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dimanche, 12 janvier 2025

Quelques réflexions sur la pensée de Robert Musil

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Quelques réflexions sur la pensée de Robert Musil

par Jean Montalte

Source: Twitter-X: @JMontalte

Extrait du portrait que j'ai consacré à Musil:

"Robert Musil a consigné dans son journal les mots suivants, qui pourraient s'appliquer à notre temps avec autant de vraisemblance sinon plus : « Je trouvai en venant au monde des principes déjà ébranlés. » Nous n'en finissons pas d'être en crise, ni d'en entendre parler, en tant que nation, en tant que civilisation, en tant qu'entité économique. Ce terme revient si souvent que sa signification s'en est obscurcie, phénomène d'érosion que le bavardage sécrète de nature.

Robert Musil appartient à une génération qui a été confrontée à des crises d'une ampleur considérable, et qui n'ont jamais été résorbées tout à fait ; pour une part essentielle, elles se sont même accentuées.

Crise spirituelle et religieuse dont le cri retentissant « Dieu est mort », arraché à la déréliction des hommes par l'insensé de Nietzsche témoigne.

Crise du fondement des mathématiques, que des esprits éminents, tels Frege, Russell ou encore Gödel ont tenté de résoudre, avec plus ou moins de bonheur.

Crise des sciences européennes, à laquelle Husserl oppose une tentative désespérée de réfection unitaire, face à une spécialisation qui la mettra finalement en échec.

Crise du langage, qui tient ses prestiges et ses sortilèges en suspicion, avec Maeterlinck, Hugo von Hofmannsthal – la Lettre de Lord Chandos en est un condensé – et enfin l'initiateur de la philosophie analytique, le génial auteur du Tractatus logico-philosophicus et philosophe du langage Ludwig Wittgenstein.

Crise du fondement de la morale que Nietzsche s'emploiera à dissoudre dans une généalogie célèbre.

Enfin crise de la civillisation qui débouche sur le cataclysme de la grande guerre, ce suicide des nations européennes. Oswald Spengler, spécialiste en apocalypse, écrira Le déclin de l'Occident et apportera une philosophie de l'Histoire qui rendra compte de ces phénomènes apparemment disjoints dans une vision unitaire et synthétique du devenir des nations et de leur mort.

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L'oeuvre majeure de Robert Musil, L'homme sans qualités, peut sans doute se concevoir comme un tableau de cette crise de la civilisation européenne, une satire de l'époque qui a précédé la grande guerre et, d'une certaine manière, une vigoureuse contestation sinon réfutation de la pensée décliniste de Spengler.

Lors d'une interview pour le journal russe de Moscou, le Novy Mir, Musil explique qu'il travaille à « un tableau satirique et utopique de la culture occidentale moderne ». Thomas Mann, impressionné par les qualités intellectuelles et artistiques de l'écrivain autrichien, saluera ce roman,  où il «trouve exprimée, en termes plus forts et plus complexes que nulle part ailleurs, cette aspiration du début du XXe siècle à redéfinir une culture, une spiritualité sur les ruines du passé, ce regret d'une totalité mythique perdue»."

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Lire aussi: Robert Musil: Der deutsche Mensch als Symptom – eine Rezension

von Konrad Gill

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