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mercredi, 17 décembre 2025

Actifs russes: décision à Bruxelles, responsabilité à Berlin

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Actifs russes: décision à Bruxelles, responsabilité à Berlin

Elena Fritz

Source: https://t.me/global_affairs_byelena   

Le débat sur les actifs russes gelés est moins complexe juridiquement qu’il n’y paraît. La chaîne de responsabilité (liability) est claire — mais est délibérément dissimulée par le monde politique.

En réalité, les décideurs européens savent (https://europeanconservative.com/articles/commentary/de-w...) qu’une expropriation ouverte des actifs russes — en particulier des fonds détenus chez Euroclear en Belgique — serait contraire au droit international. Le principe de l’immunité des États (par in parem non habet imperium) reste en vigueur, car aucun État membre de l’UE n’est formellement en état de guerre avec la Russie. C’est pourquoi la Commission européenne, sous Ursula von der Leyen, opte pour une échappatoire: les actifs ne seront pas saisis, mais utilisés comme garanties pour des prêts de l’UE à l’Ukraine.

Juridiquement, cette astuce ne change pas grand-chose. Les recours de la Russie seraient prévisibles — et auraient de bonnes chances de succès. La question cruciale est de savoir qui sera alors responsable: non pas la Commission, non pas les responsables politiques, mais les États membres.

L’Allemagne serait particulièrement touchée.

En tant que plus grand contributeur net et garant du budget de l’UE, la République fédérale devrait supporter de manière disproportionnée les remboursements, intérêts et éventuelles demandes de dédommagement. La décision politique se prend à Bruxelles — Berlin en assume la responsabilité fiscale.

Il y a aussi le cas particulier belge : puisque l’argent est chez Euroclear, la Belgique serait formellement le principal destinataire des recours, mais ne pourrait jamais payer seule la somme à rembourser. La responsabilité serait européanisée — et répartie entre tous les contribuables.

Le calcul politique est évident: acheter du temps pour continuer la guerre en Ukraine, tout en reportant les conséquences juridiques et financières à l’avenir — à un moment où les responsables actuels ne détiendront plus aucune responsabilité.

L’analogie dans l’original est révélatrice: l’UE tolère depuis des décennies l’occupation illégale du Nord de Chypre par la Turquie, sans confisquer les actifs turcs. Cela démontre clairement qu'il ne s’agit pas de justice ou de droit, mais de pouvoir et de pragmatisme.

Conclusion :

- L’utilisation des actifs russes est un transfert délibéré de responsabilité.

- Décision : Commission européenne.

- Approbation : États membres au Conseil.

- Responsabilité : budgets nationaux.

- Principal contributeur : le contribuable allemand.

#géopolitique@affaires_mondiales_byelena

La Commission Trilatérale a créé l’Occident contemporain

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La Commission Trilatérale a créé l’Occident contemporain

Giacomo Gabellini

Source: https://telegra.ph/La-Commissione-Trilaterale-ha-creato-l...

Comment le modèle économique moderne a été créé

Lorsque, en 1973, ils ont créé la Commission Trilatérale, les fondateurs David Rockefeller, Zbigniew Brzeziński et George Franklin aspiraient à établir un organisme transnational destiné à consolider l’ordre international dirigé par les États-Unis et à atténuer les tensions émergentes entre les membres de la « triade capitaliste » – composée des États-Unis, de l’Europe occidentale et du Japon – dues à la croissance économique européenne et japonaise, ainsi qu’à l’intensification de la concurrence inter-capitaliste déclenchée par la crise pétrolière. Vers le milieu des années 70, le groupe de réflexion publia, parmi d’autres, une étude affirmant qu'«une initiative conjointe Trilatérale-OPEC, mettant à disposition plus de capitaux pour le développement, serait conforme aux intérêts des pays trilatéraux. Dans une période marquée par une croissance stagnante et une augmentation du chômage, il est évidemment avantageux de transférer des fonds des États membres de l’OPÉC vers les pays en développement pour qu’ils absorbent les exportations des nations représentées au sein de la Commission Trilatérale».

81hJg8g71eL._SL1500_-1368073077.jpgDans un autre document datant de la même période, il est écrit que: «l’objectif fondamental est de consolider le modèle basé sur l’interdépendance [entre États], afin de protéger les avantages qu’il garantit à chaque pays du monde contre les menaces extérieures et intérieures, qui proviendront constamment de ceux qui ne sont pas disposés à supporter la perte d’autonomie nationale que comporte le maintien de l’ordre en vigueur. Cela pourra parfois nécessiter de ralentir le rythme du processus de renforcement de l’interdépendance [entre États] et d’en modifier les aspects procéduraux. La plupart du temps, cependant, il faudra s’efforcer de limiter les ingérences des gouvernements nationaux dans le système de libre-échange international des biens, qu’ils soient économiques ou non économiques. »

L’objectif des trilatéralistes était donc de transformer la planète en un espace économique unifié, impliquant l’établissement de liens étroits d’interdépendance entre États, et comme le précise une étude fondamentale sur le sujet, «la restructuration de la relation entre le travail et la gestion en fonction des intérêts des actionnaires et des créanciers, la réduction du rôle de l’État dans le développement économique et le bien-être social, la croissance des institutions financières, la reconfiguration de la relation entre secteurs financiers et non financiers en faveur des premiers, l’établissement d’un cadre réglementaire favorable aux fusions et acquisitions d’entreprises, le renforcement des banques centrales à condition qu’elles se consacrent d’abord à garantir la stabilité des prix, et l’introduction d’une nouvelle orientation générale visant à drainer les ressources de la périphérie vers le centre». Sans oublier la baisse des impôts sur les revenus les plus élevés, sur le patrimoine et sur le capital, afin de libérer des ressources pour les investissements productifs et mettre fin au déclin préoccupant de la part de richesse totale — mesurée en propriété combinée d’immobilier, d’actions, d’obligations, de liquidités et d’autres biens — détenue par le 1 % le plus riche de la population, atteignant ses niveaux les plus bas depuis 1922.

