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vendredi, 12 mars 2021

Contre le Grand Reset ! Vers la culture politique du Grand Réveil !  

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Contre le Grand Reset ! Vers la culture politique du Grand Réveil !  

par Alexandre Douguine

QU’EST-CE QUE LE « GRAND RESET » ?

Les Cinq Points du Prince Charles

Au Forum de Davos en 2020, son fondateur Klaus Schwab et le Prince Charles de Galles ont proclamé une nouvelle orientation pour l’humanité — le Grand Reset. Le plan, annoncé par le Prince de Galles, consiste en cinq points :

1. Captiver l’imagination de l’humanité.
2. Rétablissement économique après la pandémie du COVID-19, ce qui devrait conduire au début du « développement durable ».
3. Transition vers une économie non-pétrolière au niveau mondial.
4. Science, technologie et innovation doivent recevoir une nouvelle impulsion pour le développement.
5. Il est nécessaire de changer la structure de l’équilibre des investissements. La part des investissements verts doit être augmentée.

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Ce programme est en fait devenu l’idéologie de l’élite libérale globale. Joe Biden et son administration sont arrivés à la Maison Blanche sous ces slogans.

Si nous écartons la rhétorique humaniste et l’accent mis sur l’écologie (qui est précisément la lubie du Prince Charles), alors le programme de la nouvelle phase de globalisation et le plan d’action de l’élite internationale dans l’ère Biden sont réduits à ce qui suit :

  1. Il est nécessaire de subordonner complètement la conscience de l’humanité aux idées libérales-globalistes. Cela peut être atteint par le contrôle complet des médias, des réseaux sociaux, de l’éducation, de la culture, de l’art, où les nouvelles lois sont établies – politique du genre, glorification des minorités – sexuelles, ethniques, biologiques (exaltation de la laideur corporelle comme idéal de beauté et d’harmonie). En même temps, les Etats nationaux sont diabolisés, et les structures supranationales, au contraire, sont exaltées de toutes les manières possibles.
  1. Le « développement durable » (le projet du Club de Rome) implique une réduction de la population du globe (puisque les limites de croissance sont atteintes). D’où le lien avec la pandémie du COVID-19, ainsi que la mise en garde de l’OMS sur la probabilité de nouvelles pandémies.
  1. Le refus du pétrole vise à frapper un coup contre l’économie de la Russie, d’un certain nombre de pays islamiques et d’Amérique Latine (principalement le Venezuela), qui sont les piliers de l’ordre mondial multipolaire. La même tactique fut utilisée par les Etats-Unis dans la dernière période de l’URSS, ce qui abaissa artificiellement le prix du pétrole.
  1. « Développement technologique » signifie encore plus de numérisation avec l’introduction du contrôle total et de la surveillance totale des citoyens, le transfert d’un certain nombre de fonctions à l’« Intelligence Artificielle forte », l’accélération des technologies de bio-ingénierie, la production de masse des robots, la promotion des projets de mutation génétique et des projets de croisements d’espèces (ainsi que le « croisement » des humains et des machines).
  1. Il est nécessaire de continuer et d’accélérer la désindustrialisation de l’économie, de déplacer les bulles financières accumulées dans le domaine vague et opaque de la « production écologique » avec la monétarisation simultanée de l’environnement lui-même et sa transformation en capital.

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En même temps, les globalistes croient que l’arrivée des Démocrates à la Maison Blanche et la diabolisation de Trump et des conservateurs qui le soutenaient créent les conditions idéales pour un nouveau tour de globalisation et d’application de ce programme. De plus, la globalisation a manifestement piétiné durant les dernières décennies, et l’ordre multipolaire alternatif basé sur la montée de civilisations indépendantes – russe, chinoise, islamique, etc. – est graduellement devenu une réalité irréversible. Par conséquent, les globalistes n’ont simplement pas le temps : c’est maintenant ou jamais.

Voilà ce qu’est le « Grand Reset ». Et il a commencé.

Brève histoire du libéralisme

Si nous regardons les principaux stades de l’idéologie libérale, nous comprendrons que le « Grand Reset » n’est pas quelque chose de fortuit et de transitoire. La globalisation est le résultat logique de l’histoire mondiale, telle qu’elle est comprise par la pensée libérale. 

Le libéralisme est une idéologie qui se concentre sur la libération de l’individu vis-à-vis de toutes les formes d’identité collective.

Cela commença avec la Réforme Protestante et l’abolition des états médiévaux [= clergé, noblesse, tiers-état]. Le résultat fut une société bourgeoise où tous étaient égaux – mais seulement en théorie et en termes d’opportunités. Mais ce fut une grande avancée aux yeux des libéraux.

Les Etats-nations modernes émergèrent sur les ruines de l’Empire européen et du pouvoir du Pape – à nouveau, des individus (mais sous la formes d’Etats) furent libérés de l’identité collective (les identités catholique et impériale). Mais le progrès libéral ne s’arrêta pas là.

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Les philosophes Locke et Kant décrivirent le projet de « société civile », où les Etats-nations devaient être abolis. Les individus pouvaient théoriquement s’en sortir sans eux. Ainsi surgit la philosophie du cosmopolitisme, qui présuppose l’abolition des Etats-nations et (comme idéal) la création d’un Gouvernement Mondial. Ce fut la naissance du mondialisme – bien qu’en théorie.

Adam Smith formula les fondements du libéralisme en économie, soulignant la nature internationale du marché. Dans cette théorie libérale, le développement du capitalisme présupposait la disparition graduelle des Etats, et en fin de compte, le remplacement complet de la politique par l’économie, c’est-à-dire le marché.

La théorie critique du marxisme émergea au XIXe siècle, qui opposait la théorie des classes à l’individualisme libéral. L’idée de progrès était vue différemment ici, bien que les marxistes s’accordaient aussi sur la nécessité de la mort des Etats (l’internationalisme). Au XXe siècle, des idéologies de nationalisme extrême (le fascisme), contestant à la fois le libéralisme et le communisme, surgirent. Elles mettaient en premier le principe de la nation (l’Etat pour les fascistes, la race pour les nationaux-socialistes).

La défaite du fascisme en 1945 élimina cette idéologie de l’agenda, et l’image du futur fut disputée entre les libéraux et les communistes. Ce fut la signification idéologique de la Guerre Froide.

En 1991, l’Occident libéral finit par gagner. L’URSS s’effondra, et la Chine communiste se lança sur le chemin du développement du marché.

