dimanche, 29 juillet 2007
De l'Europe à l'Eurasie militaire
De l'Europe à l'Eurasie militaire
par Robert STEUCKERS
A la demande de Reinhard Staveaux, prématurément décédé voici quelques années, et de Karim Van Overmeire (député de Flandre orientale), j'ai prononcé l'allocution suivante dans un débat contradictoire en février 1994, lors de la “Fête” du parti flamand. Mon honorable contradicteur, lors de cette table ronde, était l'écrivain flamand Mark Joris, qui a surtout mis l'accent sur le “danger islamique” et a rapellé les doctrines militaires successives de l'Alliance atlantique. J'ai ajouté au texte initial quelques éléments nouveaux, dictés par l'actualité.
Depuis l'effondrement de l'URSS, la situation militaire de l'Europe est devenue extrêmement compliquée. La disparition de l'«ennemi» crée un flou artistique, si bien que le commun des citoyens n'y voit plus clair.
D'une part, nous avons les institutions européennes (la CEE, l'AELE/EFTA —ou ce qu'il en reste— le Groupe de Visegrad avec la Pologne, la Hongrie et la République tchèque), qui n'ont aucune compétence militaire; ensuite, nous avons le vaste ensemble que constitue la CSCE, qui regroupe certes tous les pays européens et toutes les républiques de l'ex-URSS mais aussi le Canada et les Etats-Unis, qui appartiennent à un autre hémisphère, au nouveau monde, selon la planisphère établie jadis par Mercator. Cette projection ne nous permet pas d'apercevoir l'importance cruciale de la zone arctique, où Canadiens, Américains et Russes sont mitoyens, ce qui pourrait nous amener, un jour, à parler d'un hémisphère nord, plutôt que d'une juxtaposition d'un «vieux» et d'un «nouveau» monde, d'un hémisphère occidental américain et d'un hémisphère oriental eurasien.
Enfin, nous avons l'UEO, qui a en théorie des compétences militaires, mais où le poids de la France et de la Grande-Bretagne est très nettement marqué, au détriment peut-être des autres puissances européennes. Dans cet imbroglio institutionnel, force est de constater que l'OTAN est la seule structure qui a fonctionné au cours des décennies qui viennent de s'écouler. Mais, sans rideau de fer, cette institution militaire (et civile, on l'oublie trop souvent) doit se donner des objectifs nouveaux, pour ne pas demeurer en porte-à-faux par rapport à la nouvelle donne stratégique.
Nos souhaits se portent vers une rédéfinition globale de la CSCE et de l'UEO: les territoires européens et ex-soviétiques de la CSCE devraient représenter le nouvel espace stratégique, le nouveau sanctuaire, où aucune puissance extérieure ne devrait intervenir. L'intérêt de l'UEO dans cette optique, c'est qu'elle est exclusivement européenne, n'implique ni les Etats-Unis ni une autre puissance de l'«hémisphère occidental», et qu'elle s'est donné un instrument militaire, l'Eurocorps, qui considère l'Allemagne comme un partenaire à part entière. Cependant l'Eurocorps ne peut nullement demeurer l'affaire du tandem franco-allemand: l'adjonction récente de troupes espagnoles et belges lui confère une dimension plus européenne; les manœuvres germano-polono-tchèques préparent, avec des unités allemandes qui ne sont ni inféodées à l'OTAN ni à l'Eurocorps, un élargissement centre-européen de la défense du continent sans ingérence américaine. Effectivement, il nous semble bon de prévoir l'inclusion de troupes est-européennes dans une structure militaire hors OTAN, où il n'y a pas de présence américaine. Ce processus pourrait s'amorcer dès que les pays de l'ex-COMECON trouveront la stabilité.
En effet, l'Eurocorps ou tout embryon d'armée européenne, ne peut être réservé aux seules puissances de l'Ouest, aux pays fondateurs de la CEE. Militairement et stratégiquement, nous concevons l'Europe comme un bloc indivisible, dont l'Ouest n'est qu'une partie, une frange atlantique.
Certes, la marche vers cet idéal d'unité sera longue. Les événements dans l'ex-Yougoslavie ont prouvé l'incapacité des Européens à agir de leur propre chef, sur leur propre territoire. Dans le conflit sud-slave, diplomates et militaires européens devraient s'abstenir de toute phobie: ni croatophobie, ni serbophobie, ni islamophobie en Bosnie (à ce propos, je rappelle que hier le délégué croate, qui est aussi le Président de l'association Flandre-Croatie, a réfuté l'islamophobie anti-bosniaque). L'attitude froide et mesurée que devraient prendre les décideurs européens, extérieurs à ce conflit, doit conduire à réfléchir sur la notion de “frontière juste et claire”. Tous les peuples de l'ancienne fédération yougoslave doivent avoir accès à l'Adriatique (les Serbes l'ont via le Montenegro dans la nouvelle fédération yougoslave; les Bosniaques doivent l'obtenir en Dalmatie méridionale); de même, à l'intérieur des terres, les peuples doivent avoir accès aux grandes rivières (Save, Danube) pour autant que le cours de ces fleuves ait eu une importance à un moment de leur histoire. C'est sur ces réalités concrètes que doivent s'axer les négociations et non sur des découpages artificiels, tracés dans des états-majors étrangers, dans des cabinets, où règne la méconnaissance du terrain. Le découpage farfelu de Lord Owen a conduit à la tragédie bosniaque plus que la férocité des combattants!
En ex-Yougoslavie, une Europe adulte ne pourrait tolérer l'immixtion globale de l'ONU; sans doute, pourrait-elle tolérer que les intervenants supranationaux soient à la fois membres de l'ONU et de la CSCE (hémisphère oriental uniquement!), préparant du même coup une «continentalisation» au sein de la structure planétaire, «continentalisation» qui impliquerait automatiquement des «interdictions d'intervention pour les puissances extérieures à un espace donné» (donc pas de casques bleus européens en Amérique ou dans les Caraïbes ou en Extrême-Orient, de la même façon qu'au Rwanda, il ne devrait y avoir que des soldats onusiens issus d'Afrique noire). Il nous apparaît aberrant de voir des soldats pakistanais, kenyans ou nigérians monter la garde à Sarajevo, à Vukovar ou à Mostar.
Dernière remarque concernant la catastrophe sud-slave: l'idéologie de la paix absolue, l'irénisme idéologique, sont mauvais conseillers; la guerre en ce monde est trop souvent inévitable. L'objectif ne doit donc pas être de la supprimer —ce qui serait impossible— mais de la limiter dans certaines proportions. La présence de troupes onusiennes empêchent une solution militaire du conflit, où les protagonistes directement concernés mettraient, eux-mêmes, de leurs propres forces, un point final (provisoire) à la guerre. Le hasard des combats décide du destin, en bonne logique traditionnelle. L'ONU pérennise le conflit en voulant le supprimer.
Dans un concert européen, les nouveaux Etats doivent être des Etats fédéraux, prévoyant la protection des minorités, sur le modèle des cantons de l'Est en Belgique et des minorités danoises et sorabes en Allemagne. Ce respect des minorités implique un gouvernement tenant compte de toutes les formes de subsidiarité. Les voies de communication doivent être respectées au bénéfice de tous. Les coopérations interrégionales, dont Alpe-Adria est l'exemple le plus probant, sont une solution d'avenir, qui contribue à surmonter les divisions bétonnées par les Etats nationaux pour créer des fora européens adaptés à l'immense diversité de notre continent, mais dans le respect des identités locales, économiques et humaines.
Nous sommes donc en faveur d'un système de défense purement européen, capable d'intégrer les pays occidentaux de l'OTAN, les pays de l'ex-Pacte de Varsovie, les neutres et, peut-être dans un pilier autonome, les forces des nouveaux Etats issus de l'ex-URSS. Entre le pilier occidental et le pilier oriental, soit entre l'Europe de l'Atlantique au Boug et la Russie du Boug au Pacifique, un accord pourrait être signé pour maintenir la présence russe en Asie centrale et pour contenir toute avancée chinoise en direction de la Sibérie voire du Turkestan (Européens et Russes n'ont pas intérêt d'ailleurs à ce que la Chine mette la main définitivement sur le Sinkiang et sur le Tibet; de concert, nous devons réclamer la protection des minorités dans ces deux régions contrôlées par la Chine, à la suite de l'essouflement russe et européen consécutif à la seconde guerre mondiale).
Quant à l'Eurocorps, nous souhaitons que son fonctionnement soit plurilingue comme celui de l'OTAN, quitte à trouver une koiné. Ensuite, nous souhaitons que la France mette fin à l'ambigüité qu'elle entretient: se placera-t-elle avec l'Eurocorps en dehors de la structure intégrée de l'OTAN ou retournera-t-elle avec l'Eurocorps dans la cette structure intégrée? Cette valse-hésitation ne permet pas de clarifier le problème.
Les Etats-Unis craignent de voir se constituer une Europe totalement indépendante du point de vue militaire; déjà, les velléités de construire un pôle européen autour de l'UEO, avant même qu'on ne parle d'Eurocorps, avaient suscité le désaccord de Washington. Mais à l'heure où les Etats-Unis veulent se donner un nouveau destin américain en formant l'ALENA (NAFTA), comment pourraient-ils contester aux Européens le droit de conjuguer leurs efforts au niveau de leur propre continent? Aux Etats-Unis, trois écoles s'affrontent: les isolationnistes, qui veulent se dégager des affaires européennes (ce que nous souhaitons); les internationalistes qui se subdivisent en deux groupes: les unilatéralistes et les multilatéralistes. Avec les unilatéralistes, pas de discussion possible. C'était l'option de Bush: le monde entier devait s'aligner derrière les positions américaines sans discuter. Dans cette optique, l'Eurocorps devrait être entièrement intégré dans l'OTAN, contrôlé par Washington. C'est la logique de la guerre froide, qui ne nous semble plus de mise. Les multilatéralistes veulent un partage des tâches et des responsabilités: avec eux la discussion est possible, surtout si l'on tient compte du facteur arctique, que nous oublions trop souvent tant nous sommes accoutumés aux projections de Mercator.
Dans l'immédiat, la position minimaliste, la première petite pierre à poser dans les circonstances actuelles, reflets de notre misère politique, c'est d'exiger que l'Eurocorps, même s'il doit rester provisoirement dans l'OTAN, fasse respecter scrupuleusement la souveraineté des Etats européens face à la centrale américaine. Du respect de cette souveraineté, on pourra aisément passer à l'élaboration d'un pilier européen plus étoffé que l'UEO, dans lequel l'Eurocorps serait le bras armé et où seraient progressivement incluses les armées des neutres (Suède, Finlande, Autriche, Slovénie) et des pays du Groupe de Visegrad. Des manœuvres communes auraient lieu, à une étape ultérieure, avec les armées des pays de la CEI, Russes compris. Autre objectif: développer une logistique grande-continentale pour venir éventuellement en aide aux fronts centre-asiatique et extrême-oriental. Progressivement, la CSCE, pilier oriental, se doterait d'une armature militaire cohérente.
Robert STEUCKERS, février 1994.
02:05 Publié dans Affaires européennes, Eurasisme, Géopolitique, Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
samedi, 28 juillet 2007
L'Europe comme "troisième force"
L'Europe comme «troisième force»
par Luc Nannens
Malgré les proclamations atlantistes, malgré l'engouement des droites libérales pour le reaganisme, malgré l'oubli général des grands projets d'unification continentale, depuis la fin des années 70, de plus en plus de voix réclament l'européisation de l'Europe. Nos deux publications, Orientations et Vouloir, se sont faites l'écho de ces revendications, dans la mesure de leurs très faibles moyens. Rapellons à nos nouveaux lecteurs que nous avons presque été les seuls à évoquer les thèses du social-démocrate allemand Peter Bender, auteur en 1981, de Das Ende des ideologischen Zeitalter. Die Europäisierung Europas (= La fin de l'ère des idéologies. L'Européisation de l'Europe). L'européisme hostile aux deux blocs apparaît encore et toujours comme un résidu des fascismes et de l'«Internationale SS», des rêves de Drieu la Rochelle ou de Léon Degrelle, de Quisling ou de Serrano Suñer (cf. Herbert Taege in Vouloir n°48-49, pp. 11 à 13). C'est le reproche qu'on adresse à l'européisme d'un Sir Oswald Mosley, d'un Jean Thiriart et de son mouvement Jeune Europe, ou parfois à l'européisme d'Alain de Benoist, de Guillaume Faye, du GRECE et de nos propres publications. Il existe toutefois une tradition sociale-démocrate et chrétienne-démocrate de gauche qui s'aligne à peu près sur les mêmes principes de base tout en les justifiant très différemment, à l'aide d'autres «dérivations» (pour reprendre à bon escient un vocabulaire parétien). Gesine Schwan, professeur à la Freie Universität Berlin, dans un bref essai intitulé «Europa als Dritte Kraft» (= L'Europe comme troisième force), brosse un tableau de cette tradition parallèle à l'européisme fascisant, tout en n'évoquant rien de ces européistes fascisants, qui, pourtant, étaient souvent des transfuges de la sociale-démocratie (De Man, Déat) ou du pacifisme (De Brinon, Tollenaere), comme l'explique sans a priori l'historien allemand contemporain Hans Werner Neulen (in Europa und das III. Reich, Universitas, München, 1987).
Dans
«Europa als Dritte Kraft», in Peter HAUNGS, Europäisierung Europas?, Baden-Baden, Nomos Verlagsgesellschaft, 1989, 160 S., DM 38, ISBN 3-7890-1804-X,
Gesine Schwan fait commencer le néo-européisme dès 1946, quand la coopération globale entre l'URSS et les Etats-Unis tourne petit à petit à l'échec. L'Europe sent alors confusément qu'elle risque d'être broyée en cas d'affrontement de ces deux super-gros. Des esprits indépendants, mus aussi par le désir de rejeter le libéralisme extrême des Américains et le bolchévisme stalinien des Soviétiques avec toutes leurs conséquences, commencent à parler d'«européisation» de l'Europe, ce qui vise à une plus grande unité et une plus grande indépendance du continent vis-à-vis des blocs. La question se pose alors de savoir où s'arrête cette Europe de «troisième voie»? A la frontière polono-soviétique? A l'Oural? Au détroit de Béring et aux confins de la Mandchourie?
Mais l'essai de Gesine Schwan comprend un survol historique des conceptions continentales élaborées depuis la première moitié du XIXième siècle. Essai qui met l'accent sur le rôle chaque fois imparti à la Russie dans ces plans et ébauches. Au début du XIXième, ni la Russie ni l'Amérique, en tant que telles, n'apparaissaient comme des dangers pour l'Europe. Le danger majeur était représenté par les idées de la Révolution Française. L'Amérique les incarnait, après les avoir améliorés, et la Russie représentait le principe légitimiste et monarchiste. Les démocrates étaient philo-américains; les légitimistes étaient russophiles. Mais Washington et Petersbourg, bien qu'opposés sur le plan des principes de gouvernement, étaient alliés contre l'Espagne dans le conflit pour la Floride et contre l'Angleterre parce qu'elle était la plus grande puissance de l'époque. Russes et Américains pratiquent alors une Realpolitik pure, sans prétendre universaliser leurs propres principes de gouvernement. L'Europe est tantôt identifiée à l'Angleterre tantôt contre-modèle: foyer de corruption et de servilité pour les Américains; foyer d'athéisme, d'égoïsme, d'individualisme pour les Russes.
L'Europe du XIXième est donc traversée par plusieurs antagonismes entrecroisés: les antagonismes Angleterre/Continent, Europe/Amérique, Russie/Angleterre, Russie + Amérique/Angleterre, Russie/Europe... A ces antagonismes s'en superposent d'autres: la césure latinité-romanité/germanité qui se traduit, chez un historien catholique, romanophile et euro-œcuméniste comme le Baron Johann Christoph von Aretin (1772-1824) en une hostilité au pôle protestant, nationaliste et prussien; ensuite la césure chrétienté/islam, concrétisé par l'opposition austro-hongroise et surtout russe à l'Empire Ottoman. Chez Friedrich Gentz se dessine une opposition globale aux diverses formes de l'idéologie bourgeoise: au nationalisme jacobin et à l'internationalisme libéral américain. Contre cet Occident libéral doit se dresser une Europe à mi-chemin entre le nationalisme et l'internationalisme. Le premier auteur, selon Gesine Schwan, à prôner la constitution d'un bloc européen contre les Etats-Unis est le professeur danois, conseiller d'Etat, C.F. von Schmidt-Phiseldeck (1770-1832). Après avoir lu le célèbre rapport de Tocqueville sur la démocratie en Amérique, où l'aristocrate normand perçoit les volontés hégémoniques des Etats-Unis et de la Russie, les Européens commencent à sentir le double danger qui les guette. Outre Tocqueville, d'aucuns, comme Michelet et Henri Martin, craignent l'alliance des slavophiles, hostiles à l'Europe de l'Ouest décadente et individualiste, et du messianisme panslaviste moins rétif à l'égard des acquis de la modernité technique.
La seconde moitié du XIXième est marquée d'une inquiétude: l'Europe n'est plus le seul centre de puissance dans le monde. Pour échapper à cette amorce de déclin, les européistes de l'époque prônent une réorganisation du continent, où il n'y aurait plus juxtaposition d'unités fermées sur elles-mêmes mais réseau de liens et de rapports fédérateurs multiples, conduisant à une unité de fait du «grand espace» européen. C'est la grande idée de l'Autrichien Konstantin Frantz qui voyait l'Empire austro-hongrois, une Mitteleuropa avant la lettre, comme un tremplin vers une Europe soudée et à l'abri des politiques américaine et russe. K. Frantz et son collègue Joseph Edmund Jörg étaient des conservateurs soucieux de retrouver l'équilibre de la Pentarchie des années 1815-1830 quand règnait une harmonie entre la Russie, l'Angleterre, la France, la Prusse et l'Autriche-Hongrie. Les principes fédérateurs de feu le Saint-Empire devaient, dans l'Europe future, provoquer un dépassement des chauvinismes nationaux et des utopismes démocratiques. Quant à Jörg, son conservatisme est plus prononcé: il envisage une Europe arbitrée par le Pape et régie par un corporatisme stabilisateur.
Face aux projets conservateurs de Frantz et Jörg, le radical-démocrate Julius Fröbel, inspiré par les idées de 1848, constate que l'Europe est située entre les Etats-Unis et la Russie et que cette détermination géographique doit induire l'éclosion d'un ordre social à mi-chemin entre l'autocratisme tsariste et le libéralisme outrancier de l'Amérique. Malheureusement, la définition de cet ordre social reste vague chez Fröbel, plus vague que chez le corporatiste Jörg. Fröbel écrit: «1. En Russie, on gouverne trop; 2. En Amérique, on gouverne trop peu; 3. En Europe, d'une part, on gouverne trop à mauvais escient et, d'autre part, trop peu à mauvais escient». Conclusion: le socialisme est une force morale qui doit s'imposer entre le monarchisme et le républicanisme et donner à l'Europe son originalité dans le monde à venir.
Frantz et Jörg envisageaient une Europe conservatrice, corporatiste sur le plan social, soucieuse de combattre les injustices léguées par le libéralisme rationaliste de la Révolution française. Leur Europe est donc une Europe germano-slave hostile à une France perçue comme matrice de la déliquescence moderne. Fröbel, au contraire, voit une France évoluant vers un socialisme solide et envisage un pôle germano-français contre l'autocratisme tsariste. Pour Gesine Schwan, l'échec des projets européens vient du fait que les idées généreuses du socialisme de 48 ont été partiellement réalisées à l'échelon national et non à l'échelon continental, notamment dans l'Allemagne bismarckienne, entraînant une fermeture des Etats les uns aux autres, ce qui a débouché sur le désastre de 1914.
A la suite de la première guerre mondiale, des hécatombes de Verdun et de la Somme, l'Europe connaît une vague de pacifisme où l'on ébauche des plans d'unification du continent. Le plus célèbre de ces plans, nous rappelle Gesine Schwan, fut celui du Comte Richard Coudenhove-Kalergi, fondateur en 1923 de l'Union Paneuropéenne. Cette idée eut un grand retentissement, notamment dans le memorandum pour l'Europe d'Aristide Briand déposé le 17 mai 1930. Briand visait une limitation des souverainetés nationales et la création progressive d'une unité économique. La raison pour laquelle son mémorandum n'a été reçu que froidement, c'est que le contexte des années 20 et 30 est nettement moins irénique que celui du XIXième. Les Etats-Unis ont pris pied en Europe: leurs prêts permettent des reconstructions tout en fragilisant l'indépendance économique des pays emprunteurs. La Russie a troqué son autoritarisme monarchiste contre le bolchévisme: d'où les conservateurs ne considèrent plus que la Russie fait partie de l'Europe, inversant leurs positions russophiles du XIXième; les socialistes de gauche en revanche estiment qu'elle est devenue un modèle, alors qu'ils liguaient jadis leurs efforts contre le tsarisme. Les socialistes modérés, dans la tradition de Bernstein, rejoignent les conservateurs, conservant la russophobie de la social-démocratie d'avant 14.
Trois traditions européistes sont dès lors en cours: la tradition conservatrice héritère de Jörg et Frantz, la tradition sociale-démocrate pro-occidentale et, enfin, la tradition austro-marxiste qui considère que la Russie fait toujours partie de l'Europe. La tradition sociale-démocrate met l'accent sur la démocratie parlementaire, s'oppose à l'Union Soviétique et envisage de s'appuyer sur les Etats-Unis. Elle est donc atlantiste avant la lettre. La tradition austro-marxiste met davantage l'accent sur l'anticapitalisme que sur l'anti-stalinisme, tout en défendant une forme de parlementarisme. Son principal théoricien, Otto Bauer, formule à partir de 1919 des projets d'ordre économique socialiste. Cet ordre sera planiste et la décision sera entre les mains d'une pluralité de commission et de conseils qui choisiront entre diverses planifications possibles. Avant d'accèder à cette phase idéale et finale, la dictature du prolétariat organisera la transition. Dix-sept ans plus tard, en 1936, Bauer souhaite la victoire de la France, de la Grande-Bretagne et de la Russie sur l'Allemagne «fasciste», afin d'unir tous les prolétariats européens dans une Europe reposant sur des principes sociaux radicalement différents de ceux préconisés à droite par un Coudenhoven-Kalergi. Mais la faiblesse de l'austro-marxisme de Bauer réside dans son optimisme rousseauiste, progressiste et universaliste, idéologie aux assises intellectuelles dépassées, qui se refuse à percevoir les antagonismes réels, difficilement surmontables, entre les «grands espaces» européen, américain et soviétique.
Gesine Schwan escamote un peu trop facilement les synthèses fascisantes, soi-disant dérivées des projets conservateurs de Jörg et Frantz et modernisés par Friedrich Naumann (pourtant membre du Parti démocrate, situé sur l'échiquier politique à mi-chemin entre la sociale-démocratie et les libéraux) et Arthur Moeller van den Bruck. L'escamotage de Schwan relève des scrupules usuels que l'on rencontre en Allemagne aujourd'hui. Des scrupules que l'on retrouve à bien moindre échelle dans la gauche française; en effet, la revue Hérodote d'Yves Lacoste publiait en 1979 (n°14-15) l'article d'un certain Karl von Bochum (est-ce un pseudonyme?), intitulé «Aux origines de la Communauté Européenne». Cet article démontrait que les pères fondateurs de la CEE avaient copieusement puisé dans le corpus doctrinal des «européistes fascisants», lesquels avaient eu bien plus d'impact dans le grand public et dans la presse que les austro-marxistes disciples d'Otto Bauer. Et plus d'impact aussi que les conservateurs de la résistance anti-nazie que Gesine Schwan évoque en détaillant les diverses écoles qui la constituait: le Cercle de Goerdeler et le Kreisauer Kreis (Cercle de Kreisau).
Le Cercle de Goerdeler, animé par Goerdeler lui-même et Ulrich von Hassell, a commencé par accepter le fait accompli des victoires hitlériennes, en parlant du «rôle dirigeant» du Reich dans l'Europe future, avant de planifier une Fédération Européenne à partir de 1942. Cette évolution correspond curieusement à celle de la «dissidence SS», analysée par Taege et Neulen (cfr. supra). Dans le Kreisauer Kreis, où militent le Comte Helmut James von Moltke et Adam von Trott zu Solz, s'est développée une vision chrétienne et personnaliste de l'Europe, et ont également germé des conceptions auto-gestionnaires anti-capitalistes, assorties d'une critique acerbe des résultats désastreux du capitalisme en général et de l'individualisme américain. Moltke et Trott restent sceptiques quant à la démocratie parlementaire car elle débouche trop souvent sur le lobbyisme. Il serait intéressant de faire un parallèle entre le gaullisme des années 60 et les idées du Kreisauer Kreis, notamment quand on sait que la revue Ordre Nouveau d'avant-guerre avait entretenu des rapports avec les personnalistes allemands de la Konservative Revolution.
Austro-marxistes, sociaux-démocrates (dans une moindre mesure), personnalistes conservateurs, etc, ont pour point commun de vouloir une équidistance (terme qui sera repris par le gaullisme des années 60) vis-à-vis des deux super-gros. Aux Etats-Unis, dans l'immédiat après-guerre, on souhaite une unification européenne parce que cela favorisera la répartition des fonds du plan Marshall. Cette attitude positive se modifiera au gré des circonstances. L'URSS stalinienne, elle, refuse toute unification et entend rester fidèle au système des Etats nationaux d'avant-guerre, se posant de la sorte en-deça de l'austro-marxisme sur le plan théorique. Les partis communistes occidentaux (France, Italie) lui emboîteront le pas.
Gesine Schwan perçoit très bien les contradictions des projets socialistes pour l'Europe. L'Europe doit être un tampon entre l'URSS et les Etats-Unis, affirmait cet européisme socialiste, mais pour être un «tampon», il faut avoir de la force... Et cette force n'était plus. Elle ne pouvait revenir qu'avec les capitaux américains. Par ailleurs, les sociaux-démocrates, dans leur déclaration de principe, renonçaient à la politique de puissance traditionnelle, qu'ils considéraient comme un mal du passé. Comment pouvait-on agir sans détenir de la puissance? Cette quadrature du cercle, les socialistes, dont Léon Blum, ont cru la résoudre en n'évoquant plus une Europe-tampon mais une Europe qui ferait le «pont» entre les deux systèmes antagonistes. Gesine Schwan souligne très justement que si l'idée d'un tampon arrivait trop tôt dans une Europe en ruines, elle était néanmoins le seul projet concret et réaliste pour lequel il convenait de mobiliser ses efforts. Quant au concept d'Europe-pont, il reposait sur le vague, sur des phrases creuses, sur l'indécision. La sociale-démocratie devait servir de modèle au monde entier, sans avoir ni la puissance financière ni la puissance militaire ni l'appareil décisionnaire du stalinisme. Quand survient le coup de Prague en 1948, l'idée d'une grande Europe sociale-démocrate s'écroule et les partis socialistes bersteiniens doivent composer avec le libéralisme et les consortiums américains: c'est le programme de Bad-Godesberg en Allemagne et le social-atlantisme de Spaak en Belgique.
Malgré ce constat de l'impuissance des modèles socialistes et du passéisme devenu au fil des décennies rédhibitoire des projets conservateurs —un constat qui sonne juste— Gesine Schwan, à cause de son escamotage, ne réussit pas à nous donner un survol complet des projets d'unification européenne. Peut-on ignorer l'idée d'une restauration du jus publicum europaeum chez Carl Schmitt, le concept d'une indépendance alimentaire chez Herbert Backe, l'idée d'une Europe soustraite aux étalons or, sterling et dollar chez Zischka et Delaisi, le projet d'un espace économique chez Oesterheld, d'un espace géo-stratégique chez Haushofer, d'un nouvel ordre juridique chez Best, etc. etc. Pourtant, il y a curieusement un auteur conservateur-révolutionnaire incontournable que Gesine Schwan cite: Hans Freyer, pour son histoire de l'Europe. Le point fort de son texte reste donc une classification assez claire des écoles entre 1800 et 1914. Pour compléter ce point fort, on lira avec profit un ouvrage collectif édité par Helmut Berding (Wirtschaftliche und politische Integration in Europa im 19. und 20. Jahrhundert, Vandenhoeck & Ruprecht, Göttingen, 1984; recension in Orientations, n°7, pp. 42 à 45).
L.N.
04:50 Publié dans Affaires européennes, Définitions, Géopolitique, Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
vendredi, 27 juillet 2007
L'Eurasie comme destin
Géopolitique européenne: l'Eurasie comme destin
à propos d'un livre de Pierre Béhar
par Lucien FAVRE
Depuis les bouleversements de 1989, l'Europe s'est retrouvée mais ne s'est pas réunie. Malgré les analyses et les essais de géostratégie, malgré les tentatives de «nouvelle donne européenne» et le retour de la géopolitique (retour du mot tout au moins), malgré les débats qu'aura suscité le Traité de Maastricht (des débats bien lointains), les projets BCBG ont été florissants et n'on fait que renforcer une logique: celle d'une Europe soumise au dogme de l'économie, anti-démocratique, soumise à la synarchie des euro-technocrates. Pourtant présentée comme la «nouvelle Jérusalem céleste», cette Europe ne sera jamais la nôtre.
Un ouvrage signé Pierre BEHAR (1) nous ramène à l'essentiel en nous proposant une «géopolitique pour l'Europe». Une Europe qui en se réapproriant sa totale continentalité, de l'Atlantique au Pacifique, doit se construire sur la base d'un principe: l'équilibre des peuples et des nations.
Une encourageante initiative qui s'inscrit dans notre Combat, celui d'une Europe européenne et «grand-continentale», embryon d'un Empire eurasiatique.
L'Europe en effervescence: inquiétudes et espoirs.
Effondrement du Mur de Berlin (novembre 1989) et réunification allemande (décembre 1990), éclatement de l'Empire soviétique (décembre 1991), dissolution du Pacte de Varsovie (mars 1991), création de la «Communautés des Etats Indépendants», disparition de la Yougoslavie et guerre balkanique, projet d'union européenne, partition de la Tchécoslovaquie (juin 1992)... décidément, n'en déplaise à Mr. Fukuyama, l'Histoire continue (2).
Certes, cette effervescence n'augure pas obligatoirement d'une histoire conforme à nos aspirations. Mais nous connaissons le tragique de la vie, nous savons que l'Histoire n'est jamais écrite et que «le combat est père de toute chose» (Héraclite). Alors ni états d'âme ni béatitude...
Des inquiétudes...
L'écroulement de l'Imperium soviétique et sa spectaculaire et lamentable disparition auront laissé plus d'un analyste désemparé. Au-delà du fécond réveil des peuples qui autoriserait l'optimisme, certains n'y voient «qu'une étape supplémentaire vers l'accomplissement du matérialisme total et de la dépossession des hommes et des peuples par le système du productivisme planétaire et de la logique du capital» (3). Là comme ailleurs le cauchemar pourrait s'installer.
De même, passée l'euphorie de la réunification allemande, immédiatement se sont installés fantasme et scepticisme: crainte en particulier de la voir se construire son propre destin et de se tourner vers l'Est ou vers la Mitteleuropa.
Au sud, la guerre balkanique entretient une plaie ouverte et démontre toute la perversité du nationalisme, l'obsolescence de l'Etat-nation et l'absence du mythe fédérateur européen.
Ailleurs, l'Europe occidentale et communautaire, embryon, nous dit-on, d'une Europe politique, ayant choisi l'économie comme destin, s'enferme dans le juridisme au travers d'un Traite de Maastricht (février 1992) qui accentue le choix originel du Traité de Rome. Cette nouvelle étape sur le long chemin communautaire aura confirmé le décalage flagrant, l'incompréhension entre les élites politiques et les “citoyens européens”. Cette Europe n'est pensée et conçue que comme instrument pour mieux engager la compétition avec les Etats-Unis et le Japon. N'y parle-t-on pas que “modernisation” et “robotisation” et nos politiciens ne la présentent-ils pas comme une planche de salut pour ses 53 millions de pauvres. Ce que l'on peut d'ores et déjà affirmer, c'est qu'elle comblera les financiers et que “le seul gouvernement qui se profile à l'horizon 2000 risque fort d'être celui des gouverneurs de la banque centrale”. L'homogénéisation marchande et l'intégration à l'économie mondiale s'installent.
Des espoirs...
Tout ce bouillonnement aura eu cependant un mérite: précipiter la fin de l'immobilisme géopolitique en Europe et réveiller les stratèges que 45 années de “protectorat américain” avaient plongé dans un coma frisant la mort clinique. Sont réapparus la géographie européennes, ses peuples et ses ethnies, la réflexion géopolitique et géostratégique.
Certes, là où se prennent les décisions, dans les sphères où évoluent nos “décideurs”, la statu quo et la frilosité continuent à régner. L'acceptation du “leadership” américain s'installe et l'originalité n'est pas de mise.
C'est “Ailleurs” que s'imaginent les véritables projets, ceux qui sont porteurs de destin. L'ouvrage de Pierre Béhar s'inscrit dans cet “Ailleurs” où prend forme et se réalise notre projet grand-européen, cette Europe à vocation confédérale dont bon nombre de nos contemporains ne perçoivent pas l'unité territoriale et a fortiori culturelle.
Il contribue également à une mise en forme de ce “grand espace” (Großraum) eurasiatique que Karl Haushofer (4) présentait comme l'une des conditions géopolitiques indispensables à toute politique de puissance. Dégageant les caractéristiques géographiques et humaines de notre continent, Pierre Béhar propose une politique d'équilibre interne et intègre l'Eurasie comme composante d'une Europe désireuse de se forger un destin à l'échelle du monde.
L'Europe, un ensemble mouvant
Si, pour les Européens conséquents que nous sommes, l'Europe a toujours existé, un mythe ne mourant jamais, si sa totale dimension eurasiatique ne nous a jamais échappé, cette perspective n'est pas partagée par les futurs “citoyens européens”. La ploutocratie mondiale ayant quant à elle allègrement franchi le pas.
Cela tient au fait que, comme le soulignait le Général Jordis von Lohausen (5), “l'Europe n'est pas un simple continent au même titre que l'Afrique, l'Australie, l'Antarctique. Elle est l'œuvre des Européens et non un don de la nature, l'Europe n'est ni au-delà ni en-deçà de l'Oural, mais jusqu'au point où elle se défend».
En effet, si ses frontières occidentales ont été naturellement perçues et définies, sur le front oriental, elles ont toujours été conventionnelles et incertaines. L'Oural ne signifiant géopolitiquement rien, c'est souvent sur la ligne de front, au point d'arrêt de l'“envahisseur” que l'Europe se définissait.
En cette fin de XXième siècle, l'Europe a retrouvé son unité géographique. Des divisions subsistent (économiques, religieuses,...) mais elles doivent s'effacer si l'Europe se veut, de l'Atlantique au Pacifique, autre chose que le “cap de l'Asie”.
Retrouver notre continentalité
L'Europe, écrit Pierre Béhar, se présentant comme le “promontoire de l'Asie”, point d'aboutissement de toutes les migrations venant de l'Est, laisse apparaître plusieurs ensembles géographiques très contrastés d'où se dégagent des “permanences géopolitiques”.
- Le relief, trois ensembles:
* “La grande plaine du Nord”, sans relief, sans frontières naturelles, les peuples qui l'habitent éternellement s'y entrechoquent et s'y mêlent. Germains, Baltes, Polonais, y trouveront maintes sources de conflits.
* Au sud, un ensemble montagneux, Alpes, Carpathes et Balkans. Ces derniers, “tourmentés et escarpés” nous éclairent sur les difficultés encore actuelles que peuvent y avoir les populations à y constituer des zones d'habitat stables.
* Ailleurs, l'Europe n'est que presqu'îles ou îles lointaines. Autant de presqu'îles (hellénique, italique, ibérique, Asie Mineure, danoise, norvégienne,...) qui constituent des liens avec le monde arabe (nouvel ennemi d'un Occident en mal de croisade), l'Afrique (que certains voudraient rejeter dans la barbarie), l'Asie et le Grand Nord.
- Les deux aires humaines:
A ce constat dans le relief correspondent des “aires humaines” tout autant contrastées. A l'Ouest, une zone de stabilité, à l'Est, une instabilité chronique dont la résolution de l'équilibre “reste la tache à laquelle l'Europe est actuellement confrontée”.
- L'Asie jusqu'où?
Mais l'Europe géopolitique, c'est aussi cet “au-delà”, cette Asie sans laquelle aucun destin ne sera possible. Une nécessité apparaît: “rétablir des relations qui reflètent les liens géographiques qui les unissent”. D'où une question de l'auteur: “Jusqu'où vers l'Est, l'Europe doit-elle étendre des relations géopolitiques privilégiées?”. La réponse est pour nous sans équivoque.
- La mer:
Enfin, l'Europe, c'est aussi un rapport à la mer constant, d'où une maîtrise nécessaire des mers pour un continent qui a toujours souffert du manque de matières premières. Mais aussi nécessité stratégique parce que la mer est devenue “un élément essentiel du théâtre des opérations terrestres”. Et Pierre Béhar d'affirmer: “L'Europe sera une thalassocratie ou ne sera pas”, au même titre qu'elle ne pourra éviter un investissement dans une politique spatiale d'envergure.
Autant de “permanences géopolitiques” que nous somme gré à l'auteur de nous rappeler tant aujourd'hui elles sont ignorées. Mais ces permanences ont un objectif, amener les Européens à s'engager dans deux directions pour penser une géopolitique européenne:
- rétablir l'équilibre interne de l'Europe;
- penser l'Eurasie.
Rétablir l'équilibre interne du continent
Cette notion d'équilibre rejette “l'Europe hémiplégique” et réductionniste qu'est la Communauté Economique Européennes (CEE). Une Europe économique dont on nous fait croire qu'en sortira une Europe politique. Rien de plus faux, car inévitablement “elle se fondra sur le principe d'une intégration totale” et renforcera les frustrations nationales.
C'est donc vers une Europe confédérée et affirmant le primat du politique qu'il faut se tourner. Abandonner le “présupposé arbitraire du primat de l'économique devenu credo de la réflexion occidentale”.
Si la confédération apparaît comme le système le mieux adapté, elle demande un dépassement de l'“idéologie nationaliste” qui a “suicidé” l'Europe et un retour au principe d'équilibre qui a toujours guidé l'ancienne diplomatie dont Bismarck fut un remarquable exemple. Une tradition à mettre en œuvre dans une zone, celle du centre-Europe, mais aussi à l'échelle du continent.
Au centre: l'Allemagne et la Mitteleuropa
L'Allemagne n'est pas le problème et le “déséquilibre européen ne vient pas de sa réunification (...) mais de la destruction (...) de l'ensemble politique austro-magyaro-slave qui la contrebalançait”. Certes en 1994, l'Allemagne n'a plus de “revendications territoriales” mais comme à toute puissance économique correspond une puissance politique, on peut légitimement craindre une “hégémonie allemande” sur la Mitteleuropa, le choix de Berlin comme nouvelle capitale ne pouvant que renforcer ce mouvement. Si hier l'Empire d'Autriche-Hongrie garantissait cet équilibre, aujourd'hui, il n'en est rien.
Il faut donc contrebalancer ce déséquilibre et concevoir des nouveaux ensembles, tels qu'une Fédération de l'Europe Centrale (Autriche, Hongrie, Tchécoslovaquie, Slovénie et Croatie), une Fédération balkanique (Serbie/Monténégro, Roumanie, Bulgarie, Albanie, Grèce et Turquie) et même concevoir une Fédération du Nord (Pays Baltes, Finlande, Scandinavie). Cela n'a rien d'artificiel. Penchons-nous sur les relations séculaires des peuples du Nord, souvenons-nous du pacte balkanique (1934), examinons l'espace commun (le Danube) dans lequel ils évoluent. Vienne doit redevenir capitale de l'Europe centrale et l'axe Vienne-Budapest doit renaître. Déjà des regroupements se mettent en place (Pentagonale, Hexagonale, Communauté des régions du Danube...).
Ce rééquilibrage au centre de l'Europe ne saurait se passer à l'Ouest du retour de la France à sa double vocation continentale et maritime.
A l'Ouest: le rôle de la France
“La France y étant le facteur principal de stabilisation”, Pierre Béhar nous rappelle qu'elle y constitue le “pendant de la Russie”, qu'elle est le lien entre l'Europe du Nord et du Sud, l'Europe continentale et atlantique. N'est-elle pas elle-même le croisement de l'Europe, son “point nodal”. Regrettant les erreurs et les errements de la diplomatie française qui a parié sur une “Realpolitik de la force et non de la liberté des peuples”, Béhar offre à la France de se “rattraper” à condition de mettre ses armes stratégiques et tactiques au service de la défense du continent, d'accroître ses programmes d'équipement naval (surtout de les accorder avec ses ambitions et d'abandonner le prestige pour l'efficacité) et de renforcer son programme spatial plutôt que “s'enfermer pour vingt ans dans la même inefficacité ruineuse”.
L'Eurasie
Si l'Atlantique est la dimension indispensable à notre continentalité, si l'Europe occidentale et l'Europe centrale s'inscrivent sans hésitation dans la définition de l'Europe, l'“Au-delà” reste encore un monde inconnu que l'on hésite à y intégrer. Pourtant, c'est vers lui qu'il faut tendre la main, “l'Europe n'aura de fondements économiques et stratégiques fermes (...) que si elle est assurée de son prolongement eurasiatique”. Deux mondes se côtoient au sein de cette dimension, un monde slave et un monde turc.
Le monde slave, lien indispensable avec l'Asie
Le monde slave oriental, flanc est de l'Europe, contrefort oriental d'une Europe qui n'a aucun intérêt géopolitique à la voir se désagréger, constitue le lien terrestre indispensable avec le monde asiatique. D'où une nécessité: maintenir la coopération entre la Russie, la Biélorussie et l'Ukraine, maintien du “pivot du monde”, d'un “heartland” dont Mackinder (1861-1947) avait souligné la force. Si l'Europe veut compter sur les richesses sibériennes, elle doit rester à l'écoute de la Russie authentique et ne pas hésiter à engager le dialogue avec une “Russie touranienne” dans la perspective d'un “grand ensemble dynamique eurasien”.
