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dimanche, 21 février 2021

Quatre dames au Capitole

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Quatre dames au Capitole

par Georges FELTIN-TRACOL

Ex: http://www.europemaxima.com

À côté de la victoire trafiquée et usurpée de « Papy Gâteux » Biden, les élections du 3 novembre 2020 ont été marquées par la perte de treize sièges à la Chambre des représentants détenus par les démocrates à l’avantage des républicains. Le Parti républicain a connu à cette occasion une hausse des suffrages en sa faveur de 2,9 %. Parmi les 435 représentants élus pour la 117e législature, focalisons-nous sur quatre femmes, trois républicaines et une démocrate.

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Alexandra Ocasio-Cortez.

Élue pour la première fois en 2018 dans le 14e district congressionnel (circonscription législative) de l’État fédéré de New York, Alexandra Ocasio-Cortez (ou AOC) fut à 29 ans la plus jeune membre de l’histoire du Congrès. Réélue pour un nouveau mandat malgré la progression notable de son adversaire républicain (de 19 202 à 46 877 suffrages), AOC milite chez les Socialistes démocrates d’Amérique et appartient au Congressional Progressive Caucus, la tendance la plus à gauche des démocrates. Soutien public du sénateur socialiste indépendant du Vermont Bernie Sanders pendant les deux dernières primaires, elle fut en pointe contre l’administration Trump. Favorable aux minorités raciales et sexuelles, cette Latina de 31 ans soutient un Green New Deal écolo-féministe, inclusif et multiculturaliste. Elle a publiquement regretté d’être dans le même parti que Joe Biden. Sera-t-elle pour autant une vigie attentive du pacifisme inhérent à la gauche étatsunienne ? Pas sûr qu’elle qui a révélé en 2018 avoir parmi ses aïeux un juif sépharade originaire d’Espagne, rejette le bellicisme « démocratique » déjà pratiqué par Bush père, Clinton, Bush fils et Obama.

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Liz Cheney.

Bien que représentante républicaine du Wyoming, Elizabeth « Liz » Cheney peut se retrouver en phase avec la diplomatie va-t’en-guerre du nouveau président. La fille aînée de Richard « Dick » Cheney, le vice-président le plus puissant de l’histoire des États-Unis sous George W. Bush (2001 – 2009), appartient au camp des « faucons néo-conservateurs » du GOP. Sa détestation pathologique de la Russie n’a d’équivalent que son soutien inconditionnel pour le seul État nucléaire du Proche-Orient. Opposée au mariage gay, elle s’est brouillée avec sa sœur cadette Mary, lesbienne notoire. Réélue avec 68,7 %, elle inaugure son troisième mandat consécutif en votant avec neuf autres renégats républicains la seconde mise en accusation pour destituer Donald Trump. Si 145 de ses pairs républicains (contre 60) ont finalement maintenu son rang de n° 3 du groupe, l’appareil républicain du Wyoming désavoue son vote et envisage de lui lancer aux primaires de 2022 un candidat pro-Trump…

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Lauren Boebert.

Inscrite chez les démocrates jusqu’en 2007, Lauren Boebert devient à 34 ans la représentante du 3e district du Colorado. Cette chrétienne évangélique écarte aux primaires le républicain sortant Scott Tipton avec 54,6 % avant de l’emporter face à la démocrate Diane Mitsch Bush (51,27 %). S’affichant en alternative conservatrice à Alexandra Ocasio-Cortez, Lauren Boebert a rallié le Freedom Caucus, la faction la plus à droite de la Chambre, ainsi que le Second Amendment Caucus, le groupe parlementaire qui défend le port d’arme. Vivant à Rifle la bien nommée (rifle signifiant « fusil » en anglais), elle tient depuis 2013 un restaurant, le Shooter Grill, dont les serveuses peu vêtues portent à la hanche une arme chargée. Hostile aux restrictions sanitaires, la future représentante brave les autorités locales en gardant son restaurant ouvert. Son refus de se soumettre aux injonctions du politiquement correct électrise aussi bien ses sympathisants que ses adversaires.

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Marjorie Taylor Greene.

