Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

jeudi, 01 septembre 2016

La laïcité face à l’impasse multiculturelle

ENTRETIEN AVEC PATRICK KESSEL.png

La laïcité face à l’impasse multiculturelle

Par Gabriel ROBIN - @gabirobfrance
Ex: https://www.politicregions.fr
 
Qu’est ce que la « laïcité » ? En France, le principe de laïcité s’incarne positivement en la loi de 1905 qui régit son application. Cette loi s’articule autour de deux grands axes : la liberté de conscience qui s’accompagne du libre exercice des cultes ; la séparation des cultes et de l’Etat. Tout le monde a déjà entendu au moins une fois les passages les plus célèbres de la loi : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes (…) » et « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. » Par la suite, le principe de laïcité a été confirmé à deux reprises, tant par la constitution de 1946 que par la constitution de 1958 qui dit que : « La France est une république indivisible, laïque, démocratique et sociale. ». La vision française de la laïcité s’inscrit dans un lent processus de sécularisation de l’Etat entamé dès l’ancien régime, et poursuivi sous la révolution française puis tout au long du XIXème siècle. Elle s’inscrit aussi dans une conception libérale de la société. Longtemps d’ailleurs, les marxistes auront reproché à Jules Ferry sa tiédeur.  Pour ces derniers, la loi de 1905 n’est qu’un pis aller. Jules Ferry, considéré comme l’un des « massacreurs de la commune », aurait inventé l’école républicaine en répondant à un double objectif : former a minima une masse d’ouvrier dont la bourgeoisie avait besoin, empêcher le développement des écoles du mouvement ouvrier. C’est en tout cas un discours régulièrement tenus par les idéologues du matérialisme historique. Il faut dire que l’école communale est alors un monde fermé, idyllique, coupé du monde extérieur et de ses antagonismes sociaux. Jules Ferry ne s’en cachait pas, déclarant à l’époque : « Je clos l‘ère des révolutions. » La Laïcité a donc aussi pour objectif second de couper les jeunes esprits de l’église, ou, selon les marxistes, de les couper de la lutte des de classes. À l’origine, la laïcité n’a été pensée que par rapport à l’église catholique. D’ailleurs, l’étymologie du mot renvoie clairement au christianisme. Le « laïc », homme du commun, profane en théologie, s’oppose au « clerc », connaisseur des textes bibliques. Pourtant, c’est bien parce que notre pays est de tradition chrétienne catholique, que la laïcité a pu si bien s’appliquer. Dans l’évangile selon Marc (12 : 17), il est rapporté que Jésus dit qu’il faut « Rendre à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu ». Aristide Briand, rapporteur de la loi de 1905, y fit souvent référence, estimant, avec certains historiens de son temps, que les chrétiens et les stoïciens (notamment le célèbre empereur-philosophe, Marc-Aurèle) imaginèrent en premier la distinction à opérer entre les lois forgées par les hommes et les lois forgées par Dieu. Pour ses concepteurs, les débats originels sur la laïcité auront été l’occasion idoine d’affiner ce qu’est la République, la chose publique. De leur point de vue, la religion relevait du strict domaine privé.
 
C’est bien parce que notre pays est de tradition chrétienne catholique, que la laïcité a pu si bien s’appliquer
 
Où en sommes-nous aujourd’hui ? Depuis quarante ans, la France n’est plus strictement catholique. Une autre religion, par la grâce de l’immigration massive de peuplement, a pris une place importante dans le paysage national : l’islam. L’islam ne distingue pas le domaine spirituel, du domaine temporel. Dans cette religion, les deux concepts se confondent entièrement. La loi de Allah étant même supérieure à toutes les lois que les hommes pourraient édicter. Il existe pourtant un pays musulman qui a entrepris, il y a 100 ans, une réforme laïque. Il s’agit de la Turquie de Mustapha Kemal Atatürk. La vision de la laïcité de ce dirigeant politique, largement inspiré par les idées de la révolution française, était très différente de celle qu’en avaient Jules Ferry et Aristide Briand. Mustapha Kemal Atatürk n’avait pas une idée libérale de la société turque. Il a soumis le religieux au politique, et s’est même opposé à l’installation d’autres religions dans son pays. En pratique, Kemal mit fin au califat, puis réforma drastiquement l’islam turc. Preuve de sa radicalité, Kemal interdit le voile islamique et le port de la barbe, sans oublier d’autoriser la consommation de l’alcool. Il fit aussi, par la suite, adopter l’alphabet latin en lieu et place de l’alphabet arabe, ce qui finit par entrainer l’usage du turc dans les mosquées. Presque reconstructiviste (une pensée qui trouvait alors un écho chez Theordor Herzl), Atatürk encouragea les Turcs à ne plus dire Allah pour désigner Dieu. Il préférait le nom turco-mongol Tengri. La laïcité kémaliste correspondait donc à l’émancipation nationaliste des Turcs par rapport à l’islam, et à la culture arabe. En outre, la volonté de Kemal était de faire de la Turquie une nation occidentalisée ; ayant plutôt pour références privilégiées la philosophie grecques et le droit romain, que le Coran. En 2016, la Turquie a définitivement balayé les idées kémalistes, s’abandonnant à une forme d’islamo-nationalisme, selon la volonté de Recep Tayyip Erdogan. Sorte de concordat autoritaire, la laïcité kémaliste ne pouvait aboutir que dans un pays à majorité musulmane. C’est donc une solution impropre à la France, pays spirituellement catholique depuis le baptême de Clovis. Notre pays est rempli d’églises et de monastères, qui peuplent notre inconscient collectif, y compris celui des non croyants. Quid de la laïcité dans une France multiculturelle, fortement islamisée ? Dès 1989, date des premiers débats sur le voile à l’école, les dirigeants politiques se sont contentés de réagir aux différentes attaques, sans proposer une idée forte et prospective. Désormais, la France n’est plus vraiment catholique, ni même laïque. Notre état présent est bâtard, inédit dans l’histoire. La laïcité s’est, en effet, progressivement transformée en un syncrétisme festif, où toutes les religions se vaudraient, sans même juger de leur impact historique ou de leurs croyances.
 