Une donnée significative, en partie imputable au renversement historique de l’architecture fiscale mise en place avant la crise de 1929 par l’administration Coolidge — et en particulier par son secrétaire au Trésor Andrew Mellon —, et opéré par Franklin D. Roosevelt. La contraction des revenus perçus par les classes les plus aisées était étroitement liée à la baisse tendancielle des profits des entreprises, qui, comme Karl Marx l’avait compris, se produit chaque fois qu’il y a un durcissement de la concurrence inter-capitaliste. En l’occurrence, l’augmentation astronomique des investissements et de la productivité réalisée par l’Europe occidentale et le Japon n’était pas seulement supérieure à celle capitalisée par les États-Unis, mais avait aussi été réalisée dans un contexte caractérisé par une faible inflation, un taux élevé d’emploi et une hausse rapide du niveau de vie. Pendant un certain temps, la baisse du taux de rémunération résultant de la compétition accrue entre les États-Unis, l’Europe occidentale et le Japon était compensée par l’augmentation vertigineuse de la masse des profits industriels générés par le boom économique, mais à partir du milieu des années 60, cette marge avait commencé à diminuer progressivement en raison de l'exacerbation supplémentaire de la compétition inter-capitaliste, combinée à la hausse généralisée des salaires et au renforcement des syndicats. D’autre part, le krach de Wall Street, survenu entre 1969 et 1970, avait porté un coup sévère aux tendances spéculatives, déclenchant une spirale négative qui allait perdurer au moins jusqu’à la fin 1978, avec la liquéfaction d’environ 70% des actifs détenus par les 28 principaux hedge funds américains.

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Ce phénomène attira l’attention de Lewis Powell (photo), juge de la Cour suprême avec une carrière d’avocat pour les multinationales du tabac, qui, en août 1971, envoya une célèbre lettre au fonctionnaire de la Chambre de commerce américaine Eugene B. Sydnor. Intitulé Attack of the American free enterprise system (L’attaque du système de libre entreprise américain), Powell y déplorait l’attaque idéologique et axiologique menée contre le système des entreprises par «l’extrême gauche, qui est beaucoup plus nombreuse, mieux financée et mieux tolérée que jamais dans l’histoire. Ce qui surprend, c’est que les voix les plus critiques viennent d’éléments très respectables, issus des universités, des médias, du monde intellectuel, artistique et même politique […]. Près de la moitié des étudiants soutiennent également la socialisation des industries américaines fondamentales, à cause de la propagation à grande échelle d’une propagande fallacieuse qui mine la confiance du public et le confond». Le juge déclara alors qu’il était désormais «temps pour le secteur privé américain de se mobiliser contre ceux qui veulent le détruire […]. [Les entreprises] doivent s’organiser, planifier à long terme, s’auto-discipliner pour une période indéfinie et coordonner leurs efforts financiers dans un objectif commun […]. La classe entrepreneuriale doit tirer des leçons des enseignements du monde du travail, à savoir que le pouvoir politique représente un facteur indispensable, à cultiver avec engagement et assiduité, et à exploiter de manière agressive […]. Ceux qui défendent nos intérêts économiques doivent aiguiser leurs armes […], exercer des pressions fortes sur tout l’establishment politique pour en assurer le soutien, et frapper sans délai les opposants en s’appuyant sur le secteur judiciaire, de la même manière que l’ont fait dans le passé les extrêmes, les syndicats et les groupes de défense des droits civiques […], capables d’obtenir d’importants succès à nos dépens».

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Le passage le plus significatif de la lettre est cependant celui où Powell insiste sur la nécessité de prendre le contrôle de l’école et des grands médias, considérés comme des outils indispensables pour «modeler» l’esprit des individus et créer ainsi les conditions politico-culturelles pour la reproduction perpétuelle du système capitaliste. Manifestement, Powell n’avait pas échappé aux réflexions formulées par Marx et Gramsci sur le concept d’«hégémonie», qui s’exerce beaucoup plus efficacement par une manipulation habile des appareils éducatifs et médiatiques que par la coercition. Selon lui, il fallait en effet convaincre les grandes entreprises de consacrer des sommes suffisantes pour relancer l’image du système par un travail raffiné et minutieux de «construction du consensus», auquel des professionnels bien rémunérés devraient s’appliquer. «Nos présences dans les médias, lors de conférences, dans le monde de l’édition et de la publicité, dans les tribunaux et les commissions législatives devront être inégalées dans leur précision et leur niveau exceptionnel».

Un autre aspect crucial concerne la mise en place d’une collaboration avec les universités, préalable à l’intégration dans ces institutions de « professeurs qui croient fermement au modèle entrepreneurial […] [et qui, selon leurs convictions, évaluent les manuels scolaires, notamment en économie, sociologie et sciences politiques]». En ce qui concerne l’information, «les télévisions et radios devront être constamment contrôlées avec la même rigueur utilisée pour l’évaluation des manuels universitaires. Cela s’applique particulièrement aux programmes d’analyse approfondie, dont certains critiques très insidieux au système économique […]. La presse devra continuellement publier des articles qui soutiennent notre modèle, et même les kiosques devront être impliqués dans le projet».

