mercredi, 29 mai 2019
TERRE & PEUPLE Magazine n°79
Communiqué de "Terre & Peuple/Wallonie"
TERRE & PEUPLE Magazine n°79
Le numéro 79 du TERRE & PEUPLE Magazine est centré autour du thème de la sécession ‘Contre l’Etat jacobin, l’appel au peuple’.
Dans son éditorial ‘Il faut brûler les savants’, Pierre Vial relève le fait que la mort du Professeur Faurisson n’a même pas été remarquée par l’extrême-droite ‘convenable’. Le pendable d’où nous vient tout le mal a osé s’interroger sur le seul sujet historique interdit. Au nom de quel intérêt l’est-il ? Pierre Vial rappelle ce qu’en écrivait dans Le Figaro (03.04.90) l’historienne juive Annie Kriegel : « En s’abritant derrière des institutions juives inquiètes pour légitimer une insupportable police juive de la pensée, Michel Rocard devrait s’interroger en conscience s’il ne se prête pas à une répugnante instrumentalisation des concepts de racisme et d’antisémitisme en vue d’objectif peu avouables. » Il complète l’éclairage de la question en citant la tribune qu’une vingtaine d’historiens de premier plan, dont Elisabeth Badinter et Pierre Vidal-Naquet, ont publiée dans l’Obs (14.12.05) : « Dans un Etat libre, il n’appartient ni au Parlement ni à l’autorité judiciaire de définir la vérité historique. C’est en violation de ces principes que des lois successives ont restreint la liberté de l’historien, lui ont dit, sous peine de sanction, ce qu’il doit chercher et ce qu’il doit trouver. »
Pierre Vial poursuit son analyse magistrale du modèle identitaire des juifs. Au moyen-âge, l’identité juive se vit dans le cadre de la Kehillah (communauté) qui répond, selon le statut légal local, à leurs besoins religieux (synagogue, cimetière, bains rituels, tribunal présidé par le rabbin local, lequel tranche au civil comme au pénal jusqu’au fouet, voire la mort en cas de trahison). Un fonds de charité et une soupe populaire rencontrent les besoins des nécessiteux et un impôt communautaire assure, dans les communautés importantes, hospices et hôpitaux. La sécurité et la défense sont financées par une taxe. Si la communauté a obtenu un ghetto, elle en assume les charges sanitaires et militaires.
La coordination entre les communautés juives locales est assurée, dans les pays musulmans, en Pologne et en Lituanie, par des autorités centrales et, en France, en Allemagne et en Italie, par des rencontres de leurs représentants. Les synagogues sont richement décorées, mais selon des motifs propres à l’art local, roman ou gothique chez les ashkénazes et mauresque chez les sépharades. Les Bibles et livres de prières sont enrichis d’une profusion d’enluminures. Les juifs ont été touchés par le brassage idéologique des Lumières et par la question de leur intégration à la société nouvelle, au prix d’une réforme. Une véritable révolution pédagogique fait évoluer le système éducatif juif au bénéfice d’études laïques, notamment de la langue locale. Les intellectuels juifs des Lumières incitent ainsi les leurs à s’intégrer.
Moïse Mendelsohn traduit en allemand la Torah et le Livre des Psaumes. Pour devenir citoyen à part entière d’un état national européen, certains intellectuels juifs se convertissent, notamment le poète Henri Heine. D’autres cherchent un compromis « en adaptant la loi mosaïque à l’époque » et en s’intégrant sans renoncer entièrement à leur identité juive. L’Europe occidentale des XVIIe et XVIIIe siècles leur accordait des chartes de protection, qui comportaient des restrictions et des menaces d’expulsion, lesquelles entretenaient un complexe de persécution. A partir de 1780, en France et en Allemagne, on envisage pour eux un statut d’égalité des droits. Il est acquis en 1791, non sans réserves : « Aux Juifs en tant que nation, rien ne sera accordé, en tant qu’êtres humains tout. ». Ce qui revient à récuser leur identité, leurs coutumes, leurs institutions, auxquelles ils n’envisagent de renoncer qu’avec beaucoup de réticences. Napoléon les juge « un vilain peuple, poltron et cruel. » Ils ne s’en implantent pas moins dans le monde de la finance.
