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vendredi, 19 septembre 2014

Désinformation par la sémantique

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LA DÉSINFORMATION PAR LA SÉMANTIQUE

Une étude sur France info par des spécialistes sur le terme Daesh

Jean Pierinot
Ex: http://metamag.fr

Cela ne vous aura sans doute pas échappé. Depuis plusieurs jours, le terme "Daesh" remplace celui d’Etat islamique dans les discours officiels. Cela n’est pas anodin.
 
« Il n'y a pas de temps à perdre face à la menace des djihadistes de Daesh  qui a pris le contrôle de larges secteurs des territoires irakien et syrien, multipliant les exactions », a déclaré lundi matin François Hollande lors de son discours d’ouverture de la conférence sur la paix et la sécurité en Irak réunie en ce moment au Quai d’Orsay. « Daesh a commis au cours de ces derniers mois des massacres, des crimes que l'on peut qualifier de génocide, de purification ethnique et religieuse à l'encontre de milliers de citoyens », a renchéri son homologue irakien, le président Fouad Massoum.
 
«Le groupe terroriste dont il s’agit n’est pas un Etat» (Laurent Fabius)

Daesh, ou Daëch, plutôt qu’Etat islamique… Une histoire de sémantique d’abord. Daesh est en effet l’acronyme arabe d’EIIL, Etat islamique en Irak et au Levant. Mais l’explication ne s’arrête pas là. Devant les députés de l’Assemblée nationale, le chef de la diplomatie française Laurent Fabius s’en est expliqué. « Le groupe terroriste dont il s’agit n’est pas un état. Il voudrait l’être, il ne l’est pas et c’est lui faire un cadeau que de l’appeler état. De la même façon, je recommande de ne pas utiliser l’expression Etat islamique car cela occasionne une confusion islam, islamisme, musulman. Il s’agit de ce que les arabes appellent Daesh et de ce que j’appelle pour ma part les égorgeurs de Daesh», a lancé le ministre français des Affaires étrangères. Et d’insister encore ce matin sur France Inter : « Le terme Etat islamique est très mauvais. Je ne suis pas d’accord qu’on les appelle l’Etat islamique, ils voudraient qu’on pense qu’ils agissent au nom des musulmans, ce n’est pas vrai » , a-t-il redit.  
 
De l'Etat islamique d'Irak à l'Etat islamique tout court

Outre-Atlantique, on évite aussi désormais de parler d’Etat islamique. Dans un discours prononcé mercredi dernier, le président américain Barack Obama a utilisé le terme "ISIL", initiales en anglais  de l'Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL en français). « Ce groupe se fait appeler 'Etat islamique" mais il faut que deux choses  soient claires : ISIL n'est pas islamique. Aucune religion ne cautionne le meurtre d'innocents et la majorité des victimes de l'ISIL sont des musulmans.  ISIL n'est certainement pas un Etat. Il était auparavant la branche d'Al-Qaïda en Irak », a expliqué le chef de la Maison Blanche.
 
A sa création en octobre 2006 en Irak, de la fusion de la branche d'Al-Qaïda en Mésopotamie et de petits groupes islamistes en Irak, le groupe extrémiste sunnite se faisait appeler "l'Etat islamique d'Irak (EII)". Ce n’est qu’en avril 2013 qu’est apparu "l'Etat islamique en Irak et au Levant", ou selon une autre traduction "l'Etat islamique en Irak et en Syrie" (EIIS en français, ISIS en anglais). Le 29 juin dernier, après son offensive fulgurante en Irak, le groupe change son nom pour devenir "l’Etat islamique", supprimant ainsi toute référence géographique (Irak, Levant, Syrie). Il désigne son chef Abou Bakr Al-Baghdadi comme "calife" et donc "chef des musulmans partout" dans le monde.

"Daesh", appellation controversée

L'acronyme en arabe de l'EIIL est Daesh. Mais selon des experts il est perçu comme péjoratif par les djihadistes car le terme "islamique" y disparaît. Dans une interview aux Clés du Moyen Orient, (article repris par Metamag) Romain Caillet, islamologue à l'Institut français du Proche-Orient, souligne ainsi que Daech est un terme "impropre et péjoratif, utilisé par les opposants à l’Etat islamique".  « Si en langue arabe il peut y avoir une légitimité à l’employer, son utilisation en français est clairement idéologique ».  

vendredi, 26 avril 2013

La guerre des mots

« La perversion de la cité commence par la fraude des mots »

La guerre des mots

(Source : Kulturkampf, Vibrion Cholérique)

Ex: http://deflandres.over-blog.com/


« La perversion de la cité commence par la fraude des mots ». Cette citation peu connue du célèbre philosophe grec Platon (Athènes, 427 - id., 347 av. J.-C.), premier grand penseur du monde occidental, est aujourd’hui plus que jamais d’actualité. En effet, personne n’échappe à l’immense entreprise d’aseptisation du vocabulaire qui pullule dans les médias et autres instances du politiquement correct.

andre%20stas.jpgPour la bonne forme, rappelons qu’un mot est généralement utilisé pour désigner des objets ou des réalités consacrés par l’usage. Ce qui fait que chacun peut comprendre autrui sans trop de malentendus.