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C’est alors que la « fin de l’histoire », c’est-à-dire la victoire finale du libéralisme, fut proclamée. Cependant, après un examen plus attentif, il s’avéra que les libéraux n’avaient pas aboli deux types d’identité collective – l’identité sexuelle (le genre) et l’identité humaine elle-même. Cela signifiait que de nouveaux obstacles se trouvaient sur la route du progrès libéral. C’est pour cela que depuis les années 90 du XXe siècle, la politique du genre est venue au premier plan. Sa signification n’est pas seulement la tolérance pour les pervers et le féminisme radical qui restaure l’égalité des genres. D’après les progressistes libéraux, le genre devrait devenir une question de choix individuel – comme auparavant la religion, la profession, la nationalité, etc. Sinon, le « progrès » ralentirait. D’où les couples transgenres et gays dans l’administration Biden. Ces normes de la correction politique sont les signes de la victoire sur le tournant conservateur qui était presque arrivé sous Trump.

Maintenant la démocratie a fini par être définie comme le pouvoir des minorités, dirigé contre la majorité (manifestement une majorité « criminelle » qui est capable de choisir Trump ou… Hitler à tout moment, sous l’influence des sentiments populistes). Trump tenta désespérément de défendre l’ancienne compréhension de la démocratie, mais fut renversé. Il a été « annulé » [« canceled »] comme l’ont été les autres figures, mouvements, et pays entiers se trouvant sur la route du « Grand Reset » – le dernier stade du mouvement du libéralisme vers son triomphe historique.

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Et les libéraux ont un dernier problème devant eux – l’abolition de l’humanité, la politique du post-humanisme. La libération vis-à-vis de l’identité collective requiert l’abolition du genre et de l’espèce. Les futurologues libéraux font déjà l’éloge des nouvelles possibilités des post-humains – la fusion avec la machine multipliera la force du corps, de la mémoire, et aiguisera les sens ; l’ingénierie génétique mettra fin aux maladies ; la mémoire peut être stockée sur un serveur « cloud » ; l’humanité peut se connecter à la machine et atteindre l’immortalité.

Le « Grand Reset » est le triomphe de l’idéologie libérale à son stade le plus élevé, à son stade de globalisation.

Et tous ceux qui s’opposent à un tel agenda sont déclarés « ennemis de la société ouverte ». Ils sont invités à capituler volontairement. Sinon, tout le monde progressiste – avec ses finances illimitées, son potentiel technico-militaire et sa capacité inépuisable de contrôler l’« imagination de l’humanité » – leur tombera dessus.

Ainsi, le « Grand Reset » est la dernière note du progrès humain, tel qu’il est compris par la pensée libérale. Maintenant toute l’humanité est libre – libre d’être libérale.

Mais il faut noter qu’en même temps elle n’est pas libre de ne pas être libérale. Si un « illibéral » ou un « pas assez libéral » est repéré quelque part, le système punitif est lancé automatiquement.

Grand Réveil

Durant la féroce campagne électorale aux Etats-Unis, les supporters de Biden – les partisans du « Grand Reset » – utilisèrent tous les moyens contre leur adversaire Trump, incluant les moyens prohibés. Ils allèrent même jusqu’à appliquer les méthodologies des « révolutions de couleur » à l’intérieur des Etats-Unis – des méthodologies qui étaient auparavant exportées. Une telle détermination à la limite de l’infamie en dit long sur l’importance des enjeux. Les globalistes sont bien conscients que si leurs défaites et leurs échecs continuent à s’accumuler, toute l’histoire du libéralisme, longue de cinq cent ans, s’effondrera. Un monde multipolaire – vers lequel Trump, étant critique de la mondialisation, gravitait instinctivement – ne laisserait aucune chance aux libéraux. Ils jetèrent donc leurs masques, abandonnèrent les principes de la « vieille démocratie » et poussèrent Biden à la Maison Blanche, sans aucune considération de décence, des procédures et des règles.

Les supporters de Trump savaient à quelle force puissante et maniaque ils avaient affaire depuis sa première campagne électorale. Les Démocrates, conduits par la logique du mondialisme, étaient prêts à sacrifier les institutions américaines traditionnelles et la démocratie elle-même. Et c’est contre cela que les trumpistes mettaient en garde depuis 2016.

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Bien sûr, il est difficile pour les citoyens ordinaires de comprendre tout l’arrière-plan sinistre de l’idéologie libérale, qui mène immanquablement et consciemment à la destruction de l’humanité, à son « dépassement ». Cela est difficile à croire, ce n’est pas facile de parvenir à la vérité. Spécialement pour ceux qui ont été élevés sous l’influence de la démocratie libérale, à l’intérieur du système capitaliste et sous la profonde introduction d’une culture mondialiste. Et pourtant l’épiphanie a commencé.

C’est ainsi que la thèse du « Grand Réveil » est née. Ce slogan fut mis en avant par les supporters de Trump, qui devinrent les premières victimes du nouveau totalitarisme libéral à venir. Leurs initiatives furent immédiatement censurées, leurs comptes sur les médias sociaux furent supprimés, et même les références à eux furent effacées des systèmes des géants technologiques – Twitter, YouTube, Google, Facebook. 

Tout d’abord, cela affecta seulement les adversaires les plus bruyants des globalistes et les supporters de Trump. Mais à mesure que la campagne électorale s’envenimait, des cercles de plus en plus larges devinrent les victimes de la culture de l’« annulation » et du « deplatforming ». Jusqu’à ce que les globalistes appliquent finalement leurs méthodes au président US lui-même – Donald Trump.

Ce fut le moment du « Grand Réveil ». Maintenant la vraie nature des mondialistes a été comprise non seulement par les plus lucides et les plus irréconciliables, mais aussi par de vastes sections de la société américaine.

Ceux qui avaient voté pour Trump furent presque identifiés à des « fascistes » dans la dictature libérale établie. C’est ainsi que fonctionnent les lois du « Grand Reset » : quiconque n’est pas avec nous est un « fasciste », et il est possible – et même nécessaire ! – de traiter un « fasciste » de la manière la plus cruelle. Et cette fois, cette catégorie inclut non seulement les vrais conservateurs, qui ont toujours eu des réserves vis-à-vis des libéraux, mais aussi des libéraux, les citoyens américains ordinaires qui n’avaient pas eu le temps de s’adapter aux nouveaux critères du « progrès libéral ». Ils n’ont pas encore compris que la liberté est la liberté des minorités, et que les paramètres de cette liberté – c’est-à-dire ce qui peut être dit et fait, et ce qui ne peut absolument pas être fait (les normes du politiquement correct) – sont strictement établis par les élites libérales.

