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dimanche, 16 février 2025

Sur le Voyageur éveillé de Nicolas Bonnal

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Sur le Voyageur éveillé de Nicolas Bonnal

par Jean Parvulesco

Entre le dégoût et la nostalgie « Après avoir fait plusieurs fois le tour du monde, Nicolas Bonnal s’est, en désespoir de cause, retiré en Andalousie », où « il vit dans une cueva au pied du Sacromonte », c’est ainsi que son éditeur présente l’auteur du Voyageur Eveillé dans sa nouvelle solitude secrète.

Je ne sais pas si, replié sur lui-même au fond de sa cueva de la calle Aguas de Albaicin, Nicolas Bonnal a finalement pu, comme on dit, « rencontrer sa paix », mais il est certain qu’il a trouvé le temps d’écrire un grand livre, qui restera, un livre situé d’emblée au-dessus du misérable flot des petites choses indignes que l’on sait, faites seulement pour qu’elles passent sans laisser de trace.

9782251442235-475x500-1-4235560271.jpgAinsi, parfaitement inattendu par les sales temps qui courent, le voyageur éveillé de Nicolas Bonnal est-il, d’un seul coup, apparu à notre portée, mystérieux météorite venu d’on ne sait où, des ultimes profondeurs, peut-être, de ce ciel de ténèbres profondes qui est le nôtre à l’heure présente, le ciel de notre propre déréliction finale.

Car il faut commencer par le dire : sous la figuration allégorique plus que symbolique du « voyage » et du « voyageur » - de l’actuel « voyageur planétaire », du « maudit touriste » - Nicolas Bonnal instruit, en réalité, le procès de l’aliénation finale d’un monde voué, pris sous la malédiction de s’auto-défaire dans le néant de ses propres démissions subversivement - et très occultement, à ce que l’on a vu - dirigées depuis l’extérieur de lui-même, depuis ce qui représente son contraire ontologique caché, depuis l’« autre monde ».

En fait, malgré la dialectique déstabilisante opposant « dégoût » à « nostalgie », profond dégoût d’un présent irrémédiablement déchu et nostalgie insoutenable d’un passé déjà bien trop lointain, dialectique subversive entretenant par en dessous le propos en marche de ce livre si dangereusement piégé, on va quand même finir par comprendre que la présente recherche de Nicolas Bonnal aboutit à un fort aventureux processus de salut et de délivrance, opérant sur le fil du rasoir. Parce que c’est bien dans l’abjecte réalité du monde tel qu’il est devenu à l’heure présente, que le Voyageur éveillé s’emploie, désespérément, à retrouver les lueurs ambiguës, la présence, occultement encore substantivisante, des anciennes valeurs de l’être, oubliées, qui se sont perdues avec les défaillances et les lugubres mensonges de la modernité, avec l’omniprésente terreur démocratique exercée par celle-ci sur les temps qui sont échus à son emprise finale. Une modernité déjà accomplie, dont les ravages nous forcent à reconnaître l’affirmation irrévocablement établie-là du retour en arrière vers le chaos et le néant d’avant-l’être ; mais un retour qui n’aura qu’un temps. Et de par cela même tenus de comprendre, comme nous le sommes à présent, que ce que d’aucuns appellent la postmodernité n’est que la continuation exacerbante et complice à part entière de la modernité, que modernité et postmodernité ne font qu’un. Cependant, quand Rimbaud disait qu’« il faut être absolument moderne », c’est d’une tout autre modernité qu’il parlait, lui, la « modernité » rimbaldienne se situant tout à fait au-delà de la modernité et de la postmodernité actuelles, qui sont les nôtres, qui l’une et l’autre appartiennent à la même figure finale d’une histoire mondiale ayant déjà cédé aux sollicitations obscènes du néant et de ce chaos rampant dont H.P. Lovecraft avait annoncé la montée au pouvoir.

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De toutes les façons, peut-on encore douter du fait que le monde, à l’heure actuelle, vient de finir par s’identifier, déjà, presque entièrement à l’anti-monde, et l’être à se faire remplacer, en ses demeures mêmes, par le non-être ? Que le temps n’est plus notre temps, de même que notre espace n’est plus, actuellement, que l’espace de sa propre auto-disqualification finale.