Ça, c’est pour le principe, car dans les faits, il en va tout autrement. En effet, les convenances terminologiques du politiquement correct, nous ont plongé dans l’euphémisme trompeur.

Ainsi, le balayeur de rue est devenu un technicien de surface, le chômeur un demandeur d’emploi, le prolétaire un salarié, la grève un mouvement social, le clochard un sans domicile fixe, le cul-de-jatte un handicapé moteur, le nain une personne de petite taille, le pédéraste un gay, le nègre un black, le maghrébin un jeune, la prostituée une travailleuse du sexe, le bordel un salon de massage, l’avortement une interruption volontaire de grossesse (ou pire : une IVG), le trafiquant de drogue un dealer (traduction : un revendeur), le réfugié un requérant d’asile, le clandestin un sans-papiers, le vol une expropriation, la prison un espace carcéral, le vandalisme une incivilité, le viol collectif une tournante, etc. La liste est interminable !

Comment en est on arrivé à de tels abus de langages, proches d’une véritable novlangue [1] ?

Modeste analyse :

L’émasculation du vocabulaire naît – et ce n’est pas étonnant – à l’époque des Lumières. Un arrêt du conseil du parlement de Rouen en date du 12 juin 1787 interdit d’appeler bourreaux les «  exécuteurs des jugements criminels », et l’Assemblée nationale recommande, le 24 décembre 1789, de les appeler «  citoyens exécuteurs ».

De prime abord, on pourrait penser que cette « périphrase angélique » n’est qu’un petit glissement sémantique, un petit allégement verbal de la disgrâce, destiné à éviter de choquer les âmes sensibles. En somme, d’utiliser de jolis mots pour contourner une réalité qui n’est pas très folichonne…évidemment, il n’en est rien.

Quiconque a vaguement étudié les techniques de manipulations et de désinformations, sait que le choix partial du vocabulaire agit comme forme de pensée préfabriquée. En clair, en apprenant à parler politiquement correct, on apprend à penser politiquement correct ! Le langage aseptisé ne sert donc plus à décrire la réalité en tant que tel, mais est utilisé comme une arme dialectique au service d’une idéologie. En l’occurrence celle de l’utopie égalitaire qui a engendré des absconseries technocrates comme le droitsdelhommisme ou la Démocratie à vocation universelle…

Jean-Jacques Rousseau préfigure déjà bien le politiquement correct lorsqu’en 1755, il déclara : « Celui qui chantait ou dansait le mieux, le plus beau, le plus fort, le plus adroit, ou le plus éloquent, devint le plus considéré ; et ce fut là le premier pas vers l’inégalité et vers le vice ». [2] En associant l’inégalité et le vice, il associe de facto les hommes véritablement supérieurs aux vices. Pour supprimer le vice, il faut donc éliminer l’inégalité, donc la conscience que l’on a de la supériorité de certains, donc cette supériorité elle-même.

L’euphémisation du vocabulaire n’est que la prolongation de cette logique de négation des réalités et de nivellement des différences. A noter que c’est également à l’époque des Lumières que des termes qui ont toujours été péjoratifs comme « cosmopolites » ou « tolérance » sont peu à peu devenus des termes positifs…d’où l’immense confusion de ces concepts que l’on connaît aujourd’hui.

La manipulation du vocabulaire est ensuite devenue une spécialité marxiste-léniniste. En effet, comme le dit Vladimir Volkoff, avec son talent habituel : «  le communisme ne s’est pas contenté d’exiger que l’on agît comme il fallait et que l’on pensât comme il fallait : il a voulu que l’on parlât comme il fallait, sachant bien que la pensée est impuissante sans parole et qu’un certain vocabulaire condamne non seulement au mensonge exprimé mais au raisonnement tordu. » [3] Un seul exemple : en Russe le terme « bolchevik » signifie « majoritaire », pourtant Lénine en a décoré sa faction alors que celle-ci était…minoritaire !

