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dimanche, 07 février 2021

Idées de gauche et valeurs de droite : Comment produire cette fusion ?

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Idées de gauche et valeurs de droite : Comment produire cette fusion ?

Par René Uffizi, préalablement publié dans Nomos (Argentine)

Ex : https://therevolutionaryconservative.com

Je voulais partager avec vous quelques questions qui me sont venues à l'esprit en lisant "Le contre-coup" (El Contragolpe) de Diego Fusaro, auteur que j'ai découvert grâce à votre publication Nomos, et dont le livre me semble être l'un des messages les plus suggestifs et explosifs du monde actuel.

Au-delà du thème central de cette compilation d’articles (qui, selon moi pourrait se résumer à une réflexion générale et profonde sur la tendance contemporaine à la solitude, à la dissolution communautaire et à l'hyper exploitation produite par le turbo-capitalisme), thème avec lequel je coïncide pratiquement en tout, il y a une question, en particulier, et de la plus haute importance politique, qui m'a fortement interpellé : la fusion entre les valeurs de droite et les idées de gauche. Cette question semble également cruciale pour Fusaro lui-même, étant donné que, comme on le constate dans le livre, elle fait partie de la proposition programmatique du groupe d'intérêt national qu'il a lui-même fondé. Comme il est dit au point 8 de ce programme (p. 116 ; cette idée est également mentionnée à la p. 31) :

41ARwUkW9HL._SX325_BO1,204,203,200_.jpgEn antithèse avec les anciennes dichotomies, il faut s'aventurer au-delà de l'antithèse de la gauche et de la droite. Renoncer à cette antithèse équivaut, par conséquent, à assumer les valeurs de la droite et, en même temps, les idées de la gauche. Les valeurs de la droite : enracinement, patrie, honneur, loyauté, transcendance, famille, éthique. Idées de gauche : émancipation, droits sociaux, même liberté matérielle et formelle, dignité du travail, socialisme démocratique dans la production et la distribution.

Ma question fondamentale est de savoir comment construire une telle alternative fusionnante, ou d'où cela pourrait émerger, ou encore : s'il est possible qu'elle puisse exister, la force capable de réaliser cette fusion. Je pose cette question moi-même, en particulier parce que :

  • L’ensemble des valeurs de droite, que Fusaro nomme, est large, mais n'inclut pas (ou plutôt exclut) l'un des piliers fondamentaux de la droite : la propriété*. Comme Maurras dans Mes idées politiques de 1937 "on ne dirait pas moi, sans qu'on dise le mien", pour ainsi dire : la propriété constitue la personne et la rend libre. Comment le socialisme dans la production et la distribution pourrait-il être possible sans s'attaquer aux droits de propriété ? Comment mener des politiques de redistribution ? La structure de la propriété n'est-elle pas toujours le point limite du populisme, limite dans la mesure où la coalition populiste est infailliblement détruite dès que le peuple se radicalise et qu'il passe sur la propriété ? Cette limite, toujours dépassée et donc déterminante, me conduit au point suivant.
  • Est-il correct d'attribuer à la droite l’ensemble des valeurs que Fusaro lui attribue ? S'agit-il effectivement de valeurs de droite ? Y a-t-il une expression plus intense que celle des narodnikis, des Cubains barbus du 59, ou celle de l'EZLN, pour n'en citer que quelques-unes ? Pour moi, au contraire, la liste des valeurs que Fusaro attribue à la droite, sont en réalité des valeurs issues du monde de la production, de sorte qu'elles sont partagées par le prolétariat/agriculteur et par les bourgeois. Mais je crois qu'il y a une trajectoire identifiable dans l'abandon de ces valeurs : c'est précisément le même bourgeois (auquel Fusaro attribue l'incarnation historique de ces valeurs) qui cesse de les représenter en premier lieu, étant donné que le prolétariat est resté le seul sujet social qui a fini par défendre la terre, l'emploi, la famille, les institutions bourgeoises universelles (comme l’éducation et la santé), et même l’État. Lorsque les bourgeois ont considéré qu'il était insoutenable de taxer (en revenant à la propriété) les coûts de l'État providence, ils ont entamé la transition vers la déréglementation des marchés, tout comme ils vers la suppression des droits sociaux et des agences étatiques de redistribution et de protection que Fusaro défend. Alors : pourquoi revenir à la bourgeoisie pour reprendre des valeurs** qui n'ont jamais cessé d'être soutenues par le prolétariat ? La question est tactique et serait reformulée de façon satirique: L'establishment serait-il plus menacé si, en Argentine, le livre de Fusaro tombait entre les mains du capitaliste Paolo Rocca (PDG de Techint) ou entre celles du syndicaliste Daniel Yofra (secrétaire général du Syndicat des huiliers) ?
  • Fusaro lui-même pensait voir dans l'alliance jaune-verte entre le mouvement Cinq Etoiles et la Lega - aujourd'hui avortée et dissoute - une fusion possible entre la gauche et la droite, ce qui révèle que sa proposition n'est pas seulement théorique, mais qu'elle a au contraire une validité politique. Et ce n'est pas la seule fois que cette recherche a été proposée et mise en pratique. Parmi beaucoup d'autres, George Sorel est allé dans cette direction, tout comme l'un de ses disciples : Thierry Maulnier dans son magnifique ouvrage Au-delà du Maulnier y affirme que les différents fascismes ont échoué dans leur tentative de maintenir en vie la communauté nationale, car leur conservatisme a maintenu intactes les forces bourgeoises. En leur nom, la gauche avait échoué à reléguer la force vitale des structures communautaires en privilégiant plutôt le progrès économique. Par conséquent, tout comme Fusaro, une révolution nationale pourrait avoir sa place si la droite se prolétarisait, et si la gauche se nationalisait. Cela m'amène à mon dernier point, qui est lui aussi d'ordre tactique.

