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jeudi, 23 avril 2015

“Les noirs et les rouges”, d'Alberto Garlini

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“Les noirs et les rouges”, d'Alberto Garlini

Les malveillants

Ex: http://www.parismatch.com

Baston, complots et attentats : Alberto Garlini suit le parcours sanglant d’un militant d’extrême-droite dans l’Italie des années 1970. Machiavélique.

noirsrouges.jpgOn n’en finit pas de revivre les « années de plomb » en Italie. Là-bas, entre 1968 et 1975, au lieu de mastiquer des marguerites comme tout le monde, jeunes fascistes et jeunes gauchistes se sont livrés à une guerre acharnée. Rien à voir avec les révolutionnaires parisiens de l’époque dont le bla-bla sentencieux endormait jusqu’aux fleurs. Chez nous, on jouait à la révolution. Chez eux, c’était la guerre. De Lotta nazionale, jusqu’aux Brigades rouges, on avalait chaque matin du chien-loup en brochette sur des barbelés. Les vieux de chaque bord étaient maudits. La nostalgie geignarde du passé impérial, des Chemises noires et du salut romain exaspéraient les jeunes fascistes qui vouaient, en revanche, un culte à Mussolini. Même chose en face : les dinosaures du Parti communiste étaient maudits, tandis que Staline, Lénine ou Mao, les vrais monstres, restaient d’indéboulonnables idoles.

Le livre le plus excitant, le plus brutal et le plus audacieux du moment

C’est tout ça que ressuscite Alberto Garlini dans « Les noirs et les rouges », le livre le plus excitant, le plus brutal et le plus audacieux du moment. Car, attention, pour une fois, on ne raconte pas l’histoire bien installés dans le camp des « bons » qui vous massacrent au nom de la justice ou du prolétariat. On est chez les « méchants », les fascistes ! Et pas dans une bande à états d’âme. Stefano, le héros, et ses copains raffolent de la castagne, de la chaleur du feu, des cris bestiaux de leurs victimes, de l’odeur du brûlé, de la rage des coups… Le goût du sang est pour eux aussi irrésistible que celui du pollen pour les abeilles. Surtout que les petits gauchistes leur tournent les sangs, avec leur tête de fils à papa, leurs diplômes de futurs notaires, leurs déjeuners du dimanche chez la grand-mère et leur arrogance de gamins qui flirtent avec la soubrette. A l’extrême droite, on ne joue pas au tennis mais on massacre les révolutionnaires de bonne famille qui pleurent quand ils se font mal en tombant des nues. Car on appartient au peuple, le vrai, pas celui qui, dix ans plus tard, s’enrichira chez Gallimard en souriant de son passage aux usines Peugeot.

Stefano, un fils d’ouvrier d’Udine, devient un héros du jour au lendemain quand il massacre une bonne poignée de « rouges » à l’université de droit de Rome. Sa philosophie est celle du Duce : « Si j’avance, suivez-moi. Si je recule, tuez-moi. Si je meurs, vengez-moi. » Ce n’est pas du Kant. Mais quand on trace sa route à coups de ranger en pleine poire, c’est très efficace. Et le résultat est là : Stefano grimpe dans la hiérarchie secrète des noirs qui veulent abattre la démocratie. Il va tuer un homme qui a « donné » un flic sympathisant, importer des armes, saboter la visite d’un ministre yougoslave, mettre une bombe dans un train et, finalement, participer à un attentat monstrueux dans une banque à Milan. Sauf que, peu à peu, il comprend. Que la police l’a repéré depuis longtemps, que ses bombes sont fournies par les « services », que ses commanditaires fréquentent l’autre bord. La lutte, la fraternité, l’utopie se transforment en tromperies, trahisons, braquages, complots et intrigues. Ne reste à l’arrivée que la fuite. Et la mort.

« Les noirs et les rouges », d’Alberto Garlini, éd Gallimard, 676 pages, 27,50 euros.

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