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dimanche, 16 février 2025

La royauté sacrée. Universalité et antiquité du roi sacré

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La royauté sacrée. Universalité et antiquité du roi sacré

Walter Venchiarutti

Source: https://www.ereticamente.net/la-regalita-sacra-universali...

Le pouvoir politique, autrefois basé sur les vertus divines dans le cadre d'une monarchie sacrée, est aujourd'hui passé de main en main. Il est cependant encore possible de retrouver dans les démocraties, fondées sur le dogme du nombre, les vestiges survivants de cette institution désormais réduite à la parodie ; ces vestiges sont souvent camouflés sous la matérialité des idéaux, cachés sous les apparences du sentimentalisme humanitaire envers les marginaux, lorsqu'ils sont parés d'eschatologie salvifique.

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Dans l'Occident européen, à une époque lointaine médiévale, il existait la croyance selon laquelle le pouvoir surnaturel, en particulier celui qui est d'ordre thaumaturgique, provenait directement du pouvoir souverain par des interventions surnaturelles. Cette conviction, riche de témoignages séculaires, a été observée sous les premiers Capétiens et dans l'Angleterre normande. En France, elle était officiellement reconnue grâce à l’onction et à l'incarnation royale, cérémonies réalisées par le pouvoir religieux (illustration, ci-dessus). L'attribution de ce privilège se produisait officiellement avec la transmission du pouvoir du père au fils aîné, désigné pour hériter du trône. La légitimation des rois-saints, détenteurs du pouvoir guérisseur, reposait sur la croyance selon laquelle un malade de la scrofule, de l'épilepsie ou souffrant de douleurs musculaires pouvait guérir grâce à l'imposition des mains du monarque (illustration, ci-dessous), selon la formule bien connue: "Le roi te touche, Dieu te guérit". Cette investiture impliquait le toucher royal sur les malades, accompagné du signe de la croix. Les grands monarques, grâce à ce pouvoir traditionnel, étaient réputés être des guérisseurs prodigieux, des personnages sacrés et les gardiens de la santé de la société.

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Même la structure théocratique des premières sociétés africaines plaçait au sommet la figure du roi divin.

"Comme le pharaon, ce roi est le médiateur entre les forces cosmiques et le peuple et est lui-même considéré comme ayant une essence divine. Il réunit dans ses mains le sacré et le profane et est à la fois grand prêtre et législateur suprême. Son pouvoir est absolu, mais uniquement dans les limites de sa fonction sociale. Il est responsable devant le peuple du bien-être collectif qu'il doit assurer et maintenir constant par des rituels appropriés." (B. de Rachewiltz, Eros nero, 1963).

Frazer évoque la figure associée aux fonctions sacrées royales et divines, présentes dans la figure du roi de la forêt, du roi sacrificiel à Rome et du magistrat appelé "roi" à Athènes. Ces archétypes apparaissent fréquemment "au-delà des limites de l'Antiquité classique et sont communs à des sociétés de tous les degrés, de la barbarie à la civilisation... ainsi, dans les forêts du Cambodge, il existe deux souverains mystérieux appelés "roi du feu" et "roi de l'eau" (J.G. Frazer, Le rameau d'or, vol. I, 1965, p. 169). Dans la poésie tamoule, "l'hommage au souverain et l'adoration du dieu se confondent, les bardes louent les rois de la même manière qu'ils exaltent les divinités du sol" (E. Zolla, Les trois voies, 1995).

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"Les grandes civilisations de l'Antiquité qui se sont développées à l'époque de la soi-disant révolution urbaine – Mésopotamie, Égypte, Chine – étaient des sociétés stables gouvernées par des ‘rois sacrés’. De même, les États agricoles de l'Amérique centrale et méridionale, les Aztèques et les Incas étaient organisés comme des monarchies sacrées, tout comme les sociétés d'Afrique, d'Europe et d'Asie, qui ont maintenu ces réalités pendant des millénaires." (Encyclopédie des religions, dirigée par Mircea Eliade, vol. I, Objet et modalités de la croyance religieuse, Milan, 1993).

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L'épilogue de cette institution en Occident s'est produit au 18ème siècle, pendant la Révolution française, avec la décapitation du "citoyen" Louis XVI. Par la suite, la saga de la royauté sacrée s'est définitivement conclue avec le massacre de la famille entière de Nicolas II Romanov, empereur et martyr. Dans le passé, ce privilège et la dignité des souverains n'avaient jamais été annulés délibérément ; bien que certains aient trouvé la mort au combat ou aient été assassinés, cette légitimité était portée par la suite de la lignée ou par le remplacement de la dynastie déchue.