Le monde turc: un pont de la Mer du Nord au Golfe Persique
Barrière psychologique, la “question turque” se pose aux Européens. Un effort intellectuel et historique doit être effectué. Il serait absurde de rejeter la Turquie hors du projet européen.
La Turquie souligne Pierre Béhar a et est toujours tentée par un “destin personnel”, celui du monde panturc. Dans une optique de non-alignement, ce destin est-il incompatible d'avec une Europe tournée vers l'Eurasie? Nous ne le croyons pas et, peut-être pour d'autres motifs que l'auteur, nous pensons en effet qu'historiquement, religieusement, philosophiquement, le monde turc est lié à l'Europe.
Rappelons pour le mythe, qu'Europe, fille d'Agénor, était originaire d'Asie, que Troie était construite sur les rivages maintenant turcs, qu'Alexandre porta son Empire par delà l'Anatolie jusqu'à l'Indus... L'Empire ottoman ne fut-il pas la continuité de l'Empire byzantin?
Mais la Turquie d'un point de vue géopolitique est surtout un pion essentiel pour une Europe, souligne Pierre Béhar, qui se veut présente dans les Balkans, dans le monde méditerranéen et dont la Turquie pourrait être une force de stabilisation au Proche-Orient. Enfin et surtout, nous soulignerons (ce que ne fait pas Béhar) que la Turquie, c'est aussi un “pont tendu” reliant l'Europe centrale et l'Europe du Nord au Golfe Persique. Son territoire est l'élément indispensable d'un “puzzle européen” retrouvant vie et cohésion sur une “diagonale” que les ennemis de l'Europe ont toujours combattue (entretien de la guerre balkanique, guerre du Golfe...).
En guise de conclusion:
L'Europe ou l'Eurasie, tel sera le destin de l'Europe Totale (P. Harmel) sans lequel il n'y aura pas d'Europe. Remercions Pierre Béhar de contribuer à la mise en forme du “grand espace européen autocentré” que nous appelons de nos vœux.
Contribution qui n'aura pas osé la dénonciation de l'«Alliance otanesque» qui voue à l'échec toute mise en œuvre de défense authentiquement européenne et la création de ce “nomos eurasien” dont Haushofer et Carl Schmitt souhaitaient la réalisation.
L'Europe n'a pas de frontières, nous l'écrivions au début de cet exposé, elles se situent au point jusqu'où elle choisira de se défendre. Sa frontière géopolitique pourrait alors consister, à partir d'une “Europe noyau”, bâtie sur l'idée de respect d'un équilibre entre ses peuples qui y auraient consenti un “vivre-en-commun”, d'étendre ce jus publicum europaeum jusqu'aux limites d'un espace eurasien, voire africain, permettant une large autosuffisance et une sécurité repoussée à ses points extrêmes. Le nouvel ordre américano occidental serait alors frappé à mort. C'est notre plus ardent souhait.
Lucien FAVRE.
Notes:
(1) Pierre BEHAR, Une géopolitique pour l'Europe. Vers une nouvelle Eurasie?, Ed. Desjonquères, Paris, 1992.
(2) Francis FUKUYAMA, La fin de l'Histoire et le dernier homme, Flammarion, Paris, 1992.
(3) Cf. Hérodote n°64.
(4) Karl E. HAUSHOFER, De la géopolitique, Fayard, 1986 (Préface et traduction du Prof. Jean KLEIN).
(5) Heinrich Jordis von LOHAUSEN, Les empires et la puissance, Ed. du Labyrinthe, Paris, 1985.
03:40 Publié dans Affaires européennes, Eurasisme, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
mardi, 24 juillet 2007
Stratégie de Washington au Vénézuela
Cris CARLSON :
La nouvelle stratégie impériale de Washington au Venezuela ou Comment on fomente des troubles à Caracas
Un correspondant nous adresse un texte émanant d’un journaliste indépendant vivant au Venezuela, Cris Carlson. Particulièrement sensible aux questions relatives à la mondialisation et à son économie dévorante, ce dernier démonte les mécanismes de la globalisation tels que les Américains les pratiquent pour étendre leur influence et leur contrôle sur le monde.
Cette enquête, émaillée de notes renvoyant à des ouvrages ou à des articles de presse américaine, anglaise et vénézuélienne, est à rapprocher de deux articles parus dans « Le Monde » des 19 et 20 juin 2007 bien que la presse française dans son ensemble soit plutôt muette sur le sujet. Le premier a pour titre « Les projets en Iran de la compagnie gazière autrichienne OMV provoquent la colère de Washington » – le titre, à lui seul, est suffisamment explicite – et, dans le second, « La lutte contre l’insécurité grandissante est devenue la priorité des Vénézuéliens », on retrouve, avec certains faits cités à mots couverts, quelques-unes des observations de Cris Carlson.
Nous sommes en Amérique du Sud ; cet article est donc teinté de tiers-mondisme. On remarquera toutefois que les méthodes appliquées pour instaurer le mondialisme sont universelles.
Polémia
La nouvelle stratégie impériale de Washington au Venezuela
ou Comment on fomente des troubles à Caracas
Utilisée pour la première fois en Serbie en 2000, Washington a maintenant mis au point une nouvelle stratégie impériale pour maintenir sa suprématie dans le monde. Alors que les invasions militaires et l’installation de dictatures ont été traditionnellement les moyens employés pour dominer des populations étrangères et les maintenir à l'écart de la marche des affaires, le gouvernement des Etats-Unis a désormais développé une nouvelle stratégie qui n'est pas aussi compliquée ni brutale mais beaucoup plus douce; tellement douce, en fait, qu’elle est presque invisible.
Elle a été si peu visible en Serbie, en 2000, que personne n’a semblé se rendre compte, au moment du renversement du régime, que le pays s’ouvrait à une privatisation massive et au transfert, aux mains des Etats-Unis et des multinationales, des énormes industries, des sociétés et des ressources naturelles appartenant au secteur public. De la même manière, peu de gens ont remarqué que des pays de l'ancien bloc soviétique avaient été, il y a peu, les victimes de la même stratégie, avec exactement les mêmes résultats.
Les nations qui ne cèdent pas aux exigences de l'empire et à l'expansion du capitalisme mondial font l’objet d’un plan secret et bien conçu destiné à changer la situation politique de leur pays et à ouvrir leurs portes aux investisseurs. Avec le soutien des Etats-Unis des groupes, à l’intérieur de ces pays, renversent le président en donnant l’impression qu’il n’y a aucune intervention venant de l’extérieur. Et aujourd’hui, Washington se tourne vers une nouvelle menace, la plus grande : l'Amérique latine, et plus particulièrement le Venezuela.
La montée du Nouvel Ordre mondial
Au cours de la deuxième moitié du vingtième siècle, les capitalistes américains ont pris conscience que les perspectives nationales d’investissement et de croissance arrivaient à saturation. Les volumes d’affaires atteignaient un niveau où les possibilités d’expansion, à l’intérieur des frontières du pays, étaient pratiquement épuisées et la seule possibilité de croissance était de rechercher à l'étranger de nouvelles perspectives d’avenir. Des groupes d’entreprises en voie d’expansion cherchaient à développer leurs opérations partout dans le monde, en investissant, en privatisant et en achetant tout ce qui leur tombait sous la main. Le capital national se tournait vers l’international et à la fin du siècle le capitalisme était vraiment devenu mondial.
« Grossir ou se faire manger » : telle était leur nouvelle philosophie, et ils décidèrent de grossir en avalant des nations entières. Avec l'aide de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international, partout des économies étaient ouvertes à la privatisation. Les systèmes de télécommunication, les réseaux électriques, la distribution de l'eau et les ressources naturelles étaient rachetés par de riches capitalistes partout dans le monde. Le capitalisme du libre-échange régnait alors en maître : un paradis pour le capital international puisque la richesse du monde était de plus en plus concentrée dans leurs mains (1).
Quelques nations, cependant, étaient bien résolues à ne pas se laisser manger. La privatisation était un concept impopulaire parmi des populations qui avaient développé la folle idée que leurs ressources naturelles leur appartenaient, à elles et non pas à des sociétés étrangères. Une résistance s'est installée dans plusieurs régions du monde, et un certain nombre de nations n’ont pas voulu se plier à la logique du capitalisme mondial. Mais Washington était décidé à ouvrir le monde au développement de ses entreprises. Il obligerait ces pays qui n’obtempéraient pas, soit par la force soit par la ruse.
Le cas de la Yougoslavie : un modèle pour le changement de régime
Ce fut en Yougoslavie, et plus particulièrement en Serbie, que la nouvelle stratégie de Washington allait vraiment prendre forme pour la première fois. De là, cette stratégie allait être exportée à d’autres pays afin d'essayer de renouveler l’énorme succès de l'expérience serbe. Et il n'est pas difficile de voir pourquoi. Après que le renversement du régime Milosevic eut permis une privatisation en masse, tout ce qui restait de l’ancien pays socialiste, y compris certaines des plus grandes réserves européennes de ressources naturelles, tomba bientôt dans les mains des Etats-Unis et des investisseurs internationaux.
La stratégie est une stratégie très élaborée. Dans le dessein d'évincer un régime indésirable, le gouvernement des Etats-Unis se consacre au renforcement et à l’union de l'opposition à son gouvernement. Ceci comprend le financement des partis politiques d'opposition et la création d’organisations non gouvernementales visant à renverser le régime au pouvoir. Par-dessus le marché, les Etats-Unis peuvent engager par contrat des conseillers politiques et des instituts de sondage pour aider leur candidat favori à gagner l’élection. Mais au cas où ils ne peuvent pas gagner l’élection, de faux sondages jettent le doute sur les résutats électoraux officiels et l'opposition crie à la fraude. Des manifestations en masse et la quasi-totalité des médias mettent la pression sur le régime pour qu’il se retire et cède aux exigences de l’opposition (2).
Aussi peu vraisemblable que cela puisse paraître, c’est exactement cette stratégie qui fut utilisée pour renverser Slobodan Milosevic en Serbie, en 2000. Après que la guerre du Kossovo et les bombardements de l’OTAN eurent échoué à provoquer le changement de régime, les Etats-Unis travaillèrent à renforcer les adversaires internes de Milosevic en les unissant derrière un candidat, Vojislav Kostunica, et en alimentant sa campagne électorale avec près de 40 millions de dollars (3). Des ONG et des conseillers électoraux financés par les Etats-Unis réussirent à lancer une campagne de propagande autour des élections et travaillèrent en coulisses à l’organisation d’une résistance massive au régime de Milosevic (4). Le jour du vote, des « aides aux électeurs » formés par les Etats-Unis étaient déployés dans tout le pays pour suivre de près les résultats. Les Etats-Unis avaient même fourni à de jeunes activistes des milliers de bombes de peinture et d’autocollants pour couvrir le pays de slogans anti-Milosevic (5).
Selon les résultats officiels du premier tour des élections, aucun candidat n'avait obtenu la majorité des voix, et il devait donc y avoir un deuxième tour. Mais les conseillers américains publièrent leurs propres « sondages à la sortie des bureaux de vote » qui donnaient Kostunica largement en tête et que Milosevic refusa de reconnaître (6). L'opposition cria à la fraude et des groupes soutenus par les Etats-Unis organisèrent des actions de résistance non violente pour faire pression sur le gouvernement. Des groupes armés envahirent l'Assemblée fédérale et le siège de la télévision d'Etat (7). Des manifestations et une rébellion massive obligèrent Milosevic à se retirer. Il ne devait pas y avoir de deuxième tour et le candidat de Washington, Vojislav Kostunica, prit le pouvoir. La stratégie avait fait son œuvre.
Mais pourquoi les Etats-Unis avaient-ils pris la Serbie pour cible et, plus particulièrement, la petite province du Kossovo ? La réponse remonte à l'administration Reagan et à un document secret de 1984 sur « La politique américaine à l’égard de la Yougoslavie ». Une version censurée fut révélée en 1990 qui préconisait « le déploiement d’efforts pour encourager une “révolution pacifique” visant à renverser le gouvernement communiste et les partis » (8).
Pendant des années le gouvernement des Etats-Unis a travaillé au démantèlement et au morcellement de la Yougoslavie socialiste, soutenant tous les mouvements d’indépendance, quels qu’ils fussent, à l’intérieur des différentes provinces, y compris l’intervention militaire de 1999 au Kossovo pour favoriser la séparation de cette province. Ce qui avait été, par le passé, un relatif succès économique sous le célèbre Josip Tito et son économie socialiste fondée sur la propriété collective et l’autogestion des entreprises, ne permettait pas les investissements étrangers ni le capital américain. C'était un péché mortel vis-à-vis du capitalisme mondial moderne. Comme l'écrit Michael Parenti :
« La Yougoslavie était le seul pays d’Europe de l'Est qui ne voulait pas démanteler son économie collectiviste d'état-providence. Elle était la seule à ne pas avoir sollicité son entrée à l'OTAN. Elle poursuivait – et c’est encore le cas pour ce qui en reste – une route indépendante, non conforme au Nouvel Ordre mondial (9). »
Morceler le pays en petits Etats dépendants et détruire leur économie collectiviste étaient l’objectif final, et Milosevic, un admirateur du socialiste Tito, était leur seul obstacle.
Leur travail fut considérablement récompensé. Une fois Milosevic disparu, une des premières mesures prises par le nouveau gouvernement fut d’abroger la loi de 1997 sur la privatisation et de permettre aux investisseurs étrangers d’acquérir 70% du capital d’une entreprise (10). En 2004, la mission de l'ONU au Kossovo annonça la privatisation de 500 entreprises, et ce furent les sociétés américaines qui se révélèrent les grandes gagnantes. Phillip Morris acheta une manufacture de tabac pour 580 millions de dollars, U.S. Steel traita une affaire de 250 millions de dollars avec un producteur d’acier, Coca-Cola s’empara d’un fabriquant d’eau en bouteilles pour 21 millions de dollars, et ainsi de suite (11).
De surcroît, les investisseurs occidentaux avaient désormais accès à ce que le « New York Times » appela le « prix fabuleux de la guerre », les deuxièmes plus grands gisements de charbon d’Europe et les énormes réserves de plomb, de zinc, d’or, d’argent et même de pétrole (12). Et la perle des perles se situait dans la province du Kossovo : l’énorme complexe minier de Trepca, évalué à plus de 5 milliards de dollars, ouvert aujourd’hui au plus offrant (13).
Le succès de la stratégie en Serbie servit merveilleusement de leçon aux décideurs politiques de Washington. Ils allaient la répéter à plusieurs reprises dans l'ensemble de l'Europe de l'Est, dans des régions comme la Géorgie (en 2003), l’Ukraine (en 2004), le Kyrgyzstan (en 2005) et la Biélorussie (sans succès en 2001). Au cours de ce qu’on a appelé les « Révolutions de couleur », chaque mouvement, aidé par les Etats-Unis, allait remplacer un régime par un autre plus favorable aux politiques de libre-échange promues par Washington (14). La stratégie préférée pour obtenir un changement de régime devint cette nouvelle sorte de résistance non violente, et maintenant l'empire dirige son regard sur l'Amérique du Sud, où une nouvelle menace pour le capitalisme mondial est soudainement apparue.
Le problème du Venezuela
Si, pour la Serbie, la mine de Trepca au Kossovo était le gros lot de l'intervention dans ce pays, au Venezuela c'est la compagnie pétrolière d'Etat, PDVSA. Le Venezuela possède certaines des plus grandes réserves de pétrole du monde, peut-être devant l'Arabie Saoudite si l’on tient compte de tous les gisements de brut. Et c'est PDVSA qui domine au Venezuela, avec un total monopole sur les ressources pétrolières de la nation. Avec une capacité de production de 4 milliards de barils par jour et un revenu annuel 65 milliards de dollars, la compagnie possède également un réseau de plus de 15.000 stations-services aux Etats-Unis ainsi que plusieurs raffineries, à la fois aux Etats-Unis et en Europe, la plaçant à la deuxième place des plus grandes compagnies de toute l'Amérique latine (15).
On peut être sûr que les investisseurs en entreprises aimeraient mettre la main sur PDVSA, comme sur d’autres sociétés du secteur public du Venezuela. En fait, c’est ce qu’ils ont fait tout au long des années 1990. En 1998, les sociétés multinationales avaient déjà raflé la compagnie nationale du téléphone, la plus grande compagnie de l'électricité, et l’opération sur PDVSA traversait ce qu’ils appelaient une période d’ « ouverture » au capital international ; une façon plus élégante d’appeler la privatisation (16).
Mais cette même année, Hugo Chavez fut élu président sur une plateforme anti-impérialiste, et la vente aux enchères du Venezuela cessa brusquement. En fait, Hugo Chavez est devenu un vrai problème pour les impérialistes industriels et leurs domestiques à Washington. Non seulement il a mis fin aux privatisations mais il fait actuellement marche arrière en re-nationalisant tout ce qui a, par le passé, été privatisé. La privatisation de la compagnie pétrolière d'Etat est désormais interdite par la loi, et son gouvernement a pris son entier contrôle, en l’utilisant pour financer le développement du pays.
Mais ce qui inquiète encore plus Washington et ses promoteurs économiques c’est de voir que cette tendance se propage à travers l'Amérique latine. Le gouvernement Chavez a tissé des liens étroits avec beaucoup de ses voisins, et beaucoup marchent dans ses pas. Des pays comme la Bolivie et l'Equateur reprennent le contrôle de leurs énormes réserves de gaz et de pétrole, laissant moins d’emprise aux grosses sociétés qui espéraient les posséder un jour.
Et par conséquent, exactement comme ils l’ont fait en Serbie, en Géorgie, en Ukraine et ailleurs, Washington a déployé ses forces au Venezuela avec l'intention de se débarrasser de la menace Chavez. Après avoir tenté différentes actions au cours des années, y compris un coup d’Etat qui a fait long feu, une manipulation électorale et des manifestations de masse, Washington n'a pas été capable de renverser le chef populaire. Mais ils n'ont pas abandonné pour autant. Au contraire, ils continuent précisément à augmenter leur niveau d’implication.
Répétition de l'expérience de l'Europe de l'Est au Venezuela
La nouvelle stratégie impériale comprend ce que l’on appelle « les coins américains ». Ces « coins » sont de petits bureaux, mis en place par Washington à travers le pays cible, qui servent pratiquement de mini-ambassades. On ne sait pas très bien ce que font exactement ces « coins », mais on y trouve tout un choix de renseignements sur les Etats-Unis, y compris des offres d'études à l'étranger, des cours d’anglais et de la propagande pro-américaine. En plus de tout cela, les mini-ambassades organisent également des événements, des formations et des cours pour jeunes étudiants.
Curieusement, ces « coins » semblent se trouver en très grand nombre dans les pays que Washington cherche à déstabiliser. Les anciens pays yougoslaves ont un total de 22 « coins américains », dont 7 en Serbie. L'Ukraine en a 24, la Biélorussie 11, la Russie 30, l’Irak, même, 11. La concentration de loin la plus élevée des « coins » est en Europe de l'Est, sur laquelle Washington dirige ses tentatives de déstabilisation depuis quelques années (17).
Il existe au moins quatre « coins américains » au Venezuela, implantation la plus importante de tous les pays latino-américains, et les Etats-Unis financent aussi littéralement des centaines d'organismes dans tout le pays pour un montant de plus de 5 millions de dollars par an (18). Ces organisations financées par les Etats-Unis travaillent de concert pour transplanter l'expérience de l’Europe de l’Est au Venezuela. Comme le rapporte Reuters, l’opposition vénézuélienne est déjà en train d’apprendre les tactiques serbes de renversement de régime de la bouche d’un colonel de l’armée américaine en retraite, nommé Robert Helvey :
« Helvey, qui a enseigné à de jeunes activistes au Myanmar [en Birmanie] et à des étudiants serbes qui ont participé à la destitution de l'ancien dirigeant yougoslave Slobodan Milosevic en 2000, donne, cette semaine, des cours de tactique d'opposition non violente à une université à l’est de Caracas », dit l’article. « Ni Helvey ni les organisateurs du séminaire de Caracas n’ont voulu donner de précisions sur les tactiques d'opposition enseignées. Mais, dans sa mission en Serbie avant la chute de Milosevic, Helvey fournissait des instructions aux étudiants sur les façons d'organiser une grève et sur la manière de miner l'autorité d'un régime dictatorial », rapportait Reuters (19).
Et plus récemment, dans la ville universitaire de Mérida, un professeur d'histoire du Texas, Neil Foley, a animé une manifestation organisée par l'ambassade des Etats-Unis et le Centre vénézuélo-américain (Cevam), qui n’est pas officiellement un « coin américain » mais qui vise le même objectif. Foley, qui s’est exprimé dans divers « coins américains » de Serbie, a donné des conférences en Bolivie et au Venezuela sur « les valeurs américaines » (20).
J’ai assisté à l’une des conférences de Foley et, comme prévu, c’était une véritable campagne de propagande pro-américaine infligée aux étudiants de l’université. Le professeur a donné très exactement le message pour lequel il avait été payé par l’ambassade des Etats-Unis, en vantant les mérites de la société américaine et de « la démocratie américaine ». Selon Foley, les Etats-Unis résolvent tous leurs problèmes par la tolérance envers les autres et un « dialogue » sans exclusive avec leurs opposants. Et par un clair appel du pied en direction de ces étudiants vénézuéliens, Foley laissait entendre que tout gouvernement qui ne respectait pas ces critères « devait être renversé » (21)
Tous ces efforts convergent dans une campagne à l’échelle nationale visant à unir, renforcer et mobiliser l'opposition au gouvernement démocratiquement élu de Chavez. L’objectif final, naturellement, est de déstabiliser le gouvernement, en organisant et en dirigeant des groupes d'opposition qui devront commettre des actes de résistance pacifique et des manifestations de masse. Comme cela a été fait en 2002, quand les groupes vénézuéliens d'opposition ont organisé des manifestations massives qui ont tourné à la violence et finalement conduit au renversement provisoire du gouvernement Chavez, la campagne financée par les Etats-Unis cherche à déstabiliser le gouvernement, de n’importe quelle façon, pouvant aller jusqu’à provoquer la violence dont ils rejetteront plus tard la responsabilité sur le gouvernement (22).
A présent presque tous les éléments de la stratégie utilisée en Serbie et dans d’autres pays de l'Est ont été mis en œuvre au Venezuela au moment où Washington dirige et contrôle la campagne de l'opposition vénézuélienne. Les mêmes « conseillers électoraux » employés pour la Serbie, l’entreprise Penn, Schoen et Berland basée à Washington, ont été également utilisés au Venezuela pour publier de faux sondages effectués à la sortie des bureaux de vote dans le dessein de faire planer le doute sur les élections vénézuéliennes. Cette stratégie de manipulation électorale a été employée à l’occasion du référendum de rappel de 2004 où l’ONG Sumate, financée par les Etats-Unis, et la firme Penn, Schoen et Berland ont diffusé de faux sondages à la sortie des bureaux de vote annonçant que Chavez avait perdu le référendum. Ils refirent la même chose avant les élections de 2006, en prétendant que l’adversaire de Chavez « avait nettement le vent en poupe » (23). Aussi bien en 2004 qu’en 2006, les faux sondages donnaient raison aux allégations de fraude avancées par l'opposition avec l'espoir de provoquer des manifestations de masse contre le gouvernement. La stratégie a en grande partie échoué mais elle a jeté un doute sur la légitimité du gouvernement de Chavez et a affaibli son image sur le plan international.
Les tentatives de déstabilisation prennent forme de manière concrète dans les semaines qui viennent avec les énormes manifestations antigouvernementales de Caracas contre l’action entreprise par le gouvernement à l’encontre de la chaîne de télévision privée RCTV. Des groupes d'opposition se sont mis en place autour de cette décision du gouvernement, proclamant qu’elle piétinait la « liberté d'expression », et ils ont organisé une série de grandes manifestations dans la capitale aboutissant à un défilé massif le 27 mai, jour où expire le permis d'émission de RCTV.
Tous les médias privés ont joué leur rôle en annonçant et en invitant les téléspectateurs à participer au défilé pour manifester contre le gouvernement. Tout le monde s’attend à ce qu’il y ait une énorme participation à la fois de la part des partisans du gouvernement et de la part de ses opposants, et le gouvernement a déjà prévenu qu’il pourrait y avoir au cours de ce défilé des violences dont on tentera de rejeter la responsabilité sur lui pour déstabiliser le régime. Ces derniers jours, les services de renseignements du gouvernement ont découvert, chez les opposants, 5 fusils destinés à des tireurs isolés ainsi que 144 cocktails Molotov, qui semblent bien prouver que la violence est au menu (24) (25).
C'est exactement ce genre de manifestation qui, en 2002, a entraîné des dizaines de morts, des centaines de blessés et le renversement provisoire du gouvernement Chavez. Les chaînes de télévision privées comme RCTV ont manipulé les reportages filmés pour attribuer la responsabilité des morts aux défenseurs de Chavez, et condamné le gouvernement pour ses atteintes aux droits de l'homme. Aussi, cette fois, les fonctionnaires du gouvernement ont-ils demandé aux activistes pro-gouvernmentaux de surveiller les manifestations de l’opposition avec photos et vidéos les 27 et 28 mai afin d'éviter une situation semblable à celle du coup d’Etat de 2002.
S'il n'y avait eu les énormes manifestations pro-gouvernementales après que Chavez eut été renversé en 2002, la stratégie de Washington se serait peut-être déjà débarrassée de ce président populaire. Mais la stratégie a échoué, et par conséquent l'empire poursuit ses tentatives. Comme cela s’est passé en Ukraine, en Serbie, en Géorgie et ailleurs, la stratégie exige de faire descendre dans la rue un grand nombre de personnes pour manifester contre le gouvernement. Indifférents au fait que le gouvernement dispose ou non d’une popularité, qu’il soit élu démocratiquement ou non, les groupes d’opposition tentent d’imposer leur volonté au gouvernement en mettant la pression.
Ce que la plupart des manifestants ne savent probablement pas, c’est qu'ils sont simplement les pions d’une plus grande stratégie qui a pour objectif de déboucher sur un capitalisme mondialiste de « libre-échange » et des privatisations dominées par les grosses entreprises. Tandis que d’énormes sociétés multinationales se partagent le monde, de petites nations comme la Serbie et le Venezuela sont simplement des obstacles malencontreux à la réalisation de leurs objectifs. Dans la ruée mondiale pour voir qui grossira et qui se fera manger, le fait que des pays préféreraient ne pas être mangés n’a tout simplement pas d’importance pour les bureaucrates de Washington.
Cris Carlson, journaliste indépendant habitant au Venezuela.
Voir son blog personnel à : www.gringoinvenezuela.com
13 mai 2007
Venezuelanalysis.com
______________
Notes :
1. Pour en savoir plus sur la façon dont la Banque mondiale et le FMI forcent la privatisation sur les pays pauvres :
http://www.thirdworldtraveler.com/IMF_WB/IMF_WB.html...
2. Quatre articles de Michael Barker expliquent plus amplement cette stratégie.
http://www.zmag.org/content/showarticle.cfm?ItemID=10987...
3. Michael A. Cohen et Maria Figueroa Küpçü, « Privatizing Foreign Policy », « World Policy Journal », Volume XXII, n° 3, automne 2005 :
http://worldpolicy.org/journal/articles/wpj05-3/cohen.html
4. Chulia, Sreeram : « Démocratisation, révolutions de couleur et le rôle des ONG : Catalyseurs ou saboteurs ? »:
http://www.globalresearch.ca/index.php?context=viewArticl...
5. Michael Dobbs, « Les conseillers politiques américains ont aidé l'opposition yougoslave à renverser Milosevic », « The Washington Post », 11/12/00 : http://www.washingtonpost.com/ac2/wp-dyn?pagename=article...
6. Ian Traynor explique comment l’opposition a utilisé les sondages à la sortie des bureaux de vote pour renverser les régimes en Europe orientale, « The Guardian », 26/11/04 :http://www.guardian.co.uk/ukraine/story/0,15569,1360236,0...
7. Chris Marsden, « Comment l’Ouest organisa la chute de Milosevic » : http://www.wsws.org/articles/2000/oct2000/yugo-o13_prn.sh...
8. Finley, Brooke : « Remembering Yugoslavia: Managed News and Weapons of Mass Destruction », extrait du livre « Censored 2005 », Seven Stories Press, 2004.
9. Michael Parenti, « The Media and Their Atrocities, You Are Being Lied To », p. 53, The Disinformation Company Ltd., 2001.
10. Neil Clark, « The Spoils of Another War/NATO’s Kosovo Privatizations », Znet, 21/09/04 : http://www.zmag.org/content/showarticle.cfm?ItemID=6275...
11. Elise Hugus, « Eight Years After NATO’s “Humanitarian War”/Serbia’s New “Third Way” », « Z Magazine », avril 2007, volume 20 n° 4 : http://zmagsite.zmag.org/Apr2007/hugus0407.html...
12. Hedges, C., « Kosovo War's Glittering Prize Rests Underground », « New York Times », 08/08/98.
13. Michel Chossudovsky, « Dismantling Former Yugoslavia, Recolonizing Bosnia-Herzegovina », « Global Research », 19/02/02, « Covert Action Quarterly », printemps, 18/06/96 :
http://www.globalresearch.ca/index.php?context=viewArticl...
14. Jonathan Mowat, « Coup d’Etat in Disguise: Washingtons’s New World Order “Democratization” Template », « Global Research », 09/02/05 :
http://www.globalresearch.ca/articles/MOW502A.html...
15. http://es.wikipedia.org/wiki/Petróleos_de_Venezuela...
16. Steve Ellner, « The Politics of Privatization, NACLA Report on the Americas », 30/04/98 :
http://www.hartford-hwp.com/archives/42/170.html...
17 http://veszprem.americancorner.hu/htmls/american_corners_...
18. Jim McIlroy & Coral Wynter, « Eva Golinger: Washington's “Three Fronts of Attack” on Venezuela », « Green Left Weekly », 17/11/06 :
http://www.greenleft.org.au/2006/691/35882
19. Pascal Fletcher, « US Democracy Expert Teaches Venezuelan Opposition », Reuters, 30/04/03 :
http://www.burmalibrary.org/TinKyi/archives/2003-05/msg00...
20. La page web de l’ambassade américaine de Bolivie témoigne que Neil Foley a prononcé un discours à La Paz, en Bolivie, pour « La semaine culturelle des Etats-Unis », dans la semaine qui a précédé son arrivée au Venezuela.
http://www.megalink.com/USEMBLAPAZ/english/Pressrel2007En...
21. Notes personnelles prises par moi-même lors du discours de Mr. Foley à l’université des Andes à Merida, Venezuela, le 16 avril 2007.
22. Pour plus de détails sur le coup d’Etat de 2002 on lira le récent article de Gregory Wilpert : « The 47-Hour Coup That Changed Everything » :
www.venezuelanalysis.com/articles.php?artno=2018...
23. Voir mon précédent article « Coup d’Etat au Venezuela: Made aux Etats-Unis/Le projet américain de destitution d’Hugo Chavez dans les jours qui ont suivi l’élection », Venezuelanalysis.com, 22/11/06 :
www.venezuelanalysis.com/articles.php?artno=1884...
24. Le président Chavez annonce que les services de renseignements ont infiltré des groupes d’opposition et qu’ils ont trouvé parmi eux un homme en possession de cinq fusils avec silencieux, « Chávez anuncia incautación armas vinculadas a complot en su contra », Milenio.com, 606/05/07 :
http://www.milenio.com/index.php/2007/05/05/65937/...
25. La police de Los Teques, près de Caracas, a trouvé 144 cocktails Molotov tout prêts à être utilisés pour « être emportés dans la rue la semaine prochaine dans l’intention de troubler l’ordre public et favoriser une confrontation directe avec les autorités », « Prensa Latina », 09/05/07 :
http://www.prensalatina.com.mx/article.asp?ID=%7BEEAA37C7...)
Correspondance Polémia
Traduction René Schleiter
Polémia - http://www.polemia.com/contenu.php?cat_id=12&iddoc=14...
22/06/07
04:05 Publié dans Défense, Géopolitique, Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
samedi, 21 juillet 2007
J.P.Roux: choc de religions
Biographie de l'auteur
Détails sur le produit
|
05:05 Publié dans Affaires européennes, Géopolitique, Histoire, Islam, Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
mardi, 17 juillet 2007
Wolfowitz: Return to Sender?
Wolfowitz: Return to Sender? |
by Bill Berkowitz |
03:15 Publié dans Economie, Géopolitique, Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
lundi, 16 juillet 2007
Sur l'état de l'armée américaine
Sur l’état de l’armée américaine
La situation militaire internationale ne s’est guère modifiée au cours de ces quelques dernières années ; cependant, certains chiffres nous étonnent, qui sont révélés par les rapports annuels de centres de recherches aussi célèbres et performants que l’ « Institute for Strategic Studies » britannique (IISS) ou le « Stockholm International Peace Research Institute » (SIPRI) suédois. Ainsi, nous apprenons que les Etats-Unis disposent certes de forces armées dont les effectifs avoisinent le demi million d’hommes, que seule la Chine aligne des effectifs plus impressionnants, avec 2,3 millions de combattants potentiels. Mais les chiffres absolus ont leurs limites. Lorsque l’on porte en compte bon nombre d’autres facteurs, la supériorité des forces armées américaines s’avère bel et bien une réalité incontournable. Comment pourrait-il d’ailleurs en être autrement ? A eux seuls, les Etats-Unis font près de la moitié (45,6% exactement) de tous les budgets militaires du globe. La seconde puissance dans le classement est la Grande-Bretagne, suivie de près par la France et la Chine. On remarquera tout de suite que ces numéros 2, 3 et 4 dépensent chaque année un budget qui demeure plus ou moins dans le cadre raisonnable de leur produit national brut. Ce n’est évidemment pas le cas des Etats-Unis qui, en termes de chiffres, dépassent de 60% la moyenne mondiale des budgets militaires. Voilà pour la théorie.
En pratique et sur le terrain…
Que fait-on en pratique avec des forces armées aussi impressionnantes ? Là, en examinant la réalité, on tombe sur un tout autre son de cloche. La situation se révèle plus complexe, et aussi plus nuancée. Bon nombre de fondamentaux y jouent un rôle, tant en politique intérieure qu’en politique extérieure ; ces fondamentaux sont jouets aux mains d’intérêts économiques et donc politiques, mais l’essentiel, toutefois, c’est que les conflits menés en Irak et en Afghanistan exercent une pression énorme sur l’armée américaine. Les Etats-Unis, constate l’un de nos analystes, « consacrent désormais, en termes absolus, le plus gros montant jamais engagé en matière de défense depuis la seconde guerre mondiale ». Et il poursuit son raisonnement : « Pourtant, malgré cette injection considérable de fonds, il semble que l’armée américaine soit épuisée par l’irruption, sur le terrain, de toutes sortes de révoltés et d’insurgés, qui ne sont armés que d’AK-47, de grenades et de bombes artisanales ». Assertion qui ressemble certes à une boutade. Mais il y a là un fond de vérité, que l’on ne saurait nier. Il n’y pas un jour qui passe, en effet, sans que l’on entende des rapports inquiétants sur la situation en Irak. Il y a quelques jours, les Afghans reprochaient aux Américains leur manière d’intervenir et de régler des problèmes de terrain, sans se soucier des dégâts collatéraux. Les critiques de leurs alliés afghans étaient claires et nettes : « vous n’y allez pas avec le dos de la cuiller et c’est intolérable ». Un grand nombre de victimes civiles venaient en effet de périr lors d’interventions de l’US Army. Force est dès lors de constater que les difficultés d’aujourd’hui sont le résultat de choix pris hier et avant-hier.
L’ancien ministre américain de la défense, Donald Rumsfeld, était un homme de fortes convictions. Il voulait que l’on investisse dans des armes de haute technologie, dans des systèmes de reconnaissance et dans le traitement de données. La vitesse des interventions, la précision des frappes et l’efficacité générale permettraient, toutes ensemble, d’éviter d’aligner une armée de masse. Mieux : après les attentats du 11 septembre, il y près de six ans, le « leadership » américain devait assurer sa suprématie en visant le consensus. Qui fut obtenu. On parvint ainsi, avec succès, à chasser les talibans du pouvoir, puis, sans un consensus équivalent, à occuper rapidement l’Irak tout entier. Mais dès le lendemain de ces succès apparemment foudroyants, les problèmes ont commencé à surgir et à se multiplier. Les unités militaires, qui se montrèrent si rapidement victorieuses dans les conflits de haute intensité grâce à leurs technologies de haut vol, s’avérèrent bien incapables d’occuper correctement le terrain conquis. Aujourd’hui, cela saute aux yeux : l’armée américaine est aujourd’hui victime de son propre passé. Après la guerre du Vietnam, elle s’est concentré sur l’éventualité d’un seul « grand conflit », sans vouloir s’imaginer qu’une conflictualité future pouvait prendre le visage d’une multitude de petits conflits, engendrant autant de chaos intenses mais localisés. L’erreur d’appréciation a donc été la suivante : les responsables de l’US Army ont cru que les unités militaires capables de résoudre le « big bang » du « grand conflit » envisagé, alors être ipso facto capables d’intervenir avec autant d’efficacité dans les conflits de basse intensité. Pendant de longues années, les troupes américaines se sont entraînées pour réussir de beaux sprints. Hélas pour elles, elles sont aujourd’hui engagées, malgré elles, dans un long et épuisant marathon.
Une loi d’airain…
En dépit de l’entraînement des hommes et des techniques utilisées, il existe une loi d’airain : celle des chiffres. La façon moderne de mener la guerre se concrétise sur base de rapports (de proportions) qui, au préalable, doivent être bien pensés et conçus. Ainsi, sur 50 brigades de combat de l’US Army, en moyenne dix-sept peuvent être rendues immédiatement opérationnelles (ce qui donne plus ou moins un rapport de 2 :1). Mais depuis l’envoi de cinq brigades supplémentaires en Irak, le nombre de brigades engagées à l’extérieur du pays est de 25. Certaines de ces brigades ne se voient octroyer qu’un repos d’un an, après un « tour of duty » de quinze mois (rapport : 0,8 :1). En comparaison, les Britanniques tiennent à respecter un rapport de 4 :1, soit au moins deux années de repos après un engagement de six mois. Les responsables de l’armée britannique estiment que c’est là un minimum absolu. Les Américains subissent donc les effets de leur forcing : le nombre de vétérans qui souffrent de problèmes psychiatriques augmente dans des proportions inquiétantes.
Quelle est dès lors la morale à tirer de cette histoire ? Les Etats-Unis ont besoin d’une armée aux effectifs beaucoup plus nombreux qu’actuellement. D’où question : comment réaliser cela en pratique ? Les forces terrestres, composante le plus importante de l’ensemble des forces armées américaines, alignent aujourd’hui 507.000 hommes. En 2001, il y en avait 482.000 et en 1980, 780.000. Augmenter les effectifs en des temps de haute conjoncture n’est pas une sinécure ! Surtout que la réintroduction de la conscription n’est pas considérée comme une option envisageable. Les unités qui restent aux Etats-Unis manquent de matériels et de moyens, doivent sans cesse se rationner : signe de déséquilibre patent. « Toutes ces lacunes », remarque un expert, « rappellent les canaris qui mourraient dans les mines de charbon : ils annonçaient l’imminence d’une catastrophe ».
M.
(article paru dans « ‘t Pallieterke », 4 juillet 2007 ; trad. franç. : R. Steuckers).03:25 Publié dans Défense, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
mardi, 10 juillet 2007
Les Etats-Unis et le pétrole d'Afrique occidentale
Les Etats-Unis et le pétrole d'Afrique occidentale
par Stefano Liberti
Le Golfe de Guinée est riche en pétrole et plus stable que le Moyen-Orient; c’est une région de haut intérêt stratégique pour les Etats-Unis. Ils pensent y installer une base militaire.
Au moment même où ils s’implantent dans le Golfe Persique, les Etats-Unis mènent une autre bataille stratégique en silence, dans un autre golfe, à quelques milliers de kilomètres de là, plus exactement dans le Golfe de Guinée, leur futur point d’appui en Afrique occidentale. Riche en pétrole, plus facile à contrôler du point de vue politique, cette région suscite des convoitises croissantes de la part de l’administration américaine.
Tout a commencé au lendemain du 11 septembre 2001, quand de nombreuses voix demandaient une diminution de la dépendance énergétique vis-à-vis de l’Arabie Saoudite, pays dont provenaient 13 des 19 terroristes suicidaires qui ont commis les attentats de New York et Washington. Une conférence, organisée le 25 janvier 2002 par l’”Institute for Advanced Strategic and Political Studies” (IASPS) ouvre la danse; l’IASPS est un “think tank”, dont le siège se trouve à Jérusalem, dont l’objectif est de bétonner l’alliance entre les “faucons” du Likoud et les extrémistes néo-conservateurs qui ont désormais la cote au Pentagone. Le colloque s’est tenu dans le siège de Washington de l’IASPS et y ont participé de nombreux fonctionnaires de l’administration, des membres du Congrès, des responsables de sociétés pétrolières américaines et les ambassadeurs de presque tous les pays producteurs de brut sur le continent noir. L’allocution d’ouverture fut prononcée par Walter Kansteiner, à l’époque sous-secrétaire d’Etat en charge des questions africaines. Il a déclaré, sur un ton solennel, que le pétrole sub-saharien constituait désormais “un intérêt stratégique pour les Etats-Unis”.
