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lundi, 21 mai 2007

L'Irak contre les "Mongols"

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L'Irak contre les Mongols ou Saddam Hussein géopolitologue!

Texte d'une conférence prononcée par Max Steens devant l'Ecole des Cadres de Synergies Européennes à Bruxelles en 2003. Ce texte, sous bien des aspects, demeure pertinent, en dépit du temps écoulé et de la mort de Saddam Hussein.

1) Saddam Hussein lecteur de Brzezinski?

Le "maître de Bagdad", comme le nomment les journalistes, a prononcé ce 17 janvier, à l'occasion de l'an­niversaire commémoration du lancement de la guerre du Golfe, il y a douze ans, un discours des plus inté­res­sants, qu'il faut savoir entendre dans la brèche opérationnelle et active qu'il sous-tend.

S'adressant à son peuple avec moult images et expressions, issues de sa culture et de son histoire, il a ren­voyé les Etats-Unis à ce qu'ils sont dans les comparatismes historiques (souvent boiteux, certes, qui sont évoqués de part et d'autre, mais néanmoins actifs). A savoir, les Mongols de l'ère moderne !! Je pense, avec Carl Schmitt, que tout discours d'un homme politique, tenant un pouvoir concret, peut définir une doc­trine, et ceci, pour le meilleur comme pour le pire! Alors —et malgré l'intérêt que l'on peut avoir pour Té­­moudjinn, alias Gengis Khan, et pour la tentative héroïque du Général Baron Roman Féodorovitch von Un­gern-Sternberg de s' en inspirer— force est de constater que c'est bien "ce qu'ils sont", plus que tout au­tre forme d'impérialité.

Saddam Hussein est d'ailleurs en accord, en cela, avec le stratège-géopolitologue Zbigniew Bzrezinski. Il ne s'agit pas, dans la bouche du dictateur irakien, d'une formule creuse, mais d'un constat de com­pa­ra­tisme "historico-morphique", au sujet du statut de ce que d'aucuns ont le culot d' appeler l'"Empire amé­ricain". Le "maître de Bagdad" et le professeur , conseiller du Center for Strategic and International Stu­dies de Washington (DC), sont donc d'accord, ils s'accordent sur ce qu'est la puissance américaine sur la surface du globe! Ne pourrait-on les faire se rencontrer afin de boire une tasse de thé? Cela ne servirait à rien. Les héritiers de l'Empire Mongol, qui, je le rappelle, ont comme caractéristique de n'imposer aucun Or­dre territorial cohérent en visant à la domination universelle, de ne proposer aucuns nomos de la Terre, ces cavaliers nomades et pillards n'ayant pas les conceptions de la territorialité qui nous animent.

Le modèle mongol du Pentagone

Je cite Brzezinski, qui passe en revue, dans son étude sur l'Amérique et le reste du monde, les différentes for­mes impériales, et qui, à propos de l' Empire de Gengis Khan, déclare: Seul l'extraordinaire Empire Mongol approche notre définition de la puissance mondiale (in: Le Grand échiquier, Paris, 2000, p. 40, coll. Pluriel/ Hachette; édition de poche). Révélation capitale, s'il en est, et qui devrait nous en­join­dre à des rapprochements décisifs! Ainsi, il rappelle que cet Empire gengiskhanide a pu "soumettre (sic) le Ro­yaume de Pologne, la Hongrie, le Saint-Empire (resic) , plusieurs principautés russes, le califat de Bag­dad et l'Empire chinois des Song.

Dans sa franchise, qui n'est que plus blessante et révélatrice de notre condition misérable en Eurasie, il pour­suit: la puissance impériale mongole est fondée sur la domination militaire (tiens, tiens…), grâce à l'ap­plication brillante et sans pitié d'une tactique remarquable…! En effet, où est la pitié dans la mise en pla­ce de la domination américaine sur la planète depuis plus de cent ans?

Certainement pas en Amérique dans le génocide du peuple amérindien, ni dans l'instauration des dicta­tu­res sud-américaines aux 19ième et 20ième siècles en faveur de Washington et de Wall Street, dictatures où la tête d'un péon ne valait pas un cent, ni à Dresde dans les corps fondus des civils allemands brûlés vifs com­me leurs compagnons en holocauste de Tokyo, de Nagasaki, mais aussi de Hanoï, ou d'Hué, sous l'ac­tion de l'agent orange, corps napalmisés comme des mauvaises herbe1; je ne pense pas que la pitié ait ja­mais résidé dans la volonté de parfaire un blocus qui envoie à la mort des dizaines de milliers d'enfants ira­kiens qui n' ont rien fait, qui ont le tort de naître dans un Pays qui gêne les visées stratégico-com­mer­ciales d'un pays qui se pense comme la mesure du monde (et quelle mesure!!), comme, autrefois, les Ir­landais n'avaient qu'à mourir de faim sous les bons yeux de sa Très Gracieuse Majesté, les rois ou la reine d'An­gleterre.

Brzezinski, insiste, de manière pesante, sur le fait que les Mongols n'apportaient ni système économique et financier ni sentiment de leur supériorité culturelle, lequel existait dans les autres Empires. Voilà donc la mission stratégique de l'Etat américain; en effet, s'il s'inscrit dans la veine mongole, comme le veut Brze­zinski, il lui faut pallier ces défauts, d'autant plus que ces caractéristiques sont consubstantielles du ca­ractère éphémère de l'Empire de Temoudjinn. On remarquera que ces lacunes de l'empire gen­gis­kha­ni­de sont exactement celles qui caractérisent remarquablement bien les USA: l'expansion tous azimuts du dol­lar et l'intégration globalitaire du monde, condamné à être mis au diapason des règles économiques pro­posées par la seule Amérique. Cette dernière pouvant toutefois, à tous moments, les refuser sur son pro­pre sol ou, tout simplement, sous la forme de réciprocité si elles leur nuisent. Pas de barrières com­mer­ciales sur la planète, pas d'exception culturelle, nous vous l'ordonnons mais laissez instaurer des quo­tas et des mesures autarcique chez nous, je vous en prie! Il ne faudrait pas confondre les Maîtres et les esclaves, s'il vous plait de la tenue!

Ce n'est pas étonnant, dans cette mesure, que le parachèvement du condominium américain que veut Brze­zinski, insiste sur cet aspect et sur la diffusion de la culture américaine. Même si elle n'est pas trop sû­re de sa force en réalité, l'avancée de la démocratie (de type démo-libérale s'entend), des droits de l'hom­me (blanc et sioniste, disait Jacques Vergès!), et consécutivement de l'American Way of Life, assu­re­ront la puissance de cette troisième caractéristique impériale: la force d'une culture. Force plus ma­té­riel­le qu'autre chose, certes, mais qui base sa prédominance sur l'éradication des autres et sur l'oubli de tou­tes autres formes de sentir, penser, percevoir. Il ne peut en être ainsi, il ne pourra en être car il faut re­fuser le chemin du néant.

2) Une alliance du turquisme et du wahhabitisme contre les peuples libres d'Eurasie

Prévoyant et préparant la chute de Saddam Hussein, qui a revendiqué dans son discours le droit de toute na­tion à vivre —ce qui nous semble une revendication bien légitime— des réunions ont lieu, en ce mo­ment, entre Saoudiens, Turcs et Egyptiens. Le premier ministre turc Abdullah Güll (AKP), s'attèle à établir une alliance avec un prince saoudien, Abdullah bin Abdulaziz Al Saud (cf. Le Figaro, édition du 18-19/1/2003, p. 2), et avec Hosni Moubarak, qui s'engage à trahir définitivement toute possibilité égyp­tienne d'emprunter une voie politique propre, lui permettant de sortir de son triste état de fellahisation (com­me disait Spengler), dans laquelle l'avait poussée définitivement la colonisation anglo-saxonne, après l'é­limination de Mehmet Ali, et de laquelle entendait la sortir le germanisme en action avec l'aide de Ga­mal Abdel Nasser.

Turcs et Saoudiens, forces d'obscurcissement et ennemis ontologiques de l'Europe et de l'Eurasie, s'enten­dent donc à merveille afin de proposer un plan de liquidation du Parti Baath, ainsi que des hommes in­fluents qui le composent dans l'entourage de Saddam Hussein. On voit à quelle trahison s'apprête Mouba­rak, tombé à genoux devant l'ottomano-wahhabisme. Il s'agit de soudoyer les hommes et les officiers du Par­ti, à l'exception de l'entourage immédiat et de la famille; détail révélateur: il s'agit bien de la liqui­da­tion d'un projet, d'une vision du monde, d'une réorganisation de la région et des rapports de force en pré­sence et non de plier des "sbires".

Napoléon pensait que pour manipuler les hommes, il existait deux moyens, la corruption et le fouet! Le fouet ne sera pas utilisé; les Saoudiens, qui tiennent en main le régime le plus ignoble que la terre n'ait ja­mais porté, le réservant aux femmes et aux esclaves philippines qu'ils emploient dans leurs palaces-ca­si­nos, hideuse expression de la collusion americano-wahabite. Leur environnement esthétique relève effec­ti­vement plus de Las Vegas que de l'Alhambra. La corruption s'appliquerait sous la forme d'une amnistie ju­ridique pour inciter les fidèles baathistes à abandonner le dictateur et à l'anéantir en le condamnant à la solitude.

Bas les masques!

Que vient faire, dans ce point focal du conflit, cette alliance de la Turquie (dite laïque, alors qu'elle par­ti­ciperait à la liquidation du Baathisme, républicaine et je ne sais quoi encore!), qu'il nous faudrait ac­cepter au sein de l'Europe, avec l'islaméricaine Arabie Saoudite, théocratie islamique de mouture wahha­bite, alliée-adversaire des USA? Alliée militaro-stratégique et économique et néanmoins concurrente ou ad­versaire (n'en déplaise à Guillaume Faye) des USA dans la lutte commerciale pour la main mise sur le pé­trole. Ces forces que Jean Parvulesco appelle les forces du Non-Être (et qui comportent encore d'autres é­lé­ments à peine "dicibles"!) agissent de façon de plus en plus visible. L'alliance du dollar et du pétrole re­prend de plus belle, moyennant des zones d'influence accordée à l'islamisme et à l'américanisme, sous l'œil avide de la politique et de la diplomatie turque, saisissant l'opportunité de récolter de substantielles pré­bendes, dépassant largement ses bons services au sein de l'OTAN.

Afin de reconstituer la pérennité du condominium, qui régnait avant l'ébranlement du 11 septembre, —ce­lui étant sans doute plus ou moins factice, du moins manipulé par on ne sait quel nombre de services et de contre-services et ayant principalement une "fonction vidéosphérique légitimisante"— il est fort pro­bable que la Turquie fasse office de grand intercesseur entre les deux adversaires-concurrents, l'A­mé­ri­que et l'islamisme (saoudien), ces deux monstres de prosélytisme monothéiste, monothéisme du marché et monothéisme coranique, alliés à nos dépens.

La Turquie recevrait le droit de s'activer dans les "Balkans eurasiens", tout en étant "boostée" plus que ja­mais dans son lobbying en faveur de son entrée dans l'Union Européenne.

La France : terrain de tous les dangers

Il n'est pas sans signification, dans ce contexte, que la France soit le terrain de tous les dangers. Visible­ment, la France, via Jacques Chirac, a pris, en matière de Grande Politique, conscience de la tragédie qui peut résulter des heures que nous vivons. Face aux Etats-Unis d'Amérique, qui en sont à un tel niveau d'ou­trecuidance et de menace pour la paix du monde, Chirac a pris position en réactivant un certain gaul­lis­me révolutionnaire au sens où l'entend Jean Parvulesco, visionnaire, s'il en est, de la Weltpolitik, poli­ti­que où sont dépassés les clivages habituels. Chirac est le chef d'un Etat de l'Extrême-Occident qui vient de mettre en garde, personnellement, G. W. Bush, sur sa volonté de lancer une guerre unilatérale que, vi­siblement, il s'apprête à lancer, même seul. L'attitude récente de Chirac montre bien que tous les cri­tè­res et conditions pour justifier l'action militaire ne sont que des os à ronger pour les belles âmes occi­den­ta­les et mondialistes qui font office de gribouilles dans la presse, à la télévision, ou dans les tissus asso­cia­tifs, et dont l'Histoire ne s'encombre pas.

Cette prise de position rejoint l'esprit du discours de Phnom Penh prononcé en 1966 par le Général De Gaulle et de l'action sacrificielle du Président Laval; elle témoigne, sans doute, et je l'espère, d'une prise de conscience du Grand Jeu qui se déploie dans le Heartland.

La Russie a sans doute un grand rôle dialectique dans cette prise de conscience, comme le souligne fort ju­dicieusement Parvulesco, l'auteur du Retour des Grands Temps. En effet, la Russie, qui est aux prises avec le terrorisme tchétchène, est consciente de la turcisation des Balkans eurasiens, favorisée par l'ad­mi­nistration du Pentagone et de l'OTAN, ainsi que de l'islamisation montante de ces contrées, favorisée par l'Arabie et le Pakistan. Tout dialogue euro-russe portera à la conscience cet enjeu vital et historial d'em­pêcher ce qu'il convient de nommer un néo-ottomanisme, vu que sont favorisés et la "turcité" et l'is­la­misme.