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Le « Grand Réveil » est le fait de comprendre que dans la période de la mondialisation, le libéralisme moderne s’est transformé en une vraie dictature, est devenu une idéologie totalitaire qui dénie – comme tout totalitarisme – le droit d’avoir un point de vue différent du point de vue dominant. C’est très similaire au début d’une nouvelle guerre civile aux Etats-Unis. Mais cette fois, ses camps sont différents : les supporters du « Grand Réveil » contre les supporters du « Grand Reset ».

A la veille d’une grande confrontation

Les Etats-Unis sont la première puissance du monde. Ce qui s’y passe concerne toute l’humanité. La victoire de Joe Biden et des architectes du « Grand Reset » derrière lui signifie que le monde est entré dans une nouvelle phase. Les globalistes sont déterminés à mener à bien ce qu’ils ont régulièrement échoué à faire durant les deux dernières décennies. D’abord le 11 septembre, puis Poutine, puis la Chine sous Xi Jinping, puis l’Iran, puis la Turquie, puis Trump. Et si les échecs continuent, le mondialisme risque de s’effondrer finalement. Le « Grand Reset » doit se faire maintenant ou jamais.

Et beaucoup d’élites d’orientation libérale dans divers pays – en Occident tout comme en Orient (incluant la Russie, bien sûr) – seront mobilisées par le mondialisme pour prendre une part active au projet de « Grand Reset ». Cela signifie qu’un front externe ainsi qu’un front interne vont être ouverts contre les supporters de la multipolarité, de la souveraineté et d’un ordre mondial polycentrique. Et ici commencent la pression externe de la part de la démocratique Washington et de l’OTAN sous son contrôle et le sabotage interne de la cinquième colonne et des élites libérales à l’intérieur des structures administratives des Etats.

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Le début d’une série d’opérations de changement de régime, une nouvelle vague de « révolutions de couleur » et la manipulation des conflits régionaux devraient s’ajouter à cela. Maintenant toute la force du sabotage global contre ceux qui n’ont pas pris le parti du « Grand Reset » va travailler à plein régime.

Il est évident que la Russie – du moins la Russie de Poutine, la Russie souveraine, indépendante et libre – appartient aux rangs du « Grand Réveil ».

Pour que cela devienne un fait irréversible, il faut faire un dernier effort. La moitié de la Russie s’est réveillée il y a vingt ans. Et ensuite elle commença un retour difficile mais généralement réussi (bien que prolongé) à l’histoire en tant que sujet de la politique mondiale, et non pas comme objet (comme dans les années 90 du XXe siècle). Mais l’espace pour un compromis avec les mondialistes est complètement épuisé. Nous n’avons qu’une option – nous réveiller complètement et non seulement prendre une part active au « Grand Réveil », mais – ce qui serait souhaitable et digne de l’échelle de notre histoire et de notre esprit – aussi le diriger.

Préalablement traduit en anglais par Cyrill Strelnikov, blogueur, observateur politique

Published by RIA-Novosti

Against Great Reset. Toward Political Culture of Great Awakening | Katehon think tank. Geopolitics & Tradition

Baudelaire, Sartre et Joseph de Maistre

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Luc-Olivier d’Algange

Baudelaire, Sartre et Joseph de Maistre

Les exégètes et les biographes modernes cèdent excessivement à la suspicion, à la dépréciation, voire à une certaine acrimonie à l'égard des œuvres dont ils traitent et dont ils font à la fois leur fonds de commerce et l'exutoire de leur ressentiment à se voir bornés au rôle secondaire. Alors que le commentaire traditionnel part d'un principe de révérence et de fidélité qui l'incline, par son interprétation, à poursuivre dans la voie ouverte par l'œuvre qu'il distingue et à laquelle il se dévoue, le moderne juge en général plus « gratifiant » de suspecter l'auteur et de trouver la paille dans l'œil de l'œuvre, dont il ignore qu'elle le contemple autant qu'il l'examine. L'exégète suspicieux trace, plus souvent qu'à son tour, son propre portrait, avec sa poutre.

Lorsque Sartre suggère que la lecture baudelairienne de Maistre est sommaire, qu'elle obéit à des raisons subalternes, superficielles, il nous renseigne sur sa propre lecture de Joseph de Maistre, et nous livre, par la même occasion, son autoportrait: « un penseur austère et de mauvaise foi. ». On peut tout reprocher à Joseph de Maistre, sauf bien sûr d'être un penseur « austère ». S'il est une œuvre qui résista au puritanisme sous toutes ses formes, c'est bien celle de Joseph de Maistre: la défiance que les modernes éprouvent à son endroit ne s'explique pas autrement. Adeptes étroits de la vertu et de la terreur, de la morale dépourvue de perspective métaphysique ou surnaturelle, adversaires des esthètes et des dandies (ces ultimes gardiens de la concordance du Vrai et du Beau) les modernes firent de l'austérité et de la mauvaise-foi leurs armes théoriques et pratiques pour exterminer toutes les survivances théologiques, où qu'elles se trouvent.

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L'influence de Maistre sur Baudelaire est l'une des plus profondes qu'un penseur exerça jamais sur un poète, à ceci près que l'on ne saurait oublier que Maistre, dans Les Soirées de Saint-Pétersbourg est continûment poète, de même que Baudelaire, dans ses œuvres poétiques et critiques, ses fusées et les notes de Mon cœur mis à nu, ne cessa jamais d'être un métaphysicien avisé. Baudelaire se reconnaît en Maistre autant qu'il lui doit les principes esthétiques et philosophiques principaux de sa méthode. Baudelaire eût sans doute été maistrien sans même avoir à lire Joseph de Maistre, tant il se tient par son goût, et par de mystérieuses et providentielles affinités, au diapason des préférences de Joseph de Maistre. Mais, au sens où Valéry parle de la méthode de Léonard de Vinci, il y a une méthode baudelairienne, et celle-ci doit tout à Joseph de Maistre.