Ainsi, en citant René Guénon, Nicolas Bonnal écrit-il : « Guénon parlait d’une fin du temps et d’une extension de l’espace, c’est l’inverse qui s’est produit : nous avons de plus en plus de temps à perdre mais nous méconnaissons de plus en plus la réalité de l’espace. Nous avons d’ailleurs retiré du voyage sa réalité, il en est de même a priori du voyage initiatique. »

Et Nicolas Bonnal ajoute : « Toutes les épreuves traditionnelles ont été parodiées, répétons-le, par le tourisme de masse. Ce qui reste au voyageur au long cours, c’est la durée de son voyage, image de notre destinée spirituelle : "Sois dans le monde comme un étranger ou un passant", nous dit le soufisme. Cette existence relative, où l’on découvre son inquiétante étrangeté, est une des données fondamentales du voyageur : il n’a pas de pays ; non parce qu’il se flatte d’être Sur le Voyage apatride comme un homme d’affaires mais parce que sa patrie est purement virtuelle, reflet de son paysage intérieur. Sa patrie est partie de lui. Comme Tchoung Tseu et son papillon, il n’est jamais sûr de son identité. »

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Pour le grand voyageur, le voyage est avant tout dissolution de soi-même, figure secrète de la « dissolution du cadavre et de l’épée ».

Or le triple principe opératif du « voyage initiatique » dans ses états actuels - qui, d’ailleurs, apparaît comme contradictoire en lui-même - se trouve défini par Nicolas Bonnal de la manière suivante :

1) « La diminution du monde extérieur suppose un accroissement de son espace intérieur. »

2) « Le meilleur gage de la réussite de l’immobilité, comme nous l’a appris Lao Tseu : agir par le non agir. »

« On ne devient un voyageur que lorsque l’on est capable de ne plus se remuer. »

3) « Le voyage perpétuel du cosmos et de tous les éléments reflète celui de certaines réalités divines dont le déplacement traduit les effets et le retour vers la transcendance. Rien n’a de fin, rien ne prouve donc la corruption du monde ; celui-ci ne fait que passer sans fin d’un état à l’autre. »

« Comment le voyage prendrait-il fin, alors que son but est infini et que l’on ne dépasse jamais une station sans que n’en apparaisse aussitôt une autre ? »

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La perspective dans laquelle Nicolas Bonnal situe l’aventure apparemment immobile de son « voyageur éveillé » n’est de toute évidence pas, on s’en rend vite compte, celle du moderne « tourisme de masse », ou celle de l’expérience personnelle des voyageurs estivaux aveuglément engagés dans leurs circuits de dépaysement factice et non-significatifs. Nicolas Bonnal, lui, persiste à considérer le « voyage » suivant les dispositions religieuses et spirituelles du « voyageur ». Son livre est donc celui d’un voyage transcendantal, essentiellement subversif par rapport à l’actuelle mentalité d'un monde dont le centre de gravité se trouve déjà dans l’« anti-monde ».

Les conseils de voyage de Nicolas Bonnal ne sauraient donc être qu’autant de propositions subversives visant à la libération, ou au renversement révolutionnaire de la réalité, des réalités actuelles de ce monde en perdition, dont il s’entend à utiliser à contre-courant les pièges mortels et les permanentes mises en délégitimation, à retourner contre elles-mêmes les servitudes nocturnes et anéantissantes de l’actuel état de chaos dans lequel nous nous trouvons tenus en otages. Le voyageur initiatique, le « voyageur éveillé » de Nicolas Bonnal est en réalité un combattant clandestin de la guerre d’avant- garde menée, contre lui-même, par un monde crépusculaire, en voie d’extinction. Une extinction qui lui est imposée de force, de l’extérieur de lui-même, par l’œuvre négative et fondamentalement criminelle de la conspiration ontologique finale au service du non- être et du chaos qui s’est emparée de l’actuel pouvoir politico- historique planétaire.