Jacques Chirac doit comprendre qu'il peut saisir là l'occasion unique de rendre à la France sa cohérence eu­ropéenne, depuis longtemps perdue, dans cette question impériale (et impérieuse), dans cette question de la marche consciente et immémoriale vers notre Empire. En effet, il existe des forces néfastes, en Fran­ce, qui s'emploient à appuyer les revendications turques quant à son entrée dans notre communauté d'E­tre et de destin. Il ne nous appartient pas de savoir à quelles pathologies, intérêts ou incompréhensions de l'Histoire répondent ces énergumènes, il convient de les combattre et de réduire à néant leur projet ab­ject. En restant fidèles au Testament de Charles-Quint…

Je tiens à souligner, à ce propos, le soutien total que mérite Valéry Giscard d'Estaing quand il s'oppose à l'en­trée de la Turquie dans l'UE. Lui, qui fut ridiculement injurié par le ministre turc des affaires étran­gè­res, qui l'assimila à une figure de l'"anti-progressisme", du "passé", de la "réaction"… J'aimerais demander à ce sinistre monsieur qu'il s'informe: il n'y a que dans son Pays, qui bricole avec les concepts les plus abs­cons de l'Occident essoufflé, que l'on croit au "Progrès absolu" et que les partis politiques s'intitulent "Par­ti du Progrès, de la Liberté et du Droit, de la Justice" ou, pourquoi pas, de "l'Expansion économique"…Si, si, le parti qui remporta les législatives turques (l'AKP) récemment, s'auto-désigne comme le "Parti de la ju­stice et du développement"! La criminalisation automatique, de ceux qui osent mettre ses prétentions en doute, est sous-jacente dans ce label "politiquement correct"; on voit à quel géhenne sont renvoyés ses ad­versaires: à l'injustice et à la régression, fichtre, voilà qui collera à merveille avec l'idiosyncrasie amé­ricaine, se pensant comme "peuple élu", agissant au nom du bien universel, et avec l'islamisme des au­todafés; l'enfer, ce n'est plus les autres, c'est pour les autres!

Il s'agit là d'un fétichisme de l'étiquette politique légués par l'introduction, en France, des idéaux des Con­dor­cet, Saint-Simon, voire Comte, etc… Ce n'était déjà pas fameux à l'époque, mais les instances idéo­lo­giques dominantes en France les ont repris avec la ferveur de ceux qui n'y comprennent pas grand chose… Il en résulte des singeries, rien d'autres. Enfin, ces idées étaient en bout de course et, je signale aima­ble­ment, que l'Histoire a démontré leur inanité; je conseille à tous les excellents livres du Professeur P. A. Ta­guieff, notamment sur la question centrale du progrès.

La haine des trotsko-ricains favorables à l'Axe Washington-Ankara

Chirac a pris une position qui honore la France, montrant dans quel ridicule s'est encore une fois plongée la Belgique par la bouche de son ineffable ministre de la défense, le sieur Flahaut (dit "Fléau")2; en re­joi­gnant la position des d'Estaing et Stoiber, après que le chancelier Kohl ait donné la ligne de conduite de l'Eu­rope, à propos de la question turque, après l'appui donné à Giscard par l'ex-Chancelier Helmut Schmidt, fin analyste de la situation internationale, Chirac a provoqué, plus que jamais, la haine des trot­sko-ricains, de son pays, généralement favorables à l'axe Washington-Ankara.

D'autres, après le sociologue Emmanuel Todd 3, défendent l'intégration de la Turquie dans l'Europe. Cet in­dividu, que l'on croyait tout de même capable d'analyses plus pertinentes, y voit une chance pour le mo­dèle jacobin, or, fort heureusement, la France s'est engagée en vue d'une décentralisation régionale, com­me cela avait été le vœu du référendum de 1969. Ainsi, il nous faudra nous méfier du sénateur fran­çais Michel Pelchat, président du groupe des amitiés France-Turquie —qui va recevoir ma réponse sous for­me de communiqué— tellement le drôle est à côté de ses pompes, mais je suppose que c'est normal, vu qu'il en cire d'autres!

La France rentre dans une phase critique où elle pourrait enfin rejoindre et l'idéalité et la réalité de l'Eu­ro­pe en devenir, en renonçant une fois pour toute à l'idée perfide de l'alliance ottomane, en vue de jouer seu­le sur le continent, et en entrant, libérée de ses illusions et de ses aveuglements, dans le camp des Im­périaux, où elle aurait pleinement sa place car elle pourrait constituer une redoutable forteresse ma­ri­ti­me et spatiale sur le rimland atlantique, en lisière immédiate du cœur géopolitique de l'Europe, du no­yau territorial de l'impérialité germanique et occidentale. L'avertissement lancé par Chirac à Bush doit ê­tre le détonateur de cette voie révolutionnaire à suivre, vu l'action anti-européenne et anti-russe de l'al­liance wahhabito-ottomano-ricaine actuellement à l'œuvre.

Panoptisme et univers carcéral

Il est grand temps de comprendre le futur de notre condition humaine sur la planète Terre si cette al­lian­ce vainc un jour: c'est le pénitencier (ou la galère!) pour tout le monde! Sous l'œil de l' américano-panop­tis­me (satellitaire et électronique) et des gouverneurs de prisons turcs ou musulmans. L'humanité vivrait sous leur regard et selon l'aune de toute chose que développe l'humanitarisme, et ce formidable rè­gle­ment de prison que sont les "droits de l'homme". En réalité le droit de recevoir des bons ou des mauvais points selon le comportement de chacun en échange d'une punition éventuelle, le bonheur résidant dans l'ab­sence de punition. Condition de taulards! L'Humanité et le globe comme grand pénitencier, voilà la réa­­lité de la condition humaine à venir sous l'œil des kapos et matons médiatiques. Finie l'Histoire, fini le Po­­litique, finies les Révolutions possibles et l'action des peuples libres… Après la police du globe, le globe com­me prison. Vision accréditée par les régimistes de facture "rawlsienne", actifs dans les médias et les grou­pes associatifs, cet état de l'humanité assurant une juste "égalité des chances", façon pénitentiaire (a­vec un statut particulier pour ces régimistes médiacrates, je suppose que ce sera celui de kapo).

Contre l'alliance wahhabito-turco-ricaine! Contre l'Humanité réduite à un pénitencier! Contre la dhim­­misation et la chiourmisation des peuples d'Eurasie! Soutien total à la légitimité historique du Saint-Empire! Soutien total à Giscard d'Estaing et Jacques Chirac dans leur combat pour la paix! Sou­tien à l'Irak baasiste dans sa résistance aux mongols modernes ! Soutien total à Vladimir Poutine et à la Russie éternelle!

Max STEENS,

Bruxelles, 20/1/2003.

(1) Est-ce la réussite des Etats-Unis, de ne pas employer d'armes de destruction massive mais de traiter les hommes de chair et de sang comme des plantes à détruire, à exterminer leur refusant leur statut d'humanité? Est-ce que dans les repentances et les vagues de pardon et de devoir de mémoire que certains tentent d'imposer; y aura-t-il un jour un mot pour tous ces hommes? Car la vraie question est bien de savoir si une vie humaine vaut une vie humaine? Il est clair que pour les USA la réponse est négative (je pense même qui si il est jaune, il a encore moins de valeur à leur yeux). Un Japonais, un Amérindien, un Allemand, un Vietnamien mais aussi quiconque gênerait la marche de la théo­dicée du peuple américain risque de subir leurs foudres, avalisée subito presto par leur puritanisme qui les enjoints à se considérer comme le peuple élu.

(2) Qui vient de livrer, une fois encore la Belgique à l'accueil des troupes US, il faut dire le sourire au lèvres car le bon­homme raffole de passer à la télévision, expliquant qu'il ne saurait en être autrement. Ménageant ainsi la bonne collaboration otanesque de la Belgique à son maître ricain, de qui Verhofstadt et Michel sont les parangons. Il faut no­ter la juste répartition des rôles au PS, le triste sire de la maffia rose di Rupo essayant tant bien que mal de prononcer un discours devant ses ouailles où il s' affirme comme un opposant à la guerre… oui du point de vue de la belle âme car il s' agit pour lui que du non-envoi de troupes belges (ce sur quoi, il rejoint le Vlaams Blok!), le reste est de l'ordre de la pétition de principe… Principe déjà trahi par son camarade Flahaut. A jamais, le PS s'est déshonoré (pour autant qu'il ait jamais eu d'honneur…), trahi, et ne mérite pas une voix, pas un soupçon d'estime, juste une saine répugnance et ne mérite qu'une chose —outre notre dégoût : que des hommes courageux leur enlèvent à jamais la possibilité de se nom­mer "socialistes", ce qu'ils ne sont pas.

(3) Todd, certes, est apprécié dans nos milieux non-conformistes, allergiques aux "salades" des médias, pour ses travaux sur les structures familiales en Europe et dans le monde, mais il semble aussi, par ailleurs, que nos milieux pratiquent, par trop souvent, une rigidité mentale qui les empêchent d'intégrer la possibilité d'une multiplicité simultanée de points de vues, généralement divergents; croyant qu'un "ami" politique ou qu'une proposition "amie" dans un domaine implique ipso facto une "amitié" dans un autre domaine, sur un autre terrain, sur un autre champ, dans une autre ac­tion, … Funeste erreur. Assurer la cohérence des combats n'implique pas la cohérence des alliances.

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dimanche, 20 mai 2007

De la mauvaise stratégie des Etats-Unis

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De la mauvaise stratégie des Etats-Unis

Entretien avec le Prof. Dr. Peter Scholl-Latour

Propos recueillis par Moritz Schwarz

Né en 1924 à Bochum dans la Ruhr, Peter Scholl-Latour travaille depuis 1950 comme journaliste inter­national. De 1954 à 1955, il a été le porte-paroles du nouveau gouvernement de Sarre, après que celle-ci soit retournée dans le giron de la RFA. Orientaliste de formation, il a entrepris des voyages d'étude dans toutes les parties du monde. De 1960 à 1963, il a été le correspondant en Afrique de l'ARD, puis a di­rigé à Paris les studios de cette station de radio-télévision. En 1969, il est devenu le directeur de la WDR puis, en 1971, le chef du département des correspondants à l'étranger de la ZDF. A partir de 1975, il devient le chef du studio parisien de celle-ci. De 1983 à 1988, il occupe le poste d'éditeur de l'heb­domadaire Stern (Hambourg), puis en devient le rédacteur en chef et un des administrateurs du groupe de presse Gruner & Jahr. Il a écrit de très nombreux livres de voyage sur les pays du Proche- et du Mo­yen-Orient, qu'il a visités de fond en comble. Cet acquis fait de lui l'un des meilleurs experts allemands de cette région en ébullition, qui n'est boudé par aucun médium. En décembre 2002, il a fait paraître chez Propyläen un livre critique à l'égard de la politique brutale des Etats-Unis dans la région, Kampf dem Terror - Kampf dem Islam? Chronik eines unbegrenzten Krieges [= La lutte contre le terrorisme est-elle une lutte contre l'Islam? Chronique d'une guerre sans fin]. Comme le titre l'indique clairement: la guerre que Bush entend entamer en Irak ne connaîtra pas de fin et constitue dès lors une entreprise dé­raisonnable, à laquelle l'Europe ne doit pas participer.

MS: Professeur Scholl-Latour, immédiatement après la date du 27 janvier, jour où les inspecteurs de l'ONU auront remis leur rapport sur l'Irak, on pourra compter sur une attaque américaine contre ce pays arabe, car le déploiement des troupes bat désormais son plein. Vous avez voyagé pendant des an­nées dans cette région, vous l'avez traversée de long en large, vous avez rédigé quantité d'ar­ticles et de livres sur le Proche- et le Moyen-Orient. Pensez-vous qu'une attaque "ponctuelle" aura lieu après le 27 janvier ou pensez-vous que les médias répandent de la désinformation quant au mo­ment de l'attaque et que celle-ci se déclenchera plus tôt, avant qu'une protestation universelle ne s'or­chestre contre cette guerre?

PSL: On peut penser, en effet, que les Etats-Unis commenceront par soumettre l'Irak à des bombar­de­ments intensifs avant la fin du mois de janvier. Dans la foulée, ils déclencheront ensuite une attaque sur le terrain, dès que leur déploiement aura été parachevé. Les Américains ne tiendront guère compte des ré­sultats de l'inspection de l'ONU, si ceux-ci ne cadrent pas avec leur agenda.

MS: Déjà lors de la première guerre du Golfe en 1991, les Etats-Unis ont lancé un bobard propa­gan­diste, affirmant que des nourrissons koweitiens avaient été tués par des soldats irakiens, afin de ma­nipuler l'opinion publique américaine et internationale, pour qu'elle abonde dans le sens de la guerre. L'année dernière, les Américains ont annoncé leur intention —retirée depuis— de créer un mi­nistère de la propagande et de la désinformation. Personne, à l'heure actuelle, ne pense sérieu­se­ment que l'escalade sera provoquée par l'Irak, pourtant, aucun homme politique occidental en vue n'o­se remettre en question le fondement même de cette propagande américaine, qui prétend que l'at­ta­que dépendra du comportement de Saddam Hussein; au contraire, on entend les hommes po­litiques européens discuter avec un "sérieux papal" des légendes répandues par la propagande amé­ricaine…

PSL: Le bon vieux truc de la provocation entièrement machinée ne date pas d'hier. Déjà, la guerre du Viet­nam avait commencé à la suite d'une présentation fallacieuse, dans les médias américains, d'un in­ci­dent survenu dans le Golfe du Tonkin en 1964, où, soi-disant, de petits patrouilleurs nord-vietnamiens au­raient attaqué la flotte américaine. Ce qui est exact, c'est que des navires de guerre américains avaient pé­nétré dans les eaux territoriales nord-vietnamiennes, comme l'attestent les documents mêmes du Pen­ta­gone, qui ont été publiés depuis. Le fait que nos politiciens acceptent pour argent comptant la pro­pa­gan­de intensive des Etats-Unis prouve que nous nous trouvons dans un état de subordination totale à l'é­gard de Washington.