La théorie baudelairienne des correspondances, relève bien davantage, dans sa formulation, de Maistre que de Swedenborg. Lorsque Baudelaire voit le monde comme « une forêt de Symboles », il nous introduit dans la méthode maistrienne du rapport entre le visible et l'invisible : « Je pense aussi que personne ne peut nier les relations mutuelles du monde visible et du monde invisible». Rappelons, encore une fois, que le mot Diable vient de diaballein, qui signifie désunir, alors que le mot Symbole de même racine vient du verbe sumballein qui signifie unir ou rassembler. Il n'est pas une phrase dans tout l'œuvre de Baudelaire qui ne réponde à la méditation maistrienne sur le Mal et sur les œuvres de la divine Providence. L'essentiel paradoxe dans lequel s'agence l'œuvre de Baudelaire et la réponse humaine qui lui est donnée procède d'une méditation constante des Soirées de Saint-Pétersbourg.

Le Mal existe mais il n'est que la désunion du Bien, le Diable est prince de ce monde mais il n'est qu'une partie du Symbole qui unit et qui sauve. Les Fleurs du Mal ne sont pas du satanisme de pacotille, style fêtes de « Halloween » (le Mal étant véritablement dans la dérision de la pacotille) mais une preuve rétroactive du sumballein. Le Bien n'est pas en face du Mal, c'est le Mal qui, lorsque le Bien triomphe, retourne à l'intérieur du Bien, pour disparaître. « L'abîme du jour, écrit Raymond Abellio, contient l'abîme de la nuit, mais l'abîme de la nuit ne contient pas l'abîme du jour ». Il n'en demeure pas moins que deux forces coexistent en nous, ou plus exactement deux postulations: « Il y a en tout homme, à tout heure, deux postulations, l'une vers Dieu, l'autre vers Satan ». Non moins maistrienne est cette considération corollaire: « Observons que les abolisseurs de la peine de mort doivent être plus ou moins intéressés à l'abolir. Souvent ce sont des guillotineurs. Cela peut se résumer ainsi: je veux pouvoir couper ta tête; mais tu ne toucheras pas à la mienne. Les abolisseurs d'âme (matérialistes) sont nécessairement des abolisseurs d'enfer; ils y sont à coup sûr intéressés; tout au moins ce sont de gens qui ont peur de revivre,- des paresseux. » 

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Sartre méconnaît l'influence de Maistre sur Baudelaire autant par ignorance de l'œuvre de Maistre que par incompréhension de l'œuvre de Baudelaire. Il se donne donc la latitude de juger de l'œuvre de Maistre avec mauvaise-foi et de considérer l'œuvre de Baudelaire avec cette austérité puritaine qui est le propre des intellectuels par antiphrase, c'est-à-dire des « intellectuels » dont la seule raison d'être est de combattre l'Intellect en tant que perspective théologique et métaphysique. Baudelaire désigne Maistre comme l'auteur qui exerça sur lui l'influence décisive, dans l'ordre de la pensée et du style: cela suffit à l'acrimonie sartrienne pour juger Baudelaire comme un menteur. Le poète, certes, possède le droit imprescriptible de s'écarter des vérités relatives du « réalisme » et d'aller à la conquête d'une vérité plus profonde, plus essentielle, qui apparaîtra tout d'abord, dans son émanation, sous l'apparence des nuées et des mystères, - mais dès lors que l'on considère l'œuvre poétique et critique de Baudelaire comme une pensée, c'est-à-dire comme une « juste pesée », un art analogique où la prosodie et la métaphysique s'ordonnent à une théorie et à une méthode des rapports et des proportions, le nom de Maistre et la référence aux Soirées de Saint-Pétersbourg apparaissent comme une clef.

Baudelaire croyait si fort et si justement à la pertinence et à la vérité de sa pensée que loin de chercher à paraître original, en dissimulant ses influences et ses rencontres, il ne cessa jamais de vouloir étayer son œuvre d'autres œuvres plus anciennes ou contemporaines. Ce qui est dit paraissait à ce dandy plus important que celui qui le dit, - ce qui n'est pas sans jeter quelque lumière sur l'impersonnalité active à laquelle obéit le dandysme baudelairien, bien différent du « culte du Moi » - et, à cet égard, il se révèle encore plus différent de Sartre qui, sous le titre de L'Etre et le Néant se livre à des variations plus ou moins persuasives, sinon convaincantes, sans se référer outre mesure à l'auteur de Sein und Zeit.

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Baudelaire intègre Maistre dans son œuvre, comme un point de référence, auquel son lecteur est prié de se reporter pour comprendre ce qu'il va lire, de même que Schopenhauer ouvre Le monde comme volonté et représentation sur une référence à Kant. Les temporalités humaines sont brèves; lorsque certains principes ont été parfaitement énoncés, lorsqu'une méthode se tient et prouve son efficience, il convient de couper court et de s'y confronter immédiatement. La distinction entre l'exégète moderne et l'exégète traditionnel que nous esquissions plus haut se double d'une distinction entre deux types d'auteurs. Les premiers ne cessent de déplorer que d'autres avant eux eussent déjà parcouru leur chemin, les seconds s'en réjouissent: ils sont de ceux qui iront plus loin. Les premiers jalousent et seraient prêts à tout reformuler à leur façon, les seconds, qui cultivent en général le goût antique et aristocratique de l'otium aimeraient à trouver l'œuvre à laquelle ils songent déjà écrite par un autre. Les uns raisonnent en bourgeois: ce dont ils ne peuvent être propriétaires n'existe pas ; les autres pensent, comme disent les hindous, en kshatryas: ils s'honorent de servir un Vrai, un Bien et un Beau impersonnels. « Toute croyance constamment universelle est vraie, écrit Joseph de Maistre, et toutes les fois qu'en séparant d'une croyance quelconque certains articles particuliers aux différentes nations, il reste quelque chose de commun, ce reste est une vérité ».