La France subit des pressions monstrueuses de la part des nouvelles souverainetés
 
En France multiculturelle, il est de bon aloi de dénoncer publiquement, au nom de la laïcité, les maires qui placent une crèche dans leurs mairies lors des festivités de Noël, mais il est parfaitement bien vu d’organiser une « Nuit du Ramadan » aux frais de vos impôts, comme le fait la mairie de Paris chaque année. Pourtant, placer une crèche dans une mairie est beaucoup plus culturel que religieux. Une laïcité bien pensée ne doit pas avoir pour objectif de détruire notre fonds commun. Elle doit savoir distinguer ce qui relève du strict plan spirituel, ou cultuel, de ce qui relève de l’héritage indivis national sécularisé. Le Ramadan n’appartient pas à l’héritage indivis national sécularisé. Point à la ligne. La loi de 1905 ne le prévoit pas parce que la situation n’existait pas à l’époque. Pire, la France subit des pressions monstrueuses de la part des nouvelles souverainetés, notamment les administrations transnationales. Récemment, le Conseil de l’Europe, s’inquiétait de la « banalisation des discours racistes en France », estimant notamment que la France aurait une « conception restrictive de la laïcité » qui pourrait entraîner des décisions « perçues comme sources de discrimination ». Dans le viseur de cette organisation, figurent par exemple les « discriminations » qui seraient faites aux mères voilées accompagnantes lors des sorties scolaires… La laïcité à la française serait-elle donc farouchement « islamophobe » ? Allons plus loin : tous les débats autour de l’islam seraient « islamophobes », de même que l’interdiction du voile dans les institutions publiques ? Non, au contraire. Mais céder un jour revient à toujours céder. Quand la France s'agite autour de questions qui ne devraient pas faire débat, elle laisse un espace au projet politique des Frères musulmans. Quant aux organismes mondialistes, ils sont les idiots utiles de la destruction des nations européennes par le multiculturalisme, et son corollaire, l'islamisation. 
 
La moraline fonctionne. Notre pays abandonne car il est culpabilisé. Face à l’islam, la France renie progressivement la part laïque de ses institutions républicaines, et se voit obligée d’en faire plus contre l’église catholique. Nos politiques pensent « compenser ». Que faudrait-il donc faire pour que la France reste aussi française que laïque ? Défendre les traditions populaires, c’est-à-dire le sens commun, mais aussi oser affirmer la supériorité du fait politique sur tous les faits religieux. Il ne faut plus tolérer de petits aménagements dans les cantines scolaires, dans les entreprises ou dans les administrations. La laïcité sera réellement respectée quand la France aura dit non au multiculturalisme.

Démocratie directe – Une bénédiction pour la Suisse

glarus-540x304.jpg

Démocratie directe – Une bénédiction pour la Suisse. Un modèle pour les autres peuples

 
Ex: http://arretsurinfo.ch

L’initiative populaire fédérale a 125 ans

Les Suisses sont depuis longtemps habitués à contribuer au façonnement de l’Etat et de la politique. Commençant par la formation coopérative des communes et des «Landsgemeinden» dans les cantons de montagne, peu à peu tous les cantons se donnèrent – depuis l’époque de la Régénération dans les années 1830 – une Constitution démocratique avec le développement successif des droits populaires.[1]

Au niveau fédéral, on introduisit déjà lors de la fondation de l’Etat fédéral de 1848 le référendum obligatoire pour les amendements de la Constitution. En 1874 suivit le référendum législatif facultatif qui fut plus tard – en 1921 – complété par le référendum facultatif pour les accords internationaux. Il y a 125 ans, le 5 juillet 1891, le peuple suisse vota avec 60% des voix en faveur de l’introduction du droit d’initiative au niveau fédéral. Depuis les Suisses ont déposé plus de 300 initiatives dont 203 furent soumises au peuple, les autres furent en général retirées suite à des contre-projets acceptables rédigés par le Parlement. Durant ces 125 ans, 22 initiatives, dont dix depuis 2002, furent adoptées par le peuple suisse et la majorité des cantons.Ce procédé démocratique développé en Suisse au cours de l’histoire est, en principe, possible également dans d’autres pays. Un développement constant de la démocratie directe du bas vers le haut est sans doute le fondement le plus solide. Car la démocratie directe implique aussi, à part le droit du citoyen de prendre des décisions, le devoir d’engager ses forces pour le bien commun. Celui qui dans une commune, en coopération responsable et pour le bien commun, apprend à planifier et à gérer, peut l’appliquer ensuite à des niveaux supérieurs de l’Etat.

Sous le titre «125 ans d’initiative populaire fédérale – une réussite?» le Zentrum für Demokratie Aarau a organisé le 5 juillet 2016 un forum en présence d’un nombreux public, avec la participation de deux conseillers aux Etats (Thomas Minder, sans parti, Schaffhouse et Hans Stöckli, parti socialiste, Berne) ainsi que de deux professeurs de droit (Andreas Kley[2] et Markus Müller[3]). Le Pr Andreas Glaser[4] a dirigé de manière très vivante et engagée la réunion et le débat avec les auditeurs.

Dans une démocratie on ne peut pas gouverner contre la volonté de la population

«La démocratie directe occupe en ce moment l’Europe entière. Dans beaucoup de pays de l’UE, les uns exigent de manière euphorique, après la décision du Brexit, davantage de droits décisionnels pour le peuple de façon immédiate, tandis que les autres se voient confortés dans leur position qu’il ne faut pas se fier au peuple et que la politique doit demeurer uniquement l’affaire de l’élite.» (Katharina Fontana [5] )

Sur des questions d’une importance capitale pour l’avenir d’un Etat – comme par exemple l’adhésion à l’Union européenne ou la substitution de la monnaie du pays par une monnaie unitaire – la perspective suisse exigerait une votation obligatoire même au plus haut niveau étatique, dans chaque pays membre. Après la décision du Brexit, il y aura probablement aussi dans d’autres pays européens une velléité du peuple de poser la question de la sortie. Si les autorités évitent de manière trop acharnée de demander le vote populaire, par peur que la majorité approuve la sortie, cela pourrait avoir des répercussions négatives: pour pouvoir parler d’une «Nation fondée sur la volonté du peuple = Willensnation», le gouvernement et le Parlement de chaque Etat devraient savoir si une nette majorité de la population est d’accord ou s’oppose à l’intégration dans une organisation supranationale.