51Bnno8tfiL._SL350_-2432139447.jpgL’autre document de référence, complémentaire au mémorandum de Powell, dont s’inspirèrent les trilatéralistes, fut The Second American Revolution de John D. Rockefeller III, un véritable manifeste idéologique publié par le Council on Foreign Relations en 1973, dans lequel il était proposé de limiter drastiquement le pouvoir des gouvernements à travers un programme de libéralisation et de privatisation, visant à déposséder les autorités publiques de certaines de leurs fonctions régulatives fondamentales, et à revenir aux politiques keynésiennes en vigueur depuis le New Deal, dans une optique de retour au modèle darwinien et fortement déréglementé, jusqu’à l’arrivée au pouvoir de Franklin D. Roosevelt.

La mise en œuvre des plans trilatéraux, favorisée par la prolifération des fondations (l’activisme des fondations du Midwest, dirigées par les familles Olin, Koch, Richardson, Mellon Scaife et Bradley, aurait été particulièrement incisif) et par l’application pratique d’un ensemble de mesures indiquées dans un rapport impressionnant sur la « crise de la démocratie » rédigé par les politologues Samuel Huntington, Michel Crozier et Joji Watanuki pour le compte de la Commission, fut menée sous la présidence de Jimmy Carter. C’est-à-dire le candidat démocrate vainqueur des élections de 1976, grâce à une campagne médiatique massive centrée sur la responsabilité de l’administration publique face à une série de problématiques qui secouaient les États-Unis, notamment l’inefficacité causée par une bureaucratie excessive et les « ingérences » dans la vie économique, nuisibles à la pleine valorisation des potentialités économiques du pays. Significativement, dans l’administration Carter, 26 membres de la Commission Trilatérale furent recrutés, dont Walter Mondale (vice-président), Cyrus Vance (secrétaire d’État), Harold Brown (secrétaire à la Défense), Michael Blumenthal (secrétaire au Trésor) et Zbigniew Brzezinski (conseiller à la Sécurité nationale).

18:44 Publié dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, commission trilatérale, mondialisme | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Retour aux idées du mouvement MAGA, contre l’UE - La nouvelle « stratégie nationale » de la Révolution conservatrice américaine

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Retour aux idées du mouvement MAGA, contre l’UE

La nouvelle « stratégie nationale » de la Révolution conservatrice américaine

Alexandre Douguine

Dans l’émission Escalation de Radio Sputnik, Alexandre Douguine accueille la nouvelle Stratégie de Sécurité Nationale des États-Unis comme un retour à MAGA et à un « ordre des grandes puissances », promettant un retrait de l’interventionnisme mondialiste et déclenchant un tsunami destiné à faire s’effondrer la dernière tentative de croisade libérale de l’UE.

Animateur de Radio Sputnik, Escalation: Commençons par le document qui fait actuellement l’objet d’un débat enflammé en Russie, en Europe, et même en Chine. Je parle de la nouvelle Stratégie de Sécurité Nationale des États-Unis. En particulier, les médias suisses déclarent carrément que ce texte fait en grande partie écho au discours de Munich de notre président Vladimir Vladimirovitch Poutine. Alexandre Gelyevitch, selon vous, est-ce vraiment le cas ?

Alexandre Douguine: Vous savez, avec la publication de cette Stratégie de Sécurité Nationale américaine, nous assistons une fois de plus à l’oscillation emblématique de Trump entre le camp MAGA et les néoconservateurs — oscillation dont nous parlons constamment dans nos programmes et que nous suivons de près. Et on peut dire sans détour : la doctrine actuelle a été rédigée spécifiquement au nom de MAGA. C’est la véritable doctrine « Make America Great Again », la voix des opposants résolus au mondialisme et des critiques sévères des thèses néoconservatrices, le noyau même qui a permis à Trump de remporter l’élection.

En substance, cette stratégie est très proche de ce que j’appelais dans mon livre l’«ordre des grandes puissances».

De nos jours, ce terme se fait de plus en plus entendre dans l’espace public — l'«ordre des grandes puissances». Cela signifie que l’Occident ne se considère plus comme le garant de la démocratie, ne s’engage pas dans la diffusion des valeurs libérales, ne se sent pas responsable de toute l’humanité, et ne se voit pas comme faisant partie d’un espace unique avec l’Europe. L’Amérique est désormais seule. Elle aspire toujours à la grandeur, au développement et à la domination, mais elle définit clairement le territoire de cette domination — principalement l’hémisphère occidental, les deux Amériques. C’est de là que vient l’expression «corollaire à la doctrine Monroe». Un corollaire est une addition, un développement d’un certain projet géopolitique, et ce corollaire de Trump est, en essence, l’ordre des grandes puissances.

Que disent Trump et ses soutiens dans ce document ? L’Amérique se préoccupe principalement de deux continents: l’Amérique du Nord (y compris, si vous voulez, le Groenland comme une extension naturelle de l’Alaska) et toute l’Amérique du Sud. C’est leur zone, et ils se la réservent sans condition. Quant au reste du monde, la principale thèse mondialiste selon laquelle la Russie et la Chine sont les principaux adversaires stratégiques a disparu. De telles formulations n’existent plus. La Russie est évoquée de manière plutôt neutre, voire amicale — comme un partenaire potentiel. La Chine est considérée comme une concurrente économique sérieuse et une menace relative, mais plus comme un ennemi au sens traditionnel. L’intervention dans les affaires du Moyen-Orient et dans d’autres zones eurasiennes sera quasiment nulle. L’Afrique a été déclarée zone indifférente, et l’Inde n’est pas du tout mentionnée — c’est-à-dire qu’elle n’est plus considérée comme un partenaire stratégique.