Les marxistes ont systématiquement recours à ce procédé parce qu’ils ont toujours refusé la réalité pour en créer une autre, en accord avec leur idéal personnel de l’existence. C’est que leur vision égalitaire et indifférenciée de la société s’accorde assez mal avec la nature humaine (et la Nature en général d’ailleurs). Car celle-ci n’est pas vraiment spontanément « ouverte sur l’autre », tolérante, et anti-raciste. D’où cette idée d’un « homme nouveau » cartésien, domestiqué, censé sublimer ses instincts « animaliers » (jugés sales et irrationnels), afin de s’épanouir dans un utopique bonheur collectif transcendé par la fraternité universel et le progrès illimité. Malheureusement comme on n’a encore jamais fait rentrer une pièce carrée dans un trou rond sans en arrondir les angles, le résultat de l’opération c’est soldé au bas mot par une centaine de millions de morts [4] , soit la plus grande boucherie de l’Histoire...

Les choses se sont véritablement gâtées pour le monde occidental lorsqu’au début des années soixante, de Gaulle déclara sous forme d’une boutade : « Donnons la culture à la gauche, ça les occupera ! ». Ce faisant, il a mine de rien laissé le terrain culturel complètement libre a des gens qui, depuis Gramsci (1891 - 1937), avaient compris que la culture et le vocabulaire, c’était ce qu’il y a de plus important ! Pas étonnant donc, qu’après quarante-cinq ans d’hégémonie culturelle et de monopolisation du métapolitique, on en soit arrivé quasiment à une novlangue. Cette domination totale du champ culturel a favorisé le règne de la Pensée Unique et l’instauration du consensus qui rassemble aujourd’hui, dans une commune adhésion au Système, tous les partis politiques démocratiques…Merci Général !

Le triomphe définitif du politiquement correct sur la Vérité, a eu lieu au début des années septante, avec l’avènement de l’économie sociale de marché, et l’idée de « l’Etat Providence », fortement influencées par les théories hédonistes de lord Beveridge. « L’État Providence » place au centre de ses préoccupations le « bien-être » comme l’indique l’expression dans sa version anglaise : « Welfare State ». Soit le triomphe de l’esprit bourgeois vaniteux qui donne la priorité à son intérêt et son confort personnels sur l’intérêt général. En corollaire à cette vision « pantouflarde » de l’existence s’est opéré une immense féminisation des esprits et de la morale. De la langue de bois marxiste, on est passé à la langue de coton social-démocrate. Les mots cherchent à embellir, et le négatif est toujours présenté sous son meilleur jour, bienvenue à l’ère de la « communication positive » ! L’art des formules floues et de l’euphémisation deviennent les armes préférées des politiciens (ou de leur conseiller en communication pour être exact). Tous les domaines de l’activité humaine se retrouvent gangrenés par cette sournoise mentalité moralisante qui consiste à adoucir la réalité pour en dissimuler les caractères désagréables.

A ce propos, il est assez révélateur de constater que le champ lexical de l’immigration est particulièrement touché par l’aseptisation du langage. Ah ! Ces fameux « jeunes » des «  banlieues difficiles » qui provoquent une «  montée de l’insécurité » ! Langue du plus beau bois, en chêne massif ! Avec une telle prudence rhétorique, on peut légitimement conclure que le « débat » sur l’immigration évolue dans un univers particulièrement déconnecté du réel ! Moins la réalité correspond à la Weltanschauung social-démocrate, plus il faut la travestir, n’est-ce pas.

Les euphémismes sirupeux trahissent donc non seulement une certaine répugnance à voir et nommer clairement la réalité, mais surtout une volonté de diminuer le domaine de la pensée afin de verrouiller le débat. La réduction au minimum du choix des mots aide indirectement à atteindre ce but. D’ailleurs Pierre Gripari l’avait bien compris lorsqu’il affirma que « la dictature commence toujours par la lâcheté des mots ».

D’autre part, la langue de bois démocratique est le chef-d’œuvre de la désinformation puisqu’il est impossible de la parler sans devenir, par l’effet du vampirisme, désinformé et désinformant en même temps. Des individus de bonne foi – les fameux « idiots utiles » de Lénine - se transforment alors, sans s’en rendre compte, en « caisses de résonances » et se mettent à propager, en toute bonne conscience, un vocabulaire orienté idéologiquement. Dès lors, s’offusquer contre ce genre de manipulation du langage ne s’apparente pas qu’à de la branlette intellectuel pour étudiants en lettres désespérés.

Alors qu’il aurait fallu renforcer le sens critique face à cette entreprise de décérébralisation collective, les cours d’étymologies sont purement et simplement supprimés de l’école obligatoire (car jugés peu utile sur le marché du travail). N’importe quel linguiste vous dira que pour connaître le sens réel des mots il faut en avoir étudié l’étymologie, à savoir leur origine dans les langues anciennes.