D’ailleurs cela ne regarde personne si le citoyen donne sa voix suite à une analyse soigneuse des documents à disposition ou suite à ses sentiments personnels subjectifs. C’est son affaire tout à fait personnelle, sa propre liberté.

[Lire l’interview du conseiller aux Etats Thomas Minder.] Ainsi s’exprime aussi Pr Andreas Kley à Aarau :

«Dans la démocratie directe, les opinions se manifestent de manière subite, c’est dû au système. On peut qualifier cela de citoyens colériques, d’actes émotionnels ou erronés etc. C’est une perspective négative. Je pense qu’en démocratie, on ne peut pas gouverner contre la volonté du peuple, sinon il faut l’abolir ou bien introduire une dictature.»

Chaque citoyen est sur le même pied d’égalité

Bien que la démocratie directe ait jouée en Suisse, au cours des siècles, un rôle important pour la satisfaction des citoyens, mais aussi pour la paix sociale dans le pays, il y a toujours à nouveau dans ce pays des discussions si le droit d’initiative ne devrait pas d’une manière ou d’une autre être limité. Car à la différence du droit au référendum, avec lequel les citoyens peuvent s’exprimer sur les décisions parlementaires, l’initiative populaire est un instrument actif qui ne pose presque pas de limites aux désirs et idées des citoyens pour contribuer à des changements concrets de la Constitution – le plus souvent contre la volonté du Parlement – dans le processus politique. Ainsi, on récolte actuellement des signatures pour neuf initiatives populaires fédérales, entres autres «Pour davantage de logements abordables», «Pour plus de transparence dans le financement de la vie politique», «Pour un congé de paternité raisonnable – en faveur de toute la famille» ou bien «Le droit suisse au lieu de juges étrangers (initiative pour l’autodétermination)».

Quand on pense à quel point les droits politiques des citoyens suisses sont ancrés dans le peuple, certaines voix entendues lors du forum à Aarau ont pu surprendre, bien que la plupart des prises de position aient été plutôt positives. Ainsi, le professeur de droit Markus Müller a constaté que le peuple suisse n’est qu’un acteur parmi d’autres: «La démocratie bien comprise consiste, dans ma perception des choses, en l’art de donner au peuple le rôle qu’il peut effectivement remplir. C’est le rôle de l’organe de contrôle, de l’initiateur […].»

Cette «définition» du droit d’initiative et de référendum des citoyens ne se trouve toutefois pas dans la Constitution fédérale, mais le peuple suisse est véritablement l’instance suprême de l’Etat fédéral suisse. C’est pourquoi le présentateur, Pr Andreas Glaser, a confronté de manière directe son collègue bernois avec un témoignage de notre pays voisin – non habitué à la démocratie: «Le président fédéral allemand M. Gauck a déclaré après la votation du Brexit: actuellement, ce ne sont pas les élites qui sont le problème, ce sont les populations. Markus Müller, tu devrais le voir de la même façon, n’est-ce pas? C’est donc la population qui est le problème?»

glarusandsgemeinde.jpg

Et Markus Müller de répondre: «[…] que le peuple soit le problème, c’est à cause de l’élite. L’élite n’atteint plus le peuple. – En lisant dans les brochures officielles, dans les livrets de votation aux meilleures intentions, alors j’ai le sentiment que les gens pensent que la population suisse s’arrête aux employés de bureau. Et ce n’est pas le cas: je connais un employé de nettoyage dans la centrale nucléaire de Gösgen, il pense différemment, il faut l’atteindre différemment.»

Depuis quand est-ce qu’il y a en Suisse deux sortes de citoyens – des élites et des employés de nettoyage? En quoi diffère un employé de nettoyage? Refuse-t-il peut-être de se laisser expédier, sur des rails huilés, directement au sein de l’UE par certaines prétendues élites? Cela me rappelle une ancienne collègue de travail à l’école professionnelle, une partisane fervente de l’adhésion à l’UE. Un jour, elle arrive en colère dans la salle des professeurs et s’exclame: «Avec mes élèves [des apprentis électro-monteurs] je ne discute plus de l’UE, ils sont tous contre!» Cela devrait être chose difficile pour les «experts» autoproclamés de forcer ces jeunes gens actifs dans leur propre pays pour l’adhésion à l’UE – heureusement!

Un participant dans le public a également critiqué une telle classification des citoyens: «Monsieur Müller, vous contestez en quelque sorte au peuple, au ‹citoyen lamda› la capacité de décider. Moi, j’ai une toute autre opinion. Souvent ce sont justement les non-juristes ou les ‹citoyens lamda› qui ont un bien meilleur jugement des réalités. En effet, il y a avant chaque votation un débat intense, dans lequel presque tous les arguments des adhérents et des adversaires sont discutés. Ainsi, durant le processus de la votation, tout devient très clair. Je suis vraiment de l’avis qu’il faut prendre au sérieux la décision des citoyens.»

En totale contradiction à l’égard du citoyen instruit et autonome

Hansueli Vogt, également professeur de droit et participant au forum, pointa du doigt la contradiction fondamentale dans la pensée de certains «cercles progressistes»: «Je trouve hautement élitiste de penser que des spécialistes du nettoyage à la centrale de Gösgen ne soient pas capable de se forger une opinion. Ce sont précisément les droits individuels, très appréciés dans vos rangs: la liberté de pensée, la liberté personnelle, la liberté économique etc. qui caractérisent le citoyen instruit. On ne peut pas défendre les droits individuels, dans une société éclairée où l’on met l’individu au centre, et d’autre part nier sa capacité de décision. Voilà une incohérence totale.»