Le résultat est un monde véritablement multipolaire. Trump déclare ouvertement: oui, nous restons la plus grande puissance, nous maintiendrons et affirmerons notre hégémonie, mais nous allons la réduire considérablement. Le rejet de l’agenda mondialiste ouvre objectivement la voie à d’autres pôles — la Russie, la Chine, l’Inde — pour s’affirmer pleinement. Quant au reste, Trump dit simplement : je m’en fiche, créez vos propres pôles ou pas, comme vous le souhaitez. Bien sûr, l’hégémonie américaine reste extrêmement méfiante envers les BRICS et envers toute consolidation d’autres civilisations. Ce corollaire de la doctrine Monroe constitue un défi direct à toute l’Amérique latine, qui sera contrainte de chercher une stratégie commune pour éviter la domination totale des Etats-Unis sur son continent. La même logique s’applique à l’Afrique.

En réalité, il s’agit d’une stratégie profondément anti-européenne. La solidarité atlantique n’est évoquée qu’avec sarcasme et mépris. Elle propose de «partager le fardeau» des dépenses militaires de l’OTAN: l’Amérique renonce à sa responsabilité première en Europe, en laissant seulement quelques positions clés. C’est, en essence, la fin de l’atlantisme en tant que tel. L’Europe doit désormais penser par elle-même et créer son propre pôle civilisateur.

Cette doctrine reflète l’approche même du mouvement MAGA grâce à laquelle Trump est arrivé au pouvoir. Ensuite, il s’en est très fort éloigné: il ne s’est pas vraiment impliqué dans le conflit ukrainien, l’a couvert d’un faux-fuyant plutôt que de proposer une solution réelle, a bombardé l’Iran, a soutenu de façon radicale Netanyahu — il s’est considérablement éloigné de son programme initial. Et dans cette stratégie nouvelle, il revient à ses racines : un retour aux principes du mouvement MAGA.

Il n’est pas surprenant que le document ait provoqué une véritable panique chez les mondialistes — aussi bien en Europe qu’aux États-Unis eux-mêmes. Ils hurlent sur un ton hystérique: qui a écrit ça ? Si la première doctrine de Trump a été rédigée par des néoconservateurs et des mondialistes — Pompeo, Bolton, Pence — maintenant, elle est en train d’être écrite par de véritables supporters de MAGA: Hicks, Vance, Miller. Le paradigme a complètement changé. C’est un réalisme émergent — agressif, hégémonique, mais néanmoins réaliste. L’idée de promouvoir les valeurs libérales a été rejetée une fois pour toutes.

L’Amérique devient une puissance militaire et politique concrète, clairement délimitée, avec des intérêts évidents qu’elle défendra bec et ongles dans son hémisphère. Quiconque se retrouve à mettre des bâtons dans les roues aura des ennuis. Mais il n’est plus question de libéralisme, de démocratie ou de droits de l’homme. America First — point final. Objectivement, le monde multipolaire dont notre président parlait dans son discours de Munich, rejetant les prétentions occidentales à l’universalité et au mondialisme, est désormais en grande partie déclaré par Trump lui-même. Reste à savoir si le successeur de Trump, par exemple Vance, pourra maintenir cette ligne après  Trump qui aura alors plus de 80 ans. Ou si, après tout, les néoconservateurs reviendront à l'avant-poste. Pour l’instant, c’est une déclaration de guerre — pas contre nous, mais contre l’élite libérale-globale mondiale.

Animateur: En parlant de l’Ukraine, on entend actuellement dire que Trump n’est pas content du fait que Zelensky ne semble pas accepter son plan de paix. Le fils de Trump suggère même qu’au milieu de toutes ces histoires de corruption, l’Amérique pourrait cesser complètement son implication dans le conflit ukrainien dans les mois à venir. Quelle est la crédibilité de cette hypothèse?

Alexandre Douguine : Le plan que Trump promeut actuellement est précisément celui qui nous convient. Nous lui avons expliqué très clairement: ce qui est acceptable pour nous et avec quoi nous ne pouvons en aucun cas avoir de rapport. Cependant, ce que nous lui avons expliqué et qu’il a apparemment accepté ne sera pas une victoire totale pour nous. Malheureusement, c’est encore un compromis. Ce n’est pas une défaite — en aucun cas — mais ce n’est pas non plus une victoire dans le sens profond du terme. On peut l’appeler une certaine réussite, on peut l’appeler une humiliation de l’Occident idéologique, et c’est indubitablement une défaite personnelle et finale pour Zelensky — mais ce n’est en aucun cas la fin de l’Ukraine en tant que projet, ni la fin de l’Occident en tant que force civilisatrice.

Trump a parfaitement compris cela. Il a compris l’essentiel: s’il veut vraiment sauver l’Ukraine — c’est-à-dire sauver la tête-de-pont de l’anti-Russie, la tête-de-pont russophobe qui s’est construite contre nous depuis tant d’années — il doit immédiatement accepter nos propositions. Pour les mondialistes, pour les Européens, et bien sûr pour Zelensky lui-même, cela représentera une défaite sérieuse et douloureuse. Mais pour l’Ukraine elle-même, cela ne sera pas le cas. L’Ukraine sera sauvée. Et elle sera sauvée dans la but même pour lequel elle a été créée: en tant qu’anti-Russie. Et c’est Trump qui la sauve, en sacrifiant Zelensky et toute une cohorte d’idiots européens qui ne peuvent toujours pas croire à ce qui se passe.

Si Trump, ayant fait tout ce qui était en son pouvoir, se retire simplement du conflit et le laisse à l’Europe et à l’Ukraine — ce qu’il a d’ailleurs laissé entendre à plusieurs reprises, voire dit très ouvertement — ce serait la véritable option idéale pour nous. Oui, nous devrions encore lutter — peut-être longtemps et avec beaucoup de difficulté — mais alors, nous aurions la vraie perspective d’une victoire authentique, complète et irréversible. Toute trêve que nous pourrions conclure maintenant n’est qu’un répit provisoire, et très court. Ni l’Ukraine, ni l’Union européenne, ni même les États-Unis ne continueront à respecter cette trêve une fois qu’ils sentiront qu’ils ont même la moindre possibilité de la violer à nouveau.