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  • Afin de produire cette fusion entre la gauche et la droite, la droite doit-elle être prolétarisée ou la gauche doit-elle être nationalisée ? Je crois que l'expérience du péronisme peut apporter une réponse. Lorsque l'immense force syndicale argentine, composée de dirigeants anarcho-syndicalistes, syndicalistes révolutionnaires et socialistes, s'est "nationalisée" dans leur rencontre politique avec les jeunes fonctionnaires nationalistes du GOU, un des plus grands et des plus puissants mouvements et processus populaires du monde a vu le jour. Le péronisme est la nationalisation des forces et des organisations de gauche. Mais nous trouvons aussi l'exemple inverse : la prolétarisation des forces de droite. Depuis le milieu des années 60, certains partisans de Lonardi, fils d'autres industriels, d'autres nationaux-catholiques, d'autres fils de professionnels conservateurs, d'autres intégristes pendant la dictature d'Onganía, etc. ont choisi de se "prolétariser", d'aller à la rencontre des structures de la classe ouvrière. Le résultat (Montoneros et les forces qui se sont soumises à leur direction) a été catastrophique : une opposition féroce à Péron lui-même, l'assassinat de dirigeants syndicaux, et le sabotage total du processus démocratico-populiste. Je ne fais pas cette description en exagérant un rôle de "péroniste orthodoxe", mais je ramène les positions de la gauche nationale (trotskistes/péronistes : PSRN, PIN, FIP). Dans cette description que nous pouvons regarder, je serais enclin à penser qu'il n'est pas possible de prolétariser la droite, et que la possibilité de réaliser le programme que propose Fusaro ne peut venir que des forces de la gauche et des organisations ouvrières.

Pour en arriver à une conclusion, je reviens à Sorel : Je pense qu'il a aussi considéré que la droite ne pourrait jamais abandonner son lien naturel avec la propriété privée, raison pour laquelle le leader syndicaliste est toujours resté à l'intérieur des organisations ouvrières et à l'intérieur de la gauche, même quand il a aussi essayé de promouvoir les valeurs que Fusaro lui-même réaffirme aujourd'hui, auxquelles j'adhère moi-même, et par lesquelles ces questions m'ont interpellé. Je les ai partagées avec vous ici.

À la vôtre !

Notes du traducteur :

*On peut résoudre ce problème en comprenant que la propriété privée peut être séparée en deux catégories : La propriété individuelle et la propriété capitaliste, cela peut être trouvé dans l'article "The Idea of Property in Jose Antonio Primo de Rivera" par Israel Lira

https://therevolutionaryconservative.com/articles/the-idea-of-property-in-jose-antonio-primo-de-rivera/

**La meilleure façon de résoudre cette idée est de gérer le concept d'aristocratie, comme l'a dit Julius Evola, peut être trouvée dans "La signification de l'aristocratie pour le front anti-bourgeois"

https://arktos.com/2019/09/20/the-meaning-of-aristocracy-for-the-anti-bourgeois-front-part-1/

Source :

https://nomos.com.ar/2019/10/25/ideas-de-izquierda-y-valores-de-derecha-como-producir-esa-fusion/

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