Pas de mise sous tutelle du souverain

Les propositions de M. Müller pour mieux diriger les électeurs vont donc également dans ce sens: il veut supprimer l’initiative populaire rédigée de toutes pièces et accepter seulement les initiatives en forme de proposition conçue en termes généraux.
Si les citoyens sont limités, par une initiative populaire, à n’exprimer qu’une orientation générale, alors ils ne peuvent plus «obstruer» les activités du Parlement. La majorité parlementaire serait libre de rédiger elle-même les textes légaux de sorte qu’ils s’adaptent, entre autres, au dit «droit international», notamment aux accords bilatéraux avec l’UE.

Une participante de la réunion d’Aarau a relevé l’exemple le plus récent de la politique suisse, tout en classant l’idée de M. Müller dans ses aspects du droit public: «La proposition du Professeur Müller de ne tolérer les initiatives populaires qu’en forme de proposition conçue en termes généraux reviendrait à supprimer le droit d’initiative. Cela se réduirait à peu près à une pétition. Les débats actuels comme, par exemple, celui sur l’Initiative contre l’immigration de masse s’expliquent précisément du fait que le texte de l’initiative a été rédigé de toutes pièces – et qu’il se trouve actuellement comme article 121a dans la Constitution fédérale. On y trouve des mesures concrètes concernant les ‹contingents› et les ‹plafonds annuels› permettant une gestion souveraine des flux migratoires en Suisse. Les fonctionnaires des administrations bernoises et bruxelloises prétendent une violation à l’Accord sur la libre circulation des personnes et se plaignent des électeurs suisses. Si, par contre, les électeurs suisses ne pouvaient formuler que des souhaits du genre: cher Parlement, auriez-vous la gentillesse de veiller à ce que moins de migrants envahissent notre pays» [6] – cela conviendrait sans doute mieux aux aspirations de la Berne fédérale, mais il ne s’agirait alors que d’un pur droit à la pétition.

Faudra-t-il donc, à l’avenir, s’exposer aux intempéries pour récolter les 100 000 signatures en vue d’une pétition stérile?

Le conseiller aux Etats Thomas Minder s’est exprimé de manière similaire dans l’interview :

«La possibilité de créer des textes d’initiative rédigés de toutes pièces est nécessaire pour débattre d’un sujet de manière différenciée. Car dans la démocratie directe suisse le Oui ou le Non dans les urnes sont certes une chose essentielle – cependant, il est beaucoup plus important pour le développement des droits populaires de pouvoir débattre du sujet dans le pays, à la table des habitués, lors de débats publics, de discussions dans les médias, avec des lettres de lecteurs.»

L’initiative populaire fédérale, la Magna Charta Libertatum du peuple suisse

D’ailleurs, il y a 125 ans, les objections contre l’initiative rédigée de toutes pièces étaient similaires: «Des conseillers fédéraux et des parlementaires émirent de sérieux avertissements contre le danger ‹d’une confusion illimitées et d’une législation imparfaite›. Ce nouvel instrument mènerait à la démagogie, dit-on. Il s’agirait d’une initiative ‹anarchique› permettant ‹de s’adresser à la population derrière le dos des députés›.» (Katharina Fontana [7]).

En 1890, le Conseil national donna néanmoins son aval à l’initiative populaire au texte rédigé de toutes pièces, après que le Conseil des Etats s’en fût montré moins récalcitrant. Le Pr Andreas Kley partage l’avis, d’un des conseillers aux Etats d’alors du camp de l’Union conservatrice (catholique) qui s’était battu avec succès, contre la majorité libérale du Parlement, en faveur du droit à l’initiative populaire:

«Ce que Theodor Wirz, conseiller aux Etats et pionnier résolu de l’initiative populaire avait dit en 1890 a gardé toute sa pertinence aujourd’hui encore. Wirz avait critiqué le Parlement ‹despotique›, notamment le Conseil national en posant la question rhétorique: ‹Y a-t-il un droit populaire qui n’ait pas été caractérisé, par les tuteurs du peuple, comme étant dangereux et révolutionnaire? A qui est-ce, finalement, de régner en roi et en maître dans le pays?› Wirz et la majorité du Conseil des Etats refusèrent donc la réduction de l’initiative populaire à sa forme de proposition conçue en termes généraux. Ils précisèrent qu’il s’agissait, pour le Conseil des Etats, ‹d’une question d’honneur d’offrir au peuple suisse, de manière beaucoup plus résolue que le Conseil national, cette Magna Charta Libertatum›.»[8]

Cette «Magna Charta» de la liberté politique du peuple suisse a contribué, au cours de 125 ans, à d’innombrables débats au sein des partis politiques, des associations et des organismes civiques, sur des questions politiques et sociales, menant les citoyens à se décider pour ou contre des centaines d’initiatives populaires. Ainsi, les citoyens contribuent eux-mêmes, par leur propre action, à faire évoluer le modèle suisse et se soucient de son acceptation maximale au sein de la population.    •

Par Marianne Wüthrich, docteur en droit, 22 août 2016

1    cf. Roca, René. Wenn die Volkssouveränität wirklich eine Wahrheit werden soll … Die schweizerische direkte Demokratie in Theorie und Praxis. Das Beispiel des Kantons Luzern, Schriften zur Demokratieforschung, Band 6, Zürich-Basel-Genf 2012
2    Chaire de droit public, histoire constitutionnelle et philosophie de l’Etat et du droit, Université de Zurich
3    Chaire de droit administratif et public et de droit procédural, Université de Berne
4    Chaire de droit public, administratif et européen, spécialisé dans les questions de démocratie, Université de Zurich
5    Fontana, Katharina. «125 Jahre Volksinitiative. Keine Zähmung nötig», in: «Neue Zürcher Zeitung» du 9/7/16
6    Actuellement, 1.4 millions de citoyens de l’UE résident en Suisse, tandis que, sur le territoire entier de l’Union européenne, le nombre de ressortissants de l’UE habitant dans un autre pays membre s’élève à 15.4 millions. C’est d’autant plus remarquable que le nombre de la population suisse s’élève à 8 millions d’habitants, chiffre 60-fois mineur à celui de l’Union.
7    Fontana, Katharina. «125 Jahre Volksinitiative. Keine Zähmung nötig», dans: «Neue Zürcher Zeitung» du 9/7/16
8    Kley, Andreas Kley. «125 Jahre eidgenössische Volksinitiative. Die Magna charta libertatum des Schweizervolkes»,www.news.uzh.ch/de/articles/2016/125-Jahre-Volksinitiativ...

glarus-540x304dddddddd.jpg

La démocratie directe est véritablement une histoire de réussite

A la question initiale «L’initiative populaire fédérale est-elle une histoire de réussite», posée par le professeur Andreas Glaser, la réponse fut affirmative par tous les participants au forum.