A la fin des travaux, les congressistes ont décidé de former un “Groupe d’initiative sur la politique pétrolière africaine”, l’AOPIG, soit “African Oil Policy Initiative Group”. Il s’agit d’un véritable lobby qui s’est formé là, sans craindre les conflits d’intérêts, et où se trouvent réunis des responsables de l’administration Bush, des représentants du Congrès, des sociétés pétrolières, des sociétés d’investissement et des consultants internationaux. Ce lobby est dirigé par Paul Michael Whibey, membre en vue de l’IASPS, convaincu de la nécessité d’abandonner le pétrole du Moyen Orient parce qu’il sert à financer les ennemis d’Israël. L’AOPIG s’est ensuite présenté au grand public par le truchement d’un “livre blanc” intitulé “African Oil, A Priority for US National Security and African development” (“Le pétrole africain : une priorité pour la sécurité nationale des Etats-Unis et pour le développement de l’Afrique”). Ce texte pose comme objectif de faire passer l’idée, auprès des dirigeants américains, que l’Afrique occidentale, jusqu’ici négligée, doit devenir une zone de première importance dans la hiérarchie des intérêts américains. Pour atteindre cet objectif, l’IASPS n’est nullement isolé; à peine quatre jours après le colloque de Washington, l’influent “Council on Foreign Relations” organise un séminaire dont l’inspiration est similaire : “La riposte de l’Amérique au terrorisme : gérer les profits du pétrole africain dans un climat global mouvant”.
Le “climat global mouvant” impose, disaient-ils, un redressement et une rupture que l’administration américaine, dominée par les pétroliers, imprimera lentement mais sûrement à son propre agenda. En rendant publiques, au mois de mai suivant, les lignes directrices de la politique énergétique nationale, le Vice-Président Dick Cheney déclarait : ”Le pétrole africain, vu sa qualité élevée et son taux réduit de soufre, représente un marché en plein développement pour les raffineries de la côte est”.
La Guinée équatoriale, colonie américaine
Depuis lors, la présence américaine dans la région s’est soudainement renforcée. En juillet 2002, une délégation l’AOPIG a visité le Nigéria, où elle s’est entretenue avec le Président Olusegun Obasanjo pour chercher à le convaincre de la nécessité de sortir de l’OPEP et de se soustraire à ses mécanismes de contrôle de la production et des prix. Au cours du mois de septembre suivant, Colin Powell s’est rendu au Gabon : c’était la première visite d’un secrétaire d’Etat américain dans ce pays. Pendant l’été, Bush débarque au Nigéria, après avoir rencontré à plusieurs reprises à Washington les ambassadeurs des pays d’Afrique occidentale. A la mi-octobre, les Etats-Unis réouvrent leur ambassage à Malabo, capitale des la Guinée Equatoriale, alors qu’elle avait été fermée pendant huit ans. Depuis lors, la Guinée Equatoriale est devenue une véritable colonie américaine.
Tenant compte d’une production quotidienne de 500.000 barils de brut (un par habitant), Bush n’a eu aucun scrupule à renouer des contacts avec le dictateur guinéen Teodoro Obiang, que la CIA décrivait pourtant comme “un dirigeant sans foi ni loi qui a saccagé l’économie nationale”. Aujourd’hui, les deux tiers des concessions pétrolières de la Guinée sont aux mains des sociétés américaines et les gisements sont défendus par des garde-côte formés par une société privée, la Military Professional Ressources Inc, dirigée par d’anciens officiers du Pentagone.
Plus au Nord, les activités américaines ne sont pas de moindre envergure: en l’espace d’une année, en un temps record, s’est achevée la construction d’un oléoduc d’un peu plus de 1000 km, partant de Doba, dans le Sud du Tchad, pour aboutir à la ville côtière de Kribi au Cameroun; il devrait acheminer 225.000 barils de brut par jour. Cet oléoduc a coûté 3,5 milliards de dollars et a été inauguré le 10 octobre 2003. Son financement provient d’un consortium américain et malaisien, comprenant les trois principales multinationales du pétrole : ExxonMobil, Chevron Texaco et Petronas. La construction a également bénéficié de fonds provenant de la Banque mondiale.
Un trésor off-shore
Cette frénésie est pleinement justifiée : les données sur les potentialités énergétiques de l’Afrique occidentale sont pourtant peu impressionnantes. Les réserves certaines sont aujourd’hui de quelque 24 milliards de barils. Mais le rythme auquel on découvre de nouveaux gisements fait dire aux experts qu’en réalité les pays riverains du Golfe de Guinée possèderaient plus de 100 milliards de barils. La production, qui atteint aujourd’hui 4 millions de barils par jour (quantité équivalente à la production quotidienne du Mexique, du Venezuela et de l’Iran) devrait augmenter considérablement et atteindre, selon des prévisions réalistes, le niveau de 10 millions de barils par jour d’ici à 2010.
Le Golfe de Guinée devrait bientôt fournir 15% des importations américaines de brut, soit la quantité qu’ils importent aujourd’hui d’Arabie Saoudite. Ensuite, selon les projections effectuées par divers analystes, ce chiffre devrait atteindre les 20% en deux ou trois années à peine.
Les avantages du brut du Golfe de Guinée sont importantes et diverses : les coûts de transport sont beaucoup moindres, vu la proximité relative des côtes américaines. L’instabilité politique y est de moindre ampleur. L’OPEP y exerce une influence mineure (parmi tous les producteurs de la région, seul le Nigéria en fait partie et décidera un jour d’en sortir, comme l’a fait le Gabon). Les pays de la région sont aussi plus réceptifs à l’égard des investissements étrangers. Il n’y a pas là-bas de concurrents politiques et économiques suffisamment aguerris, comme la Russie. La France, avec TotalElfFina, même si elle peut bénéficier des liens politiques et économiques tissés à l’époque coloniale, n’est pas en mesure de faire face aux ressources financières dont disposent les géants américains Chevron et ExxonMobil. Enfin, dernier avantage, incontournable, des nouveaux gisements du Golfe de Guinée : leur position. Ces réserves, en effet, sont, pour l’essentiel “off-shore”, donc éloignée de toutes turbulences politiques et sociales éventuelles.
Pour sécuriser et contrôler la région, les Etats-Unis songent à installer un commandement militaire permanent dans le petit archipel de Sao Tomé & Principe, lui aussi très riche en pétrole et, de surcroît, position stratégique en plein centre du Golfe. C’est exactement ce que Wihbey entendait réaliser dans un rapport publié à la fin de l’année 2001. Les Etats-Unis s’apprêtent à concrétiser le contenu de ce rapport, car, récemment, des experts militaires ont rendu visite à Sao Tomé. En somme, l’avenir de l’Afrique occidentale est bel et bien inscrit dans les directives dictées par l’AOPIG, dont l’idéologie repose sur deux piliers fondamentaux : exploitation et militarisation.
(article tiré du site : www.disinformazione.it )
04:40 Publié dans Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
lundi, 09 juillet 2007
Théorciens de l'impérialisme américain
Robert Kagan, Charles Krauthammer et Victor D. Hanson, théoriciens actuels de l’impérialisme américain
Les Etats-Unis, missionnaires de Dieu sur la Terre
par Francesco Dragosei
Les nouveaux prophètes d’un néo-darwinisme entre les Etats sont des historiens, des essayistes et des journalistes. Dans leurs écrits, ils annoncent l’avènement triomphal, en Amérique et dans le monde, de la loi du plus fort. Dans les travaux de Robert Kagan et de Charles Krauthammer, on découvre qu’une euphorie américano-centrée s’affirme tout de go, spéculant sur les retombées du 11 septembre 2001. Le néo-darwinisme en politique internationale est le frère cadet du néo-darwinisme économico-social, déjà bien présent sur la scène internationale. Ses prophètes? Les intellectuels qui, par leurs écrits, donnent du poids et une dignité théorique à la “brutalité de la praxis”, suggérée par le néo-conservatisme américain actuel. Ce sont des intellectuels de “droite” quand ils le veulent, ou qui ne se posent pas d’emblée comme tels s’ils veulent être plus insidieux. Ils écrivent généralement dans les colonnes du Washington Post. Ces historiens, essayistes et journalistes annoncent l’avènement triomphal, en Amérique et dans le monde, de la loi du plus fort, de celui qui s’adapte au mieux aux lois de la survie. Cette idéologie constitue un virage à 180 degrés par rapport à leurs homologues d’il y a une quinzaine d’années qui débattaient d’un possible déclin de l’Amérique.
L’une des coryphées du néo-darwinisme est sans conteste possible Robert Kagan, dont l’ouvrage emblématique le plus récent en langue italienne est Paradiso e potere, America e Europa nel nuovo ordine mondiale (ce livre a été édité chez Mondadori en Italie). Cet essai, désormais célèbre, est en réalité un opuscule assez banal et insignifiant, écrit rapidement, sur base d’un article, préalablement paru dans la revue «Policy Review», qui a été beaucoup lu et commenté. Le bagage documentaire de cet opuscule est ridicule, est une compilation de références bibliographiques quasi nulle, de notes prises sur d’autres notes, de comptes-rendus de colloque ou de conférence. Malgré ces lacunes, cet ouvrage fort mince est devenu le plus bel exemple, et même le manifeste, de cette euphorie américano-centrée rampante et néo-darwinienne, qui, depuis l’effrittement de l’épouvantail soviétique, a pris graduellement mais inexorablement la tête de beaucoup d’Américains.
Une vieille Europe émasculée, jalouse de la puissante Amérique
La “théorie” de Kagan est simple, simpliste même. L’Europe est vieille et émasculée, à cause des bains de sang des deux guerres mondiales, mais elle se montre envieuse, jalouse, de la puissante Amérique; son seul désir est dorénavant d’en castrer la puissance militaire, en lui imposant en sous main sa culture morbide et pacifiste de la diplomatie et des négociations : cette culture, l’Europa l’a héritée de l’idéal kantien de la paix perpétuelle —mais notre auteur ne cesse de répéter cette affirmation sans jamais citer directement un seul ouvrage de Kant ou de Hobbes), tandis que Hobbes constituerait la source de la culture belliqueuse et virile de l’Amérique. Par conséquent, l’unique voie à suivre pour l’Amérique est de balancer aux orties cette politique sous-jacente de pacifisme que cultive l’Europe, un pacifisme qu’ils jugent délétère; en conclusion, les Etats-Unis souhaitent continuer à asséner les coups de massue, qu’ils distribuent à qui mieux mieux, parce qu’ils sont les plus forts, prétend Kagan sans jamais imaginer, ne fût-ce qu’un seul instant, que le refus européen de ce qu’il appelle le “monde hobbesien” pourrait être un choix de civilisation, une hypothèse sur l’évolution des rapports futurs entre les nations.
Il se sent toutefois obligé de rassurer ses lecteurs et de leur dire que les raisons de l’Amérique ne sont pas aveugles et égoïstes mais visent également le bien de l’Europe et du reste du monde, dans la mesure où le monde entier aussi veut “faire avancer les principes de la civilisation et de l’ordre mondial libéral”. Selon Kagan et ses amis, donc, l’Amérique s’auto-investit d’une fonction, celle d’être l’unique interprète et l’unique garante du progrès, de la justice planétaire et de la paix. L’Amérique rêve donc d’un Etat (mondial) parfait, de devenir la puissance patronesse du monde, et sa tutrice, comme l’avait annoncé en son temps un Reinhold Niebuhr, nous rappelle Kagan (“la responsabilité de l’Amérique, c’est de résoudre les problèmes du monde”). Ou encore Benjamin Franklin : “La cause de l’Amérique est la cause de l’humanité tout entière”. Effectuons un saut en arrière et revenons à la Russie des années 20 du 20ième siècle et rappelons-nous la figure du grand “Bienfaiteur”, le chef absolu du vaste Etat planétaire, sinistre et mielleux, qui, dans le roman de Zamiatine, Nous, explique, sur un ton paternaliste, que le devoir de son Etat parfait, est de “faire courber l’échine des êtres ignorants qui peuplent les autres planètes pour que s’exerce le jeu bénéfique de la raison”. Et “s’ils ne comprennent pas que nous leur apportons un bonheur mathématiquement exact”, alors “nous les obligerons à être heureux”.
Ne pas observer les règles du droit international, pratiquer la guerre préventive
Dans un long article paru dans le numéro 70 de «The National Interest», le journaliste du Washington Post, Prix Pulitzer, Charles Krauthammer, après avoir rappellé que, déjà dans la lointaine année 1990, à rebours des prévisions sur le déclin des Etats-Unis, il avait préconisé, pour l’avenir, une unipolarité américaine, et relevé, avec orgeuil, que “le budget militaire américain dépassait ceux, additionnés, des vingt pays suivants”, et qu’il n’y avait donc aucun signe réellement tangible de déclin; en plus de cette supériorité militaire, l’Amérique, ajoutait-il, détenait la primauté économique, technologique, linguistique et culturelle. Son triomphalisme, fruit d’une faculté typiquement américaine de transformer toute défaite en un contre-récit optimiste (c’est là une faculté que nous appelerons l’ “élaboration euphorique du deuil”), repose sur une tragédie, en apparence peu “triomphale”, celle du 11 septembre; il transforme, avec la magie d’un alchimiste, le coup le plus grave jamais porté sur le sol américain, en un mythe sur l’invulnérabilité de l’Amérique. Il observe avec cynisme : “S’il n’y avait pas eu le 11 septembre, le géant serait resté endormi [...] Grâce au fait qu’il ait pu démontrer ses capacités de récupérer [...] Le sens de l’invulnérabilité a acquis, au sein de la population, une dimension nouvelle”. Toujours à la suite des événements fatidiques du 11 septembre, Krauthammer se donne un alibi pour légitimer moralement la nouvelle politique américaine, celle de ne pas observer les règles du droit international et de pratiquer la guerre préventive : “Le 11 septembre a servi de catalyseur et a fait émerger la conscience [...] que la première mission des Etats-Unis est de se prémunir contre de telles armes”.
Après avoir pointé du doigt la “sinistre” politique des Lilliputiens européens, qui consiste à immobiliser le Gulliver américain “à l’aide d’une myriade de ficelles qui réduisent sa puissance”, Krauthammer conclut : au fond, dit-il, les Etats-Unis, en poursuivant leurs propres intérêts, poursuivent aussi ceux des Européens ingrats, surtout quand il s’agit d’apporter la paix au monde.
L’histoire militaire occidentale selon Hanson
Dans un livre substantiel et bien documenté, intitulé Carnage and Culture, le célèbre historien militaire Victor Davis Hanson effectue un travail d’anamnèse historique en profondeur et part, dans sa démonstration, de la Bataille de Salamine. Son livre est sérieux, très scientifique, mais, face au petit opuscule de Kagan et aux essais de Krauthammer, il constitue une arme bien plus insidieuse et effilée dans le dispositif néo-darwiniste. Hanson analyse toutes les batailles qui ont fait date, comme Salamine (480 av.J.C.), Gaugamèle (331 av.J.C.), Canne (216 av. J.C.), Poitiers (732), Tenochtitlàn (1520), Midway (1942), Tet (1968); Hanson donne corps, ainsi, à la théorie d’un Occident qui a la primauté méconnue, depuis fort longtemps, d’être le plus “létal” quand il fait la guerre (“Brutal Western lethality”, pour reprendre ses paroles), une brutalité qui dérive directement du primat que possède, de fait, sa culture. Que ce soit les Grecs ou les Romains, les Macédoniens d’Alexandre ou les Espagnols de Cortès, ou encore les Américains dans le Pacifique, tous ont obtenu des victoires écrasantes sur des “non occidentaux” (Non Westerners), soit, en l’occurrence des Noirs, des Jaunes ou tous autres peuples qui ne sont pas parfaitement blancs. Ces victoires ne sont pas nécessairement dues à la supériorité de leur organisation ou de leur technologie (par exemple la poudre à canon). Ces victoires, ils les doivent à une “plus-value” civile, faite de discipline, de démocratie, de liberté, d’esprit d’initiative et d’individualisme.
Quant aux inévitables pages sombres de l’histoire occidentale, Hanson —en utilisant cette capacité d’”euphoriser” le travail de deuil que nous avions déjà observé chez Krauthammer— parvient à transformer ces défaites occidentales (de la bataille de Cannae à Wounded Knee et à l’offensive du Tet) en victoires de fond, car, explique-t-il, les non occidentaux n’ont obtenu la victoire que dans la mesure où ils se sont approprié les armes, les technologies et les idées de l’Occident. Les jeux sont faits. En allongeant et en étirant quelque peu sa théorie sur les triomphes de l’Occident, Hanson parvient à interpréter la défaite américaine au Vietnam de façon telle qu’il en fait une victoire. La bataille de Khesanh, par exemple, il explique avec un orgeuil mal dissimulé, est certes une défaite américaine, mais aussi une victoire à la Pyrrhus des Vietnamiens, en ce sens que la supériorité matérielle des Américains a fait que le nombre de leurs morts est resté très réduit : un mort américain pour cinquante morts vietnamiens. Ces proportions équivalent plus ou moins aux pertes des espagnols de Cortès devant les Aztèques. Désolé, Hanson confesse toutefois que la victoire américaine s’est muée en défaite, par masochisme, à cause de l’hystérie et des distorsions de la presse, de la télévision et de la gauche américaine.
En raisonnant de la sorte, Hanson rappelle la guerre du Vietnam et la sanctifie (toujours en utilisant, malgré tout, des termes dépréciatifs, comme “horrendous slaughter”, d’”horribles massacres”, “blood bath”, des “bains de sang”, etc.), mais, simultanément, et de manière tacite, il ramène le primat guerrier et civil de l’Occident à l’actuelle supériorité militaire (et aussi civile) des Etats-Unis.
Sortir l’Amérique du syndrôme vietnamien
En outre, son livre s’inscrit, mine de rien, dans ce vaste ensemble de narrations réécrites qui visent à sortir l’Amérique de la dépression qui a suivi l’aventure vietnamienne et qui, malgré de fréquentes déclarations contraires, continue à souffir d’une intolérance génétique vis-à-vis de toutes formes de défaite, d’échec, de deuil. Ces “réécritures” relèvent, notamment, de ce célèbre récit national et populaire qui a pour personnage Rambo, porteur du mythe de la trahison du soldat américain héroïque, poignardé dans le dos par l’odieuse bureaucratie politique, militaire et médiatique.
Terminons en évoquant une voix qui n’appartient en aucune façon à cet aréopage de néo-darwinistes et qui s’exprime dans une publication très sérieuse, qui, elle, n’hésite pas à critiquer l’Amérique et sa politique; cette voix, pourtant, contribue au triomphalisme ambiant de manière subtile. Il s’agit d’un article paru en mai 2003 dans les colonnes de l’«Atlantic Monthly», dû à la plume de David Brooks, l’auteur, entre nombreux autres ouvrages, d’une “cover story” de grande ampleur, très complète (12 pages denses) portant sur les différences entre l’Amérique rouge et l’Amérique bleue. Dans son article, Brooks se réfère au livre Democratic Vistas de Walt Whitman (écrit en 1871), et rappelle que le grand poète —à rebours des anti-américains obtus d’aujourd’hui— avait bien compris que l’Amérique était (et reste) un pays fort diversifié et varié, composé d’hommes bons et moins bons, et que sa force consistait (et consiste) à ne pas dévier du chemin qu’elle avait décidé d’emprunter, c’est-à-dire celui de sa “mission historique”, qui est de se poser comme le guide du monde, même dans les moments où le leadership est médiocre (Woods fait directement allusion à Bush). A la lecture de cet article de Woods, on se laisse, à son insu, prendre aux ardeurs nationalistes et messianiques du poète de New York. Woods le rappelle avec nostalgie son blâme adressé aux Américains : “Whitman avait un sens subtil du caractère unique de la mission historique de l’Amérique (“America's unique historical mission”), que Dieu lui-même ou le destin ont assigné à ce pays, pour qu’il diffuse la démocratie dans le monde et qu’il promeuve partout la liberté”.
En avançant de tels arguments, Brooks rejette l’hypothèse d’une Amérique différente, alors qu’il venait lui-même de l’énoncer, et donne, sans doute sans le vouloir vraiment, la main aux Kagan, Krauthammer et Hanson. Il apporte, sûrement malgré lui, une contribution involontaire à la rupture générale qu’annoncent ce “bushisme” militant et l’Amérique, rupture du pacte qui unit théoriquement les peuples au sein des “Nations Unies” et postule la parité démocratique entre les nations. Brooks, avec sa vision de l’Amérique, aussi sympathique qu’elle puisse sembler, rejoint ainsi ceux qui affirment, haut et clair, que l’Amérique a une mission planétaire, légitimée par sa prépondérance militaire, renforcée par sa conscience messianique retrouvée.
Francesco DRAGOSEI,
Mardi 19 août 2003 – article tiré du site materialiresistenti
04:35 Publié dans Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
jeudi, 05 juillet 2007
Géopolitique des migrations
Tandonnet Maxime | ||
Géopolitique des migrations. La crise des frontières | ||
Mondes réels | ||
978-2-7298-3260-5, TANDON | ||
14,5 x 21 cm, 144 pages, 16,00 € | ||
Parution : 2007 statut : Disponible | ||
Conséquence directe de la globalisation, l’augmentation fulgurante et multiforme des flux migratoires dans le monde se traduit par l’essor des sociétés multiculturelles. Dans le contexte idéologique issu du 11 septembre 2001, dominé par l’idée de « choc des civilisations », comment gérer au mieux cette diversité croissante, à laquelle n’échappe aucun pays, tout en évitant le risque de la tribalisation et du repli identitaire ? |
04:35 Publié dans Affaires européennes, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (1) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
mercredi, 04 juillet 2007
D. Kalajic: valeur géopolitique de la Yougoslavie
La valeur géopolitique de la Yougoslavie
Quel sens doit-on accorder à la déclaration publique et officielle (répétée depuis par Bill Clinton) du Président américain George Bush, justifiant la mobilisation totale des forces américaines sur l’échiquier balkanique : « La Serbie est le péril majeur pour la sécurité et les intérêts économiques et politiques des Etats-Unis » !
Quelle fin ultime poursuit-on en voulant diviser encore davantage le territoire de l’actuelle Yougoslavie, partition annoncée lors d’un entretien accordé par le Secrétaire d’Etat James Baker au New York Times le 18 avril 1992 ? Le Secrétaire d’Etat de cette époque considérait que la Serbie et le Monténégro devaient être réduits à un territoire plus petit que celui de la Serbie avant les guerres balkaniques (de 1912 et 1913). Pourquoi ? La géopolitique nous donne la réponse, car elle démontre l’énorme valeur du territoire yougoslave dans la stratégie anti-européenne des Etats-Unis et de leur petit cheval de Troie dans l’UE, la Grande-Bretagne. L’espace géopolitique en question recèle les voies de communication uniques, actuelles et virtuelles, terrestres et fluviales, qui relient directement l’Europe occidentale, centrale et septentrionale au Sud-est européen et, partant, au Moyen-Orient et à la Mer Caspienne. Tout contrôle hégémonique sur ce nœud de communications terrestres et fluviales, y compris les oléoducs qui restent à construire, donne à toute force déterminée à exercer pareille hégémonie, le pouvoir de conditionner ou de séparer toutes les parties du continent qui en sont riveraines et, bien sûr, avant toute chose, l’Europe. Déjà, au siècle passé, la géopolitique allemande avait mis en exergue la valeur stratégique de cette zone du Sud-Est européen. Les Allemands avaient projeté la construction d’un réseau ferroviaire devant relier Hambourg à Bagdad, la Mer du Nord au Golfe Persique, ce qui aurait constitué un axe de coprospérité pour tous les peuples vivant autour de cet axe. Bien sûr, ce projet visait essentiellement à contester l’hégémonie britannique au Moyen-Orient, reposant sur le monopole anglais sur le pétrole et les voies maritimes. Pour cette raison, la politique coloniale britannique a empêché son éclosion, y compris par des actions militaires.
Le commandant en chef de l’armée austro-hongroise, le Général Beck, dans un rapport rédigé en décembre 1895, souligne clairement l’importance géopolitique du Kosovo et de la Metohija, décrivant cette région comme la clef stratégique permettant le contrôle des Balkans. La puissance qui parvient à contrôler cette zone a automatiquement la possibilité de contrôler l’espace balkanique dans son ensemble, avec toutes ses voies de communication. Le Général Beck révélait là une preuve d’ordre historique : l’Empire ottoman n’a pas conquis les Balkans après la chute de Constantinople mais après sa victoire sur le Champ des Merles, c’est-à-dire au Kosovo. A Versailles, les artisans occidentaux qui ont fabriqué la Yougoslavie avaient les mêmes visées géopolitiques. Pour les alliés atlantistes, la Yougoslavie devait servir de barrière anti-allemande et anti-européenne. La résolution sur la Yougoslavie, émise par la loge du Grand Orient de Paris en mars 1917, salue cet Etat à venir comme « un môle de civilisation contre l’expansion de la culture pangermanique ». L’Allemagne actuelle, guidant de fait la Communauté européenne en se donnant le rôle de médiateur (se révélant toutefois partial et intéressé) entre les diverses républiques yougoslaves au moment de la crise séparatiste, a finalement réussi à détruire ce « môle », en favorisant, appuyant et légitimant les sécessions slovène et croate.
Puis, en 1992, les Etats-Unis sont entrés dans le jeu, avec la ferme intention de construire une alternative offensive (et non plus seulement défensive) au « môle » anti-allemand et anti-européen. Cette alternative au rôle qu’avaient dû jouer les première et seconde Yougoslavies s’appelle « la transversale islamique », chez les nouveaux géopolitologues serbes actuels, ou le « Troisième empire américain », dans le langage de leurs homologues de Washington.
Le « Troisième Empire américain »
La description la plus synthétique du « Troisième Empire américain » nous a été donnée par deux rédacteurs de l’école stratégique de Washington, Michael Lind et Jacob Haillbrun ; cette synthèse est parue dans les pages de l’International Herald Tribune du 4 janvier 1996, sous un titre qui résume en lui-même tout un programme géopolitique : « Le Troisième Empire américain avec les Balkans comme frontière ».
Selon les deux auteurs de cet essai, par « Premier Empire américain », il faut entendre l’ensemble des Amériques. Il a été suivi chronologiquement par le « Second Empire », conquis après la victoire de la seconde guerre mondiale : il comprend l’Europe occidentale et le Pacifique. Le dernier de ces empires, le Troisième, les Etats-Unis sont en train de le forger.
« Au lieu de considérer la Bosnie comme une frontière orientale de l’OTAN, il faut considérer les Balkans comme une frontière occidentale de l’expansion de la sphère d’influence américaine en direction du Moyen-Orient. Il faut également se rappeler, que jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale, les Balkans étaient considérés comme une partie du Proche-Orient et non de l’Europe (sic ! !). Le fait que les Etats-Unis soient beaucoup plus proches de l’Etat constitué par les Musulmans bosniaques, que leurs alliés européens, reflète, entre autres choses, le rôle nouveau que doivent se donner les Etats-Unis : guider une coalition informelle des nations musulmanes du Golfe [du Golfe Persique, DK] aux Balkans. La zone qui jadis était sous la domination de l’Empire ottoman deviendra ainsi le cœur du Troisième Empire américain ». Donc le « Troisième Empire » américain ou la « Transversale islamique » est constitué d’une chaîne de pays musulmans ou à forte minorité musulmane, partant de la Turquie, traversant la Bulgarie, la Macédoine et l’Albanie, pour aboutir à la Bosnie-Herzégovine. Pour consolider l’intégrité territoriale de cette chaîne, il manquait l’anneau principal : le Kosovo-Metohija.
Le « Troisième Empire américain » hérite évidemment des vieilles fonctions statiques du « môle » dressé contre l’expansion allemande et européenne en direction du Moyen-Orient et contre l’avance des Russes en direction de la Méditerranée, mais, en plus, il acquiert de nouvelles fonctions dynamiques. L’intention première des stratèges de Washington est de ramener l’hégémonie turque dans les Balkans. Ils présentent dès lors cette hégémonie comme un « facteur incontournable de stabilité », mais ils souhaitent finalement ouvrir de force les portes de l’UE à la Turquie, qui deviendrait membre à part entière. Depuis de nombreuses années déjà, Washington insiste pour que l’UE ouvre ses portes à la Turquie, ce qui aurait pour résultat de déstabiliser et finalement de désintégrer le monde européen.
Pour comprendre les intentions turques et le potentiel explosif de la Turquie, il suffit de lire les textes de géopolitologues turcs, qui expriment sans détours leurs aspirations à reconquérir les Balkans et, dans la foulée, toute l’Europe, avec l’aide des Etats-Unis et de leur démographie galopante. Pour l’homme doté de bon sens, citons l’exemple du politologue turc influent, Nazmi Arifi, qui, dans les pages de la revue Preporod (organe officiel des Musulmans bosniaques), en date du 15 août 1991, décrivait très clairement, avec une joie carrément sadique, les conséquences d’une entrée de la Turquie dans l’UE : « L’Europe a conscience du potentiel turc. Elle est consciente de la masse démographique turque. L’Europe regarde la Turquie comme un pays dont la population potentielle est de 200 millions d’habitants [note de DK : Arifi compte les Turcophones d’Asie centrale auxquels le gouvernement d’Ankara offre directement la nationalité turque]. Il est donc logique que l’Europe ne s’opposera pas à la Turquie. En l’espace de dix années [note de DK : après l’entrée de la Turquie dans l’UE], la moitié de la population européenne sera musulmane pour les raisons suivantes : les peuples musulmans ont une natalité plus élevée, les migrations économiques en provenance du monde islamique s’installeront en Europe, la chute libre de la natalité des peuples européens de souche, les conversions à l’Islam… Ce sont là des faits que l’Europe, bon gré mal gré, devra accepter ».
Les opinions pareilles à celle que nous venons de citer sont amplement confirmées par les positions officielles et dans la rhétorique des hommes politiques turcs, depuis feu Türgüt Özal jusqu’à l’actuel Président Demirel. Tous ces hommes politiques ont promis aux Turcs et aux Turcophones que le « 21ième siècle sera turc » et que la Turquie s’étendra « de la Muraille de Chine à l’Adriatique ». Et quelques-uns ajoutent : « Aussi jusqu’à l’Atlantique ! ».
Le « Troisième Empire américain » ou la « Transversale islamique » offrira la plus grande voie terrestre imaginable aux migrations massives en provenance du monde islamique ou du Tiers-Monde vers l’Europe, ce qui modifiera de fond en comble son visage démographique et culturel. Sans le bouclier serbe, l’Europe aurait été depuis longtemps, depuis plusieurs siècles, islamisée. Aujourd’hui, cette Europe remercie la Serbie-bouclier en lui envoyant bombes et missiles. Du point de vue serbe, cette Europe, du moins cette Europe légale, fait montre d’une servilité inacceptable face aux Etats-Unis, occupants atlantistes, ou cultive un esprit masochiste et suicidaire.
De plus, l’occupation du territoire yougoslave vise à transformer celui-ci en une gigantesque base pour l’OTAN, qui servira, si besoin s’en faut, à attaquer la Russie, lors d’une future et probable entreprise guerrière. Il sera facile de mettre en scène un nouveau « casus belli », où il faudra répéter une « intervention humanitaire » : il se trouvera bien quelque part une nouvelle Tchétchénie ou une ethnie musulmane rebelle dans la Fédération de Russie pour servir de prétexte. On pourra aussi très facilement justifier une agression contre la Russie en prétextant que le potentiel nucléaire pourrait tomber entre les mains des revenchistes —qualifiés pour les besoins de la propagande de « fascistes » ou, pire, de « nationaux-communistes ». Le scénario a déjà été imaginé, notamment par Zbigniew Brzezinski, dans sa dernière esquisse de géopolitique anticipative, Le Grand Echiquier, où il évoque la possibilité de diviser la Russie en trois Etat « pour mieux la moderniser ». Il suffit de consulter quelques bons atlas géographiques pour se rendre compte que cette stratégie colonialiste rencontre les intérêts mondialistes et globalistes qui lorgnent vers les immenses richesses du pays.
L’occupation de la Yougoslavie, que ce soit sous une forme hard ou soft (avec l’instauration d’un gouvernement fantoche), vise à contrôler, dominer et monopoliser toutes les communications terrestres et fluviales entre l’Europe et le Moyen-Orient, entre l’Europe et la zone caucasienne ou la Mer Caspienne. De fait, la destruction des ponts sur le Danube, suite à des bombardements répétés, a déjà bloqué le trafic fluvial et interrompu l’acheminement des marchandises vers l’Europe en provenance de la région pontique (Mer Noire). L’occupation de la Yougoslavie vise aussi à fermer définitivement l’unique passage libre et virtuel vers la Méditerranée pour l’économie russe. La Russie n’a plus qu’à passer par le Bosphore, qui reste sous la souveraineté de la Turquie, fidèle vassal traditionnel des puissances anglo-saxonnes, par haine de la tradition et de l’Europe.
Si l’OTAN, avec la complicité servile et masochiste des gouvernements européens, parvient à détruire le bouclier serbe, la possibilité de sceller une grande alliance entre l’Europe occidentale et la Russie sera définitivement enterrée, alors que cette alliance à été le grand rêve de nos maîtres, de Nietzsche à Dostoïevski. Dans une perspective aussi lugubre, l’Europe ne sera plus qu’une province américaine marginale, puis deviendra l’un des désert du Tiers-Monde.
Il faut non seulement espérer mais agir et combattre pour faire en sorte que ce « rêve américain » ne devienne pas réalité.
Dragos KALAJIC.
06:05 Publié dans Affaires européennes, Eurasisme, Géopolitique, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
dimanche, 01 juillet 2007
Idéologie liberticide de la Maison Blanche
Daniele Petraroli
L’idéologie liberticide de la Maison Blanche
La théorie paranoïaque du “New American Century".
Les quatre composantes fondamentalistes de la Maison Blanche.
Une stratégie brutale mais claire : “la guerre préventive au monde entier”.
L’Europe est le premier ennemi de l’impérialisme WASP.
Si on se laisse vivre au jour le jour, il n’est guère facile de comprendre que des changements fondamentaux sont en train de s’opérer aujoiurd’hui plus que jamais dans l’histoire, et, personnellement, j’ai vraiment la sensation d’être le témoin d’événements qui, par la force des choses, sont voués à avoir des conséquences très lourdes sur les destinées politiques du globe. En fin de journée, le mardi 11 septembre 2001, bon nombre de commentateurs s’affairaient à expliquer que le monde était entré dans une époque d’”insécurité globale”, due au terrorisme, aux “Etats-voyous” (pour utiliser la terminologie de l’administration américaine) et, en ultime instance, à la pauvreté et à l’instabilité définitive des pays du tiers et du quart-monde. Aujourd’hui, un an et demi après la pulvérisation des Twin Towers, nous pouvons dire que le 21ième siècle, qui devait être une époque de paix et de bien-être, a commencé sous le signe de la peur et du chaos international.
Nous devons cependant bien dire que cette situation n’est pas due à Al Qaeda, comme on le craignait au lendemain du 11 septembre 2001, ni à un détournement d’avion, ni à des kamikazes obligés de se faire sauter, bourrés d’explosifs, au milieu des foules en Europe ou en Amérique, mais à un nouveau dessein politique, théorisé plusieurs années avant l’attentat et réalisés, après celui-ci, par l’administration Bush, au cours de ces derniers mois : il s’agit du dessein néo-impérial.
La guerre préventive
De puis l’effondrement de l’Union Soviétique, les Etats-Unis sont devenus l’unique superpuissance encore existante et, forts de cette unipolarité acquise dès 1991, ils ont aligné ouvertement les théoriciens de la droite néo-conservatrice, qui sont rapidement devenus les conseillers les plus écoutés du Président Bush. Ils sont nombreux : nous avons Kagan, Ledeen, Podhoretz, pour ne citer que quelques noms. Ces idéologues ne sont pas sortis subitement, comme du chapeau d’un magicien, au lendemain de l’effondrement des deux tours. Bien au contraire : ils ont préparé le scénario qui se déroule aujourd’hui sous nos yeux depuis au moins dix ans. En fait,la première théorie de la “guerre préventive” se manifeste en 1992, c’est la “Defence Policy Guidance” de Dick Cheney, aujourd’hui vice-président des Etats-Unis, de Paul Wolfowitz et, accessoirement, de Rumsfeld. Les deux premiers ont théorisé l’utilisation de tous les atouts américains contre tout pays en mesure de devenir une “menace”. A l’époque, les temps n’étaient pas encore mûrs et Bush-le-père a mis un terme au projet. Il faudra donc attendre dix longues années et la tragédie providentielle du World Trade Center pour que les divers groupes de pression issus de la droite du parti républicain, après des parcours divers, s’unissent dans le fameux “Project for the New American Century” (PNAC), dont l’idéologue est Wolfowitz lui-même. Il réussira à déterminer en tout et pour tout la politique extérieure du Président.
La bande des quatre
Il nous paraît utile de faire un peu de clarté sur les origines de cette “nouvelle droite” américaine. A l’intérieur de l’ensemble qu’elles forment, nous pouvons distinguer quatre grands filons. Le premier, qui est le plus important car il est aussi le plus visible, est celui des “faucons”, partisans de la manière forte en politique étrangère. On inclut généralement, à ce courant des “faucons” les penseurs et intellectuels du néo-conservatisme : Richard Perle, conseille de Rumsfeld en matières de stratégie, Elliott Abrams ainsi que Norman Podhoretz et Robert Kagan, que nous venons de citer. Ils s’appuient sur les journaux suivants: le “Weekly Standard”, de Murdoch, et le “Wall Street Journal”. C’est William Kristol leur éminence grise et le fondateur en 1997 du PNAC.
Le second filon est constitué d’hommes de gauche très marqués, qui ont piloté le démantèlement du Welfare State dans les années 80, sous l’administration Reagan; parmi eux, il faut compter Rumsfeld et Cheney. Ensuite, nous avons les fondamentalistes catholiques, connus pour leur actions anti-avortement, qui sont dirigés par le Ministre de la justice, John Ashcroft; et, enfin, l’ ”American Enterprise Institute”, étroitement lié à la droite israélienne, dont le représentant de pointe est Ledeen. Ces “extrémistes marginaux”, comme on les appelait encore en 1998, sont arrivés au pouvoir en 2000, avec Bush-le-fils, en profitant par la suite du refrain “nous sommes tous des Américains”, qui a uni derrière son antienne l’immense majorité des Occidentaux, immédiatement après l’effondrement des tours jumelles. Cette prise du pouvoir discrète, puis les événements de New York, ont permis de lancer un scénario conçu quelques années auparavant mais que l’on n’imaginait pas pouvoir se concrétiser de sitôt.
Aujourd’hui, grâce à cette conjecture, les Etats-Unis peuvent envisager, tout simplement, d’exercer très bientôt un contrôle total sur le globe, sans plus avoir l’obligation de dissimuler leurs intentions réelles. Les néo-conservateurs partent d’un principe différent de celui de l’isolationnisme traditionnel de la droite américaine. Ils parlent ouvertement d’un “empire américain” et des “intérêts stratégiques vitaux” qu’il faut à tout prix défendre. Le masque est tombé. Plus personne ne croit encore aux historiettes moralisantes sur les droits de l’homme et la démocratie “qu’il fallait exporter”. Par conséquent, forts de leur triple suprématie économique, technologique et militaire, les théoriciens, qui se profilent derrière l’administration Bush, ne raisonnent plus qu’en termes de pouvoir, aujourd’hui plus que jamais. Unique concession à l’Amérique “patrie des libertés” : la conviction que l’hégémonie américaine est la meilleure des alternatives possibles pour les pays du tiers et du quart-monde, même s’ils doivent, pour cela, revenir au statut de “colonie”, soit à un état de semi-souveraineté.
Une obsession : Rome
La référence idéale de ces idéologues est Rome, mais il faudrait plutôt dire que l’empire forgé par l’Urbs est leur obsession. Les néo-conservateurs s’inspirent en effet del a grandeur de l’Empire Romain pour justifier leur propre politique et leurs propres idées. La guerre en Irak est gagnée, malgré les pronostics de quelques commentateurs qui prévoient un nouveau Vietnam; cette victoire a été rapide et facile, mais elle n’est que la deuxième étape, après l’Afghanistan, d’un projet qui vise à pacifier par la force des armes, l’ensemble du Moyen Orient, et non pas le dernier épisode. Après viendra le tour de la Syrie, de l’Iran et, plus tard, de la Corée et du Soudan.
Désormais, l’Amérique n’attend plus de solutions diplomatiques dans les situations potentiellement à risque; les Etats-Unis veulent désarmer tous leurs ennemis potentiels. Au vu de tout ce que nous venons d’écrire, il convient de se pencher une nouvelle fois sur les motivations qui ont poussé à l’intervention contre le régime de Saddam Hussein. Certes, le pétrole est important, mais ne constitue qu’un motif insuffisant. L’objectif réel de l’administration Bush est plus clairement d’ordre géopolitique et géostratégique : il s’agit de contrôlerune zone de grande effervescence sur la planète, pour en faire le premier tremplin qui conduira à l’hégémonie définitive des Etats-Unis sur le globe tout entier.
L’Europe est l’ennemi principal
Dans toute cette agitation, le véritable ennemi des Etats-Unis, dans un futur proche, n’est autre que l’Europe, comme le laissent deviner les nombreux articles de Kagan. C’est l’évidence : en défendant toujours leurs seuls intérêts, les Etats-Unis finissent par fouler aux pieds les intérêts des autres puissances. Pourtant, malgré l’exposition explicite du projet impérial américain, très peu de voix isolées se sont élevées sur le vieux continent pour mettre les esprits en garde contre l’hyperpuissance à la bannière étoilée. Seuls quelques intellectuels venus d’horizons très divers comme Cardini, Hobsbawn et Massimo Fini ont formulé des analyses justes. Mais, parmi ces voix discordantes, il n’y a pas un seul homme politique, car, finalement, ni Chirac ni Schroeder n’ont pris de positions claires, qui soient diamétralement opposées aux vues de l’Amérique. En Europe, il manque un intellectuel de la trempe de Kagan, prêt à défendre nos propres intérêts avec la même rigueur, la même vigueur et la même verve.
Daniele PETRAROLI.
Article extrait d’Orion, n°224, mai 2003.
Liste des articles déjà publiés sur la même thématique :
Catherine OWERMAN : Les mouvements américains pour la paix, in Au fil de l’épée/Arcana Imperii, Recueil n°40, décembre 2002.
