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samedi, 07 janvier 2023

Note sur le décès du Pape émérite Benoît XVI

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Note sur le décès du Pape émérite Benoît XVI

par Andrea Zhok

Source : Sfero & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/nota-a-margine-alla-morte-del-papa-emerito-benedetto-xvi

Bien que l'auteur n'ait aucun titre pour parler d'une institution millénaire, dont il n'est même pas membre, l'histoire de la dyarchie entre Benoît et François, manifestement et ouvertement liée à des conflits de pouvoir au sein de l'Église catholique, signale un changement culturellement remarquable - et en tant que changement culturel, il nous concerne tous, catholiques et non-catholiques.

Dès le choix des noms, les orientations de Ratzinger et de Bergoglio étaient évidentes, et manifestement divergentes.

Se référer à Benoît de Norcia, fondateur de l'ordre monastique bénédictin, signifiait se référer à cette colonne vertébrale de la culture chrétienne et européenne qu'étaient les monastères en tant que lieux de prière et de travail ('ora et labora'). Ces monastères préservaient la culture des anciens et constituaient un modèle de communauté encore exemplaire aujourd'hui. L'étude, la contemplation, le travail, la spiritualité, la conservation et la communauté sont ici les références fondamentales.

Se référer à François d'Assise signifie plutôt se référer à un modèle d'Église anti-institutionnel, paupériste et révolutionnaire. Ce n'est pas un hasard si le choix de Bergoglio est isolé : c'est la première fois qu'un pape décide de prendre ce nom, car saint François était à l'origine un saint excentrique, à la limite de l'hérésie, mais finalement ramené dans le courant de la tradition et de l'Église. Se référer à François signifiait aller idéalement dans une direction innovante, se libérer des incrustations du passé, s'afficher "démocratique".

Bien sûr, les deux personnages historiques, Benoît de Norcia et François d'Assise, sont de grands exemples de vertu et de vision, et sont donc tous deux extraordinairement dignes d'un renouveau et d'une re-proposition de leur profond message. Nous ne sommes donc certainement pas ici pour organiser un "concours de beauté" entre les saints afin de déterminer qui est le "meilleur".

Cependant, cette dyarchie, qui a été une question éminemment politique, avec la démission de Benoît et l'avènement de François présente un aspect culturellement intéressant si nous la plaçons, comme nous devons le faire, dans le processus historique général actuel d'imposition de la raison libérale en Occident.

Le théologien Benoît représente d'une certaine manière le visage classique du rôle de l'Église: l'Église comme une ancre, un rocher auquel s'accrocher, comme une institution très ancienne enracinée dans l'histoire, capable d'intégrer diversement des instances et des cultures plurielles, mais sans jamais perdre de vue son propre sens de la continuité.

L'accusation de l'institution ecclésiastique d'être un "frein conservateur au progrès" est en quelque sorte un topos, une figure de l'esprit, et une thèse qui n'est pas sans raison: il ne fait aucun doute que l'Église n'a jamais été animée par un quelconque élan révolutionnaire (ayant une révolution spirituelle à ses origines) et, au contraire, qu'elle a toujours fait place avec effort, prudence et précaution à chaque innovation, de la doctrine sociale de l'Église, au modernisme, au Concile Vatican II.

Mais, comme toujours, le rôle d'une vision ou d'une institution change fondamentalement en fonction du contexte dans lequel elle opère.

Et quel est le contexte d'aujourd'hui, dans lequel l'Église du 21ème siècle opère?

Il s'agit, du moins en Occident, d'un contexte d'accélération technologique, technocratique, subjectiviste, scientiste frénétique, un processus de dissolution systématique des liens, de déracinement, d'effacement du passé, de dissolution de l'identité. Cette tendance est étroitement liée à ce processus séculaire qu'a été l'évolution du capitalisme anglo-américain, qui, au cours du dernier demi-siècle, a acquis une connotation d'impérialisme culturel dans tout l'Occident (et dans les parties occidentalisées du reste du monde, comme le Japon urbain).