Notamment, Amschel Moses, avec son agence à Francfort à l’enseigne Rotschild et dont les cinq fils établissent un réseau à travers l’Europe. Ayant misé sur la défaite de Napoléon, Waterloo leur rapporta un pont d’or. Ils installèrent des réseaux financiers internationaux et surent se rendre indispensables aux souverains européens. Leur réussite apparut aux pionniers du mouvement socialiste comme l’illustration de l’exploitation capitaliste. Pour Proudhon, « le Juif est l’ennemi du genre humain. » Et Fourrier prophétise : « Une fois les Juifs répandus en France, le pays ne serait plus qu’une vaste synagogue. » En dehors de la France, l’égalité des droits mit longtemps à être acquise : en 1860 dans l’Empire austro-hongrois et en 1871 en Allemagne. Dès lors, les synagogues prennent un aspect monumental, avec les symboles identitaires, étoile de David et Tables de la Loi. De nombreux artistes juifs sont reconnus et appréciés. Un nombre croissant de Juifs concilient leur adaptation au monde des Lumières et une certaine fidélité à la tradition. Dans le même temps, des courants revendiquent des formes de piété (sabbatianisme, hassidisme) inconciliables avec les mœurs des Gentils.
Ouvrant le dossier central ‘Sécession contre l’état jacobin’, Pierre Vial en appelle au peuple pour qu’il récuse globalement le système. N’est-ce pas ce que fait le mouvement populiste des Gilets Jaunes, lesquels incarnent la libération de la parole et de l’action et, quoi qu’on prédise, s’inscrivent dans la durée. Il réclame pour eux comme pour nous des solutions alternatives et il nous avertit contre les mirages électoraux.
Pierre Vial rappelle que l’appel au peuple est une tradition française. A Rome, les plébiscites, proposés par les tribuns de la plèbe, s’imposaient à l’ensemble du peuple romain. En 1799, le Consulat napoléonien s’est inscrit dans cette tradition du plébiscite et, en 1802, le Consulat à vie comme, en 1804 (et en 1815), l’Empire. Napoléon III remet la chose pour rétablir l’empire en 1852 et pour rattacher Nice et la Savoie à la France en 1860. Les fondateurs de la IIIe République étaient partisans de la « législation directe » et le général Boulanger, qui a lancé le mot ‘referendum’, était partisan d’une République plébiscitaire. Pendant la guerre de 1914-18, les Comités plébiscitaires prônent l’Union sacrée.
De Gaulle, créant la Ve République, érige le référendum en principe, lequel se retournera contre lui en 1969. Le référendum d’initiative populaire, très présent en Suisse, est aujourd’hui revendiqué, sous l’étiquette RIC, par les Gilets Jaunes. Ce soulèvement évoque les jacqueries paysannes médiévales et les Rebeynes lyonnaises. En 1436, à Lyon, les sauvages du baz estat se sont assemblés de leur propre autorité pour imposer dix élus commis par le peuple au Consulat de la ville, afin de faire payer les coupables de fraude fiscale. La Grande Rebeyne de 1529 vise la gestion municipale qui favorise les marchands. Ceux-ci contraignent les artisans par la concurrence des étrangers et détruisent la commune. On refuse aux métiers des jurandes pour organiser leur solidarité. Alors que le luxe des riches s’étale, le pouvoir d’achat du peuple baisse jusqu’à la disette. Au mois d’avril 1529, des placards séditieux signés le Povre apparaissent aux carrefours, appelant à punir les coupables et leurs complices du Consulat. Ils fixent rendez-vous au peuple le 25 avril au couvent des Cordeliers. S’y retrouve une multitude de ‘menu peuple, povres mesnagers’, qui pille le couvent et ensuite les demeures des ‘gros accapareurs, bourgeois, gens riches et apparents de la ville’. Le consulat fait appel au roi qui envoie cent gentilhommes ordinaires. Dans les jours suivants, on dresse onze potences pour les meneurs. Lyon connaîtra par la suite encore bien d’autres révoltes résultant de l’opposition entre le capital et le travail pour déboucher, au XIXe siècle, sur les insurrections des Canuts. Mais le pouvoir royal a tôt compris la volonté du peuple d’être entendu lorsqu’il est victime des manœuvres des ‘gros’. C’est la raison des Etats généraux.