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Animateur: Si Trump décide de s’attaquer au Venezuela, et que nous développons une alliance avec le Venezuela, comment la Russie doit-elle réagir?

Alexandre Douguine: C’est une question difficile. D’un côté, nous avons une alliance avec le Venezuela, et si nous étions plus forts, nous devrions nous engager pleinement dans ce conflit du côté de Maduro contre l’agression américaine. Mais, malheureusement, nous ne sommes pas dans cette position : toutes nos forces sont complètement mobilisées dans la guerre en Ukraine — comme en Syrie et en Iran. Après la victoire, nous nous engagerons sûrement. Mais pour l’instant, hélas, nous sommes entravés.

Animateur: Commençons cette partie du programme par une déclaration du représentant spécial du président russe, Kirill Dmitriev. Il a dit que les meilleurs diplomates de l’Union européenne sont maintenant en panique. C’était son commentaire sur un rapport de la Pologne selon lequel Dmitriev lui-même et l’homme d’affaires américain Elon Musk auraient décidé de diviser l’Europe. Quelle est la raison de ce genre de discussions sur la division de l’Europe ? Pourquoi Musk est-il redevenu plus actif ? Il a pratiquement disparu de la scène publique pendant un certain temps, et maintenant il a repris sa polémique avec l’Union européenne au sujet de la liberté d’expression et des lois européennes. À quoi cela mène-t-il?

Alexandre Douguine : En réalité, ici, comme dans l’adoption de la nouvelle doctrine de sécurité nationale et dans les négociations sur l’Ukraine, nous voyons la même tendance générale — un puissant mouvement vers un retour au projet original du mouvement MAGA. Parce que lorsque Trump est arrivé au pouvoir, il a essentiellement proclamé une refonte complète de toute l’architecture mondiale, et les projets MAGA ont effectivement été lancés. Puis il s’en est éloigné de façon sérieuse et significative. Pendant presque un an — huit, neuf mois — il s’est consacré à des choses complètement différentes: dissimuler les listes d’Epstein, se dérober à la pression énorme exercée par le lobby israélien sur la politique américaine, trahir ses fidèles camarades. En un sens, il a cessé d’être MAGA. Il s’est éloigné de MAGA, à une distance critique. Mais tout cela a commencé exactement comme cela commence maintenant. Et maintenant, il revient — Trump revient, et, par conséquent, Musk revient aussi.

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Parce que Musk a clairement reçu le feu vert pour commencer à démanteler l’Union européenne. Les « meilleurs diplomates » dont nous parlons, qui détiennent le pouvoir dans l’Union, sont des ultra-globalistes, des ennemis absolus et irréconciliables de Trump, les adversaires les plus acharnés de sa ligne, de ses idées, de sa vision du monde et de la société. L’hiver dernier, en janvier de l’année dernière, il y a presque un an, Musk a lancé ces campagnes contre Starmer, en soutien à l’AfD, contre Macron. Et en réalité, Twitter — son réseau, interdit en Fédération de Russie — est devenu une plateforme qui a consolidé l’opposition populiste dans chaque pays européen, la portant de la même manière que Soros a jadis soutenu les mondialistes, mais en miroir, dans la direction opposée. Maintenant, Musk a simplement repris les mêmes tactiques, mais à l’envers. Et il a commencé à faire cela il y a un an: en soutenant l’AfD, en soutenant les opposants à Starmer en Grande-Bretagne, Marine Le Pen, Meloni — tous ceux qui s’opposent à l’Union européenne, à l’establishment européen, et soutiennent le populisme européen, si vous voulez.

Et puis, Musk lui-même a été écarté de son poste chez DOGE, l’agence pour l’efficacité gouvernementale. En résumé, il a rompu avec Trump, et en même temps, Trump lui-même s’est lancé dans des stratégies complètement différentes, que Musk a seulement critiquées. Mais Musk s’est retenu. D’abord, il a commencé à critiquer Trump, puis il a fait une pause. Et il a attendu que les fluctuations du trumpisme entrent à nouveau dans la phase MAGA. C’est-à-dire qu’on revient à MAGA. Nous avons commencé cette émission avec cela: en Amérique, on voit que Trump revient à son plan initial, au Plan A, au plan MAGA. Et, bien sûr, Musk s’est immédiatement impliqué activement dans ce processus et continue de s’attaquer à l’Union européenne.

Cette fois, c’est beaucoup plus sérieux. Je pense que la deuxième tentative de MAGA pour démanteler l’Union européenne sera bien plus décisive et cohérente. Cela est confirmé par la nouvelle stratégie de sécurité nationale et par le comportement de l’Union dans la crise ukrainienne, qui contrecarrent constamment les plans de Trump pour sauver l’Ukraine. En ce moment, toutes les conditions sont réunies pour simplement détruire l’Union européenne. Plus personne ne cache rien. Musk dit ouvertement: plus d’UE, détruisons l’Union européenne. Il a toutes les raisons de le faire: il soutient un projet conservateur-populiste high-tech, que les libéraux au pouvoir veulent empêcher simplement de vivre et de respirer.

Je pense que l’Amérique elle-même, Trump, et son équipe de trumpistes, où MAGA commence à sortir de son coma et à jouer un rôle de plus en plus important, ont effectivement commencé à démanteler l’Union européenne. Il ne faut que l’applaudir et, si possible, pousser ce qui tombe déjà. Si nous avions le pouvoir et l’influence pour agir sur l’Union européenne, je suis sûr que nous pourrions envoyer ces «meilleurs diplomates européens» dans l’oubli, des deux côtés. Parce qu’il est impossible d’imaginer quelque chose de plus répugnant, détestable, agressif, cynique, trompeur, toxique, pourri de l’intérieur et répandant cette pourriture au reste de l’humanité, que l’actuelle Union européenne.