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La figure du roi sacré, en plus d'être extrêmement ancienne et universelle, a toujours assumé, bien que sous différentes formes, la fonction de gardien et de garant du bien-être social. En particulier, la royauté divine dans le contexte africain est liée au pouvoir sacré, un attribut lié à la fertilité de la terre. Depuis des temps immémoriaux, le roi devient homme-Dieu, incarne le numen, ses prérogatives permettant la guérison et la protection de la communauté. Cette défense peut être d'ordre sanitaire ou, dans le cas des Ashantis de la Côte d'Ivoire, se manifeste dans la préservation des récoltes, garantissant ainsi la soumission des forces naturelles, telles que l'arrivée de la pluie nécessaire et favorable, ou l'éloignement de la grêle et des inondations, la gestion du feu ami et simultanément sa soumission contre le danger d'incendie.

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Chez les Abron (ci-dessus), qui font partie du groupe Akan résidant toujours en Afrique de l'Ouest, le roi représente le principe même de la vie (M. Lunghi, Les Abron de la Côte d'Ivoire, Milan 1984). C'est pour cette raison qu'il ne parle jamais. Une énergie extraordinaire lui vient de l'Être Suprême par transmission directe. Le chef, en tant que père terrestre, est le représentant de toute la communauté tribale et transmet à son tour cette force vitale à tous les membres des tribus. Pour ce peuple, la sacralité du chef est le prérequis même de la vie. Le roi reçoit les dons de fécondité prolifique de Dieu. Lors de la fête des ignames (tubercules amidonnés qui jouent un rôle majeur dans l'alimentation), le souverain, ayant autorité sur les quatre familles entre lesquelles la communauté est divisée, s'adresse aux points cardinaux respectifs avec des inclinaisons, remercie l'Être Suprême et les ancêtres pour lui avoir accordé d'être le médiateur de la continuation vitale, qui se manifeste à travers l'octroi de récoltes abondantes. Les simulacres des ancêtres, les anciens prédécesseurs, sont présents à l'église comme des protecteurs et occupent la place des saints. La fonction du roi est de communiquer avec la divinité, de recevoir les pouvoirs, de transmettre les messages et les volontés célestes, et de distribuer les récoltes dont les fruits proviennent directement de l'Être Suprême.

Les délégitimation de l'institution monarchique observées précédemment se sont produites selon un processus historique qui a vu la diffusion de la laïcité des mœurs et de la rationalité de la pensée, ces évolutions se manifestant tant dans les gouvernements démocratiques que dans les régimes autoritaires. Dans les deux cas, ces nouvelles tendances, d'abord soutenues par un large consensus, n'ont pas toujours su être à la hauteur des engagements pris. Aujourd'hui, à la naïveté, à la force brute et à la corruption s'est ajoutée la finesse du système informationnel. Cette option indolore est aujourd'hui active et pratiquée à grande échelle. Le lavage de cerveau contribue davantage que la force brute à affaiblir et à enterrer les quelques voix rares de la dissidence. Le résultat obtenu est atteint en droguant les consciences des utilisateurs.

Dans les cas historiques européens et africains, selon différentes modalités, la mystique du roi s'est manifestée dans les mythes des guérisseurs et dans les rituels de fertilité qui ont contribué à la protection prophylactique et à la sécurité alimentaire des communautés. Des anecdotes superficiellement considérées comme secondaires de faits sociaux (maladies, récoltes) deviennent les pierres angulaires pour identifier l'universalité sur laquelle repose la légitimité justifiée du pouvoir, car défendre, administrer et protéger une communauté, garantir l'application des lois et des jugements impartiaux est le premier pas vers la légitimation.

Bien que sous différentes formes, la royauté sacrée, des rois français aux chefs africains, répondait à des problématiques d'ordre alimentaire ou sanitaire visant à suppléer aux besoins primaires d'une collectivité. Ces fonctions trouvaient résolution dans les rituels de reconnaissance. Ces processus historiques d'aide ont continué à évoluer. Dans certains cas, on est passé du roi sacré en tant que divinité, au roi prêtre, ce dernier étant le médiateur, porte-parole des entités suprêmes mais non pour cela considéré comme Dieu. Et pour continuer jusqu'à nos jours, nous les voyons reflétés dans les fonctions attribuées et soutenues par l'icône de l'expert environnementaliste, dernier connaisseur, détenteur et diffuseur des vérités ultimes, désigné pour la sauvegarde de l'environnement et donc de l'humanité, investi d'une véritable ou présumée onction destinée à la défense planétaire.

20:34 Publié dans Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : tradition, traditionalisme, royauté sacrée, royauté | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

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