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mardi, 16 juin 2015

Un juste éloge du populisme

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Un juste éloge du populisme

Pierre Le Vigan
lEx: http://metamag.fr

popu2.jpgTrois ans après la parution de L’éloge du populisme par Vincent Coussedière, ce que les médias appellent le « danger » du populisme, ou la « marée noire » du populisme n’a cessé de prendre de l’ampleur. Occasion de revenir sur ce thème. Le populisme est souvent défini comme la démagogie dans la démocratie. C’est à peu de choses près la définition de Pierre-André Taguieff. Et s’il était autre chose ? Et si c’était l’irruption du peuple dans la politique, quand le peuple juge que ses dirigeants ne sont pas à la hauteur ? C’est l’hypothèse défendue par le philosophe Vincent Coussedière. Comme auparavant Chantal Delsol (Populisme. Les demeurés de l’histoire),mais en apportant un éclairage neuf, Vincent Coussedière réhabilite le populisme. Le réduire à de la démagogie est ne pas voir son essence. Le populisme est une protestation qui apparaît quand les hommes politiques ne font plus de politique. C’est pourquoi on ne peut donner au populisme un contenu précis : le populisme n’est pas inévitablement xénophobe, il n’est ni ultra-libéral, même s’il comprend les difficultés du petit patronat, ni socialiste, même si ses électeurs sont souvent ouvriers ou modestes salariés. Le populisme vote aujourd’hui souvent Front national, ou ne vote pas, mais il pourrait voter autre chose si tel parti qui a ses préférences s’avérait aussi politicien et surtout aussi impuissant que les autres à résoudre les problèmes du pays. 


Le populisme est avant tout une protestation contre le mépris du peuple par les élites, une réaction de défense contre ce qui est vécu comme une agression. Le gauchisme sociétal et l’européisme ont en effet convergé et fusionné. Le Monde et Libération représentent le fruit intellectuel de leur unification. Il est désormais de bon ton de se méfier du peuple. Les modes de scrutin sont modifiés en fonction de nécessités tactiques à court terme (modifications qui peuvent s’avérer à double tranchant). Méprisé par les élites, dont le bilan n’est pourtant pas fameux depuis plus de trente ans, le peuple se sent dépossédé de sa liberté de choisir son avenir. 


Le populisme « correspond à ce moment de la vie des démocraties, où le peuple se met à contrecoeur à faire de la politique, parce qu’il désespère de l’attitude des gouvernants qui n’en font plus ». C’est pourquoi l’idée que le populisme est une protestation contre les « dérives monarchiques » du pouvoir ou contre des gouvernants pas assez « proches des gens » est un contresens complet. Le peuple aimerait bien que nos gouvernants soient vraiment « monarques », au sens de souverains de la nation France. Il constate qu’ils ne maîtrisent rien, et c’est cela qu’il ne supporte plus : l’impuissance des prétendus puissants. Alors, le peuple réagit. Le populisme du peuple est un bricolage habile et vernaculaire. Il n’est pas une aspiration identitaire, car le peuple connait sa propre diversité. Il ne peut être réduit à une aspiration à plus de démocratie directe. En effet, le peuple ne conteste pas la nécessité qu’existent des gens qui le représentent. Le peuple ne veut pas tout faire par lui-même. Il admet la délégation. Il veut, par contre, que ceux dont le métier est de diriger les affaires le fassent, et le fassent bien. Il ne veut pas des gens qui se défaussent de leur responsabilité. Il ne veut pas non plus d’une démocratie réduite à une « concertation », et de surcroît la plupart du temps sur des sujets volontairement mineurs. Il aurait sans doute aimé, par contre, qu’on lui demande son avis sur la politique d’immigration et de regroupement familial. Il veut des gens qui assument leurs choix politiques et qui n’attendent pas pour se prononcer sur tel sujet d’être « en situation » (sic). L’essence du politique peut se trouver à la fois dans le peuple et dans un grand homme. Depuis le retrait du général de Gaulle cette essence ne se trouve plus, en France, que dans le peuple. Tout le climat intellectuel actuel, et tout le travail des communicants, consiste à rendre impossible toute émergence d’un véritable homme d’Etat. La déception causée par Sarkozy de 2007 à 2012 est toute l’histoire de cet échec du retour au politique. 


Dès lors, le populisme – celui du peuple lui-même –est à la fois inévitable et sain. « Le populisme est l’entrée en résistance d’un peuple contre ses élites, parce qu’il a compris que celles-ci le mènent à l’abîme ». 

Vincent Coussedière, Éloge du populisme, Voies nouvelles, Elya éditions, 162 pages, 16 €.

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