Sans âme et sans histoire, les mots deviennent alors de plus en plus désincarnés, de plus en plus vide de sens, de plus en plus libérés du lest inutile et même encombrant de l’étymologie, de l’histoire de la langue, bref de tout réaliste linguistique, et par conséquent n’opposent plus guère d’obstacles à la propagation d’idées abstraites ou nouvelles.

Que faire face à cette manipulation des esprits et ce conditionnement des masses ?

Premièrement nous devons faire très attention de ne pas servir de « caisse de résonance » à la démocrature. Autant de chapeaux de Gessler que nous devons refuser de saluer. Accepter l’euphémisation c’est adopter un vocabulaire orienté idéologiquement.

Nous devons ensuite impérativement investir le champ métapolitique, dont Alain de Benoist donne la définition suivante : « domaine des valeurs qui ne relèvent pas du politique, au sens traditionnel de ce terme, mais qui ont une incidence directe sur la constance ou l’absence de consensus social régi par la politique » [5] . Un concept que, formulés en d’autres termes et en d’autres temps, un Gramsci n’aurait pas renié.

Cela amène une nouvelle question : comment investir le champ métapolitique ? En préparant la relève de demain, c’est-à-dire en constituant notre propre élite intellectuelle. Une génération capable d’assumer le réel sans traficoter lâchement le vocabulaire et qui ne prends pas ses vessies pour des lanternes.

En investissant le champ métapolitique nous imposerons notre propre vocabulaire qui véhicule notre vision du monde, afin que les neutres et les sceptiques puissent définitivement s’affranchir des barrières mentales que leur impose le politiquement correct. C’est pourquoi on insiste beaucoup chez Avant-Garde, et parfois lourdement, sur des mots comme « allogène », « ethno-masochiste » ou encore «  droisdelhommisme ».

Ce faisant nous rendrons notre discours légitime - à défaut d’être légal. Comme je l’ai répété plusieurs fois dans mon papier, quiconque possède les mots, possède la pensée, et si on possède la pensée, on possède tout le reste. Le combat culturel, c’est avant tout la guerre des mots. D’ailleurs le philosophe Chinois Confucius (551 - 479 av. J.-C.) ne disait-il pas que « toute subversion commence par celle du vocabulaire » ?


Notes :

[1] Ce néologisme de George Orwell désigne le langage destiné à rendre impossible l’expression des idées subversives.

[2] Jean-Jacques Rousseau, discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes - seconde partie (page 52 de la collection classiques Garnier : Œuvres politiques).

[3] Vladimir Volkoff, Petite histoire de la désinformation. Du Cheval de Troie à Internet, Éditions du Rocher.

[4] Stéphane Courtois, Le livre noir du communisme, Editions Robert Laffont.

[5] Alain de Benoist, Les idées à l’endroit, Editions Libres Hallier

[Avant-Garde Suisse, 15 Juillet 2004]


vu sur News of Tomorrow

samedi, 09 mai 2009

La bataille sémantique n'est pas perdue d'avance...

Martin Peltier :

« La bataille sémantique n’est pas perdue d’avance »

SOURCE : MONDE ET VIE & http://synthesenationale.hautetfort.com/

 

9782916951065.gifJournaliste, Martin Peltier a ouvert la 14ème université d’été de l’association Renaissance catholique, consacrée au politiquement correct, par un exposé sur la subversion du langage. Il revient sur ce thème pour Monde & Vie.

 

Martin Peltier, vous vous intéressez particulièrement à la dimension sémantique de la pensée unique, la “novlangue”. La subversion de la langue précède celle des esprits. Par quel mécanisme ?

 

On parle de “novlangue” par référence au roman de George Orwell 1984. Depuis l’entre-deux guerres, les marxistes et post-marxistes ont entrepris un travail constant de subversion par le langage. La stratégie reste la même aujourd’hui. On remarque d’ailleurs, au sein du composé de mouvements et de personnes qui élaborent la pensée unique, de nombreux trotskistes ou anciens trotskistes, en France comme aux Etats-Unis, qui ont acquis au sein des organisations de cette mouvance une formation à ces méthodes de subversion. Même des antimarxistes avertis se laissent prendre au piège de cette torsion du vocabulaire, par exemple en employant le mot “stalinien”, forgé pour innocenter le communisme des crimes de Staline, alors que Lénine et Trotski furent eux aussi des criminels sanguinaires. Et ça marche ! Personne ne se réclame plus aujourd’hui de Staline, mais beaucoup continuent de se proclamer communistes ou trotskistes, sans que nul ne s’en émeuve. En subvertissant le langage, il est également possible d’accoutumer les gens à des idées qu’ils repoussaient dès l’abord : en parlant d’“homoparentalité” et de “couples gays”, on en vient par exemple à rendre petit à petit admissible l’idée de l’adoption d’enfants par les homosexuels. Le piège est d’autant plus efficace qu’en nous opposant à cette subversion du langage, nous risquons nous-mêmes d’être conduits à utiliser un langage archaïque et à recourir pour désigner certaines réalités à des périphrases qui témoignent des succès de l’adversaire.