La sophia perennis, ou, plus exactement encore, ce que René Guénon nommera la Tradition primordiale, est la clef de voûte qui unit l'œuvre de Baudelaire à celle de Maistre. La vérité métaphysique, ou surnaturelle, est universelle par définition. C'est à ce titre, que pour Maistre, comme pour Baudelaire, les différences entre les peuples auront moins d'importance que les différences de caste, qui elles-mêmes sont d'une tout autre nature que les différences de classe. « Il n'existe, écrit Baudelaire, que trois êtres respectables; le prêtre, le guerrier, la poète. Savoir, tuer et créer. Les autres hommes sont taillables et corvéables, faits pour l'écurie, c'est-à-dire pour exercer ce que l'on nomme des professions ». Baudelaire, ainsi, prolonge Maistre et répond par avance à Sartre qui se hasardera à écrire : « Et précisément Baudelaire, dans la mesure où il se veut chose au milieu du monde de Maistre, rêve d'exister dans la hiérarchie morale avec une fonction et une valeur, tout juste comme la valise de luxe ou l'eau apprivoisée dans les carafes existent dans la hiérarchie des ustensiles ». D'où la nécessité prophétique pour Baudelaire de préciser: « Etre un homme utile m'a toujours paru quelque chose de bien hideux ». Notons en passant que Sartre tout en y attachant un sens tout différent, retrouve par inadvertance dans sa métaphore la distinction de l'ésotérisme et de l'exotérisme, « l'eau et l'aiguière » dont parlent les poètes soufis. Si Baudelaire veut être l'eau, nul doute que Sartre préfère être la carafe !

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Baudelaire est maistrien précisément par le choix d'échapper héroïquement à toute instrumentalisation, à toute utilité, à toute fonction qui le prédispose à reconnaître au-delà de toutes les carafes, la transparence suprême de la vérité métaphysique: « Il n'y a d'intéressant sur la terre que les religions. Qu'est-ce que la Religion universelle ? Il y a une Religion universelle, faite pour les Alchimistes de la pensée, une Religion qui se dégage de l'homme considéré comme mémento divin ».

Sartre se trompe du tout au tout lorsqu'il écrit, non sans goujaterie, que « l'influence de Maistre sur Baudelaire est surtout de façade, notre auteur trouvait "distingué" de s'en réclamer », mais cette erreur, comme toutes les erreurs, n'est pas dépourvue de signification: elle montre que pour Sartre c'est la carafe qui donne un sens à l'eau et non l'eau qui donne un sens à la carafe. Toute la subversion sartrienne, et moderne, se réduit à cette inversion, qui est aussi le propre de tous les fondamentalismes, au demeurant mal nommés, car ils exaltent l'accessoire, l'ustensile au détriment du sens et de son universalité métaphysique. L'utilitarisme abaisse l'homme, d'où la nécessité, pour Baudelaire, de formuler une théorie de l'homme supérieur. En religion, comme en politique l'utilitarisme réduit tout au marchandage, au commerce qui divise l'être et l'apparence. « Le commerce, écrit Baudelaire, est, par son essence, satanique. Le commerce, c'est le prêté-rendu, c'est le prêt avec le sous-entendu: Rends-moi plus que je ne te donne ». 

Précipité dans le bourbier de la France bourgeoise, Baudelaire dut trouver dans les conversations du Sénateur, du Comte et du Chevalier un refuge heureux et comme un témoignage de cette intellectualité musicale dont il cherchait, à travers ses fidélités raciniennes, à interpréter les discords et les nostalgies de l'âme abandonnée dans la morne vilenie des classes moyennes. Baudelaire, pressentit ce que Hannah Arendt allait nommer la banalité du Mal. A la pointe de son exigence maistrienne, il voulut lancer la modernité littéraire contre le monde moderne, comme il s'en vint à supplier ironiquement Satan de prendre pitié de sa longue misère. Lorsque Maistre, dans Les Soirées de Saint-Pétersbourg, fait dire au Comte: « Le péché originel, qui explique tout, et sans lequel on n'explique rien, se répète malheureusement à chaque instant de la durée, quoique d'une manière secondaire », Baudelaire intervient en précisant sa théorie de la vraie civilisation: «  Elle n'est pas dans le gaz, ni dans la vapeur, ni dans les tables tournantes, elle est dans la diminution des traces du péché originel ».

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Du point de vue de l'Histoire, Baudelaire se trouve là où les entretiens se sont évanouis. Les temps sont au progressisme, c'est-à-dire à la « doctrine des paresseux », ce qui signifie, pour Baudelaire, que le moment est venu de rompre avec toute forme de collectivisme ou de grégarisme. Le paradoxe n'est qu'apparent. Il existe en effet un en-delà et un au-delà de l'individu, et le monde auquel nous dévoue la « doctrine des paresseux » est un monde qui détruit à son principe tout dépassement de l'individu. La moindre des choses est d'avoir été ce que l'on doit dépasser. Baudelaire en qui l'on a trop tendance à voir le modèle de l'asocial demeure fidèle à l'idée maistrienne de la société en tant que civilisation, « gardienne fidèle et perpétuelle du dépôt sacré des vérités fondamentales de l'ordre social, la société, considérée en général, en donne communication à tous ses enfants à mesure qu'ils rentrent dans la grande famille, elle leur en dévoile le secret par la langue qu'elle leur enseigne ».

Constatant la disparition du dépôt sacré et de la langue, bafouée, triturée et saccagée, il ne cède pas à l'illusion de la forme vide: la carafe vide n'étanche point sa soif, la parodie d'ordre que le bourgeois fait régner, avec une rigueur extrême, ne lui semble guère aimable, en un mot, déterminé à « plonger dans l'Inconnu pour trouver du nouveau », Baudelaire, loin de ces maistriens de façade que sont les réactionnaires bourgeois, invente la praxis de la théorie que Maistre formule ainsi « le rétablissement de la Monarchie, qu'on appelle contre-révolution, ne sera point une révolution contraire mais le contraire d'une révolution ».

Là où la révolution mobilise, planifie, instrumentalise, Baudelaire se fera un devoir de démobiliser, d'accroître le sentiment de la singularité et de célébrer l'inutile. Application rigoureuse de la méthode qu'il trouve chez Maistre, son dandysme, si mal compris, coupe court à toutes les velléités d'action collective, d'appel au Peuple, de mobilisation de troupes, de référendum ou d'élection: « Ce que je pense du vote et du droit d'élection? Des droits de l'homme. Ce qu'il y a de vil dans une fonction quelconque ? Un Dandy ne fait rien. Vous figurez vous un Dandy parlant au peuple, excepté pour le bafouer ? » Le dandysme baudelairien, son caractère inconnu et novateur, consiste à demeurer là où nous sommes, obstinément. La stratégie, au demeurant n'est pas mauvaise, elle nous épargne des combats où nous eussions été vaincus immanquablement. Pour Baudelaire, le dandy n'est pas l'égotiste efféminé, il est le gardien du dépôt sacré, le témoin de l'Idée: « Être un grand homme et un saint pour soi-même. Voilà l'unique chose importante ». Le dandy est le témoin de lui-même, c'est assez dire que pour Baudelaire, il n'est pas seulement un Moi emprisonné dans l'immanence mais le subtil diplomate de l'Idée: « Toute idée est, par elle-même, douée d'une vie immortelle, comme une personne. Toute forme créée, même par l'homme, est immortelle. Car la forme est indépendante de la matière ».