Cependant, Lauren Boebert n’est pas la cible prioritaire de l’Establishment politico-médiatique. Ce dernier préfère attaquer Marjorie Taylor Greene. Élue à 46 ans du 14e district de Géorgie, l’une des circonscriptions les plus conservatrices du pays, cette républicaine du Freedom Caucus ne cesse d’être insultée par une presse aux ordres qui la traite de « complotiste » proche de QAnon. Son traitement systématique défavorable relève de la misogynie, de la blondophobie et de la haine anti-blanche. Bête noire des démocrates et des républicains les plus falots, elle vient de perdre sa place aux commissions du budget, de l’éducation et du travail. Ses détracteurs lui reprochent ses positions pro-vie et ses doutes sur certains évènements ou faits-divers récents. Elle qualifie les antifas de « terroristes intérieurs »; elle s’en prend aux officines financées par George Soros et ose critiquer les séditieux de Black Lives Matter. Forte des 74,7 % obtenus contre le candidat démocrate et de ses 40,3 % dès le premier tour de la primaire, Marjorie Taylor Greene a enfin cosigné l’acte d’accusation pour la destitution de… Joe Biden. Les gauchistes manœuvrent dans les couloirs du Congrès afin que les deux tiers de la Chambre des représentants votent son exclusion. Elle a déjà contre elle une dizaine de républicains dont – surprise ! – l’ineffable Liz Cheney. Le chef des républicains au Sénat, le cacochyme sénateur du Kentucky, Mitch Mc Connell, l’a aussi dans le collimateur.

Avec un personnel politicien centriste et belliciste aussi nul à l’instar de Liz Cheney, les États-Unis sont bien mal en point. Fort heureusement, dans une perspective clausewitzienne de montée aux extrêmes, gageons qu’Alexandra Ocasio-Cortez, Lauren Boebert et Marjorie Taylor Greene resteront fidèles à leurs électorats respectifs et porteront jusqu’à l’incandescence la guerre culturelle en cours.

Georges Feltin-Tracol.

• « Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n° 202, mise en ligne sur TVLibertés, le 16 février 2021.

18:45 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, états-unis, politique internationale | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Colin Wilson, le "jeune homme en colère": un réactionnaire contre le politiquement correct

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Colin Wilson, le "jeune homme en colère": un réactionnaire contre le politiquement correct

Carbonio Editore poursuit la publication des œuvres de l'écrivain britannique avec L'homme sans ombre, le deuxième volume de la Trilogie de Gérard Sorme.

par Manlio Triggiani

Ex : https://www.barbadillo.it

Colin Wilson (1931-2013) est de retour dans les librairies italiennes avec un roman qui constitue le deuxième volet d'une trilogie publiée par Carbonio editore, une maison d'édition qui se distingue depuis quelques années par une production de livres intéressants.

Le premier volume de la trilogie, connu sous le nom de Gerard Sorme Trilogy, est intitulé Night Rites (448 p., 18,00 €) et illustre la vie de Gérard Sorme, un écrivain en herbe qui vit avec un petit revenu dans une chambre meublée à Soho. En raison d'une série de circonstances, il se lance sur la piste d'un tueur en série qui se souvient, pour ses actes et pour le développement de l'intrigue, d'un autre criminel, Jack l'Éventreur, un personnage souvent représenté dans la littérature et le cinéma, dont l'identité n'a jamais été révélée. Il a terrorisé le Londres victorien en tuant et en dépeçant cinq jeunes prostituées dans le quartier populaire et ouvrier de Whitechapel.

Wilson, un excellent polygraphe aux intérêts très variés, fait analyser par Sorme le profil psychologique du criminel qui rôde dans le quartier de Swinging à Londres et décrit les parcours mentaux du jeune écrivain. Il en ressort une imbrication de la criminalité planifiée et du raisonnement déductif visant à définir les voies mentales du criminel.

Wilson a écrit plusieurs livres sur les tueurs en série et la philosophie du tueur. Il utilise donc cette expérience pour enrichir l'intrigue d'un roman plus que convaincant.