Animateur: Et cette amende que la société X a reçue en vertu de la nouvelle législation européenne n’était qu’un prétexte pour Musk pour relancer sa campagne contre l’Europe. Tout cela s’est en réalité produit à la demande de Trump, puisque cela coïncidait avec la publication de la nouvelle stratégie.

Alexandre Douguine : C’est juste un prétexte, mais cela s’inscrit parfaitement dans la fluctuation générale du cap de navigation choisi par l'actuel pouvoir américain — du MAGA aux néoconservateurs et retour au MAGA. Il y a un an, lorsque notre programme Escalation s’est fixé pour objectif de suivre de près ces fluctuations de la politique américaine, nous avons décrit avec précision la logique de formation du nouveau régime trumpiste, comme il s’avère maintenant: il oscillera constamment entre MAGA, en s'approchant du projet MAGA — c'est-à-dire en préconisant l’ordre des grandes puissances — et en s’en éloignant. Évidemment, je ne m’attendais pas à ce qu’il aille si loin, si honteusement et si longtemps, en repoussant tous ses soutiens les plus proches. Mais Trump est une personnalité vraiment imprévisible. Avec la même facilité qu’il les a repoussés, il les a rassemblés à nouveau. Tout comme il a naguère chassé tout le monde, maintenant il a autorisé tout le monde à revenir. L’amplitude de ces fluctuations s’est révélée complètement différente de ce que nous avions prévu lorsque nous avons formulé nos hypothèses, mais l’essence du processus est exactement celle-ci.

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Et maintenant, je suis convaincu que Musk a simplement utilisé cette amende comme excuse pour se remettre au travail. Trump lui a donné sa bénédiction silencieuse, et leur relation est progressivement en train de se rétablir. Il a été condamné à plus d’une centaine de millions de dollars, mais dans les premières heures qui ont suivi, X — son réseau, interdit en Fédération de Russie — est devenu la plateforme la plus téléchargée dans tous les pays de l’Union européenne. En d’autres termes, il a déjà gagné. Il a réussi à mettre en exergue la véritable attitude des braves Européens envers leurs détestables gouvernements — c’est, en fait, un vote tacite pour ou contre l’Union européenne. Personne ne défend l’Union européenne aujourd’hui sauf les Eurocrates eux-mêmes, sauf cette clique euro-bruxelloise — un ramassis international de maniaques mondialistes et Starmer, qui les a rejoints, qui est également un maniaque absolu. Ces maniaques tentent maintenant fébrilement de supprimer toute dissidence en Europe. Il circule en ce moment un meme : une photo de Starmer avec la légende « Nous avons une liberté d’expression totale. Quiconque remet cela en question sera immédiatement arrêté». C’est à peu près l’état général des Européens aujourd’hui. Et puisque X n’est pas censuré par lui-même, ils essaient de supprimer ce domaine de liberté. Mais derrière Musk et son réseau se trouve le pouvoir des États-Unis d’Amérique, et Trump a maintenant ouvertement soutenu Musk. Hicks l’a soutenu, Vance aussi. Ils ont dit que censurer la liberté d’expression est sans précédent. En fait, c’est un casus belli, une raison de guerre, un conflit diplomatique et politique direct entre les États-Unis et l’Union européenne. Je pense que cette fois, c’est vraiment très sérieux. Bien sûr, on ne peut pas exclure que Trump se retire encore une fois de sa stratégie MAGA.

russia-ambassador-mcfaul-2080130745.jpgPourtant, pour l’instant du moins, nous assistons à une nouvelle et puissante vague de retour à MAGA. Tout se déroule strictement selon le plan. L’Union européenne et les États-Unis — en particulier les États-Unis dans leur ensemble — avancent dans cette direction. Bien sûr, les démocrates, les libéraux et les mondialistes ont un point de vue totalement différent. Ils sont en état de panique, ressentent une véritable terreur. J’ai lu les commentaires de McFaul (photo), l’un des mondialistes et architectes de la politique sur la Russie et l’Ukraine: ce sont simplement des appels terroristes, extrémistes, pour renverser le gouvernement en Russie, pour un changement de régime, etc. Il est un ancien ambassadeur, démocrate, mondialiste — et il est tout simplement devenu hystérique: «ce qui se passe, au lieu de combattre la Russie et la Chine, nous sommes en guerre contre nos principaux alliés en Europe!». Il y a une panique totale — en Europe et chez les mondialistes américains.

C’est sur cette vague que nous surfons actuellement. Et nous pourrions nous réjouir de tout ce qui se passe, sans regard en arrière, s'il n'y avait pas un moment extrêmement problématique pour nous — le plan de paix pour l’Ukraine que Trump promeut. Il ne le fait pas par malveillance; il a simplement son propre agenda, sa propre vision du monde. Il a effectivement exclu la Russie de la liste des principaux ennemis et cibles des campagnes de haine. Nous ne sommes pas fondamentalement importants pour lui; il a d’autres priorités. Et c’est là une différence fondamentale avec l’Union européenne, qui, au contraire, se prépare ouvertement à la guerre contre nous. Il y a eu une vraie scission dans le camp de nos adversaires — et, disons, chez nos ennemis. Si nous avions les outils et la force suffisants pour participer activement à ce processus, je suis convaincu que l’effondrement de l’Union européenne, et la contribution à celui-ci, devraient devenir notre principale tâche étrangère en Europe. Parce que l’humiliation que nous avons subie de la part de l’Union européenne — pas du peuple européen, mais de cette construction euro-bruxelloise — est impossible à pardonner. Ils sont en guerre contre nous; ils financent, arment, soutiennent moralement et politiquement nos ennemis. Ils sont tout simplement l’ennemi. Nous devons appeler un chat un chat: l’Union européenne est un ennemi. A ce titre, elle doit être détruite.