MS: Comment expliquez-vous alors le fait que les politiciens européens et surtout les médias en place reprennent, sans la contester ni même la soumettre à une critique sommaire, la thèse que la guerre ou la paix ne dépendent que du seul Saddam Hussein, alors que le dictateur irakien doit à tout prix éviter un conflit ouvert, uniquement parce que son premier intérêt est simplement de survivre?

PSL : La liberté de la presse, dans l'aire capitaliste, n'est pas illimitée. Et, par conséquent, induire systé­ma­tiquement en erreur l'opinion publique occidentale constitue une négation patente des principes mê­mes de la "communauté occidentale des valeurs". Nous sommes entrés dans une époque sans merci, très ru­de. La présidence américaine actuelle manie une vision du monde manichéenne, qui ne connaît qu'un Bien absolu, opposé à un Mal absolu. Malheureusement, la morale et la politique ne se concilient que très rarement. Comme Nietzsche le disait: «L'Etat est le plus froid des monstres froids».

MS: Contrairement à ce qui s'est passé en 1991, Saddam Hussein cherchera vraisemblablement à éviter une bataille frontale ouverte et tentera d'attirer les Américains dans une guerre de partisans et dans des combats de rue, types de combat que même une grande puissance ne peut gagner, com­me on le voit aujourd'hui en Tchétchénie.

PSL: A la condition toutefois qu'une partie des soldats irakiens soit prête à se battre jusqu'au dernier hom­me. Si on en arrive à de tels combats de partisans et de rue, les troupes américaines auront fort à faire, car Bagdad est une ville difficilement contrôlable, abritant six millions d'habitants. Les Irakiens utiliseront sans doute des gaz de combat. Mais, on peut penser aussi que, face à la pression des troupes américaines, en­trant dans le pays, le régime s'écroule et se liquéfie. En 1991, dès le début de l'offensive américaine sur le terrain, l'ordre étatique s'est effondré dans le Sud du pays, et même à Bagdad, où, venus des quartiers pau­vres, des hordes de pillards se sont jetés sur le centre de la ville. Dès que la nouvelle s'est diffusée que Saddam Hussein avait conclu un armistice avec les Américains, l'ordre a été rétabli très vite et très bru­talement. Autre possibilité: pendant la progression éventuelle des troupes américaines, nous pourrions as­sister à un putsch d'officiers, qui se diront: «Saddam doit partir, sinon nous nous balancerons à ses côtés au bout d'un gibet». Saddam Hussein suscite la haine dans de nombreuses catégories de la population. De nom­breux habitants de Bagdad seraient capables d'accueillir les troupes américaines dans la liesse. Ce­pen­dant, une chose est sûre: une telle liesse, si elle a lieu, ne durera pas longtemps. Toute occupation é­tran­gère de l'Irak, par des troupes non musulmanes, conduira, immanquablement, à une révolte po­pu­lai­re. Même les adversaires actuels de Saddam Hussein, comme les nationalistes panarabes et surtout les activistes islamistes, pourront en fin de compte déclencher une guerre d'usure, une "guerre asymétrique", que les Etats-Unis ne pourront subir pendant longtemps, rien que pour des motifs psychologiques.

MS: Vous aviez prédit l'attaque prochaine contre l'Irak dès les événements du 11 septembre 2001. Pourquoi? Parce que les Etats-Unis sont dorénavant bien décidés, depuis cette journée tragique, à li­quider toute menace potentielle sans tenir compte du droit international?

PSL: Non. Le projet d'attaquer l'Irak une seconde fois, les Américains le cultivaient déjà sous la pré­si­dence de Clinton, donc bien avant le 11 septembre 2001. Mais, à l'époque, ce projet n'apparaissait pas com­me opportun pour des raisons de politique étrangère. Aujourd'hui, cependant, dans le cadre de ce qu'ils appellent la "guerre contre le terrorisme", les Américains ont déclenché une action punitive globale, qui touche aussi l'Irak, décrit comme "Etat voyou", afin d'avoir un prétexte pour l'éliminer. Alors que mê­me la CIA a admis que jamais l'Irak n'avait participé aux actions terroristes internationales.

MS: Pourtant les Etats-Unis avancent des arguments très plausibles, par exemple, quand ils disent que l'Irak prépare et stocke des armes de destruction massive, participe à la prolifération des armements, etc. Le rôle des Etats-Unis serait dès lors de mettre un terme à cette prolifération dan­ge­reuse.

PSL: Le fait est que toute prolifération constitue un danger apocalyptique pour l'avenir de l'humanité —les Européens doivent le savoir eux aussi. Cependant, choisir l'Irak pour cible en ce domaine est inepte. Si l'on suit l'argumentation de Bush, alors il faudrait d'abord neutraliser la Corée du Nord, qui vient d'ad­mettre qu'elle possède ses armes atomiques propres. Pour empêcher l'Irak de construire des armes nu­clé­aires dans l'avenir, il suffit de perpétuer les contrôles de l'ONU. Certes, on peut construire des armes chi­miques et biologiques dans n'importe quelle cave, mais on ne peut pas construire des bombes ato­mi­ques avec des installations rudimentaires qui peuvent passer inaperçues.

MS: Les armes nucléaires restent donc un danger…

PSL: Il est très facile de fabriquer des armes chimiques, chaque pays de la région proche- et moyen-orien­tale en a les capacités. En réalité, la question est bien plus fondamentale: il faudrait qu'à Washington, les dé­cideurs comprennent la mentalité de leurs adversaires potentiels. Par exemple, les Américains mena­cent l'Iran d'une frappe nucléaire préventive. De ce fait, il me paraît évident que tout homme d'Etat ira­nien, digne de ce nom, cherchera par tous les moyens à se doter d'armements nucléaires, pour se pro­téger contre la pression et le chantage qu'exerce sur lui la super-puissance américaine, comme le fait d'o­res et déjà la Corée du Nord, ou le Pakistan contre l'Inde, qui lui est supérieure sur le plan militaire.

MS: Que pensez-vous de la motivation qu'avancent les Etats-Unis pour attaquer l'Irak? S'agit-il en fait seulement du pétrole, comme on aime à le dire?

PSL: Ma réponse vous apparaître d'une extrême banalité, vous pourrez la qualifier de "populiste" ou de "dé­magogique", mais, de fait, la motivation centrale reste la même qu'en 1991. Les Américains veulent sur­tout imposer un ordre nouveau, une pax americana, au Proche-Orient, dont Israël aussi serait le bé­né­fi­ciaire.

MS: Saddam n'est pourtant que le moindre mal, même pour les Américains, car il est isolé, il est ho­stile aux islamistes et largement désarmé. Ce sont trois avantages pour les Américains et ils sem­blent les négliger, car ils disparaîtront en cas de chute de l'actuelle dictature irakienne; l'avenir se­ra alors incertain, nous aurons plutôt la guerre civile et l'avènement d'un fondamentalisme isla­mis­te en Irak, et non pas la paix et la liberté…

PSL: C'est exact. C'est pourquoi la stratégie américaine me semble erronée. Car pour maintenir la cohé­sion territoriale de l'Irak après Saddam Hussein, le Pentagone devra immanquablement recourir à une nou­velle dictature à Bagdad, qui serait semblable à celle qu'exerce Saddam Hussein, à la seule différence qu'elle autoriserait les Etats-Unis à puiser dans les nappes pétrolifères irakiennes. Mais je pense qu'un au­tre élément entre en jeu: il est fort possible que les Etats-Unis ont encore un compte à régler avec Sad­dam Hussein. Je pense que Georges Bush Senior, il y a douze ans, a mis abruptement un terme à l'offen­si­ve sur le terrain, parce qu'on lui avait annoncé que Saddam Hussein était sur le point d'être éliminé par un putsch militaire. Sans doute est-ce Saddam Hussein lui-même qui lui a transmis l'information. Ensuite, au­tre facteur: l'avenir de l'Arabie Saoudite, officiellement alliée des Etats-Unis, mais où se situe sans nul dou­te le noyau dur de la conspiration d'Al Qaïda. Si jamais les fournitures en pétrole d'Arabie Saoudite ve­naient à s'interrompre, pour quelque motif que ce soit, les Etats-Unis auraient besoin du pétrole irakien pour compenser par des proportions identiques.

MS: Du fait que l'objectif ultime de cette guerre américaine apparaît comme peu rationnel, peut-on dire que les analyses de certains "dissidents" américains comme Immanuel Wallerstein ou Chalmers Johnson sont exactes? Qu'il s'agit tout simplement d'imposer un "imperium" américain?

PSL: Leur vue correspond à ce que disait l'ancienne ministre américaine des affaires étrangères, Made­lei­ne Albright, quand elle évoquait la "nation indispensable" que devaient devenir les Etats-Unis.

MS: Donc, in ultima ratio, la guerre contre l'Irak n'est pas une guerre destinée à empêcher la proli­fé­ra­tion d'armes de destruction massive, mais constituera la première frappe d'une guerre de longue du­rée pour soumettre le Proche- et le Moyen-Orient à la volonté des Etats-Unis?

PSL: La "guerre contre le terrorisme", que nous a annoncée le Président Bush junior, va durer de longues an­nées, en effet. Et cette guerre ne connaîtra aucune limitation d'ordre géographique, comme on peut le déduire déjà, à l'évidence. Selon des données que laisse filtrer la CIA, soixante Etats (!) dans le monde sont considérés aujourd'hui comme "peu sûrs" par les Etats-Unis. C'est inquiétant, mais nous ne devons pas nous laisser entraîner dans les travers d'un anti-impérialisme simpliste. Les Etats-Unis avancent une idée évidente: les "imperia" peuvent s'avérer nécessaires pour générer de l'ordre dans le monde. Cependant, je ne pense pas que les Etats-Unis soient habilités à jouer ce rôle, car j'ai constaté, au cours de toute ma car­rière, qu'ils ne possèdent pas cet indispensable instinct qui a permis, à d'autres, de comprendre la réa­li­té des autres cultures. Quant à la posture que prend l'Europe aujourd'hui, elle risque bien de devenir ab­so­lument intenable, car son incapacité politique et militaire la condamne à devenir totalement dé­pen­dante des Etats-Unis. Ne comprenez pas mon affirmation de travers: l'alliance atlantique demeurera in­dispensable à l'Europe et aux Etats-Unis, dans l'avenir. Mais l'organisation qui structure cette alliance et qui a fait ses preuves au cours de la guerre froide, c'est-à-dire l'OTAN, bétonne aujourd'hui la domination hé­gémonique sans faille du haut commandement américain sur les forces armées européennes. Prenons un exemple: si un conflit éclate entre les Etats-Unis et la Chine, l'Allemagne devra-t-elle envoyer ses sol­dats combattre l'armée de libération populaire chinoise, dans le cadre de la "Nato-Response-Force"? Lors­que j'entends un ministre allemand de la défense dire que la sécurité de l'Allemagne se défend sur l'Hin­dou Kouch, je me demande si nos hommes politiques sont encore sains d'esprit! Les chances de voir ad­ve­nir une défense européenne autonome sont aujourd'hui pure illusion. Quel homme d'Etat et quel parti se­raient prêts aujourd'hui en Allemagne à faire construire pour le pays des porte-avions, des sous-marins ato­miques ou des fusées nucléaires à l'instar de la France? Au moins, si les Allemands ne sont pas chauds pour agir dans un cadre européen, ils devraient au moins, un jour, se décider à agir dans un cadre na­tio­nal, pour se protéger contre tout chantage atomique venu de l'extérieur.

MS: Le terrorisme vise à ce que les Occidentaux, surtout les Américains, se retirent des hémisphères qui leur sont étrangers et compte sur la vulnérabilité des grosses structures. La création d'un "im­pe­rium", dans cette optique, avec ou sans l'Europe, ne constitue-t-elle pas une réponse erronée?

PSL: Tel est effectivement le problème, car le terrorisme est l'arme des faibles. Pour l'Occident, il existe au­jourd'hui deux dangers réels, notamment la prolifération des armes de destruction massive et la me­nace démographique. Telles sont les deux conditions, aux effets potentiellement funestes, qui alimen­te­ront le terrorisme de demain. Quant à la volonté américaine de construire un "imperium", elle doit se dé­dui­re des événements du 11 septembre 2001. Il ne s'agit pas tant d'une mutation dans le fameux "choc des ci­vi­lisations", comme on le prétend généralement. La signification du "Ground Zero" à New York réside en ce­ci: la psychologie des Américains a désormais changé. Et de fonds en comble!

MS: Que reste-t-il alors de cette idée sublime, qui nous évoque un "ordre juste" pour le monde en­tier?

PSL: Un ordre mondial juste a-t-il déjà existé dans l'histoire?

MS: Et qu'en est-il du droit des gens, du droit international?