L'homme sans ombre

51y2-XwaEZL._SX322_BO1,204,203,200_.jpgLe deuxième volume de la trilogie, récemment publié, L'homme sans ombre (Carbonio editore, 299 p., 16,50 euros) peut être lu et apprécié indépendamment du premier livre, étant un autre chapitre de la vie de l'écrivain Gérard Sorme, cette fois-ci centré sur le sexe : une sorte de "journal intime" comme le dit le sous-titre. Pour Sorme, le sexe est un élément d'inspiration pour ses histoires, afin d'élargir sa conscience, un peu comme à Londres dans les années 60 où l'on affirmait la consommation de drogues, et donc il s'engage à avoir une vie intense dans ce domaine et, dans un journal intime, il transcrit ses expériences, ses rencontres, les filles avec lesquelles il sort et ses pensées à leur sujet. Gertrude, Caroline, Madeleine, Charlotte, Mary, les femmes et les visages, les mots et les corps se succèdent jusqu'à ce qu'il rencontre et conquière Diana, une femme mariée à un musicien fou qui est un peu plus âgée qu'elle. Gérard tombe profondément amoureux.

Dans le développement de cette histoire, un personnage inquiétant entre en scène, Caradoc Cunningham, un homme perdu et ami d'Aleister Crowley (1875-1947), un magicien et occultiste de la première moitié du XXe siècle, auteur d'écrits sur la magie, dont la devise était : "Fais ce que tu veux". Cunningham mène un combat continu avec lui-même et contre les autres, pour l'emporter dans sa recherche magique et ésotérique, avec l'aspiration de forcer la volonté de son entourage à ses propres fins, souvent avec une douceur et un désintéressement qui le font paraître - à Gérard surtout - amical. Entre les deux, les relations oscillent entre des sentiments alternés. Cunningham est un expert en magie noire et a un grand charisme. Il finit donc par impliquer Gérard, Diana et Carlotta dans ses opérations sexuelles et de magie noire organisées pour neutraliser les pouvoirs d'entités qui auraient dû le frapper.

Entre sexe et magie

9780586043912-uk.jpgWilson dans Night Rites fait référence au crime et à la recherche de la définition mentale d'un jeu psychologique qui pourrait obséder le tueur en série. Au contraire, au centre du récit de L'Homme sans ombre, il n'y a pas vraiment que le sexe, comme les critiques et l'auteur lui-même voudraient nous le faire croire. Il y en a, bien sûr, mais avec une plus grande prépondérance de la magie. En fait, dans la première partie, Wilson déclare : "Je suis certain d'une chose : l'énergie sexuelle est aussi proche de la magie - du surnaturel - que les êtres humains en ont jamais fait l'expérience. Elle mérite une étude continue et attentive. Aucune étude n'est aussi profitable pour le philosophe. Dans l'énergie sexuelle, il peut observer le but de l'univers en action". Cette phrase, qui dans la réalité moderne et dans le Londres du Swinging des années 1960, était considérée comme l'exaltation des sens et de la luxure sexuelle comme la gratification du désir, renvoie en fait à un thème central de la magie : l'utilisation de la plus grande force existante - le sexe - pour accéder aux forces de l'Univers et plier les forces de la nature (mentionnée à plusieurs reprises par l'écrivain anglais) à sa volonté. Un enseignement qui est présent dans toutes les doctrines ésotériques de n'importe quelle partie du monde (Cf. Evola, Metafisica del sesso, Ed. Mediterranee ; Weininger, Sesso e carattere, Ed. Mediterranee, etc.). Mais le monde moderne n'interprète le sexe que dans une dimension consumériste et comme une source de plaisir physique, et c'est tout.

Ce n'est pas un hasard si, dans ses livres, Wilson ne manque pas de mentionner les maîtres de l'ésotérisme, les magiciens, et mentionne toujours la nature comme un lieu "naturel" pour la vie humaine. Il le fait avec l'esprit de quelqu'un qui cherche une voie d'affirmation spirituelle, presque religieuse, selon une orientation païenne, tout en appréciant les religions, n'importe quelle religion. Le roman L'homme sans ombre est vraiment agréable, écrit sur plusieurs niveaux de compréhension. Wilson a souligné, plus tard, qu'il s'agissait d'expériences sexuelles mais aussi de recherches qui visent à faciliter un voyage dans sa propre conscience, une recherche dans sa propre existence qui aboutit à une meilleure maîtrise de l'écriture, toujours pratiquée dans son "journal intime sexuel", dont il s'inspire ensuite abondamment pour reconstituer des intrigues et des récits. Wilson semble jeter au visage du lecteur un sentiment d'horreur, de magie, d'abjection et une quête qui aboutit à un expérimentalisme magique et spirituel.