Dès le XIIe siècle, les seigneurs féodaux et les dignitaires ecclésiastiques ne suffisent plus. La bourgeoisie urbaine, enrichie et instruite, veut se faire entendre, de même que la petite noblesse et le bas clergé. Ainsi naît une représentation du peuple selon les trois ordres de la tripartition fonctionnelle des Indo-Européens, mais qui fait peu de cas des artisans et des ouvriers et des masses paysannes. Aux XIVe et XVe siècles, le pouvoir royal s’appuie souvent sur les états, lesquels sont parfois tentés de s’imposer, notamment pour contrôler la perception des impôts et l’utilisation des recettes. Dans les années 1355-58, les états de langue d’oïl sont des foyers d’agitation incessante, notamment de la part d’Etienne Marcel, riche prévôt des marchands parisiens, qui profite de la minorité du dauphin Charles mais sera finalement tué. Le dauphin accorde habilement un pardon général et liquide les états généraux. Quand, en 1789, Louis XVI convoque les états généraux, chaque bailliage rédige son cahier de doléances : il n’y a pas d’exemple dans l’histoire d’une pareille consultation écrite de tout un peuple. La nuit du 4 août, alors qu’une ‘grande peur’ se propage dans les campagnes, la Constituante décide l’abolition des privilèges fiscaux et la condamnation de tout un système. Est-ce à envisager aujourd’hui ?
C’est dans la perspective identitaire que Charles Bergé analyse la crise des Gilets Jaunes, colère d’un peuple inquiet du chômage et de la pauvreté qu’on engendrés la délocalisation industrielle et la disparition des services de proximité. Mais l’origine du mouvement n’est pas qu’économique. Le libéralisme détruit le lien social. L’évolution ploutocratique à l’heure de la mondialisation détruit le lien social et la démocratie n’est en fin de compte représentative que d’intérêts étrangers au bien commun. Les Gilets Jaunes n’en demeurent pas moins attachés à la République, en témoigne leur revendication du RIC, le référendum d’initiative citoyenne. Guère révolutionnaires, ils sont en fait nostalgiques d’une république gaullienne révolue.
En face, il y a les élites bourgeoises qui, depuis 1870, ont fondé un régime dominé économiquement et politiquement par une bourgeoisie qui, dans un compromis républicain (suffrage universel), accepta d’associer le peuple à la gestion. Ce régime s’est trouvé renforcé par l’émergence d’une classe moyenne solide pétrie de l’idée républicaine. Le compromis se révéla efficace jusqu’à l’avènement de la mondialisation, quand le maintien du compromis a exposé la bourgeoisie française au risque de se marginaliser à l’échelle mondiale. Pour garder la main sur la société française, les libéraux devaient éliminer le peuple de l’équation politique. L’immigration de peuplement a cassé les solidarités nationales. Le métissage est devenu un moyen de saper la cohésion ethnique. Une réaction conservatrice s’est assigné de renouer le compromis, mais le contexte social a changé entre-temps : la mondialisation a laminé les classes moyennes et la cohérence ethnique de la population s’est affaiblie en un conglomérat de communautés qui communient plus ou moins aux utopies libérales.
