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mercredi, 29 avril 2015

Pro lingua latina

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Pro lingua latina
 
Un ordinateur et un téléphone portables, une calculette, un vocabulaire français de cinq cents mots, quelques notions de verlan et de globish, le mépris de la culture, le culte de la réussite, la religion de l’argent, c’est plus qu’il n’en faut pour faire son chemin dans l’existence et pour que nous ressemblions entièrement et définitivement à des porcs.
 
Journaliste et écrivain
Il a présidé la Bibliothèque de France et a publié plus d'une vingtaine de romans et d'essais. Co-fondateur de Boulevard Voltaire, il en est le Directeur de la Publication,
 
Ex: http://www.bvoltaire.fr 
 

Courage, Madame le Ministre ! Encore un effort, encore une réforme pédagogique, encore un coup de hache et ça y est. Soyons de notre temps, soyons de notre monde, l’avenir et la raison sont si évidemment de votre côté. Il y a des luxes que nous ne pouvons plus nous permettre. Ce ne sont pas seulement les charges des entreprises, c’est notre encombrant bagage culturel, ou ce qui en reste, qu’il faut alléger d’urgence. Parce qu’enfin, à quoi bon tout ce fatras ? Quel besoin pour être trader, quelle nécessité pour être chômeur, ou député, ou présentateur de télé, ou commissaire de police, ou technicien de surface, ou caissière de Monoprix, ou président de la République, ou informaticien, ou aide-soignant, ou préretraité, ou emploi-jeune, ou jardinier-paysagiste, de se frotter si peu que ce soit à Cicéron, à César, à Salluste, à Virgile, à Catulle, à Tacite, à Eschyle, à Sophocle, à Euripide, à Platon, à Aristote, à Homère ? A quoi ça sert, je vous le demande !

arton222.jpgEt comment ne pas comprendre, et comment ne pas prévoir, et comment ne pas constater que ce qui est vrai du latin et du grec l’est tout autant de l’histoire, de la géographie, de la littérature, du dessin, de la musique, de la philosophie, des langues étrangères, à l’exception naturellement de l’anglais commercial, de tout ce qui élargit notre horizon, de tout ce qui embellit notre vie, de tout ce qui nous distingue des animaux, de tout ce qui nous élève, de tout ce qu’on a ou qu’on avait la chance, quelques chances d’aborder, d’apprendre, d’aimer à l’école, au collège, au lycée, en faculté, de tout ce qui, transmis par nos aînés à leurs cadets, était transmis par ceux-ci à leurs enfants, de tout ce qui était gratuité et qu’il y a si peu de chances, si l’on n’y est pas initié avant l’âge adulte, que l’on croise de nouveau une fois entrés dans « la vie » ?

Un ordinateur et un téléphone portables, une calculette, un vocabulaire français de cinq cents mots, quelques notions de verlan et de globish, le mépris de la culture, le culte de la réussite, la religion de l’argent, c’est plus qu’il n’en faut pour faire son chemin dans l’existence et pour que nous ressemblions entièrement et définitivement à des porcs.

Les insensés ! Ils n’ont pas compris ou ils ont oublié la formule sublime du Cyrano de Rostand : « Non, non, c’est bien plus beau lorsque c’est inutile ! »

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