samedi, 26 avril 2008
Hommage à Goulven Pennaod
Hommage à Goulven Pennaod
Décédé à l’âge de 71 ans le 29 novembre 2000, Goulven Pennaod (en français Georges Pinault) aura été fidèle jusqu’à son dernier souffle à ses idéaux celtiques et grand-européens. Il était ce que notre honoré confrère E. Ratier (Faits et Documents, BP 254-09, F-75424 Paris cedex 09, eratier@faits-et-documents.com) nomme justement un combattant de l’Occident extrême. Combattant, il le fut dès l’adolescence: dépité de ne pouvoir entrer dans l’Eurocorps de son époque (alors impliqué dans des opérations humanitaires à l’Est), ce jeune militant du Parti National Breton opte pour les Jeunes de l’Europe Nouvelle, mouvement de scoutisme multiculturel créé à l’origine par le sportif et écrivain Marc Augier, futur Saint-Loup, celui qui faillit avoir le Goncourt en 1953. Contrairement à plusieurs membres de ce groupe de jeunes qui s’engagent dans la 2ème DB, Pennaod est arrêté et interné au camp de Sainte-Marguerite de Rennes, à l’âge de quinze ans. C’est en prison que ce descendant de chouan, fils d’un militant socialiste devient tout à fait païen. Ce jeune surdoué —il connaissait une vingtaine de langues— passe son baccalauréat sous la surveillance des gendarmes. Ainsi débute la carrière peu banale de celui qui finira linguiste, spécialiste des langues celtiques et chercheur au CNRS. Mais avant de se pencher sur les inscriptions gauloises avec le grand archéologue P.M. Duval (qui loue ses connaissances linguistiques et mathématiques), Pennaod fit tous les métiers, au Pays de Galle où il fréquente les partisans de l’Armée de Libération galloise et de l’IRA, à Saint-Germain-des-Prés et Montparnasse chez les Bretons de Ker Vreizh où il se livre à de mystérieux cultes druidiques, fréquente divers militants ethnistes frisons ou normands, notamment au sein d’une intéressante union antitotalitaire et fédéraliste.
Engagé dans l’armée, il passe vite sous-lieutenant d’artillerie et se porte volontaire pour sauter « blind » sur Dien Bien Phu le 22 avril 1954: ce sera son premier et dernier saut, sans armes (l’intendance n’a jamais aimé perdre son matériel) et avec des bottes payées de ses deniers. Son ami Saint-Loup a décrit cet épisode épique dans Les Nostalgiques: la cuite avec d’anciens volontaires français sur le front russe (dont un futur archéologue de renom) la veille du départ, les ultimes grenades lancées sur les Viets et l’amertume d’un sergent plus ou moins suisse: «Dien Bien Phu est tombée le 30 avril 1945». Ce à quoi Pennaod renchérit en déplorant l’issue du deuxième conflit européen qui retarda en effet la construction de l’autoroute Gibraltar-Vladivostok. Dernier officier breton à cesser le feu, Pennaod est l’un des rescapés des camps de la mort asiatiques, ce qui lui vaut le grade de capitaine et une proposition de Légion d’Honneur, qu’il refuse très décemment.
Il accomplira diverses missions au Maroc et en Afrique noire comme consultant en pacification et gestionnaire de ressources humaines avant de solliciter un congé pour convenances personnelles. Il se lance alors dans des études de linguistique et d’archéologie, s’intéresse de près au calendrier gaulois de Coligny. Pennaod collabore aussi à diverses revues culturelles (Europe-Action de Dominique Venner, Devenir Européen d'Yves Jeanne, Nouvelle Ecole d'Alain de Benoist) dans une optique hautement citoyenne, hostile au totalitarisme communiste, à l’intolérance judéo-chrétienne et au matérialisme capitaliste, respectueuse des différences et favorable à l’ouverture à l’autre. Son credo peut se résumer ainsi: « un devenir spécifiquement breton, à côté et en collaboration avec elles, de la France et de la Celtie insulaire dans une Europe fraternelle ».