Les conservateurs de l’expérience républicaine ont depuis longtemps rejoint le camp des identitaires et leur pensée s’accorde sur l’essentiel aux préoccupations de Gilets Jaunes, mais ils s’inquiètent des débordements, le modèle d’action civique restant la Manif Pour Tous, bien que des Gilets Jaunes de plus en plus nombreux ont le sentiment qu’il faut contraindre le régime à la réforme. Les médias imputent les violences aux gauchistes et aux identitaires, lesquels se partagent entre conservateurs et solidaristes. Ces derniers n’excluent aucun mode d’action. Tous ne combattent pas pour l’identité albo-européenne, mais s’accordent pour rejeter le libéralisme. Le régime attend les violences pour légitimer la répression. A la différence des solidaristes, que leur impréparation rend inaptes à assumer le pouvoir ou même à conduire la révolution identitaire et notamment le mouvement des Gilets Jaunes, les conservateurs se montrent mieux organisés, mais encore incapables de l’emporter avant le basculement des équilibres européens. Même si le mouvement des Gilets Jaunes devait s’essouffler, ce ne serait que partie remise, car ses causes sont durables. Les identitaires y ont une carte à jouer, à condition d’avoir des buts clairs et réalistes. Conservateurs et solidaristes doivent unir leurs forces. Il est peu vraisemblable de sauver le régime dans une orientation identitaire. Est préférable la solution alternative d’une démocratie organique identitaire, où chaque composante du peuple albo-européen a une place à tenir, notamment la frange identitaire de la bourgeoisie. A condition toutefois que cette dernière se mette au service exclusif de son peuple et abandonne un régime économique mondialisé, oligarchique et ploutocratique.
Jean-Patrick Arteault examine le peuple des Gilets Jaunes et la crise imminente. Un peuple que cinquante ans d’ingénierie sociale permettaient d’escompter avoir été déstructuré et dissout, précisément pour rendre toute révolte impossible. Les GJ donnent ainsi raison au philosophe Jean-Claude Michéa qui maintient que les gens ordinaires conservent une dignité non-négociable. Les valeurs traditionnelles de la culture populaire des autochtones ont été déconstruites, dans les années 1960-70, par leur individualisme et par leur culpabilité supposée dans les malheurs du XXe siècle, par l’inquisition du politiquement correct et par la déstructuration de l’éducation. Une immigration de peuplement, qui vise à briser l’homogénéité ethnique, fait concurrence à la main d’œuvre autochtone et dégrade ses conditions de vie. On peut s’étonner dans ces conditions qu’une fraction aussi importante du peuple trouve assez de ressources pour se révolter. Depuis une quinzaine d’années, les oligarchies ont brutalement accéléré le processus de destruction de l’Europe autochtone, soit qu’elles se soient crues toutes-puissantes, à moins qu’il s’agisse pour elles d’anticiper une crise majeure et de rendre les autochtones incapables de revanche.
L’auteur épingle cinq coups d’accélérateur : l’adoption du Traité de Lisbonne (malgré son rejet populaire) et le traitement brutal de la Grèce ; la crise financière de 2007 et sa facture reportée sur le peuple ; l’augmentation de l’immigration suite aux interventions en Libye et en Syrie ; la pastorale de la terreur climatique alors que le libre-échange planétaire multiplie les porte-conteneurs hyperpolluants ; le bouclage des classes populaires et moyennes de la France périphérique paupérisées. Leur révolte n’est pas encore une révolution, mais ce n’est plus une simple jacquerie sociale. Elle génère des cadres tactiques. S’il était intelligent, le régime composerait, au lieu d’osciller entre le pourrissement et l’autorité brutale. Si le pire ne se produit pas d’ici là, un score faible aux européennes peut amener Macron à remettre son mandat en jeu, mais c’est peu probable. Le véritable arbitre sera une crise financière et économique. Il s’agit d’être là pour le jour d’après, avec les ‘intellectuels organiques’ de Gramsci.
Robert Dragan dresse le relevé de tous les événements et manifestations liés à la révolte, depuis le 29 mai 2018, date où a été lancée la pétition en ligne pour abaisser le prix du carburant. Elle avait, en novembre, recueilli un million de signatures. La vidéo de Jacline Mouraud est vue six millions de fois. L’Acte 1 a lieu le samedi 17 novembre. Quelques manifestants pacifiques parviennent à proximité de l’Elysée. L’Acte 2, le 24 novembre, réunit les syndicats de police et 700.000 manifestants dans toute la France (166.000 selon le gouvernement). L’acte 3 met en place des ‘péages gratuits’ sur tout le territoire. L’acte 4 mobilise 89.000 membres des forces de l’ordre. 1.723 interpellations, 264 blessés dont des éborgnés. Acte 5 : baisse des présences, avec un policier pour un manifestant. Acte 6 : moindre mobilisation. Acte 7 : Etiage du mouvement. Acte 8 : Regain. Acte 9 : Nouveau regain. Acte 10 : Nouveau regain. Acte 11 : Le leader Jérôme Rodrigues est éborgné par une balle de LBD 40. Acte 12 : Les manifestations parisiennes rendent hommages aux blessés et Hervé Ryssen dénonce un ‘grand remplacement’ de GJ par l’extrême gauche.