«Il faut prendre grand soin de l’initiative populaire»

«Pour moi, l’initiative populaire est le facteur de réussite absolu de la Suisse, pour la stabilité du pays. Il y a des personnes désirant réduire les droits, pour moi, ils font fausse route. Je veux élargir les droits démocratiques en Suisse. Je ne changerais rien au système de la démocratie directe. Il faut prendre grand soin de l’initiative populaire.» (Thomas Minder, conseiller aux Etats et entrepreneur, sans parti, SH)

Ce qui a fait ses preuves aux niveaux communal et cantonal, le fait aussi au niveau fédéral

«Il va de soi que l’initiative populaire est une réussite. Elle a un excellent effet constructif pour nos systèmes juridique et politique, notre démocratie consensuelle. Ce qui à fait ses preuves aux niveaux communal et cantonal, le fait aussi au niveau fédéral. Son effet est grand, pas seulement si elle est acceptée en votation, mais également comme base consécutive du travail.» (Hans Stöckli, conseiller aux Etats et avocat, PS BE)

Elle est un instrument en nos mains pour ne pas être livrés aux autorités

«Pour moi aussi, l’initiative populaire est une perle de la démocratie directe suisse. Pourquoi est-elle d’une si grande importance? Parce qu’elle est un instrument en nos mains pour ne pas être livrés aux autorités. Elle élimine, relativise ou réduit en nous le sentiment d’impuissance et la perte de contrôle. C’est très important au niveau psychologique. Car nous savons que, si nous le désirons, nous avons la possibilité de nous faire entendre, c’est en tout cas rassurant.» (Markus Müller, professeur de droit, BE)

Source: http://www.zeit-fragen.ch/fr/editions/2016/no-18-22-aout-...

L’humanisme comme illusion

sloba1450.jpg

« Si l’Europe veut survivre, elle doit réviser de fond en comble son humanisme »

ANTIPRESSE N° 39

L’humanisme comme illusion

Par Slobodan Despot

Si l’Europe veut survivre, elle doit réviser de fond en comble son humanisme. L’humanisme tel que nous le connaissons est une promesse impossible lancée vers l’avenir et les peuples qui la poursuivent laisseront leurs dernières forces au bord du chemin.

En 1704, à Constantinople, un diplomate et voyageur serbe au service de Russie, Savva Vladislavitch, rachète au sultan un otage noir, le fils d’un prince africain capturé aux alentours du Lac Tchad et l’expédie à la cour du Tsar. Pierre le Grand entendait réaliser, avec ce jeune Africain, une expérience inédite : prouver que les Noirs ne sont en rien moins doués pour les arts et les sciences que les Blancs européens.

Le pari réussira au-delà de toute espérance. Baptisé Abram Pétrovitch en 1705, avec Pierre pour parrain, le jeune homme suivra les meilleures écoles. Loin de servir d’ornement exotique comme dans les cours européennes — car il était fashionable, au XVIIIe, d’avoir « son Nègre » —, il deviendra secrétaire du Tsar, polyglotte, ingénieur, officier au service du roi de France et portera dès lors le surnom d’Hanibal. Il sera anobli, accèdera par la suite au grade de major-général, deviendra gouverneur de Tallinn et favorisera, paraît-il, la vocation militaire de celui qui sera le plus grand chef de guerre russe, le général Souvorov.

Sa première femme, une Grecque, le rejette, le trompe, lui donne une fille toute blanche qu’Hanibal reconnaît quand même, et tente avec son amant de l’empoisonner. Il la fait jeter en prison et épouse la fille d’un capitaine suédois, Christina Sjöberg. Parce qu’il n’a pas attendu le divorce et qu’il s’est mis temporairement en bigamie, Hanibal sera mis à l’amende et châtié.

Zakomelski.jpgLe prince africain racheté au Turc par un aventurier serbe et devenu filleul du tsar russe fera dix enfants à la Scandinave tirant ses origines de la noblesse suédoise, norvégienne et danoise. Leur fils aîné Ivan, né hors mariage, fondera la ville de Kherson et accédera en 1898 au titre de général en chef, le deuxième grade le plus élevé de la hiérarchie impériale russe. Leur petite-fille Nadejda fera encore mieux : elle donnera naissance à Alexandre Pouchkine, l’un des plus grands génies littéraires de tous les temps… Pouchkine, dont le huitième de sang africain sera encore bien présent, tant dans sa physionomie que dans son tempérament.

Pourquoi vous raconter cette prodigieuse histoire ? Parce que, très vraisemblablement, personne ne vous l’a jamais racontée et que l’omission est significative. Si vous êtes d’éducation francophone, toute votre instruction repose sur le socle humaniste développé, justement, au cours du XVIIIe siècle européen. Cet héritage universaliste et droitdelhommier imprègne jusqu’au dernier ouvrage scolaire. Il influence même, souvent comme « antimodèle », ceux des écoles libres de tradition catholique.