PSL: Ne nous faisons pas d'illusions: le droit des gens a toujours été un bricolage tissé de bonnes inten­tions. Quand quelqu'un me sort des grands mots comme "family of Nations" ou "communauté interna­tio­nale des peuples libres", alors il ne me prouve qu'une chose: qu'il ment.

MS: Le Chancelier fédéral Schröder en parle pourtant…

PSL: Je considère que Gerhard Schröder est un virtuose de l'arrangement, mais aussi un homme sans cons­cience historique et sans "feeling" pour la politique internationale. Or cette absence de "feeling" pour la mar­che du monde est symptomatique en Allemagne: lorsque je regarde l'émission "ARD-Presseclub", qui est censée s'occuper de problèmes politiques importants, je constate qu'on n'y cause que de thèmes inté­rieurs, de retraites, de tarifs, d'impôts, alors qu'en dehors de nos frontières, le monde est littéralement en train de s'effondrer. Je reste cependant certain que dans quelques années nos hommes politiques, à leur tour, devront enfin se consacrer à des problèmes qui mettent réellement nos existences en jeu.

(entretien paru dans Junge Freiheit, n°3/2003; http://www.jungefreiheit.de ).


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samedi, 19 mai 2007

Volonté hégémonique américaine

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Prof. Günter ZEHM:

Ancien éditorialiste de Die Welt, collaborateur permanent de Junge Freiheit (Berlin), ancien professeur de philosophie à Halle et rédacteur du Rheinischer Merkur. Quatre ans après sa rédaction, ce texte recèle encore et toujours des principes de base pour élaborer une diplomatie offensive européenne autonome. Raison pour laquelle nous l'archivons sur ce blog.

De la volonté hégémonique des Etats-Unis

Depuis longtemps, on n'avait plus assisté à une telle unanimité en Allemagne et en Europe; tous s'in­sur­gent contre la guerre que planifient les Etats-Unis contre l'Irak. En dehors des Etats-Unis et de la Grande-Bre­tagne, personne dans le monde ne veut de cette guerre: ni le Pape ni les évêques luthériens ni les mé­tro­polites orthodoxes, ni les Chrétiens ni les Musulmans ni les Bouddhistes, ni l'UE ni l'ONU ni la Russie ni la Chine ni l'Iran. Aucune organisation internationale ne se déclare en faveur de cette guerre.

En Allemagne : union sacrée contre la guerre

En Allemagne, le front du refus court à travers tous les partis, tous les groupements politiques, unit radi­caux et modérés, pacifistes et bellicistes. Le front va de Franz Schöhuber à Heribert Prantl, de Horst Mah­ler à Jürgen Trittin, du Cardinal Lehmann au Général Schönbohm. Pourtant, les organes officiels de l'Etat ne répercutent qu'un très faible écho de ce qui se raconte partout dans le pays, dans le sauna, entre qua­tre yeux. Les préparatifs de guerre des Américains et la rhétorique belliciste de l'Administration Bush sus­ci­­tent la réprobation, l'horreur et le mépris. Sur ce sujet, pas d'illusions à se faire.

Le gouvernement fédéral allemand, fraîchement élu, qui, début février, devra présider le conseil de sécu­ri­té de l'ONU, en vertu de la procédure de rotation qui gère cette institution, se trouve face au Rubicon. Le Chancelier Schröder, dans la phase finale de sa campagne électorale, avait clairement promis, avec bel­le emphase, de se tenir à l'écart de toute guerre; il faut que cette promesse soit tenue, sans discussion inu­tile, car c'est ce qu'attendent les électeurs et les non votants, c'est ce qu'ordonne aussi la constitution. Au­cune entourloupette procédurière, aucune circonlocution alambiquée ne pourront contourner ces réa­li­tés: l'Allemagne ne peut pas, en vertu des clauses mêmes de sa constitution, mener une guerre d'a­gres­sion ou y participer. Ses obligations dans l'alliance se voient limitées par cette interdiction con­sti­tu­tion­nel­le.

Un concept de "guerre préventive" qui met hors jeu le droit des gens

La guerre que les Etats-Unis et la Grande-Bretagne entendent mener contre l'Irak est indubitablement une guer­re d'agression. Pas le moindre doute là-dessus! Pour être encore plus précis, il ne s'agit même pas d'u­ne guerre préventive, car l'Irak ne menace en rien les attaquants potentiels. Et quand bien même ce se­rait une guerre préventive, nous devrions nous poser la question suivante: quelle est la différence entre une "simple agression" et une "guerre préventive"? Y a-t-il vraiment une différence? Les choses sont pour­tant très simples aujourd'hui: la façon dont l'Administration Bush définit désormais les guerres préventives con­stitue en soi une agression. Le programme stratégique élaboré par le Pentagone, pour mener cette guer­re projetée, programme qui est désormais connu du grand public, met purement et simplement le droit des gens hors jeu et déforme les procédures classiques de la politique internationale et mésinter­prè­te les us et coutumes de la diplomatie traditionnelle, dans une mesure que l'on n'avait pas encore ima­gi­née jusqu'ici.

Le débat qui s'est ouvert dans ce contexte plane de fait bien au-dessus de son objet initial, la campagne mi­litaire envisagée contre l'Irak; le débat porte en effet sur la façon dont procède aujourd'hui l'Amérique à l'encontre du reste du monde; il porte sur les manières cavalières du Pentagone et de l'Administration Bush, sur la grossièreté avec laquelle ils traitent les faits et les preuves qu'avancent les autres. En règle gé­nérale, dans le monde entier, cette "diplomatie" américaine, telle qu'elle se pratique à l'avant-veille d'une guerre délibérément voulue, est considérée comme brutale et grossière, elle est ressentie comme bru­tale et stupide. Le monde semble avoir divorcé de l'Amérique.

Une nouvelle "Doctrine Brejnev"

«Tout cela me rappelle le temps ancien du soviétisme», a dit l'ancien président d'un pays d'Europe centra­le. «Le récent programme stratégique du Pentagone, d'après lequel les Etats-Unis réclament pour eux seuls le droit de mener des guerres préventives contre d'autres Etats, soit sous le prétexte d'éliminer des centrales du terrorisme soit pour tuer dans l'œuf des puissances potentielles et concurrentes, partout dans le monde, met le droit international totalement hors jeu. Il s'agit d'une sorte de nouvelle Doctrine Brejnev».

Comparer l'actuel programme du Pentagone avec la Doctrine Brejnev n'est pas une exagération, mais, au con­traire, une minimisation. L'ancienne Doctrine Brejnev, en dépit de son agressivité, maniait quand mê­me une rhétorique défensive. Seuls les "pays frères" étaient censés se voir envahir par les troupes soviéti­ques si le "socialisme" y était mis en danger. Le programme du Pentagone va plus loin: il étend le statut brej­nevien de "pays frère" au monde entier.

Tout Etat qui ne pratiquerait pas la démocratie à la façon dont l'entend Washington devient, virtuelle­ment, territoire à envahir. Par démocratie, dans ce contexte, il faut entendre un régime politique qui ne se construit pas un appareil de puissance qui pourrait devenir "dangereux" aux yeux de Washington, qui pourrait éventuellement remettre en question l'hégémonie américaine. Jamais dans l'histoire, on a osé for­mu­ler une doctrine d'impérialisme global aussi provocatrice, brutale et grossière.

La guerre imminente contre l'Irak servira de test et d'exemple. Il ne s'agit pas seulement de contrôler les champs pétrolifères du Proche-Orient et d'Asie centrale, il ne s'agit pas seulement d'imposer un nouvel or­dre politique et économique au monde arabo-musulman qui sied aux Etats-Unis et au capital financier oc­ci­dental, il s'agit en première instance de démontrer au monde entier la puissance militaire américaine, de monter comment fonctionnent les armes punitives qu'actionnent les militaires de Washington. Bush veut dire à tous les peuples du monde ceci: «Voyez, voilà ce qui arrivera dans le futur à tout pays qui se mon­trera récalcitrant au sens où l'entend la doctrine du Pentagone».

Le monde n'acceptera pas indéfiniment de vivre sous la curatelle des Etats-Unis

L'entreprise est cependant truffée de risques et condamnée à l'échec en ultime instance. Le terrorisme in­ter­national ne sera pas endigué, mais, selon l'avis de tous les observateurs sérieux, trouvera prétexte à se ré­pandre à grande échelle. Le monde connaîtra un grave déficit de sécurité et n'acceptera pas, sur le long ter­me, de se plier indéfiniment à la curatelle d'un seul Etat, d'une seule nation. L'époque des impéria­lis­mes (1789-1989) est terminée: à cela, même les rêves les plus délirants de toute-puissance, que caressent les stratèges du Pentagone, ne pourront rien changer.

Peu s'y attendent, mais l'heure de vérité est proche pour l'Europe. Ou bien elle deviendra un minable ap­­pen­dice des Etats-Unis, qui aura pour tâche de recoller les morceaux après les actes de guerre ("we bomb, you clean up" / "nous bombardons, vous nettoyez"). Ou bien elle se forge une identité propre, elle fait preuve d'unité et d'esprit de décision. Il n'y a pas de troisième terme possible.

Toutes les théories qui évoquent une "unité de l'Occident", qu'il faudrait à tout prix maintenir, fût-ce au prix d'une infériorité à jamais pérennisée, fût-ce au prix d'un rôle définitivement assigné, celui d'éternel domestique de la puissance hégémonique, sont des théories qui n'ont plus lieu d'être. Il n'y a pas d'unité oc­cidentale qui s'étende à tous les domaines de la vie, parce qu'au fond, un tel Occident n'existe pas. Ce qui existe concrètement, ce sont deux aires culturelles, certes apparentées entre elles, mais qui diver­gent fondamentalement sur le plan de leurs intérêts et de leurs traditions. D'une part, nous avons les E­tats-Unis d'Amérique et, de l'autre, l'Europe. Entre ces deux pôles, qui deviendront immanquablement an­ta­gonistes, il ne convient plus d'échanger des phrases pompeuses et solennelles. Chacun doit défendre ses in­térêts propres.

Günter ZEHM.

(article paru dans Junge Freiheit, n°3/2003 - http://www.jungefreiheit.de ).

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Affrontement sino-nippon

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Chine-Japon: l'affontement

Trouvé sur : http://www.radio86.fr/decouvrir-et-apprendre/chine-hebdo/...

Alors que pourtant l'interdépendance économique s'accroît entre les deux géants asiatiques, leurs relations n'ont cessé de se détériorer depuis 2004. Dans “Chine-Japon, l'affrontement” paru aux éditions Perrin, Valérie Niquet passe au peigne fin les relations entre les deux pays, aborde les sujets de tensions. Des tensions qui ont en réalité très peu avoir avec l'histoire mais tout, au contraire, avec le présent et même l'avenir.

Valérie Niquet est professeur au Collège interarmées de défense (CID- École militaire) où elle assure le cours de géopolitique de la Chine. Elle est japanologue, sinologue et dirige le centre ASie de l’IFRI.

Outre de nombreux articles sur des enjeux d’actualité, elle a traduit deux oeuvres majeures de la stratégie chinoise: “L’Art de la guerre”, de Sun Zi et le “Traité militaire”, de Sun Bin

Chine-Japon: des relations diplomatiques au plus bas
Depuis 2004, de nombreux évènements en Chine ont reflété le sentiment anti-nippon de plus en plus présent dans la société chinoise mais également entretenu par les autorités. Face à cette impopularité croissante, le Japon a brandi l'arme économique et a affirmé vouloir supprimer les programmes de développement accordés à la Chine à l'horizon 2008. Reflet de cette « hystérisation » des relations, aucune rencontre officielle n'a eu lieu depuis la visite de Junichiro Koizumi en 2001.

Le poids du passé
Officiellement, les griefs de Pékin envers Tokyo sont de nature essentiellement historiques. La question de la « révision des manuels » visant à présenter la guerre en Asie comme une guerre de libération contre les anciennes puissances coloniales et dans laquelle le massacre de Nankin est fortement édulcoré à provoqué de vives manifestations en Chine en avril 2005.L'autre sujet de contentieux, le plus connu, est l'affaire du sanctuaire Yasukuni, où reposent 14 criminels de guerre de classe A.
Pékin considère alors que le Japon ne souhaite pas « expier la faute de la seconde guerre mondiale ». Mais pourtant, le gouvernement japonais a déjà présenté des excuses, notamment en 1995, à l'occasion du 50e anniversaire de la fin de la seconde guerre mondiale dans le Pacifique. Pékin utilise notamment l'argument historique pour justifier son opposition à la candidature du Japon qui souhaite devenir membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU.

Les sujets de discorde
Valérie Niquet s'intéresse à un nouveau terrain possible d'affrontement, la question énergétique, qui vient exacerber les tensions entre la Chine et le Japon. Si les besoins et la dépendance énergétiques de la Chine augmentent beaucoup, le Japon demeure tout aussi dépendant de l'extérieur. Tokyo et Pékin se trouvent alors en concurrence sur le marché russe mais aussi en Iran ou en Arabie Saoudite, partenaire traditionnels du Japon, où Pékin ne cesse pourtant d'avancer ses pions. Malgré ses nombreux sujets de discorde, les relations économiques entre les deux pays sont « florissantes » comme en témoigne le montant des échanges qui ont atteint 189 milliards de dollars en 2005, contre seulement 120 milliards en 2003 et… un milliard lors du rétablissement des relations diplomatiques en 1972. La Chine et le Japon sont les premiers clients l'un de l'autre. Mais pourtant le facteur économique n'apaise en rien les relations sino-japonaises.
Derrière cette « guerre froide qui ne dit pas son nom », c'est la question de la concurrence des modèles chinois et japonais en Asie qui est en jeu.

