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lundi, 22 septembre 2008

De Mai 68 à "Capitalisme et barbarie"

 

 

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VIVRE SANS TEMPS MORTS, JOUIR SANS ENTRAVES! 40 ANS PLUS TARD : CAPITALISME ET BARBARIE
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Écrit par Jean-Baptiste Santamaria   
Jules Monnerot après avoir fait ses premières armes au sein du surréalisme et de l’extrême-gauche intellectuelle termina son itinéraire politique et philosophique sous la bannière de la droite de conviction. Doté d’un sens historique aiguisé il avait qualifié le communisme, véritable mythe du XX° siècle, de « nouvel islamisme », résumant par là le caractère relativement fruste mais messianique du message, de plus il est notamment connu pour avoir forgé le concept d’hétérotélie. Emprunté à Pareto, ce concept renvoie à la difficulté qu’ont les hommes à se reconnaître dans leurs œuvres. Max Weber dans un même ordre d’idées avait mis en garde contre l’éthique de conviction, toujours prompte à s’enflammer pour les nobles causes futures mais aux retombées imprévisibles et milité pour une éthique de la responsabilité, soucieuse des conséquences immédiates de l’action humaine et des moyens à mettre en œuvre. Ceci présentant une théorisation précise de la question de la fin et des moyens. Le XX° siècle a vu le capitalisme libéral sortir vainqueur de ses deux adversaires totalitaires : le fascisme et le communisme. Ici l’affaire est entendue, le nazisme, se voulant une synthèse entre le nationalisme et le socialisme - les deux grandes idées de la modernité tardive- a sombré dans le cauchemar en rééditant la saignée de la grande guerre et débouchant sur le plan démographique par un vaste appel d’air au profit de populations extra-européennes. Hitler qui avait mis la science (l’anthropométrie entre autres…) au service de ses idéaux et des ses exigences raciales (les ariens représentant pour lui la quintessence des races européennes) a ouvert la porte au métissage généralisé :bel exemple de retournement des idéaux initiaux.
 Nous-nous bornerons ici au simple constat d’hétérotélie, sans porter de jugement  sur la valeur intrinsèque du nationalisme, du socialisme, du racisme et de la techno-science et des manipulations démocratiques des masses au service de ces idéologies.
Même constat avec le communisme. Le mythe de la classe a échoué de même, dans le massacre de masse et l’aliénation quant son projet de subversion et de fondation d’un ordre nouveau. La notion de classe était double, ambiguë dès le départ. Elle renvoyait en même temps à un extrema de la modernité et au retour au grand un et au sacré primitif. En effet le schéma marxiste prétendait utiliser toutes les ressources de la science pour diagnostiquer un futur post-capitaliste : le matérialisme historique branche d’un matérialisme dialectique l’englobant. En même temps, le projet communiste renvoyait à un imaginaire pré-moderne du grand tout, la communauté retrouvée, pronostiquée après la parenthèse individualiste libérale, de la classe abolie.
Echec sur toute la ligne : les prévisions scientifiques ont fait chou blanc, le communisme réel n’ayant touché que des pays à large dominante rurale.
Fascisme et communisme avaient tous deux cette ambiguïté initiale : ils s’inscrivaient en faux contre la modernité libérale, grande atomisatrice de l’homme, tout en mettant en œuvre des techniques de manipulations de masse (propagande, partis et syndicats, mobilisation totale et permanente etc) extrêmement sophistiquées, techniques, bref modernes et parallèlement à cette hyper-modernité ils étayaient leur pouvoir sur le mythe du grand tout sacré :la classe ou la race ou l’Etat expression de la Raison pour-soi.
Ce qui nous occupera ici cependant c’est non pas l’hétérotélie résultant du projet libéral-capitaliste mais dans un premier temps l’analyse de l’absorption par celui-ci de l’imaginaire contestataire de 1968. En gros comment l’imaginaire libéral redynamisé par la pensée 68 a en même temps relancé la machine économique, philosophique et technique tout en induisant des conséquences à mille lieues  des volontés initiales des initiateurs de la grande festivité contestataire.
   Mais c’est surtout le second point : comment du sein même de l’imaginaire du mouvement ouvrier ou de sa variante petite-bourgeoise-pro-prolétarienne va émerger un courant que nous qualifierons d’ultra-gauche antitotalitaire. Ce courant nous semble intéressant pour assurer (avec d’autres) une re-fondation de la mouvance identitaire.
Ce courant comme tout le mouvement ouvrier a certes été défait par le capitalisme mais il a su faire preuve d’une dynamique critique et réflexive d’une grande qualité.
Ce ne sera pas tant le bilan du mouvement ultra-gauche qui nous intéressera, même s’il a su non seulement rapidement déceler dans le mouvement communiste réellement existant une expression du capitalisme d’Etat, mais aussi les impasses du mouvement ouvrier lui-même, comme, avec la notion de fascisme brun et fascisme rouge, anticiper sur les thèses d’Hannah Arendt concernant le totalitarisme.