Catherine OWERMAN : Bellicisme et pacifisme chez les conservateurs américains, in Au fil de l’épée/Arcana Imperii, Recueil n°41, janvier 2003.
Helmut MÜLLER : Les éminences grises de Bush, in Au fil de l’épée/Arcana Imperii, Recueil n°42, février 2003.
Prof. Paul GOTTFRIED : Les deux écoles de la politique extérieure américaine : “Straussiens” et “Réalistes”, in Au fil de l’épée/Arcana Imperii, Recueil n°48, août 2003.
06:00 Publié dans Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Türkisches Roulette
Türkisches Roulette
Die neuen Kräfte am Bosporus
Die Türkei ist ein Land der Widersprüche, das mit einem negativen Image kämpft: »Ehrenmorde«, Korruption, tote Journalisten und fliehende Schriftsteller beherrschen die Schlagzeilen. Der langjährige ARD-Korrespondent Dieter Sauter sprach mit Mafiosi, Militärs, Polizisten, Frauenrechtlerinnen und Menschenrechtsaktivisten. Er erklärt, wie dieses Land im Wandel, an der Grenze zum Nahen Osten mit seinen Krisengebieten und Energiequellen, funktioniert und was wir wissen müssen, um seine Menschen und seine Politik wirklich zu verstehen.
Auf der Suche nach Antworten hat Dieter Sauter, der seit 1992 für die ARD aus Istanbul berichtete, mit Mafiosi, Militärs, Polizisten, Frauenrechtlerinnen und Menschenrechtsaktivisten gesprochen, um die Türkei auf ihrem Weg in die Moderne zu porträtieren. Er zeigt ein Land im Umbruch: wie sich trotz Behördenwillkür, Mafia, islamistischem Politikerfilz und traditionellem Stammesleben auch Bürgerinitiativen und modernes urbanes Leben entwickelten. Dabei ist es ihm gelungen, ein lebendiges und vielschichtiges Bild zu zeichnen, das dieses Land und seine Zukunft, die auch unsere ist, für uns verständlich macht.
02:05 Publié dans Affaires européennes, Géopolitique, Histoire, Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
samedi, 30 juin 2007
Eau et paix au Moyen-Orient
EAU ET PAIX AU MOYEN-ORIENT
La mer à boire : une solution durable ?
Nathalie Haller, Karen Lemasson, Laurie Menger
L'accès à l'eau représente un des plus grands défis planétaires. Face aux enjeux humains, économiques et politiques qu'une telle situation sous-entend, des solutions nouvelles doivent être imaginées. En analysant le cas de l'usine de dessalement d'Ashkelon en Israël, les auteurs tentent de déterminer si cette réponse peut être réellement considérée comme une voie d'avenir durable face au problème de stress hydrique dans une région sous tension.
ISBN : 978-2-296-03159-3 • juin 2007 • 138 pages
Prix éditeur : 13 €
04:35 Publié dans Géopolitique, Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
vendredi, 29 juin 2007
La Turquie et l'Europe
La Turquie et l'Europe
Entretien de Robert Steuckers à la revue étudiante "Branding" - Propos recueillis par Jurgen Branckaert
1. Le 6 octobre dernier [2004], la Commission Européenne a donné un avis positif pour l’adhésion de la Turquie à l’UE, malgré de vastes protestations émises par de nombreuses forces politiques européennes et leur arrière-ban. Nous nous posons la question : le combat contre cette adhésion est-il terminé, faut-il déposer les armes?
Non, le combat n’est pas terminé. Comme d’habitude, on a une nouvelle fois escamoté les problèmes. Car ils sont légion : le déficit de l’économie turque atteint des proportions formidables, en dépit d’incontestables améliorations au cours de ces quelques dernières années. Mais, le passif reste trop important pour qu’il puisse être tout simplement absorbé par des subsides venus du reste le l’UE. Avec la meilleure volonté du monde, on ne peut y remédier, alors que l’Europe elle-même a un besoin urgent de nouveaux investissements structurels, notamment dans les zones plus ou moins sinistrées d’Europe occidentale, dans les Länder de l’Allemagne de l’Est, en Pologne ou en d’autres zones de l’ancien COMECON. Qui plus est, la démographie turque s’accroît sans arrêt. Les experts en questions démographiques prévoient que la population turque atteindra le chiffre de 95 millions d’âmes en 1925. Cet accroissement démographique considérable contribuera à accroître le déficit de l’économie turque et augmentera le nombre de chômeurs autochtones là-bas, qui ne pourront pas vraiment être aidés. Ensuite, si la Turquie adhère, la politique agricole commune, pratiquée depuis les origines du “Marché Commun” ne pourra plus exister et fera totalement faillite. On ne pourra tout simplement plus la financer, car, ne l’oublions pas, le pourcentage de la population turque qui vit de l’agriculture atteint le chiffre de 35%, alors qu’il n’est que de 5,6% dans le reste de l’Union. Enfin, on peut raisonnablement s’attendre à ce que, sur le plan des droits de l’homme, le gouvernement turc commette encore quelques solides gaffes, notamment au Kurdistan. A cela s’ajoute que le projet d’adhésion suscitera une forte résistance dans certains pays de l’Union qui ne sont pas spécialement turcophiles, comme Chypre et la Grèce. A mes yeux, les Etats de l’ancienne fédération yougoslave devraient bénéficier d’une priorité absolue dans leur droit historique à faire partie de la communauté des peuples européens, que prétend être l’Union. Ces Etats cultiveront évidemment une méfiance à l’endroit d’Ankara. Les cercles d’inspiration identitaire en Europe doivent poser des conditions claires, sans aucune ambiguïté :
1) Toutes les troupes turques doivent quitter sans délais et sans conditions, le Nord de l’île de Chypre;
2) Le Kurdistan doit bénéficier d’un statut d’autonomie;
3) La Turquie doit reconnaître le génocide jadis perpétrer contre les Arméniens et les Grecs;
4) La Turquie doit reconnaître sur son territoire toutes les Eglises chrétiennes orientales (notamment celles des communautés araméennes établies le long de la frontière syrienne);
5) La Turquie doit s’interdire d’apporter toute aide matérielle et tout soutien idéologique au terrorisme tchétchène;
6) La Turquie doit rendre Sainte-Sophie au culte de l’Eglise grecque-orthodoxe;
7) La Turquie doit s’abstenir de s’immiscer dans les affaires intérieures des républiques turcophones de l’ancienne Union Soviétique;
8) La Turquie doit mettre un terme à sa politique de construire des barrages sur les cours du Tigre et de l’Euphrate, qui conduit à assécher l’ensemble du Moyen-Orient.
Telles sont les principales conditions que la Turquie doit satisfaire pour devenir un membre à part entière de l’UE. Or, aucune de ces conditions ne pourra jamais être acceptée par un gouvernement turc, quelle que soit sa couleur, ce que l’on peut parfaitement comprendre du point de vue turc. Mais, du point de vue européen, ces conditions constituent le strict minimum pour une Turquie européenne crédible, pour que la Turquie prouve sa loyauté à la civilisation dont elle veut faire partie.
2. Pouvez-vous expliciter les principaux arguments historiques, culturels et politiques qui plaident contre une adhésion turque à l’UE?
Sur le plan historique, on pourrait écrire des centaines de volumes pour démontrer que l’Europe, d’une part, et la Turquie, d’autre part, sont deux mondes politiques fondamentalement différents, antagonistes et irréconciliables. En l’an 955, après la Bataille de Lechfeld en Bavière, le futur empereur romain-germanique Othon I bat les Hongrois définitivement et met un terme aux invasions constantes subies par l’Europe en provenance de la steppe eurasiatique. Les Rois de Hongrie ont dû promettre de ne plus jamais mener des campagnes et des raids en direction de l’Europe occidentale, de défendre le Danube et la plaine de Pannonie contre toutes les incursions ou invasions à venir issues du fonds du continent asiatique. Les Hongrois ont donc dû changer complètement de perspective géopolitique. Telle est l’essence de leur conversion, qui, de fait, est d’ordre géopolitique, et non pas tant d’ordre religieux. Après la chute de Constantinople en mai 1453, le Pape Pie II suggère les mêmes conditions au Sultan, qui les refuse. Pie II avait été le Chancelier de l’Empereur romain-germanique Frédéric III. Avant d’avoir assuré cette haute fonction politique, il avait été un humaniste italien, traducteur de textes antiques. Il avait notamment traduit le “De Germania” de Tacite puis esquissé un programme géopolitique européen dans son “De Europa”, où il démontrait que l’Europe était de facto le Saint-Empire romain-germanique, que le reste du continent était composé de zones périphériques, et que ce Saint-Empire ne pouvait survivre que s’il conservait la Bohème et le Brabant. Pie II est ainsi, en quelque sorte, un des pères fondateurs des nationalismes allemand et flamand. De Tacite, il avait fait sienne l’idée d’une qualité humaine “supérieure” des peuples du Nord. Mais revenons à la question turque : le Sultan refuse donc de changer, comme jadis les Hongrois, de perspective géopolitique et se pose derechef comme l’héritier de deux perspectives géopolitiques anti-européennes, plus exactement de deux “directions offensives”, de “Stoßrichtungen” contraire à celles de l’Europe. La première de ces “directions offensives” est celle des peuples turcs de la steppe qui, partis des profondeurs de l’Asie, déboulent à intervalles réguliers dans l’histoire, dans l’espace de la Mer Noire et dans le bassin du Danube sur le flanc septentrional, dans la direction de l’Egée sur le flanc méridional. La seconde de ces “directions offensives” est celle des tribus nomades venues de la péninsule arabique pour se porter vers l’Afrique du Nord, d’une part, vers l’Egée à travers l’Anatolie, d’autre part. L’existence bien tangibles de ces “directions offensives” constitue une menace mortelle pour l’Europe. La Turquie actuelle continue d’agir dans ces deux sens, même si aujourd’hui, elle le fait d’une manière moins belliqueuse et avec des arguments apparemment pacifiques. L’objectif principal du programme pan-turc est d’ouvrir une porte sur l’Europe à toutes les populations du monde turcophone entre le Bosphore et la frontière chinoise. L’objectif est d’installer ces populations en Europe et de venger et d’annuler ainsi les défaites des Huns, des Hongrois, des Avars, des Coumans, de Petchénègues, des Khazars, des Seldjouks et des Ottomans. Nous ne devons pas oublier que la mémoire politique des peuples d’Orient est une “longue mémoire” et que le passé, à leurs yeux, n’est justement jamais “passé”, mais demeure toujours d’une brûlante actualité. Les peuples d’Orient ne souffrent pas, comme nous, d’amnésie, de troubles de la mémoire, caractéristiques majeures de la pathologie “progressiste”.
3. Pouvons-nous tirer des leçons du passé dans la campagne que nous allons mener contre l’éventuelle adhésion turque à l’UE? Quels sont les grands exemples historiques auxquels nous pouvons nous référer?
De l’histoire, nous pouvons tirer mille et une leçons. Une chose est cependant certaine : l’élite politique, que l’Europe devrait avoir, aurait pour but premier de connaître sur le bout des doigts l’histoire de la confrontation millénaire entre nos peuples et ceux des steppes et devrait aussi modeler toutes ses décisions sur ces connaissances historiques. Le grand exemple historique demeure incontestablement le Prince Eugène de Savoie-Carignan, un homme qui avait lu toutes les sources disponibles en son temps, avant de lancer ses campagnes militaires victorieuses contre les Ottomans, afin de les battre et de faire disparaître la menace qu’ils constituaient pour l’Europe. L’arme dont disposait ce petit homme chétif était une grande connaissance des sources historiques de son temps. Avec de faibles moyens, et avec la formidable armée française du traître Louis XIV dans le dos, il a réussi à battre la plus grande puissance militaire de son époque. Sun Tzu nous enseigne que l’information est extrêmement importante pour battre l’ennemi. Le Prince Eugène l’a prouvé et, dans son cas, l’information était la connaissance de l’histoire. Clausewitz soulignera aussi l’importance d’une vision historique et stratégique pour étayer le moral des officiers et transmettre cette force à la troupe. Cette règle est toujours valable : les puissances anglo-saxonnes gagnent la partie en Asie centrale et au Moyen-Orient parce que leurs livres d’histoire sont les meilleurs à l’heure actuelle.
4. Comment voyez-vous le rôle des éléments turcs dans la population d’Europe occidentale et centrale? Forment-ils à terme une sorte de cinquième colonne, si jamais la Turquie était admise dans l’UE? Et comment devons-nous évaluer les conséquences de la citoyenneté turque accordée de jure aux millions de turcophones d’Asie centrale, si jamais la République turque devenait membre à part entière de l’UE?
Ce n’est pas “à terme” que les Turcs d’Europe occidentale formeront une cinquième colonne, ils le sont déjà! Il y a quelques années, à Schaerbeek, plusieurs centres culturels kurdes et araméens ont été saccagés et incendiés par des bandes de jeunes Turcs mineurs d’âge, bien entraînés par les militants “Loups Gris” voire directement pas des militaires turcs, le tout sous les caméras d’une équipe de télévision turque, qui a disparu rapidement après les incidents, direction Istanbul. Le soir même, les images prises à Schaerbeek étaient diffusées sur les écrans de la télévision turque, sans que la fameuse sûreté de l’Etat belge n’ai pu ou voulu réagir! La Belgique, une fois de plus, s’était couverte de ridicule. En Allemagne, des incidents similaires se sont produits maintes fois. Quant aux Turcophones d’Asie centrale, le gouvernement turc leur donne automatiquement la citoyenneté turque, tant et si bien que le chiffre de 95 millions de citoyens turcs en 2025 n’est qu’un pieux euphémisme. La Turquie ne laissera pas tomber les Turcophones d’Asie centrale : l’Empire byzantin a été miné de l’intérieur par la pénétration pacifique d’immigrés issus des peuples pasteurs turkmènes ou turcomans, dès l’époque des Seldjouks. Les armées des Sultans étaient toujours composées pour une bonne part de cavaliers ou de fantassins turkmènes ou tatars. Ces derniers ont notamment pillé et ravagé systématiquement la Bohème, la Moravie et la Hongrie lors du dernier siège de Vienne en 1683. Sur le plan historique, les liens entre les Turcs de l’actuel Etat turc et les Turcophones de l’ancienne URSS sont très étroits. Et cela ne changera pas, même si la Turquie fait mine de se convertir faussement aux pseudo-valeurs, toutes de mièvrerie, de l’Europe libérale.
5. Qu’en est-il des opposants à l’adhésion turque en Turquie même? Selon vous, existent-il des possibilités de forger des alliances objectives avec ces forces politiques?
Les opposants turcs à l’adhésion sont, d’une part, les nationalistes “Loups Gris” et, d’autre part, les islamistes. Les “Loups Gris”, qui sont parfois très ambigus dans leurs positions, craignent que la Turquie ne devienne une colonie de l’Occident et que le pays devra abandonner sa politique traditionnelle au Kurdistan. Les islamistes craignent que les fausses valeurs de l’Occident vont miner, par leur immoralité profonde, les assises de la société turque. Comme nous n’avons ni l’intention de “coloniser” la Turquie ni de propager les valeurs délétères du libéralisme occidental, nous pouvons devenir des interlocuteurs valables pour ces résistants ethno-nationaux ou religieux de Turquie. Reste à savoir si l’histoire nous réserve cette possibilité... L’”alliance objective” me semble possible avec les nationalistes, dans la mesure où, comme eux, nous constatons qu’après le Traité de Lausanne de 1923, la Turquie est devenue un pays totalement dépendant d’abord de la Grande-Bretagne, ensuite des Etats-Unis, car le Traité l’avait privée de pétrole et d’autres ressources énergétiques. A la dernière minute, les Anglais ont annexé la région de Mossoul à l’Irak, car elle contenait d’immenses réserves de pétrole. Sans sources énergétiques, la Turquie reste un pays faible. Nous devons le faire comprendre clairement aux nationalistes turcs, mais, il est évident, qu’en dépit de l’alliance américaine et de la fidélité à l’OTAN, ils le savent. La Turquie n’a pas d’autre avenir qu’en Irak. Mais l’attitude servile qu’ont adoptée tous les gouvernements turcs face aux Américains n’a laissé aucune chance à la Turquie de récupérer Mossoul. Aujourd’hui, c’est apparemment trop tard : l’US Army y campe, flanquée de ses auxiliaires kurdes. Par ailleurs, les Américains souhaitent affaiblir l’Europe, qui devra payer interminablement les dettes et les factures d’Ankara pour remettre à flot une Turquie surpeuplée et faible sur le plan des infrastructures, tandis que les pétroliers US contrôleront Mossoul, qui revient de droit à la Turquie et lui permettrait d’être une puissance viable et indépendante. Une dernière remarque : une telle orientation mésopotamienne de la Turquie avait été possible au temps de son alliance avec l’Allemagne avant 1914 et pendant la première guerre mondiale... Un épisode de l’histoire que nous devons impérativement relire, tant en Europe qu’en Turquie.
6. Un “niet” européen à l’adhésion turque est une chose. Mais qu’en est-il de l’alternative que l’Europe devra alors proposer à la Turquie, qui, comme nous le savons tous, est une puissance de premier plan au Moyen Orient et en Asie centrale? Existe-t-il une possibilité de soustraire la Turquie à la sphère d’influence américaine et d’en faire un allié objectif de l’Europe, par exemple en lui proposant une sorte de partenariat, où elle sera une nation privilégiée, un partenariat qui viserait à fortifier les intérêts géopolitiques et de l’Europe et de la Turquie et qui utiliserait les énergies du peuple turc contre les ennemis de l’Europe et non pas contre l’Europe?
Un “niet” n’a de sens que s’il est un “niet” contre la volonté occulte des Turcs de conquérir l’Europe à l’aide de millions d’immigrants venus d’Anatolie, du Kurdistan ou d’Asie centrale, afin, comme je viens de le dire, de réduire à néant l’effet de leurs défaites au cours des siècles précédents. Un “niet” me parait aussi raisonnable parce que l’adhésion turque s’avèrerait rapidement impayable, surtout que nous sommes plongés depuis plus de deux décennies dans une phase de basse conjoncture. Mais, effectivement, il faut une alternative valable à l’adhésion pure et simple et le seul projet intelligent à remettre en selle est celui jadis suggéré par l’Empereur prussien de l’Allemagne, Guillaume II, c’est-à-dire un partenariat entre l’Europe toute entière et une Turquie qui retrouvera son rôle capital et historique en Mésopotamie. L’Empereur Guillaume avait convié l’Europe entière à participer à son projet de rentabiliser la Mésopotamie et la péninsule arabique, projet que l’on a appelé le projet “Berlin-Bagdad”, mais la France avait refusé cette offre de manière hautaine, parce qu’elle était travaillée par l’idée de “revanche”; elle pariait à l’époque sur la Russie pour la transformer, pour son malheur, en rouleau compresseur contre l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie. Le partenariat euro-turc était possible en ce temps-là parce que les champs pétrolifères restaient disponibles. Après la défaite de 1918, la Turquie a perdu ses principales ressources énergétiques et son alliance actuelle avec les Etats-Unis fait qu’elle ne pourra pas retrouver ces ressources. Voilà donc un fait géopolitique incontournable. Il faut en être conscient tant à Euro-Bruxelles, qu’à Berlin, Vienne ou Ankara. Les Turcs doivent aussi prendre conscience que la réduction volontaire de leur espace géopolitique par l’idéologie kémaliste pose aujourd’hui problème car une Turquie réduite à l’Anatolie sans les régions kurdes ou arabes ne peut, sur le long terme, devenir une puissance régionale réelle et viable. L’Empire Ottoman était de facto un empire multiculturel et fédéral. Dans son partenariat avec l’Europe, la Turquie ne peut demeurer un système étatique centraliste de facture jacobine. Jamais la Turquie ne pourra récupérer Mossoul sans accorder aux Kurdes, de part et d’autre de la frontière turco-irakienne, un statut d’autonomie cohérent, comme ils en disposaient sous le régime ottoman. Une Turquie fédérale, réconciliée avec l’Europe et la Russie, aura un avenir valable et digne. Sans ces réformes nécessaires, la Turquie restera un facteur de zizanie dans la région, au service de Washington. Le sort de la région de Mossoul prouve que les ennemis de l’Europe et de la Turquie sont les mêmes. Il faut en devenir bien conscient, ici en Europe, là-bas en Turquie...
7. Une dernière question : imaginons que l’adhésion turque à l’UE soit devenue réalité; de quelle manière pourrons-nous, le cas échéant, poursuivre notre combat?
Si cette adhésion devient réalité, l’ensemble de notre continent et de sa civilisation s’en ira à vau-l’eau. Une évolution positive serait de voir émerger une alliance triangulaire entre la Russie, l’Europe et la Turquie autour de la Mer Noire, qui deviendrait, ipso facto, le point d’intersection des échanges entre ces trois pôles. Alexandre Douguine envisage cette hypothèse aujourd’hui à Moscou. Dans le cas d’une adhésion effective de la Turquie à l’UE, nos efforts devraient converger vers une telle alliance, ce qui impliquerait aussi que la Turquie ne se laisse plus atteler à des projets anti-européens et anti-russes, pareils à ceux que concocte Brzezinski aux Etats-Unis, depuis déjà de nombreuses décennies.
[Traduction française de l’original néerlandais]
06:10 Publié dans Affaires européennes, Entretiens, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
samedi, 16 juin 2007
R. Kjellen (1864-1922) (Franç.)
Robert Steuckers |
RUDOLF KJELLEN |
1864-1922 |
|
05:55 Publié dans Géopolitique, Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
vendredi, 15 juin 2007
R. Kjellen (1864-1922) (Esp.)
Rudolf Kjellen (1864-1922)
Robert Steuckers
Nacido el 13 de Junio de 1864 en la pequeña isla de Torsoe en medio de un gran lago sueco de Voenern, Kjellen crece en una atmósfera totalmente impronta de luteranismo. Se inscribe en la Universidad de Uppsala, donde lo marca la influencia del Profesor Oscar Alin, una de las cabezas pensantes del movimiento conservador sueco. En mayo de 1891, Kjellen es diplomado de ciencias políticas y recibe un puesto de profesor en la nueva universidad de Goeteborg. Más tarde, además de las ciencias políticas, enseña geografía.
Esta circunstancia permitió el surgimiento, de esta síntesis entre las ciencias políticas y la geografía que es geopolítica. Influenciada por el geógrafo alemán Friedrich Ratzel, aplica sus teorías a la realidad sueca (cf. Inledning till Sveriges geografi, 1900) y modifica sus cursos de ciencias políticas en Goeteborg en un sentido geopolítico. En 1904, visita los Estados Unidos con sus alumnos y es golpeado por la calidad del espacio norteamericano, diferente y más desmesurado que el espacio europeo. En 1905, Kjellen es elegido en el parlamento de Estocolmo.
Después, en su carrera de investigador y profesor, se suma una carrera paralela de hombre político. Kjellen lucha para que la Unión que unió desde 1814 a Noruega y a Suecia no se disloque. En vano. El resto de su carrera política, la consagró a luchar contra la burocracia y el socialismo y a aprobar las leyes sobre demografía, la política económico-social y la defensa. De 1909 a 1917, deja la Cámara para ocupar un escaño en el Senado.
Su interés por el Japón no hace más que crecer con el transcurso de estos años; lo visita al mismo tiempo que China en 1909. Prestado del transiberiano, físicamente se da cuenta de la inmensidad territorial siberiana y centro-asiática. En Pekín, constata que los días de dominación europea en China están contados. Comparando en seguida las mentalidades china y japonesa, Kjellen escribe en su diario de viaje: "El alma del Japón es romántica mientras que la de China es realista-clásica; el alma de Japón es progresista mientras que la de China es burocrática-conservadora."
Asimismo, la creciente función del Estado en el Japón induce a Kjellen a sentenciarla "socialista" mientras que el Estado chino, poco intervensionista en el dominio social, genera una sociedad que, a fin de cuentas, es liberal.
En 1913, mientras se anuncia la primera guerra mundial Kjellen formula un balance de potencias que rodean Suecia. Conclusión: Alemania es la aliada natural de los suecos, mientras que rusia es su adversario después de los siglos. En los debates que van a seguir, Kjellen opta por Alemania. Con un buen número de profesores y de filósofos alemanes, afirma que las ideas de solidaridad nacional, nacidas en 1914, rechazan las ideas liberales/individualistas/universalistas de 1789. En el slogan revolucionario de "libertad, igualdad, fraternidad", Kjellen y sus homólogos alemanes se oponen a otra tríade, nacionalista y patriótica: "orden, justicia, fraternidad."
Es nombrado profesor en Uppsala, en la cátedra triplemente centenaria de Johan Skytte. Al mismo tiempo, sus tesis geopolíticas y sus comentarios de la actualidad tienen un creciente éxito en Alemania. En Uppsala, Kjellen redacta su obra maestra Staten som livsform (El Estado como forma de vida) que aparece en alemán en abril de 1917 y tienen inmediatamente un gran éxito. Es en este libro donde inventa el término de "geopolítica". Antes, se hablaba, según Ratzel, de "geografía política".
Cuando la guerra toma fin en 1918, Kjellen ve el surgimiento de dos potencias planetarias: Inglaterra y Rusia, "además gobernada por una aristocracia de forma degenerada, ya sea una oligarquía" y por una ideología bastarda, hegeliana en su forma y rousseauísta en su contenido. En la misma época aparece una segunda obra maestra teórica de Kjellen: Undersoekningar till politikens system (Trabajos sobre el sistema de la política), recapitulación completa de sus ideas en geopolítica.
Durante los cuatro últimos años de su vida, Kjellen visita varias universidades alemana. Sufriendo de una angina de pecho, muere el 14 de noviembre de 1922 en Uppsala. Sus teorías tuvieron un impacto muy importante en Alemania, principalmente en la escuela de Haushofer, de Otto Maull, etc. En Suecia, su principal discípulo fue Edvard Thermaenius y, en Finlandia, Ragnar Numelin (1890- 1972)
LAS IDEAS DE 1914. UNA PERSPECTIVA SOBRE LA HISTORIA MUNDIAL, 1915
Este folleto importante no nos descubre a un Kjellen como teórico de la geopolítica o de las ciencias políticas, sino una reflexión general sobre los hechos de 1914, que tomarán en cuenta los teóricos de la geopolítica alemana de los años 20 y 30 y los protagonistas de la "Revolución conservadora". Kjellen basa su demostración en dos obras: una de Werner Sombart ("los comerciantes y los héroes"), la otra de Johann Plenge ("La guerra y la economía política"). Con Sombart, critica la tríada de 1789, "Libertad, igualdad, fraternidad", instrumento ideológico de la "burguesía degenerada por el comercio." La guerra en curso es mas prejudicial que una guerra entre potencias antagonistas: revela el enfrentamiento de dos Weltanschauungen, la de 1789 contra la nueva e innovadora de 1914.
Francia y Gran Bretala defienden con sus armas los principios políticos (o más bien, anti-políticos) de la modernidad liberal. Para Kjellen, en 1914 comienza el crepúsculo de los antiguos valores. La afirmación que retoma del danés Fredrik Weis ("La caída de los ideales"), para quien las carnicerías del frente señalan el crepúsculo del idealismo, la caída de todos los valores que la civilización europea había llevado al pináculo. Kjellen y Weis constatan la caída cinco juegos de valores fundamentales:
1. la idea de paz universal.
2. el ideal humanista de cultura.
3. el amor a la patria, que, de valor positivo, se ha transformado en odio a la patria de los otros.
4. la idea de fraternidad internacional llevada por la social-democracia;
5. el amor cristiano al prójimo.
Este quíntuple colapso sella la bancarrota de la civilización cristiana, transformada por los aportes de 1789. Pero la primera ideología arruinada por la conflagración de 1914 es de hecho el denominador común de todos estos ideales: el cosmopolita, obligado a ser eliminado en beneficio de los hechos nacionales. Los nacionalismos prueban por la guerra que son realidad inevitables. Su existencia puede provocar la guerra pero también la cooperación internacional. El internacionalismo no excluye, a los ojos de Kjellen, la existencia de las naciones, contrariamente al cosmopolitismo.
El internacionalismo es una cooperación entre las entidades nacionales orgánicas, mientras que el cosmopolitismo es inorgánico, del mismo modo que su corolario, el individualismo. Este último conoce igualmente la quiebra después que las hostilidades se desencadenaron. 1914 inaugura la era de la organización y termina la de la anarquía individualista, iniciada en 1789. Además, el individuo ya no tiene solo intereses privados, debe servir. Su orgullo estéril es derribado, lo que no puede decir que las cualidades personales/individuales deben dejar de aparentarse: las que sirven bien al orden o a la colectividad continuarán y serán llamados a reforzarse. Romain Rolland dijo, señala Kjellen, que la guerra descubrió las deficiencias del socialismo y el cristianismo. En efecto, los soldados de todas las potencias beligerantes se valen de Dios y no de Cristo. Aquel Dios invocado por los nuevos guerreros es nacionalizado; es totémico como Jehová en los principios de la historia judía o como los dioses paganos (Thor/Wotan). Este Dios nacionalizado ya no es el Nazareno con su mensaje de amor. Este panteón de dioses únicos nacionalizados y antagonistas reemplaza así al Mesías universal. A pesar de esta fragmentación de lo divino, queda no obstante algo poderoso. La paz había sido peligrosa para Dios: los hombres políticos habían asentado la irreligión en los programas que se esforzaban por explicar. Y si la guerra suscita la aparición de dioses nacionales que siembran el odio entre las personas, sustituyen simultáneamente a los odios internos que oponen a los diversos componentes sociales de las naciones. La guerra transplantó el odio del interior hacia el exterior.
La paz social, la fraternidad, la ayuda mutua, los valores fraternales del cristianismo progresan, se puede decir que la guerra incrementó en toda Europa el amor por el prójimo. En consecuencia, lo que se derriba, son los seudo-ideales, esta es la armadura de una época rica en formas pero pobre en sustancia, de una época que quiso evacuar el misterio de la existencia.
La caída que anuncia una nueva aurora. La guerra es un periodo de efervescencia, de futuro, o Europa se recompone de nuevos valores. La tríada de 1789, "Libertad, igualdad, fraternidad", está sólidamente anclada en la mente de las antiguas generaciones. Será difícil de expulsarla. Los jóvenes, por el contrario, deben adherir a otros valores y no interiorizarse más en las de 1789, ya que impedirían aprehender las nuevas realidades del mundo. La libertad, según la ideología de 1789, es la ausencia/rechazo de las ataduras. Así la negación más pura que impide distinguir el bien y el mal. Ciertamente, explica Kjellen, 1789 despejó la humanidad europea de los vínculos anacrónicos del antiguo régimen (Estado absoluto, etiqueta social, iglesia estéril). Pero luego de los hechos revolucionarios, la idea del ochenta y nueve de libertad se fijó en la abstracción y en el dogma. El proceso de disolución que inició terminó por disolverlo todo, para convertirse en sinónimo de anarquía, de libertinaje y de permisividad. Hay que meditar el adagio que quiere que la "libertad sea la mejor de las cosas para aquellos que saben servirse de ella. De allí el imperativo de la hora, es el orden. Esto es impedir que las sociedades caigan en la anarquía permisiva y disolvente. Kjellen es consciente que la idea de orden puede ser mal utilizada, tanto como la idea de libertad. La historia está compuesta de una serie de sístole y diástole, de un ritmo sinusoidal donde juegan la libertad y el orden.
El ideal sugerido por Kjellen es el de un equilibrio entre estos dos polos. Pero el orden que está naciendo en las trincheras no es un orden paralizado, austero y formal. No es un corsé exterior y no exige una obediencia absoluta e incondicional.
Es un orden interior que exige a los hombres dosificar sus pasiones en beneficio de un todo. Kjellen no niega así el trabajo positivo de idea de libertad del siglo XIX pero critica la degeneración y el desequilibrio. La idea de orden, nacida en 1914, debe trabajar para corregir el desequilibrio provocado por la libertad convertida en permisiva al final de los decenios. La idea de igualdad ha dirigido a un combate justo contra los privilegiados del antiguo régimen, procedentes de la edad Media.
Pero su hipertropía condujo a otro desequilibrio: el que confina la humanidad en un término medio, o los pequeños son engrandecidos y los grandes aminorados por decreto. De hecho, solo los grandes son disminuidos y los pequeños quedan tal cuales. La igualdad es por tanto "la decapitación de la humanidad". Kjellen defiende la idea nietzcheniana de la sobrehumanidad no por orgullo sino más bien por humildad: procede del balance de que el tipo humano medio actual es incapaz de cumplir todas las virtudes. Ahora bien estas virtudes deben ser revivificadas y reencarnadas: tal es la marca de la sobrehumanidad que se educa por encima de los promedios impuestos. Kjellen acepta el tercer término de la tríada de 1789, la fraternidad, y se estima que será reforzada por la camaradería entre los soldados. Kjellen expone luego la declaración de los derechos del hombre a una crítica severa: conduce al subjetivismo puro, escribe, y entreve las relaciones humanas desde la "perspectiva de la rana".
Explica: el hombre del ochenta y nueve, como lo demostró Sombart, quiere recibir de la vida y no darle sus esfuerzos. Estas ganas de recibir, consignada in nuce en la declaración de los derechos humanos, transforma el actuar humano en vúlgar comercialismo (obtener en beneficio del orden económico) y en eudemonismo (tener satisfacciones sensuales). Desde el principio del siglo XIX, Francia y Gran Bretaña vehiculan esta ideología comercial/eudemonista, poniendo en marcha así el proceso de anarquisación y de permisividad, mientras que Prusia, después de Alemania, agregan a la idea de los derechos del hombre la idea de los deberes del hombre, insistiendo en el Pflicht y el "imperativo categórico" (Kant). El mezcla germánica de derechos y deberes eleva a la humanidad por encima de la "perspectiva subjetivista de la rana", ofreciendo una perspectiva supra-individual, separada de una estrategia de don, de sacrificio. La idea de deber implica inmediatamente la pregunta: "¿qué puedo dar a la vida, a mi pueblo, a mis hermanos, etc.? En conclusión, Kjellen explica que 1914 no es la negación pura y simple de 1789; 1914 impulsa nuevas direcciones a la humanidad, sin negar la precisión de las disputas libertarias de 1789.
No hay problema, a los ojos de Kjellen y de Sombart, para rechazar sin más las nociones de libertad y de igualdad sino rechazar sus avatares exagerados y pervertidos. Entre 1914 y 1789, no existe una antinomia como existe entre el antiguo régimen y 1789. Estos dos mundos axiológicos se prohíben totalmente. Si el antiguo régimen es la tesis, 1789 es su antítesis y la Weltanschauung liberal que deriva vigilancia en ellas todos los límites de una antítesis. Este liberalismo habrá sido entonces solo una antítesis sin nunca ser una síntesis. 1914 y la ética germano-prusa del deber son, síntesis fructuosas. Por lo tanto, los mundos liberal y del antiguo régimen son igualmente hostiles a esta síntesis ya que las hace desaparecer a los dos, recalcando su caducidad. Esto se debe a que las potencias liberales francesa y británica se alían con la potencia rusa del antiguo régimen para derribar las potencias germánicas, portadoras de la síntesis. La tesis y la antítesis unen sus esfuerzos para rechazar la síntesis. Los partidarios de la opresión y los de la anarquía se oponen con un interés similar al orden, porque el orden significa su fin. Las potencias liberales amenazan menos al absolutismo del antiguo régimen porque esta es susceptible de invertirse bruscamente en anarquía. En la antigua constelación de valores de 1789, sucederá una nueva constelación, la de 1914, "deber, orden, justicia".
LOS PROBLEMAS POLÍTICOS DE LA GUERRA MUNDIAL, 1916
En la introducción de esta obra que analiza el estado del mundo en plena guerra, Kjellen nos expone una reflexión sobre los mapas geográficos de los atlas usuales: estos mapas nos muestran entidades estáticas fijas, capturadas en un momento proceso de su futuro histórico. Por tanto toda potencia puede crecer y superar el cuadro que le asignan los atlas. Al mismo tiempo en que crece el Estado A, el Estado B puede, disminuir y dejar el espacio en desierto, vacío que cita las energías desbordantes en otra parte. Kjellen concluye que las proporciones entre el suelo y la población varían sin cesar. Los mapas políticos reflejan así las realidades, que, a menudo, ya no lo son. La guerra que estalló en agosto de 1914 es un hecho conmovedor, un movimiento que atrapa al individuo de espanto. Este temor del individuo proviene del hecho que la guerra es una colisión entre los Estados, es decir, entre las entidades que tienen las dimensiones cuantitativas que sobrepasan la perspectiva fuertemente reducida del individuo. La guerra es un fenómeno específicamente estático/político que nos fuerza a concebir el Estado como un organismo viviente. La guerra revela bruscamente las verdaderas intenciones, los pulsos vitales, los instintos del organismo estado, mientras que la paz las oculta generalmente detrás de todos los tipos de convenciones. En la línea de la obra que está preparando desde hace muchos años y que se publicará en 1917, Kjellen repite su credo vitalista: El Estado no es un esquema constitucional variable a merced de las elecciones y de los humores sociales ni un simple sujeto de derecho sino un ser viviente, una personalidad supra-individual, histórica y política. En sus comentarios sobre los hechos de la guerra, Kjellen no oculta su simpatía por Alemania de Guillermo II, sino que desea sin embargo seguir objetivo. El libre aborda luego los grandes problemas geopolíticos de la hora. Tres potencias mayores se enfrenta, con su clientela, las potencias de segundo orden. Esta Alemania (con sus clientes: Austria-Hungría, Turquía, Bulgaria), luego Inglaterra (con Francia, Italia, Bélgica, y, en una menor medida, el Japón); al final, Rusia, con dos clientes minúsculos, Serbia y Montenegro.
Tres exigencias geopolíticas mayores se imponen a los Estados y a sus extensiones coloniales:
1) la extensión del territorio; 2) la libertad del movimiento, 3) la mejor cohesión territorial posible.
Rusia tiene la extensión y la cohesión territorial pero no la libertad de movimiento (no el acceso a los mares cálidos y a las grandes vías de comunicación oceánica). Inglaterra tiene la extensión territorial y la libertad de movimiento pero no cohesión territorial (sus posesiones están dispersas en el conjunto del globo). Alemania no tiene ni la extensión ni la libertad de movimiento (la flota inglesa bloquea el acceso al Atlántico en el Mar del Norte), su cohesión territorial es un hecho en Europa pero sus colonias no están encadenadas a África. Retomando las ideas de su colega alemán Arthur Dix, Kjellen constata que las tendencias de la época consistían, para los Estados, en encerrarse sobre ellos mismos y juntar su territorio haciendo un todo coherente. Inglaterra es así pasado de una política de la "puerta abierta" a una política que se enfoca en el surgimiento de las zonas de influencia cerradas, luego de haber reunido sus posesiones africanas de Egipto a África del Sur (del Cairo al Cabo). Es tentada luego de situar toda la región entre Egipto y el actual Pakistán bajo su copa, enfrentándose a los proyectos germano-turcos en Mesopotamia (ferrocarril Berlín-Bagdad-Golfo Pérsico). Alemania que no tiene ni la extensión ni la libertad de movimiento ni la cohesión territorial sobre el plano colonial (cuatro colonias dispersas en África más la Micronesia en el Pacífico). Tentó, con Inglaterra, de reunir sus colonias africanas en perjuicio de las colonias belgas y portuguesas: un proyecto que nunca fue concretizado. Para Kjellen, el destino de Alemania no está ni en África ni en el Pacífico. El Reich debe reforzar su cooperación con Turquía según el eje Elba-Eufrates creando una zona de intercambios económicos desde el Mar del Norte hasta el Golfo Pérsico y el Océano Indico, casería conservada de los británicos. Los proyectos germano-turcos en Mesopotamia son la principal manzana de la discordia entre el Reich e Inglaterra y, en efecto, la verdadera problemática de la guerra, dirigida por los Franceses intermediarios. La política inglesa busca fraccionar la diagonal que divide el Mar del Norte para acabar en el Golfo Pérsico, poniendo a Rusia contra Turquía y prometiéndole los Dardanelos que no tiene de todos modos la intención de dárselos ya que una presencia rusa en la Bósfora amenazaría la ruta de las Indias a la altura del Mediterráneo oriental.
A estos problemas geopolíticos, se añaden los problemas etnopolíticos: en líneas generales, la cuestión de las nacionalidades. El objetivo de la guerra de Entente, es rehacer el mapa de Europa sobre la base de las nacionalidades. Inglaterra ve el medio de fraccionar la diagonal Mar del Norte-Golfo Pérsico entre Viena y Estambul.
Los poderes centrales, reevalúan la función del Estado agregado y anunciante, por la voz de Meinecke, que la era de las especulaciones políticas había terminado y que conviene por tanto hacer la síntesis entre el cosmopolitismo del siglo XVIII y el nacionalismo del siglo XIX en una nueva forma de estado que era supranacional y atenta a las nacionalidades que abarca. Kjellen, por su parte, fiel a sus principios vitalistas y biólogos, estima que todo Estado sólido debe ser nacional por tanto étnicamente y lingüísticamente homogéneo. El principio de las nacionalidades, lanzado en el debate por la Entente, hará surgir una "zona crítica" entre la frontera lingüística alemana y la frontera de la Rusia rusa, lo que abarca los Países Bálticos, la Bielorrusia y Ucrania. A los problemas de órdenes geopolítico y etnopolítico, se debe añadir los problemas socio-políticos. Kjellen aborda los problemas económicos de Alemania (desarrollo de su marina, programa de Levant, línea de ferrocarril Berlín-Bagdad) luego los problemas de Rusia en materia de política comercial (la competencia entre el campesinado alemán y ruso que impide a Rusia exportar sus productos agrícolas hacia Europa). Rusia quiere hacer saltar el cerrojo de los Dardanelos para poder exportar sin obstáculos su trigo y sus cereales de Ucrania, única manera de asegurar del resto a su balanza comercial.
