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mercredi, 27 novembre 2013

Où va le monde ?

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Où va le monde ? Et pourquoi le pire n’est pas encore sûr !

par Pierre LE VIGAN

 

L’une des responsabilités du politique, sinon la première, c’est de ne pas compromettre l’avenir. Cela implique de prendre en compte les risques de catastrophe sociale, écologique et autre. Quatre auteurs répondent ici à ces questions avec des préoccupations proches mais des sensibilités intellectuelles différentes.

 

Pour Yves Cochet, dont les idées sont parfois très discutables mais ont le mérite d’exister, par ailleurs le seul politique des quatre auteurs, le culte du retour de la croissance va se fracasser contre le mur du réel. La croissance élevée ne reviendra plus : l’énergie abondante et pas chère c’est fini. De là l’idée que les objecteurs de croissance doivent continuer d’autant plus à développer un autre imaginaire que la croissance, cette religion du toujours plus. Quel imaginaire ? Celui d’une société de sobriété, de partage, de nouvelles autonomies collectives.

 

Dès maintenant un grand accident écologique est possible : ce que l’on pourrait nommer un supplément du destin ou une accélération du destin. Loin de tout délectation morbide, il faut penser la catastrophe possible pour pouvoir peut-être l’éviter : c’est le « catastrophisme éclairé » pour lequel plaide Jean-Pierre Dupuy. Se saisir du temps du projet pour agir avant qu’il ne soit trop tard.

 

Mais il faut agir sur plusieurs fronts car l’écologie et l’économie font système. Explications. La folie de la finance a mis en péril l’économie réelle, celle qui, avec les P.M.E., crée la richesse réelle et l’emploi. En d’autres termes, la production est attaquée et souvent liquidée par l’économie casino. Ensuit, c’est la société elle-même, avec les États menacés de faillite, qui souffre de la crise de l’économie réelle. En bout de chaîne, c’est la planète dont les ressources et les équilibres sont  détruits par la logique du turbocapitalisme. Une « sortie » de crise possible se profile. Elle n’est pas rose. C’est le replâtrage autoritaire du système, au profit d’une minorité de très riches. Mais ce n’est pas une fatalité. À l’encontre de ce risque de dérive oligarchique et autoritaire, l’objectif rassembleur pourrait être, selon Susan George, de reconstruire une société humaine à partir de l’idée que la terre n’est pas un bien inépuisable. « On ne peut jamais gagner une guerre contre la nature » note Susan George. Nous sommes dans une planète de plus en plus remplie, et avec des terres cultivables qui ne sont pas multipliables à l’infini. D’où la nécessité de faire de l’usage économe et respectueux de la planète notre loi suprême.

 

Une planète rétrécie, mais quelles conséquences sur les humains ? Serge Latouche émet l’hypothèse d’une double tendance : d’un côté un mouvement vers l’uniformisation mondiale des usages technologiques – une humanité homogène –, de l’autre une tendance à la constitution, sur la base de la séparation politique, voire de l’apartheid, d’entités collectives de plus en plus réduites, de plus en plus identifiées par des références prémodernes (l’ethnie, la religion, etc). Des micro-États ou de grandes « tribus ». Exemples : les petits pays issus de l’éclatement de l’ex-Yougoslavie, l’Ossétie du Sud, le Sud-Soudan, le Somaliland… Homogénéité du monde ou éclatement ? C’est cette dernière tendance qui est dominante selon Serge Latouche. Mais la fragmentation des États-nations n’est-elle pas le moyen pour les grandes puissances de conforter leurs positions ? D’être plus fort face à des petits encore plus petits et plus isolés ? C’est plus que probable, ce qui n’enlève rien à la réalité d’aspirations à des liens plus locaux, par réaction sans doute aux effets de la mondialisation.

 

La deuxième remarque qu fait Serge Latouche concerne l’existence de deux phases dans la crise. Une première phase, de 2007 à 2008, avec la crise des subprimes puis la faillite de Lehman Brothers, a été marquée par l’affichage de velléités de régulation du système financier par les États. « Le marché qui a toujours raison, c’est fini », s’exclamait Sarkozy en septembre 2008. Mais concrètement la seconde phase de la crise n’a pas vu la mise en place d’une régulation nouvelle mais a été marquée par la prise en charge des dettes privées, celles des banques, par les États et donc par les citoyens, avec comme conséquence une transmission des risques de faillite aux États. Premières victimes : les systèmes de protection sociale et les services publics. Et conséquence logique : une politique d’austérité visant à faire payer le coût de la dette aux classes populaires et aux classes moyennes. Le sauvetage des banques a ainsi coûté environ le tiers du P.I.B. mondial, indique Latouche. L’estimation est peut-être surévaluée mais les sommes sont en tout cas de 20 % de la richesse nationale pour le Royaume-Uni, et de 7 % pour la France. Elles sont donc considérables.

 

Surtout, la finance continue de représenter des montants de dix à quinze fois supérieurs à l’économie réelle. La déconnexion entre les deux sphères ne pourra être maintenue longtemps. Seul le crédit en flux continu et le mythe d’une croissance perpétuelle l’a rendu possible pendant un temps, et à quel prix ! Mais le modèle de la guerre de tous contre tous a sapé les fondements mêmes de la société.

 

La mondialisation n‘a pas été autre chose, explique Latouche, que « l’omnimarchandisation du monde ». Quand ce cycle est accompli, il amène les hommes à réinventer les vertus de l’autonomie locale, de la débrouille, des petits marchés locaux. Une alternative au grand marché mondial ? « À moins de remettre en cause la société de croissance, on n’échappera pas au chaos. C’est effectivement : décroissance ou barbarie », conclut Serge Latouche.

 

Pierre Le Vigan

 

• Yves Cochet, Jean-Pierre Dupuy, Susan George, Serge Latouche, Où va le monde ? 2012 – 2022 : une décennie au devant des catastrophes, Mille et une nuits, 78 p., 3,50 €.

 


 

Article printed from Europe Maxima: http://www.europemaxima.com

 

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