1-Des gauchistes en général et en particulier, quelques catégories :

 A-Catégories :
L’objet du premier mouvement de ce texte est donc d’analyser en quoi les idéaux gauchistes soixante-huitards se sont retournés en leur contraire. Non seulement ils ont été –pour utiliser la phraséologie en vogue à l’époque - « récupérés » par la bourgeoisie, mais ils ont débouché sur une manière d’être aux antipodes des desiderata initiaux.
Les chapelles gauchistes étant nombreuses nous avons ici défini trois grandes familles. Cette division ne recoupe pas essentiellement des groupements idéologiques mais plutôt des pratiques et des évolutions différentes.
Le premier groupe, le plus connu, est celui appelé simplement « gauchiste ». Il regroupait à la fin des années 60 une myriade d’organisations anarchistes, maoïstes et trotskistes. Seuls les derniers ont survécu et semblent même -au moins pour la LCR- connaître aujourd’hui un certain regain. Ces trotskistes sont toujours faiblement implantés dans l’industrie lourde (à cause de l’origine petite-bourgeoise des ses membres) mais connaissent un certain succès –via le syndicat Sud- dans le secteur public.
Le second groupe était constitué d’une nébuleuse « mouvementiste ». Prémisses d’un mouvement qui allait toucher la société civile et la modifier semble-t-il de manière importante au niveau des mœurs. Dans cette catégorie : le féminisme, l’homosexualisme, l’écologisme.
Au départ ces « sensibilités » sont regroupées sous la forme d’organisations plus ou moins structurées ou plus ou moins spontanéistes. Elles récusent l’autoritarisme de l’organisation bolchévique –dont trotskistes et maoïstes constituent des caricatures velléitaires- et surtout prônent la révolution immédiate du mode de vie. Un peu comme les anarchistes, elles rejettent le schéma léniniste (des gauchistes et des staliniens ) qui dit que d’abord il faut faire la révolution puis, après une phase de transition, l’Eden libéré du machisme, de l’homo-phobie et de la rentabilité verra le jour.
Un troisième groupe retiendra notre attention et notre intérêt : celui qui débouchera sur une extrême-gauche non totalitaire. C’est sur lui que portera le deuxième temps de notre analyse. Disons ici qu’on l’appellera ultra-gauche par opposition aux groupes léninistes. L’ultra-gauche prend certes racine dans l’extrême-gauche mais rapidement rompt, d’abord avec le schéma bolchevique, puis après, avec le messianisme prolétarien lui-même tel que le marxisme le raconte. Cette matrice a donné notamment les courants Socialisme ou Barbarie, la revue Libre, le MAUSS ou l’actuelle revue Le meilleur des mondes.
Sous cette étiquette nous pourrions placer, malgré peut être l’avis des intéressés une large part des néo-réactionnaires. On pourrait ainsi citer pêle-mêle : Castoriadis, Morin, Lefort, Clastres, Bruckner, Courtois, Finkielkraut, Dantec, Manent, Gauchet.
Nous tenterons plus loin de voir comment ces groupes, puis les individus qui y ont fait leurs premières armes, une fois débarrassés de leur gangue marxisto-léniniste ont pu accéder dans leur période de maturité à une pensée renouvelée du « capitalisme » et exercer une critique qui nous semble pertinente.