imagesCWsk.jpgUn jeune homme en colère

Un livre brillant, The Man Without a Shadow, offre encore aujourd'hui, des années après sa rédaction, un sentiment de négation de la société bourgeoise et de ses valeurs, de négation du "politiquement correct" de la classe moyenne supérieure britannique, mais surtout s’avère le reflet d'une grande partie des protestations des intellectuels anglais de la fin des années cinquante et du début des années soixante du siècle dernier, les Angry Young Men. Dans les polémiques journalistiques et dans la présentation de ce "courant littéraire", aucune distinction sérieuse n'a jamais été faite. Une liste de noms a été présentée et il a été dit qu'ils étaient tous unis dans leur rejet du statu quo, mais sans préciser les différences entre les écrivains, qui étaient des différences importantes.

Deux livres présentaient, il y a plus de soixante ans, le courant des "Jeunes hommes en colère" sans toutefois clarifier ces différences, n'y faisant allusion que de manière générale. Le premier, Manifesto degli arrabbiati (Cino del Duca ed., Milan 1959), était une anthologie de jeunes écrivains anglais en colère (Osborne, Lessing, Anderson Wain, Hopkins, Tynan, Holroyd, Wilson). Dans la préface, le bon traducteur et rédacteur Francesco Saba Sardi mentionne les différences entre les différentes composantes, qui vont "des socialistes déclarés, comme Lessing et Anderson, aux irrationnalistes comme Wilson et Holroyd", et conclut qu'elles invitent toutes "à un engagement culturel et humain". En disant cela, on comprend qu'ils sont, malgré les différences qui existent entre eux, des ennemis de l'establishment. Et la "différence" entre les socialistes et les irrationnels n'explique pas grand-chose. Quelque chose de plus est expliqué dans l'introduction, non signée mais presque certainement écrite par les éditeurs Gene Feldman et Max Gartemberg, du livre Narratori della generazione alienata (Guanda ed., Parma, 1961). Un livre qui traite des auteurs de la Beat Generation américaine et des Angry Young Men britanniques. On peut comprendre quelque chose de plus ici, mais pas tout. Tout est clair, limpide, à la lecture des textes d'anthologie des deux livres.

slegte_cms_visual_77484.jpgWilson a attaqué le monde moderne, la société démocratique et de consommation en faveur d'une vision spirituelle, en faveur d'une société liée aux valeurs de l'héroïsme contre une société faite de "chiffres et d'étiquettes". Il réévalue l'homme héroïque et donc "l'exclu", celui qui vit dans la société moderne mais n'en fait pas partie, voire s'en éloigne. L'Exclu aspire à "un idéal divin". "Voici la leçon des Exclus", dit Wilson, "une leçon de solitude délibérée et de réaction négative face aux valeurs des masses, une révolte contre le désir de sécurité exigé par la plèbe. Une vision spirituelle et antidémocratique, qui s'exprime ainsi : "Je crois que notre civilisation est en déclin et que la présence des "Exclus" est un symptôme de ce déclin. Ce sont des hommes qui réagissent au matérialisme scientifique : des hommes qui auraient jadis eu l'Église comme point cardinal. Je crois", dit Wilson, "que si une civilisation commence à s'exprimer en tant qu’expression des "Exclus", elle a relevé un défi, celui de produire un type d'homme plus digne, de se donner une nouvelle unité et un nouveau but, à moins qu'elle ne se résigne à tomber dans l'abîme comme tant d'autres civilisations qui ont choisi d'ignorer ce défi. L'"Exclu" est l'individu qui ose relever le défi par lui-même".

L'Occident, Spengler et l'anti-Sartre

Wilson conseille : "Le lecteur qui souhaite plus de précisions peut se référer au Déclin de l’Occident de Spengler ou aux écrits d'Arnold Toynbee, s'il ne l'a pas déjà fait". Et encore une fois, de se concentrer sur une réaction à la société de consommation : "les exclus" doivent avoir une religion pour survivre. Nous en avons assez de l'"humanisme" et du "progrès" scientifique pour ne pas savoir ce qu'ils valent". L'appel à la religion est, dans un sens plus large, un appel à l'esprit, à la discipline intérieure. Colin Wilson, un homme contre le monde moderne, donc, qui a abordé l'existentialisme après avoir lu Kierkegaard, mais son existentialisme était très loin du "socialisme" à la Sartre. En effet, Wilson a publié un pamphlet sur le penseur français intitulé Anti-Sartre.