Car c’est bien contre le néant et le chaos que se trouvent livrées les actuelles batailles des derniers noyaux survivante de la conscience occidentale de l’être mobilisés face à la marée montante du chaos. A telle enseigne que – fait extraordinairement symbolique - l’actuelle centrale politico-militaire américaine chargée de planifier idéologiquement la grande stratégie impériale planétaire des États- Unis en est venue à définir ses futures armées comme des « armées anti-chaos ». Ce qui, d’ailleurs, semblera d’autant plus paradoxal qu’à l’heure présente c’est bien Washington qui constitue l’épicentre suractivé et suractivant de l’actuelle montée planétaire du chaos, que ce sont précisément les forces armées de la « Superpuissance Planétaire des États-Unis » qui constituent le corps de bataille des puissances du chaos en marche.

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Tout en ne l'affirmant pas très ouvertement, on sent que la grande idée directrice de Nicolas Bonnal serait celle d’identifier la tourisme actuel, en tant que psychopathologie progressive de masse, à une forme de pèlerinage dégénéré, outrageusement « laïcisé », ayant perdu toute relation consciente avec ce que l’entreprise effective des « grands pèlerinages » pouvait signifier au sein d’une société traditionnelle, ou gardant ne serait-ce que des traces débiles d’une emprise traditionnelle désormais révolue.

Dans la conjoncture fondamentalement négative qui est celle d’une actualité de ce monde se dévoilant de plus en plus comme étant appelée à faire la fermeture d’un cycle déjà révolu, la gesticulation paranoïaque de ce que l’on doit appeler le « tourisme planétaire » en est venue à une forme d’anti-pèlerinage, de renversement du sens même du pèlerinage, qui exhibe désormais non pas une marche vers le centre, mais au contraire, un éloignement sans fin de celui-ci, l’abandon répulsif de son propre centre. Cet anti-pèlerinage, c’est bien ce qui constitue la malédiction propre de la terrible impuissance d’être d’un monde qui ne se fait plus qu’en se défaisant, dont la démarche d’état s’éprouve dans l’éloignement permanent, suicidaire, par rapport à son centre qui n’est plus reconnu comme tel, dont l’espace intime n’est que l’anti-espace manifestant sa propre impuissance de retour à soi-même. Et nous n’ignorons pas ce que tout cela signifie.

Cependant, il ne faut pas non plus ignorer que c’est aussi dans le devenir même de cette suprême déréliction finale que réside la rupture paroxystique de l’état d’un monde qui, en se défaisant d’une manière de plus en plus avancée, de plus en plus accélérée, doit finir par approcher d’une dernière limite, à partir de laquelle il risque de ne plus rien en rester, mais qui est aussi, de par cela même, très précisément la limite du renversement final des termes, du commencement d’un nouveau cycle d’évolution de signe absolument opposé au cycle ainsi révolu.

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Saint-Guidon (à Anderlecht).

Or c’est bien de ce concept de « limite du renversement final des termes » que prend naissance, et dépend ce que Nicolas Bonnal appelle, lui, la « contre-destination touristique », par laquelle se dévoilent à nous les territoires à rebours des régences occultes de l’être. Le « grand secret » du voyage initiatique est sans doute là.

Nicolas Bonnal : « À ce moment la contre-destination échappe à toute projection intellectuelle, à tout projet touristique. Et comme dans une carte aux trésors, on apprend à lire dans une carte routière pour déceler des pépites inconnues. C’est comme cela que l’on peut redécouvrir la France : nous avons évoqué un Orient de proximité en parlant de l’Allemagne (Metternich disait bien que l’Asie commence à Vienne), et nous avons cité l’Île-de-France. Or il semble que Nerval, quand il a écrit ses plus beaux textes, rêve d’une France endormie comme une belle, reliée au passé des Valois, d'une France révolutionnaire c’est-à-dire revenue à ses origines. Et il la trouve à quelques kilomètres de Paris, de ce Paris "vulcanisé" défini par Balzac et qui a peu à envier au nôtre.

