vendredi, 06 juin 2008
En souvenir d'un soldat politique de la Bundeswehr
En souvenir d'un soldat politique de la Bundeswehr: le Général-Major Hans-Joachim Löser
La Bundeswehr n'a jamais connu de généraux politisés à la façon latino-américaine. Elle a eu la chance, cependant, d'avoir eu, dans ses rangs, quelques généraux capables de combiner leurs compétences militaires à un instinct politique sûr et à une intelligence aiguë des conséquences directes de la politique de sécurité pour leur peuple. Ces officiers reconnaissaient le primat du politique, c'est-à-dire la responsabilité des hommes politiques démocratiquement élus, mais se réservaient toutefois la liberté d'exposer aux responsables politiques leurs convictions politiques solidement étayées par un savoir factuel et technique éprouvé, surtout lorsque ces convictions ne concordaient pas avec les idées des politiques, ce que ceux-ci n'aiment guère entendre. Parmi ces officiers allemands, capables de penser politiquement au meilleur sens du terme, il y avait le Général-Major e.r. Hans-Joachim (Jochen) Löser, qui vient de nous quitter, ce 13 février 2001, dans sa 83ième année.
Jochen Löser était issu d'une famille de Thuringe et de Saxe, bien ancrée dans les traditions. Après avoir passé son Abitur en 1936 dans une école NAPOLA de Berlin-Spandau, il rejoint comme aspirant (Fahnenjunker) le 68ième Régiment d'Infanterie du Brandebourg. Au début de la guerre, il est Adjudant de Bataillon, plus tard, lors de la campagne des Balkans et de la campagne de Russie, il est promu Adjudant régimentaire auprès du 230ième Régiment d'Infanterie. Quand commence la terrible bataille de Stalingrad, il la vit et l'endure avec le grade de commandant de bataillon. Il est grièvement blessé et reçoit la Croix de Chevalier. Après avoir reçu une formation d'officier d'état-major et avoir servi à ce titre dans les Carpathes et sur le Front de l'Arctique, il évite en avril 1945, face aux troupes américaines, la bataille de défense de sa ville natale, Weimar, mission impossible et désormais dépourvue de sens. Après la guerre, il gère pendant dix ans une entreprise qui occupe des invalides de guerre. En 1956, il entre au service de la Bundeswehr. Il y exerce les fonctions de maître de conférence à l'école militaire de Hardthöhe, de chef d'état-major d'une Division puis d'un Corps d'armée, finalement il accède au grade de commandeur d'une Brigade et d'une Division. En 1974, de son propre chef, il décide de quitter le service des armes et reçoit la Grande Croix du Mérite de la RFA.
Quand la FDP proposait une vraie alternative
J'ai connu Jochen Löser en 1967, quand je dirigeais le "Cercle de travail I" de la fraction FDP du Bundestag, qui s'occupait également des questions de défense. A l'époque, le noyau de la politique de défense de la FDP était le suivant: il nous paraissait inutile d'équiper les troupes allemandes placées sous le commandement de l'OTAN d'armes atomiques coûteuses, alors que les munitions ad hoc ne seraient jamais placées entre des mains allemandes. Nous nous posions la question: ne serait-il pas plus intelligent de concentrer nos moyens pour améliorer la défense conventionnelle de l'Allemagne et de laisser la dissuasion nucléaire aux puissances qui pourrait l'utiliser en cas d'urgence? C'est donc surtout grâce aux conseils de Jochen Löser que la FDP, guidée par son expert en questions de défense, Fritz-Rudolf Schultz, a pu présenter une alternative en politique de sécurité, face à la Grande Coalition de l'époque; c'était une alternative inattaquable sur le plan des faits, qui tenait nettement mieux compte des intérêts du peuple allemand divisé en cas de guerre que les plans habituels de l'OTAN.
Après 1969, la FDP, malheureusement, a abandonné ses préoccupations en matières de défense et n'a plus manifesté d'intérêt pour ces réflexions. En tant que commandeur, Jochen Löser ne voyait plus aucune possibilité de diffuser ses compétences techniques. Cela a sans doute motivé son départ de la Bundeswehr. Il a alors commencé une fructueuse carrière d'écrivain politique, où il a couché sur le papier ses réflexions en matières de défense, qui, chaque fois, tenaient compte des intérêts de l'adversaire potentiel. Des ouvrages comme Gegen den Dritten Weltkrieg (Contre la Troisième Guerre mondiale), Weder rot noch tot (Ni rouges ni morts), Neutralität für Mitteleuropa (Neutralité pour l'Europe centrale), Kämpfen können, um nicht kämpfen zu müssen (Savoir combattre pour ne pas avoir à combattre), puis, finalement, cette magnifique histoire de la 76ième Division d'Infanterie de Berlin-Brandebourg, intitulée Bittere Pflicht (Notre amer devoir), où Jochen Löser, le soldat qui défendait les intérêts de son peuple, rassemblait tous ses souvenirs, sans perdre de vue les intérêts des autres peuples.
Detlef KÜHN.
(Hommage rendu dans l'hebdomadaire Junge Freiheit, http://www.jungefreiheit.de ).
00:10 Publié dans Affaires européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : allemagne, défense, militaria, mitteleuropa, hommages | | del.icio.us | | Digg | Facebook
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