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Et nous voyons que les États-Unis aujourd’hui — en particulier la mouvance MAGA de Trump — ont effectivement commencé à la démanteler. Tout le monde s’est aussitôt écrié: regardez, ils sont avec Poutine ! Je pense qu’ils ont une meilleure opinion de nous que ce que nous sommes réellement. Si nous avions de telles opportunités — des représentants officieux dans toutes les capitales européennes, distribuant des biscuits, soutenant tous ceux qui sont prêts à détruire cette structure — nous pourrions établir d’excellentes relations avec une nouvelle Europe : une Europe des nations, une Europe des traditions, une véritable démocratie européenne, avec sa culture et ses intérêts. Il n’est pas certain qu’elle devienne immédiatement notre alliée automatique — j’en doute beaucoup — mais il faut détruire la pathologie que véhicule l’actuelle Union européenne. L’Union européenne, dans son état actuel, doit être détruite.

«Contre la russophobie», le livre de Guillaume Faye

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«Contre la russophobie», le livre de Guillaume Faye

Par Andrea Falco Profili

Source: https://artverkaro.altervista.org/contro-la-russofobia-il...

Une opération, aussi insidieuse qu’obstinée, est en cours pour neutraliser la pensée de Guillaume Faye en la réduisant à une caricature, qui fait de lui un simple agitateur d’«extrême droite» dans le sens le plus banal du terme, et même, en pratiquant un funambulisme interprétatif grotesque, à un «occidentaliste» et à un russophobe. Quiconque a seulement effleuré superficiellement l’œuvre du penseur français sait à quel point cette narration est mensongère. Pour la démentir définitivement, en rétablissant le Faye authentique, celui de la grande géopolitique, de la vision impériale et de la critique radicale de la civilisation occidentale, arrive aujourd’hui le recueil de textes intitulé Contro la russofobia, dirigé par Stefano Vaj et préfacé par Robert Steuckers.

L’opération éditoriale menée par Vaj pour Moira Edizioni dénonce déjà dans l’introduction de Vaj et dans la préface de Steuckers la tentative de déformer la pensée de Faye au cours des dernières années de sa vie, et surtout après sa disparition. Comme le souligne Steuckers, il existe une véritable «légende noire» qui peint l’auteur français comme un «occidentalo-atlantiste» pro-américain, alors qu’en réalité sa position était diamétralement opposée. Cette distorsion, alimentée tant par ses ennemis historiques au sein de la dite "Nouvelle Droite" que par certains followers superficiels de ses dernières années, a conduit à un paradoxe: voir Faye même décrit comme un soutien à Zelensky, caricature boiteuse que cette collection dénonce une fois pour toutes.

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Commandes: Première édition italienne: https://www.lastoriamilitare.com/prodotto/contro-la-russo... - Edition française (textes en version originale): https://www.editions-ars-magna.com/livre/faye-guillaume-c... - Traduction anglaise: https://www.amazon.com/stores/author/B005VGMO4I 

Le penchant pro-russe de Faye trouve ses racines dans sa formation de jeunesse et dans son militantisme au GRECE ("Groupe de Recherches et d'Etudes sur la Culture Européenne"), où dès les années 1970, il mûrissait une vision critique sur l’américanisme culturel. Comme le rappelle Steuckers, le mouvement dit de "Nouvelle Droite" avait développé un anti-américanisme «différent de l’hostilité envers les États-Unis cultivée par les milieux de gauche, dans le cadre de la guerre du Vietnam» c’est-à-dire un anti-américanisme non pas de façade et absorbé par la gauche pro-Vietcong, mais un anti-américanisme étayé par une critique gaulliste et nietzschéenne de l’hégémonie culturelle, économique et stratégique de Washington, nettement plus sophistiquée et orientée géopolitiquement. Dans ce contexte, l’URSS de Brejnev apparaissait «plus rationnelle et réaliste que le pandémonium déclenché par les services secrets occidentaux dans l’americanosphère».

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L’évolution de la pensée de Faye sur la Russie traverse plusieurs phases. Initialement fasciné par le «socialisme réel» non pas pour ses aspects économiques, mais pour ses retombées en termes d’«anti-individualisme, de futurisme, de stakhanovisme, d'esprit spartiate, de hiérarchique, de méritocratique et de sens communautaire ». Une fascination qui révèle la dimension originale de sa pensée, capable de percevoir des éléments de mobilisation totale et de discipline collective même dans des systèmes formellement opposés à l’identité européenne. La chute de l’URSS marque un tournant. Comme l’explique Vaj dans l’introduction, le « Sauron inventé par la propagande occidentale » s’avère moins consistant que prévu, poussant Faye à regarder au-delà du communisme vers une Russie post-soviétique qui se libère progressivement tant de l’idéologie marxiste que du chaos oligarchique des années 1990. La montée de Poutine représente pour l’auteur français non seulement le retour de la Russie comme acteur géopolitique, mais surtout l’émergence d’un modèle alternatif au nihilisme occidental.