51YgBk69tsL._SX320_BO1,204,203,200_.jpgCe sentiment d’être absolument contre le système, que Wilson a transposé également dans ses romans, qui, bien qu'ils se déroulent dans le quartier des Swinging à Londres, ne sont donc pas l'expression de ce climat, mais l'expression de la négation de ce climat. Plutôt que d'exalter la drogue et la liberté sexuelle, comme c'était le cas dans ces années-là, il exalte la vision spirituelle, exalte l'utilisation du sexe à des fins métaphysiques (par la magie), cite des auteurs et des opérations qui ne correspondent pas exactement à la modernité. Il faut rendre hommage à l'éditeur Carbonio pour son engagement à relancer des romans aussi bons et des auteurs comme Colin Wilson. Des textes qui, avec le temps, ne montrent pas le signe de l'usure et restent éblouissants dans les rebondissements avec une clarté et une violence qui brisent et annulent le politiquement correct des romans à la mode.

Manlio Triggiani

Gustavo Bueno : le fétiche d'une "nouvelle droite espagnole" qui n'est pas tout à fait au point !

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Gustavo Bueno : le fétiche d'une "nouvelle droite espagnole" qui n'est pas tout à fait au point !

Par Javier de la Calle

http://ramblalibre.com/2021/02/21/

Au milieu du paysage intellectuel appauvri de l'Espagne, qui est lui-même le résultat d'un déclin national, nous devons saluer l'apparition de ce nouveau livre : Ensayos Antimaterialistas, de Carlos X. Blanco (éditeur :Letras Inquietas, 2021).

Le titre est comme un miroir quelque peu moqueur de ce livre mythique de Gustavo Bueno, Ensayos Materialistas, paru en 1972, année désormais lointaine, dans la non moins mythique maison d'édition Taurus.

Ensayos Materialistas de Gustavo Bueno était l'un des livres les plus complexes et les plus mal compris de la production philosophique du philosophe asturien défunt. Si la philosophie est un arbre à plusieurs branches (philosophie politique, philosophie des sciences, philosophie du droit, philosophie de la religion...), cet arbre a des racines et un tronc à partir desquels elles doivent pousser et former une épaisse couronne : la métaphysique. Comme Gustavo Bueno a été étroitement touché par les influences du néo-positivisme et du marxisme, qui étaient nettement anti-métaphysiques, cette partie radicale et centrale de la philosophie, qui nous a été présentée dans les Essais Matérialistes, n'a pas voulu être appelée "métaphysique", mais a été divisée en "Ontologie" (l'étude de l'être, du réel) et en "Gnoseologie" (la théorie de la connaissance).

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Les Essais de 1972 contenaient l'essentiel de l'Ontologie de Bueno, une Ontologie matérialiste dont le développement et l'édification ne pouvaient se faire sans développer une gnoséologie. Bueno a entrepris de développer cette dernière de manière très étendue et fébrile, et elle a pris la forme d'une Théorie des sciences : la Théorie de la fermeture catégorielle (TCC) est le monument que nous a légué le défunt philosophe d'Oviedo, qui allait bien au-delà d'être un simple outil au service de l'Ontologie, présentée schématiquement dans les Essais matérialistes de 1972.

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Peu de gens à Oviedo se souviennent encore d'un jeune doctorant et, plus tard, du professeur Carlos X. Blanco (Gijón, 1966) : à l'université où oeuvrait Bueno, il avait développé des aspects pertinents de la TCC en les appliquant à la psychologie, aux sciences cognitives et à l'intelligence artificielle. Ses contributions ont été ignorées, semble-t-il, par les esprits obtus qui entouraient le professeur Bueno, et elles ont été ignorées dans un environnement quelque peu fermé et sectaire. Il s'agissait de contributions qui, à l'époque, impliquaient certaines modifications importantes dans la TCC et dans les relations entre l'ontologie et la gnoséologie. Aujourd'hui, plusieurs décennies plus tard, en 2021, le professeur Blanco, surtout connu pour s’être spécialisé dans l’œuvre de Spengler et dans la révision du marxisme, règle ses comptes dans ces essais compilés pour Letras Inquietas. Dans ce nouveau livre, Blanco souligne l'inadéquation de l'idée même au début du projet de Bueno : le "matérialisme".

