette région, peuplée au moyen-âge par des sujets arméniens de l’Empire perse, est tombée sous la domination russe au début du 19ème siècle: en effet, le Karabakh, par le traité du 14 mai 1805 (1220 selon le calendrier musulman), est intégré dans l’empire russe en prenant la forme juridique d’un khanat autonome. L’unique médiateur entre la population du Nagorno Karabakh et le Tsar Alexandre Pavlovitch Romanov (1777-1825) était le gouverneur de la Géorgie. Avec l’effondrement de l’Empire des Tsars, suite à la révolution bolchevique de 1917, le territoire du Nagorno Karabakh a été âprement disputé entre les nouvelles républiques socialistes soviétiques de l’Azerbaïdjan (en laquelle le Nagorno Karabakh fut inclu) et de l’Arménie, située un peu plus à l’Ouest. En 1921 donc, la région est incluse dans la juridiction azérie constituée par le Comité exécutif central de la République socialiste soviétique de l’Azerbaïdjan qui lui accorde toutefois l’autonomie régionale.

Au fil du temps, les ressortissants de cette région autonome au sein de l’Azerbaïdjan soviétique ont demandé à plusieurs reprises d’être inclus dans la RSS d’Arménie (pour la première fois en 1945, puis en 1966 et en 1977). Le projet, à ses débuts, avait été contrecarré par Staline, agissant en sa qualité de Commissaire du Peuple pour les questions nationales. Avec la désagrégation de l’Union Soviétique, les tensions inter-ethniques ont explosé: le gouvernement turcophone de Bakou, proche de celui d’Ankara, a opté pour une stratégie d’azérisation forcée, alors que la population est arménienne à 76%; quant aux autres minorités, elles sont russes ou kurdes. Désordres et violences ont agité les rues, en réponse à ce déni de justice: en 1988, à proximité de la ville d’Askeran, deux citoyens azéris sont tués, ce qui entraîne un pogrom anti-arménien à Sumgait, un grand centre urbain au nord de Bakou. Ce furent trois journées de massacres, qui firent des dizaines de victimes.

D’autres épisodes similaires ont ponctué la vie d’autres localités arméniennes au nord de la région, comme Spitak et Ghugark, forçant les ethnies à quitter l’espace juridictionnel où elles étaient en minorité pour se réfugier soit en Azerbaïdjan soit en Arménie. On estime que 14.000 civils arméniens ont pris la fuite, ainsi que 80.000 Azéris.

Pendant l’année 1989, les révoltes populaires n’ont jamais connu de répit. Elle atteignirent une phase de plus haute intensité quand les autorités azéries suspendirent les autorités locales du Nagorno Karabakh pour les confier à un “Comité organisateur” à majorité azérie, responsable devant le Conseil des ministres de l’Union. Au même moment, la RSS d’Arménie revendiquait prioritairement d’exercer son autorité “in loco”. Il s’ensuivit un cortège de dévastations et d’actions de guerilla où s’affrontèrent les deux peuples voisins: les Arméniens furent les principales victimes de ces désordres, qui ne cessèrent pas, même après l’intervention de l’Armée Rouge. Il faut aussi se rappeler que le tout dernier acte posé par l’Union Soviétique, dans le cadre de la perestroïka de Gorbatchev, fut de suspendre la gestion azérie dans le Nagorno Karabakh.

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En se basant sur une clause de la constitution soviétique, la RNK en tant qu’enclave autonome, dès la sortie de l’Azerbaïdjan hors de l’Union, se proclame “république”: le 8 janvier de l’année suivante, Artur Aslanovitch Mkrtcian (né en 1959) prend en charge la fonction de Président, et Oleg Esayevitch Jesayan, celle de premier ministre. Trois mois plus tard, suite à la mort en des circonstances mystérieuses, de Mkrtcian, son poste est repris ad interim par Georgy Mikhaïlovitch Petrossian (né en 1953; en fonction en 1992 et 1993). Le premier président élu du Nagorno-Karabakh, suite aux élections du 29 décembre 1994, fut Robert Sedrakovitch Kotcharyan (né en 1954), dont Garen Zarmajrovitch Babourian reprendra les fonctions ad interim (en 1993-1994).

Face à cette volonté d’indépendance ou d’union avec l’Arménie, l’Azerbaïdjan qui, avec la Turquie, est désormais la tête de pont des Etats-Unis dans le Caucase et dans la stratégie eurasienne globale de Washington, a réagi en lançant une opération militaire de grande envergure. Des milliers de victimes et plus d’un million de réfugiés appartenant aux deux ethnies constituèrent les funestes résultats de cette opération de guerre. Un cessez-le-feu aléatoire fut signé en mai 1994 (1).

