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vendredi, 18 mars 2011

La démocratie et le mythe du long fleuve tranquille

La démocratie et le mythe du long fleuve tranquille

par Jean-Gilles MALLIARAKIS

Ex: http://www.insolent.fr/

100310L'ignorance de l'Histoire, et même le mépris pour ses enseignements les plus ordinaires a toujours causé le plus grand tort à nos dirigeants. Ce travers s'est aggravé dès lors qu'une mode a voulu considérer que rien d'important ne s'est passé dans le monde antérieurement à l'année 1963 qui vit la mort de John Fitzgerald Kennedy. Supposée, quand même, plus enracinée dans le passé l'Histoire de l'orient commence généreusement aux dires de nos commentateurs agréés dès 1952, avec les officiers libres nassériens.

 

Dans les années 1920 Henri Lammens (1) annonçait, contre tous les sachants, tous les faux spécialistes et autres francs-maçons du grand orient de France, le réveil islamique. On ne l'a pas cru.

Tout cela recommence encore, hélas, chaque jour. Des monceaux d'absurdités sont déversés à propos des événements survenus, depuis le début de cette année, au Maghreb et au Proche orient, puis sur la Libye. À peine vieilles de six semaines, les involutions de l'Égypte et de la Tunisie étaient présentées comme des tournants définitifs, aboutissant à des situations figées et irrévocables.

De ces fleuves naissants, aux sources mal explorées, qui pourrait cependant soutenir qu'il connaît d'ores et déjà l'embouchure ?

Salués pour magnifiques, ces troubles n'ont jusqu'ici produit, en effet, que la chute des gouvernements. Certes on peut tenir ces régimes arabes pour sénescents, presque autant que notre Cinquième république. On les jugera probablement corrompus puisqu'ils sont dirigés par les amis de nos ministres intègres. Mais pour l'instant les transitions sont assumées au gré de l'arbitrage des militaires. Pas bien représentatif pour une démocratie.

Dès que les Libyens ont commencé à bouger, on a jugé inéluctable la victoire du peuple, la déconfiture du tyran, et donc l'établissement paisible de la démocratie sur les décombres de la dictature.

Les architectes virtuels d'un Westminster futur de la Cyrénaïque se demandent seulement si la maison Hermès pourra fournir à temps les cuirs verts de la chambre des Communes et les rouges de la chambre des Lords. Et Comme tout va très vite, on s'interroge quand même sur la pertinence de recourir à John Galliano pour dessiner la perruque des juges. Le bon goût change à chaque instant, dès lors qu'il se passe quelque chose aux Galeries Lafayette.

Les jours du clown sanglant de Tripoli étaient comptés, Juppé dixit. En matière de prédiction, voilà une référence qui fait trembler.

Le "frangin" (2) Ollier remballait très vite sa présidence de "France-Libye", presque aussi discrètement qu'il l'avait exercée. Curieusement, en notre temps, si affolé pourtant de ragots, de rumeurs et de faux scandales, celui-ci ne semble, à ce jour, intéresser personne. À défaut de faire travailler l'industrie d'armement on allait fournir des contrats au commerce du luxe. Les champions nationaux sont sauvés. Tout allait bien. De mieux en mieux plutôt, puisqu'on n'arrête pas le progrès.

Un peu de patience quand même, s'il vous plaît. La démocratie exemplaire britannique ne s'est instituée, chez ce très grand peuple, qu'après deux révolutions (3) et, plus encore, après trois siècles de fonctionnement du régime parlementaire. Il faut n'avoir rien lu de Jacqueline de Romilly qui, pourtant, admirait tant la démocratie athénienne, pour croire que celle-ci résume à elle seule l'Histoire et la pensée de l'Antiquité grecque, et encore plus pour imaginer que cette "invention" fonctionnait dans des conditions analogues à celles que nous connaissons de nos jours, et qu'hélas nous pouvons en partie déplorer.

Croire naïvement qu'il suffit d'une étincelle pour mettre le feu à la prairie, et plus encore pour imaginer que cet incendie, après avoir éclairé le monde, réchauffera nécessairement les peuples convient sans doute à notre époque superficielle et décadente. Tout, tout de suite, sans effort, sans lutte, sans douleur. Nietzsche y voyait la marque du nihilisme. "Point de berger un seul troupeau". On pourrait y voir aussi l'annonce de bien des désillusions.

JG Malliarakis
 

Apostilles

  1. cf. "l'Islam croyances et institutions" pp 183-225.
  2. cf. Le Point n° 2001 du 20 janvier 2011 page 50.
  3. cf. "Les Deux Révolutions d'Angleterre" par Edmond Sayous

Vous pouvez entendre l'enregistrement de notre chronique
sur le site de Lumière 101

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