L’épopée d’Alexandre Pouchkine et de ses ancêtres maternels aurait pu — aurait dû — servir de parabole et de preuve éclatante pour les postulats essentiels de l’humanisme européen. Elle illustre, entre autres choses, l’audace et l’ouverture d’esprit de celui qui fut, avant Gorbatchev, le plus occidental des empereurs de Russie. Or elle a été complètement oubliée à l’ouest, malgré l’amitié du chef de lignée avec les philosophes français: selon son biographe, Voltaire appelait Abram l’« étoile noire des Lumières ». De cette saga familiale qui préfigure le melting pot du XXIe siècle, le public européen n’aura retenu qu’une chose : que le fougueux poète russe Pouchkine fut tué en duel par un officier français, d’Anthès, pour une affaire d’adultère. Qu’il soit l’arrière-petit fils d’un esclave noir devenu noble, général et gouverneur dans l’empire russe à une époque où les Noirs, en Europe, étaient considérés comme des animaux, est un fait qui déborde trop du cadre pour pouvoir être expliqué, et a fortiori assimilé, en Occident.

La France connaît, il est vrai, un exemple comparable : celui du général Thomas Alexandre Dumas (1762–1806), père d’Alexandre Dumas (à croire que les militaires ont la littérature… dans le sang !). Exemple comparable, mais de loin seulement. Le général Dumas arrive deux générations plus tard, d’une colonie française. Il est, déjà, un métis antillais, fils de noble créole. Et, surtout, il doit son ascension à la Révolution, c’est-à-dire à un chamboulement fondamental, et voulu, de l’ordre établi et des valeurs de la société française. L’ascension d’Abram Pétrovitch, Noir de père et de mère et originaire d’un pays totalement inconnu, a pour cadre la société considérée — malgré les innovations superficielles de Pierre le Grand — comme la plus traditionnelle, la plus conservatrice et la moins « humaniste » d’Europe. Si sa carrière a connu des obstacles, ceux-ci n’étaient en tout cas pas, prioritairement, d’ordre « raciste ».

C’est probablement la raison pour laquelle son « cas » n’a pas été retenu par la philosophie des Lumières qui nous a éduqués. Il est arrivé bien trop tôt. Son exemple illumine, par contrecoup, l’arriération de la société européenne de son temps — y compris des élites dites « éclairées ». Les intellectuels du XVIIIe siècle ont-ils jamais réellement, concrètement envisagé l’égalité des races ? Voltaire appréciait sans doute beaucoup l’« étoile noire des Lumières » : il ne s’est pas départi pour autant de ses actions dans la traite des Noirs. Le passage de l’étoile noire dans le ciel des Lumières fut donc recouvert d’un épais voile de pudeur. Un voile que la décolonisation elle-même n’a pas permis de lever.

Cette belle anecdote nous en dit long sur toute une série de certitudes et de valeurs que la société « progressiste » occidentale s’attribue comme des vertus déterminantes. Elle rappelle, en premier lieu, que le racisme en tant qu’idéologie est une invention du scientisme moderne. Elle illustre également le degré d’ignorance dans laquelle est tenue la société occidentale sur la nature et le fonctionnement des sociétés qui lui sont extérieures. Et cette ignorance à son tour fait surgir le grand paradoxe de l’universalisme occidental.

L’Occident est universel ou il n’est pas. Il a pour vocation programmatique d’« ouvrir » les yeux du monde entier sur la « vraie » condition de notre vie sur terre, car il pense en détenir les clefs grâce à son avance scientifique, à sa connaissance des lois objectives de la nature, valables partout et pour tous. Sa mission est d’élever la conscience de l’humanité entière à l’âge adulte. Comme l’a noté le socialiste gnostique Raymond Abellio, l’Occident n’est pas l’Europe, il n’est pas même une géographie : « L’Occident est partout où la conscience devient majeure ». L’Occident est dès l’origine de ses idées, au début de la Renaissance, une civilisation globale. Sa philosophie, l’humanisme, pose en dogme l’égalité (voire l’inexistence) des races et la dignité de tous les êtres humains, quelle que soit leur origine et leur condition. Elle condamne les systèmes de caste et les discriminations de rang, de fortune et de naissance. Elle affirme l’autonomie de l’être humain et de sa destinée vis-à-vis de tout créateur transcendant. Elle est le fondement de la première civilisation scientiste et athée de l’histoire, celle justement où nous avons été élevés.

Mais là est aussi sa limite. La promesse que l’humanisme occidental fait à l’Homme (un homme abstrait, idéal, à venir) est trop grande. Elle est intenable : « tu remplaceras Dieu ». « Nous remplacerons Dieu » est la formule la plus juste, car l’expansion de l’humanisme a toujours impliqué l’existence d’élites « éclairées » dispensant à des masses ignares une vérité qu’elles ne peuvent ni éprouver empiriquement, ni découvrir toutes seules — car les masses ont, hélas, l’amour de Dieu chevillé à l’âme. L’humanisme est dès l’origine un « dressage » de la majorité par une minorité initiée. Comme ce « dressage » n’a jamais marché, la marche vers l’idéal humaniste est jonchée de ratages qui sont autant de démentis. Au lieu de la concorde des peuples, la guerre élevée au rang d’industrie. Au lieu de l’égalité des races, un racisme fantasmatique (l’Allemagne de Hitler fut aussi la nation scientifiquement la plus avancée), devenu aujourd’hui un pilier central — sous son expression à rebours, l’antiracisme — de l’idéologie occidentale.

Sous l’étiquette d’humanisme, l’Occident a avant tout développé un discours sur l’idéal humain, plutôt qu’il n’a instauré cet idéal. L’extension de ce discours idéologique à toutes les sphères de la vie sociale et privée a réprimé et finalement asséché l’enseignement de la morale atavique et naturelle de l’humanité civilisée, dont la bienveillance à l’égard de l’étranger et l’équité faisaient partie. Bien plus : afin de préserver la crédibilité de son idéal non réalisé, il lui fallait couper la population des modèles qui le démentaient. C’est pourquoi, pour une bonne partie, l’éducation « universaliste » reçue par des générations d’élèves européens était en réalité une éducation étroitement provincialiste impliquant le mépris et la méconnaissance profonde des civilisations et des cultures extérieures au dominium occidental. Pour un esprit conditionné par cette éducation, l’aventure d’Abram Hanibal et de sa lignée est tout simplement impossible hors d’une civilisation parfaitement humaniste qui n’est même pas encore réalisée sur Terre. Et simplement impensable dans le cadre d’un empire théocratique, barbu et autoritaire !