 

Pour s’opposer à cette colonisation du langage par le politiquement correct, est-il possible, bien que les médias dominants soient gagnés à la pensée unique, de copier ses méthodes et de forger une autre terminologie ? A-t-on déjà tenté de le faire ?

 

Oui. L’expression “préférence nationale”, lancée naguère par Jean-Yves Le Gallou dans un livre publié par le Club de l’Horloge, a posé un sérieux problème à nos adversaires, qui ont dû beaucoup batailler avant de parvenir à la diaboliser. Cette notion a conquis l’électorat conservateur avant d’être “repérée”. La bataille sémantique n’est donc pas perdue d’avance.

 

Pour illustrer le travail de destruction du langage et de la syntaxe, vous prenez l’exemple de l’appellation “Madame la ministre”. A son arrivée au ministère de l’Economie, Christine Lagarde, dont la mère était grammairienne, s’était attiré les railleries des médias politiquement corrects en demandant qu’on l’appelle “Madame le ministre”. Elle n’a d’ailleurs pas été obéie. Comment s’opposer à cette corruption médiatique de la langue française ?

 

Le premier stade de la confrontation est réfléchi, préparé par des militants, puis les termes passent dans le langage courant et sont diffusés par les médias, d’autant plus facilement que l’on n’y prend pas garde. Ainsi, aux Etats-Unis, le terme melting-pot, qui signifie “creuset” et annonçait l’intention de fondre les minorités dans le creuset américain, a été remplacé sous la pression des gauchistes radicaux par celui de “salad-bowl” (saladier), qui exprime une autre conception de la société américaine, au sein de laquelle les différentes communautés sont appelées à cohabiter sans se mélanger. En France, il n’est pas anodin qu’un “clandestin” soit devenu un “sans-papiers“, un “homosexuel” un “gay”, ou que les droits de l’homme, notion “sexiste”, disparaissent au bénéfice des “droits humains”. Comment s’y opposer ? En réagissant constamment, en faisant attention au vocabulaire que nous utilisons, en consacrant des rubriques à l’étude du langage dans les médias appartenant à notre famille de pensée, en utilisant l’ironie, le rire et la connivence sociale pour ridiculiser l’adversaire.

 

Vous estimez que s’est mis en place un processus de « tyrannie optimale ». Qu’entendez-vous par là ?

 

La tyrannie optimale, c’est celle qui obtient les meilleurs résultats avec un minimum de frais. On trouve des exemples de tyrannies dès l’Antiquité. Elles faisaient beaucoup de bruit pour rien, versaient le sang en abondance pour un résultat médiocre. Ces bilans se sont améliorés avec la Révolution française, puis le nazisme et le communisme ; mais même en URSS, malgré la terreur que l’on y pratiqua et une propagande très bien organisée, on ne convainquait pas grand monde. Aujourd’hui, nous avons affaire à une tyrannie douce, qui diffuse un vocabulaire, des émotions, des idées qui passent partout, y compris par le biais de la publicité et des biens de consommation : ainsi en est-il de l’“homoparentalité”, ou encore de l’“homophobie” dont nous sommes accusés – et persuadés – de nous rendre coupables si nous ne sommes pas favorables à l’adoption d’enfants par les homosexuels. C’est également vrai en politique : voyez la manière dont on s’est laissé persuader de l’existence d’armes de destruction massive en Irak sous Saddam Hussein, alors qu’on savait qu’il n’y en avait pas… Ce sont des techniques de propagande non aversives : on n’exerce pas de violence directe, mais on propage une morale diffuse qui ne supporte ni réaction, ni contradiction. C’est une tyrannie presque parfaite.

 

La pression morale ne devient un peu plus violente que lorsque le système prend peur, ou joue à se faire peur. Car une telle tyrannie ne se sent en danger que lorsque les langues se délient : en 2002, que serait-il arrivé si les Français avaient commencé à se demander si la “préférence nationale“ était vraiment un concept aussi inacceptable que la pensée unique le prétendait ? Elle a réagi en émettant un peu plus de mensonges et d’insultes afin de discréditer son adversaire.