unnamed.jpgDans le système de Bueno, qui est aujourd'hui admiré et justifié par des personnes de tendances les plus diverses, dont certaines très atrabilaires, il existe d'énormes contradictions que ce livre examine - patiemment -. À partir des origines staliniennes de certaines des conceptions initiales de Bueno, et de sa détermination absurde à rechercher un "fondement" original pour les systèmes sans solution du matérialisme dialectique et du matérialisme historique, la pensée de Bueno a évolué vers un certain jacobinisme hégélien, hypercritique - parfois à juste titre - de la gauche. De compagnon de route des marxistes dans les années 60 et 70, Bueno au XXIe siècle est devenue un peu le fétiche d'une "nouvelle droite espagnole" qui n'a jamais vraiment pris racine intellectuellement, en grande partie à cause de son allergie à l'activité intellectuelle. Mais entre un ECP déjà inexistant ou testimonial, phagocyté par les podémites, et un parti VOX qui doit encore s’immerger sérieusement dans la philosophie (et dans bien d'autres domaines), l'idée de "Matière" apparaît pour tous comme un volet incongru avec la "mise en œuvre politique" de cette philosophie, aussi inconnue que maladroitement et sectairement divulguée.

Un livre du professeur Blanco qui ne sera pas sans controverse, et qui facilitera l'étude de la pensée de Bueno, dont le problème principal, comme le défend l'auteur depuis trente ans, sont les "buenistas" eux-mêmes.

Carlos X. Blanco : Ensayos antimaterialistas. Letras Inquietas (février 2021)

Pour commander : https://www.amazon.es/dp/B08WS2WNGP?&linkCode=sl1&...

158360_portada_el-mito-de-la-derecha_gustavo-bueno_201505211312.jpgLa critique du système capitaliste prédateur et la restauration d'une communauté organique n'ont pas besoin de "matérialisme". Cette étiquette usée en philosophie ne signifie rien d'autre qu'une adhésion aux résidus de la métaphysique déjà dépassée. Il s'agit d'un lien frauduleux avec les systèmes déjà dépassés du "matérialisme" : l'historique et le dialectique. On dit frauduleux, car Gustavo Bueno a joué à retenir le terme "matière" pour prétendre surmonter, de façon très confortable et avec un jargon ésotérique abondant, les dogmatismes attribués à Marx et Engels, et apparaître comme quelque chose de tout nouveau.

Kondylis sur le conservatisme avec des notes sur la révolution conservatrice

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Kondylis sur le conservatisme avec des notes sur la révolution conservatrice

Par Fergus Cullen

Ex : https://ferguscullen.blogspot.com

Notes sur Panagiotis Kondylis, "Le conservatisme comme phénomène historique".

C'est à ma connaissance le seul extrait substantiel du Konservativismus de Kondylis (paru à Stuttgart en 1986) disponible en anglais. La traduction est réalisée par "C.F." à partir de "Ὁ συντηρητισμὸς ὡς ἱστορικὸ φαινόμενο," Λεβιάθαν, 15 (1994), pp. 51-67, et reste inédite, mais consultable en ligne au format PDF. Les références des pages ci-dessous se rapportent à ce PDF. J'ai modifié très légèrement la traduction à certains endroits.

Kondylis vise à comprendre le conservatisme non pas comme une "constante historique" ou "anthropologique", mais comme un "phénomène historique concret" lié à un temps et à un lieu et donc coïncidant avec eux (pp. 1-2). Mais même ces études historicistes adoptent souvent une vision trop étroite, selon laquelle le conservatisme est une réaction contre, et donc un "dérivé" de la Révolution, ou, au mieux, contre le rationalisme des Lumières (pp. 2-3).