Lorsque la Révolution et la Contre-révolution fourvoient le « faire » et le « défaire » dans l'inane et le vulgaire, le « contraire d'une Révolution » maintient l'être, durant l'interrègne, dans la plénitude de son possible. Baudelaire, penseur de l'ultime, va jusqu'au bout des prémices maistriennes, il les applique rigoureusement, en persistant dans une façon d'être qui est aussi une façon de dire. La lucidité baudelairienne départit son pessimisme de la tentation que serait le péché contre l'espérance. La leçon maistrienne tient Baudelaire sur ses gardes: « Défions-nous du peuple, du bon sens, du cœur, de l'inspiration et de l'évidence ». Tout le romantisme révolutionnaire et contre-révolutionnaire, si encombrant et si cacophonique, est ainsi déjoué en une seule phrase. Ce qui importe c'est de sauvegarder la musique et l'espace. «  La musique, écrit Baudelaire, donne l'idée de l'espace. Tous les arts, plus ou moins; puisqu'ils sont nombre et que le nombre est une traduction de l'espace. » Le poème le redit: «  La musique creuse le ciel ». L'immobilité du poète garde la vastitude et l'unité.

Luc-Olivier d’Algange

À l'écoute du "Grand Secret" - Hommage au poète Philippe Jaccottet

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À l'écoute du "Grand Secret"

Hommage au poète Philippe Jaccottet

par Frédéric Andreu-Véricel

La dramaturgie cosmique qui nous entoure a de quoi surprendre et je me suis étonné moi-même à penser que les constellations qui tournent tout là-haut dans la nuit obscure, le font moins par gravité que par "tradition". 

Cette vision des choses en étonnera plus d'un et l'idée que cette tradition "cosmique" fut un jour transmise aux hommes en étonnera d'autres encore. Transmise par qui, par quoi et à quel dessein ? Je l'ignore et cette idée n'est d'ailleurs qu'une simple intuition, rien de plus. Prière de n'en tirer aucun principe, aucune loi ! Sans plus une de ces émotions aurorales qui précèdent le jour d'un poème...

Néanmoins, avouons tout de même que le spectacle de la rotation de la terre autour du soleil replace l'homme à sa juste dimension ou - pour reprendre l'expression de Saint Exupéry - elle rétablit les "hiérarchies vraies". Et si l'on y adjoint la rotation du système solaire autour de je ne sais quel autre système et de cette autre chose, autour d'autre chose encore, cette pensée se double d'une ivresse quasi poétique.

Cette théorie d'une "tradition poétique" à l'origine du mouvement cosmique a dut être émise bien avant moi pour la seule raison qu'il serait étonnant qu'elle ne fut point. Du moins, en ai-je l'intime conviction. Il me plait d''appeler cette tradition "Le Grand Secret" une formule à oxymore puisque "secret" et "grandeur" ne font en général pas bon ménage. En attendant mieux, gardons ce terme sous la langue.

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Je me dis aussi que le modèle explicatif que propose l'astronomie moderne n'est pas toujours plus rationnel que le mien, simplement les mots diffèrent et les budgets alloués à la recherche, diffèrent encore davantage.

Je dirais même que pour l'homme traditionnel, la la science et la prétention de l'homme moderne a tout expliquer sans jamais se référer aux cinq sens et à la texture du monde, fascinent autant qu'elles exaspèrent. En lisant les grimoires de nos chères têtes savantes, il m'est arrivé de me prendre les pieds dans leurs "théories des cordes" et de recevoir un quasar dans le coin de l'oeil. Face au Grand Secret qu'est la terre et le ciel et le soleil, l'Homme de tradition sacrifie aux dieux du cosmos tandis que le Moderne, sacrifie à l'équation du monde dont il cherche à résoudre obstinément les inconnues. Peu importe les avancées fulgurantes de la Science - lesquelles ne font que suivre de loin les intuitions fécondes de la tradition - l'esprit de saisi scientifique reste le même à travers les siècles, de Lucrèce à Einstein, tant cet homme de la planification donne l'impression de courir au devant d'une réalité qui ne cesse de se dévoiler sous ses yeux.

"La fascination pour la qualité, le calculable, a pour origine et pour complice cette inattention qui, dans son ignorance du monde des qualités, sépare l'âme humaine de l'âme du monde, si bien que l'une s'étiole et se durcit et que l'autre devient lointaine et indiscutable". Voilà qui est bien dit. Tel est donc le crime de l'homme moderne : la séparation. Jésus appelait ces hommes des "conducteurs aveugles". Ce sont eux qui l'ont cloué sur la croix. Et ce sont les mêmes types d'hommes (la virilité en moins) qui dirigent aujourd'hui la plupart des Églises et des Gouvernements de notre temps. Les techniques modernes de communication et de managerias leur permet de remporter les élections. Une fois élus, ils gouvernent mais ne règnent pas.

imagespj.jpgBref, si je vous dis tout cela, c'est que pour ma part, je me sens "traditionaliste" depuis ma prime enfance, au point où je finis par voir des traditions un peu partout, y compris dans les mouvements célestes !

Que les modernistes qui occupent le siège de Rome dans le but de créer une sous religion mondiale judéo-compatible m'excusent de ma franchise : quant aux réactionnaires patentés qui s'y opposent, merci de bien vouloir m'excuser de cette recherche d'équilibre: pour moi, la "tradition" n'est pas un bibelot poussiéreux de musée mais bien la source vivifiante qui - n'ayant pas d'origine humaine - est tout autre chose que cette religion de "deuxième main" fabriquée par les clergés privatifs.