Enfin Valérie Niquet examine les scénarios probables des rapports entre Tokyo et Pékin.
Titre: Chine-Japon, l’affrontement

Auteur: Valérie Niquet

Paru le:24 août 206

Editeur:Librairie Académique Perrin

Prix éditeur:18,50 euros


Auteur: Marion Zipfel

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lundi, 14 mai 2007

Lord Curzon et l'Arabie

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Les Archives de SYNERGIES EUROPÉENNES :

Lord Curzon et l'Arabie

Extrait de l'ouvrage d'Albrecht Wirth, Weltgeschichte der Gegenwart (1879-1924), 5. Umgearbeitete und vermehrte Auflage, Georg Westermann, Braunschweig/Hamburg, 1924. Trad. franç.: Robert Steuckers.

Lord Curzon s'est présenté en novembre 1903 sur les rives du Golfe Persique. Il a aussitôt déclaré que le Golfe était une mare clausum, une mer intérieure britannique. Telle a été la situation depuis 1842 et il faut, prétendait-il, que cela reste ainsi à l'avenir. Lord Curzon fut le principal héraut d'une politique de puissance. Vice-roi des Indes, époux d'une riche Américaine, il exerçait une influence considérable. Il entendait agrandir l'Empire britannique des Indes dans toutes les directions. Il venait, en novembre 1903, de commencer la campagne militaire au Tibet, dont il était l'inspirateur.

Lord Curzon cultivait l'intention d'englober tout le Sud de l'Iran, de même que la région du Chatt El Arab dans la sphère d'influence anglaise. La "politique d'aller de l'avant", dont Lord Curzon était l'un des représentants les plus zélés, se montrait de plus en plus agressive, surtout depuis qu'avait commencé la Guerre des Boers. Pourtant, cette politique ne manquait pas d'adversaires dans la métropole anglaise elle-même. Notamment, Sir Henry Cotton, principal fonctionnaire de l'Empire britannique dans l'Assam, contestait sans ambages l'invasion du Tibet. L'attaque anglaise, affirmait-il, constituait une monstruosité et une entorse au droit des gens. Les contestations émises par ceux que l'on appelait les "Little Englanders", et dont le nombre diminuait sans cesse, n'avaient plus aucune signification. C'est la politique préconisée par Curzon qui a fini par triompher. A quel moment la Grande-Bretagne avait-elle donc tenu compte du droit des gens?

En Arabie, l'Angleterre visait trois objectifs : assurer le transit maritime en direction de l'Inde et de l'Extrême-Orient, couper la ligne que comptait établir la politique allemande des chemins de fer devant déboucher au terminus koweitien, dominer tous les chemins menant à Médine et à La Mecque, sinon mettre la main sur ces deux lieux saints de l'Islam. Ce n'était pas tant le sol de l'Arabie qui suscitait la frénésie acquisitive des Britanniques, mais plus simplement sa valeur stratégique et son importance religieuse. Toutefois, le sol de plusieurs régions de cet ensemble n'était pas dépourvu d'intérêt. Un major anglais décrit le paysage alpin de l'Hadramaout, où les sommets atteignent des hauteurs de 2500 à 3000 m, comme une sorte de Suisse méridionale, bien plus vaste que la Confédération Helvétique, au climat sain et, par endroits, très fertile. Sur la côte, toutefois, la vie est insupportable, ajoutait-il. Aden est un four, Djidda (Jedda) est un purgatoire, Mascate est l'enfer. Déjà presque toutes les îles de la Mer Rouge, de même que le petit archipel de Bahrein, dans le Golfe Persique, étaient tombés sous administration anglaise. Sur le continent, Aden appartenait aux Anglais; les princes locaux de l'Hadramaout et l'Imam de Mascate se trouvaient sous leur suzeraineté. Ils ont ensuite tenté de s'implanter au Koweit, terminus potentiel des chemins de fer proche-orientaux construits par les Allemands, afin de gêner l'exploitation de ceux-ci. Enfin, ils tenaient entre leurs mains toute la navigation intérieure dans les bras de mer s'enfonçant dans le territoire persan, de même que toute la navigation fluviale sur le Tigre et l'Euphrate. Autre atout important; la majeure partie de l'Afrique du Nord-Est leur appartenait.

De cette façon, les Britanniques installaient un anneau infranchissable autour de l'Arabie, au Sud, à l'Est et au Nord-Est. Pour fermer l'anneau complètement, il leur fallait encore établir une ligne menaçante partant du Golfe Persique pour aboutir à la Mer Rouge ou à la Méditerranée. Soucieux après avoir entendu évoquer pareils projets, le Sultan conçut le plan de faire tracer une ligne de chemin de fer de Damas à La Mecque. C'est effectivement pour la domination de La Mecque que le combat principal se déclenchera. Le Padicha était considéré comme le chef suprême de tous les croyants. Il estimait essentiel, à ce titre, que La Mecque demeurât en sa possession. Face à cette revendication, les Anglais prétendaient dominer des espaces où vivaient environ 100 millions de Musulmans. Raison pour laquelle l'Angleterre souhaitait prendre La Mecque en sa possession et confisquer ainsi au Sultan turc, tenant du titre de Calife, son fer de lance.

(Albrecht WIRTH, Weltgeschichte der Gegenwart, 1924, pp. 237-238).


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lundi, 07 mai 2007

Qui est Abdullah Gül?

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Qui est Abdullah Gül ?

Jusqu’aux péripéties les plus récentes de la politique turque, il semblait bien que le onzième président de la République allait être Abdullah Gül. Au troisième tour de l’élection présidentielle, prévu pour le 9 mai 2007, les voix du parti au pouvoir actuellement, l’AKP islamique, suffiraient amplement à le porter à la plus haute fonction de l’Etat turc. Pourtant, toutes les options sont à nouveau ouvertes : d’abord, l’opposition nationaliste de gauche, portée par le parti CHP, a fait appel au tribunal constitutionnel ; ensuite, l’état-major général de l’armée turque a agité l’épouvantail d’une « islamisation de la Turquie » et s’est ainsi opposé indirectement à l’élection de Gül. Sans ménagement, les cadres laïques de l’armée ont fait savoir urbi et orbi qu’ils n’assisteraient pas sans réagir à la liquidation de l’héritage de Mustafa Kemal Atatürk et que, le cas échéant, ils organiseraient un putsch.

Malgré cette levée de boucliers, Gül apparaissait comme le candidat du consensus. Dans ses fonctions de ministre des affaires étrangères, cet homme de 56 ans s’était abstenu de toute intervention dans les affaires intérieures du pays. Il a négocié des dossiers que l’on pourrait juger contradictoires : rapprocher la Turquie de l’UE, d’une part, améliorer les relations entre son pays, l’Iran et la Syrie, d’autre part. Tous les hommes politiques européens qui ont eu affaire à lui apprécient les qualités diplomatiques de Gül et sa capacité à cerner clairement les projets réalisables ; c’est un homme, disent-ils, qui ne considère pas les compromis, qu’il est amené à accepter, comme des défaites.

A l’instar de tous les membres de sa famille, il est cependant soucieux de respecter les préceptes de sa religion. Sa femme, Hayrünissa, porte le voile islamique avec ostentation. Le père de Gül avait déjà, en son temps, milité dans un parti à connotations islamisantes. Abdullah Gül, à l’âge de 19 ans, collait des affiches pour le parti islamique de l’époque et s’activait au sein d’une association étudiante nationaliste et islamiste. Plus tard, il est allé travailler en Arabie Saoudite, le pays sunnite le plus farouchement fondamentaliste du monde musulman. Pourtant, Gül, dans ses fonctions de ministre des affaires étrangères, n’a jamais cherché la confrontation avec les généraux kémalistes de Turquie, préférant jouer les médiateurs dans la querelle récurrente sur la séparation de la religion et de la politique.

Gül est issu de milieux modestes. Né le 29 octobre 1950 à Kayseri, en plein centre de l’Anatolie, il est le fils d’un petit artisan. La date de son anniversaire est symbolique : c’est aussi celle où Atatürk proclama, jadis, la République en Turquie. Il a étudié l’économie politique à Istanbul d’abord, à Exeter et à Londres en Angleterre ensuite. Il a obtenu finalement son diplôme à l’Université de Sakarya, où il a enseigné par la suite. En 1983, il s’installe à Djedda en Arabie Saoudite, où il travaille pour la « Banque Islamique du Développement ». Gül parle donc couramment l’anglais et l’arabe.

En 1991, Necmettin Erbakan l’appelle et il quitte l’Arabie Saoudite. Gül gagne un mandat dans sa ville natale de Kayseri pour le parti d’Erbakan, le RP, le « parti du bien-être islamique » ou, en abrégé, le « Refah ». Deux ans plus tard, Gül devient le vice-président du RP. Mais Erbakan, trop dogmatique, n’a pas pu retenir longtemps Gül et son ami Recep Tayyip Erdogan dans le parti. En août 2001, les deux hommes fondent l’AKP qui n’est plus qualifiable d’ « islamiste » au sens habituel du terme mais de « démocrate-islamique ». Après leur victoire électorale, Erdogan, sous le coup d’une interdiction encore en vigueur de se livrer à toutes activités politiques, n’a pu immédiatement exercer le mandat de chef de gouvernement. Pendant six mois, Gül l’a remplacé. Aux Européens, sceptiques, Gül déclarait que le gouvernement AKP et son programme de réformes choqueraient « légèrement » l’UE. Aujourd’hui, le choc qui frappe les Eurocrates est d’une toute autre nature et vient de milieux bien différents : c’est le risque d’un putsch militaire.

Günther DESCHNER.

(article paru dans « Junge Freiheit », n°19/2007).

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Situation politique en Turquie

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Bernhard TOMASCHITZ :

Situation politique actuelle en Turquie : querelle sur la présidence, menace sur le Kurdistan irakien

« Va-t-il accéder à la Présidence ou non ? ». Telle est la question que se posaient les Turcs quant au Premier ministre Recep Tayyip Erdogan. Avait-il l’intention de remplacer l’actuel Président Ahmet Necdet Sezer ? Depuis fin avril, les choses sont claires : ce sera le Ministre des Affaires Etrangères, Abdullah Gül, qui se portera candidat de l’AKP à la Présidence. La perspective est donc la suivante : le 16 mai prochain, le nouveau Président prêtera serment pour accéder de facto à la plus haute fonction de l’Etat turc ; ce Président sera-t-il un « islamiste » ? Pour la plupart des Turcs, cette prestation de serment risque bien de déclencher la pire crise politique depuis la fondation de la république laïque de 1923.

Dans les semaines qui viennent de s’écouler, nous avons assisté à une succession ininterrompue de manifestations contre la candidature d’Erdogan. Sur la Place Tandogan à Ankara, au pied du mausolée dédié à Mustafa Kemal Atatürk, le fondateur de la République, une foule immense de plus de 300.000 personnes s’est rassemblée. Sur une banderole agitée par des manifestants, on pouvait lire : « Demain, il sera trop tard ». Et sur une autre : « Respect pour la religion mais NON à l’islamisme ». Les simples citoyens turcs qui composaient cette masse impressionnante ne sont pas les seuls à s’inquiéter : avec eux, le Président sortant Sezer et le chef suprême des armées turques, Yasar Büyükanit, voient d’un mauvais œil la perspective qui se dessine. En effet, le parti au pouvoir d’Erdogan, soit le « Parti de la Justice et du Développement », est prêt à s’emparer des postes les plus importants de la République. Sezer a déclaré dans son discours d’adieu dans les locaux de l’Académie militaire : « Jamais auparavant l’ordre politique de la Turquie n’a couru un danger aussi grave qu’aujourd’hui ». Et il précisait, sur un ton mobilisateur : « Parce que les principes de la République sont ouvertement remis en question, tous les citoyens doivent prendre le parti de l’idéologie de l’Etat ». Ce discours s’adresse tant à Erdogan qu’à Gül. En effet, l’épouse de ce dernier, qui prendra la place de Président que l’on avait d’abord voulu attribuer à Erdogan, fait partie du groupe d’une centaine de citoyennes turques qui naguère avaient tenté en vain de faire abroger par la Cour Européenne des Droits de l’Homme l’interdiction de porter le voile dans les bâtiments officiels.

Bruits de putsch

Le chef de l’état-major Büyükanit est un ennemi déclaré des islamistes. Avec un langage dépourvu de toute ambiguïté, il a déclaré que l’Armée attendait l’élection d’un Président « pour qui les principes de la République ne sont pas de simples idées désincarnées et non suivies d’effets, mais des principes qu’il devra s’engager à défendre par des actes ». Entre-temps, les bruits de putsch circulent à Ankara. Dans le passé, l’Armée s’est emparé trois fois du pouvoir par la force (la dernière fois, c’était en 1980), parce qu’elle se pose comme la gardienne de l’héritage d’Atatürk et parce qu’elle entendait mettre un terme aux crises politiques. Dans un tel contexte, bien des émois ont été suscités ces dernières semaines par la publication d’extraits du journal personnel d’un ancien général, où celui-ci évoque des plans de putsch contre le gouvernement d’Erdogan, plans ourdis dès 2004, au moment où le premier gouvernement de l’AKP s’apprêtait à exercer le pouvoir après avoir gagné les élections haut la main. Or ce général est actuellement le président de l’association qui vient d’organiser les gigantesques manifestations d’Ankara contre Erdogan !