Kjellen aprueba la política conservadora del Ministro británico Chamberlain que, en 1903, evocó una Unión Comercial autárquica, protegida por la potencia marítima inglesa. Tres grandes zonas de repartirían así el mundo: 1) Inglaterra, con Canadá, Australia y Africa del Sur, 2) Alemania, con Austria-Hungría, la Federación balcánica y Turquía; 3) la "Panamérica". En Inglaterra, la política es guiada por una paradoja: son los conservadores que defienden esta idea hacia la autarquía imperial que implica también la no intervención en las otras zonas. La derecha, es conservadora: prefiere una política intervensionista en las zonas de otros. Kjellen explica esta caída: el proyecto de autarquía es poco atractivo sobre el plano electoral mientras que el de la pantarquía (del control total del mundo por Inglaterra) estimula la demagogia jingoísta. Chamberlain, sugiriendo sus planes de autarquía imperial, es conciente de las debilidades del Imperio y del enorme costo de la máquina militar que se debe mantener para poder dominar el mundo.
Vienen en seguida los problemas de ordenes constitucionales y culturales. La guerra en curso es igualmente la confrontación entre dos modelos de Estado, entre el ideal político inglés y el ideal político alemán. En Inglaterra, el individuo prima al Estado mientras que en Alemania el Estado prima al individuo. En Inglaterra, el objeto de la cultura, es formar caracteres; en Alemania, producir del saber. A esto, los alemanes responden que la autonomía de los caracteres fuertes se equivocan, sobre el espacio cultural inglés, en un mundo de convenciones fijas y paralizantes.
Los ingleses y franceses afirman que Alemania es una nación muy joven para tener un estilo. Los alemanes replican que su masa de saber permite la inspección de un barco más exacto del mundo y su cultura, en consecuencia, tienen más sustancia que forma (DE ESTILO). Inglaterra forma caballeros alineados en un promedio, afirman los alemanes, mientras que su sistema de educación forma personalidades extremadamente diferenciadas refiriéndose a una cantidad de parámetros heterogéneos. Alemania siendo el país de los particularismos persistentes, es normal, escribe Kjellen, que recomienda un federalismo en los "círculos" de Estados aparentemente culturales y ligados por intereses comunes o "aparentemente" organizados por fuerzas étnicas homogéneas contra las esferas de dominación" (Alfred Weber). La idea alemana, prosigue Kjellen, es el respeto de la especificidad de los pueblos, cualquiera que fuera su importancia numérica. Esta es la igualdad en derecho de las naciones al interior de una estructura política de nivel superior, organizada por una nacionalidad dominante (como en Austria-Hungría). Kjellen conecta esta idea inquieta del tipo de especificidades a la idea protestante militante del rey sueco Gustavo Adolfo, campeón del protestantismo, por el cual "se debía salvar la tolerancia".
El juego entonces se juega de tres: los Occidentales, los rusos y los centrales. O, como lo había escrito en Las ideas de 1914, entre la antitesis, la tesis y la síntesis. La guerra es igualmente el enfrentamiento entre las ideas de Jean-Jacques Rousseau y las de Immanuel Kant, entre la insistencia excesiva sobre los derechos y el sentido equilibrado de los derechos y los deberes. A las ideas de Rousseau se unen las de Herbert Spencer, "comercialistas" y "eudemonistas", y las reaccionarias de Pobiedonostev, tutor de los Zares Alejandro III y Nicolás II. El individualismo puro y la opresión del puro absolutismo hacen causa común contra el orden equilibrado de los derechos y deberes, postulado por la filosofía de Kant y la praxis prusiana del Estado.
EL ESTADO COMO FORMA DE VIDA, 1917
La obra principal del autor, donde él utiliza por primera vez el vocablo de "geopolítica". Kjellen trabaja con la ayuda de dos conceptos mayores: la geopolítica propiamente dicha y la geopolítica especial. La geopolítica propiamente dicha es la entidad geográfica simple y natural, circunscrita en las fronteras precias. Kjellen analiza las fronteras naturales montañosas, fluviales, desérticas, pantanosas, forestales, etc, y las fronteras culturales/políticas creadas por la acción de los hombres. El territorio natural de las entidades políticas pueden pertenecer tipos diferentes: tipos potámicos o "circunfluviales" o "circunmarinos". Una de las principales constantes de la geopolítica práctica, es la voluntad de las naciones insulares o litorales de forjar un país similar al que está frente a sus costas (ejemplo: la voluntad japonesa de crear un Estado manchú en su devoción) y apropiarse un conjunto de territorios insulares, de cabos o de franjas territoriales como paradas en las principales rutas marítimas. Kjellen estudia el territorio natural desde el punto de vista de la producción industrial y agrícola y la organización política y administrativa.
Kjellen subraya la interacción constante entre la nación, el pueblo y el poder político, interacción que confiere al estado una dimensión decididamente orgánica. Además de la geopolítica propiamente dicha, Kjellen se preocupa de la geopolítica especial, es decir de las cualidades particulares y circunstanciales del espacio, que inducen a tal o tal estrategia política de expansión. Kjellen luego examina la forma geográfica del estado, su apariencia territorial. La forma ideal, para un Estado, es la forma esférica como para Islandia o Francia. Las formas longitudinales, como las de Noruega o Italia, implican la extensión de las líneas de comunicación. Los enclaves, las exclaves y los corredores tienen una importancia capital en geopolítica: Kjellen las analiza en detalle. Pero de todas las categorías de la geopolítica, la más importante es la de la posición. Para Kjellen, se trata no solo de la posición geográfica, de la vecindad, sino también de la posición cultural, actuando sobre el mundo de las comunicaciones.
El sistema de la geopolítica, según Kjellen, puede estar dividido como sigue:
I. La Nación: objeto de la geopolítica.
1. La posición de la nación: objeto de la topopolítica.
2. La forma de la nación: objeto de la morfopolítica.
3. El territorio de la nación: objeto de la fisiopolítica.
II. El establecimiento nacional: objeto de la ecopolítica.
1. La esfera del establecimiento: objeto de la emporopolítica.
2. El establecimiento independiente: objeto de la autarquipolítica.
3. El establecimiento económico: objeto de la economipolítica.
III. El pueblo portador del Estado: objeto de la demopolítica.
1. El núcleo de la población: objeto de la pletopolítica.
2. El alma del pueblo: objeto de la psicopolítica.
IV. La sociedad nacional: objeto de la sociopolítica.
1. La forma de la sociedad: objeto de la filopolítica.
2. La vida de la sociedad: objeto de la biopolítica.
V. La forma de gobierno: objeto de la cratopolítica.
1. La forma de Estado: objeto de la nomopolítica.
2. La vida del Estado: objeto de la praxiopolítica.
3. El poder del Estado: objeto de la arcopolítica.
El método de clasificación elegido por Kjellen, es subdividir cada objeto de investigación en tres categorías: 1. medio ambiente; 2. la forma; 3. el contenido.
LOS GRANDES PODERES Y LA CRISIS MUNDIAL, 1921
Ultima versión de sus estudios sucesivos sobre los grandes poderes, esta edición de 1921 añade una reflexión sobre los resultados de la primera guerra mundial. La obra empieza por un panorama de los grandes poderes: Austria-Hungría, Italia, Francia, Alemania, Inglaterra, los Estados Unidos, Rusia y Japón. Kjellen analiza la ascensión, la estructura estática, la población, la sociedad, el régimen político, la política extranjera y la economía. Sus análisis de las políticas extranjeras de los grandes poderes, destacan claramente las grandes líneas de fuerza, incluso actualmente guardan una concisión operativa tanto por el historiador como por el observador de la escena internacional.
Al final de la obra, Kjellen nos explica cuáles son los factores que hacen que una potencia sea grande. Ni la superficie ni la población son necesariamente factores multiplicadores de poder (Brasil, China, India). La entrada del Japón en el club de las grandes potencias prueba por otro lado que el status de grande ya no están reservada a las naciones de raza blanca y de religión cristiana. Por tanto, no existe ninguna forma privilegiada de constitución, de régimen político, que concede automáticamente el status de gran potencia. Existen grandes potencias de todos tipos: cesaristas (Rusia), parlamentarias (Inglaterra), centralistas (Francia), federalistas (Estados Unidos), etc. La Gran Guerra no obstante ha probado que una gran potencia ya no puede desplegarse y florecer en las formas puramente antidemocráticas.
El concepto de gran potencia no es un concepto matemático, étnico o cultural sino un concepto dinámico y fisiológico. Ciertamente, una gran potencia debe disponer de un vasto territorio de masas demográficas importantes, de un grado de cultura elevado y de una armonía de su régimen político, pero cada uno de sus factores tomados por separado es insuficiente para hacer acceder una potencia al estatus de grande.
Para ello, es la voluntad la determinante. Una gran potencia es por tanto la voluntad servida por los medios importantes. Una voluntad que quiera acrecentar el poder. Las grandes potencias son en consecuencia Estados extensivos, que se tallan en zonas de influencia sobre el planeta. Estas zonas de influencia demuestran el status de grande. Todas las grandes potencias se sitúan en la zona temperada del hemisferio septentrional, único clima limpio para el florecimiento de fuertes voluntades. Cuando la voluntad de expansión muere, cesa el hecho de querer participar en la competencia, la gran potencia decrece, retrocede y fallece políticamente y culturalmente. Se reincorpora a este los Naturvoelker, que no ponen el mundo en forma. China es el ejemplo clásico de un Estado gigantesco situado en la zona temperada, dotada de una población muy importantes y a las potencialidades industriales inmensas que pierde los privilegios al rango de la pequeña potencia, ya que muestra un déficit de voluntad. Este tipo parece prever Alemania y Rusia desde 1918.
Existen dos tipos de grandes potencias: las económicas y las militares. Inglaterra y los Estados Unidos son grandes potencias más bien económicas, mientras que Rusia y Japón son grandes potencias más bien militares. Francia y Alemania presentan una mezcla de dos categorías: el mar privilegiado, el comercio y la tierra, el despliegue del poder militar, creando la oposición entre nacionales marítimas y naciones continentales. Inglaterra es puramente marítimo y Rusia puramente continental, mientras que Francia y Alemania son una combinación de talasocracia y de poder continental. Los Estados Unidos y el Japón transgreden la regla, de modo que unos dispongan de un continentes y que el otro, insular, sea llevado más bien hacia el industrialismo militarista (en Manchuria). Las grandes potencias marítimas son con frecuencia metrópolis que dominan a un grupo diseminado de colonias, mientras que las grandes potencias continentes buscan una expansión territorialmente conectada a la metrópolis. Inglaterra, Estados Unidos, Francia y Alemania han elegido la expansión diseminada, mientras que Rusia y el Japón (extendiéndose a zonas contiguas situadas alrededor de su archipiélago metropolitano) incrementan su territorio conquistando o sometiendo países vecinos de su centro.
La historia parece probar que los imperios dispersos son más frágiles que los imperios continentales contiguos: los ejemplos de Cartago, Venecia, Portugal y Holanda. La autarquía, la autosuficiencia, parece ser una condición de estatus de gran poder que representan mejor los imperios continentales, sobretodo desde que el ferrocarril incrementó la movilidad sobre la tierra y le confirió la misma velocidad que en el mar. Las lecciones de las guerras mundiales son por tanto las siguientes: la talasocracia británica ganó la batalla notablemente porque hizo uso del arma del bloqueo. Pero esta victoria de la potencia marítima no significa la superioridad de la talasocracia: una Alemania más autárquica sería mejor resistida y, a fin de cuentas, son las masas compactas de territorios dominados por Inglaterra que han permitido a los Aliados oponerse a los Centrales. El factor determinante por tanto fue la Tierra, no el Mar. El ideal es entonces combinar factores marítimos y factores continentales.
¿Se debe concluir de este análisis de las grandes potencias que los pequeños Estados están condenados por la historia a no ser más que los vasallos de los grandes? No, responde Kjellen. Los pequeños estados pueden convertirse en grandes o volver a convertirse o incluso mantenerse honorablemente en la escena internacional. Exactamente de la misma forma que los pequeños talleres se mantuvieron frente a la competencia de las grandes fábricas. Los fuertes absorben con mucha frecuencia a los débiles pero no siempre. La resistencia de los débiles pasa por la conciencia cultural y la fuerza espiritual. La pulsión centrífuga es tan fuerte como el poder centrípeto: el ideal, una vez más, reside en el equilibrio entre estas dos fuerzas. La idea de la Sociedad de las Naciones la suministrará sin duda, concluye, Kjellen.
06:10 Publié dans Géopolitique, Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
jeudi, 14 juin 2007
Théologie politique américaine
De la théologie politique américaine
«C’est un paradoxe flagrant de l’histoire de voir comment un nationalisme précis (et particulièrement puissant) se déclare non seulement “prophétique” mais aussi universel, tout en se matérialisant dans de nombreux actes d’expension ou d’interventionnisme». Anders Stephenson*
L’éminent juriste allemand Carl Schmitt a caractérisé l’idéologie de l’expansionnisme et de l’impérialisme américains comme une théologie politique, qui est en même temps totalitaire, dogmatique et pseudo universaliste, et qui s'ingénie à faire l'équation —avec le zèle et la ferveur d’un Torquemada— entre l’intérêt international particulier des Etats-Unis et l’intérêt du genre humain.
Hans Morgenthau remarque que l’universalisme est une idéologie qui répond aux besoins de l’impérialisme et de l’expansionnisme. L’expansionnisme est sans cesse en opposition avec l’ordre international dominant et le statu quo existant. L’expansionnisme doit prouver que le statu quo qu’il cherche à vaincre mérite d’être vaincu et que la légitimité morale qui, dans l’esprit de beaucoup, est attachée aux choses telles qu'elles sont, sera finalement obligée de céder face à un principe de plus grande moralité, tout en faisant appel à une nouvelle distribution de pouvoir (1). «Jusqu’à présent, vu que les idéologies typiques de l’impérialisme utilisent des concepts de droit, elles ne peuvent faire référence de manière correcte au droit international positif, c’est-à-dire au droit international tel qu’il existe aujourd’hui. Dans le domaine du droit, c’est la doctrine du droit naturel, c’est-à-dire du droit comme il devrait être [et non pas tel qu'il est, ndt], qui répond aux besoins idéologiques de l’impérialisme… Lorsque la politique impérialiste expansionniste n’est pas dirigée contre un statu quo en particulier, fruit d’une guerre perdue, mais tend à s'accroître à l'appel d'un vide de pouvoir qui invite à la conquête, elle avance tout un arsenal d’idéologies morales / moralisantes qui ont évidemment pour corollaire de remplacer le simple appel à un “droit naturel juste” contre “un droit positif injuste” par le devoir, inévitable, de conquérir le pays récalcitrant (2).
La doctrine de la “destinée manifeste”
L’objectif principal de l’idéologie impérialiste est de faire l'équation entre les aspirations politiques d’une nation précise, d'une part, et les lois morales qui gouvernent l’univers, d'autre part; nous avons là une idéologie spécifiquement anglo-saxonne pour habiller les aspirations particulières et les actions impérialistes d'un objectif moral, qui correspondrait aux lois de l’univers. Cette idéologie a d'abord été typiquement britannique, mais elle a été perfectionnée et absoluisé par les Etats-Unis. «Le fait que savoir que les nations soient soumises à la loi morale est une chose, mais prétendre savoir avec assurance ce qui est bon et mauvais dans les relations entre les nations, est d’un autre ressort. Il y a un monde de différence entre la croyance que toutes les nations sont sous le couvert du jugement de Dieu, impénétrable au genre humain, et la conviction blasphématrice que Dieu est toujours de son côté et que ce que cette puissance alliée à Dieu veut pour elle-même ne peut pas connaître l'échec, parce que cette volonté est aussi celle de Dieu» (3).
L'exemple d'école d’un tel blasphème se retrouve dans l’assertion du Président McKinley qui affirmait que l’annexion des Philippines (et la série de massacres de civils qui s'ensuivit) était un signe de la providence divine. Cette conquête et ces massacres avaient été entrepris après que le président ait reçu un signe de la Providence. L’Amiral Dewey revendiquait le fait que la conquête des Philippines était un gage d’approbation divine. «Je devrais dire que la main de Dieu y était pour quelque chose» (4).
Les arguments avancés pour justifier la conquête des Philippines se concentraient sur des thèmes religieux. «Ces thèmes s'exprimaient par les mots devoir et destinée. Selon le premier terme, refuser l’annexion des Philippines aurait signifié omettre d'accomplir une obligation divine et solennelle. Selon le second terme, l’annexion des Philippines en particulier et l’expansion en général étaient inévitables et irrésistibles» (5); dans cette optique, l’expansionnisme impérial américain était une “destinée manifeste” sous le signe de la Providence.
Une doctrine calviniste
La doctrine calviniste devient ainsi une arme idéologique pour la guerre d’agression et l’expansionnisme. «Les victoires rapides gagnées par les forces américaines ont renforcé les positions psychologiques des impérialistes. L’impression de commettre un acte répréhensible ne se renforce que si l’action contestable est suivie de revers. Inversement, la mauvaise conscience diminue ipso facto si le projet est exécuté avec brio. L'échec s'interprète comme une punition de la Providence; mais la réussite, telle que la décrit le schéma calviniste, se perçoit comme le signe extérieur d’un état de grâce intérieur… Le «devoir», disait le Président McKinley, «détermine la destinée». Tandis que le devoir signifie que nous avons une obligation morale, la destinée signifie que nous allons certainement remplir cette obligation, que la capacité à le faire nous est inhérente. Notre histoire a toujours été une histoire ininterrompue d'expansion; notre pays était toujours parvenu autrefois à s'étendre, ainsi il était certain qu'il réussirait de la même façon dans le futur. La force d’expansion est un héritage national et “racial”, un besoin intérieur, irrésistible et profond… La Providence a été vraiment indulgente envers nous en nous procurant des réussites si fructueuses que nous commettrions un péché si nous n’acceptions pas les responsabilités que l’on nous a demandé d’assumer» (6).
L’impérialisme américain a développé une puissante théologie de l'élection. L’idée américaine d'élection historique ou providentielle, inhérente à la doctrine de la Destinée Manifeste, a fait en sorte que Dieu et la géopolitique fusionnent en un tout parfaitement instrumentalisable; la doctrine procure ainsi la «légitimité» à la conquête et l’expansionnisme.
Un charabia moraliste et religieux
Le charabia moral et religieux de la doctrine de la Destinée Manifeste, tellement américain dans son sens primitif profond, est facile à évacuer car elle n'est qu'un bric-à-brac idéologique. Malgré sa nature de bric-à-brac, cet abominable bricolage est devenu l'assise de la théologie politique et de la politique étrangère américaines. L’expansionnisme impérialiste se voyait élevé au rang d’obligation positive, au rang de devoir. Plus l’expansionnisme était impitoyable, plus on le justifiait par une approbation divine. La volonté des impérialistes américains était d’égaler la volonté de Dieu. L’impérialisme est devenu «une vertu dérivée de l’appel de Dieu». Rester en deçà équivalait à «rejeter la guidance divine». Le Sénateur Albert J. Beveridge déclara un jour que «Dieu n’a pas passé son temps pour rien durant un millier d’années à préparer les peuples anglophones pour qu'ils ne se livrent à rien d'autre qu'une vaine et ridicule auto-contemplation et auto-admiration. Non! Il a fait de nous les maîtres-organisateurs du monde pour établir des systèmes ordonnés là où régnait le chaos. Il a fait de nous des virtuoses de la bonne gouvernance pour que nous puissions, le cas échéant, gérer la politique chez les peuples sauvages et les peuples séniles» (7).
Pris dans la spirale du destin
Le thème de la destinée était un corollaire du thème du devoir. A maintes reprises, on a déclaré que l’expansion était le résultat d’une «tendance cosmique», que «c’était le destin», que c’était «la logique inexorable des événements», etc. La doctrine qui affirme que l’expansion est inévitable a bien sûr été longtemps familière aux Américains; nous savons ô combien la Destinée Manifeste a été invoquée au cours du 19ième siècle. Albert Weinberg souligne, toutefois, que cette expression prend un nouveau sens dans les années 90. Auparavant, destinée signifiait, dans son sens premier, que l’expansion américaine, quand on le voulait, pouvait être contrecarrée par d'autres qui pouvaient se mettre en travers de notre chemin. Au cours des années 90, le sens de cette notion de “Destinée Manifeste” a légèrement évolué; elle finit pas vouloir signifier que “les Américains ne pouvaient pas, par leur propre volonté, refuser cette expansion”, car ils étaient pris, qu'ils le veuillent ou non, dans la spirale du destin. Nous faisions montre d'une certaine réticence. Ce n’était pas tout à fait ce que nous voulions faire; c’était ce que nous devions faire. Notre politique agressive se voyait implicitement définie comme obligatoire, comme le fruit, non pas de nos propres envies, mais d’un besoin objectif (ou de la volonté de Dieu) (8). La destinée a toujours eu une destination, et la destination correspondait à l’expansionnisme géopolitique; ainsi la source de l’impérialisme américain était le désir de Dieu donné aux élus pour destinée.
La mythologie politique de la Doctrine de Monroe
Kenneth M. Coleman définit le corollaire politique (et géopolitique) de la doctrine de la Destinée Manifeste, soit la doctrine Monroe, comme une mythologie politique : «Une mythologie politique a émergé parmi les Nord-Américains pour justifier la réalité de leur hégémonie dans les Amériques. La doctrine Monroe constitue un exemple quasi paradigmatique de la création d'un mythe politique accompagnant la création de l’empire américain. Il apparaissait nécessaire, à l'époque, de trouver une sorte de véhicule rhétorique par lequel on puisse suggérer non pas une intention expansionniste, mais une auto-abnégation… Dès ses débuts, la doctrine Monroe a été un artifice rhétorique conçu pour réconcilier les valeurs affirmées, c'est-à-dire celles qui évoquent le désintéressement et l'abnégation des Américains, avec leurs intentions expansionnistes réelles qui visent à réaliser leurs intérêts stratégiques et économiques majeurs. Ainsi la première caractéristique dans la définition d'une mythologie politique est son actualité… L’hégémonie, tout comme l’Empire, postule la création d’une mythologie légitimante… Dans le cas d'un Empire, la mythologie doit faire raisonner les Américains comme suit : «Nous vous dirigeons parce qu’il est dans votre intérêt que ce soit nous qui le fassions»… Dans le cas d'une hégémonie, la mythologie doit générer la croyance que les relations existantes sont bénéfiques aux partenaires et que ceux qui ne les perçoivent pas comme telles sont malavisés ou intrinsèquement mauvais...» (9).
Le message normatif de la Doctrine de Monroe
La mythologie politique, qui sous-tend les diverses formes d'hégémonie, se distingue des autres mythologies, dans le sens où elle nie l’existence de la domination politique et économique. Elle est similaire à la mythologie de l’impérialisme parce qu'elle affirme que les relations existantes sont justes, appropriées, inévitables, ou défendables de manière sur le plan des normes… La doctrine Monroe renferme un message normatif… qui dit que les causes actuelles, défendues par l'Amérique, sont justes, moralement défendables, et en accord avec les plus grands principes d’un ordre politique supérieur à d’autres ordres politiques (10) et que l’impérialisme américain sert un but moral plus élevé, celui de la Destinée Manifeste laquelle a été préalablement fixée par Dieu lui-même. Kenneth M. Coleman cite Salvador de Madariaga qui décrit la nature de la doctrine Monroe selon les termes suivants: «Je sais seulement deux choses à propos de la doctrine Monroe: l’une est qu’aucun Américain que j’ai rencontré ne sait ce que c’est; l’autre est qu’aucun Américain que j’ai rencontré ne consentirait à ce que l'on tergiverse à son propos… J’en conclus que la doctrine Monroe n’est pas une doctrine mais un dogme… pas un seul dogme, mais bien deux, à savoir: le dogme de l’infaillibilité du Président américain et le dogme de l’immaculée conception de la politique étrangère américaine» (11).
Les intérêts des Etats-Unis sont les intérêts de l'humanité toute entière
Croire que les Américains sont un peuple choisi par Dieu, pour amorcer une expansion sans fin, était inhérent tant à la doctrine de la Destinée Manifeste qu'à la doctrine de Monroe. «Le terme qui a servi à prendre ce sens de moral, du moins sur le plan de l’expansion géographique, est celui de “Destinée Manifeste”; il révèle la certitude calviniste avérée : Dieu révélera au monde ceux qui assureront Sa grâce et les rendra prospères». Si les Etats-Unis représentent la Terre Promise du Peuple Choisi, alors « il est absolument impossible de concevoir une situation dans laquelle les intérêts du genre humain ne sont pas tout à fait identiques à ceux des Etats-Unis. En faisant montre d'une telle présomption, l’opposition à la Destinée Manifeste (des Etats-Unis) n’était pas une simple opposition politique —elle ne représentait pas une quelconque différence d’opinion et se posait plutôt comme une hérésie, en révolte contre les gens choisis par Dieu lui-même… Si les autorités des Etats-Unis —les autorités choisies par les gens favorisés par Dieu lui-même— étaient en faveur d'une politique donnée, alors critiquer la justice ou la moralité de cette politique s'avérait moralement impossible» (12).
Dans cette optique, il faut se souvenir de la conclusion de Werner Sombart qui disait que «le calvinisme est la victoire du judaïsme sur la chrétienté» et que «l’Amérique est la quintessence du judaïsme». L’immoralité politique de la doctrine de la “Destinée Manifeste”, l’expansionnisme géopolitique, sous la forme d'une conquête de territoires, telle que la revendique la doctrine de Monroe, et l’impérialisme économique, tel qu'il se manifeste sous la forme de la politique des “portes ouvertes” (Open Doors Policy), deux options qui ont été fusionnées par la suite sous la dénomination de “wilsonisme” (Doctrine de Wilson), sont en fait des traductions simplistes et malveillantes de la vieille immoralité talmudique, repérable dans l'histoire.
Carl Schmitt a souligné que la transformation de la doctrine de Monroe, à partir d’un Grossraum ("grand espace") concret, en un principe universel, c’est-à-dire la “théologisation” d’un impérialisme américain spécifique et particulier, en une doctrine mondialiste universelle, qui doit inéluctablement déboucher sur une puissance-monde unique et absolument dominante, une “Capital Power”, laquelle “servirait” les intérêts du genre humain. Cette transformation d'un impérialisme particulier en un mondialisme sans alternative est aussi le commencement de la “théologisation” des objectifs politiques étrangers américains (13). Ce processus de “théologisation” a débuté au cours de la présidence de Théodore Roosevelt, mais le Président Woodrow Wilson fut le premier à élever la doctrine de Monroe au rang d'un principe mondial, à véritablement “mondialiser” une doctrine qui, auparavant, était censée se limiter au seul hémisphère occidental, panaméricain. Dans la moralité calviniste, talmudique et axée sur la Prédestination de Woodrow Wilson, l'idée-projet de la domination mondiale de l'Amérique devient la substance même de son plaidoyer pour une doctrine de Monroe à appliquer au monde entier.
L'immoralité foncière de Wilson le “moraliste”
Un cas à mentionner : le slogan américain de la «Destinée Manifeste» a servi à accroître l'aire d'application de la doctrine de Monroe par le biais du principe de l'autodétermination des peuples qu’a utilisé le Président Wilson lors de la Conférence de Paix de Paris (Versailles), pour accroître de fait —et subtilement— les sphères d'influence anglo-saxonne et pour créer un Cordon Sanitaire autour de l’Allemagne et de la Russie Soviétique en Europe, un Cordon Sanitaire composé d’Etats tampons. Évidemment, le Président Wilson, dans son empressement à faire valoir en Europe le droit à l’autodétermination, n’a jamais dénoncé la doctrine de Monroe qui incarnait, à son époque, dans l'hémisphère américain, la négation absolue de ce droit qu’il proclamait au bénéfice des petits peuples des anciens môles impériaux d'Europe centrale et orientale. En fait, ce qu’il a voulu dire en parlant du droit à l'autodétermination était clairement démontré en 1914 déjà, lorsque l’Amérique, renversant le gouvernement élu au Mexique, a bombardé la ville mexicaine de Vera Cruz, tuant ainsi des centaines de civils. Après le bombardement qui, par la suite, a conduit à la chute du gouvernement mexicain et à l’installation d’un fantoche à la solde des Etats-Unis, le Président Wilson, en mettant l’accent sur la soi-disant identité entre la politique américaine et la justice universelle, a convaincu le monde que «les Etats-Unis ont renversé le pouvoir mexicain pour rendre service à l'humanité» (14) (sic!). Le Président Wilson croyait sincèrement au rôle providentiel, désigné par Dieu, des Etats-Unis pour diriger le monde.
Aujourd’hui, si l’on regarde la situation de la Yougoslavie, on peut constater qu’une fois encore le principe pseudo-universel du droit à l’autodétermination a été utilisé comme un moyen idéologique pour renverser un statu quo existant, via un règlement frontalier en Europe, alors que les frontières européennes avaient été définitivement reconnues et acceptées comme telles par les Accords d’Helsinki. De même, ce fameux droit à l'autodétermination, inventé jadis par Wilson, a servi à légitimer les atrocités musulmanes lors de la guerre en Bosnie d’abord, puis celles, innommables, des bandes armées islamistes, terroristes et mafieuses des Albanais du Kosovo; en fait, ces bandes d'irréguliers musulmans sont l’équivalent européen des “Contras” du Nicaragua, armés, entraînés et subsidiés par les Etats-Unis. L'Europe est désormais traitée de la même manière que les anciennes républiques latino-américaines.[ndt : Pire, dans le cas de la Bosnie et du Kosovo, les dirigeants des principales puissances européennes ont applaudi et participé à ces horreurs, en posant, via les relais médiatiques, les assassins bosniaques et albanais comme des héros de la liberté ou des défenseurs des droits de l'homme].
Quand l'Allemagne hitlérienne reprenait à son compte les concepts forgés par Wilson
Ironie historique : l’Allemagne nazie avait emprunté, en son temps, de nombreux concepts idéologiques venus d'Amérique. Ainsi, l’Allemagne nazie fondait ses requêtes pour réviser le statu quo du Traité de Versailles, d'abord sur le principe d’égalité que le Traité de Versailles avait violé. Les juristes allemands ont pris conscience que le droit international en place n’était rien d’autre que l’universalisation de l’hégémonie anglo-saxonne, et, partant, la “théologisation” de l’intérêt national américain en particulier. Ces juristes allemands se sont donc mis à parler d’un nouveau droit international qui servirait l’intérêt national allemand, comme le droit en place servait les intérêts nationaux américains. Ce nouveau droit, favorable aux intérêts allemands, utiliserait également le concept d'un “nouvel ordre mondial juste” destiné à justifier l’expansionnisme germanique et à préparer le renversement du statu quo international, qui s'était établi après la guerre de 14-18.
Les principes de bases de la théologie politique américaine peuvent se résumer comme suit:
◊ a) L’intérêt national des Etats-Unis s'universalise dans le but de devenir l’intérêt universel du genre humain ou de la communauté internationale. Par conséquent, l’expansionnisme impérialiste américain est alors vu comme un avancement de la race humaine, une promotion de la démocratie, luttant contre le totalitarisme, etc. Les intérêts américains, le droit international, et la moralité internationale deviennent équivalents. Ce qui sert les intérêts américains est posé, avec une incroyable effronterie, comme des actes visant ou poursuivant les desseins de la morale et du droit, dans tous les cas de figure (15).
Délégitimer les intérêts nationaux des autres pays
b) Par conséquent, l’universalisation de l’intérêt national américain, sa légitimation transnationale —une façade allant au-delà de toutes les légitimités concrètes— conduit à délégitimer les intérêts nationaux des autres pays. A travers la doctrine de Monroe, les pays latino-américains se voyaient refuser l'expression de leurs intérêts nationaux, du moins ceux qui différaient de ou s'opposaient à l’intérêt national américain. Quoi qu'il en soit, une analyse historique objective montre clairement que l’intérêt national authentique des pays latino-américains s'opposent, en règle générale et par nécessité, à l’intérêt national des Etats-Unis. L’effet de la doctrine de Monroe était que les pays latino-américains cessent d’exister politiquement, en devenant des protectorats et des nations captives au sens propre du terme.
c) Avec le Pacte Briand-Kellog, les Etats-Unis amorcèrent l'étape suivante dans la globalisation de leur théologie politique. Les guerres menées au départ d’intérêts nationaux différents de ceux des Etats-Unis se voyaient étiquetées comme des “guerres d'agression”, tandis que les guerres agressives menées par les Etats-Unis étaient considérées comme des “guerres justes”. Les réserves émises par les Etats-Unis quant au Pacte de Kellog revêtent une importance particulière : les Etats-Unis se réservent le droit d’être seuls juges de ce qui constitue une guerre d’agression. La doctrine américaine de reconnaissance et de non-reconnaissance des Etats est également significative : les Etats-Unis se réservent le droit d’être les seuls juges pour décider quel Etat doit être reconnu ou non et quels sont les motifs qui les amènent à reconnaître un Etat ou non. Ces motifs équivalent à l’intérêt national des Etats-Unis. Pour voir à quels dangers et quelle absurdité grotesque, cette équivalence peut mener s'observe dans l’exemple historique de la non-reconnaissance par les Etats-Unis de la Chine après 1949, alors qu'ils reconnaissaient le régime fantoche de Tchang Kai Tchek, qu'ils avaient installé et qu'ils contribuaient à maintenir. Les Etats-Unis ont utilisé leur doctrine de non-reconnaissance, bloquant l’admission de la Chine aux Nations Unies, dans le but précis de saboter les Nations Unies et aussi pour s’assurer, par cet artifice, deux sièges au Conseil de Sécurité des Nations Unies, la Chine de Tchang Kai Tchek leur étant dévotement inféodée.
d) L’utilisation idéologique du concept de guerre —et les principes de reconnaissance et de non-reconnaissance— mène également à la déshumanisation médiatique des adversaires de l'Amérique : l'ennemi n'est plus un ennemi qui défend à égalité ses intérêts nationaux, mais un paria international.
e) La conséquence finale du développement de la théologie politique américaine est l’identification du droit international —le Droit des Nations— avec le système de l’impérialisme américain. La source de ce droit international n'étant, dans un tel contexte de "nouvel ordre mondial", plus rien d'autre que la volonté géopolitique et stratégique des Etats-Unis. Un tel "droit international" (?) n’est vraiment plus le Droit des Nations, au sens classique et habituel du terme, mais bien le droit du pays le plus fort, l’incarnation de l’hégémonie et de l’expansionnisme américains. L’intérêt national des Etats-Unis reçoit un statut d'universalité dans le "nouvel ordre mondial" et passe pour représenter l’intérêt de la communauté internationale. En outre, les Etats-Unis eux-mêmes deviennent un sujet omnipotent et transnational, s'universalisent, sans cesser d'être eux-mêmes et rien qu'eux-mêmes, représentant sans médiation la communauté mondiale tout entière.
Les autres Etats n'existent plus que comme entités non politiques
La théologie politique américaine est incompatible en soi, non seulement avec le principe de l’égalité des Etats et avec celui de leur souveraineté individuelle, mais aussi avec toute organisation qui se prétend être une organisation internationale réelle comme les Nations Unies. Dans le "nouvel ordre mondial", les Etats ne peuvent exister que comme entités non-politiques; les prérogatives de toute instance politique et territoriale concrète et réelle, telle que nous les trouvons énumérées et définies dans et par la terminologie de Carl Schmitt, sont réservées uniquement aux Etats-Unis, de même que le droit y afférent, de les exercer. Et une organisation internationale ne peut exister que si elle n'est plus rien d'autre qu'un équivalent fonctionnel de l'Organisation des Etats Américains (OAS), c’est-à-dire qu'une telle organisation internationale ne peut plus être autre chose qu'une façade multilatérale pour légitimer le désir hégémonique américain. L’historien britannique Edward Hallet Carr remarque, dans son livre, The Twenty Years' Crisis - 1919-1939, publié à l’origine en 1939, que, juste un peu avant l’entrée des Etats-Unis dans la première guerre mondiale, dans un discours au Sénat sur les objectifs de la guerre, le Président Wilson expliquait que les Etats-Unis, jadis, avaient été «fondés pour le bien de l’humanité» (16) (sic!). Wilson affirmait catégoriquement: «Ce sont des principes américains, ce sont des politiques américaines… Ce sont les principes du genre humain et ils doivent prédominer» (17). Carr souligne que «les déclarations de ce personnage viennent essentiellement d’hommes d’Etat anglo-saxons et d'écrivains. Il est vrai, ajoute Carr, que lorsqu’un national-socialiste important certifiait que «tout ce qui est profitable au peuple allemand est juste, tout ce qui fait du mal au peuple allemand est mauvais», il proposait quasiment la même équation entre l’intérêt national et le droit universel, équation qui avait déjà été établie par Wilson pour les pays de langue anglaise».
Les deux explications de Carr
Carr a donné deux explications alternatives à ce processus d'universalisation de l’intérêt national particulier. La première explication se retrouve fréquemment dans la littérature politique des pays continentaux : elle avance que les peuples de langue anglaise sont de vieux maîtres dans l’art de concevoir leurs intérêts nationaux égoïstes comme l'expression pure et simple du bien général, et que ce genre d’hypocrisie est une particularité spéciale et caractéristique de la façon de penser des Anglo-Saxons. La seconde explication était plus sociologique : les théories sur la moralité sociale sont toujours le produit d’un groupe dominant, qui s’identifie d'emblée à la communauté prise dans son ensemble et qui possède des moyens que ne possèdent pas les groupes ou individus subordonnés pour imposer leur point de vue sur la vie dans la communauté. Les théories de la moralité internationale sont, pour les mêmes raisons et en vertu du même processus, le produit des nations hégémoniques et/ou des groupes de nations dominantes. Durant les cent dernières années, et plus particulièrement depuis 1918, les nations de langue anglaise ont formé le groupe dominant dans le monde; les théories actuelles de la moralité internationale ont été choisies par eux pour perpétuer leur suprématie et se sont généralement d'abord exprimées dans l’idiome qui leur est propre (18).
Le vocabulaire de l'émancipation
Autre aspect important de la théologie politique : la pratique de mythifier et d'idéaliser l’expansionnisme américain pour en faire une moralité internationale universelle. Quelles sont les caractéristiques de la mythologie universaliste? C’est de transformer la signification de la réalité politique classique (ndt : aristotélicienne et nationale-étatique) pour n'en faire qu'une illusion chimérique, de facture répressive, et, en conséquence, de neutraliser et de délégitimer le langage politico-étatique (national) ou tout acte de résistance contre l'universalisme américain. En d’autres termes, la mythologie politique de facture universaliste consiste toujours à confisquer le réel, à l'éliminer et l'évacuer. Dans ce contexte, le langage articulé de l'ère étatique nationale, ou les actes de résistance, affirmés par ceux qui refusent cette logique universaliste, offrent peu de résistance, car leur contenu se voit neutralisé par la théologie politique universaliste. Pour paraphraser Roland Barthes (19), la théologie politique est expansive; elle s’invente elle-même sans cesse. Elle tient compte de tout; de tous les aspects des relations internationales, de la diplomatie, du droit international. Les pays opprimés ne sont rien : ils ne produisent qu'un langage, le cas échéant, celui de leur émancipation, or cette émancipation a déjà été délégitimée à l'avance. L’oppresseur, en l'occurrence les Etats-Unis, sont tout, leur langage politico-théologique a été élevé au rang de dogme. En d’autres termes, dans le cadre de la théologie politique, les Etats-Unis ont le droit exclusif de produire le méta-langage qui vise à pérenniser l’hégémonie américaine. La théologie politique, en tant que mythe, nie le caractère empirique de la réalité politique; ainsi la résistance à cette théologie hégémonique doit viser à recréer et à émanciper la réalité empirique.
Un méta-langage qui accepte pour argent comptant les slogans de la propagande
Durant la marche en avant de l’expansionnisme américain, déjà tout entière contenue dans la doctrine de Monroe et dans ses nombreuses extensions, en particulier durant la Guerre Froide avec sa justification idéologique, on pouvait lire dans des documents tels le NSC-68, qu'une destruction et une idéologisation du langage politique devaient s'accomplir et l'ont été. L’histoire de la Guerre Froide a débouché sur le fait que les Américains anglophones sont tombés dans le jargon propagandiste de l'ancienne idéologie et pratique panaméricaines, avec sa propension à accepter pour argent comptant les slogans, les simplifications, les mensonges et les clichés pompeux tels que le "totalitarisme", la "défense de la démocratie", le "péril rouge", etc.
L’expansionnisme américain et les machinations coloniales d’une Amérique perfide ont précisément inclus de force des sémantèmes nouveaux dans le langage, des sémantèmes dont Washington avait besoin pour exprimer ou camoufler vaille que vaille sa sauvagerie, déguisée en universalisme au service du genre humain; l'objectif préventif est de délégitimer toute résistance potentielle et légitimer à l'avance la conquête et l’hégémonie. Les Etats-Unis ont imposé une subversion planétaire du langage et c'est sur la base de cette gigantesque falsification que l’Amérique contemporaine a été éduquée.
Un gigantesque mur de mythes
Pour paraphraser George Steiner, les dirigeants de l’Amérique construisent entre l’esprit américain et la réalité empirique un gigantesque "mur de mythes". Au fur et à mesure, les mots ont perdu leur sens originel et ont acquis les contenus sémantiques propres de la théologie politique universaliste, manipulée par Washington. Le langage est devenu une falsification générale, à tel point qu'il n’est plus capable de saisir ou d’exprimer la vérité. Les mots sont devenus des instruments de mensonge et de désinformation, des convoyeurs de fausseté, servant à bétonner l’hégémonie. «Le langage n’était pas seulement infecté par ces colossales bêtises, il était sommé d'imposer les innombrables mensonges [de la propagande]» (20), d’endoctriner et de persuader les Américains que les nombreux actes visant à mettre des nations entières hors jeu, ainsi que le droit international, que les agressions militaires et les crimes de guerre en Corée, au Vietnam et, plus récemment, au Panama et en Irak, ont servi la cause des grands principes "humanitaires". La subversion du langage par la théologie politique américaine fait en sorte que la vérité empirique ne puisse plus être dite, et érige un mur de silence et de mensonge, qui a pour résultat inattendu l’effondrement de la langue anglaise, héritée de l'histoire, au profit du jargon panaméricain, pure fabrication récente. Et lorsque la langue « a été piquée de mensonges, seule la vérité la plus crue peut la purifier» (21).
