Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

jeudi, 02 janvier 2014

Nouvel agencement explosif au Proche-Orient

saudi-israel-alliance.jpg

Bernhard TOMASCHITZ:

Nouvel agencement explosif au Proche-Orient

 

Après les accords conclus avec l’Iran, Israël veut les torpiller et coopérer avec les Saoudiens, désireux, eux aussi, d’acquérir un armement nucléaire

 

L’Iran, les cinq puissances disposant d’un veto à l’ONU plus l’Allemagne ont conclu un accord. Téhéran promet, notamment, de limiter sa capacité à enrichir l’uranium à 5% et autorise le contrôle de son programme nucléaire par les instances internationales. Jusqu’en novembre 2014, prévoit un plan complémentaire, le conflit né hier du programme nucléaire iranien doit être définitivement résolu par un nouvel accord, plus complet.

 

Jusqu’à ce moment-là, il faudra compter, sur la scène internationale, avec des manoeuvres de sabotage perpétrées par Israël, qui entend bien ôter à l’Iran tout droit à un usage civil et pacifique de l’énergie nucléaire. Le Premier Ministre israélien Benjamin Netanyahou a d’ailleurs considéré que les accords signés à Genève fin novembre 2013 constituaient une “erreur historique” qui “rendait le monde plus dangereux”. Netanyahou peut compter sur l’appui des “faucons” du Congrès américain. Le Président de la Chambre des représentants, le Républicain John Boehner a exprimé publiquement son avis: l’accord signé “est une étape habile et remarquable franchie avec succès par l’Iran pour contourner les sanctions internationales”, sauf si, bien sûr “le gouvernement Obama parvient à démonter le programme nucléaire iranien dans son ensemble”.

 

A tout cela s’ajoutent des initiatives comme celle de Ileana Ros-Lehtinen qui obtiennent des appuis dans les deux Chambres du Congrès. Cette Républicaine de Floride, de concert avec le Démocrate Ted Deutch, a suggéré un projet de loi sur “le partenariat stratégique entre les Etats-Unis et Israël”. Dans ce projet —également déposé au Sénat— Israël devrait être posé comme “l’allié principal” des Etats-Unis. Il implique bien évidemment que la coopération entre les deux puissances soit dorénavant encore plus étroite, surtout dans le domaine militaire. Avant que toute décision soit prise ou que tout vote ait lieu, le rôle des multiples lobbies pro-israéliens sera déterminant, surtout celui de l’AIPAC. Dans le passé, l’AIPAC a financé généreusement les campagnes électorales des démocrates et des républicains pro-israéliens. D’après le journaliste Timothy Alexander Guzman, John McCain a reçu 750.368 dollars, Carl Levin 366.378 dollars, Robert Menendez 21.135 dollars et Ileana Ros-Lehtinen 141.507 dollars. Par l’effet de ces subsides, acoordés principalement aux “chrétiens sionistes”, on achète tout bonnement une influence politique sur les membres du Congrès; cet état de choses assure le succès du lobby pro-israélien. Cette situation, qui perdure, a été méticuleusement analysée, il y a quelques années, par John Mearsheim et Stephen Walt dans un livre entièrement consacré à ce formidable lobby toujours favorable à l’Etat d’Israël. On y lit: “Le principal pilier qui rend ce lobby si efficace est l’influence qu’il exerce sur le Congrès américain, où Israël se voit pratiquement immunisé de toute critique. C’est d’autant plus remarquable que le Congrès, en règle générale, n’hésite jamais à aborder des questions épineuses. Qu’il s’agisse de l’avortement, des mesures anti-discriminantes, des soins de santé ou de l’Etat-providence, on peut être sûr que de telles questions suscitent toujours de vifs débats sur la colline du Capitole. Mais dès qu’il est question d’Israël, toutes les critiques potentielles se taisent et il n’y a quasiment aucun débat”.

 

Israël, pour sa part, vient d’ouvrir un nouveau front: l’Etat hébreu entame une coopération étroite avec l’Arabie Saoudite. Nous avons affaire là à deux partenaires potentiels, dont les divergences apparentes ne sauraient être plus flagrantes: d’une part, nous avons un Etat d’idéologie sioniste, d’autre part, un royaume dont la religion d’Etat est le wahhabisme, la version la plus fondamentaliste de l’islam qui, de srucroît, vise à s’exporter dans le monde entier. Mais les deux puissances ressentent la présence d’une menace commune, celle que représente la bombe potentielle de l’Iran. Ryad et Tel Aviv resserrent les rangs devant le danger iranien et chiite. Israël veut empêcher que s’évanouisse son statut de seule puissance nucléaire au Proche Orient, tandis que l’Arabie Saoudite craint que son influence en tant que puissance régionale dans le Golfe Persique soit perdue.

 

Le 17 novembre 2013, le journal britannique “Sunday Times” écrivait qu’Israël et l’Arabie Saoudite avaient concocté un plan secret pour coordonner une attaque commune contre l’Iran. Le journal anglais basait ses affirmations sur des sources diplomatiques et ajoutait que les deux pays étaient convenus d’une stratégie: l’Arabie Saoudite acceptait qu’Israël utilise son espace aérien et qu’en cas d’attaque israélienne elle coopèrerait dans la mise en oeuvre de drones, d’hélicoptères de secours et d’avions-citernes. Ensuite, les services secrets israéliens, le Mossad, prépareraient, de concert avec des responsables saoudiens, des mesures à prendre après la signature des accords nucléaires avec l’Iran. “Après la signature des accords à Genève, l’option militaire revient à l’ordre du jour. Les Saoudiens sont furieux et prêts à donner toute l’aide voulue aux Israéliens”, écrit le “Sunday Times” en citant les propos d’un collaborateur des services secrets. Qui plus est, l’Arabie Saoudite craint que le rapprochement entre les Etats-Unis et l’Iran provoquera une mutation fondamentale dans la donne géopolitique au Proche Orient et que les alliés anciens des Etats-Unis tomberont rapidement en disgrâce. Pourtant un changement de cap immédiat de la part des Etats-Unis, qui serait favorable à Téhéran, n’est pas plausible, bien que Washington, effectivement, semble à la recherche de nouveaux alliés plus fiables dans la région. Le soutien permanent que les Saoudiens apportent aux djihadistes du monde entier grâce à la plus-value colossale de leur pétrole, va désormais à l’encontre des intérêts américains. Dans la cas de la Syrie, une étude du “think tank” britannique “Royal United Services Institute” écrit: “Ces éléments [djihadistes] reçoivent l’appui de l’Arabie Saoudite et du Qatar et joueront indubitablement un rôle en Syrie après la chute d’Assad”.

 

Pour faire face à tous impondérables, Ryad veut acheter des armes nucléaires au Pakistan, pays qui est entré dans le club des puissances atomiques en 1998. Le royaume wahhabite possède déjà les systèmes porteurs et les rampes de lancement nécessaires. Amos Yadlin, ancien chef des services secrets israéliens, déclarait, il y a quelques semaines lors d’une conférence tenue en Suède: “Si l’Iran en vient à posséder la bombe, les Saoudiens n’attendraient pas un mois. Ils ont déjà payé la bombe, ils iront au Pakistan pour aller chercher ce dont ils ont besoin”. Mais, contrairement à la bombe iranienne, le programme nucléaire saoudien ne suscite aucune critique ni aux Etats-Unis ni en Israël.

 

Bernhard TOMASCHITZ.

(article paru dans “zur Zeit”, Vienne, http://www.zurzeit.at , n°49/2013).

Les commentaires sont fermés.