Thierry Durolle interviewe Robert Steuckers à propos de la conférence que ce dernier a donnée à la bannière d’Auvergne sur le mouvement ethno-nationaliste ‘völkisch’, né en Allemagne de la crise bancaire de 1873 et d’une crise religieuse du protestantisme luthérien, à qui il était reproché d’être une religiosité étrangère plaquée sur l’âme européenne. Le sociologue Henning Eichberg parlait d’une idéologie folkelig (ethniste) non-politisée, soit folcique, alors que folciste désignerait les mouvements allemands ultra-politisés. Le mouvement fölkisch est né de l’euphorie de la victoire allemande de 1871 et d’une politique ultra-libérale qui a suscité une bulle spéculative dans un monde bancaire partiellement juif. Les faillites et les tragédies familiales se multiplient. La précarité suscite dés émigrations vers l’Amérique. Le régime bismarckien rejette le libéralisme pur anglo-saxon. Une dichotomie se marque entre le capital producteur des créateurs et le capital financier des ploutocrates. Les syndicats ouvriers prennent de l’ampleur. L’opposition contre les professions parasitaires prend une coloration antisémite. Le poète Guido von List est une figure de l’ésotérisme folciste féru d’occultisme. Plus consistante est la figure de Wilhelm Teudt, qui a découvert avant les archéologues les zones des sites cultuels préhistoriques et protohistoriques. Paul de Lagarde fait retentir les mythes des Niebelungen et la poésie médiévale allemande qui avaient été occultés par le protestantisme. Dans ses Deutsche Schriften, il avertit contre l’Allemagne prospère, industrialisée à outrance, mais qui néglige les « besoins de l’âme ». Il dénonce la « Lumpentheologie » d’un protestantisme ultra -réactionnaire et d’un catholicisme politisé. Des lustres avant que Nietzsche ne proclame « la mort de Dieu », il impute à saint Paul de pervertir le message christique et veut rouvrir son peuple à sa religiosité naturelle.
Robert Steuckers a évoqué le mouvement de la « Lebensreform », adventice au filon folciste et qui comporte nombre de ramifications, dont le mouvement colonial, le mouvement racialiste-hygiéniste, le mouvement eugéniste et les mouvements de jeunesse dont les Wandervögel, le végétarisme et le naturisme et un féminisme issu des religiosités nordiques pré-chrétiennes qui n’a rien de commun avec les Femens. Le völkisch peut passer pour un écologiste avant la lettre, si on ne perd pas de vue qu’il défend à l’origine la petite paysannerie contre la ploutocratie financière. Mais la défense des terroirs est aussi religieuse, réaction romantique au mécanicisme des Lumières. Elle regarde au contraire les faits de nature comme une croissance chaque fois originale. Alors que le mouvement socialiste soutient l’industrialisation et considère la protection de la nature comme un colifichet de luxe. Le mouvement bio-régionaliste des terroirs du Heimatschutz est politiquement indépendant, bien que dans l’Allemagne de Guillaume II les frontières soient poreuses entre le culturel, le social et le politique. Pour ce qui est de la spiritualité, les folcistes sont pénétrés de l’idée que la tradition germanique et européenne est immémoriale et qu’elle a été refoulée par la modernité. Ayant lu Lagarde et Nietzsche, le pasteur Bonus est enthousiasmé par la mythologie germanique et scandinave et veut germaniser le christianisme. Le dominicain rhénan Maître Eckhart (1260-1327), incarnation de la pensée germanique persécutée, a exercé une influence spirituelle majeure. Sur le plan socio-économique, le folcisme, né de la grande crise économique, bancaire et boursière du laisser faire et laisser passer, veut une protection des producteurs, paysannerie et artisans, posés comme les meilleurs, contre les spéculateurs, lie du peuple, contre les parasitaires, parmi lesquels les praticiens du droit, jugés étrangers au réel, les fonctionnaires, les intellocrates et journalistes et les boursicoteurs. Seules les strates des secteurs primaire et secondaire seraient représentées dans les assemblées. Dans sa révolution conservatrice, Armin Mohler oppose la pensée völkisch au nationalisme soldatique des frères Jünger, qui escomptaient une guerre héroïque et loyale, alors qu’elle est désormais une guerre des matériels, la perfection de la technique acculant à une décélération, pour préserver les rythmes lents de la nature. Le caractère extrême de la défaite de 1918 va susciter une virulence du militantisme, un radicalisme folciste de la part de plusieurs figures marquantes du futur mational-socialisme. La crise de 2008, dont les banquiers sont responsables, rend actuel l’héritage folciste.