Des torrents de parlottes moralisantes
Il est un phénomène américain très étrange que l’on ne retrouve pas en Europe : un Homme de Dieu —d’ordinaire un prêtre— qui s’avère charlatan. Eh bien, dans l’arène politique, après la fin de la première guerre mondiale, le Président Wilson était un de ces "Hommes de Dieu" qui voilait l’expansionnisme américain par des torrents de parlottes moralisantes. Pour Wilson, les Etats-Unis détenaient un rôle, que leur avait dévolu la Providence, celui de diriger le monde. Le wilsonisme était l’origine et la personnification du totalitarisme américain universaliste. A présent, dans l’après-Guerre Froide et l’après-Yalta, nous avons affaire à un nouveau Wilson, un petit Wilson, soit le Président Clinton, qui, à son tour, réveille le torrent de parlottes moralisantes de son prédécesseur; lui aussi se pose comme "Homme de Dieu", et a pris sa place dans la course à l’expansionnisme universaliste, de facture néo-wilsonienne, en utilisant la même vieille notion de Destinée Manifeste et la même théologie politique, cette fois sous les oripeaux du "nouvel ordre mondial". Mais une fois de plus, les concepts de la théologie politique universaliste américaine se dévoilent pour ce qu'ils sont : l’opium de la communauté internationale.
Nikolaj-Klaus von KREITOR.
(http://mid.diplomat.ru/wwwb/main/messages/1220.html... ; trad. fr. : LA).
notes :
*Anders Stephenson Manifest Destiny. American expansion and the Empire of Right (Hill and Wang, New-York, 1995).
(1) Hans J. Morgenthau, Politics Among Nations (Alfred A. Knopf, New-York, 1948) p. 64.
(2) Hans J. Morgenthau, Politics Among Nations, ibid., p. 65.
(3) Hans J. Morgenthau, Politics Among Nations, aux éditions Stanley Hoffman; Contemporary Theory in International Relations (Prentice Hall, Inc, Englewood Cliffs, 1960) p. 61.
(4) Louis A. Coolidge, An Old Fashioned Senator: Orville H. Platt (New-York, 1910) p. 302.
(5) Richard Hofstadter, The Paranoid Style in American Politics (The University of Chicago Press, Chicago, 1965) p. 174.
(6) Richard Hofstadter, ibid. pp. 175, 176, 177.
(7) Claude G. Bowers, Beveridge and the Progressive Era (New-York, 1932), p. 121.
(8) Richard Hofstadter, ibid. p. 177.
(9) Kenneth M. Coleman, The Political Mythology of the Monroe Doctrine:Reflection on the Social Psychology of Domination, pp. 99, 100, 110
(10) M. Coleman, ibid. pp. 97, 103.
(11) M. Coleman, ibid. p. 102. Coleman quotes after Salvado de Madariaga Latin America Between the Eagle and th eBear (Praeger, New-York, 1962) p. 74
(12) Coleman, ibid. pp. 105, 109.
(13) Carl Schmitt, Grossraum gegen Universalismus in Position und Begriffe im Kampf mit Weimar-Genf-Versailles 1923-1939 (Duncker & Humblot, Berlin, 1988) pp. 295-303.
(14) Edward Hallet Carr, The Twenty Year’s Crisis 1919-1939 (Harper Torchbooks, New-York, 1964) p. 78; aussi R.S. Baker Public Papers of Woodrow Wilson: The New Democracy.
(15) Voir sur ce sujet: Kenneth W. Thompson, Toynbee and the Theory of International Poitics, aux editions Hoffman, Contemporary Theory in International Relations, ibid., p. 97.
(16) Editions R. S. Baker, Public Papers of Woodrow Wilson: The New Democracy pp. 318-319.
(17) Edward Hallet Carr, The Twenty Year Crisis, ibid. p. 79; aussi Toynbee, Survey of International Affairs, 1936, p. 319.
(18) Edward Hallet Carr, ibid., pp. 79, 80.
(19) Roland Barthes, Mythologies (Hill and Wang, New-York, 1987) pp. 131, 148, 149.
(20) Georg Steiner, A Reader, (Oxford University Press, New-York, 1984), p. 212.
(21) Georg Steiner, ibid. p. 219.
06:10 Publié dans Géopolitique, Politique, Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
mercredi, 06 juin 2007
Banco del Sur: une vision geopolitica
Banco del Sur: una visión geopolítica
Pasó desapercibido el encuentro de ministros de economía y finanzas de Suramérica en Quito, capital de Ecuador, el día 3 de mayo de 2007. Y pensándolo bien, mejor que los mass media no hayan casi registrado la noticia, pues de lo contrario hubieran surgido cientos de analfabetos culturales locuaces según acertada expresión de Paul Feyerabend (1924-1994) enmerdándolo todo.
El Banco del Sur es una iniciativa promovida por Venezuela, Ecuador, Argentina, Bolivia, Brasil y Paraguay. Grosso modo la intención es crear un banco al servicio de las necesidades de la región suramericana con depósitos de la banca pública. Esto es resistido por los gobiernos de Chile, Perú, Uruguay y Colombia, porque pagaría menor interés que el internacional a sus colocaciones, ya que el Banco del Sur está pensado para otorgar créditos y préstamos más baratos que los que está cobrando la banca internacional y, por ende, pagaría menosinterés.
El conjunto de reservas internacionales que tienen los seis países mencionados en dinero que está depositado en bancos de Estados Unidos y Europa suman 164.000 millones de dólares. Pero se da la paradoja, afirmó el ministro ecuatoriano de economía Ricardo Patiño que “nuestros países tienen todo ese dinero depositado ganando tasas de interés muy bajas, sin embargo, después están pidiendo al Banco Mundial, al Fondo Monetario Internacional y al Banco Internacional de Desarrollo que les ayuden a solucionar sus problemas financieros cuando tenemos un caudal inmenso de ahorros de nuestros países que
pudieran ser utilizados para estos mismos fines sin caer en las condicionamientos “.
El Banco del Sur arrancaría con un capital inicial de 7.000 millones de dólares, la controversia respecto del aporte de los países accionistas impulsores de la idea radica que unos, como Brasil o Paraguay, proponen hacer aportes menores del orden de los 300 millones y otros como Ecuador, Venezuela y Argentina proponen aportes significativos. En una palabra, unos quieren que el Banco del Sur nazca chico y otro piensan en términos de grandeza.
La contradicciones surgen con las declaraciones de Guido Mantega, ministro de hacienda del Brasil, quien sostuvo que:” la prioridad del Banco del sur será financiar proyectos de infraestructura, logística y energía” y recordó que “sólo el Banco de Desarrollo de Brasil tiene 120.000 millones de dólares para financiar al sector productivo de su país, en tanto que el Banco Interamericano de Desarrollo (BID) tiene sólo 100 millones de dólares para toda la región”.
¿Qué pretende entonces la intelligensia brasileña, crear un banco pobre esterilizando otra idea que puede servir para liberarnos, como lo hizo con la Comunidad Suramericana de naciones invitando a Surinam y Guyana, o sea, Holanda e Inglaterra a participar?
Esta idea del Banco del Sur, hay que decirlo con todas las letras la lanzó Chávez y le mostró sus beneficios a Kirchner, quien honesta y cabalmente la aceptó. Brasil se sumó como se suma a todos los intentos de integración suramericana, no por su vocación integradora, sino porque Itamaraty no descansa en su ambición de dominio. Y así, si los proyectos o ideas que se lanzan benefician su política permanente de “extensión al oeste” los apoya, de lo contrario los esteriliza, pero nunca los rechaza, pues su rechazo generaría una resistencia que no tiene porqué crear.
Esto hay que saberlo y nuestros gobiernos hispanoamericanos deberían alguna vez hacerlo notar. Brasil, a través de su cancillería Itamaraty, interpuso, interpone e interpondrá todos los recursos a su alcance para impedir la integración norte-sur o sur-norte de Suramérica, de modo tal que si hay algo que no desea ni quiere es la relación Caracas-Buenos Aires, y el Banco del Sur abona y refuerza esta integración.
Hace ya más de un siglo y a partir de los trabajos de don Tulio Jaguaribe, el padre de Helio Jaguaribe, los gobiernos de Argentina y Venezuela están solicitando al de Brasil avanzar en los trabajos para la integración fluvial del Suramérica sobre todo en la vinculación entre los ríos Paraguay –Guaporé a través del dragado de los ríos Alegre y Aguapey, atravesando la laguna Rebeca y el riacho Barbados y su respuesta siempre ha sido una dilación continuada. Vemos como el Banco del Sur nos llevó a consideraciones que hacen al riñón de la geopolítica suramericana, a tratar de llamar a las cosas por su nombre y a correr el velo de las intenciones ocultas. Mientras tanto los seis países que inicialmente constituirían el Banco del Sur tienen presos 164.000 millones de dólares, en Bancos de USA y Europa, esto es, diez veces más de los créditos que recibimos con
condicionamientos de todo tipo, durante el 2006.
El Banco del Sur si naciera grande se transformaría automáticamente en la expresión financiera de la Unión Suramericana lo que le permitiría negociar como bloque y no aisladamente con los poderes internacionales. La consecuencia natural del un Banco del Sur pensado en términos de grandeza sería la implantación de una moneda única tal como se propuso en la reunión del Mercosur,aquella a la que asistió Nelson Mandela, realizada en Ushuaia en 1999 y dilatada por Brasil sine die.
Finalmente la creación del Banco del Sur, y por eso escribimos sobre él sin ser economistas, no debe verse ni valorarse con visión financiera sino desde una visión geopolítica.
Alberto Buela
(*) CeeS (Centros de estudios estratégicos) – Federación del Papel alberto.buela@gmail.com
Article printed from Altermedia Spain: http://es.altermedia.info
URL to article: http://es.altermedia.info/general/banco-del-sur-una-vision-geopolitica_1679.html
07:05 Publié dans Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
vendredi, 01 juin 2007
Pourquoi s'opposer à l'OTAN?
Robert STEUCKERS:
Pourquoi nous opposons-nous à l'OTAN?
Traduction du "Script" néerlandais d'un débat sur l'OTAN qui a opposé Robert Steuckers,
au nom de "Synergies Européennes" à Maître Rob Verreycken, du Barreau d'Anvers - Eindhoven, 25 janvier 2003
Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, Chers amis et camarades,
Je voudrais d'abord résumer brièvement les motifs principaux de mon hostilité à l'institution qu'est l'OTAN, afin d'expliciter le point de vue que je vais défendre aujourd'hui :
◊ D'abord l'OTAN est "internationaliste" dans son essence, elle prend le relais d'un internationalisme inégalitaire, né de l'idéologie interventionniste du "One World" sous égide américaine, défendue par Roosevelt lors de la deuxième guerre mondiale.
◊ Etre un Etat membre de l'OTAN, dans cette perspective, signifie être dépendant, donc soumis à la volonté d'un autre qui ne poursuit évidemment que ses seuls intérêts; être membre de l'OTAN, c'est être le jouet d'une volonté autre, d'une volonté qui veut nous réduire à l'état de pion docile, sans volonté propre.
◊ L'OTAN empêche l'éclosion de toute politique de défense autonome chez ses membres mineurs. Elle contraint nos gouvernants à enfreindre l'adage romain : si vis pacem, para bellum. Ipso facto, elle renonce à toute forme de souveraineté et livre nos peuples à l'arbitraire d'une politique étrangère dominante.
◊ L'OTAN nous empêche donc simultanément d'avoir une industrie d'armement propre, une industrie aéronautique performante (Airbus constituant une exception en dehors du domaine militaire) et d'avoir une politique cohérente de marine en Europe. Depuis 1945 en effet, seules deux puissances européennes ont pu développer de telles industries en toute autonomie : la Suède et la Grande-Bretagne. De 1950 à 1975, grâce notamment au concours d'ingénieurs allemands (cf. Helmut Müller, «Les scientifiques allemands en France après 1945», in: Nouvelles de Synergies Européennes, n°42/1999), la France a pu développer un pôle d'aéronautique militaire exemplaire, dont le chasseur Mirage III sera le fleuron. Mais en 1975, lors du marché du siècle, des collabos européens au sein des pays de l'OTAN, ont misé sur le F-16 américain, plutôt que sur un chasseur français ou suédois ou franco-suédois, ruinant du même coup ce pôle d'aéronautique qui a besoin de commandes militaires pour être "boosté". En principe l'OTAN prévoyait une "Two-Way-Street", une voie à deux sens, où les commandes militaires américaines en Europe et les commandes militaires européennes aux Etats-Unis se seraient équilibrées. Le "marché du siècle" a ruiné ce projet et créé une "One-Way-Street", une voie à sens unique. Cette voie à sens unique vaut évidemment pour l'aviation, mais aussi pour le matériel terrestre, car les Etats-Unis ont refusé d'acheter des chars allemands, pourtant plus performants que les leurs.
L'OTAN, un jouet socialiste
◊ Sur le plan de la politique intérieure, l'OTAN a toujours été un concept défendu par les faux socialistes (et vrais corrompus), qui constituaient en quelque sorte une aile droite, influencée intellectuellement par les trotskistes, dont la fidélité aux Etats-Unis a toujours été exemplaire. Qu'on se souvienne de Spaak, ancien révolutionnaire dans le Borinage en 1932, puis néo-socialiste opportuniste quand De Man acquiert du succès, pour devenir, à Londres, le sindic des intérêts américains et britanniques en Europe occidentale (et subsidiairement au Congo…). La servilité à l'OTAN et aux Etats-Unis s'appelle d'ailleurs le "spaakisme" ou le "suivisme", dans le langage de notre politique étrangère. La première esquisse de l'OTAN, incarnée par le Traité de Bruxelles de 1948, avait reçu le nom de "Spaakistan" à l'époque, par ceux qui, à droite comme à gauche, se montraient clairvoyants et percevaient le jeu de dupes que l'on nous imposait. Plus tard, on a connu l'épilogue de ce suivisme socialo-trotskiste dans la personne du lamentable Willy Claes ou du pauvre De Ryke. S'identifier à l'OTAN équivaut à s'identifier à d'aussi lamentables personnages. A l'étranger aussi, ce sont les socialistes occidentalistes (trotskistes) qui ont été les meilleurs avocats de l'OTAN; songeons à Pierre Mendès-France (dont le niveau est évidemment supérieur à celui de Claes) dans les années 50 en France et à Javier Solana en Espagne. A droite de l'échiquier politique, contrairement à ce que l'on pourrait croire, l'enthousiasme pour l'OTAN a été bien moindre, sinon inexistant : en Belgique, à l'époque où le PSC était encore considéré comme une force politique de droite, Pierre Harmel a tenté, au nom d'un idéal d'«Europe totale», de dégager notre pays de l'étau étouffant que nous imposaient les Etats-Unis. Dans ce que les journalistes appellent l'extrême droite, Jean Thiriart s'est fait l'avocat d'un refus systématique de la domination américaine, dont son mouvement, Jeune Europe, devait devenir le fer de lance.
◊ Dans la sphère médiatique, la défense des intérêts des Etats-Unis, de l'OTAN et les plaidoyers pour les interventions tous azimuts contraires au droit des gens ou aux décisions de l'ONU, sont le faits de personnages propagandistes, soi-disant philosophes, comme Bernard Henry Lévy, Alain Finkielkraut ou André Glucksmann; au nom d'une certaine "gauche" ou d'un humanisme (qui reste à définir…), ils appellent sans cesse au carnage, que ce soit dans les Balkans, en Irak ou ailleurs, et traitent de "fascistes" tous ceux qui sont en faveur de la modération ou de la diplomatie. Ce sont ces gens-là qui ont paré du label d'"humaniste", les tueurs, les narco-trafiquants et les proxénètes de l'UCK. Défendre l'OTAN, c'est défendre les crimes commis par ces gens-là. Défendre l'OTAN, c'est entonner un plaidoyer justificateur ou édulcorant pour les crimes de droit commun les plus abjects. Défendre l'OTAN, c'est quitter le domaine de la bienséance et sombrer dans la pire des voyoucraties politiques.
◊ Enfin, défendre la politique globale américaine, dont l'OTAN est un instrument, surtout sur le théâtre européen et nord-atlantique, c'est accepter que certains Etats, notamment l'Hegemon américain, "dealent" de la drogue, afin de pouvoir financer et mener des opérations "sales" qu'aucun Parlement n'accepterait d'avaliser. Par conséquent, il me paraît impossible d'être simultanément en faveur de l'OTAN, d'une part, et de préconiser une politique identitaire européenne, donc une politique d'indépendance européenne, d'appeler à défendre les valeurs de notre propre civilisation, de lutter contre les réseaux criminels et de s'opposer à la libéralisation de la drogue, d'autre part.
L'OTAN et la question américaine
La question de l'OTAN est inséparable de la question américaine. Les Etats-Unis et, avant eux, les treize colonies britanniques d'Amérique du Nord qui les formeront à partir de 1776, sont marqués dès le départ par une idéologie anti-historique, qualifiable de "chronophobique" (cf. à ce propos: Cliffrod Longley, Chosen People - The Big Idea that Shapes England and America, Hodder & Stoughton, London/Sydney/Auckland, 2002). Les colons qui ont peuplé ces colonies étaient généralement des "non conformistes" sur le plan religieux. Les Founding Fathers, les Pèlerins du Mayflower et autres zélotes religieux, adeptes d'un fondamentalisme bibliste protestant, ont pour dénominateur commun un rejet total du passé et de ses acquis. Pour eux, les institutions, les continuités, les traditions, parce qu'elles ne reposent pas sur leur lecture réductrice de la Bible, sont frappées du sceau du Mal et doivent être abolies, éradiquées, extirpées. Les hommes sont pécheurs s'ils s'inscrivent dans de "longues mémoires", ils n'appartiennent dès lors pas au clan des "Justes", parce que ces traditions, qu'ils entendent cultiver, auraient généré, au fil du temps, des injustices "inacceptables" et, par le biais de la doctrine de la prédestination, "impardonnables", "imprescriptibles". Si ce radicalisme fanatique a été quelque peu atténué à la fin du 18ième siècle sous la direction politique ou intellectuelle d'hommes comme Washington, Jefferson ou Hamilton, il n'en demeure pas moins qu'il est une donnée constitutive de la mentalité américaine, laquelle est instrumentalisée contre le monde entier. Qui ne fait pas la même lecture des faits de monde que le gouvernement américain, qui propose d'autres formes de gouvernement ou d'autres projets d'aménagement territorial se retrouve ipso facto assimilé au Malin et traduit, le cas échéant, devant un "tribunal international". Le fanatisme des puritains a changé de forme —bien que les gestes religieux que pose un Bush, par exemple, relèvent de ce schématisme puritain sans profondeur temporelle— mais il reste néanmoins in nuce une volonté d'éradiquer les legs du passé, de faire de celui-ci une table rase. Toute résistance à cette volonté se voit criminalisée.
Après les premières décennies de l'histoire des Etats-Unis, le Président Monroe proclame en 1823 une doctrine que l'on a souvent résumée comme suit : «L'Amérique aux Américains». Elle s'adresse, menaçante, à toutes les puissances européennes en général, à l'Espagne, maîtresse de l'Amérique centrale et méridionale, en particulier. Implicitement, cette doctrine constitue une déclaration de guerre à toutes les puissances européennes souhaitant défendre leurs intérêts dans le Nouveau Monde. L'hostilité à l'Espagne culminera en 1898, lors de la guerre hispano-américaine. Toutes les forces soucieuses de maintenir les acquis de l'histoire en Europe se sont montrées hostiles à l'américanisme, y compris l'Autriche, dont le ministre Johann Georg Hülsemann avait parfaitement perçu le danger américain, dès la proclamation de la Doctrine Monroe en 1823 (cf.: Heinrich Drimmel, Die Antipoden. Die Neue Welt in den USA und das Österreich vor 1918, Amalthea, Wien/München, 1984).
Un « Hegemon » auquel aucune fidélité n'est due
Au 20ième siècle, Wilson veut imposer un nouvel ordre international, via le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, mais cette base juridique pourrait dresser les peuples dont les richesses sont convoitées par les Etats-Unis contre la volonté de Washington. Les Américains décident donc de ne pas adhérer à la SdN, qu'ils avaient appelée de leur vœux. Franklin Delano Roosevelt poursuit l'œuvre du siècle américain, visant à contrôler les rives asiatiques du Pacifique et les rives européennes de l'Atlantique. Du dernier conflit mondial naît l'ONU, dont les décisions ne sont pas davantage respectées par les Etats-Unis aujourd'hui. Dans The Grand Chessboard (1996), Brzezinski décrit la stratégie qui consiste à exciter les vassaux les uns contre les autres pour ne pas qu'ils fassent collusion contre l'hegemon américain. On le voit : la politique du "Big Stick", destinée à l'Amérique latine, du temps de Theodor Roosevelt, le refus de se conformer aux décisions des instances internationales et la hantise de voir de fortes coalitions se dresser contre les ambitions de Washington sont anciennes mais régulièrement renouvelées. Toutes les puissances de la planète, l'Europe comprise, les "alliés" aussi, peuvent devenir demain les victimes de ces politiques : on ne peut donc considérer l'hegemon comme bienveillant, comme garant de la paix civile chez nous. Par conséquent, un tel hegemon ne saurait être un "allié" ou un "protecteur", et donc aucune fidélité ne lui est due.
Carl Schmitt nous a démontré que les idéologies de la Révolution française, de la révolution bolchevique —du moins jusqu'en 1945 car, après la seconde guerre mondiale, l'URSS renoue avec la diplomatie traditionnelle et sa pratique des rapports bilatéraux— et de l'interventionnisme américain, à partir de Theodor Roosevelt, de Wilson et de Franklin Delano Roosevelt, sont des idéologies qui ne respectent pas les équilibres traditionnels, hérités de l'histoire, ni les formes ni les us et coutumes de la diplomatie. En ce sens, ces idéologies sont dangereuses et bellogènes : elles impliquent une guerre permanente sans limites et sans tempérance. L'OTAN est un instrument de cette politique d'intervention tous azimuts, au nom de principes hostiles aux héritages historiques des peuples, de principes qui entendent faire du passé table rase. Par conséquent, celui qui entend s'inscrire dans les continuités de l'histoire, qui entend perpétuer ces continuités, qui a le sens de l'histoire, qui respecte les équilibres traditionnels entre puissances ne peut soutenir ni l'Amérique ni l'OTAN.
De la Mer Blanche au Golfe Persique
Pour étayer notre propos, rappelons les étapes de l'histoire européenne et nord-atlantique qui ont suivi les conférences de Yalta et de Potsdam (en 1945). Il faut savoir que la seconde guerre mondiale, menée contre une puissance occupant le cœur géographique de l'Europe, a été gagnée dès 1941, par la maîtrise du Proche-Orient qu'obtiennent les Britanniques en trois étapes: en mai 1941, ils matent la révolte de Rachid Ali en Irak, occupent le territoire mésopotamien et engrangent les puits de pétrole, assurant une couverture énergétique pour le matériel militaire allié; en juin et en juillet 1941, ils éliminent la (faible) menace qu'auraient pu exercer les Français de Vichy au Liban et en Syrie. En août et en septembre 1941, ils occupent l'Iran (avec les Soviétiques, mais qui sont confinés au Nord de Téhéran). Les réserves iraniennes de pétrole s'ajoutent à celles de l'Irak. Cette triple maîtrise de l'espace proche- et moyen-oriental permet d'alimenter en matériels l'URSS, faisant office de champion continental contre le principal challengeur. Ces opérations d'approvisionnement s'effectuent via la Caspienne et le trafic fluvial sur la Volga. De cette façon, tous les points du front de l'Est peuvent être assurés d'une bonne logistique: au Nord, via Mourmansk en toutes saisons ou via Arkhangelsk en été seulement, via les canaux de la Mer Blanche (le fameux Belomor) menant aux deux grands lacs Onega et Ladoga et de ceux-ci vers l'intérieur des terres, via chemins de fer, et vers le cours de la Volga au-delà du nœud ferroviaire de Vologda. Ce système de communication entre Mourmansk et Arkhangelsk sur les rives de l'Arctique, d'une part, et la Caspienne et le Golfe Persique, d'autre part, n'a jamais été interrompu ni sérieusement menacé par les troupes allemandes ou finlandaises.
La leçon géopolitique et géostratégique à tirer de la deuxième guerre mondiale est donc la suivante: l'Europe se contrôle au départ du Sud-Est, plus exactement à partir du Proche-Orient et de la Mésopotamie. Une vision eurocentrée de la défense européenne est donc une aberration, qui caractérise, notamment, la gestion hitlérienne de la belligérance entre 1939 et 1945. Une explication hitlérienne de la seconde guerre mondiale ou une nostalgie de l'hitlérisme constituent par conséquent un danger très grave d'un point de vue géostratégique européen cohérent. Ceux qui cultivent aujourd'hui encore un hitlérisme eurocentré sont les alliés objectifs de l'hegemon américain qui visent notre asservissement, parce que cette vision nous empêche de percevoir correctement la dynamique spatiale articulée contre le cœur géographique de l'Europe et parce que cette vision donne mauvaise presse dans le système médiatique contrôlée en ultime instance par les Etats-Unis.
Une triple politique contre l'URSS
A la suite de cette victoire anglo-américaine en 1945, les alliés occidentaux (France exceptée), vont tenter de garder toutes les cartes entre leurs mains. Dès la fin des hostilités, les Anglo-Américains vont déployer une triple politique contre l'URSS, qui vient d'avancer ses pions vers le centre de l'Europe:
◊ 1 - Empêcher que n'émerge une nouvelle alliance germano-soviétique.
◊ 2 - Malgré les acquisitions territoriales considérables de l'URSS de Staline, les Anglo-Américains vont lui refuser tout accès à l'Océan Atlantique, verrouillant la Baltique au niveau du Danemark, réitérant de la sorte la politique de Lord Castlereagh lors du Traité de Vienne en 1815 et appliquant les conseils d'Homer Lea dans son livre programmatique de 1912, The Day of the Saxons.
◊ 3 - Ne donner à Staline aucun accès à la Mer Méditerranée, en "neutralisant" la Yougoslavie de Tito à leur bénéfice; en laissant en Albanie un régime archaïque, celui d'Enver Hodxha, inféodé à la très lointaine Chine maoïste, laquelle ne cultivait évidemment aucune ambition en Europe; en mettant hors jeu la résistance grecque de gauche, dans la guerre civile qui suivit le départ des Allemands, afin de conserver la maîtrise de l'Egée, sans influence soviétique aucune.
Dans l'immédiat après-guerre, ces trois principes de containment sont appelés à prendre le relais de la politique traditionnelle de contenir la Russie, en dépit qu'elle soit devenu l'allié privilégié —et la réserve de chair à canon— pour abattre l'Allemagne, considérée à Londres et à Washington comme le moteur d'une future Europe unifiée. En toute bonne logique, le nouveau containment de la Russie doit commencer en Europe (aux niveaux de la Baltique, de l'Adriatique et de l'Egée), ce qui induit, quelques années plus tard, après les partages, à la création de l'OTAN en 1949, puis, ultérieurement seulement, à la mise sur pied du Pacte de Bagdad en 1955, avec la Turquie (qui fait charnière puisqu'elle est simultanément membre de l'OTAN), l'Irak sous tutelle britannique avec une monarchie fantoche et l'Iran, avec le nouveau Shah, installé sur le trône en 1941, à la suite de la démission forcée de son père sous la pression anglo-soviétique.
La campagne afghane scelle le destin de l'Union Soviétique
Après les crises des années 50 (Corée, Hongrie, Suez), s'ouvre une période de coexistence et de détente. La confrontation directe, en dépit des discours d'apaisement et des tentatives de dialogue Est-Ouest, reprend en 1978-1980, justement parce que les troupes soviétiques sont rentrées dans un territoire clef sur le plan stratégique : l'Afghanistan. Les stratèges britanniques (et américains) savent, depuis les déboires de l'armée anglaise en 1842, que la puissance qui parvient à contrôler l'Afghanistan finira à terme par contrôler les points nodaux de communication entre la Russie, l'Inde et la Chine, donc contrôlera le destin de ces trois puissances. Surtout si l'on contrôle simultanément l'Arabie Saoudite et ses réserves pétrolières. Par une guerre d'usure, menée par personnes interposées, c'est-à-dire par une counter-insurgency locale bien armée de l'extérieur, les armées soviétiques ne tiennent pas le coup dans les montagnes afghanes; le coût de la guerre entraîne l'effondrement de l'Union Soviétique.
Dès la fin de la superpuissance soviétique, il aurait fallu dissoudre l'OTAN, instrument créé pour la contenir et la combattre, et revenir à l'"ancienne" diplomatie, avec ses rapports bilatéraux entre puissances. Washington a refusé cette logique de bon sens et a insisté pour le maintien et l'élargissement de l'OTAN, alors que son rôle était révolu. L'Union Soviétique cessant d'exister, l'idéologie internationaliste et radicale qu'elle incarnait cesse automatiquement d'être un facteur de la politique internationale. Mais les Etats-Unis n'ont pas désarmé contre la Russie, preuve que l'idéologie communiste, qu'ils prétendaient combattre parce qu'elle était d'essence totalitaire, ne les dérangeait pas outre mesure. L'objectif n'était pas de lutter contre le communisme mais bien contre la concentration de pouvoir et d'organisation territoriale que représente la Russie. Cette lutte a commencé dès la guerre de Crimée; elle se poursuit aujourd'hui, malgré la disparition du communisme. L'OTAN s'était donné pour objectif la lutte contre le communisme et non pas contre la Russie traditionnelle. Par conséquent, si son objectif disparaît, elle n'a plus lieu d'être.
La mise en œuvre de la Doctrine Brzezinski
Après le retrait des troupes russes d'Afghanistan sous Gorbatchev, les Etats-Unis mettent en pratique la doctrine et la stratégie de Brzezinski, que nous pouvons résumer ici en trois points (pour des raisons didactiques).
◊ 1 - Dominer les "Balkans eurasiens", c'est-à-dire le centre turcophone et musulman de l'Asie centrale, de concert avec la Turquie et l'appui de quelques spécialistes israéliens. Cette stratégie vise à asseoir une domination américaine sur l'espace où se situent tous les nœuds de communication entre l'Inde, la Chine et la Russie (et derrière celle-ci, l'Europe). Pour Brzezinski, cet espace s'appelle la "Route de la Soie" (Silk Road). Effectivement, la libre circulation sur la "Route de la Soie", avant les conquêtes musulmanes et surtout turques, permettait une harmonie grande continentale, en dépit des différences majeures entre les civilisations qui la bordaient. Les archéologues parlent de la "Sérinde" avec sa sublime synthèse helléno-bouddhique, détruite par les hordes turco-mongoles et musulmanes. C'est la même volonté iconoclaste qui a animé les talibans, anciens stipendiés de la CIA, lorsqu'ils ont détruit à coups de canon et de dynamite les splendides Bouddhas de Bamiyan en février 2001. Par conséquent, s'allier au Etats-Unis et rester inféodé à l'OTAN, est l'indice d'une volonté de détruire toute possibilité de ré-émergence de la synthèse helléno-bouddhique en Asie centrale, de priver en règle générale et dans tous les cas de figure l'humanité de ses plus longues mémoires, de donner un blanc seing aux rééditions contemporaines de l'iconoclasme turco-musulman, de ruiner le patrimoine de l'humanité défendu par l'UNESCO, de participer à un projet qui interdira les communications fécondes entre trois aires civilisationnelles (euro-russe, indienne et chinoise).
◊ 2 - Brzezinski parle ensuite de lutter contre toutes les "emerging powers", contre les "puissances émergentes". Pour empêcher leur fusion stratégique, les Etats-Unis, notamment via le réseau satellitaire ECHELON, organisent un espionnage en bonne et due forme des firmes civiles et militaires européennes afin de "pomper" des renseignements et de les prendre de vitesse. Dans de telles conditions, adhérer à l'OTAN relève du masochisme le plus aberrant, car l'espionnage satellitaire d'ECHELON ruine nos entreprises de pointe, génératrices de nouvelles dynamiques industrielles, et condamne au chômage des techniciens et des ingénieurs de haut niveau. Les politiciens qui soutiennent les positions des Etats-Unis et de l'OTAN sont responsables du ressac économique dû à la mise en œuvre du système d'observation satellitaire ECHELON.
◊ 3 - L'ensemble des opérations actuelles des Etats-Unis a pour but ultime de créer un véritable verrou partant des Balkans, traversant la Mer Noire et le Caucase du Nord, pour s'élancer sur l'ancienne Route de la Soie jusqu'au Pamir. De même, ni une puissance européenne ni la Russie ne peuvent avoir un accès direct et aisé à la Méditerranée orientale.
A ce projet impérialiste, théorisé par Zbigniew Brzezinski, s'ajoute un appui systématique donné au trafic de drogues dans le monde entier. Les moudjahhidins afghans, puis les talibans, ont alimenté leurs caisses avec l'argent de la drogue. Dans ce même circuit, les mafias turque, albanaise et italienne ont joué un rôle déterminant. En conséquence, qui appuie la stratégie militaire des Etats-Unis, accorde ipso facto un blanc seing au narco-trafic international, générateur de réseaux multi-criminels (car-jackings, cambriolages, prostitution, …), notamment au sein des populations immigrées en Europe occidentale. Toute option politique en faveur de l'alliance américaine et de l'OTAN conduit à avaliser cette criminalité débridée, à tolérer l'impuissance de nos appareils judiciaires et de nos services de police, à accepter les débordements des diasporas mafieuses.
Du Triangle d'Or aux autres narco-trafics
L'alliance entre la CIA et le narco-trafic a commencé dès le début des années 50, quand les armées en déroute du Kuo-Min-Tang chinois vont se réfugier au-delà de la frontière sino-birmane, dans le fameux Triangle d'Or. Maintenue en état de combattre pour toute éventuelle reconquista de la Chine devenue maoïste, cette armée vit du narco-trafic pour s'auto-financer, ce qui évite aux autorités américaines de demander un financement officiel pour ces opérations de guerre parallèle. Des cénacles discrets décident d'utiliser l'argent de la drogue, de favoriser indirectement la consommation dans les métropoles occidentales, afin de ne pas avoir recours à l'argent des contribuables. Effectivement, alors que la drogue s'était limitée à des cercles très restreints d'artistes ou de consommateurs très aisés, elle connaît un boom extraordinaire à partir des années 50; dans une première phase, c'est la consommation d'héroïne en provenance d'Indochine qui domine l'avant-scène; dans une seconde phase, la consommation de cocaïne en provenance d'Amérique du Sud prend le relais.
Dès le début de l'intervention américaine en Indochine, des tribus rurales comme les Méos ou les Shans sont armées et utilisées contre les gouvernements locaux, accusés de sympathies pour la Chine ou l'URSS. Leur armement est payé par le biais de l'argent de la drogue. C'est la mise en place d'un scénario que l'on appliquera ensuite en Afghanistan et en Tchétchénie, et, qui sait, demain, dans nos propres banlieues et zones hors-droit, pour générer le désordre civil en Europe et éliminer ainsi une puissance concurrent économique des Etats-Unis. Les restes de l'armée du Kuo-Min-Tang de Tchang-Kai-Tchek, par exemple, avaient besoin de 10.000 $ par homme et par année, soit un total de 150.000.000 $ pour des effectifs de 15.000 hommes. Ce financement n'a jamais reçu l'aval du Congrès américain, exactement comme, très récemment, le financement des milices de l'UCK albanaise. Ces pratiques ont toujours été occultées par l'idéologie anti-communiste, laquelle est légitime en théorie, mais à condition qu'elle ne couvre pas des pratiques criminelles. Au départ du Triangle d'Or birman, l'héroïne était acheminée vers les Etats-Unis par voie aérienne, à l'aide de DC-3 (C-47) d'une compagnie appartenant à la CIA (source : Alfred McCoy, The Politics of Heroin in Souteast Asia, 1972). Le scandale a éclaté au grand jour en 1971, dans l'affaire dite des "Pentagon Papers".
La croissance de la toxicomanie aux Etats-Unis
La distribution de cette héroïne a été assurée aux Etats-Unis par Lucky Luciano, le boss de la mafia utilisé par l'US Army pour garantir le bon succès du débarquement en Sicile en 1943, et par un autre gangster, Meyer Lansky. En Italie, en Chine, en Turquie et en Albanie, les services américains ont donc délibérément parié sur le narco-trafic ou en ont utilisé les réseaux. Luciano, par exemple, est arrivé après la guerre avec 200 mafiosi en Italie pour y distribuer l'héroïne des Chinois et étendre le trafic à l'Europe entière. Pour faire fléchir le gouvernement central italien, les services américains et les mafiosi brandissaient la menace d'un séparatisme sicilien. Les chiffres de la progression des diverses toxicomanies sont éloquents et montrent bien que le phénomène a été créé artificiellement. En 1945, on comptait 20.000 héroïnomanes aux Etats-Unis; en 1952, ils étaient 60.000; en 1965, 150.000; en 1969, 315.000; en 1971, 560.000. Des engouements littéraires, basés sur des rejets ou des révoltes que l'on peut qualifier de "légitimes", comme la Beat Generation, ont contribué à vulgariser les toxicomanies dans les esprits, ont accentué le désir de se démarquer de la société bourgeoise conventionnelle. L'idéologie de 68, anti-autoritaire et contestatrice des structures fondamentales de nos sociétés, puis le mouvement hippy, consommateur de marijuana, ont amplifié considérablement le phénomène, ce qui nous fait arriver au chiffre astronomique de 560.000 toxicomanes aux Etats-Unis.
Ces 560.000 drogués ont contribué à financer la machine de guerre, sans qu'il n'ait fallu augmenter les impôts, car c'est à cela que sert la drogue sur le plan stratégique: à ponctionner les citoyens, sans recourir à l'impôt, toujours impopulaire. La succession des modes contestatrices et anti-autoritaires n'est pas arrivée "par hasard": elles ont toutes été vraisemblablement téléguidées de "haut", par des services de guerre psychologique. A partir de 1975, la consommation d'héroïne diminue aux Etats-Unis, car les troupes américaines quittent le Vietnam et les auxiliaires tribaux des zones reculées d'Indochine ne sont plus appelés à constituer des contre-guérillas. En revanche, la consommation de cocaïne en provenance d'Amérique du Sud augmente. Elle sert à consolider le trésor de guerre de bandes au service de la politique américaine et des services secrets. La plus-value du trafic de cocaïne servira ultérieurement à financer les "Contras" au Nicaragua, tout comme les réseaux mafieux avaient armés les partisans italiens, et la drogue du Triangle d'Or avait contribué à équiper les guérilleros Méos et Shans au Laos.
La double stratégie —militaire et narco-trafiquante— mise en œuvre par les services secrets américains trouve également un relais en Turquie, où le pouvoir est détenu par un complexe militaro-mafieux, principal pilier de l'OTAN dans ce pays. L'insistance de Washington pour faire accepter à l'UE la candidature turque vise un objectif bien clair pour tous ceux qui se rappellent ce pan d'histoire occulte de la seconde moitié du 20ième siècle qu'est l'organisation, à des fins stratégiques et impérialistes, du narco-trafic en Asie, en Amérique latine et ailleurs. Cet objectif est, tout logiquement, de faciliter la distribution de drogues dans toute l'UE, pour en saper ainsi les assises sociales, faire de l'Europe une zone politiquement émasculée. Après avoir soutenu la candidature de la Turquie, Washington appuiera bien évidemment celle d'un autre Etat trafiquant, le Maroc; ce qui accentuera encore davantage la pandémie toxicomaniaque dans nos sociétés, qui sont déjà bien ébranlées par la perte de leurs anciennes valeurs cardinales, par leur ressac démographique général, par leur nanisme militaire, etc. 12.000 familles marocaines vivent de la culture du cannabis dans le Nord du pays, comme le souligne l'Atlaseco de 2002, publié par l'hebdomadaire parisien Le Nouvel Observateur. Déjà instrumentalisé contre l'Espagne pendant l'été 2002, cet Etat est un atout complémentaire dans la panoplie américaine destinée à ruiner l'Europe.
OTAN et multi-criminalité
En conclusion, défendre l'OTAN, même si on prévoit dans cette défense une revalorisation du pilier européenne de cette organisation, est incompatible avec un programme politique intérieur qui vise une lutte systématique contre le trafic de stupéfiants illicites, parce que c'est justement la puissance hégémonique au sein de l'OTAN, qui la contrôle entièrement, qui est responsable de la diffusion planétaire du fléau de la drogue. Ensuite, si ce même programme politique promet aux citoyens de traiter la criminalité ambiante par "la manière forte", il envisage, par conséquent, de traiter de la même manière forte la part de la criminalité qui découle de la drogue et des cartels de "multi-criminalité", où la drogue joue un rôle moteur. Par suite, tout programme politique prévoyant la lutte contre la drogue et contre la criminalité, doit s'attaquer non pas seulement aux effets mais aux causes; or la cause principale de ces deux fléaux réside dans la politique menée par les services secrets américains dans le Triangle d'Or, en Turquie, en Afghanistan, au Maroc et en Amérique latine. L'OTAN est le principal instrument de la politique américaine. Il faut le rendre inopérant pour pouvoir assainir nos sociétés et les rendre à nouveau conviviales pour tous les citoyens, surtout pour les humbles qui peinent chaque jour, dans leurs tâches quotidiennes.
