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dimanche, 01 avril 2007

Taguieff: une barbarie au visage progressiste

Une barbarie au visage progressiste

Trouvé sur: http://albator.hautetfort.com

L'historien Pierre-André Taguieff dénonce la confusion actuelle des idées et les procédés d'intimidation de ceux qui voient le fascisme derrière toute pensée qui n'est pas la leur.

 
PIERRE-ANDRÉ Taguieff aggrave son cas. Il persiste et signe un livre qui va donner des boutons à ceux qui voient la pieuvre « réactionnaire » relever la tête et multiplier ses tentacules. Les Contre-réactionnaires, le progressisme entre illusion et imposture, tel est le titre provocant de son dernier ouvrage qui peut se lire comme une somme de plusieurs de ces livres précédents (Le Sens du progrès, L'Illusion populiste), la charge polémique en plus.
 
Car il s'agit d'abord d'un essai virulent contre ceux qui mettent en cause le droit de défendre des idées de droite, ou simplement libérales dans ce pays. Depuis la Libération, nous dit Taguieff, un spectre hante la France : celui du « fascisme ». Le fascisme mussolinien et le national-socialisme sont morts et enterrés, mais régulièrement on réveille leurs fantômes. Si l'idée de prétendre que les gens qui votent Buffet ou Besancenot sont des « bolcheviks » au couteau entre les dents ne vient à l'esprit de personne, il n'en va pas de même avec les électeurs de Le Pen et, depuis quelque temps, de Sarkozy, stigmatisés comme « fascistes » en puissance. Exemple récent : la chanson de Renaud : « Elle est facho... elle vote Sarko. » Les Français veulent de l'autorité à l'école ? « Réacs ». Une plus grande régulation de l'immigration ? « Fachos », etc. Heureusement, les « contre-réactionnaires » veillent, qui agitent des pétitions à tout vent. Taguieff brosse leur portrait-robot. On les reconnaît à leur manie de faire des procès ad hominem. Le « contre-réac » s'y entend pour dénoncer le conservateur sous le libéral ; le « réac » sous le conservateur et le « facho » sous le « réac ». Cet antifascisme idéologique, explique Taguieff, est l'héritier résiduel d'une rhétorique créée dans les années 1930 par le mouvement communiste international pour stigmatiser tous ceux - libéraux, conservateurs, partisans du colonel de La Roque, ou maurrassiens de l'Action française - qui n'avaient que l'anticommunisme en commun. Instrumentalisé et dissocié de l'antitotalitarisme - Georges Orwell aura ce mot fameux : « L'intellectuel de gauche n'est pas antitotalitaire, il est antifasciste » - l'antifascisme mis en musique par le PCF aura pour fonction d'occulter, à la Libération, la dimension criminelle du stalinisme et de renvoyer dans les ténèbres tous ceux que les communistes combattaient. À ce titre, de Gaulle sera traité de fasciste, mais aussi Raymond Aron. Si cet antifascisme n'est pas mort avec l'effondrement de l'URSS, c'est qu'il sert d'identité à une gauche en manque de lendemains radieux, à qui il reste quand même un Grand Méchant Loup prêt à sortir du bois, pour se donner des frayeurs. Depuis quelques années, ce rôle est joué par le FN, dont le « national populisme », ainsi que le définit Taguieff, est issu de la tradition plébiscitaire du boulangisme. Pour Taguieff, si les antifascistes voient le fascisme là ou il n'est pas, c'est qu'ils n'ont rien compris à ce qu'il a été. Pour lui, comme pour la grande majorité des spécialistes, le fascisme ne se confond ni avec le conservatisme ni avec la réaction traditionnelle : il est fondé sur l'idolâtrie de l'État et du Parti, un nationalisme mâtiné de socialisme, et surtout sur l'idée qu'il faut générer un homme nouveau, « héroïque ». Les réactionnaires, Maistre, Bonald, Maurras ou Donoso Cortes, ne croyaient pas en l'homme nouveau, ils prônaient un ordre éternel, alors que fascistes et nationaux-socialistes rêvaient d'une humanité « régénérée ». Or, le paradoxe de ce fantasme de régénérescence, où l'on peut voir l'effet d'un thème religieux sécularisé, est qu'il est plutôt d'essence futuriste et moderniste. Taguieff en retrouve le leitmotiv tout au long de l'histoire de la modernité, aussi bien chez Darwin que chez Marx, notamment à travers une certaine conception évolutionniste et finaliste qui prétend, par la science et la technique, « améliorer » l'espèce humaine.
 
Les idéaux progressistes de l'Occident générateurs de barbarie ? Pierre-André Taguieff ne va pas jusque-là, mais suggère que la volonté de transformer l'homme par l'idéologie, qui a été la marque de fabrique du fascisme, comme du communisme, aurait été inconcevable sans la vision scientiste et quasiment mécaniste du progrès qui fut à l'oeuvre tout au long du XIXe siècle.
 
Les Contre-réactionnaires, le progressisme entre illusion et imposture de Pierre-André Taguieff Denoël, 620 p., 28 €.

06:10 Publié dans Définitions, Philosophie, Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

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