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Les écrits rassemblés dans le volume couvrent la période cruciale de 2007 à 2016, témoignant de l’évolution de la crise ukrainienne et du durcissement des relations euro-russes. Faye montre son alignement en analysant les dynamiques en cours: dès 2007, dans son «Discours à la conférence de Moscou», il esquisse un projet de «Confédération impériale euro-russe», basé sur le fédéralisme impérial et l’autosuffisance économique. L’opinion de Faye ressort avec force dans l’analyse de la crise ukrainienne, qu’il interprète comme une provocation orchestrée par Washington pour empêcher l’intégration euro-russe. Dans ses textes consacrés à la question ukrainienne, l’auteur attaque systématiquement la narration occidentale: l’annexion de la Crimée est présentée pour ce qu’elle est réellement aux yeux de Faye – le retour d’un territoire historiquement russe à la patrie par un référendum – tandis que les sanctions contre Moscou sont dénoncées comme un « boomerang » qui nuit à l’Europe plus qu’à la Russie elle-même. L’analyse des motivations profondes de la russophobie occidentale est particulièrement pénétrante. Faye identifie deux causes principales: la première est d'ordre géopolitique (empêcher le retour sur scène de la Russie en tant que grande puissance), la seconde est d'ordre idéologique (contrer l’exemple russe de « révolution conservatrice »). C’est ce dernier aspect qui rend Poutine post-communiste plus redoutable pour les oligarques occidentaux que Staline lui-même: alors que l’URSS restait prisonnière d’une vision universaliste, la Russie poutinienne réaffirme des valeurs identitaires, patriotiques et traditionnelles qui représentent une menace existentielle pour le système libéral-libertaire.

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L’approche de Faye concernant la question russe diffère autant de la russophobie que d'un multipolarisme acritique et de nature messianique. Il ne tombe pas dans l’idéalisation de Poutine ou du système russe, dont il reconnaît les limites et les contradictions, mais perçoit dans la Russie post-soviétique le principal allié naturel de l’Europe dans un monde de plus en plus polarisé. Sa position est celle d’un «bon Européen» au sens nietzschéen: il comprend que la division de l’Europe selon l’axe est-ouest ne sert que les intérêts anglo-américains. Son regard sur la Russie allie admiration pour la «barbarie» antibourgeoise théorisée par Drieu La Rochelle à l’appréciation pour l’efficacité géopolitique et le pragmatisme stratégique. Une synthèse qui le conduit à voir dans la politique extérieure russe «la seule intelligente» dans un panorama international dominé par l’improvisation occidentale.

La vision pan-européenne de Faye, incluant la Russie mais non subordonnée à elle, représente aujourd’hui une troisième voie entre le suicide atlantiste et l’isolationnisme souverainiste. Particulièrement significative est la proposition de dépasser le concept géographique d'«Eurosibérie» au profit de celui, ethno-politique, d'«Euro-Russie», en accueillant les observations de Pavel Toulaev. Ce passage terminologique reflète une maturation théorique qui contraste avec ceux qui veulent aujourd’hui peindre les Russes comme des Turcomans armés d’arc comme jadis à la cour de Kazan, comme des guerriers de la Horde d’or ou des parents perdus de Gengis Khan. Pour Faye, le concept est clair: la Russie est une civilisation européenne qui a projeté son expansion en Asie, ce qui ne la rend ni artificiellement asiatique ni hybride.

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La leçon de l’auteur est incroyablement actuelle: seule une Europe réconciliée avec la Russie peut espérer échapper au déclin. La russophobie n’est pas seulement une erreur géopolitique, mais une forme d’autodestruction qui condamne l’Europe à l’impéritie historique. En ces temps de polarisation croissante, le choix se fait entre l’avenir européen et le déclin occidental. Autrement dit, il s’agit de construire l’Europe avec et non contre la Russie, en reconnaissant dans la russophobie l’outil pour empêcher qu'advienne le cauchemar américain: la naissance d’un bloc euro-russe souverain.

La position de Faye est attrayante par son immunité à tout amour aveugle qui mène à un nivellement par un messianisme multipolaire de façade. Le chapitre «Une perspective française sur la Russie» est un chef-d’œuvre d’analyse critique, impitoyable et en même temps passionnée. Faye reconnaît le «génie russe», une capacité intuitive exceptionnelle qui va de la musique à la physique, mais n’en dissimule pas les faiblesses. Il parle de la «double âme russe», d’une schizophrénie oscillant entre un complexe de supériorité et un sentiment d’infériorité, entre la volonté de puissance impériale et la sensation d’être une nation reléguée aux marges. Avec une lucidité implacable, il énumère les plaies qui affligent la Russie: une démographie suicidaire, une économie déséquilibrée et trop dépendante des hydrocarbures, une corruption endémique et, surtout, l’infiltration des virus culturels de l’Occident. C’est précisément cette capacité d’analyse qui le rend si actuel et qui le distingue des supporters qui se contentent d’un fanatisme maladroit et vulgaire. Faye ne vénère pas, il soutient la Russie non de manière inconditionnelle, mais dans le cadre d’un projet plus vaste: la renaissance de toute l’Europe.

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Parler de «textes peu connus» signifie, en général, évoquer la rhétorique de la redécouverte: des textes oubliés qui renaissent par derrière, presque toujours à l’ombre d’une opération idéologique. Pas ici. Les matériaux que Moira Edizioni rassemble sous le nom de Faye appartiennent à la périphérie éditoriale, il s’agit de textes issus de blogs échappant même au regard maniaque des exégètes. Des textes mineurs, certes, mais pas pour autant suspects. L’intention n’est pas de construire un Faye ésotérique ou clandestin. Ses positions restent celles, prévisibles, cristallisées depuis des années voire des décennies. Mais justement cette prévisibilité devient le point central, il ne s’agit pas de révéler un «autre» Faye, mais de mettre à nu la manipulation en cours. La récupération se prête donc à un effet coup de poing contre les lectures sélectives et l’appropriation commode. Un sain démenti, qui ramène le discours au niveau de la réalité.