Ce provincialisme des Européens dits cultivés est l’une des premières choses qui frappent le voyageur « persan » — ou russe, ou indien — qui découvre l’Europe de l’intérieur. En même temps, du fait du manque de repères et de recul que lui confère son orgueil d’être supérieur (matériellement et moralement), l’Européen dit cultivé demeure incapable d’identifier cet « angle mort » de son éducation. Le juriste et historien Pierre Legendre en a évoqué certains aspects dans ses conférences au Japon (Ce que l’Occident ne voit pas de l’Occident). Et le grand philosophe Wittgenstein a totalement renversé ce rapport civilisation-barbarie dans sa prodigieuse déconstruction de l’ethnologie coloniale (Remarques sur le Rameau d’Or de Fraser).

La civilisation russe, avec tous ses excès, et malgré les ravages apocalyptiques de la Révolution de 1917, tend aujourd’hui à l’Europe un miroir de ce qu’elle serait peut-être sans son humanisme tyrannique. Un monde injuste, inique, barbare, inepte souvent, mais un monde qui veut vivre. « Cela ressemble tellement à l’Europe. Et c’en est tellement loin ! », notais-je dans Le Syndrôme Tolstoïevsky. Le point qui nous sépare le plus, de l’Atlantique à Vladivostok, est exactement celui-là : le refus, par les Russes (et la plupart des Slaves) d’adopter cet humanisme intégral, abstrait et paradoxal, qui est en train d’ôter à l’Europe ses raisons de vivre. Cet humanisme-rhétorique où l’aventure du « nègre » Pouchkine et de ses ancêtres constituerait une fable idéale, mais jamais une réalité.

Par Slobodan Despot | 28.8.2016

 © 2016 Association L’Antipresse

Courriers et dons :
IBAN CH56 0900 0000 1415 4173 2
CCP 14-154173-2

Association L’Antipresse

c/o INAT Sàrl

CP 429

Sion 1950

Switzerland

 

Wij moeten Stijn Streuvels bevrijden!

Wij moeten Stijn Streuvels bevrijden!

Toon Breës zuivert het blazoen van de grote letterkundige

Wij moeten hem uit het literaire museum halen

Gaston Durnez

Ex: http://www.doorbraak.be

ststbrowse.jpgWij moeten Stijn Streuvels uit het literaire museum halen! Wij moeten hem definitief bevrijden van het imago van een gedateerde, landelijke, regionale, particularistische, West-Vlaamse heimatschrijver.

Dat betoogt Toon Breës in een van de opmerkelijkste studies die de jongste jaren aan een Vlaamse auteur zijn gewijd. Met een omvangrijk boek van bijna duizend pagina’s vernietigt Breës de clichés die in de loop der jaren over de grote taalkunstenaar en sterke romancier ontstonden. Zo zuivert hij definitief de reputatie die men Streuvels in en na de twee wereldoorlogen heeft toegedicht en die men hem lichtzinnig en soms bewust blijft opplakken. Een van de hoofdstukken van het boek draagt de titel : ‘Een opzettelijke nazificatie van Stijn Streuvels’.

Toon Breës (77), een Kempenaar, licentiaat Germaanse filologie, is een bekende naam in de Antwerpse onderwijswereld, waarin hij jarenlang bedrijvig was. Zijn oud-studenten huldigen hem als een leraar met grote taalkundige belangstelling. Auteurs als Ivo Michiels, Hugo Claus, Leo Pleysier stonden hoog op zijn programma. Maar Streuvels was en bleef de Meester, om meer dan één reden, niet het minst vanwege zijn eigen kunsttaal.

Als student schreef Breës een verhandeling over Streuvels en zond ze hem toe. Prompt kreeg hij een uitnodiging voor een bezoek aan het legendarische Lijsternest in Ingooigem. Een uitzonderlijke gunst ! Het was het begin van een jarenlang contact. Normaal had het tot een doctoraat moeten leiden, maar het werd door diverse omstandigheden verhinderd. De grote interesse en voorkeur bleven. En toen Breës zo’n vijftien jaar geleden met pensioen ging, nam hij zijn jeugdplan weer op. Tot vreugde van het Streuvels Genootschap, dat nu zijn studie uitgeeft als zijn éénentwintigste jaarboek.

Als het van uw verslaggever afhangt, moet hij daarvoor nu de gemiste doctorstitel krijgen. Of tenminste een ere-doctoraat.

 * * *

9789401433334.jpgBreës wilde geen klassieke biografie schrijven. In het Streuvelsonderzoek, zo zegt hij, ‘ontbrak nog een omvattende wetenschappelijke synthese van zowat alle beschikbare bronnen’. Die biedt hij ons nu aan in zijn boek. Hij onderzocht allereerst de wijze waarop Streuvels’ werk in de loop der jaren werd ontvangen, en keek ernaar in het licht van documenten en getuigenissen. Zijn bevindingen beschrijft hij in zestien hoofdstukken per thema. Privéleven, vrienden, tijdgenoten en tijdssfeer komen aan bod in zoverre ze raakpunten met het schrijverschap hebben.

Een der hardnekkigste gemeenplaatsen over Streuvels is, dat hij dialect schreef, en dan nog wel een West-Vlaams dialect. Dat lijkt tegenwoordig het toppunt van onverstaanbaarheid te zijn (vooral in Antwerpen, waar men, zoals wij weten, een Weireldtoal spreekt). Streuvelstaal? Er zijn zelfs goede hedendaagse Nederlandse en Vlaamse auteurs die er geen oren naar hebben.