En soi, le fait de s'inspirer autant de la tradition de François que de celle de Benoît XVI aurait pu, en principe, constituer un éloignement des tendances contemporaines. Après tout, François est le saint "anticapitaliste" par excellence, par son message et son exemple, et de plus, le Bergoglio sud-américain aurait pu bénéficier des leçons de l'Amérique latine, où la perception populaire de l'Empire américain comme une menace persistante est une caractéristique fondamentale.

Le pape, il ne faut jamais l'oublier, est certes un souverain absolu, mais il n'est ni omniscient ni omnipotent: comme tout souverain, il doit agir en s'appuyant sur une structure de conseillers et d'informateurs. Ce qui est devenu de plus en plus clair avec le temps, c'est que l'entourage du Vatican qui avait mis Ratzinger en grande difficulté était maintenant en mesure d'orienter de plus en plus les positions et les déclarations du nouveau pape, qui, en tant que disposition et formation "progressiste", était prêt à écouter les orientations "actuelles". Des dérapages dignes de la Repubblica, comme la stigmatisation de la "cruauté des Tchétchènes et des Bouriates" parmi les troupes russes, sont le signe que l'entourage papal ne s'appuie plus sur des sources autonomes, mais est manifestement à l'écoute de la publicité des agences de presse dominantes (les américaines Associated Press et United Press International et la britannique Reuters).

L'apparente perte d'autonomie culturelle de l'Église, le fait qu'elle soit de plus en plus entraînée par l'opinionnisme à la mode, qu'elle cherche à plaire aux mœurs changeantes, que son agenda culturel soit dicté par la soi-disant "communauté internationale" est un signe des temps, un signe inquiétant.

En ces temps de déménagement, de dissolution et d'effacement généralisé, le caractère conservateur de l'institution ecclésiastique aurait un grand rôle à jouer. Ce rôle ne dépend pas, soyons clairs, de la question de savoir si la tradition thomiste et les élaborations ultérieures du Vatican sont "toujours justes", ou si elles ont toujours une réponse adéquate aux défis actuels. L'intérêt réside dans le fait qu'une institution millénaire, profondément enracinée, capable de maintenir en vie un patchwork de traditions, serait en soi, de par son existence même, un bastion fondamental d'opposition à une tendance historique actuelle qui se caractérise par une accélération effrénée et un "progressisme" chaotique.

La perte de cette autonomie fondamentale, de cette extranéité aux exigences de la modernité, est un grave dommage culturel, non seulement pour les catholiques, mais pour l'ensemble du monde occidental. 

Commentaires

Cela fait longtemps que l'église du Vatican est sensible à l'esprit du temps. Aux puissances également sans retourner au dernier millénaire. On sait que Jean Paul 2 a correspondu aux intérêts américains pendant Solidarnosk, la révolte d'un syndicat polonais contre la Pologne soviétique.

Sur le plan culturel du triomphe du capitalisme libéral de consommation dans le monde occidental, il y a bien eu Vatican 2 après la résistance catholique au 19ème siècle contre le libéralisme et la laicité. Le pape François est de son temps, s'il est de gauche, il prend parti en wokiste inavoué pour les minorités contre des majorités en Occident qui ne sont même plus pratiquantes qu'elles soient catholiques et latines ou de pays protestants.

Certain que l'église millénaire est ébranlée par le culte des droits de l'individu, le tout économique. C'est la loi encore qui permet une pluralité d'opinions même dégradée par les gafa. Le conservatisme est plutôt hors la loi et plus que jamais aux É.U. Avec l'euthanasie légalisée de plus en plus. On voit le sort de l'église face au libertaire.

Capitalisme et libéralisme doivent se rendre jusqu'au bout de leur usure, de leur fatigue vitale pour un changement futur.

Écrit par : Pierre Bouchart | dimanche, 08 janvier 2023

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