Un ami chrétien dont j'aime la compagnie me disait l'autre jour que la mort de Saint Louis fut ressentie à travers l'Occident comme un électrochoc, le sentiment que "les choses ne seraient jamais plus comme avant". J'ignore ce qu'il voulait dire exactement par là mais il semble que cette époque marqua en effet une sorte de rupture, une étape décisive dans l'oubli de la tradition. Dès le début de l'Église romaine, le clergé, épris de privilèges de caste, avait mis au point un dispositif théologique visant la privatisation du sacré. Ce sont d'ailleurs eux qui ont désigné de profanum (hors de leur temple) tout ce qui pouvait être dit ou fait. Du coup, tout ce qui ne dépendait pas de leur sacré devenait profane tandis que leur "dispositif", totalement indépendant des individus qui le compose, allait finir par échapper à ses créateurs. Toutes les finesses de la tradition des débuts, allait passer à la trappe, du fond d'or des icônes à la charité véritable. Une époque nouvelle, celle des cathédrales, allait naître, remplaçant l'ancienne religion chtonienne des chapelles de la lumière tamisée. Je parlais d'un "dispositif" car le terme "logiciel" paraît anachronique et un peu trop technicien, mais la réalité que ces mots désignent reste à mon avis valable : il fallait insérer dans la tête des gens une religion de deuxième main et pour se faire, placer à la marge cette vérité de tout temps : "le monde qui nous entoure est fait pour correspondre aux formes questionneuses de l'observateur" de sorte que ce dernier, en ouvrant les yeux et le coeur, se retrouve devant ce que Jean Haudry a appelé : le monde comme "image de la vérité".

9782070466580-475x500-1.jpgSans rentrer dans les détails d'une savante démonstration étayée par Jean Haudry dans la "Religion cosmique des Indo-Européens", disons simplement que cette conception macrocosmique comme "image de la vérité" implique un microcosme tout comme une serrure implique l'existence d'une clé. Cette conception, de très haute antiquité, remonterait à un peuple ancestrale soumis à la longue nuit cosmique. Cette nuit cosmique telle qu'elle s'observe encore aujourd'hui dans la zone circumpolaire, prédispose les habitants de ces régions à valoriser tout ce qui s'oppose à la nuit obscure du grand nord : le jour, la lumière, le soleil, identifiés à la vérité et au bien. La lumière, surtout qui comme l'écrit Philippe Jaccottet est "le lait des dieux" et "la couronne invisible".

Quel besoin cet observateur "souverain" aurait-il d'un clergé intercesseur ? Aucun. Mais la religion des théologiens allait peu à peu recouvrir celle des aèdes. Le dispositif enclenché par les théologiens allait engendré un processus qui d'étapes en étapes, allait aboutir aux "droits de l'homme". Ces derniers peuvent être en.effet interprétés comme la dernière étape d'un long processus de sécularisation du christianisme, ces "vérités chrétiennes devenues folles", aidant de surcroit au grand remplacement de nos peuples européens. Le processus devenu "fou" allait engendrer bien des arrière-mondes dont la techno-science planétarisée d'aujourd'hui apparaît comme l'aboutissement final.

Si je formalise cette tentative de démonstration, je dirais que les temps que nous avons la disgrâce de vivre sont "doublement" oublieux de ce qui est. La technoscience reine marque l'oubli de l'être philosophique qui est lui-même l'oubli de l'être poétique. L'Homme actuel, aveugle et sourd au Grand Secret, est la créature de cet "oubli au carré" qui donne puissance et relais à toutes les idéologies contre natures et dévastatrices de notre temps. Le déchaînement de la technoscience est la manifestation la plus irréversible de ce processus.

L'immigration sans limite voulue par les élites mondialistes, et favorisée par les droits de l'homme, amorce le cycle de guerres civiles de demain. Il n'est pas sûr que l'homme blanc la remporte sur son propre terrain. Mais le déchaînement de la technoscience peut conduire à une guerre encore plus décisive : celle qui oppose le genre technique au genre humain et comme le premier n'est pas anti-humain mais a-humain, il n'a aucune raison de la perdre.

Le Grand Secret, pourtant, continue d'émettre sur une "fréquence" que quelques uns d'entre nous perçoivent. Ces êtres, ce peut être vous ou moi et ce sont les poètes qui les perçoivent dans leurs entre-visions.

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L'un de ces écoutants du Grand Secret vient de nous quitter. Il s'appelait Philippe Jaccottet. Né à Vaud, petit canton paisible de sa Suisse natale, il s'installe à Grignan, village de Basse Drôme dans lequel il passa la plus grande partie de sa vie.

J'ai entendu la voix de ce poète il y a quelques années dans un vieux reportage datant de 1975 (disponible sur You Tube : https://youtu.be/uOog79nH8qs ). Je dois dire que cette voix, à la fois discrète et posée, est peu à peu devenue une "voie" au sens de chemin ou de passage. Comme celle que l'on se fraie entre les hautes herbes perlées de rosée hors des routes asphaltées et des cartes touristiques. Vous savez, ces voies d'herbes pliées par le passage d'une biche et d'un sanglier.

Si vous regardez attentivement ce reportage de bonne facture, vous verrez combien la silhouette du poète frêle et longiligne nous ouvre à un ciel qui nous manque ; vous verrez une main qui ouvre le volet grinçant d'une maison de village et que l'on aimerait serrer. Vous verrez une femme en train de peindre une aquarelle et qui manque son épreuve.

En d'autres termes, je dirais que ces images expriment le mystère de ces choses simples qui comme tout mystère, se cache autant qu'il se dévoile. 

Et c'est tout ce que je trouve à dire en ce moment de deuil où j'apprends la mort du poète avec au fond du coeur le poids d'un or qui prendra du temps à se muter en mots de justesse et de poésie.

Philippe est parti sans doute moins loin qu'on ne le pense. Juste un peu ici et un peu là, dans les recoins du village gagnés par le lierre et peut-être aussi dans la tradition qui fait tourner les pages de l'univers.

Dans sa vie, il a délivré tant de beaux poèmes célébrés de part le monde, qui sont autant de robes invisibles offertes aux dieux.

Le 24 février 2021, Philippe est allé les rejoindre sur la pointe des pieds.

LE GRAND SECRET 

Là-haut,

le faux silence des pluies

miroitants de nuages ;

ici, la main qui passe dans le blé des mots

reflétée sur la page,

sans heurter autre chose que le vieil outil

des moissons.

Au passage des oiseaux,

j'ai mis le blé à la bouche,

et le soleil et la terre,

dans le poème attendu

et toutes les allées du ciel

alors, s'entrouvrent ;

le premier mot qui me vient à l'esprit

c'est ton nom : Phillippe Jaccottet.