Une carrière scientifique jalousée
Sa carrière scientifique suscite la jalousie de divers rescapés du stalinisme passés au service du capitalisme turbo, ce qui ne troublait guère ce Celte qui en avait vu d’autres. Ces derniers temps, il préparait une traduction bretonne d’un traité de polémique antichrétienne de l’empereur Julien. Il semble que les Dieux ne lui aient pas permis d’achever cette œuvre: ceci obligera sans doute un jeune Breton de reprendre ce flambeau lâché. Réfugié aujourd’hui à Tir na nOg, dans l’Autre Monde, le camarade Goulven, baroudeur et érudit, druide et guerrier, y jouit enfin de la paix, loin des dénonciateurs et des larves. Comme le dit l’un de nos textes, la Navigation de Bran: « On n’y connaît ni tristesse ni trahison, dans le pays bien connu du plaisir ». Oui, à lui les musiques douces et les vins exquis. A nous le chagrin et la détermination.
Patrick CANAVAN.
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vendredi, 25 avril 2008
Gwenn ha Du
Gwenn ha Du
Membre de Breiz Atao depuis son plus jeune âge, Ronan Caerléon (1914-1986) fut emprisonné à plusieurs reprises pour ses convictions autonomistes bretonnes. Il fut notamment l’éditeur d’Ololê, journal breton pour la jeunesse publié pendant la guerre qui a marqué une génération de militants de l’Emsav. Caerléon fut aussi l’initiateur du théâtre et du cinéma en langue bretonne, fidèle en cela à son maître à penser l’abbé Y. V. Perrot, lâchement assassiné en 1943 (alors qu’il avait hébergé des résistants par solidarité celtique). Mais Caerléon fut aussi écrivain: il publia en effet plusieurs titres essentiels pour toute personne qui s’intéresse à l’histoire du nationalisme breton au XXème siècle. Ses livres étaient épuisés depuis longtemps et il faut donc saluer l’initiative d’une jeune maison d’édition, Brittia, fondée par un de ses descendants. Brittia réédite tous ces titres devenus un peu mythiques comme Complots pour une république bretonne, et bien sûr Gwenn ha Du, qui narre les premiers attentats intelligemment symboliques de la mouvance autonomiste, comme la destruction en 1932 du monument commémorant l’annexion du Duché de Bretagne par la France. Les textes de Gwenn ha Du sont cités: « N’attachez pas une importance exagérée aux théories qui font travailler les langues au détriment des bras ».
Donnez-moi cent hommes résolus…
Dans Le Rêve fou des soldats de Breiz atao, Caerléon retrace l’histoire tragique de la Bezen Perrot, unité de volontaires bretons portant l’uniforme allemand et impliqués dans la lutte contre les maquisards... dont tous n’étaient pas des Espagnols ou des jacobins fanatiques: il s’agit aussi d’une guerre civile entre Bretons. Vaincus, ces soldats perdus, généralement très jeunes et d’un haut niveau culturel, seront impitoyablement pourchassés, comme d’ailleurs tous les patriotes bretons (10.000 assassinats à la Libération). Certains passeront à travers les mailles du filet et feront d’étonnantes carrières. Caerléon dépeint bien le climat terrible de cette époque complexe, ses figures telle celle de Célestin Lainé, chef du Kuzul Kuz, le Conseil de l’armée clandestine bretonne, qui prend à la lettre l’injonction de Pearse: « Donnez-moi cent hommes résolus, dressés dans la tradition celtique et j’affranchis l’Irlande ». Lainé était en outre fasciné par le paganisme celtique qu’il fit renaître au grand scandale du clan catholique (allègrement trahi par le haut clergé, comme toujours). Dans Au village des condamnés à mort, Caerléon évoque les aventures peu banales d’André Geffroy, militant breton victime d’un montage (une fausse lettre de dénonciation aux Allemands trouvée par le Sûreté belge chez un Waffen SS flamand) qui faillit lui coûter la vie. Condamné sans réelle preuve à la peine capitale il attendra 618 jours, enchaîné dans le quartier des condamnés à mort malgré les témoignages allemands qui l’innocentaient clairement. Son témoignage sur les manipulations policières au sein des milieux bretons (qui durent encore: il s’agit sans doute du milieu le plus infiltré avec ses provocateurs, ses faux druides, etc.) est instructif. La description des conditions de détention dans la France des années 40 est hallucinante et rappelle d’autres bagnes dont la presse nous parle de façon plus qu’exclusive.
Patrick CANAVAN.
Oeuvres de Ronan Caerléon aux éditions Brittia, 34 rue de l’Avenir, F-22.190 Plérin, www.brittia.com
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