La politique islamisante d’Erdogan  -on prétend que le « Département des affaires religieuses » est noyauté par les islamistes-  a surchauffé le climat politique du pays, comme on s’en est aperçu il y a une bonne dizaine de jours, lors d’une attaque sauvage contre une maison d’édition publiant des Bibles à Malatya, une ville au Sud-Est de la Turquie. Trois personnes y ont été assassinées de la manière la plus bestiale. Les assassins leur ont tranché la gorge. Parmi les victimes, un citoyen allemand. Dix jeunes hommes, âgés de 19 à 20 ans, ont été arrêtés pour avoir commis cet acte barbare. Ils ont avoué n’avoir pas commis ces assassinats « pour eux, mais pour leur foi ». Ces assassinats, précisaient-ils, « devaient servir de leçon aux ennemis de notre religion ».

Le bain de sang de Malatya a suscité un grand émoi médiatique en Europe. En Turquie, après décision du gouvernement, on a étouffé l’affaire, qui dé montre pourtant à l’évidence la persécution des chrétiens en Turquie. Et il y a d’autres indices : les sbires d’Erdogan ont finalement refusé qu’une croix soit installée sur la coupole de la cathédrale arménienne de la Sainte-Croix d’Akhmatar, récemment restaurée sur une île située au milieu du Lac de Van, à l’Est du pays. Motif : l’Eglise a été restaurée parce qu’elle est un monument culturel mais ne doit pas servir de lieu de culte ; par conséquent, disent les tenants de l’AKP, le symbole de la religion chrétienne ne peut y figurer.

Les Kurdes et le référendum sur Kirkuk

La minorité chrétienne ne compte plus qu’une petite centaine de milliers d’âmes en Turquie et ne crée guère de soucis aux officiels turcs. En revanche, les Kurdes musulmans, qui forment environ le quart des 72 millions d’habitants du pays, créent beaucoup de problèmes. Nous sommes au printemps, les neiges des montagnes fondent et les combattants du PKK, le « Parti des Travailleurs Kurdes », reprennent leurs activités. Lors de l’offensive de ce printemps, déclenchée par l’armée turque contre les rebelles kurdes, des dizaines de personnes ont d’ores et déjà trouvé la mort. L’armée turque est surtout agacée parce que les rebelles du PKK s’infiltrent en territoire turc au départ de leurs bases de repli, dans le Kurdistan irakien. Cette situation nouvelle, depuis la guerre en Irak, envenime évidemment ce vieux conflit civil et frontalier ; c’est la raison officielle pour laquelle le ton monte, plus sérieusement que jamais, entre Ankara et les Kurdes d’Irak. La Turquie essaie par tous les moyens d’empêcher l’annexion de la ville de Kirkuk à la zone kurde de l’Irak fédéralisé, annexion que devrait sanctionner le référendum prévu cette année dans la région. Si le référendum s’avère favorable au gouvernement de la région autonome kurde du nouvel Irak, ce qui est parfaitement prévisible, les conditions seraient créées, ipso facto, pour que s’institue un Etat kurde économiquement viable dans les confins septentrionaux de l’Irak. Immanquablement, la consolidation du Kurdistan autonome du nouvel Irak fédéralisé aurait des effets « boosteurs » sur les Kurdes de Turquie. Les territoires autour de Kirkuk regorgent effectivement de pétrole.

Büyükanit veut passer à l’offensive

Büyükanit, chef de l’état-major général des armées turques, ne cesse plus de demander au gouvernement et au parlement un mandat lui permettant de faire entrer ses troupes en Irak septentrional : l’intervention, précise-t-il, est nécessaire sur le plan militaire. D’après certaines dépêches, des unités spéciales de l’armée turque ont déjà pénétré jusqu’à 40 km à l’intérieur du territoire irakien. Le long de la frontière, de nouvelles troupes auraient été massées. Le « Conseil National de Sécurité », à Ankara, menace l’Irak de « mesures politiques, économiques et autres » si les autorités de Bagdad ne mettent pas fin aux activités des bandes du PKK qui opèrent à partir des régions du nord de l’Irak. En fomentant ouvertement des plans pour une guerre offensive contre son voisin, Ankara se réclame du droit international qui, y prétend-on, autoriserait les manœuvres de franchissement de frontières pour mettre un terme à des activités terroristes ; vu que le PKK est considéré comme « terroriste », l’armée turque interviendrait de plein droit sur le territoire irakien. Ankara et ses généraux ont donc choisi le sentier de la guerre, ce que pense également l’observateur Sedat Laciner, directeur d’un centre de réflexion politique dans la capitale turque : « La Turquie ne bluffe pas. Nous nous acheminons pas à pas vers une invasion militaire du Nord de l’Irak ».

Massoud Barzani, chef des Kurdes d’Irak, ne s’est nullement laissé impressionner par les menaces turques. Dans un entretien accordé à la télévision, il a annoncé qu’en cas d’intervention turque, les Kurdes, eux, « interviendraient à Diyarbakir et dans d’autres villes turques à forte population kurde ». L’ « intervention », annoncée dans la menace de Barzani, aurait donc pour résultat de créer de terribles désordres dans le Kurdistan turc. Erdogan a répliqué et a menacé à son tour les Kurdes d’Irak, en affirmant qu’ils paieraient « un prix très fort » et que le système de Barzani « s’écroulerait ».

Washington face à un dilemme

Les Etats-Unis menacent de s’interposer dans le conflit qui se dessine à l’horizon. Pour eux, c’est véritablement un dilemme : d’une part, la Turquie, membre de l’OTAN, est un de leurs principaux alliés dans la région ; d’autre part, les Kurdes sont leurs seuls alliés fiables en Irak. Un affrontement turco-kurde dans les régions du Nord de l’Irak, qui sont restées relativement tranquilles jusqu’ici, ruinerait définitivement la politique irakienne du gouvernement Bush, en la conduisant tout droit au désastre.

L’attitude de la Turquie   -qui, ne l’oublions pas, avait refusé, lors des préparatifs américains pour l’invasion de l’Irak, de prêter son territoire afin qu’il serve de base d’attaque aux troupes américaines-   prouve qu’Ankara et ses généraux privilégient, de manière absolue, les intérêts propres de leur pays et subordonnent à ceux-ci tous les principes de fidélité à leurs alliés du Pacte atlantique. Un exemple à méditer, avec toute la sérénité voulue : pour nous, Européens, c’est une attitude positive d’intransigeance nationale que nous devrions, nous aussi, adopter vis-à-vis de la relique de la Guerre Froide qu’est l’OTAN ; mais, en cas d’adhésion de la Turquie à l’UE, c’est une attitude qui ne laisse rien augurer de bon quant à la fidélité sur le long terme d’Ankara à l’égard de l’idée européenne.

Bernhard TOMASCHITZ.

(Article tiré de « Zur Zeit », n°17/2007 ; trad. franç. : R. Steuckers).

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vendredi, 04 mai 2007

Islam/Amerika: vrienden of vijanden?

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De islam en Amerika... vrienden of vijanden?

Gevonden op: http://www.vonk.org/CallReadOnly.asp?artikelID=1320&s...

De blinde woede waarmee de imperialistische agressie losbarstte na 11 september 2001 is niets nieuws en ook niet de laatste in zijn soort. Zolang de crisis van het kapitalisme blijft bestaan, zal deze afgrijselijke kruistocht aanhouden in verschillende gedaanten en in verschillende delen van de wereld. Dit gaat gepaard met een ideologisch verval en achteruitgang van menselijke waarden.

De kleurrijke verpakking en analyse waarmee deze imperialistische agressie wordt voorgesteld is niet alleen totaal misleidend, maar ook uiterst fout. Twee vooraanstaande imperialistische ‘intellectuelen’ hebben geprobeerd de vernieuwde imperialistische agressie van een ideologische basis te voorzien. Een van hen is Francis Fukuyama en de andere heet Samuel P. Huntington. Beiden werkten vroeger voor het Amerikaanse ministerie van Buitenlandse Zaken. Na de terugtrekking van het Sovjetleger uit Afghanistan in 1989 gaf Francis Fukuyama zijn schandelijke thesis ‘The End of History’ (Het einde van de geschiedenis) uit in boekvorm.

Huntington, die adviseur is geweest voor het Amerikaanse Vietnambeleid onder president Johnson en later directeur werd van het instituut voor strategische studies aan de Harvard-universiteit, bracht in de zomer van 1993 zijn essay ‘The Clash of Civilizations’ (Botsende beschavingen) naar buiten in het magazine Foreign Affairs. Blijkbaar werd dit essay geschreven in de vorm van een polemiek met Fukuyama’s stelling ‘The End of History’. Als we Huntingtons stelling echter van dichtbij bekijken, zien we dat de doelstellingen van deze stelling dezelfde zijn als bij de stelling van Fukuyama, namelijk het rechtvaardigen van de agressieve dominantie van het Amerikaanse imperialisme.

Maar door de gebeurtenissen sinds 2001 kreeg Huntingtons thesis over botsende beschavingen meer bijval. Niet enkel het Amerikaanse imperialisme maakte er gebruik van, maar ook islamitische fundamentalisten profiteerden er volop van. Huntington argumenteert tegen Fukuyama’s thesis dat “hoewel de val van het communisme een eind maakte aan de ideologische tegenstellingen, dat niet het einde van de geschiedenis betekent. In plaats van politiek en economie zal nu cultuur heersen op aarde en ze blijven verdelen.”

Botsende beschavingen

De culturen die Huntington in zijn thesis ‘The Clash Of Civilizations’ aanhaalt zijn: westerse beschaving, confucianisme (zowel Chinees als Japans), islamitische, hindoe, Slavisch-orthodoxe (Russisch), Latijns-Amerikaanse beschavingen en waarschijnlijk Afrikaanse beschaving. In het geval van Afrika heeft hij ‘waarschijnlijk’ als bijvoeglijk naamwoord gebruikt omdat hij niet gelooft dat Afrikanen beschaafde menselijke wezens zijn! Hij beweert dat religie het symbool van de sociale waarde van deze samenlevingen is. Huntington argumenteert dat “religie de centrale kracht is die de mensen behendig en actief houdt”. Volgens hem is de centrale tegenstelling die van “het Westen tegen de rest”. Hieruit concludeert hij dat het Westen, “in werkelijkheid Amerika”, klaar moet staan om de beschavingen waarmee ze oog in oog komen te staan, met militaire onderdrukking te verbrijzelen. Hij zegt ook dat de gevaarlijkste beschavingen de islam en het confucianisme zijn (dat is dus olie en Chinese export). Hij sluit zijn thesis af met de woorden: “De wereld is niet één geheel. Beschavingen verenigen mensen en verdelen ze. Bloed en geloof zijn de basis waardoor mensen herkend worden en voor die dingen zullen ze vechten en sterven.”

Deze ideeën en analyses zijn niet enkel een krachtbron voor het agressieve beleid van de Amerikaanse heersers, maar zijn ook een bron van vermaak voor fundamentalisten en reactionaire politici en generaals. Beide ‘strijdende’ fracties willen ze ten volle benutten. De vernieling en miserie die hieruit voortkomt, maakt echter slachtoffers van miljarden werkende en onder de knoet gehouden mensen.

Aan de andere kant was Francis Fukuyama woedend op degenen die hem bekritiseerden omdat ze uit zijn thesis concludeerden dat hij de mogelijkheid van botsingen voor altijd uitsloot. Hij zei dat wie hem bekritiseerde niet eens in staat was zijn filosofie te begrijpen, die hij geleend had van Hegel. Hij publiceerde zijn werkelijke doelstellingen in de vorm van een brief. Op 12 september 2001 schreef hij samen met andere intellectuelen zoals William Crystal, Jean Kirkpatrick, Richard Pearl, Martin Prayers, Norman Podorize en wat andere verdedigers van de imperialistische cultuur een ‘open brief’ aan Bush.

In de brief “werd er op aangedrongen dat Osama Bin Laden moet worden gearresteerd of vermoord”. De brief waarschuwde president Bush dat hij Irak moest bezetten en Saddam Hoessein omverwerpen en dit niet doen zou “een snelle en beslissende nederlaag en overgave aan het wereldwijde terrorisme” tot gevolg hebben. Dit was nodig zelfs indien er geen bewijs van Irakese betrokkenheid bij de aanval van 9/11 gevonden zou worden. Deze open brief, geschreven door de professor van ‘The End of History’, is een blijk van de uiterste intellectuele ontaarding van de burgerlijke denkers en intellectuelen, die gepaard gaat met het economisch en sociaal verval van het imperialisme.

Grond van de islamitische heropleving

Als we de geschiedenis analyseren, merken we op dat er geen volledige harmonie bestaat tussen de beschavingen die opgroeiden in de wieg van de drie belangrijkste monotheïstische religies. Ondanks de verschillen die er onder hen bestonden, hadden ze een dominante invloed op de wereld in die bepaalde periode. Door de eeuwen heen kwam er verandering en de beschavingen veranderden verder hun ontwikkelingspatronen. Het is tragisch en tekenend voor de huidige periode dat geen enkele grote politieke partij zelfs maar het idee naar voren brengt van een radicale verandering of een sociale transformatie.