Kondylis conteste la conception, souvent conservatrice, du conservatisme comme expression de la "prédisposition naturelle [...] psycho-anthropologique" de l'"homme conservateur" à être "pacifique et conciliant" (pp. 5-6). Au contraire, le conservatisme et l'"activisme" sont parfaitement compatibles, comme le montre le droit féodal de résistance et de "tyrannicide", le soulèvement et la rébellion des aristocrates contre le trône" (pp. 7-8). Ce point contredit l'affirmation de Klemperer et d'autres selon laquelle l'activisme des révolutionnaires conservateurs est fondamentalement non conservateur.

"[L]a préservation et la culture de la tradition" en tant que "légitimation" des privilèges des nobles est l'expression de la volonté de ces nobles de se préserver et du "sentiment de supériorité" qu’ils éprouvaient. Kondylis postule une telle volonté universelle, au lieu d'une disposition conservatrice en guerre avec un "désir de renversement" révolutionnaire (du moins en ce qui concerne l'histoire des idées : pp. 8-9).

Kondylis conteste également la conception de soi ("image idéalisée") du conservateur comme traditionnaliste sans critique et sceptique à l’égard des "constructions intellectuelles", en se basant sur "l'impression erronée que la société prérévolutionnaire ne connaissait pas les idées et les idéologies, à la fois comme constructions intellectuelles systématiques et comme armes" (pp. 9-10). Les systèmes "théologiques" médiévaux sont les égaux des idéologies modernes en matière de "raffinement argumentatif", de "multilatéralisme systématique" et de "prétention à la "validité" universelle (ou "catholique")" (p. 10). Le conservatisme consiste à "reformuler" l'"idéologie légitimante de la societas civilis" en une "réponse" aux Lumières et à la Révolution (p. 10-1).

La modernité, pour Kondylis, se réalise en partie par une "activité idéologique vivante", non pas comme résultat de la "constitution anthropologique" de certaines personnes (disposition intellectuelle), mais comme expression de leur volonté fondamentale d'auto-préservation, qui, étant donné leur "manque de pouvoir social important devait être contrebalancé par leur prééminence sur le front intellectuel" ; et ainsi les conservateurs ont répondu en nature (polémique, théorie, etc.). Les partisans de la modernité ("ennemis de la domination sociale de l'aristocratie héréditaire") ont fait le premier pas crucial dans le discours politique au sens moderne, et ont ainsi été "beaucoup plus intensément réflexifs", tout comme le conservatisme est généralement censé l'être (pp. 11-2).

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Cette "importance de la théorie parmi les armes de l'ennemi" est également à l'origine de la "répugnance purement polémique" du conservatisme pour l'intellectualité (p. 12). Non seulement l'anti-intellectualisme déclaré du conservatisme doit être considéré comme suspect, mais dans certains cas intrigants, il doit être compris comme une sorte de démonstration d'une compréhension théorique du rôle de la théorie (de l'intellectualité) dans le "Progrès" ("Déclin"). Comme le dit Kondylis, "seule la théorie permet de décrire idéalement une société "saine" et "organique", qui n'est pas créée par des théories abstraites et n'en a pas besoin" (p. 13).

Cette "hésitation et indécision" du conservatisme concernant l'intellectualité, la "raison", etc. (c'est-à-dire cette apparente tension performative - si ce n'est pas une contradiction -, ambiguë), reflète la tension dans l'intense ratiocination de la théologie médiévale pour montrer les limites de la raison humaine, ou du sentimentalisme des Lumières ou de la Lebensphilosophie moderne pour placer l'instinct au-dessus de l'intellect (p. 13). Cette "indécision" (un mot révélateur, si l'on se souvient des contributions de Kondylis au décisionnisme) et le manque de systématisation et la variété prolifique de la pensée conservatrice qui l'accompagnent sont "naturels" pour "toutes les grandes idéologies politiques - et pas seulement politiques" (p. 13-4 ; voir la deuxième partie ici).

"[C]ommonplace of conservative self-understanding and self-presentation have crept [...] into the scientific discussion," such as "the coquettish enmity of conservatives towards theory." (« Le sens commun propre à l’auto-définition et à l’auto-représentation conservatrices s’est insinué (…) dans la débat scientifique, ainsi que l’hostilité, toute de coquetterie, des conservateurs à l’endroit de la théorie » (p. 13-4 ; voir la deuxième partie ici). La priorité du "concret" sur l'"abstrait" est elle-même, ou repose sur, une abstraction (p. 15).