Aujourd’hui, la situation reste plutôt instable, surtout parce que les Etats-Unbis refusent avec fermeté que d’autres puissances reconnaissent le statut indépendant de la RNK parce que cela pourrait constituer une gène pour l’acheminement du pétrole en provenance de Bakou et parce que cela pourrait offenser le principal interlocuteur dans le Caucase méridional du système euro-atlantiste. Au cours de ces dernières années, l’Azerbaïdjan a vu croître son PIB de manière quasi miraculeuse, surtout grâce à ses précieuses ressources d’hydrocarbures. C’est au départ des gisements de Shah Deniz au sud de la Mer Caspienne, à environ 70 km de la capitale azérie aujourd’hui florissante, que partira le corridor pétrolier et gazier du sud qui devra fournir en gaz naturel l’Europe occidentale, éliminant simultanément tout trajet sur le sol de la Russie, désormais considérée comme le principal adversaire dans la guerre des hydrocarbures. En 2006, un oléoduc est entré en fonction, traversant la Géorgie, où Washington avait appuyé l’insurrection populaire de 2003, connue sous le nom de “révolution des roses”. Cet oléoduc acheminera le brut azéri de la région de Bakou au terminal turc sur la Méditerranée.

“La politique de ségrégation et de discrimination poursuivie par l’Azerbaïdjan a généré une atmosphère de haine et d’intolérance contre le peuple arménien, ce qui a conduit à un conflit armé, à d’innombrables victimes, à des déportations de masse de toute la population de paisibles villages arméniens” (2): voilà ce que l’on peut lire dans la déclaration d’indépendance du Nagorno Karabakh, proclamée le 2 septembre 1991. Même si l’entité que représente le Nagorno Karabakh rencontre les pré-requis nécessaires pour former un Etat (et ces pré-requis sont plus solides que pour le Kosovo), l’indépendance de la RNK n’est pas acceptée par la communauté internationale et condamne la région à une dramatique incertitude permanente: les 137.000 habitants de la RNK (selon les estimations de 2006) survivent vaille que vaille sous la menace constante des forces azéries. Mais ils n’abandonnent pas l’espoir de construire un jour un futur de paix pour leur pays. Celui-ci vit de l’agriculture, de l’élevage et du travail de la soie. Malgré tout, le gouvernement de Bakou a déclaré qu’il ferait à nouveau appel aux armes si la médiation de l’OSCE (instance dont la Fédération de Russie réclame une réforme) échoue.

(article paru dans “Rinascita”, Rome, 20 décembre 2011; http://www.rinascita.eu/ ).

Notes:

(1)     Les autres présidents sont Léonard Georgevitch Petrossian (né en 1954; du 20 mars au 8 septembre 1997, ad interim); Arkady Archavirovitch Goukassian (né en 1957; du 8 septembre 1997 au 7 septembre 2007); Bako Sakharovitch Sakhakhan (né en 1960; depuis le 7 septembre 2007).

(2)     “...prenant en considération que la politique d’apartheid et de discrimination poursuivie en Azerbaïdjan a suscité une atmosphère de haine et d’intolérance dans la République à l’égard du peuple arménien, ce qui a conduit à un conflit armé, à des victimes humaines, à des déportations en masse de populations vivant dans de paisibles villages arméniens” (cfr. l’adresse électronique http://www.nkr.am/en/declaration/10/ ).

 

mardi, 18 mai 2010

Nagorno-Karabakh: une éventuelle médiation iranienne?

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Nagorno-Karabakh: une éventuelle médiation iranienne?

 

 

 

Dans le conflit du Nagorno-Karabakh, qui oppose l’Arménie à l’Azerbaïdjan, Moscou ne s’opposerait nullement à une éventuelle médiation de Téhéran

 

Dans l’urgence, toute aide est la bienvenue: Moscou ne s’opposerait donc pas à l’offre que vient de faire Téhéran. Les Iraniens ont en effet proposé d’organiser un sommet des ministres des affaires étrangères de l’Azerbaïdjan, de l’Arménie et de l’Iran pour régler le conflit du Nagorno-Karabakh qui oppose depuis 1988 Erivan à Bakou. Le porte-paroles de la diplomatie russe, Andreï Nesterenko, a fait connaître cette proposition iranienne le 30 avril 2010. Mais ce sera seulement si la rencontre aura bel et bien lieu, et sur base des résultats atteints, que l’on pourra parler d’une éventuelle médiation iranienne dans le règlement du conflit, a précisé Nesterenko.

 

(note parue dans “Rinascita”, Rome, 1 mai 2010; http://www.rinascita.eu ).