Alain Cagnat ressuscite par le détail l’épopée tragique de la migration des Hollandais dans ce coin de l’Afrique que Vasco de Gama a doublé en 1498. Les Portugais, catholiques, l’ont laissé cultiver par des protestants hollandais. L’histoire de ces Afrikaners se présente comme une collection d’images héroïques.
Dans cette zone de l’Afrique déserte d’autochtones, ce ne sera qu’à la fin du XVIIIe siècle que déboucheront des vagues de guerriers Xhosas. Elles entrent au contact avec les Trekboers qui se sont avancés le plus au nord, jusqu’à la rivière Kei. Au sud de celle-ci, leur antériorité sur les Noirs est incontestable. En 1815, le Congrès de Vienne qui redessine la géographie en fait des sujets britanniques, ce qui a pour effet d’abolir le droit d’aînesse biblique qu’ils pratiquent et de fractionner leurs domaines. C’est alors qu’ils subissent le choc de l’invasion zouloue, avec ses impis, des régiments de milliers de guerriers. Mal traités par les Anglais, qui favorisent les Xhosas à leur détriment, ils s’engagent alors dans ce qui sera le mouvement fondateur de la nation boer, le Grand Trek.
Chargeant leurs biens sur des chariots traînés par des bœufs, ils esquivent Xhosas et Zoulous en partant vers le nord-est. Ils inventent la tactique défensive du Laager, cercles concentriques de chariots qui offrent une défense efficace et permet aux Boers, excellents tireurs servis par leurs femmes qui s’affairent à recharger les armes, de faire des ravages : le 16 octobre 1836, une armée de 20.000 Ndébélés abandonnent sur le terrain 400 tués, alors que les Blancs n’ont perdu que deux hommes.
Franchissant les montagnes du Drakensberg, l’armée boer atteint l’Océan Indien à Durban. Le roi zoulou Dingane, feignant de négocier, a massacré la délégation non-armée des Boers et commis des atrocités. Il en sera puni par le général Pretorius, qui l’affronte avec 470 Boers. 15.000 guerriers zoulous s’y cassent les dents sur son Laager et 3.000 restent sur le terrain . Les raids zoulous auront coûté la vie à un millions de Noirs. Victorieux, les Boers fondent la République indépendante du Natal.
Les Anglais débarquent en force et leur promettent une large autonomie, mais mangent bientôt leur parole. Les Voortrekkers du Natal reprennent la route. Ils rejoignent les 10.000 Boers du Transvaal et les 12.000 de l’Orange. Ils font régner l’ordre, ce qui amène l’Angleterre à reconnaître l’indépendance de l’Orange et du Transvaal. Entre temps, le roi Cetshwyao et ses 50.000 Zoulous menacent le Transvaal, à qui les Anglais proposent de les protéger contre une annexion provisoire. Une armée de 16.000 Anglais est surprise dans son camp de base par les Zoulous qui en exterminent plus de 2.000. Mais les Zoulous sont épuisés et les renforts anglais inépuisables. C’est alors que les Boers se soulèvent, menés par Kruger, Joubert et Pretorius. Leurs kommandos taillent en pièces le corps expéditionnaire des Britanniques, qui sont contraints de reconnaître la République indépendante du Transvaal, en 1883. Ils anglicisent à marche forcée les provinces du sud.