Ach, zij hebben Streuvels niet (of niet goed) gelezen. Hij gebruikt geen folkloristische streektaal, maar ‘een autonoom artistiek idioom’. En dat is zijn volste recht als kunstenaar, zegt Breës. Zie maar naar grote geëerde buitenlandse auteurs die dat recht gebruiken, en die geloofd en geprezen worden. Streuvels ‘heeft zijn eigen taal gesmeed in functie van wat hij wilde uitdrukken of weergeven. Vanzelfsprekend heeft hij daarbij ook West-Vlaamse taalbronnen aangeboord, uit zijn actuele taal maar net zo goed uit het verleden of uit zijn eigen creativiteit.’ Breës haalt Hugo Claus aan om hem groot gelijk te geven. Claus wist waar hij de mosterd kon halen.

Zo autonoom als zijn taal, zo zelfstandig was Streuvels zelf. ‘Als bij mijn studie één zaak duidelijk is geworden, zegt Breës, dan gaat het om de vaststelling dat de Meester van het Lijsternest altijd zichzelf is gebleven, dit wil zeggen dat hij zich ideologisch noch politiek of filosofisch bij een maatschappelijke groep wilde aansluiten, noch door literair-artistieke modetrends liet inpalmen.’ Streuvels liep, zoals hijzelf het uitdrukt, onder geen enkel vaantje. In zijn lange leven heeft hij zich vrijwel uitsluitend gemanifesteerd als schrijver, in de beslotenheid van zijn Lijsternest.’

 * * *

Een van die vaantjes, die men ooit voor hem heeft gezwaaid, was de zwarte vlag van de bloed-en-bodemkunst. Wie Streuvels’ werk écht heeft gelezen, weet hoe dom en fout dat zwaaien was. Alleen al de sombere sfeer van zijn werk, het lot van mensen die leven alsof zij zijn ‘veroordeeld om te vergaan’, maakt ons duidelijk dat er van die Duitse Blubo geen sprake kan zijn. Lees bijvoorbeeld de roman Langs de wegen. Of de onvergetelijke proletarische verhalen over Werkmensen en de seizoenarbeiders op Franse velden en in fabrieken. Dat heeft geen andere auteur over de Vlaamse slaven van weleer ooit kunnen schrijven!

Toon Breës besteedt veel aandacht aan de wijze waarop Streuvels ‘systematisch genazificeerd’ werd, ‘op grond van kromme insinuaties of irrelevante associaties’. Onkunde, maar ook kwade wil, rancune en het cynisme van iemand die ooit grinnikend bekende, dat hij gewoon bepaalde mensen in zijn geschriften wilde ‘kloten’. Dit gebeurde lang nadat de Duitse propaganda tevergeefs gepoogd had, Streuvels in haar slogans te vangen.

De West-Vlaamse auteur Hedwig Speliers vergat zijn aanvankelijke sympathie voor Streuvels en maakte van hem een regelrechte oorlogscollaborateur. Zijn beschuldigingen werden snel en lichtzinnig door anderen overgenomen en verspreid, ook door gerenommeerde literatuurkenners. Goede reputaties onderuit halen, is een geliefde sport, nietwaar. Er volgden gelukkig polemieken en terechtwijzingen, onder meer van Breës. Maar verdachtmakingen zijn vaak als peengras, zij dringen diep in de grond. Breës trekt ze uit. En dat doet hij met ingehouden verontwaardiging, die des te sterker onder zijn woorden trilt.

 * * *

stre009inoo02ill01.gifIn het begin van zijn schrijversloopbaan, maar ook later kreeg Streuvels wel eens te maken met zedenmeesters en andere puriteinen. Dat was zeker het geval op het einde van de jaren twintig, toen De teleurgang van de Waterhoek verscheen, de roman die in de jaren zeventig de film Mira zou inspireren. Dat Eros een sterke rol speelde in die roman, hebben die cineasten graag in beeld gebracht. Toch constateert Toon Breës dat ‘men’ over het algemeen zo weinig aandacht geschonken heeft aan het belang van de erotiek in Streuvels’ werk. Verdoezelde men dat, om de goegemeente niet te storen en het imago van de katholieke auteur niet te schaden, of kon men gewoon niet goed lezen? Breës besteedt er veel aandacht aan, en hij kon ‘uitvoerig aantonen dat het erotische in de meeste romans en verhalen zelfs een structureel bepalende factor is’.

Een van de stellingen die Speliers destijds verkondigde, luidde dat er een tweespalt bestaat tussen de progressieve auteur Streuvels en zijn tweede (of zijn eerste) Ik, de conservatieve Frank Lateur. Ook dat gaf aanleiding tot sterke discussie. Breës verwerpt die dualiteit. Hij erkent natuurlijk dat de kunstenaar ‘moeilijk eenduidig te omschrijven’ valt. Ook in zijn houding tegenover het bovennatuurlijke. Bij zijn personages heeft het geloof ‘bijna uitsluitend formalistische kenmerken’. En Streuvels zelf, de trouwe kerkganger, ‘komt over als een agnost, die op een weemoedige manier troost en tederheid vindt in zijn geheugen’.

Misschien mag uw verslaggever hier, met ontroering, de herinnering oproepen aan Paula Lateur, de oudste dochter. In 1971 antwoordde zij op mijn vraag of haar vader ‘vroom’ was: ‘Gelovig, maar geen kwezelaar. Ook op gebied van godsdienst hield hij niet van uiterlijkheid: godsdienst is niet iets om mee op straat te komen. Ik heb hem, ter gelegenheid van de maanvluchten, eens horen zeggen: Als ik aan het heelal denk, word ik duizelig. Het Hiernamaals …niemand weet daar iets van.’

Beoordeling : * * * * *
Titel boek : Stijn Streuvels. Een kritische en biografische synthese.
Subtitel boek : Van zijn geboorte tot vandaag. Jaarboek 21 (2015) van het Stijn Streuvelsgenootschap
Auteur : Toon Breës
Uitgever : Lannoo Campus / Stijn Streuvels Genootschap
Aantal pagina's : 984
Prijs : 49.99 €
ISBN nummer : 9789401433334
Uitgavejaar : 2016