Robert STEUCKERS,
Forest/Flotzenberg - Eindhoven, 24 & 25 janvier 2003.06:05 Publié dans Affaires européennes, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
mardi, 29 mai 2007
Espana y Eurasia
Para ser global, España necesita pensar el mundo a través de Eurasia
Luis Martínez Montes, miembro de la carrera diplomática que actualmente ejerce de Consejero de la Misión Permanente de España en la OSCE, organización presidida este año 2007 por España, reflexionó sobre el papel de Eurasia, en una entrevista concedida a la Fundación CIDOB. Martínez Montes, que combina su labor como diplomático con la elaboración de ensayos en los que reflexiona sobre temas candentes de la realidad internacional, es autor de España, Eurasia y el nuevo teatro del mundo, un Documento CIDOB de reciente publicación desde el que propone elaborar un plan en el Ministerio de Asuntos Exteriores y de Cooperación para dar respuesta a una nueva realidad emergente: Eurasia.
Tu estudio España, Eurasia y el nuevo teatro del mundo gira en torno a la emergencia de Eurasia. ¿Es la emergencia de nuevos centros de atención mundial una de las claves internacionales hoy en día?
Existe una fascinación, teñida de cierta ansiedad, ante el ascenso de países como China y la India; o ante la reafirmación “energética” de Rusia y las ambiciones nucleares de Irán. Octavio Paz, un poeta visionario, decía que el signo de nuestro tiempo no es la “revolución”, sino la “revuelta”: un cambio que es regreso a los orígenes. La emergencia en nuestros días de esos nuevos centros de poder mundial constituye un retorno a una situación de las relaciones internacionales anterior a la era bipolar e incluso previa a la hegemonía de Occidente. Al mismo tiempo nos encontramos ante un fenómeno novedoso, puesto que las potencias emergentes tienen a su disposición recursos e instrumentos de poder desconocidos en el pasado y ahora proporcionados por las fuerzas convergentes de la geopolítica y de la globalización. Ese es, precisamente, el sentido último del concepto de “emergencia”: la aparición de propiedades nuevas en un sistema o conjunto de sistemas a partir de realidades preexistentes. Así se explica esa ambigua y desconcertante mezcla de familiaridad y extrañeza que sentimos al observar y analizar el mundo de hoy. Por una parte, contemplamos la irrupción del pasado en el presente, ya sea en la forma de renovadas identidades religiosas o nacionales o en la resurrección de civilizaciones en apariencia petrificadas y ahora camino de convertirse en polos alternativos de poder mundial. Por otra, ese mismo pasado redivivo es transformado al contacto con fuerzas y corrientes que ya prefiguran el futuro. Y ese futuro, guste o no a quienes hasta ahora en Occidente pretendían detentar el monopolio de la interpretación histórica, va a ser plural.
¿Qué significado tiene la emergencia de Eurasia? ¿Cómo están reaccionando las diferentes potencias europeas ante este fenómeno
La emergencia de Eurasia es el resultado de la convergencia de las dos grandes fuerzas que constituyen la fábrica de nuestro mundo. En lo geopolítico – los cambios en la distribución espacial del poder – es la resultante de la fragmentación y recomposición interna de los dos grandes bloques que dominaron el macrocontinente durante la Guerra Fría. En lo referente a la globalización, la apertura de mercados antes cerrados a los flujos de capital, energía e información están provocando importantes transformaciones y desplazamientos en la cartera de recursos de los diversos actores euroasiáticos. Al mismo tiempo, la crisis por la que atraviesa el proyecto supranacional de la Unión Europea está en el origen de la reaparición de proyectos de hegemonía entre las grandes potencias tradicionales como Gran Bretaña, Alemania y Francia. La diferencia con el pasado es que ahora tienen que contar en sus cálculos con las potencias (re)emergentes – Rusia, China, la India- y con los nuevos actores surgidos de la implosión soviética. Las repúblicas del Cáucaso y de Asia Central han descubierto la influencia que les otorga el ser países de origen y tránsito de recursos como el gas o el petróleo, amén de albergar importantes yacimientos de minerales estratégicos, y no están dispuestas a aceptar pasivamente ser las víctimas de un nuevo Gran Juego.
Acercándonos a la política exterior española, ¿cuál sería el propósito de establecer un Plan Eurasia? ¿Cómo podría entroncarse ese Plan con otros ya existentes y con el resto de la política exterior española?
Por razones históricas España ha seguido una política exterior centrada en tres “ejes”, Europa, Iberoamérica y el Mediterráneo / Oriente Medio. No discuto que éstas sean áreas prioritarias para nuestro país. Pero pensar y actuar como si se tratara de ámbitos autónomos desconectados del contexto global no es realista. Retornando al ejemplo de Eurasia, la reafirmación de las potencias tradicionales y el activismo de las emergentes en regiones cada vez más alejadas de su inmediata vecindad está alterando decisivamente los equilibrios en cada una de nuestras áreas privilegiadas de acción. Pensemos en los crecientes intereses de la India en empresas europeas; de Rusia en Argelia o de China en Marruecos, por no hablar de las inversiones de este último país en Iberoamérica o en el África Subsahariana. Hemos de ser conscientes de que para un país que ha alcanzado la magnitud de España ya no es sostenible concebir y ejecutar una política exterior propia de una “potencia regional media”. En el mundo de hoy sólo tendrán capacidad de acción y decisión autónomas los actores que piensen y actúen en términos globales y sean capaces de explorar y aprovechar las múltiples redes que conectan ámbitos geográficos y temáticos antes separados. La era de los compartimentos estancos y las áreas de influencia está dejando paso a la de los vasos comunicantes, de las redes. De ahí que, para tener una presencia global, España necesite pensar el mundo a través de Eurasia. Ya disponemos de una trayectoria definida, que conviene adaptar constantemente a las nuevas realidades, en ámbitos como la UE, Iberoamérica y el Mediterráneo. También nos hemos dotado recientemente de planes geográficos específicos como el Plan Asia o el Plan África. El principal valor añadido de un Plan Eurasia estribaría precisamente en poner de relieve el papel central del macrocontinente en la creciente interconexión entre realidades en apariencia distantes y dispares. Por ejemplo, quienes estén centrados en seguir los acontecimientos en Venezuela, en Marruecos o en Sudán tendrían así acceso en tiempo real acerca de cómo decisiones adoptadas en Pekín, Moscú, Astana o Bruselas afectan instantáneamente a sus respectivos ámbitos de interés. Por otra parte, un Plan Eurasia debería prestar una especial atención a Eurasia interior, es decir, a los actores y dinámicas que se entrecruzan en el espacio post-soviético, sobre todo en el Cáucaso y Asia Central. Se trata de zonas a las que hasta ahora no habíamos prestado toda la atención que se merecen, a diferencia de nuestros vecinos más activos,que sí disponen de una visión global. En suma un Plan Eurasia, sumado a los existentes e incardinado en una Estrategia de Política Exterior, habría de contribuir a ese salto de calidad que permitiría a España pasar de potencia (tri) regional a potencia media global con capacidades de gran potencia en ámbitos regionales seleccionados de acuerdo con nuestros intereses. Es un reto que como sociedad creo que nos podemos plantear de forma realista en el transcurso de esta generación. Nos va el futuro, y casi me atrevería a decir el presente, en ello.
Conscientes del interés de Luis Martínez Montes en alimentar los debates y las reflexiones en el ámbito de las relaciones internacionales, ¿en qué proyectos está trabajando actualmente?
El Documento ahora publicado por CIDOB forma parte de una empresa intelectual y vital más amplia. Siempre he intentado seguir el consejo que Khrisna da al arquero Arjuna en el Bhagavad Gita, uno de los libros sapienciales que debiera formar parte de un bagaje espiritual cosmopolita: el conocimiento es superior a la acción y ésta es superior a la inacción. Conocimiento y acción son uno y el mismo camino. Así, concibo la indagación intelectual sobre la naturaleza de Eurasia o sobre las variaciones de poder en otras áreas del mundo como parte de mi labor práctica como diplomático. Creo además, sinceramente, que la difusión del conocimiento y la incitación al debate en temas propios de las relaciones internacionales constituyen no sólo una responsabilidad ciudadana, sino un requisito indispensable para asentar una política exterior sobre bases sólidas. Una opinión pública ignorante es una opinión pública desorientada y susceptible de incurrir en oscilaciones extremas. A ello se suma el que, debido a razones conocidas, nuestro país carece todavía de una asentada tradición de reflexión orientada a la acción sobre enteras regiones del mundo. Mis futuros proyectos van un poco en esa línea. Por ejemplo, acabo de terminar otro ensayo para CIDOB sobre las implicaciones del ascenso de China sobre la hegemonía estadounidense. El siguiente paso sería completar una visión panorámica del nuevo teatro del mundo prestando atención a dinámicas particulares pero de alcance mundial. Centrándonos en Eurasia, me interesan las relaciones entre China y Japón; la función de Asia Central como encrucijada histórica y las relaciones triangulares entre Rusia, China y la UE. Soy consciente de que son proyectos amplios que sobrepasan mis capacidades y requieren de una contribución colectiva como la que pueden aportar fundaciones como CIDOB, Casa Asia, las universidades y las excelentes escuelas de negocios con que cuenta nuestro país.
Article printed from Altermedia Spain: http://es.altermedia.info
URL to article: http://es.altermedia.info/general/para-ser-global-espana-necesita-pensar-el-mundo-a-traves-de-eurasia_1670.html
04:50 Publié dans Affaires européennes, Eurasisme, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
dimanche, 27 mai 2007
The American Enemy
Roger, Philippe
The American Enemy: The History of French Anti-Americanism.
Translated by Sharon Bowman. 536 p. 6 x 9 2005
Cloth $35.00 ISBN: 978-0-226-72368-6 (ISBN-10: 0-226-72368-2) Spring 2005
Paper $22.50 ISBN: 978-0-226-72369-3 (ISBN-10: 0-226-72369-0) Fall 2006
Georges-Louis Buffon, an eighteenth-century French scientist, was the first to promote the widespread idea that nature in the New World was deficient; in America, which he had never visited, dogs don't bark, birds don't sing, and—by extension—humans are weaker, less intelligent, and less potent. Thomas Jefferson, infuriated by these claims, brought a seven-foot-tall carcass of a moose from America to the entry hall of his Parisian hotel, but the five-foot-tall Buffon remained unimpressed and refused to change his views on America's inferiority.
Buffon, as Philippe Roger demonstrates here, was just one of the first in a long line of Frenchmen who have built a history of anti-Americanism in that country, a progressive history that is alternately ludicrous and trenchant. The American Enemy is Roger's bestselling and widely acclaimed history of French anti-Americanism, presented here in English translation for the first time.
With elegance and good humor, Roger goes back 200 years to unearth the deep roots of this anti-Americanism and trace its changing nature, from the belittling, as Buffon did, of the "savage American" to France's resigned dependency on America for goods and commerce and finally to the fear of America's global domination in light of France's thwarted imperial ambitions. Roger sees French anti-Americanism as barely acquainted with actual fact; rather, anti-Americanism is a cultural pillar for the French, America an idea that the country and its culture have long defined themselves against.
Sharon Bowman's fine translation of this magisterial work brings French anti-Americanism into the broad light of day, offering fascinating reading for Americans who care about our image abroad and how it came about.
“A brilliant and exhaustive guide to the history of French Ameriphobia.”—Simon Schama, New Yorker
TABLE OF CONTENTS
IntroductionPrologue
Part I - The Irresistible Rise of the Yankee
1. The Age of Contempt
2. The Divided States of America
3. Lady Liberty and the Iconoclasts
4. From Havana to Manila: An American World?
5. Yankees and Anglo-Saxons
6. Portraits of Races
7. "People of Enemy Blood"
8. The Empire of Trusts: Socialism or Feudalism?
Part II - A Preordained Notion
9. The Other Maginot Line
10. Facing the Decline: Gallic Hideout or European Buffer Zone?
11. From Debt to Dependency: The Perrichon Complex
12. Metropolis, Cosmopolis: In Defense of Frenchness
13. Defense of Man: Anti-Americanism Is a Humanism
14. Insurrection of the Mind, Struggle for Culture, Defense of the Intelligentsia
Conclusion
Notes
Index
06:10 Publié dans Affaires européennes, Défense, Géopolitique, Histoire, Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
mercredi, 23 mai 2007
Cauchemar géopolitique des Etats-Unis
Le cauchemar géopolitique des Etats-Unis
Une analyse pertinente des sérieuses défaites enregistrées sur plusieurs fronts, internes et externes, par l'administration Bush qui, aux abois, risque de provoquer une nouvelle guerre.
Le cauchemar géopolitique des Etats-Unis
Ceci a déjà des conséquences sur l'économie mondiale en terme de coût du baril de pétrole actuellement à 75 dollars. Maintenant cela prend la dimension de ce qu'un ex secrétaire à la défense américaine a appelé un « cauchemar géopolitique » pour les Etats-Unis.
La création par Bush, Cheney, le secrétaire à la défense Donald Rumsfeld et Cie d'un cauchemar géopolitique est aussi la toile de fond pour comprendre le changement politique dramatique au sein de l'administration américaine ces derniers mois, un éloignement de la présidence de Bush. En deux mots : Bush - Cheney et leur bande de néo conservateurs durs pro guerre, qui entretiennent une relation spéciale sur les capacités d'Israël, en Irak et dans tout le Moyen Orient, ont eu leur chance.
Cette chance c'était de remplir le but stratégique des Etats-Unis de contrôler mondialement les ressources pétrolières, pour assurer le rôle hégémonique des Etats-Unis, pour la prochaine décennie et plus. Non seulement ils ont raté cet objectif de cette domination stratégique, ils ont aussi fortement ébranlé la base même de l'hégémonie mondiale continue américaine, ou comme dans le jargon de Rumsfeld / Pentagon : « full spectrum dominance » de domination totale.
La décision du président bolivien Eva Morales, après avoir rencontré ses homologues vénézuelien et cubain, Hugo Chavez et Fidel Castro, de nationaliser les ressources en pétrole et en gaz de son pays, est la dernière démonstration du déclin de la projection du pouvoir des Etats-Unis.
La doctrine de Bush dans la balance
Là, le président a décrit l'éloignement radical de la politique explicite des Etats-Unis dans deux domaines vitaux : une politique de guerre préventive, si les Etats-Unis étaient menacés par des terroristes ou des états voyous, engagés dans la fabrication d'ADM, deuxièmement, le droit à l'auto défense autorise les Etats-Unis a lancer des attaques par préemption contre des agresseurs potentiels, les détruisant avant qu'ils ne lancent des attaques contre les Etats-Unis.
La nouvelle doctrine américaine, la doctrine Bush, proclamait aussi, « le devoir des Etats-Unis c'est de poursuivre des actions militaires unilatérales quand il est impossible de trouver des solutions multilatérales. » Cette doctrine va plus loin et déclare que la politique américaine c'est que « les Etats-Unis ont eu, et ont l'intention de garder, une puissance militaire non égalée ». Les Etats-Unis mènerait toute action nécessaire pour continuer à être l'unique super puissance militaire mondiale. Ceci ressemble à la politique de l'empire britannique avant la première guerre mondiale, plus précisément que la flotte royale britannique doit être plus grande que les deux plus grandes flottes mises ensemble.
La politique américaine comprenait aussi des actions pour des changements de régime dans le monde sous le slogan d'« étendre la démocratie ». Comme Bush l'a dit à West Point : « l'Amérique n'a pas d'empire à étendre ou d'utopie à établir. Nous souhaitons pour les autres ce que nous souhaitons pour nous – mêmes – sécurité contre la violence, les récompenses de la liberté, et l'espoir d'une vie meilleure. »
Ces fragments d'une politique ont été rassemblés en une politique officielle en septembre 2002, dans un texte du Conseil de Sécurité National intitulé « Stratégie Nationale de Sécurité des Etats Unis ». Ce texte a été écrit pour aval par le président par la conseillère à la sécurité nationale de l'époque Condoleezza Rice.
Elle, de son côté, s'est servi d'un document préparé auparavant en 1992 sous la présidence de Bush père, par le néo conservateur Paul Wolfowitz. La doctrine de Bush et de Rice a été entièrement délimitée en 1992 dans un guide de planification de la défense intitulé « ébauche finale » réalisé par le secrétaire à la défense pour la politique Wolfowitz, et connu à Washington sous le nom de « doctrine de Wolfowitz. ». Wolfowitz déclare alors que, avec la disparition de la menace d'une attaque soviétique, les Etats-Unis étaient la seule super puissance qui devrait poursuivre son agenda mondial, inclus la guerre de préemption et des actions de politique étrangère unilatérales.
Une fuite interne de l'ébauche au New York Times a conduit à l'époque Bush père à dire que ce n'était « q'une ébauche et non la politique américaine ». en 2002 c'était devenu la politique américaine.
La doctrine Bush stipulait que des actions « militaires de préemption » étaient légitimes quand la menace « émergeait » ou était « suffisante », même s'il restait des incertitudes quant au moment, l'endroit, de l'attaque de l'ennemi. » Ceci laissait un trou suffisamment large pour qu'un tank Abrams puisse s'y engouffrer, selon des critiques. L'Afghanistan, par exemple, a été déclaré une cible légitime pour un bombardement militaire américain parce que le régime des talibans avait dit qu'il livrerait Osama Ben Laden seulement quand les Etats Unis auraient apporté la preuve qu'il était derrière les attaques du World Trade Center et du Pentagon le 11 septembre 2001. Bush n'a pas donné de preuve. Il a effectivement lancé une guerre de préemption. A l'époque, peu ont pris la peine de se pencher sur les subtilités des lois internationales.
La doctrine de Bush était et est une doctrine néo conservatrice de guerres préventives et de préemption. Cela s'est avéré être une catastrophe stratégique pour les Etats-Unis pour son rôle d'unique super puissance. Ceci est la toile de fond pour comprendre tous les évènements d'aujourd'hui comme ils se déploient dans et autour de Washington.
Le futur de cette doctrine de politique étrangère de Bush – et en fait la future capacité des Etats-Unis à s'accrocher à cette position d' unique super puissance ou unique quelque chose – c'est ce qui est actuellement mis en jeu en ce qui concerne le futur de la présidence de Bush. Il est utile de noter que Wolfowitz écrivait dans son ébauche de 1992 pour le secrétaire à la défense de l'époque, Dick Cheney.
L'administration Bush en crise
Cependant, ce qui est profondément significatif cette fois c'est que les principaux medias, inclus Richard Cohen dans le Washington Post, ont défendu les auteurs Stephen Walt et John Mearsheimer. Même une partie de la presse israélienne l'a fait. Le tabou de parler publiquement de l'agenda pro Israël des néo conservateurs a, apparemment, été brisé. Ceci suggère que la veille garde de l'administration de la politique étrangère, des gens comme Brzezinski et Brent Scowscroft et leurs alliés, accroissent leur pression pour reprendre en main la direction de la politique étrangère. Les néo cons ont prouvé être un échec colossal dans leur défense des intérêts stratégiques américains tels que les perçoivent les réalistes.
Cet article « Le lobby israélien et la politique étrangère américaine »* a été écrit par deux personnes forts respectées, des réalistes en matière de politique étrangère américaine qui conseillent le département d'état. Les auteurs sont ni des skinheads néonazis, ni antisémites. Mearsheimer est professeur de science politique et codirecteur du programme sur la politique de sécurité internationale à l'université de Chicago. Walt est un recteur d'académie et a une chaire d'enseignement à la Kennedy School of Government d'Harvard. Tous les deux sont membres de la Coalition pour une Politique Etrangère Réaliste. On les appelles les « réalistes », et cela inclus Henri Kissinger, Scowcroft, et Brzezinski.
Certaines de leurs conclusions à propos du lobby israèlien soulignent que :
« aucun lobby n'a réussi à autant détourner la politique de l'intérêt national américain tel qu'on peut l'envisager, tout en convaincant simultanément les américains que les intérêts des Etats-Unis et ceux d'Israël étaient essentiellement les mêmes. "
Ceux qui soutiennent Israël ont fait la promotion de la guerre contre l'Irak. Les hauts fonctionnaires de l'administration qui ont conduit la campagne étaient aussi à l'avant garde du lobby pro israélien, comme Wolfowitz ; le sous secrétaire à la politique de défense Douglas Feith ; Elliott Abrams, responsable à la Maison Blanche des affaires du Moyen Orient, David Wumser, responsable des affaires du Moyen Orient auprès de Dick Cheney vice président, Richard Perle, le plus néo con des néo cons, directeur du comité de politique de défense, un organisme de conseil regroupant des experts en stratégie.
Un effort similaire est actuellement mené pour bombarder les installations nucléaires iraniennes.
L'AIPAC (le Comité pour les Affaire Publiques Américaines et Israéliennes) se bat pour ne pas être enregistré comme groupe d'agents étrangers, parce que cela mettrait de sérieuses limites à ses activités auprès du Congrès, particulièrement dans le domaine des élections législatives. Les politiciens américains sont très sensibles aux campagnes de financement et autres formes de pression politique et les principaux médias continueront probablement de montrer de la sympathie pour Israël quoiqu'il fasse.
C'est utile de citer les buts officiels de la Coalition pour une Politique Etrangère Réaliste, dont Walt et Mearsheimer font partie, pour avoir une meilleure compréhension de leur position dans le combat que se joue actuellement entre les différentes factions de l'élite américaine. Le site internet de cette Coalition affirme :
"Sur fond d'un conflit de plus en plus meurtrier en Irak, la politique étrangère américaine se déplace dans une direction dangereuse, celle d'un empire. Des tendances impérialistes inquiétantes sont apparentes dans la stratégie de Sécurité Nationale Américaine de l'administration Bush. Ce document plaide pour le maintient de la domination militaire américaine du monde, et il le fait d'une façon qui encourage d'autres nations à former des coalitions et alliances pour faire contre poids. Nous pouvons nous attendre, et nous le voyons maintenant, à ce que de multiples contre pouvoirs se forment contre nous. Les peuples répugnent et résistent à la domination, aussi bénigne soit-elle."
Les auteurs Walt et Mearsheimer notent également, que Perle et Feith ont mis leur nom sur un document de politique en 1996 réalisé pour le gouvernement de l'époque de Benjamin Netanyahu en Israël et intitulé « Une rupture nette : une nouvelle stratégie pour renforcer la nation »*
Dans ce document, Perle et Feith conseillaient à Netanyahu que pour reconstruire le sionisme on doit abandonner toute idée d'échanger la terre pour la paix avec les palestiniens, et d'abroger les accords d'Oslo. Ensuite, Saddam Hussein doit être renversé, et la démocratie établie en Irak, ce qui se montrerait contagieux ensuite chez les autres voisins arabes d'Israël. C'était en 1996, 7 ans avant que Bush ne lance une guerre presque unilatérale pour un changement de régime en Irak.
Quand Tim Russert, de la TV NBC dans l'émission très populaire « Meet The Press » a posé des questions à Perle sur sa liste géopolitique de changements de régimes au bénéfice d'Israël, il a répondu :« qu'est ce qu'il y a de mal à cela. »
Pour que tout cela puisse réussir, Perle et Feith ont écrit : « Israël aura à obtenir un soutien américain étendu. » Pour s'assurer de ce soutien, ils ont conseillé au premier ministre israélien d'utiliser « un langage familier aux américains, en s'inspirant des thèmes utilisés par les administrations américaines précédentes pendant la guerre froide, et qui s'appliquent aussi à Israël ». Un chroniqueur du journal israélien Haaretz a accusé Perle et Feith de « marcher sur une ligne mince entre leur loyauté aux gouvernements américains et les intérêts israéliens. »
Aujourd'hui, Perle a été obligé de faire profil bas à Washington après avoir initialement été à la tête du directorat de la politique de la défense de Rumsfeld. Feith a été obligé de quitter le département d'état, pour le secteur privé. Ceci c'était il y a plus d'un an.
Des vagues de démissions chez Bush
Le départ de Goss a été précédé d'un scandale qui monte en puissance et qui implique le N°3 de la CIA, le directeur exécutif Kyle « Dusty » Foggo. En décembre dernier, l'inspecteur général de la CIA a ouvert une enquête sur le rôle de Foggo dans un contrat frauduleux CIA Pentagon. Foggo est aussi lié à un scandale sexuel entrain de faire surface qui implique le parti républicain à la Maison Blanche et qui ferait pâlir l'affaire de Monika Lewinsky qui a provoqué de nombreux problèmes pour Bill Clinton. Comme Goss a violé la priorité à l'ancienneté en nommant Foggo N°3 de la CIA, les medias font le lien entre la démission de Goss et les scandales imminents sexuels et de chantage qui vont éclaté autour de Foggo.
Le cas Foggo est lié à l'affaire concernant le membre républicain du Congrés tombé en disgrâce Randall « Duke ». Des procureurs fédéraux ont accusé, l'un des amis les plus proches de Foggo, comme co-conspirateur non écroué, l'homme d'affaires de San Diego Brent Wilkes, d'avoir participé à un plan pour faire chanter Cunningham, l'ex représentant au congres de San Diego.
Cunningham, lui, est lié au républicain condamné pour blanchiment d'argent Jack Abramoff. Foggo supervisait des contrats dont l'un d'entre eux au moins avait été passé avec la société accusée de payer des pots de vin au membre du Congres Cunningham. Le Wall Street Journal, rapporte que Foggo était un ami proche depuis le lyçée avec le sous traitant pour la Défense Brent R. Wilkes, et qu'une enquête criminelle est en cours se concentrant sur le fait de savoir « si Mr Foggo a utilisé sa position à la CIA pour malhonnêtement orienter des contrats vers les sociétés de Mr Wilkes. »
Wilkes a été impliqué dans les accusations contre Cunningham co-conspirateur non inculpé, qui aurait payé 630 000 dollars en pots de vin à Cunningham pour aider à obtenir des contrats de la défense fédérale et autres. Aucune plainte n'a été déposée contre Wilkes, bien que les procureurs fédéraux travaillent au montage d'un dossier contre lui et Foggo.
Le FBI et les procureurs fédéraux, enquêtent sur des preuves que Wilkes a offert des cadeaux à Foggo, et a payé pour différents services, notamment des orgies à Watergate ( maintenant Westin) tandis que Foggo était dans une position de l'aider à obtenir certains contrats de la CIA.
La démission de Goss fait suite aux demandes du public pour la démission immédiate de Rumsfeld à cause de la débâcle militaire en Irak, à la suite des critiques émises par un chœur grandissant d'anciens généraux de l'armée américaine.
Dernière péripétie dans ce processus de sape du régime de Bush, un incident à Atlanta jeudi dernier devant une audience supposée favorable à la politique étrangère et où Rumsfeld a pris la parole. Pendant le temps des questions, il s'est trouvé confronté à ses mensonges concernant les raisons s'entrer en guerre contre l'Irak.
Ray Mac Govern, un vétéran ayant passé 27 ans à la CIA et qui autrefois faisait les brèves synthèses en matière de renseignement le matin auprès de Bush père, a engagé un long débat avec Rumsfeld. Il a demandé pourquoi Rumsfeld avait insisté avant l'invasion de l'Irak qu'il y avait une évidence sûre liant Saddam et al Qaeda.
« Etait ce un mensonge, Mr Rumsfeld, ou était ce une production venant d'ailleurs ? Parce que tous mes collègues de la CIA avaient mis ceci en doute de même que la commission sur le 11 septembre. » Mc Govern a dit à Rumsfeld médusé « Pourquoi nous avez-vous menti pour nous entraîné dans cette guerre qui n'était pas nécessaire ? »
Ce qui suit est significatif des changements opérés dans les médias influents concernant leur approche actuelle de Rumsfeld, Cheney et Bush. Le Los Angeles Times rapporte:
« Au début de la discussion, Rumsfeld est resté imperturbable comme d'habitude : « je n'ai pas menti ; je n'ai pas menti à cette époque ; » avant de se lancer dans une défense vigoureuse des déclarations de l'administration avant la guerre sur les ADM.
Mais Rumsfeld s'est inhabituellement tu quand Mc Govern l'a pressé sur des affirmations faites qu'il savait ou se trouvait ces armes non conventionnelles.
« Vous avez dit que vous saviez où elles étaient », a dit Mc Govern.
« Je ne l'ai pas dit. J'ai dit que je savais où se trouvaient des sites suspects » a rétorqué Rumsfeld.
Mc Govern a alors lu des déclarations que le secrétaire à la défense avaient faites que les armes étaient situées près de Tikrit, Iraq et Bagdad… »
Rumsfeld est resté plongé dans un silence tombal. La totalité de cette discussion a été filmée et retransmise à la télévision.
Il est clair que les jours de Rumsfeld sont comptés. Karl Rove devrait être co-inculpé avec l'aide de Cheney, Lewis « Scooter », pour l'affaire des fuites concernant Valérie Plame. Rappelons que cette affaire portait sur des supposées preuves concernant de l'uranium acheté par Saddam Hussein, et qui ont servi à persuader le Congrès à renoncer à une déclaration de guerre et à donner carte blanche à Bush.
Tous ses fils sont entrain d'être prudemment rassemblés par une faction réaliste ré -émergeante, en une tapisserie qui peut conduire à une mise en accusation en temps voulu, peut être aussi du vice président, le vrai pouvoir derrière la présidence.
Une politique étrangère désastreuse avec la Chine
D'abord, il y a eu l'incident au cours duquel un journaliste de Taiwan, un membre du Falungong, présent dans une salle de conférence de la Maison Blanche dont les entrées sont passées au peigne fin, a déclamé une tirade contre les violations par la Chine des droits de l'homme, et ce, pendant plus de trois minutes, sans qu'on n'essaie de le faire sortir, à une conférence de presse filmée.
Puis, l'hymne national chinois a été joué pour Hu, présenté comme l'hymne national de la République de Chine – Taiwan. Ce n'était pas un lapsus de la part des responsables du protocole à la Maison blanche, mais un effort délibéré pour humilier le dirigeant chinois.
Le problème, c'est que l'économie américaine est devenue dépendante des importations chinoises, également du fait que les chinois détiennent des bons du trésor américains. La Chine est actuellement celui qui détient le plus de ces réserves américaines soit environ 825 billions de dollars. Si Beijing décide de sortir du marché des bons américains, même seulement en partie, cela provoquerait une chute du dollar et l'effondrement du marché immobilier de 7 trillions de dollars, une vague de banqueroutes, et un chômage massif. C'est une option réelle, même si elle est peu probable actuellement.
Hu, n'a cependant pas perdu son temps à déplorer les affronts faits par Bush. Il est allé immédiatement en Arabie Saoudite, pour une visite d'état de 3 jours, pour signer des accords commerciaux, de défense, et de sécurité. Ceci n'est pas une petite claque à la figure de Washington lancée par la famille royale saoudienne traditionnellement « loyale » aux USA.
Hu a signé un accord pour que la SABIC (Saudi Basic Industries Corp) un puissant congloméra industriel saoudien, construise une raffinerie de pétrole et réalise un projet de pétro chimie d'une valeur de 5,2 billions. Au début de cette année, le roi d'Arabie Saoudite, Abdullah, a fait une visite d'état à Beijing.
Depuis l'accord passé entre la maison des Saud et l'administration américaine sous F. Roosevelt offrant une concession exclusive à Aramco, entreprise américaine, et non aux anglais, pour développer le pétrole saoudien en 1943, l'Arabie Saoudite était considérée par Washington comme sphère d'intérêt stratégique commun.
Puis Hu est allé au Maroc, au Niger, et au Kenya, tous vus comme des « sphères d'intérêts américains ». Il y a seulement 2 mois, Rumsfeld était au Maroc pour offrir des armes. Hu offre de financer l'exploration de sources d'énergie dans ces pays.
Le SCO et les évènements avec l'Iran
Le SCO a été crée à Shanghai en juin 2001, par la Russie et la Chine, avec 4 autres républiques d'Asie Centrale de l'ancien Union soviétique : le Kazakhstan, le Kirghizstan, le Tadjikistan et l'Uzbekistan. Avant le 11 septembre 2001, et la déclaration par les USA de « l'Axe du Mal » en janvier 2002, le SCO était juste un groupe de discussion sur la toile de fond géopolitique pour Washington.
Aujourd'hui, le SCO, dont évitent de parler les medias influents américain, est entrain de définir une nouvelle politique de contrepoids à l'hégémonie américaine et son monde « unipolaire ». Au prochain rendez vous du SCO, le 15 juin, l'Iran sera invité à devenir un membre à part entière.
Et le mois dernier à Téhéran, l'ambassadeur chinois Lio G Tan a annoncé qu'un accord pétrolier et sur le gaz était en voie d'être signé entre la Chine et l'Iran.
Cet accord porte sur 100 billions de dollars, et comprend le développement du vaste champ pétrolifère de Yadavaran. La compagnie chinoise Sinopec serait d'accord pour acheter 250 millions de tonnes de gaz naturel liquéfié pendant 25 ans. Pas étonnant que la Chine ne se précipite pas pour soutenir Washington contre l'Iran au Conseil de Sécurité de l'ONU. Les Etats-Unis ont essayé de mettre une forte pression sur Bejing pour arrêter l'accord, pour des raisons géopolitiques évidentes, mais sans succès. Une autre défaite majeure pour Washington.
L'Iran avance aussi d'autres plans pour délivrer du gaz naturel via un pipeline au Pakistan et à l'Inde. Les ministres de l'énergie des trois pays se sont rencontré à Doha récemment et on prévu de se revoir ce mois ci au Pakistan.
Les progrès concernant le pipeline est un mauvais coup contre les efforts de Washington d'écarter les investisseurs de l'Iran. Ironiquement, l'opposition américaine poussent ces pays dans les bras les uns des autres, « un cauchemar géopolitique pour Washington ».
A la réunion du SCO le mois prochain, l'Inde, que Bush essaie personnellement de booster comme un « contre poids « à la Chine sur la scène géopolitique asiatique, sera aussi invitée à se joindre à l'organisation, de même que la Mongolie et le Pakistan. Le SCO est entrain de gagner de manière conséquente en poids géopolitique.
Le député ministre des affaires étrangères iranien Manouchehr Mohammadi a dit à Itar –Tass (agence de presse russe ndt) à Moscou le mois dernier que la position de membre du SCO de l'Iran pourrait « faire que le monde soit plus juste ». Il a aussi parlé de la construction d'un arc pétrole gaz Iran Russie, dans lequel les deux grands producteurs d'énergie pourraient coordonner leurs activités.
Les Etats-Unis sont laissés en zone froide en Asie
Le SCO a mis sur pied une commission de travail comprenant des experts avant la réunion au sommet de juin pour développer une stratégie commune du SCO en Asie, discuter des projets de pipelines, d'exploration pétrolière et d'activités liées. L'Iran se trouve sur la deuxième plus importante réserve de gaz du monde, et la Russie a la plus grande. La Russie est le deuxième plus important producteur de pétrole après l'Arabie Saoudite. Tout ceci, ce ne sont pas de petits mouvements.
L'Inde a désespérément besoin d'un accord avec l'Iran pour son approvisionnement en énergie, mais est aussi sous pression de Washington de ne pas le faire.
L'année dernière, l'administration Bush a essayé d'obtenir le « statut d'observateur » au SCO mais sa demande a été repoussée. Ceci, avec les demandes du SCO que Washington réduisent sa présence militaire en Asie Centrale, la coopération plus profonde entre la Russie et la Chine, et les déboires de la diplomatie américaine en Asie Centrale – ont accéléré une réévaluation de la politique de Washington.
Apres son tour en Asie centrale en octobre 2005, Rice a annoncé une réorganisation du bureau de l'Asie du sud du département d'état, pour inclure les états d'Asie centrale, et un nouveau plan américain d' « Asie centrale élargie ».
Washington essaie d'éloigner les états d'Asie centrale de la Russie et de la Chine. Le gouvernement du président Hamid Karzai à Kabul n'a pas répondu aux ouvertures faites par le SCO. Etant donné ses liens avec Washington, il a peu de choix.
Gennady Yefstafiyev, un ancien général des services secrets russes a dit : « les objectifs à long terme américains en Iran sont évidents : de provoquer la chute du régime actuel, d'établir son contrôle sur le pétrole et le gaz, et d'utiliser le territoire iranien comme la route la plus courte pour le transport des hydrocarbures sous contrôle américain des régions d'Asie centrale et de la mer caspienne, en contournant la Russie et la Chine. Ceci sans oublier la signification stratégique et militaire de l'Iran.
Washington a basé sa stratégie sur le fait que le Kazakhstan soit son partenaire clé en Asie centrale. Les Etats-Unis veulent étendre leur contrôle physique sur les réserves en pétrole de ce pays, et concrétiser le transport du pétrole Kazakh via le pipeline Baku-Ceyhan, de même que se créer un rôle dominant dans la sécurité de la mer Caspienne. . Mais le Kazakhstan ne joue pas le jeu. Le président Nursultan Nazarbayev s'est rendu à Moscou le 3 avril pour réaffirmer sa dépendance continue aux pipelines russes. De même, la Chine passe des accords importants en matière d'énergie et de pipeline avec le Kazakhstan.
Pour rendre pire les problèmes géopolitiques de Washington, bien que s'étant assuré d'un accord militaire d'utilisation d'une base en Uzbekistan après septembre 2001, les relations de Washington avec l'Uzbekistan sont désastreuses. Les efforts de Washington pour isoler le président Islam Karimov, en utilisant les mêmes tactiques de la « révolution orange » ukrainienne, ne fonctionnent pas. Le premier ministre indou Manmohan Singh s'est rendu à Tashkent le mois dernier.
De même, le Tajikistan dépend étroitement du soutien de la Russie. Au Kirghizstan, malgré des tentatives clandestines de créer des dissensions au sein du régime, l'alliance du président Kurmanbek avec le premier ministre Félix Kulov qui a le soutien de Moscou, tient.
En l'espace de 12 mois, la Russie et la Chine ont réussi à bouger leurs pièces sur l'échiquier géopolitique d'Eurasie de telle sorte que ce qui était au départ un avantage géostratégique en faveur de Washington devienne l'opposé, avec des Etats-Unis de plus en plus isolés.
C'est potentiellement la plus grande défaite stratégique de projection de la puissance des Etats-Unis de la période post seconde guerre mondiale. C'est aussi la toile de fond de la ré-émergence de cette soi disante faction réaliste dans la politique US.
F. William Engdahl
Article paru le 9 mai 2006 sous le titre « The US's géopolitical nightmare « sur la site Asia times on line www.atimes.com. Copyright Asia Times traduction bénévole pour information à caractère non commercial par MD pour Planète Non Violence.
F.William Engdahl est auteur de « A Century of War: Anglo-American Oil Politics and the New World Order, Pluto Press Ltd.
Pour le contacter : www.engdahl.oilgeopolitics.net.
06:25 Publié dans Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Ewald Banse: géographe allemand
Ewald Banse: géographe allemand
23 mai 1883: Naissance à Brunswick (Braunschweig) du géographe allemand Ewald Banse, dont l’œuvre a eu un impact considérable sur le développement de la géopolitique moderne. Il a notamment développé l’idée d’une “psychologie née du paysage” (Landschaftseelenkunde), puis s’est penché sur le “géopolitique défensive”, la Wehrgeopolitik, sur laquelle l’école de Karl Haushofer publiera bon nombre d’ouvrages à grand tirage.
L’un d’entre eux sera saisi par les autorités nationales-socialistes en novembre 1933. La raison de cette action de censure est vraisemblablement due, écrit Armin Mohler, à l’impact, jugé négatif, de cet ouvrage à l’étranger. Il avait suscité la riposte d’un Lieutenant-Colonel français, Henry Melot, qui publiera en un volume ses réponses au Docteur Banse en 1934. Cette polémique, dans les cercles militaires et géopolitiques, en France et en Allemagne, indique, de fait, l’importance politique de l’œuvre de Banse, l’un des maîtres à penser de Karl Haushofer. Une polémique qui mériterait d’être réétudiée aujourd’hui, car elle éclairerait nos contemporains sur les prolégomènes(*) de la seconde guerre mondiale, au-delà de toutes les vérités de propagande qui continuent à pervertir le débat.
(*) prolégomènes : Ensemble de notions préliminaires nécessaires à l’étude d’une science, d’une question particulière.
03:50 Publié dans Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
mardi, 22 mai 2007
Saddam éliminé parce qu'il voulait facturer en euro
Gerhoch REISEGGER :
Saddam a été éliminé parce qu'il voulait facturer son pétrole en euro et non plus en dollars!
Gerhoch REISEGGER est conseiller d'entreprise indépendant actuellement. Précédemment, il a connu une carrière de chef d'entreprise dans le domaine de l'informatique. Il a été le directeur du marketing d'une filiale autrichienne d'un consortium américain d'ordinateurs. Il est officier de réserve dans l'armée fédérale autrichienne. Il a étudié la physique à la “Technische Universität” de Vienne. Il a fait de longs séjours professionnels à l'étranger, surtout dans le domaine de l'informatique. Depuis quelques années, il déploie une grande activité de publiciste et de conférencier sur les thèmes de l'économie mondiale et de la géopolitique. Il a notamment pris la parole lors de congrès internationaux de l'«Académie Russe des Sciences». Le thème de sa conférence de 2001 était: « Sur la situation géopolitique dix après l'effondrement de l'Union Soviétique ». Il a aussi participé au congrès international sur la globalisation et les problèmes de la nouvelle histoire, en 2002 à Moscou. Il a participé à plusieurs universités d'été et séminaires de “Synergies Européennes”, notamment à Sababurg en novembre 1997, à Trente en 1998 et à Pérouse (Perugia) en 1999. Il a participé à l'organisation d'un symposium à l'Université des Saints Cyril et Méthode à Thyrnau/Trnava, sur l'Europe centrale, l'Union Européenne et la globalisation (novembre 2000). Ses contributions sont parues dans de nombreuses revues à Munich, Graz, Vienne, Berlin, Belgrade, Bruxelles, Sofia, Moscou et Bruges. Il est également le fondateur de la Société Johann Heinrich von Thünen en Autriche, dont les objectifs sont de promouvoir de nouveaux projets dans les domaines de l'agriculture, de la sylviculture et de l'économie politique en général. Il est le président de cette société depuis 1996. Ces dernières années, Gerhoch Reisegger a effectué de nombreux voyages d'étude en Macédoine, en Serbie, en Croatie, en Bosnie-Herzégovine, en Slovaquie, en Hongrie et en Grèce. Il s'intéresse tout particulièrement à l'histoire politique et économique des Balkans et des pays d'Europe centrale et orientale.