B-Etat actuel du gauchisme :
Pour un premier bilan nous pourrions dire –quant à leur degré d’absorption par le capitalisme:
que le premier courant dit gauchiste- dont le reliquat aujourd’hui est essentiellement trotskiste- se constitue comme une extrême-gauche du capital. La LCR, le Parti des Travailleurs et maintenant Lutte ouvrière constituant une force d’appoint aux marges des partis de gauche. Toujours manoeuvrant au sein des luttes étudiantes ce courant constitue une force non négligeable dans le secteur d’Etat (Postes, SNCF, hôpitaux, enseignants) avec un bon levier :SUD.
Même si seule la vieille garde maîtrise les fins et la vision du mouvement grâce à sa dialectique marxiste et léniniste, la plupart des jeunes militants participent seulement d’une bouillie tiermondo-compassionnelle-humanitariste qui ferait se retourner dans leurs tombes les fondateurs du Goulag (Trotski, Lénine). Prisonnier au mieux d’une idéologie ouvrière ce courant s’exprime donc dans les termes économistes propres au Capital les rendant par là impuissants à subvertir l’ordre bourgeois se bornant à appeler au développement du secteur nationalisé.
Ce courant reste donc capitaliste d’Etat à long terme et exprime aujourd’hui bien concrètement les intérêts corporatistes (essentiellement petit-bourgeois) du secteur nationalisé au sens large.
Le deuxième courant dit « mouvementiste » a échoué de même à présenter une alternative au capitalisme. En plus de cet échec on peut dire qu’il a fourni au capitalisme actuel un certain nombre de pratiques et une idéologie dans certains de ses secteurs.
Notamment en ce qui concerne la « gestion des ressources humaines » et la « communication ». On voit déjà bien là que si le coeur de la production (en biens et services) respecte des normes d’efficiency encore largement tayloriennes, elle emprunte tout un verbiage et un style axé sur la multiplication des réunions en tous genres. Ce management de la production entre en résonnance avec un management de la consommation dégageant une ambiance d’idéologie soft basée sur le matérialisme consumériste, un hédonisme de bon aloi et respectueux des tabous, aux antipodes du sybaritisme nietzschéen des Situs.
Donc ici, la compatibilité avec le Capitalisme est complète :sans exagérer l’influence exacte de la pensée 68 dans les modernes méthodes de management –elles touchent les cadres moyens et quelques secteurs de l’économie- on peut dire qu’elles ont été récupérées totalement.
Le troisième courant a lui aussi été battu par le Capital, mais ce qui nous retient ici c’est la capacité d’évolution de certains de ses membres.
Partis comme tout le mouvement ouvrier de catégories économistes, comme les capitalistes - en effet Marx comme Ricardo (moins, Adam Smith) pensent que l’économie détermine la phénoménologie humaine- ces individus ont évolué vers le politique.
Ils se sont vite aperçu non seulement des impasses du stalinisme et de la social-démocratie puis du trotskisme mais aussi des limites du potentiel contestataire du mouvement ouvrier .
Ce, autour du débat sur le caractère spontanément trade-unioniste du prolétariat.
Puis l’analyse du stalinisme leur a permis de dégager le caractère totalitaire du projet marxiste et de retrouver via le politique (débat autour de l’invention de la démocratie) le chemin de l’identité européenne autour du projet de création de la personne humaine.
C’est cette capacité à renouer avec le politique et la mise en œuvre d’une réflexivité et de l’esprit critique qui fait des principaux représentants de ces courants, à mon sens, un des noyaux de la composition d’un mouvement identitaire entendu comme le creuset de la résistance à un ordre mondial économiste et coupé des enracinements civilisationnels types.


2-Capitalisme et barbarie :

Pour mettre quelques noms derrière ce courant qui nous semble intéressant tant par son passé que par son potentiel nous nous attarderons sur quelques groupes même s’ils sont défunts car ils ont été des moments clés dans l’évolution de ceux qui nous semblent dignes d’être visités.
Un des groupes les plus prometteurs de l’ultra-gauche fut Socialisme ou Barbarie, animé par Cornelius Castoriadis et où Lefort et Morin sans doute ont transité.
Marcel Gauchet, sans y avoir appartenu de par ses références « phénoménologistes » nous semble pouvoir y être raccroché.
Nous ne ferons pas ici le bilan de l’action et des thèses de ce groupe. Simplement nous notons qu’il a été un des terreaux où se sont formés nombre de penseurs de cette gauche anti-totalitaire qui nous semble porteuse d’un projet d’actualité.
De leur anti-capitalisme et de leur anti-léninisme ces individus que je qualifie par commodité d’ex-ultra-gauche-devenus-antitotalitaires ont conservé, en ce qui concerne leur psychologie, une attitude de pugnacité et une extrême sensibilité dans l’application de leur esprit critique.

Habitués à combattre de front le capitalisme aussi bien que le léninisme ils ont développé une attitude faite d’une grande exigence éthique et politique et une endurance à toutes les pressions et campagnes de calomnies et de réduction de leur pensée. De plus les « erreurs de jeunesse » commises à l’époque de leur enrôlement plus ou moins long ou distancié sous la bannière des gauchistes –voire des staliniens- pour nombre d’entre eux les amène à une vigilance accrue face à tous les simplismes.
De leur passé anti-capitaliste ils ont conservé une démarche critique à propos du libéralisme économique.
Nous passons sur les divergences pour simplifier. En effet Castoriadis aimait à rappeler que pour rester révolutionnaire il lui avait fallu rompre avec le marxisme. Lefort lui insistait sur l’invention de la démocratie. Dantec semble, quant à lui, verser dans une condamnation globale de la modernité sur la plan théorique tout en assurant sur le plan pratique et tactique une défense du libéralisme (donc de la modernité en sa dernière phase). Nous-nous positionnerons donc ici sur une moyenne utopique de ce courant néo-réac ou ex-ultra-gauche. Il en résulte pour cette moyenne une position de défense du libéralisme politique dans ce qu’il a de meilleur –la défense de la personne humaine. Cette défense s’accompagne d’une analyse critique de sa phase actuelle . Critique de l’hédonisme matérialiste, de l’absence de transcendance et affaiblissement du rôle du politique.
Nous pourrions ajouter à cette liste Finkielkraut qui, sans avoir participé au courant ultra-gauche en a redécouvert les principales articulations doctrinales avant de rejoindre le camp des anti-totalitaires. Adeptes certes du libéralisme politique, ce courant n’en demeure pas moins fort critique du libéralisme économique et de la décomposition du Politique qu’il induit.
Bruckner se rattache à ce type de profil humain.
Dans tous les cas ces personnalités doivent être créditées d’une grande capacité critique et de retour sur soi. Analyser l’anti-racisme comme le totalitarisme du XXI° siècle (Finkielkraut) et le mondialisme métisseur et destructeur d’identités (Zemmour, issu quant à lui de la droite traditionnelle) implique une lucidité totale sur les pratiques de la gauche, la continuité de méthodes relevant du terrorisme intellectuel , la manipulation médiatique et l’organisation de carrières autour d’idéologies comme l’anti-fascisme puis l’anti-racisme et aujourd’hui l’instrumentalisation des droits-de l’homme.
Une fois dégagées les qualités inhérentes à ce type de parcours militant, le paragraphe suivant expose les avantages qu’apporteraient la rencontre avec ce pan de l’identité européenne qui incarne le meilleur de la pratique du mouvement ouvrier et petit-bourgeois pour les courants issus plus classiquement de l’extrême-droite ; ce, dans un projet de fondation d’une nouvelle configuration politique basée sur la référence à l’identité européenne en vue d’ un dépassement du projet moderne permettant une meilleure résistance à la subversion démographique extra-européenne. Ainsi une synthèse entre des fractions différentes de l’imaginaire européen pourrait permettre d’accéder à une défense raisonnable, dans le cadre d’une approche circonspecte et pleinement politique, de notre identité. Mettant à profit des capacités de résistance diverses à l’air du temps constitué autour du compassionnel et de l’infra-politique.


3-De l’intérêt des ex-ultra-gauches dans l’actuelle recomposition :


Ce qui nous intéresse dans ce courant est alors non pas une succession d’instantanés plus ou moins « vrais » mais une dynamique. Ces individus, que nous appelons ici ex-ultra-gauches-devenus-antitotalitaires, ont témoigné d’une certaine dynamique, d’une certaine « progression ». Cette évolution témoigne d’une certaine capacité éthique, intellectuelle, spirituelle, d’une certaine attitude vis-à-vis du « monde ». Attitude caractérisée par une certaine recherche du « vrai » en politique notamment le respect du fait historique (querelle sur le Livre noir du Communisme) . Cette recherche peut exiger un refus des compromis, des modes, des impératifs de carrière. Elle implique donc un certain caractère entier, une certaine exigence.
Il leur a fallu combattre aussi bien le libéralisme politique en tant qu’établissement où il aurait été facile de s’ériger en porte-parole et (bonne) conscience auto-proclamée, que l’opposition marxiste ayant pignon sur rue c'est-à-dire reconnue au sein (ou en marge autorisée) de bureaucraties ouvrières ou des multiples courants, officines, revues, synécures de la mouvance progressiste « petite-bourgeoise ».
C’est ce profil qui nous intéresse aujourd’hui.
Certes l’extrême-droite a pu engendrer semblable profil de lutteurs trempés par les défaites et les trahisons successives et exigeant une lucidité et un caractère forgé dans les plus dures épreuves.
D’ailleurs Souvarine (auteur de « A contre-courant », tout un programme…) a pu être à la jonction de ces deux profils de militants aguerris par les résistances et les défaites.
Mais c’est là que les trajectoires des ex-ultra-gauches peuvent être d’une importance pour la recomposition à venir de la mouvance identitaire.
La mouvance réactionnaire ou fasciste a maintenu des valeurs non-bourgeoises d’un grand intérêt : honneur, courage physique et intellectuel, désintéressement, fidélité, courtoisie, tempérance, anti-conformisme, circonspection, ruse, enracinement.
Ces valeurs sont d’origine aristocratiques ou rurales et s’opposent aux valeurs de la bourgeoisie : goût du travail, industriosité, sens de l’innovation, régularité, sens de la négociation, modération, rigueur de l’analyse, goût pour l’égalité.
Les valeurs prolétariennes sont les mêmes que les bourgeoises car l’ouvrier comme le bourgeois relève des catégories économistes. Ce qui les différencie (esprit de solidarité) provient de mentalités pré-capitalistes (common sense de l’artisan au sens de Latsch ou Michea).
Nous sommes redevables à l’extrême-droite classique ou simplement la droite de conviction d’avoir su maintenir intactes ces valeurs non modernes héritières de notre passé féodal donc militaire, en opposition et en complémentarité avec les valeurs propres de la bourgeoisie.
C’est comme disait Paul Valéry le bien contre un autre bien.
Le bien aristocratique contre le bien bourgeois, l’honneur contre le compromis astucieux.
Opposition réelle dans l’Histoire mais dans un dépassement de cette opposition nous pouvons tenter de ramasser ensemble le féodal et le marchand (et le prolétarien donc), la valeur guerrière et l’astuce industrieuse. Symbiose incarnée dans notre lointaine mémoire par Ulysse polyméthis, Ulysse aux mille tours, guerrier aguerri et stratège rusé.
Mais si l’ex-ultra-gauche ne participe pas de l’héritage pré-moderne quant aux valeurs qu’il incarne il (versant positif de la chose) ne véhicule pas tout un imaginaire de la défaite.
En effet l’extrême droite (versant négatif de sa résistance à la modernité) véhicule une idéologie de vaincus depuis presque trois siècles ; avec la morale du ressentiment qui l’accompagne chez nombre d’entre eux. Il n’est que de voir le courrier des lecteurs de Rivarol : toujours de haute tenue sur la forme et sur le fond mais dégoulinant de rancœur et de défaitisme.
On ne saurait aujourd’hui livrer bataille avec ce fond idéologique héritier de l’E-D ni son personnel politique transi par cette tradition de défaites cumulées.
La défaite n’est pas un mal en soi. Si elle est suivie d’une analyse, d’une victoire sur soi même et d’un dépassement de ce qui a été sa raison de vivre, c'est-à-dire son échelle de valeurs.
Au contraire chez nombre de camarades d’E-D c’est la vie par procuration et le rappel de configurations politiques dépassées.
En vivant dans les modèles et catégories du passé l’ex-militant phantasme sur un passé dépassé et en tire une certaine joie morbide qui le rend au mieux inapte à la nouvelle configuration du combat présent et au pire l’amène à soutenir l’ennemi au nom d’anciennes configurations (anti-sémitisme et anti-américanisme pro-arabe).
Nous sommes aujourd’hui dans une phase nouvelle : les empires européens ont disparu, les nations sont à dépasser, les combats de classe n’ont plus (sauf pour les trotskistes) le caractère messianique qu’ils revêtaient aux deux siècles précédents.
Nous sommes à la veille d’une refondation du mouvement identitaire dans une situation qui ressemble à celle (fin des années 1970) où le FN est devenu l’outil fédérateur de toutes les forces de l’E-D traditionnelle.
Mais là où le FN s’est construit comme le dernier sursaut de l’Empire et des valeurs des vaincus anti-modernes des dernières grandes guerres civiles de la nation française il va nous falloir œuvrer dans une perspective européenne et dans un cadre qui fait fi des clivages traditionnels de classe tout en prônant le politique d’abord face au tout économique des « libéraux ».
Et c’est là qu’intervient l’impact d’une tradition, issue du mouvement ouvrier mais ayant dépassé les simplismes et les messianismes. Tradition se déployant autour de clercs de valeur qui  bénéficient d’une aura certaine. Clercs qui redynamisent la fonction de l’intelligentsia face aux pouvoirs des média et des politiciens, simples porte-parole du capital financier.
Continuer à nous ouvrir vers d’autres courants issus comme nous de la matrice européenne –relevant donc de notre identité- est le seul moyen de surmonter le syndrome des vaincus de 1945. Syndrome par exemple dépassé en son temps par les défenseurs de l’Algérie Française par exemple, mais dans lequel nous avons replongé à cause et de la dynamique de cette ultime défaite et par la politique habile de l’adversaire.

4-Leçon de chose et méthode :


Voilà quelle serait la leçon que nous pourrions tirer de cette ultime phase des grandes guerres civiles européennes qu’ont constitué les années 68 et alii :
A- Considérer celle-ci  comme une étape de notre histoire, étape constitutive donc de notre identité.
B- Comme dans toute guerre civile il n’y avait pas les bons contre les mauvais.
C- Toute guerre civile se termine et est dépassée non pas par la victoire d’un camp mais par une reconfiguration du topos politique.
D- Ce qui est le plus intéressant, expression et en même temps moteur du dépassement c’est l’évolution dans chaque camp des membres les plus « dynamiques ». Ce dynamisme se déploie dans l’exercice de valeurs.
E- Ces valeurs sont elles-mêmes mises en perspective, retravaillées, dépassées en synthèse avec d’autres valeurs parfois portées par l’ex camp adverse.

 Concrètement : la référence à diverses fractions de l’imaginaire européen permet une relance et une recomposition de cet imaginaire européen. Synthèse de dépassement du meilleur des parcours pratiques et idéologiques des individus qui ont fait montre dans leur trajectoire militante et simplement existentielle des meilleures dispositions ; à savoir la capacité à se remettre en question en permanence sans sombrer ni dans le découragement, ni le relativisme, ni la culpabilité (pour les « erreurs » passées) avec le détachement, la persévérance et la joie face à tous les mauvais prophètes de la grande lassitude et de la haine de soi.
Il va de soi (nous avons cité plus haut Eric Zemmour qui est issu de la droite traditionnelle) que la liste des courants et personnalités qui pourraient apporter leurs talents à une redynamisation de l’esprit européen n’est pas limitée au courant anti-totalitaire et à l’extrême droite réfléchie…

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