Het resultaat is een oppervlakkige stilte van hopeloosheid, radeloosheid, desillusie en een neiging om de realiteit te ontlopen. In zo’n atmosfeer groeien en vermenigvuldigen de bacteriën zich die achterlijkheid en irrationaliteit verspreiden. Gedurende de laatste vijftig jaar vinden we neigingen van religieuze heropleving met economische en politiek doelstellingen. De belangrijkste redenen van deze heropleving zijn de volgende.

Er heeft zich een ontaarding voorgedaan van de zogenaamde linkse partijen en hun leiders als gevolg van de ineenstorting van de Sovjetunie en het verraad van de traditionele massapartijen en de vakbondsleiding. De groeiende sociale en economische kloof in de maatschappij en de toenemende economische crisis hebben samen met het ontbreken van een duidelijke uitweg aan de politieke horizon geleid tot een toename van de politieke crisis, die onvermijdelijk extremisme en terreur voortbrengt. Het is een reactionaire poging licht te vinden in de tombes van het verleden uit angst en desillusie in de toekomst.

De grootschalige migratie van mensen uit dorpen naar steden heeft de crisis verergerd. De onzekerheid, miserie en bitterheid van het leven in de getto’s en sloppenwijken doen frustratie en radeloosheid ontstaan. De geestelijke teloorgang en de daaruit voortkomende misdaadgolf ontstaan door uitsluiting en het contrast tussen het miserabele leven van de jongeren uit de lagere en middenklassen en die van de geprivilegieerde klassen. De religieuze partijen betrekken jongeren in deze misdaden vanwege de politieke bescherming. Door gebrek aan enige uitweg uit deze miserie en gewetenswroeging over hun misdaden verdwalen zovele jonge mensen in religieus mysticisme als een vlucht in de vergetelheid.

Een andere belangrijke factor waarom deze religieuze partijen tot de verbeelding van deze achtergebleven lagen van jongeren en de gewone mensen spreken was de extreme haat tegen de immense corruptie, ijdelheid, arrogantie en een vernederende houding van de traditionele burgerlijk-liberale politici. Ondertussen prediken de religieuze politici hypocriet over sociale rechtvaardigheid, het einde van de corruptie, culturele zuiverheid en vroomheid. De propaganda over het einde van het communisme en het historisch verval van het nationalisme maakten dogmatisme en islamisme vrij aantrekkelijk.

De ouders van de tienduizenden kinderen die verstikt worden in de religieuze scholen in verschillende islamitische landen, konden het zich niet veroorloven hun kinderen te laten opgroeien. Deze kinderen hadden maar twee keuzes voor hun toekomst: aan de ene kant konden ze aas voor de kinderarbeidsmarkt worden, anderzijds konden ze in de gevangenschap van deze religieuze scholen (madrassas) gestuurd worden waar ze tenminste wat kruimels en onderdak konden krijgen. In deze scholen heerst een regime van aanhoudende onderdrukking, foltering, intimidatie, seksueel geweld en theocratische indoctrinatie.

Het onderwijs is eentonig en gebaseerd op metafysische zedenpreken. Dit leidt tot fanatisme, groepshaat, achterlijkheid en terroristische tendensen. In deze scholen in Pakistan bijvoorbeeld staat het onderwezen Urdu-alfabet symbool voor hun reactionaire denken. Zo staat ‘Jeem’ (J) voor Jihad; ‘Tay’ (T) voor ‘Tope’ (kanon); ‘Kaf’ (Q) voor ‘Kalashnikov’ en ‘Khay’ (K) voor ‘Khoon’ (bloed’).

In een later stadium wordt hun verstand ondergedompeld in de duisternis van oorlogen, mythes, gewoonten en waarden uit voor-Middeleeuwse tijden door hen de geschiedenis van een ver verleden aan te leren. Zulke in het verleden verzonken geesten kunnen in deze moderne tijd eindigen in wat we de laatste tientallen jaren meemaakten in de vorm van het virulente islamitisch fundamentalisme, de hysterie die een uitgestrekte generatie jongeren van moslimachtergrond heeft kapotgemaakt. Het terrorisme, de barbaarsheid en het bloedvergieten veroorzaakt door dit fanatisme zijn het product van een gestagneerde samenleving en een rottend systeem.

Fundamentalistisch geloof in het kapitalisme

Een ander belangrijk element dat een bron is geworden van financiële en sociale steun aan religieus fundamentalisme is de globalisering en de verpletterende dominantie van de imperialistische monopolies die de belangen van de lokale industriëlen, handelaars, zakenmannen en drugbaronnen op de tocht zetten.

In Iran geloven de beide fracties van de mullahs in het kapitalisme. De sterkte van de Iraanse mullahs was en is gebaseerd op de ‘bazaris’ (handelaars en zakenmannen). Zelfs vandaag weerspiegelen de tijdelijke tegenstellingen die ontstaan zijn tussen de zogenaamde liberale fractie van Khatami en de conservatieve fractie van Khamenei de botsing van deze belangen. De fractie van Khamenei wordt gedomineerd door de lokale Iraanse kapitalisten en de ‘bazaris’ die de Iraanse economie niet willen openstellen voor de grote monopolies. Maar de Iraanse economie, gebaseerd op dit ‘nationaal kapitalisme’, verkeert in crisis. En vanwege de groeiende sociale, politieke en internationale druk wil Khatami het monopoliekapitalisme Iran laten betreden. Aangezien Khatami de zogenaamde liberale fractie van de Iraanse kapitalisten vertegenwoordigt, wil hij dit recept proberen. Nochtans heeft van Rusland tot Chili, wie ook probeerde de economische crisis op te lossen door investeringen van kapitalistische aasgiermonopolies, vernieling en miserie gebracht. Beide methoden om het kapitalisme in stand te houden zijn er niet in geslaagd enige positieve rol te spelen in het wegnemen van armoede of in de sociale ontwikkeling.

Ook in Pakistan komt de grootste steun voor de religieuze partijen van de drugbaronnen, kapitalisten, zakenmannen en de middenstand. De steun die de Jamat-e-Islami en andere religieuze partijen krijgen van deze klassen dient voor de verdediging van hun gevestigde belangen ten opzichte van andere delen van het nationale en internationale kapitaal.

Om van deze angst af te komen krijgen ‘de nationale gedachte en emoties’ die in hen tot ontwikkeling komen, een islamitische bijsmaak. De islamitische fundamentalisten hebben de laatste drie decennia even goed gebruik gemaakt van criminele methoden, waaronder drugsmokkel, om hun buit te vergroten. Gedurende de jaren ‘80 sponsorde en moedigde Amerika deze handel aan om de Afghaanse Jihad te financieren. Met deze handel hebben drugbaronnen miljarden verdiend. Het budget van de meeste leiders van deze islamitische partijen, de onkosten voor hun personeel en instituten, inclusief hun religieuze scholen, komen bijna volledig uit dit zwart kapitaal.

In de clandestiene video’s van Osama Bin Laden, die wijd verspreid worden in de islamitische landen, benadrukt hij dat de olie het gezamenlijke bezit is van de Moslim Ummah (Natie). Hij eist dat de olie zou worden geprivatiseerd en overhandigd aan kleine regionale kapitalisten. Het diep ingebakken psychologisch concept van en de toewijding aan het privaat eigendom komt kristalhelder tot uiting in de geschriften en preken van fundamentalistische ideologen en fanatiekelingen zoals Abul-ala-Moudoodi en Osama Bin Laden.

De realiteit is dat de economische en financiële basis van alle religieuze staten, of het nu Israël, Pakistan, Iran, Saoedi-Arabië of het Afghanistan van de vroegere Taliban is, van kapitalistische aard is. Daarom is het verschil tussen de westerse en oosterse beschaving kunstmatig en van secundair belang. Veelal zijn het de sociale, culturele en traditionele verschillen die de kop opsteken ten gevolge van verschillende fases en gradaties van historische evolutie waarin deze samenlevingen zijn verwikkeld.

Deze heersers en hun agenten zijn gedwongen te volgen en dit systeem te aanvaarden – in welke vorm het ook tot uiting komt – omdat het islamitische economische systeem dat ze welbespraakt prediken niet samengaat met de huidige economie en primitiever is dan kapitalisme. In werkelijkheid zijn ze de meest vurige verdedigers van het kapitalisme. Hun eigen politieke en sociale bestaan steunt op het financiekapitaal. Dat is de reden waarom hun verschillen en overeenkomsten, vriendschap en vijandschap, zo kunstmatig, tijdelijk en hypocriet zijn.Vandaar dat imperialisten en fundamentalisten voortdurend hun loyaliteiten en relaties veranderen in overeenstemming met hun veranderende belangen en voorkeuren. Dat is de reden waarom ze op een gegeven moment vrienden zijn en op een ander weer vijanden.

De zwarte economie is een kanker in de zogenaamde formele economie en is in grote mate een deel van het kapitalistisch systeem zoals een tumor deel uitmaakt van een menselijk lichaam. De toename van de zwarte economie en religieus fundamentalisme zijn de kwaadaardige uitdrukkingen van de intense economische, sociale en politieke crisis van dit voorbijgestreefde systeem. Historisch afgewezen economische systemen worden echter in hun meest ontwikkelde vormen de prooi van sociale verstikking, sociale crisis en teruggang. Net zoals er fundamentalisme bestaat in islamitische landen is er in Amerika geen schaarste aan christelijk fundamentalisme. Negentig procent van de Amerikaanse bevolking belijdt regelmatig zijn religieuze overtuiging en gelooft in God. Zestig procent gelooft in engelen. In Amerika zijn meer gelovigen dan in heel Europa. De christelijke fundamentalisten in Amerika hadden de gebeurtenissen van 9/11 verklaard als de straf van God omdat in Amerika toenemende losbandigheid, moreel verval en sociale corruptie een piek hebben bereikt. De groepen ‘herboren christenen’ in Amerika zijn zelfs niet tevreden met hun vertegenwoordiger (Bush) in het Witte Huis. Dat terwijl Bush en Blair zeggen dat ze ingevingen en dromen uit de hemel krijgen als openbaring voor hun monsterachtigheden. Christelijke fundamentalisten doen bommen ontploffen bij abortuscentra en vermoorden voortdurend de dokters die er werken.

Op een gelijkaardige manier willen de joodse religieuze fundamentalisten Israël niet aanvaarden als een echt model van hun fundamentalisme. Ze zijn geïndoctrineerd met de achterlijke wens de dominantie van het zionisme over de wereld te vestigen. Ze zien het vermoorden van Palestijnen als het vermoorden van ongelovigen. Onder deze dekmantel van fundamentalisme begaan Israëlische heersers de ergste vormen van onderdrukking en barbarij. En dan rechtvaardigen ze deze barbaarse handelingen op basis van religie. Het resultaat is dat religieuze achterlijkheid, terrorisme, barbarij en haat mekaar voeden. Het vergieten van onschuldig menselijk bloed gaat onverminderd door.

Islam als instrument in Pakistan

In Pakistan en in vele andere landen maakt de staat gebruik van religie in bepaalde perioden waarin ze te lijden hebben onder crisis of sociale revolten. In Pakistan gebruikte generaal Zia-ul-Haq de islam om de arbeiders verschrikkelijk te onderdrukken. Langs de andere kant keren ook zogenaamde seculiere heersers als Benazir, en nu Musharraf, steeds weer terug naar het gebruik van religie wanneer ze geconfronteerd worden met socio-economische crisissen, politieke onrust en massale verbolgenheid. Wanneer de rotte politiek van de heersers en hun verouderde systeem niet meer in staat zijn de maatschappij te ontwikkelen, gebruiken ze religie om via de achtergebleven lagen van de samenleving de beweging van de arbeiders te verdelen en te saboteren. Pelgrimstochten ondernemen, gebedsplaatsen bezoeken, boodschappen brengen op verschillende religieuze ceremonies en religieuze programma’s uitzenden maken een onvermijdelijk onderdeel uit van dit proces.

In de recente opkomst van het islamistisch fundamentalisme is de anti-imperialistische retoriek echter heel bruikbaar gebleken. Niet enkel het MMA (een alliantie van de islamitische partijen) kreeg relatief meer stemmen dan in het verleden, door deze slogan te gebruiken zijn ze in staat geweest regeringen te vormen in het noord-westen en Baluchistan. De wederzijdse allianties van de mullahs en sommige delen van het leger zijn ook gebaseerd op het gevoel bedrogen te zijn door Amerika omdat ze hun hulp stopzetten en deze religieuze en militaire bondgenoten hun rijkdom ontnemen die ze hen tijdens de Jihad hadden gegeven. Onlangs drukte een Pakistaanse generaal op rust het uit in de volgende woorden: “Pakistan was het condoom dat de Amerikanen nodig hadden om Irak binnen te geraken. We werden gebruikt en nu denken ze dat we in het toilet kunnen worden doorgespoeld.”

Dit zijn de gedachten van lagere en middenrangsofficieren van het Pakistaanse leger, die niet in die mate van de buit hebben kunnen profiteren als het hoger bevel van het leger en de bureaucratie. Ook dit voedt hun toenemende frustratie en woede. In het Pakistaanse leger zijn er maar een handvol toegewijde fundamentalisten van de harde lijn. Op dit moment zijn de interne conflicten tussen de liberale en conservatieve religieuze officieren vanwege financieel gewin en materiële belangen veel groter dan welke ideologische confrontatie dan ook.

Dit voorbeeld vinden we in Zia’s persoonlijkheid. Hij was een officier van het gewapende korps dat opgeleid was in het hoogste Amerikaanse trainingscenter, Fort Bragg. Hij bad tot God, maar in de praktijk waren zijn daden uiteindelijk onderdanig aan zijn echte meester – Amerika. In 1970 leidde hij bijvoorbeeld een militaire operatie in Amman waarbij 18.000 Palestijnen werden afgeslacht. Nooit werden er waar ook ter wereld zoveel Palestijnen tegelijk martelaar. Deze operatie werd ondernomen om de Amerikaanse en Israëlische agent, koning Hussein van Jordanië, te redden van de Palestijnse revolutionaire opstand in Amman. De bloeddorstige Amerikaanse en Israëlische specialisten planden de operatie. Hij aarzelde niet om de moslims daar af te slachten. Het ging ook niet tegen zijn islamitische idealen in. In die periode was de islamitische beweging sterk verbonden met het Amerikaanse imperialisme. Vandaag hebben er velen illusies in verschillende islamitische partijen. Het menselijk geheugen is kort.

Hun falen om een massa-aanhang te verwerven en een nationale kracht te worden in hun hypocriete beweging tegen de Amerikaanse agressie in Afghanistan en Irak, bewijst evenwel dat het menselijk geheugen niet eindigt met elke generatie. En zelfs in deze periode van stagnatie kennen en realiseren mensen zich de werkelijke aard van en hun werkelijke relatie met het financiekapitaal en de imperialisten.

Islamitische beschaving

Als we de islamitische geschiedenis analyseren, vinden we langs de ene kant vele militaire overwinningen gedurende de 8e, 9e en 10e eeuw, en anderzijds een immense uitbreiding en ontwikkeling op het gebied van wetenschap, cultuur, politiek en vele andere domeinen. De centra van kennis en studie zoals Cordoba, Bagdad, Caïro, Damascus en vele andere openden nieuwe horizonten in de ontwikkeling van kennis en intellect.

Wat vandaag de dag islamitische ‘beschaving’ genoemd wordt, ging in verval omdat de bezetters weigerden zich aan te passen aan de overwonnen gebieden en regio’s. Het is het samengaan van de rijke en oude beschavingen zoals Syrië en Iran met Spanje en anderen, die in eerste plaats de verspreiding en grootsheid van deze islamitische vooruitgang teweegbracht. De verhoudingen tussen verschillende religies waren ook niet dezelfde als wat vandaag gepropageerd wordt. Toen de christelijke milities als onderdeel van de kruisvaarten in 1099 na een belegering van veertig dagen Jeruzalem bezetten, werd het grootste deel van de bevolking, inclusief vrouwen en kinderen, vermoord. Twee dagen lang stroomde het bloed door de straten, maar de moslims en de joden vochten zij aan zij tegen de kruisvaarders.

Op eenzelfde manier vormden zaken zoals het recht op open discussie en het recht om van mening te verschillen een belangrijk element in de ontwikkeling van deze beschaving, die bloeide tijdens de laatste eeuw van het laatste millennium. Wanneer we de geschriften van religieuze geleerden uit de 8e, de 9e en de 10e eeuw n. Chr. analyseren, zien we dat die veel moderner en volwassener zijn dan de onzin die we vandaag uit de mond van de islamitische geleerden horen komen. Ironisch genoeg zouden die oude geleerden vandaag de dag vervolgd worden onder de draconische islamitische wetgeving van verschillende landen. Een of andere religieuze sekte zou hun dood wel als een religieuze plicht stellen.

De geschiedenis is er getuige van dat Al-Mamoon en de drie kaliefen die hem opvolgden, niet alleen hun gedachten volgden maar eveneens die gedachten lieten bloeien door discussie over zulke kwesties aan te moedigen. Een van de belangrijkste oorzaken van het verval van het islamitische rijk was de opgang van reactie, onbuigzaamheid en de honger naar macht en rijkdom, die het huidige fundamentalisme ook zo kenmerken. Dit verval veroorzaakte niet alleen de ineenstorting van een volledige beschaving, maar houdt tevens de geesten verstikt in religieuze ketenen, bekrompen gedachten, en veranderde hele samenlevingen in een brakke poel.

Een ander belangrijk kenmerk van het reactionaire fundamentalisme is zijn extreme opportunisme. Enerzijds staan zij voor terreur die gepaard gaat met dogmatisme, onbuigzaamheid en repressie; anderzijds zien we veel opportunisme, zwakheid, wraakzucht en lafheid onder hen. Keer op keer hebben zij laten zien hun zaak te verkopen bij de eerste de beste gelegenheid. Daarom is het belangrijkste kenmerk van het religieuze fundamentalisme, ongeacht uit welke religie het voortkomt, zijn hypocrisie. In die maatschappijen waar fundamentalisme een bepaalde sociale basis heeft, wordt hypocrisie een norm. Dit wordt al te meer duidelijk in de verhouding van het religieus fundamentalisme tot het kapitalisme en het imperialisme.

Historische verstrengeling van imperialisme en fundamentalisme

Dat het imperialisme gebruik maakt van religie om uitbuiting te vergemakkelijken, is geen nieuw fenomeen. In de 15e, 16e en 17e eeuw ontwikkelden de productiemiddelen zich snel na het doorvoeren van de burgerlijke revoluties. Om hun winsten te vergroten gingen de westerse imperialisten op zoek naar achtergestelde regio’s om leeg te roven. De Kerk en het christelijke fundamentalisme leverden hiervoor maar al te graag een religieuze rechtvaardiging. De katholieke priesters en missionarissen die naar Latijns-Amerika, Afrika en Azië werden gezonden, moesten in de eerste plaats imperialistische missieposten opzetten, net zoals Vasco da Gamma, Cristoffel Colombus en de andere ontdekkingsreizigers op hun zoektocht naar nieuw land eigenlijk op zoek gingen naar nieuwe markten, mineralen en andere grondstoffen om te plunderen.

De verhouding van het westerse imperialisme met het islamitische fundamentalisme gaat dan ook al ver terug. Islamitisch fundamentalisme werd gebruikt voor imperialistische overheersing, vooral in de Arabische wereld. De huidige bewegingen van religieuze opleving zijn dan ook als van nature reactionair en verderfelijk. Een van de eerste bewegingen die de islam deden opleven was de Wahabi-beweging in Saoedi-Arabië. De stichter van die beweging was Mohammed Ibn-e-Wahab (1703-1792). In 1744 bereikte Ibn-e-Wahab de stad Darya in de provincie Najad. Daar legde hij samen met een gangster uit die tijd, Mir Mohammed Ibn-e-Saoed, de basis voor een hardleers puriteins islamitisch koninkrijk. Na een revolte tegen de Ottomaanse kaliefen begon deze Saoedische staat, die gebaseerd was op voortdurende Jihad en interne repressie, te groeien door roof en plunderingen. Om hun onderlinge relatie nog te versterken nam Ibn-e-Saoed de dochter van Wahab op in zijn harem en zo werd een echtelijke relatie ook een politiek bondgenootschap. Het familiale koninkrijk dat werd opgezet door religieus dogmatisme, militaire repressie, politiek gemanoeuvreer en het uitbouwen van relaties via vrouwen, bestaat vandaag nog steeds in Saoedi-Arabië. In 1792 versloegen de Saoedische Wahabi’s hun buren en bezetten zij de steden Riyadh, Khurj en Qasim. In 1801 bezetten zij Karbala en doodden de bevolking. Ze vernielden huizen en heiligdommen omdat het wahabisme pelgrimstochten naar heiligdommen verbood. In 1802 bezetten ze Taif en in 1803 namen ze ook Makkah in.

Na de Eerste Wereldoorlog begonnen de geallieerden verschillende gebieden in de wereld onder hen te verdelen op basis van het Verdrag van Versailles. Groot-Brittannië kreeg Palestina, Irak en Egypte en Frankrijk kreeg Syrië en Libanon. De Britten verstigden hun heerschappij over het ‘oosten’ en Frankrijk plunderde het ‘westen’. Dit was het startsein voor de Britse agent St. John Philby om relaties aan te knopen met kroonprins Amir Abdul Aziz Ibn-e-Saoed, die deel uitmaakte van Najad. Ibn-e-Saoed moest in die nieuwe situatie helemaal niet overtuigd worden van zijn rol, hij had zelf de steun van de imperialisten nodig. Philby legde Ibn-e-Saoed een plan voor waarin hij hem voorstelde om verschillende andere stammen te veroveren en zo zijn koninkrijk uit te breiden over het gehele Arabische schiereiland. Hiervoor zou hij de nodige steun krijgen van de imperialisten. Op deze wijze lagen Philby en Belfore, de twee imperialistische agenten die deze plannen onderhandelden, aan de basis van een reactionair tijdperk in het Midden-Oosten. Philby stond aan de wieg van het fundamentalistische koninkrijk Saoedi-Arabië en Belfore stichtte mee de reactionaire zionistische staat Israël. Net als zijn voorvaders huwde Ibn-e-Saoed de vrouwen van zijn verslagen vijanden om zijn harem uit te breiden.

Wat de economische belangen in het Midden-Oosten betreft, wilden de Amerikanen echter niet dat de olie beperkt zou blijven tot Groot-Brittannië alleen. Amerikaanse oliemultinationals hadden daarom al in de jaren 1930 relaties aangeknoopt met Ibn-e-Saoed. In 1933 verkreeg Standard Oil belangrijke contracten door Ibn-e-Saoed zo’n 50.000 dollar aan goud te betalen. Om met Groot-Brittannië te wedijveren zorgden de Amerikanen voor een fusie van Standard Oil met Esso, Texaco en Mobil om daarna een Amerikaans-Arabisch oliebedrijf op te richten, ARMCO. Het oppompen van olie begon in 1938 en tot op vandaag manipuleert dit bedrijf de olie-industrie in Saoedi-Arabië. Om zijn economische belangen te verdedigen negeert de VS al jaren de misdaden van de Saoedische monarchie, de schending van de mensenrechten, het autocratische bewind en de enorme repressie.

Op eenzelfde manier maakten de westerse imperialisten gebruik van verschillende fundamentalistische partijen om progressieve leiders en de arbeidersbeweging neer te slaan. In 1928 werd Ikhwan-ul-Muslemeen opgericht in Egypte. De basis van die organisatie verschilde niet veel van de basis van het wahabisme. In hun manifest vinden we veel dezelfde zaken terug als in die van lokale partijen: “God is onze doelstelling! De profeet is onze leider! De koran is onze grondwet! De Jihad is ons motto!” Onder deze slogans werd in 1941 de Jammat-e-Islami opgericht op het Indiase subcontinent. De oprichter ervan, Maulana Abul Ala Moudoodi, was tegen de Pakistaanse opdeling en tegen Muhammed Ali Jinnah. Hij stelde dat de seculiere nationalisten de naam van de islam misbruikten om een seculiere staat op te richten. In vroegere perioden had Moudoodi van dichtbij de communistische beweging in Hyderabad Deccan geobserveerd, vooral dan hun organisatorische methoden. Hij wilde een partij oprichten op basis van de ideologie van het islamitisch fundamentalisme maar met de organisatorische structuur en methode van de communistische beweging.

Jamaat-e-Islami werd opgericht op 26 augustus 1941 tijdens een bijeekomst waarop 75 mensen aanwezig waren. Een van de discussiepunten waarover meningsverschillen bestonden, betrof de eigendomsrelaties binnen de islamitische ideologie. Moudoodi verdedigde hier met zeer veel emotie en overtuigingskracht het privé-eigendom. Ook de latere leiders van Jamaat-e-Islami verdedigden de vrije markt. Politiek gezien betekent dit dat deze organisatie een trouwe bondgenoot van het imperialisme is en een bolwerk van reactie, vooral in Pakistan.

In de jaren 1940 reeds had Moudoodi een beroep gedaan op de diensten van een Arabische vertaler om zijn geschriften te verspreiden in de Arabische wereld. In het overgrote deel van de landen waar de moslims in de meerderheid zijn, coördineerde de CIA de relaties tussen die verschillende stromingen die de islam wilden doen herleven op de agressieve manier van Moudoodi. Na de jaren ‘50 gebruikte het Amerikaanse imperialisme deze groepen in verschillende landen voor de verdediging van de eigen belangen. In Egypte was de grootste bondgenoot van het moudoodisme Syed Qutab, na Hasan-al-Bana de leider van Ikhwan-ul-Muslemeen. Het Amerikaanse imperialisme stond ook mee aan de wieg van verschillende islamitische fundamentalistische partijen in andere landen. Hierbij deed het een beroep op de Saoedische en Pakistaanse staat. Of het nu over Laskar-e-Taiba, Harkut-ul-Ansar, Hizb-e-Islami, Gulbadin Hikmatyar of de Taliban gaat, de CIA was steeds direct of indirect betrokken bij de oprichting en de financiering ervan.

Toen de Pakistaanse generaals tijdens de Afghaanse Jihad tegen de Russische bezetting aan de Arabische landen vroegen om een belangrijk lid van de koninklijke familie te zenden om rekrutering voor de Jihad te vergemakkelijken, stuurde men Osama Bin Laden naar Afghanistan. