dimanche, 10 août 2008
R. Vaneigem: "Nous qui désirons sans fin"
Vaneigem: «nous qui désirons sans fin»
Les écrits des auteurs situationnistes bénéficient chez nos amis toujours d'un accueil intéressé surtout depuis que la crise sociale du capitalisme libre-échangiste confirme certaines de leurs prévisions. Le délitement de la société débouchant sur “une nouvelle forme de lutte spontanée: la criminalité”, selon Guy Debord et ce, dès 1968 (voir NdSE n°20), ou sur une crise de l'école sans précédent jusqu'à devenir “une bureaucratie parasitaire destinée à s'effondrer sous le poids de sa propre inutilité”, selon Raoul Vaneigem dans son opuscule Avertissement aux écoliers et lycéens paru l'an dernier (voir NdSE n°16). Voici une lucidité sociale indéniable qu'aujourd'hui monsieur-tout-le-monde peut vérifier dans sa vie quotidienne. Fait significatif: son Avertissement... a joui d'un succès incroyable: plus de 100.000 exemplaires vendus et Guy Debord, lui aussi, n'avait jamais connu une diffusion aussi considérable. Vaneigem, qui avait peu écrit après son ouvrage maître Traité de savoir vivre à l'usage des jeunes générations (1967), semble inspiré par les temps présents puisqu'il enchaîne maintenant succès sur succès.
Ainsi il aura fallu attendre trente ans pour que les prophéties des auteurs situationnistes se révèlent exactes. Debord décédé, il reste à Vaneigem le soin de décrire l'aboutissement de celles-ci. Après son essai sur le système éducatif, il publie Nous qui désirons sans fin, analyse critique de la société marchande en déclin, livre conçu sous forme de brèves analyses et de thèses. L'idée centrale en est que le capitalisme mondial n'est plus qu'un système parasitaire déterminant l'existence d'une bureaucratie où le politique est aux ordres d'une pratique usuraire. Toute l'organisation sociale est ainsi menacée jusque dans sa contestation qui, ne cherchant d'autre solution en dehors de l'économie d'exploitation, se dégrade avec elle.
Cependant ce livre se veut optimiste puisqu'il en appelle à une société vivante vouée à dépasser la nôtre: la réponse est en chacun d'entre nous, dès l'instant où il lui importe avant tout de renaître à ce qu'il y a en lui de plus vivant. Dans ses paragraphes généralement courts, Vaneigem n'arrive pas toujours à éviter des répétitions, ce qui en rend la lecture parfois un peu lassante. Malgré ce défaut de forme, sa démonstration apparaît comme brillante surtout lorsqu'il s'agit de démonter les mécanismes d'un capitalisme spéculatif, qui reste le point fort de l'ouvrage. Alors les aphorismes éclairants jaillissent, criants de vérité, délicieux joyau pour l'esprit, comme:
* «Il a fallu que le libre-échange conquière la terre entière et la désole au nom de sa liberté pour se convaincre dans les faits que l'être humain ne se pouvait confondre totalement avec la marchandise».
* «La désagrégation sociale et le désarroi des mentalités s'accentuent à mesure que le capital se retire lentement et sûrement du secteur de la production».
Presque à chaque instant nous pouvons vérifier le bien fondé de ces affirmations.
Dans une société où la croissance n'avait jamais été aussi importante, générant une production gigantesque de richesse, le travail avait fini par être accepté, la consommation en étant sa consolation. On en vient maintenant à réduire le chômage en produisant des emplois sans nécessité comme s'il importait “aux yeux des gouvernants de fournir un salaire plutôt que d'accorder une aumône”. Créer des emplois parasitaires, tel est le projet de société de ce capitalisme.
Vaneigem décrit alors cet univers étrange, dans lequel nous sommes, avec beaucoup de réalisme: «Une apathie générale consume les individus et les foules dans la corrosion du désenchantement, la morosité du jour qui se lève, une indigne résignation, la rage absurde de révolte sans révolution. Le parasitisme érigé en pratique par une rentabilité prioritaire colporte des comportements d'assistés, déclenche des réflexes d'obédience, remplace le poing sur la gueule par la main qui mendie».
Malheureusement pour lui, ce discours jusqu'ici inégalé vient d'être repris pour le très grand public par la romancière Viviane Forrester dans L'horreur économique, essai, il faut bien le dire verbeux, qui jouit actuellement d'une grande notoriété médiatique. Ses thèses, somme toutes assez banales, dont la finalité est de sauver, par une dernière version sociale-démocrate, la démo-ploutocratie, se trouve confortée par un sondage C.S.A. pour L'événement du jeudi qui révèle des résultats proprement effrayants pour les partisans du système: 31 % des personnes interrogées estiment que le système économique leur inspire de l'horreur, 40 % l'ennuie, 82 % pensent qu'il accroît les inégalités, 70 % pensent que les chefs d'entreprise sont prêts à sacrifier leurs employés au nom de la sacro-sainte rentabilité économique. Face à l'ampleur de la crise sociale que la France est en train de connaître une prise de conscience timide des populations est en train de s'opérer.
Bien entendu, nous partageons également l'analyse de Vaneigem sur la destruction de l'environnement qui le rattacherait plutôt au courant de la deep ecology. Il pense également que la crise pourra engendrer des mouvements de reconversion comme nous pouvons l'observer actuellement dans des mouvements alternatifs tel le S.E.L. Et son appel à un dépassement du religieux, en dehors de toutes les sectes, son attaque à mots couverts contre la célèbre phrase de Malraux («le XXIième siècle sera religieux ou ne sera pas») sont d'un intérêt certain.
Par contre ses développements sur la société vivante, appelée à dépasser la nôtre, sont décevants. Ceci parait malgré tout logique, si l'on prend en considération que la situation actuelle, radicalement nouvelle ne permet absolument pas de deviner ce que sera le monde de demain: une situation à l'albanaise est-elle envisageable chez nous? Alors pourquoi affirmer que “le renouveau de la femme et de l'enfant est l'avenir du monde”?, affirmation qui apparaît ici presque gratuite est surtout bien naïve.
Et puis même si nous souscrivons pleinement à une affirmation comme “Qui prête moins d'attention à ses désirs qu'à son travail ne devrait pas s'étonner qu'il travaille contre lui”. Nous ne sommes quand même pas assez bêtes pour croire à un épanouissement de l'individu par le travail. Seuls les cons n'ont pas encore compris une telle banalité!
Nous ne croyons d'ailleurs pas non plus à un changement de la nature humaine par l'éducation à laquelle Vaneigem semble croire, alors que, pour ma part, je pense que la scolarisation actuelle est déjà surannée. Des études aussi poussées n'ont été acceptées par les enfants des classes modestes justement en contrepartie d'une promotion sociale quasiment impossible à réaliser aujourd'hui, et alors permise par les quelques décennies de grande croissance économique. D'une certaine manière, le désordre actuel est un retour à la situation qui régnait dans les campagnes au XIXième siècle ou les instituteurs avaient le plus grand mal à apprendre à lire à des petits paysans qui préféraient déjà à l'époque garder leurs vaches dans les champs ou jouer à la guerre des boutons: une version traditionnelle du repli sur sa communauté d'origine et du phénomène des bandes ethniques, en quelque sorte. Enfin comme dans son précédent ouvrage, Vaneigem fait une impasse totale sur le rôle fondamental que jouent les médias dans le système qu'il dénonce.
Alors je me suis dit, en voyant les piles de bouquins empilés de Vaneigem sur le rayon “sociologie” d'une FNAC, que les écrits des vrais rebelles, ceux qui veulent une véritable alternative au système, ne sont disponibles ni dans les kiosques, ni dans les librairies, temples de ce monde de la culture marchande et dont par conséquent les marchandises doivent le plus souvent chanter les louanges, sauf exceptions rarissimes. Nous, à “Synergies”, sommes de véritables auteurs de samizdats et c'est là notre fierté et notre force.
En définitive, il s'agit donc là d'un livre à aborder en ayant à l'esprit le fait que cette pensée démystifie en partie le sens du progrès propre au judéo-christianisme et à ses avatars libéraux et marxistes. Dans cette optique, Vaneigem marche dans les pas laissés par Nietzsche, Guénon ou Cioran: c'est ce qui nous intéresse dans sa pensée.
Pascal GARNIER.
Raoul VANEIGEM, Nous qui désirons sans fin, Paris, Le Cherche-Midi éditeur, 1996, Collection “amor fati”, 189 p., 98 FF.
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vendredi, 16 mai 2008
Frank Böckelmann over mei 68
Mei ’68 : een eerste benadering
Dr. Frank Böckelmann was samen met Rudi Dutschke, Dieter Kunzelmann en anderen lid van de Subversive Aktion, een van de groepen (1965-1966) die in Duitsland aan het begin van de studentenrevolte stonden.
Hij werd geboren in 1941 in Dresden, studeerde in München filosofie en communicatiewetenschappen en werkte als journalist en mediawetenschapper. Hij publiceerde verschillende boeken, waaronder Die Welt als Ort. Erkundungen im entgrenzten Dasein (Karolinger-Verlag, 2007).
Hij werd naar aanleiding van de 40ste verjaardag van mei ‘68 door het weekblad Junge Freiheit geïnterviewd (nr. 16/08, 11.04.2008).
Enkele uittreksels uit dit merkwaardige interview.
Vraag: Wat was er eigenlijk aan de hand in 1968 ?
Böckelmann: Overtuigd van hun morele superioriteit trokken studenten en scholieren toen ten strijde tegen alle banden, relaties en invloeden, die het individu in zijn wens naar zelfontplooiing hinderden. Men bond de strijd aan met het kapitalisme, maar eigenlijk hielp men zo de volledige economisering van het dagdagelijkse leven en van de samenleving te realiseren.
Vraag: Een negatieve balans dus ?
Böckelmann: 40 jaar na datum moet men inderdaad durven toegeven: Ja. De ontbinding (op alle vlakken) leidde niet tot een nieuw gemeenschapsgevoel of tot een veelheid van rollen. Ongeacht wat we zijn en wat we doen, onze zelfwaardering is gestandaardiseerd, en dit volgens inkomen en volgens openbare waardering.
Bedenkt u ook maar eens, hoe verbluffend eenvoudig de rebellen van toen gelijk kregen. Bijna zonder verzet werden de eisen naar zelfontplooiing en detaboeïsering en gelijkberechtiging van allerlei minderheden openlijk begroet en door bijna alle welmenende burgers ondersteund. Afgezien van de kritiek op het kapitalisme – waar dit eigenlijk slechts een schijngevecht betrof – stampte de protestbeweging eigenlijk open deuren in. Werden de rollen van de geslachten en van de ouders, werd het respect voor autoriteit en voor nationale tradities nog wel door iemand verdedigd?
Vraag: U heeft het niet erg begrepen op zelfontplooiing?
Böckelmann: Eigenlijk is zelfontplooiing slechts de triomf van de onverschilligheid. Zeker als ze doel op zichzelf is. De zelfontplooiing van het individu is de fetisj van onze moderne tijd. Ze verwerpt alle historische, nationale en kulturele banden (…) Vooral een partij als de Grünen komen hiermee met zichzelf in tegenspraak. Immers, willen ze consequent opkomen voor kinderwelzijn en milieubescherming, dan kunnen ze dat niet door geatomiseerde individuen, maar alleen door mensen, die zichzelf zien als leden van plaatsgebonden gemeenschappen.
Vraag: Een min of meer gelijklopende situatie bestond er ook voor de machtsgreep door de nationaalsocialisten. Was 1933 het ’68 van de Weimarrepubliek?
Böckelmann: Wat de revolte van 1968 onderscheidt van de burgerlijke en communistische revoluties en ook van de machtsgreep van de nationaalsocialisten is het feit dat geen nieuwe ordening der dingen ontstaat, en dat de ‘vadermoord’ oneindig herhaald wordt. Steeds opnieuw moeten nieuwe restricties, verboden, grenzen, onderdrukking en verstarring worden ‘ontdekt’ en gedramatiseerd worden, zodat de emancipatie, de breuk met het ‘enge’ van het bestaan, kan opgevoerd worden. Steeds meer figuren uit deze periode, en in elk geval de knapste koppen zoals Maschke, Friedrich, Rabehl en Röhl, keren zich af van deze zogenaamde zelfontplooiing, die uiteindelijk op niets zal uitdraaien.
(vertaling : Peter Logghe)
00:10 Publié dans Affaires européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théorie politique, histoire, entretiens, mai 68, situationisme, philosophie | | del.icio.us | | Digg | Facebook