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samedi, 13 décembre 2025

La logique cynique de la stratégie de sécurité des États-Unis – L'Europe paie la facture

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La logique cynique de la stratégie de sécurité des États-Unis – L'Europe paie la facture

Markku Siira

Source: https://geopolarium.com/2025/12/09/yhdysvaltojen-turvalli...

La nouvelle stratégie nationale de sécurité des États-Unis (National Security Strategy, novembre 2025) ne modifie pas les grandes lignes de la politique étrangère et de sécurité, mais elle abandonne leur déguisement idéalisé et exprime les choses de manière exceptionnellement directe. La rhétorique précédente, qui prônait la diffusion mondiale de la démocratie et les interventions, a été remplacée par une politique réaliste froide, qui place la souveraineté, la puissance économique et les intérêts américains au centre.

Le message principal est simple: sous Trump, les États-Unis se concentrent principalement sur le renforcement de leur puissance, de leur économie et consolident leur contrôle sur les régions voisines, révélant ainsi une version moderne de la doctrine Monroe. L’ordre mondial ne sert Washington que dans la mesure où il soutient ces priorités internes. La stratégie décrit le monde comme un jeu de somme zéro, quoique compétitif, dans lequel les alliés ne sont utiles que s’ils prennent leur part — de préférence celle que les États-Unis eux-mêmes ont fixée.

La menace principale, et en même temps le défi, se trouve dans la région indo-pacifique. La Chine est clairement désignée comme le principal adversaire, dont la montée économique et militaire menace la position de leader mondial de l’Amérique. Selon la stratégie, la réponse n’est pas une confrontation militaire directe, mais une dissuasion systématique: strangulation technologique, restrictions à l’exportation, renforcement du réseau d’alliés et rapatriement des chaînes de valeur critiques.

Par ailleurs, la stratégie met en garde contre la propagation de l’influence chinoise en Amérique du Nord, en Afrique, et justifie un contrôle plus strict de l’Amérique sur son propre continent. La sécurité aux frontières, les cartels de drogue et l’ingérence étrangère sont considérés comme des questions fondamentales relevant de la sécurité nationale. Tout cela signifie un déplacement clair des ressources vers le Pacifique et vers l'arrière-cour des États-Unis, hors d’Europe et du Moyen-Orient.

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L’Europe est traitée de manière ferme mais calculée. Le continent est décrit comme souffrant d’une démographie déclinante, d’une immigration incontrôlable, de divisions internes et de dépenses de défense chroniquement faibles. Le document insiste sur le fait que l’Europe doit désormais assumer la principale responsabilité de sa propre sécurité. Cela implique la réalisation de l’objectif de dépenses militaires de 5% du PIB d’ici 2035, ainsi que la prise en charge principale du financement et des garanties de sécurité pour la guerre en Ukraine.

Voici le cœur cynique de la stratégie: les États-Unis créent délibérément une atmosphère d’incertitude pour amener l’Europe à accepter ce fardeau économique historique. La menace de réduire le soutien de l’OTAN et de souligner la faiblesse européenne obligent les Européens à réduire leurs services publics pour financer un conflit qui sert la grande stratégie des États-Unis. Une contradiction flagrante renforce cette manipulation: les actions américaines, telles que le rapatriement des chaînes de valeur et la compétition énergétique, sape en même temps l’économie européenne, qui doit supporter ces énormes dépenses militaires.

Les États-Unis proposent donc à l’Europe une position encore plus subordonnée qu'auparavant dans le système d’alliances. L’objectif est de geler le conflit ukrainien et de clouer la Russie à la frontière, faisant de l’Europe une zone tampon géostratégique. Parallèlement, les Etats-Unis concentreront leurs ressources militaires et économiques principalement sur la Chine, laissant aux alliés une simple protection nucléaire formelle. Les coûts réels de la gestion du conflit et de la défense européenne sont transférés entièrement à Bruxelles, Berlin et Paris.

Le plus grand point faible de cette nouvelle stratégie est sa myopie et ses contradictions. L’Amérique de Trump veut se retirer du rôle de policier mondial, tout en conservant le droit de fixer les règles. Cette attitude de leadership sans responsabilité, cette vision transactionnelle des alliés et cette mentalité de somme zéro affaiblissent à long terme les réseaux d’alliances sur lesquels repose l’influence américaine. Si la coopération se réduit à un accord de partage des coûts, la loyauté s’évanouit. Une realpolitik trop froide peut se retourner contre elle: elle engendre rancune et éloignement stratégique, affaiblissant ainsi la position des États-Unis.

Les dirigeants et citoyens européens peuvent-ils voir au-delà de la rhétorique superficielle de l’administration Trump? Le but est que l’Europe supporte les coûts de cette mise en scène géopolitique contre la Russie, alors que Washington se concentre principalement sur son principal adversaire, la Chine. Si cela n’est pas compris et si cela n’est pas abordé politiquement, l’Europe pourrait se réveiller dans les années 2030 dans une situation où elle aurait sacrifié son économie, son avenir et ses réserves énergétiques à un conflit qui n’a jamais été dans ses intérêts. À ce moment-là, ceux qui paieront la facture constateront que le mantra « America First » signifiait en réalité « Europe Last ».

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