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Nerval invente le voyage initiatique virtuel : celui qui redonne à un lieu oublié ou profané par l’industrie ses lettres de noblesse. À Mortefontaine, Compiègne ou Senlis, dans les forêts traversées par Sylvie et l’ombre d’Aérienne (le Sud grec et le Nord germanique), il reste encore possible de rêver d’une destination épargnée et pure. En ce sens Sylvie est le guide de voyage par excellence, comme Le Grand Meaulnes. Ce sont les guides de la contre-destination touristique. » Et là, Nicolas Bonnal ajoutera que « les voyages des prophètes permettent à l’homme de repasser par tous les degrés de son être psychique et spirituel. » Car, dit-il aussi, « tout est correspondance : le ciel et la terre, le supérieur et l’inférieur, les cieux et la terre d’un côté, l’homme de l’autre. » Ainsi, « les sept cieux peuvent-ils se lire comme les sept facultés de la perception et de l’intelligence ; les sept terres, comme les sept couches des corps. Par-delà cette relation voyageuse entre le macrocosme et le microcosme, les sept planètes réfléchissent dans le monde céleste les lumières des sept principaux attributs divins. »

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Mais il faut surtout savoir prendre en compte les pages réellement éblouissantes que Nicolas Bonnal consacre à l'Alhambra de Grenade, dont il semble avoir fini par déceler la vocation suprêmement polaire. Une vocation polaire assez mystérieusement étrangères à ses premières origines. « L’Alhambra est la gardienne du Graal », affirme Nicolas Bonnal. Et aussi : « L’Alhambra enivre définitivement. Il faut donc rester dans l’Alhambra. »

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Les douze lions de l’Alhambra, précise Nicolas Bonnal, « représentent les douze soleils du zodiaque, les douze mois qui dans l’éternité existent de façon simultanée. »

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Mais à Grenade, il n’y a pas seulement l’Alhambra, il y a aussi la cathédrale de Grenade, hallucinant vaisseau de pierre en élévation cosmogonique, polaire, au sujet duquel Antonio Enrique a fait paraître, en 1986, un livre de six cents pages qu’il faut tenir pour tout à fait décisif, j’entends révélateur, et qui confère, à ceux qui puissent vraiment en prendre connaissance, des grands « pouvoirs secrets », des grands « pouvoirs spéciaux ». Dont il faut savoir faire l’usage prévu depuis longtemps.

Car le seuil intérieur de la pénétration vécue vers le cœur royal d’une certaine Grenade Polaire se trouve dissimulé à l’intérieur de ce livre d’Antonio Enrique, tout comme c’est dans la cathédrale de Grenade que se trouve situé à demeure le « secret polaire » de l’Alhambra. Là-dessus, il ne faut pas avoir le moindre doute, cela se sait par les « anciennes voies », que l’on avait cru perdues, et qui n’étaient que très profondément cachées.

A la fin il faudra donc que l’on comprenne que ce n’est quand même pas pour rien que Nicolas Bonnal est allé s’installer dans sa cueva du Sacromonte, calle Aguas de l’Albaicin à Grenade.

Nous ne sommes certes pas très nombreux encore, « nous autres ». Mais assez, cependant, pour que quelqu’un des nôtres puisse se trouver significativement placé, en poste de garde et de veille, à chaque endroit prédestiné, pour qu’il soit en état d’assumer, de canaliser une continuité occulte, ancienne et régulière de l’état de dédoublement abyssalement polaire du monde qui au-delà de ce monde est en réalité le « vrai monde ».

D’ailleurs, c’est bien là que réside actuellement le « travail spécial » des nôtres ; arriver à pourvoir l’ensemble des points de veille occulte détenus - ou qui devraient être détenus - au sein de ce monde-ci, de manière à ce qu’en dédoublant ainsi la réalité visible de celui-ci il nous soit loisible d’en contrôler les états et les souffles, depuis l’invisible.

Ce que Nicolas Bonnal a donc été chargé de faire, d’exacerber et de porter en avant à l’Alhambra de Grenade, d’autres de chez nous le font, en même temps et de la même manière, en maints endroits prédestinés de ce monde qui n’est pas ce monde.

Commentaires

Épuisants délires livresques. Logorrhée démentielle de ce fou, Parvulesco. La Roumanie n'aurait pas dû laisser ce type s'éloigner de l'asile psychiatrique où il était si bien à sa place.
"C'est ce qui se vend", m'a dit jadis Robert Steuckers.
J'ai alors gravement compris la cinglante imbécillité du lectorat dégénéré de tous ces freluquets néo-droitiers, communiant dans leur haine radicale de la vérité et de la réalité, resassant ensemble leurs âneries d'andouilles obscurantistes.

Écrit par : Gaston | lundi, 17 février 2025

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