 

Frédéric Andreu-Véricel.

fredericandreu@yahoo.fr

 

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«Pas dans un boum, dans un murmure»: notes sur notre petite apocalypse

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«Pas dans un boum, dans un murmure»: notes sur notre petite apocalypse

par Nicolas Bonnal

Tout semble s’imposer, le marquage électronique,  les vaccins, le test partout, le passage au communisme sacerdotal (Abellio), le wokenisme démoniaque, la chienlit morale et LGBTQ à la télé, l’antiracisme-fascisme en roue libre, etc. D’un autre côté ici et là on nous ressort jusqu’à la nausée la phrase de Hölderlin, que Jean Baudrillard citait il y a déjà trente ans au sortir de l’abominable guerre du Golfe : « là où croît le danger là aussi croît ce qui sauve ». C’est dans le poème Patmos.

On va voir. La résistance n’existe pas, comme je l’ai dit, elle a été fluidifiée par les réseaux, les râleurs se contenant de cliquer, pas de résister ou de manifester comme on disait jadis. La perte de la capacité tellurique c’est la fin de la résistance, merde, lisez/appliquez Carl Schmitt pour une fois.

L’épuration de Trump et du reste se passe sans un murmure dans la salle. Le système avance rapidement et impeccablement ses pions et comme dit l’abject Figaro on va pouvoir tester les gens à l’entrée des autoroutes avec le test QR ou je ne sais quoi. On leur souhaite du plaisir aux gens, car à force de se gaver de télé, de radio, de hamburgers, ils vont mal finir. Mais s’en préoccupent-ils les gens ?  Ne sont-ils pas déjà morts ? Les films de zombie sont vieux de deux générations déjà.

A côté de cela on veut nous rassurer. Tout cela est inapplicable, le Français résiste, il ne se ferait pas vacciner… Mais le système a tout son temps (2030 date-butoir et regardez leurs progrès en un an) et je me souviens dans mon enfance pour la bagnole. Il y avait beaucoup de morts mais c’était aussi l’âge d’or de l’automobile et de la liberté sur les routes. Alors on a sévi comme pour chasser un virus (et l’acerbe Sarkozy a remis ça dès son arrivée au pouvoir). Limitation de vitesse, test d’alcoolémie, port de la ceinture de sécurité, multiplication aberrante des ronds-points, ils ont réussi à tout imposer nos bureaucrates et nos mondialistes et c’était pour notre bien, pour notre sécurité. Ici aussi c’est pour notre bien, pour notre sécurité. Et j’en arrive à me demander : tout cela ne démontre-t-il pas que l’humanité n’est qu’un troupeau d’esclaves ? Sous prétexte de voter (et où ne va-t-on pas voter ?), on se croit en démocratie et on se comporte comme des cloportes ou bien des bœufs à l’abattoir. Revoyez le sang de bêtes de Franju. On a un mouton traître nommé le miniard qui amène les comparses à l’égorgeoir, qu’on maintient en vie et qui sert à chaque fois pour conduire le troupeau bêlant  et opinant de Panurge.

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Passons au positif, car on va me reprocher de casser le moral des troupes.

Celui qui nous rassurerait c’est Biden qui a l’air bien gâteux, et sa Kamala qui est nulle comme un rat. Cette paire d’as a été élue en trichant sans une seule réaction (sinon la prise arrangée du Capitole qui a permis de virer Trump plus vite et d’accélérer le totalitarisme mondialiste – oui, c’est à cela que sert la résistance, gare au prochain attentat false flag !) et avec l’approbation de toute la canaille globale devenue folle ; car notre absence de résistance produit leur ubris. Mais on sait très bien que Biden peut dégager et qu’on peut caser une autre marionnette ; au point où en sont arrivés les journaux globaux (le NYT, le Monde, le Guardian, El Pais, etc.) ce n’est pas cela qui gênera l’opinion publique, chienne prête à toutes les prostitutions depuis des siècles (colonisations, guerres mondiales, mondialisation, totalitarismes, légalisation de toutes les perversions et en conséquence interdiction de toutes les libertés). Certains voient une possibilité de défaite militaire contre l’Iran, la Russie ou la Chine (mais on nous dit aussi qu’elle fait partie du N.O.M., cette Chine, que Biden est son homme ?). On verra, mais là encore je fais confiance aux généraux américains décrits par Kubrick : on finira au nucléaire puisque l’équipement US n’est plus à la hauteur face aux progrès des trois grands de l’opposition officielle (Iran, Russie, Chine donc). Certains donc disent que ce serait mieux une bataille et donc une défaite US, et un écroulement du satanisme occidental, mais encore faudrait-il en sortir vivants !

On a envie de prier la providence mais vu ce que sont devenus le Vatican et le catholicisme dit romain ? On ne va pas prier les dieux du Capitole tout de même ? Je constate d’ailleurs de plus en plus de recours chez les antisystèmes à l’increvable apocalypse, aux êtres de lumière, à l’attirail New Age, au zen emballé sous vide, comme disait Guy Debord. Lui voyait la liberté dans la lutte politique et sociale et pas dans les interventions divines toujours longues à se produire et chères à rembourser… Le clergé, le parti…

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En réalité je ne sais plus quoi écrire depuis quelques mois maintenant : tout est programmé pour nous faire vivre puis crever, par des satanistes et par l’inertie de milliards d’abrutis et de zombis peaufinés à la télé et au portable (voyez le film de Jarmusch, The Dead don’t die, qui le montre très bien).

Comme le montre Lucien Cerise le contrôle technologique trop tatillon ne marchera pas (il est trop fou et ils ne sont plus si bons, ils en restent à l’éternelle peur du gendarme comme au temps de de Funès et des pieds nickelés), mais c’est peut-être ce qui est voulu, pour que les survivalistes de Davos et les techno-lords de la Silicon Valley (voyez mon Internet nouvelle voie) soient contents. Le film Idiocracy, écrit par un des Coen, le montre finalement. Une humanité de fauchés, d’abrutis, d’affreux sales et méchants subsiste dans des ruines affreuses sorties des romans de Dick. Mais elle n’a pas l’air mécontent ! Et si finalement Klaus Schwab avait raison : si dans dix ans, les survivants abrutis étaient contents, les rares mécontents (tous vieux) s’étant suicidés ?

Last scene of all (dit Shakespeare), la situation en Israël, pays-phare des religions abrahamiques. Elle m’évoque l’apocalypse décrite par T.S. Eliot, texte lu à la fin d’Apocalypse now : c’est ainsi que le monde se termine, pas dans un boum, dans un murmure (not in a bang but a whimper). Quelle punition pour tant d’orgueil…