Kondylis dichotomise les politiques "conservatrices" et "révolutionnaires" (p. 17).

L'adaptation prudente et sagace aux circonstances et aux conditions, dont les conservateurs sont si fiers, se fait en règle générale sous la pression de l'ennemi" ; l'ennemi "pousse les conservateurs à adopter une attitude défensive ou bon enfant et facile à vivre" ; "les conservateurs découvrent leur sympathie pour le "vrai" progrès et [...] parlent du développement organique dynamique [...] de la société et de l'histoire" (p. 18). Les conservateurs sont obligés de faire certaines concessions à la modernité. Pour anticiper un peu mes propres arguments : le conservatisme révolutionnaire est une concession, mais, en gros, à la forme et non au contenu de la modernité. C'est-à-dire que le révolutionnaire conservateur accepte, doit accepter, l'industrialisation, la dissolution de la "société organique", l'instrumentalisation de l'homme, le discours laïque comme espace du discours politique (même religieux), la "médiatisation", la communication de masse, etc. et souhaite les mettre au service des principes "conservateurs", "de droite" : c'est-à-dire des abstractions des expressions concrètes qui ont donné naissance au conservatisme.

Parfois, les principes conservateurs sont, ou semblent être, exprimés concrètement sans effort conservateur, ou à la suite de l'effort de "l'ennemi" qui, "en luttant pour la consolidation de sa propre domination, se soucie ou est concerné par le respect du droit, de la hiérarchie et de la propriété (légalement ou en réalité sauvegardée et protégée) - bien sûr, avec des signes différents et avec des contenus différents" (p. 20). Un "conservatisme" libéral ou démocratique, bourgeois ou prolétarien, peut se former sur cette base, opposé, semble-t-il en règle générale, à la révolution conservatrice (la bifurcation de la R.C. et du "simple conservatisme").

Tant les conservateurs que les révolutionnaires postulent des lois "naturelles" ou une condition "naturelle" de l'homme ; mais tous deux s'efforcent de répondre, dans le cas conservateur, au développement apparemment naturel de conditions contre-nature (Révolution, "Progrès", "Déclin"), ou, dans le cas révolutionnaire, à la primauté apparente de conditions contre-nature (inégalité, exploitation, etc. : p. 21). Nous pourrions ajouter que le révolutionnaire s'efforce également de répondre à la question de savoir comment, comme le suggère le paragraphe précédent, ses propres efforts semblent non seulement conduire à de telles conditions, mais aussi instancier, exprimer concrètement, les principes de son ennemi, le conservateur. Nous abordons ici la théodicée.

Sur le modèle de Kondylis, le conservatisme est l'expression idéologique des privilèges de la noblesse et de "la résistance de la societas civilis contre sa propre décomposition" : contre la montée de la bourgeoisie, du rationalisme des Lumières, de la démocratisation, etc., se terminant apparemment par "la mise à l'écart de la primauté de l'agriculture par la primauté de l'industrie" ; ensuite "on ne peut parler de conservatisme que métaphoriquement ou avec une intention polémique-apolitique" (pp. 22-3). Schéma : conservatisme - libéralisme - socialisme, dans lequel chacun surmonte le terme précédent pour aboutir à une postmodernité douteuse dans laquelle "chaque [concept] passe ou se confond avec un autre, et aucun d'eux n'est précis", indiquant "que la fin de cette époque historique, dont ils ont partiellement ou totalement tiré le contenu de la vie sociopolitique et intellectuelle, est en partie de plus en plus proche, et en partie déjà arrivée" (p. 23).

La raison pour laquelle on peut affirmer qu'il existe un courant conservateur-révolutionnaire au sein de cette postmodernité confuse dans ses catégories, et donc pas encore tout à fait ‘’navigable’’, est que quelque chose, une nouvelle (proto-) catégorie, émerge effectivement de et en tandem avec les premières secousses prémonitoires de la postmodernité (industrialisation et démocratie de masse : la fin du XIXe et le début du XXe siècle, avec la Grande Guerre comme premier d'une série de ‘’bassins versants’’). A savoir, une radicalisation et une abstraction consciente ou subconsciente des principes conservateurs, au service desquels sont mis certains aspects de la modernité tardive (voir ci-dessus).