C’est à cette époque que sont découvert dans l’Orange les premiers diamants. Aussitôt, sur ces terres amoureusement cultivées par de vertueux calvinistes se répand un tsunami obscène d’aventuriers sans foi ni loi, les Uitlanders (sans terre) qui deviennent plus nombreux qu’eux. Ils se détestent mutuellement et, dans une situation bientôt explosive, le haut-commissaire Alfred Milner ouvre les hostilités de la deuxième guerre des Boers. Les forces sont disproportionnées : 450.000 Britanniques suréquipés contre 52.000 hommes sans artillerie, mais très extrêmement mobiles, qui parviennent à tous les coups à étriller leur adversaire. Mais ils commettent l’erreur d’assiéger les Anglais, qui resteront les maîtres. C’est la fin de l’indépendance de l’Orange et du Transvaal. Les Boers se reconvertissent dans la guérrilla, où ils sont comme des poissons dans l’eau. Mais les Anglais suppriment l’eau : 35.000 fermes sont incendiées avec récoltes et bétail par dix mille auxiliaires noirs ; les hommes et les adolescents sont déportés hors d’Afrique ; 136.000 femmes, enfants ou vieillards et 115.000 serviteurs noirs loyaux sont parqués dans 58 camps de concentration où la mortalité a dépassé 17% ! Le 31 mai 1902, les Boers capitulent. Ruinés, ils se prolétarisent. Les Anglais favorisent l’immigration massive. Les Afrikaners ne sont pas racistes (Dieu qui a créé les races n’aime pas le métissage), ils sont paternalistes.
Soucieux de calmer leur ressentiment, les Anglais réunissent, en 1910, les provinces du Cap, du Natal, de l’Orange et du Transvaal dans un même état, l’Union sud-africaine. Les lois raciales des Afrikaners expriment leur crainte d’être submergés. En 1912, les Noirs qui commencent à s’organiser fondent l’ANC et le parti communiste en 1921. La ségrégation est de plus en plus marquée, bien que, en 1936, la part des terres réservées aux Noirs passe de 7,8% à 13%. En 1942, Nelson Mandela prend la tête de l’ANC au moment du Swartgevaar, menace des Noirs urbains qui deviennent plus nombreux que les Blancs. En 1959, les extrémistes du Pan African Congress appellent à la désobéissance civile. Dans le township de Sharpeville, la police débordée tire et fait 69 morts. L’ANC et le PAC lancent une branche terroriste et sont interdits. La République sud-africaine est alors exclue de l’OMS et de l’UNESCO et le leader de l’ANC reçoit le Prix Nobel de la Paix. La République d’Afrique du Sud rompt ses liens avec le Commonwealth. Le président Verwoerd est assassiné par un métis. Son successeur John Vorster assouplit l’apartheid dans un vain souci d’apaiser la communauté internationale. En 1975, l’Angola et le Mozambique accèdent à l’indépendance et vont servir de base aux terroristes. En 1976, Soweto se soulève. La répression fait 600 morts. En 1978, Botha remplace Vorster. C’est un dur, mais il est contraint à l’ouverture et à abandonner les Rhodésiens aux hordes de Mugabé. Heureusement, les rebelles se déchirent en trois factions : l’ANC dominée par les Xhosas et soutenue par l’URSS et Mgr Tutu ; le PAC, soutenu par la Chine et qui veut une Afrique sans aucun Blanc ; l’Inkatha, exclusivement zouloue. Les Blancs subissent la terreur. Ils se scindent eux aussi entre libéraux acquis à l’antiracisme, conservateurs résignés à l’ouverture et durs sans concession. Malade, Botha est remplacé par de Klercq, lequel signe l’accord avec l’ANC et recevra bientôt, avec Mandela le Prix Nobel de la Paix. La messe est dite ! Sur le plan économique, la RSA jusque là prospère ne fera bientôt plus partie des BRICS que pour mémoire.
17:55 Publié dans Nouvelle Droite, Revue | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pierre vial, terre & peuple, nouvelle droite, revue | | del.icio.us | | Digg | Facebook
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