Les extraits, traduits ci-dessous, sont extraits de son livre intitulé Wir werden schamlos irregeführt ! Vom 11. September zum Irak-Krieg, Hohenrain, Tübingen, 2003, ISBN 3-89180-068-1, pp. 293 à 308.
En novembre 2000, l'Irak décide de vendre son pétrole contre des euro, ce qui a eu pour effet immédiat la reprise des bombardements par les Anglo-Américains. La Malaisie semblait prête à le suivre dans cette voie. Quant à la Russie, elle cherchait à forger une alliance stratégique sur base de l'énergie, non seulement avec l'UE mais aussi avec d'autres puissances du continent eurasiatique. Ce remaniement planétaire aurait évidemment eu pour effet immédiat de mettre un terme à la politique du “pétrole libre”, dont les Etats-Unis sont les premiers bénéficiaires, parce que le pétrole est facturé en dollars, lesquels sont accumulés à des fins spéculatives. Les Etats-Unis n'auraient plus pu faire pression sur les autres puissances en arguant de leurs privilèges, dont ils jouissent parce qu'ils émettent la devise servant à l'achat des hydrocarbures. C'est ainsi qu'ils ont établi leur puissance dans le monde. Mais, si le projet de Saddam Hussein et des Malais, voire des Russes, aboutissait, la fin de l'hégémonie américaine deviendrait à terme une certitude. A la condition, bien sûr, que l'UE accepte ce nouveau jeu sans être sabotée par la Grande-Bretagne (or ce sabotage est parfaitement prévisible, vu l'attitude prise par Blair dans le conflit contre l'Irak).
Un contrôle monopolistique sur les sources d'énergie dans le monde
Nous avons derrière nous cent années de domination anglo-saxonne dans le domaine du pétrole. Rappelons quelques faits historiques : le tandem germano-ottoman s'oppose à l'Angleterre lors de la construction de la ligne de chemin de fer Berlin-Bagdad, ce qui induit Londres à déclencher la première guerre mondiale. Après la seconde guerre mondiale, les assassins d'Enrico Mattei et du Roi Faysal d'Arabie Saoudite empêchent in extremis l'abandon du dollar par les Arabes et l'alliance euro-arabe. En 1990, l'Irak tombe dans le piège : l'ambassadrice américaine April Glaspie fait savoir à Saddam Hussein que toute invasion irakienne du Koweit serait une affaire arabo-arabe, dans laquelle les Etats-Unis ne prendraient pas position. Cette ruse a permis de déclencher une guerre contre l'Irak sans avoir à demander au Congrès américain d'avaliser une guerre d'agression. Au même moment, des forces secrètes provoquent la dissolution de l'Union Soviétique, puis de la CEI, puis de la Fédération de Russie, en favorisant l'émergence de nouveaux Etats “indépendants”, aussitôt reconnus, dans la “ceinture pétrolière” autour du Caucase. L'objectif est identique, comme le souligne sans vergogne Zbigniew Brzezinski dans Le grand échiquier. Cet objectif est le suivant : exercer au bénéfice des Etats-Unis un contrôle monopolistique sur les sources d'énergie dans le monde.
Le geste de Saddam Hussein, s'il avait réussi, aurait porté au dollar un coup fatal et donné à l'euro l'élan qui lui manquait. Personne ne semble avoir analysé les choses dans cette perspective. Pourtant d'autres indices corroborent notre vision : lorsque les Allemands et les Russes avaient envisagé la création d'une alliance monétaire germano-russe, Alfred Herrhausen, impulseur de cette idée, l'a payé de sa vie en 1989 (…). Examinons la situation de manière plus précise. Que s'est-il passé au cours de ces récentes années, de manière occultée? Les médias américains taisent le véritable motif de la guerre contre l'Irak : il s'agit d'imposer leur devise dans les transactions pétrolières. Le gouvernement américain veut empêcher à tout prix que les pays de l'OPEC suivent l'exemple de l'Irak et prennent l'euro pour devise de ces transactions. Ce serait la fin de l'hégémonie américaine. Comme l'Irak dispose des secondes réserves mondiales en quantité, les Etats-Unis, pour des raisons stratégiques évidentes, veulent s'emparer de celles-ci afin de briser le cartel de l'OPEC en exploitant à fond les réserves irakiennes. Toute autre solution aurait fait courir de hauts risques à l'économie américaine, car celle-ci repose entièrement sur la domination du dollar dans les transactions pétrolières et en tant que devise de réserve. Les Etats-Unis ont pu, jusqu'ici, satisfaire leurs appétits pétroliers démesurés : grâce à leur privilège, qu'ils détiennent depuis 1945, les Etats-Unis produisent des dollars (“fiat money”) et le reste du monde doit leur fournir des marchandises contre ces pétro-dollars.
Saddam Hussein avait promis de facturer son pétrole en euro
Mais, à partir du moment où Saddam Hussein promet de facturer son pétrole en euro, les Etats-Unis savent qu'ils ne pourront plus mobiliser une coalition internationale contre lui, comme ils l'avaient fait auparavant. Plus personne, dans les chancelleries et chez les véritables décideurs, ne croyait la propagande américaine, arguant que “Saddam cherchait à jouer le monde”, alors qu'il satisfaisait à toutes les demandes de l'ONU et que les 300 inspecteurs des Nations Unies, déployés en Irak, n'avaient strictement rien trouvé comme “armes de destruction massive”. Malgré toute la rhétorique qu'ils ont utilisée, Bush et la CIA ne sont pas parvenu à faire croire au monde que Saddam Hussein et Al Qaida étaient de mèche.
La seule raison de faire tomber Saddam Hussein résidait dans sa décision de novembre 2000, de facturer le pétrole en euro et non plus en dollar. En prenant cette décision, son sort était scellé. Bush, un obligé de l'industrie pétrolière, partageait avec ces dernières un projet géostratégique clair, qui nécessitait le déclenchement d'une deuxième guerre du Golfe, sur des prétextes entièrement “fabriqués”, s'il le fallait. Qui plus est, l'Irak a changé en euro ses réserves de 10 milliards de dollars qu'il avait placées auprès de l'ONU, dans le cadre du programme “nourriture contre pétrole”. Cette guerre n'a donc rien à voir avec les aspects dictatoriaux du régime de Saddam Hussein ou avec la détention d'armes de destruction massive. Son objectif premier est d'intimider les pays de l'OPEC, qui, s'ils suivaient le programme de Saddam Hussein, risqueraient de se voir infliger le même sort. Il s'agit bien entendu de les empêcher de suivre ce “mauvais exemple” irakien. Saddam Hussein s'est décidé pour l'euro au moment où celui-ci valait 0,80 dollar. C'est ce qui explique pourquoi le dollar à perdu 20% de sa valeur par rapport à l'euro depuis la fin de l'année 2002 (cf. Charles Recknagel, « Iraq : Baghdad Moves to Euro », http://www.rferl.org/nca/features/2000/11/01112000160846.asp ).
Que ce serait-il passé si l'OPEC avait brusquement adopté l'euro? Tous les Etats exportateurs de pétrole et leurs banques centrales auraient dû changer leurs réserves de devises en euro et abandonner le dollar. Le dollar aurait perdu automatiquement la moitié de sa valeur, avec toutes les conséquences que cela aurait entraîné pour l'économie américaine, c'est-à-dire une épouvantable inflation. Les investisseurs étrangers ayant acheté des actions et des titres libellés en dollars, s'empresseraient de s'en débarrasser, provoquant une prise d'assaut des banques comme dans les années 30. Le déficit américain en commerce extérieur, qui est énorme, ne pourrait plus être maintenu en équilibre. L'Etat américain serait de facto en faillite. La double crise russe et latino-américaine scellerait le sort de la première puissance militaire mondiale.
La priorité : éviter le crash définitif du dollar
Les choses semblent claires : le problème du pétrole dépasse de loin la problématique soulevée par l'Irak de Saddam Hussein, et englobe l'Iran, l'Arabie Saoudite et le Venezuela. Le danger pour le dollar est si grand que même les problèmes actuels de l'économie américaine peuvent attendre; la priorité est d'éviter le crash définitif du dollar, qui serait irrémédiable si l'OPEC adopte l'euro. Le rôle de la Russie, de l'Inde et de la Chine dans le “grand jeu” est parfaitement clair aussi : le territoire de ces trois puissances occupe le “pont terrestre” eurasien, autrement dit, dans les termes mêmes de Brzezinski, la “nouvelle route de la soie”. La domination de l'espace eurasien semble plus solide que la domination exercée via le dollar. Jusqu'à présent, les Etats-Unis ont dominé les autres puissances grâce à leur dollar, par le monopole que leur devise nationale exerçait sur le commerce mondial. La machine militaire américaine doit servir à forcer les autres à revenir sur le “chemin de la vertu”, c'est-à-dire à un commerce mondial uniquement axé sur le dollar.
Les médias américains cachent également les raisons qui poussent le gouvernement Bush à parler systématiquement d'un “axe du mal” : l'Iran, inclus dans cet axe en même temps que son ancien ennemi mortel Saddam Hussein, souhaite lui aussi vendre son pétrole contre des euro (cf. Roy Gutman & John Barry, « Beyond Baghdad: Expanded Target List»,http://www.unansweredquestions.net/timeline/2002/newsweek081102.html). La banque centrale iranienne est favorable à ce passage à l'euro, maintenant que la devise de l'UE s'est consolidée. En 2002, l'Iran a converti une bonne part de ses réserves en euro, probablement plus de la moitié, comme l'explique Mohammad Abasspour, membre de la Commission du développement au parlement iranien (cf. «Forex Fund Shifting to Europe», in : Iran Financial News, 25 août 2002;
http://www.payvand.com/news/02/aug/1080.html ). Cette politique suivie par l'Iran est un indice fort, démontrant bien que les Iraniens, à leur tour, veulent opter pour l'euro, comme devise des transactions pétrolières (cf. « Economics Drive Iran Euro Oil Plan. Politics Also Key »,
http://www.iranexpert.com/2002/economicsdriveiraneurooil23august.htm ). Dans un tel contexte, qui s'étonnera que l'Iran devienne la prochaine cible de la “lutte contre le terrorisme”?
Le Venezuela, quatrième producteur de pétrole et également membre de l'OPEC, pourrait opter pour la même politique. Hugo Chavez a commencé, à son tour, une politique commerciale de troc avec les pays voisins, en échangeant du pétrole contre des marchandises dont le peuple vénézuélien a un besoin urgent. Le Venezuela ne dispose pas de grandes réserves de dollars : en pratiquant le troc, il sort ipso facto du cycle conventionnel des transactions pétrolières. Les Etats-Unis n'ont jamais cessé de conspirer contre Chavez. Indice : Bush a approuvé le putsch militaire manqué d'avril 2002, où la CIA a certainement joué un rôle actif, a tiré les ficelles (cf. Larry Birms & Alex Volberding, « US is the Primary Loser in Failed Venezuelan Coup », in : Newsday, 21 avril 2002;
http://www.coha.org/COHA%20_in%20_the_news/Articles%202002/newsday_04_21_02_us_venezuela.htm). Mais ces intrigues permanentes de Washington pourraient pousser plus rapidement le Venezuela de Chavez à adopter l'euro et de réaliser une politique que les Etats-Unis cherchent à tout prix à éviter.
Le chantage nord-coréen
Les médias américains taisent une autre tendance qui se fait jour dans la politique économique mondiale : d'autres pays que le Venezuela, l'Iran ou certains pays de l'OPEC convertissent leurs réserves en euro, comme la Chine et, plus récemment, la Russie (cf. « Euro continues to extend its global influence », http://www.europartnership.com/news/02jan07.htm ). La Corée du Nord, autre pays inclus dans l'“axe du mal”, s'est officiellement décidée, le 7 décembre 2002, d'opter pour l'euro plutôt que pour le dollar dans ses transactions commerciales avec le reste du monde (cf. Caroline Gluck, « North Korea embraces the euro », 1/12/2002). La Corée du Nord cherche sans nul doute à se venger du très dur embargo sur le pétrole que lui ont imposé les Etats-Unis. Les Nord-Coréens espèrent sans doute faire fléchir les Etats-Unis, obtenir des matières premières et des denrées alimentaires importantes en promettant à Washington de conserver le dollar comme devise de leurs transactions. Le programme nucléaire nord-coréen est probablement un instrument de ce chantage.
Javad Yarjani, chef du département d'analyse des marchés pétroliers auprès de l'OPEC, a tenu un discours très intéressant en Espagne en avril 2002 (cf. « The Choice of Currency for the Denomination of the Oil Bill », http://www.opec.org/Newsinfo/Speeches/sp2002/spAraqueSpainApr14.htm ). Ce discours traitait de la problématique de la devise dans les transactions pétrolières. Les médias américains ont censuré cette information. Yarjani a notamment dit ceci : « A la fin des années 90, plus des quatre cinquièmes des transactions en devises et la moitié des exportations mondiales se font en dollars. En outre, la devise américaine forme deux tiers des réserves officielles de devises dans le monde. Le monde dépend donc du dollar pour son commerce; les pays sont donc liés aux réserves en dollars, alors que cette devise existe sans aucun rapport avec la part produite par les Etats-Unis dans la production mondiale. La part du dollar dans le commerce mondial est bien plus élevée que la part du commerce international américain… La zone euro détient une part bien plus importante du commerce mondial que les Etats-Unis; tandis que les Etats-Unis ont un déficit commercial gigantesque, la zone euro, elle, est en équilibre… En outre, il convient de remarquer que la zone euro est un importateur plus important de pétrole et de produits dérivés que les Etats-Unis… A court terme, les pays membres de l'OPEC continueront à accepter des paiements en dollars. Mais, dans l'avenir, ils n'excluent pas une facturation et un paiement en euro… Si l'euro en vient à ébranler la solidité du dollar, il faudra l'inclure a fortiori comme critère de paiement des transactions pétrolières. Dans ce cas, nous verrons émerger un système qui sera bénéfique à bon nombre de pays. Si l'intégration européenne se poursuit et si l'économie européenne se consolide, ce système deviendra une réalité ».
L'euro deviendra-t-il la devise des transactions pétrolières dans le monde?
Ce discours, fondamental pour comprendre les enjeux d'aujourd'hui, prévoit un élargissement de l'UE en 2004, où cette dernière comptera alors 450 millions d'habitants, avec un PIB d'environ 9,5 milliards. Cet élargissement constituera à coup sûr un encouragement pour les pays de l'OPEC qui souhaitent passer à l'euro. Nous ne comptons pas dans notre calcul les potentiels de l'Angleterre, de la Norvège, du Danemark et de la Suède, qui ne sont pas membres de l'Union monétaire. Depuis avril 2002, quand Yarjani a tenu son discours en Espagne, le rapport dollar-euro s'est inversé, et le dollar ne cesse de chuter.
Si la Norvège se décide à facturer son pétrole en euro et si l'Angleterre adopte l'euro, ce sera un tournant important pour l'OPEC, qui choisira ipso facto l'euro. Pour la Norvège, la décision suédoise aura une valeur d'exemple, à laquelle le Danemark ne pourra pas se soustraire. Une fois de plus, c'est l'Angleterre qui pose problème : c'est d'elle que dépendra le futur statut de l'euro : deviendra-t-il la devise des transactions internationales ou non? Quoi qu'il en soit, le monde s'est mis tout entier en mouvement pour contester la suprématie du dollar. Dans deux ou trois ans, l'OPEC prendra sa décision finale.
L'économie américaine sera mortellement frappée, car, comme je l'ai déjà dit, elle est intimement lié au rôle du dollar en tant que devise de réserve. Un effondrement du dollar aurait pour effet d'intervertir les rôles entre les Etats-Unis et l'UE dans l'économie mondiale, ce que Washington peut difficilement accepter. Raison pour laquelle les menaces militaires américaines seront déterminantes dans l'attitude des pays de l'OPEC. La politique égoïste de Washington, qui méprise les traités du droit international, qui déploie un militarisme agressif, trouvera tôt ou tard ses limites. La rhétorique belliciste de Bush n'a pas placé les Etats-Unis sous un jour avantageux. Washington passe désormais pour une puissance agressive, fautrice de guerre, qui ne tient même plus compte des décisions de l'ONU et n'agit qu'à sa guise.
Un futur effondrement américain?
L'hégémonie américaine prendra fin tôt ou tard. Les Etats-Unis ne peuvent pas éternellement faire appel à la force militaire pour maintenir leur suprématie. Au contraire, les gesticulations militaires, même si elles sont en apparence couronnées de succès, sont un indice de faiblesse et de déclin. Le sociologue français Emmanuel Todd, qui avait prédit la fin de l'URSS en 1976, vient de poser un diagnostic similaire pour les Etats-Unis. Les causes principales du futur effondrement américain sont les suivantes, d'après Todd : un prix trop élevé pour le pétrole et une dévaluation trop importante du dollar.
Cet effondrement comporte évidemment des risques politiques majeurs, mais le plus grand danger qui nous guette est une détérioration drastique de l'économie japonaise. A plus ou moins long terme, le Japon ne pourra pas faire face à un prix trop élevé du pétrole (45 dollars par baril). Si les banques japonaises subissent un krach, leur trop grande dépendance vis-à-vis du pétrole, une dépendance qui est de l'ordre de 100%, entraînera une réaction en chaîne en Asie du Sud-Est, qui aura des effets immédiats en Europe et en Russie. Après cette triple crise extrême-orientale, européenne et russe, les Etats-Unis seront touchés à leur tour.
Quelle est la situation qui encadre tout cela?
◊ La guerre américaine contre le terrorisme entraîne déjà, comme on peut le constater chaque jour, d'immenses déficits, avec, en prime, une balance commerciale américaine plus déficitaire que jamais.
◊ Beaucoup de pays en voie de développement suivent l'exemple du Venezuela et de la Chine, ainsi que d'autres pays, et changent leurs réserves de devises, constituées principalement de dollars, en euro et en or.
◊ L'OPEC pourrait très bien passer à l'euro ou se doter d'une devise propre, couverte par les réserves de pétrole. Le monde islamique prévoit d'autres initiatives, comme, par exemple, celle que suggère le Premier Ministre de Malaisie, Mahathir : la création d'un “dinar-or”. Pour cette raison Mahathir a été déclaré “ennemi public numéro un” par le spéculateur Georges Soros.
◊ Les pays en voie de développement, dont les réserves en dollars sont réduites, pourraient également transformer leur économie en économie de troc. Ce système est plus facile à gérer actuellement, via des opérations d'échange effectuées par le biais de techniques informatiques. Ces pays pourraient commercialiser ainsi leurs matières premières, sous-évaluées sur les marchés mondiaux dominés par le dollar et les Etats-Unis. Le Président vénézuélien Chavez a signé treize contrats de troc de ce type, prévoyant l'échange de matières premières indispensables au Venezuela contre du pétrole.
◊ Les Etats-Unis ne pourront financer indéfiniment leur déficit commercial (± 5% du PIB) et la guerre permanente qu'ils ont déclenchée, sous prétexte de lutte contre le terrorisme.
Les pétro-dollars, instruments de la puissance américaine
Les élites américaines le savent, mais ne veulent pas le faire connaître via les médias : la force du dollar ne repose pas en soi sur les capacités réelles de l'économie nationale américaine. En réalité, la force du dollar repose depuis 1945 sur le privilège d'être la devise de réserve internationale et la devise “fiat” pour les transactions pétrolières dans le monde entier (les fameux “pétro-dollars”). Les Etats-Unis font effectivement imprimer des centaines de milliards de ces pétro-dollars que les Etats nationaux, dans le monde entier, utilisent pour acheter du pétrole auprès des producteurs de l'OPEC, à l'exception de l'Irak, partiellement du Venezuela, qui hésite encore à passer à d'autres formes de transactions, et prochainement l'Iran. Ces pétro-dollars sont renvoyés aux Etats-Unis par les pays de l'OPEC, où, par le truchement de “Treasury Bills” ou d'autres titres ou valeurs libellés en dollars ou encore, par des investissements immobiliers, ils sont réinvestis dans les circuits américains. Ce retour des pétro-dollars à l'Amérique est le prix que les pays producteurs de pétrole doivent payer pour acheter la tolérance américaine à l'égard de ce cartel que constitue l'OPEC.
Le dollar est donc l'instrument de la suprématie globale des Etats-Unis, car seuls les Etats-Unis sont autorisés à l'imprimer. Le dollar, devise “fiat”, est à la hausse depuis seize ans, en dépit du déficit record de la balance commerciale américaine et en dépit des dettes énormes que l'Amérique a contractées.
Les réserves en dollars doivent impérativement être reconverties en dépôts américains, ce qui entraîne un surplus de capitaux en circulation pour le bénéfice de l'économie américaine. Mais après une année de corrections importantes, les actions américaines gardent la santé depuis une période de 25 ans. Le surplus de la balance américaine des capitaux, provenant des investissements étrangers, finance le déficit de la balance commerciale. Qui plus est, toute valeur libellée en dollar, indépendamment du lieu où elle se trouve, est de facto une valeur américaine. Comme le pétrole s'achète et se vend en dollars, en vertu de la puissance américaine consolidée en 1945, et comme le dollar est une devise créée quasiment ex nihilo pour le commerce du pétrole, on peut dire effectivement que les Etats-Unis possèdent les réserves pétrolières mondiales : celles-ci sont à leur disposition. Plus les Etats-Unis produisent des “green backs” (des dollars), plus les valeurs américaines augmentent. La politique du dollar fort constitue donc un double avantage et bénéfice pour les Etats-Unis.
Augmenter la production de pétrole dans l'Irak occupé pour faire crouler l'OPEC
Cette situation actuelle, marquée par l'injustice, ne se maintiendra que si :
◊ les peuples du monde continuent à acheter et à payer le pétrole dont ils ont besoin, de même que d'autres matières premières, en dollars;
◊ la devise de réserve pour les transactions pétrolières mondiales reste le dollar, et le dollar seul.
L'introduction de l'euro constitue un facteur nouveau, qui constitue la première menace pour la suprématie économique américaine.
Au vu de toutes ses données, les Etats-Unis vont donc déclencher une guerre contre l'Irak, chasser Saddam Hussein et augmenter démesurément la production de pétrole en Irak, afin de vendre le pétrole à bas prix et, ainsi, détruire le cartel que constitue l'OPEC, ce qui aura pour conséquence d'empêcher l'ensemble des pays producteurs de passer à l'euro. Tel est le véritable enjeu de la guerre contre le terrorisme ou l'axe du mal. La mise en scène ne trompe personne d'éclairé : les Etats-Unis ont d'ores et déjà annoncé la couleur. Ils imposeront un gouvernement militaire américain dans l'Irak conquis, afin de pouvoir mener leur politique. La première mesure qu'ils prendront sera de ramener l'Irak dans le giron du dollar. A partir de ce moment-là, un gouvernement fantoche gouvernera le pays comme en Afghanistan. Bien entendu, les champs pétrolifères seront placés sous la garde des soldats américains. La junte de Bush pourra quintupler la production du pétrole irakien, de façon à faire sauter les quotas imposés par l'OPEC (pour l'Irak : deux millions de barils par jour). Plus personne, dans de telles conditions, ne voudra encore réduire ses quotas. Mais, les Etats-Unis devront quand même compter sur une résistance des pays de l'OPEC.
Pendant le programme “pétrole contre nourriture”, l'Irak a vendu en cinq ans pour 60 milliards de dollars de pétrole, ce qui fait moins d'un million de barils par jour. Après quelques investissements nécessaires dans les infrastructures d'exploitation, la production irakienne pourra facilement passer à sept millions de barils par jour (2,5 milliards de barils par an). Si l'on tient compte du fait que la production mondiale est de 75 millions de barils par jour et que l'OPEC en produit 5 millions par jour, on comprend aisément que la politique américaine vis-à-vis du pétrole irakien vise ni plus ni moins la destruction de l'OPEC, ce qui fera baisser le prix du pétrole à plus ou moins dix dollars le baril. Les pays importateurs de pétrole économiseront ainsi chaque année 375 milliards de dollars. D'où cette phrase entendue aux Etats-Unis : « The Iraq war is not a moneymaker, but it could be an OPEC breaker » (La guerre contre l'Irak ne rapportera sans doute pas d'argent, mais cassera sûrement l'OPEC).
L'OPEC devra réagir
Cette réflexion, posée par un belliciste américain, est forcément venue à l'esprit des représentants de l'OPEC. Les Américains considèrent que ce jeu dangereux est la “meilleure des solutions”, du moins si tout se passe bien. Mais, l'OPEC ne restera pas sans réagir, si les Américains pompent le pétrole irakien à leur profit et à tire-larigot. Assister à ce pillage les bras ballants équivaut à un suicide pour l'OPEC. Déjà la résistance à l'encontre des projets américains dans le monde est éloquente, même si les centaines de milliers de gens qui défilent dans les rues n'en sont pas conscients. A terme, les pressions et les initiatives américaines pourraient bien échouer.
L'OPEC devra passer à l'euro pour les transactions pétrolières, rien que si elle veut assurer sa survie. Une telle décision signifierait la fin du dollar américain comme devise hégémonique, la fin du statut d'unique hyperpuissance.
Il y a un an environ, l'hebdomadaire britannique The Economist évoquait le paradoxe de la puissance américaine (cf. John Nye, « The new Rome meets the new Barbarians », The Economist, 23.3.2002; Nye est le Doyen de la “Kennedy School of Government” de Harvard et l'ex-Assistent Secretary of Defence, en 1994-1995, est, avec Samuel Huntington, éditeur de Global Dilemmas, au centre même du nouveau cénacle de ceux qui forgent et déterminent l'actuelle politique extérieure américaine). L'article de Nye dans The Economist dit bien qu'à long terme la puissance américaine ne pourra pas subir de défis sérieux, mais qu'elle se trouve néanmoins face à des challenges qui vont l'obliger à s'unir à d'autres Etats au sein de “coalitions”, afin de ne pas devoir recourir sans cesse à la force militaire brutale pour contraindre le monde à fonctionner selon la volonté américaine, mais à créer les conditions d'un soft power, d'une puissance douce. L'argumentation de John Nye est un savant dosage de vérités factuelles incontestables, de désinformations savamment distillées, d'analyses cohérentes et de menaces à peine voilées.
Dans sa démonstration, la partie la plus intéressante, à mes yeux, est celle où il évoque les “trois types de puissance”. C'est-à-dire :
◊ la puissance militaire;
◊ la puissance économique et
◊ la puissance qui découle des “relations transnationales telles qu'elles existent au-delà de tout contrôle exercé par les gouvernements” (exemples : les transferts par voie électronique de sommes d'argent gigantesques au sein même du système bancaire international, les réseaux terroristes qui apparaissent toujours immanquablement quelque part, les trafics internationaux d'armes et de drogues, les “hackers” d'internet ou des systèmes informatiques).
L'analyse de la puissance américaine par John Nye
La présence de ces trois formes de puissance est une évidence objective. Mais elles ne sont pas nouvelles. Clausewitz, et Sun Tzu dans la Chine antique, n'ont jamais réduit leurs analyses de situation aux forces quantitatives des armées. Clausewitz constatait, c'est bien connu, que la guerre est la poursuite de la politique par des moyens militaires, mais des moyens militaires qui sont toujours mêlés à d'autres moyens. La politique américaine n'échappe pas à cette règle clausewitzienne.
Nye perçoit la puissance militaire américaine comme “unipolaire”. Il veut dire par là que les Etats-Unis seuls sont aujourd'hui en mesure de “projeter” leurs forces armées nucléaires ou conventionnelles partout dans le monde, donc de menacer tous les Etats de la planète et de leur faire effectivement la guerre. Dans l'état actuel des choses, cette remarque est vraie, sans nul doute, mais, quoi qu'on en dise, l'armée russe est toujours une donne dont il faut tenir compte et elle dispose aussi d'armes nucléaires balistiques. Quant à la Chine, elle est tout simplement trop importante quantitativement, pour être vaincue par la puissance militaire américaine. L'incertitude qui règne aujourd'hui quant à la puissance réelle des armées russes et chinoises vient du fait que la Russie et la Chine sont des nations de grande culture et de longue mémoire et qu'elles ne vont évidemment pas tenter quoi que ce soit, au risque de provoquer une conflagration universelle. Par conséquent, cette sobriété russe et chinoise fait que les menaces américaines fonctionnent… encore (comme le disait Madeleine Albright : «… we have the means and the will to use it » ; = nous avons les moyens et la volonté de les utiliser).
Quant à la deuxième dimension de la puissance, c'est-à-dire la puissance économique, John Nye avoue qu'elle est aujourd'hui multipolaire, avec, pour protagonistes, l'Europe, le Japon et les Etats-Unis. Ensemble, ces trois puissances valent les deux tiers du PIB mondial. Mais cette vision des choses repose sur une distorsion des faits monétaires réels, avec une devise gonflée artificiellement parce qu'elle est la devise standard, la “fiat-money”. L'Amérique, contrairement à ce que John Nye veut bien nous dire, est de facto en faillite. Elle vit d'importations non payées en provenance du reste du monde. Il peut parler de “multipolarité” autant qu'il le voudra, la menace qui pèse le plus lourdement sur les Etats-Unis se situe bien au niveau de la puissance économique.
Le rôle des banques
La troisième dimension, celle des relations transnationales, est un cas particulier. Nye ne nous parle que modérément du rôle des banques et insiste plutôt sur celui des hackers et d'internet. Or le rôle des banques demeure cardinal; en temps de paix, le système bancaire est l'arme préférée des Etats-Unis quand il s'agit de déstabiliser les pays étrangers. Nye nous parle d'une “puissance largement répandue dans le monde et, à son propos, il paraît inutile de parler d'unipolarité, de multipolarité ou d'hégémonisme”. Nye minimise donc les effets d'une “puissance anonyme”, alors qu'elle est celle du dollar; en fait, il veut dissimuler les usages qu'en font les Etats-Unis, car les impulsions données par Washington au système bancaire international constituent les moyens secrets mis en œuvre par la puissance américaine. Quand on ne sait pas par qui on est attaqué, ni l'endroit où cette attaque se déploie, la riposte s'avère difficile, sinon impossible. Les Etats-Unis jouent ici un rôle crucial, ou pour être plus précis, ce sont surtout les instances dominantes de la côte Est des Etats-Unis qui le jouent. Prenons par exemple la situation du Japon. Si les Japonais souhaitaient brusquement mettre un terme à leurs problèmes de finances et de dettes, il leur suffirait de liquider pour 1000 milliards de dollars de titres libellés en cette devise, qui sont en leur possession. Une telle action précipiterait les Etats-Unis dans le marasme le plus total. Les Américains le savent. C'est pourquoi l'ancien ministre des finances américain O'Neill a clairement déclaré que cette “option” n'était pas “ouverte” pour les Japonais.
Les agencements de la puissance économique fonctionneront comme facteurs de puissance uniquement si le reste du monde continue à se laisser imposer les règles voulues par les Etats-Unis, c'est-à-dire aussi longtemps que le dollar servira de devise de réserve.
Nye nous a donc clairement évoqué, dans son article de The Economist, quels sont les domaines clefs de la puissance actuellement dans le monde, mais aussitôt évoqués, il les drape dans une brume de désinformation. Il nous dit que la stabilité des finances internationales est d'une importance vitale pour le bien-être des Américains, mais que, pour y parvenir, les Etats-Unis ont besoin de la coopération d'autres puissances, afin d'assurer cette stabilité pour l'avenir. Mais cette requête, quémandant la coopération de tierces puissances, est un indice du commencement de la fin. Toute construction qui perd l'une de ses colonnes porteuses s'effondre.
Petit secret du “nouvel ordre mondial” : le reste du monde pourrait jeter les Etats-Unis en bas de leur piédestal, dès le moment où il proclamerait la fin du dollar comme devise standard des échanges internationaux. C'est un dilemme crucial auquel l'Amérique ne pourra pas sortir dans l'avenir proche. Mais le processus de la chute ne s'est pas encore mis en marche, parce que l'ensemble des pays occidentaux en serait également ébranlé et les dirigeants de ces pays craignent d'affronter de tels bouleversements. Mais ces craintes pourraient fort bien se dissiper quand il apparaîtra de plus en plus clairement que les Etats-Unis se conduisent comme le “Super-Etat-Voyou”, menaçant tous les pays du monde. Cette conduite inacceptable risque de faire émerger une donne : celle que les Etats-Unis veulent à tout prix éviter.
L'Iran et le Venezuela pourraient choisir l'euro
L'économie japonaise pourrait fort bien s'effondrer. L'Iran, le Venezuela et plusieurs autres pays pourraient choisir l'euro comme devise pour les échanges commerciaux internationaux. La décision de l'OPEC de passer à l'euro pourrait accélérer le processus. Qui plus est, en dépit de ces risques très réels, les Etats-Unis n'ont pas cessé de pratiquer leur politique désastreuse, avec :
◊ un accroissement massif de leur déficit ;
◊ une absence de volonté réelle de faire passer un système de supervision général des actions en bourse (le SEC; “Stock Exhcange Control”) ;
◊ un échec de leurs politiques économique et fiscale.
La plupart des Américains n'en n'ont pas idée, car leurs médias ne leur en parlent pas. On gave les citoyens américains —comme du reste les citoyens européens— de consommation et de loisirs. Seuls internet et les réseaux de samizdat fournissent encore de véritables informations.
CONCLUSION :
Dans un premier temps, il semble plus que probable que toute tentative d'un pays de l'OPEC, de passer à l'euro, se verra combattue par les Etats-Unis, soit par des moyens directement militaires, soit par des opérations camouflées des services secrets. Sous le prétexte de la guerre permanente contre le terrorisme, le gouvernement américain manipule les citoyens des Etats-Unis et de tous les autres pays du monde, via les médias qu'il domine, et trompe l'opinion mondiale sur les véritables motifs économiques de la guerre contre l'Irak. Cette guerre n'a évidemment rien à voir avec les menaces imaginaires que Saddam Hussein aurait fait peser sur la région en déployant des armes de destruction massive, tout aussi imaginaires, comme on le sait aujourd'hui. Le motif de cette guerre est de perpétuer la domination du dollar comme devise dans les transactions pétrolières. Ce n'est pas un contexte qui s'est développé seulement au cours des derniers mois : les décisions avaient déjà été prises avant l'accession au pouvoir de l'équipe de Bush, représentant des lobbies pétroliers. De plus, la banqueroute virtuelle des Etats-Unis est un fait avéré depuis bien plus longtemps. Les attentats du 11 septembre a été un “second Pearl Harbor”, comme bon nombre d'observateurs l'ont d'ores et déjà constaté. Avec ces attentats, la propagande de guerre a pu commencer à battre son plein.
La confrontation dollar / euro semble inévitable, même si l'euro, au départ, avait été voulu par les Américains. Après les guerres de religion et d'idéologie, nous verrons l'avènement d'une nouvelle catégorie de guerres : les guerres de devises.
11 septembre 2001 = nouveau Pearl Harbor
Les gens se sont posé plusieurs questions après le 11 septembre 2001 : sur les motivations de ces attentats, d'une part, sur les possibilités réelles de les perpétrer, d'autre part, parce qu'on mettait en doute la présentation qu'en avaient faite les médias. Les gens veulent aller au bout des choses. Sur le plan purement physique, nous devons d'emblée rejeter la thèse officielle avancée par les Etats-Unis sur ces attentats, soit la thèse qui prétend que des terroristes islamistes ont utilisé des avions comme bombes volantes pour détruire les deux immeubles qui symbolisaient la politique globaliste des Etats-Unis; de même, la motivation fabriquée de toutes pièces par les grands médias est dénuée de tout fondement : on ne peut en rien affirmer que ces attentats constituent la vengeance du monde islamique contre l'impérialisme américain. Or si l'on rejette la thèse officielle de Washington et des médias à sa dévotion, on pose ipso facto la question de savoir quelles sont les véritables causes intérieures qui ont motivé ces attentats. On ne peut plus éluder cette question avec le mépris habituel, en disant qu'elle participe de la “théorie de la conspiration”. L'hypothèse la plus plausible est la suivante : à moyen terme, les Etats-Unis et les médias qu'ils téléguident ne pourront plus dissimuler aux citoyens du monde l'imminence d'une crise économique et d'un effondrement des marchés financiers; par conséquent, il leur fallait trouver un bouc émissaire. L'argumentation tient la route. Vu la dimension gigantesque de la crise qui nous attend, l'événement devait être hyper-frappant, aussi frappant que l'avait été Pearl Harbor, qui a servi de prétexte pour l'entrée en guerre des Etats-Unis en décembre 1941. Le 11 septembre 2001 est par conséquent, aux yeux des esprits critiques et lucides, un nouveau Pearl Harbor, un prétexte idéal pour entamer un nouveau processus de guerres en chaîne.
Si l'on a observé, comme je l'ai fait, la situation économique réelle du monde depuis quelques années, on constate que les médias ne révèlent jamais au public la situation réelle et manipulent les informations. Ce silence et ce tissu de mensonges attestent de l'ampleur de la catastrophe qui nous attend. A l'aide de l'arithmétique la plus élémentaire, on doit déjà pouvoir constater qu'une bulle financière aussi énorme éclatera tôt ou tard. La bulle financière qui a crû sur les marchés financiers de manière exponentielle éclatera effectivement et donnera lieu à un krach épouvantable. Les bénéfices artificiels, engrangés à la suite de bilans faussés, n'existent que sur le papier et doivent immanquablement conduire à la faillite.
A. Greenspan : sommes-nous proches d'une dictature mondiale?
Bon nombre de démonstrations faites par A. Greenspan, avant qu'il ne devienne le chef de la “Federal Reserve Bank” prouvent qu'il savait tout cela, aussi bien que n'importe quel individu capable de raisonner correctement. Greenspan est devenu entre-temps l'homme le plus puissant de l'économie américaine et donc du monde entier. Va-t-il laisser aller les choses à vau-l'eau? Je ne le pense pas. Et je me rappelle quelques réflexions émises par Barnick, qui nous annonçait l'avènement d'une ère nouvelle : nous sommes, disait-il, bien près d'une dictature mondiale, appelée à gérer les ressources qui se raréfient et pour garantir un “ordre social” cohérent aux masses désormais atomisées et dépourvues de moyens. Ces réflexions, qui se veulent d'ordre philosophique, sont intégrées depuis des années dans les “think tanks” des planificateurs américains. Les exemples sont légion : bornons-nous à citer Huntington et Brzezinski, dont les idées servent à consolider et à justifier des opérations dont les objectifs sont essentiellement économiques et géopolitiques. Ces réflexions philosophiques ont donc un impact direct sur la réalité du monde : les observateurs européens, chinois et surtout russes s'en rendent parfaitement compte.
La situation est analysée d'une manière quelque peu différente à Moscou, où l'on est parfaitement conscient des issues dramatiques potentielles qu'elle aura. A la mi-mai 2001, un congrès s'est tenu au Kremlin, dont l'objet était : « Les temps après le dollar ». Après le dollar comme devise de réserve, s'entend. A Moscou, on spécule déjà sur le chute de l'actuel système monétaire. I. P. Panarine, de l'Académie Diplomatique du Ministère des Affaires Etrangères de la Fédération de Russie, optait pour une position euro-centrée. Il pensait que les Etats-Unis éclateraient en groupes d'Etats séparés, voire antagonistes, d'ici une dizaine ou une quinzaine d'années, à cause de la crise économique. Indépendamment de cette analyse russe, mentionnons une étude plus ancienne, celle du Russe germano-balte Georg Knüpfer qui prédisait en 1963 déjà que les Etats-Unis éclateraient en quatre morceaux antagonistes et ne seraient plus capables d'exporter la guerre, comme ils l'avaient toujours fait (cf. Der Kampf um die Weltherrschaft). Si Al Gore, représentant du grand capital, avait remporté les élections, le risque d'un éclatement des Etats-Unis aurait été plus grand encore que sous la houlette de Bush. Les Etats-Unis sont prêts à tout, y compris à multiplier les interventions militaires, pour conserver l'influence du dollar sur le monde entier.
Tels sont les plans concoctés dans l'orbite de la finance américaine. Dans le fond, il s'agit d'une déclaration de guerre pour une guerre économique totale, car les conséquences sont clairement perceptibles :de nombreux pays ont été détruits économiquement au cours de ces dernières décennies.
Pillage du monde par le dollar
Avec un dollar surévalué, les Etats-Unis se sont approprié dans le passé récent le fruit du travail des peuples, leurs ressources énergétiques (dont le pétrole) sans contrepartie. Mais, parce comportement, ils préparent, sans vouloir s'en rendre compte, l'abandon par ces peuples du dollar au profit d'une autre montagne de papier, l'euro. Les Américains ont acheté les entreprises performantes (pas les autres), les mines, les champs pétrolifères, les droits d'exploitation de ceux-ci, à l'aide de leur “fiat money”. Ils ont pillé les économies des peuples étrangers, pour les exploiter à fond puis les laisser péricliter en dévaluant le dollar. Par cette manière de procéder, les Etats-Unis se sont approprié le capital réel des peuples et, par les dévaluations successives et bien calculées du dollar, ils ont épongé leurs dettes gigantesques, que, de toutes les façons, ils n'auraient jamais pu payer. Ces dettes sont ensuite éparpillées à travers le monde entier, qui, au lieu de posséder du capital réel —c'est-à-dire des entreprises productives, des matières premières, etc.— ne possèdent plus que des montagnes de dollars sans valeur.
On verra si le programme actuel des élites américaines va réussir ou échouer. Mais, quoi qu'il en soit, l'euro existe. Quant au franc suisse, il n'est plus vraiment un “havre sûr”, depuis les dernières décisions du gouvernement helvétique : par toutes sortes de trucs, de ruses et de tromperies, ce gouvernement a réussi à fourguer aux Suisses une modification constitutionnelle, permettant de lever la couverture or du franc suisse. Vu sous cet angle, le travail des globalistes a le vent en poupe.
Gerhoch REISEGGER.
06:05 Publié dans Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook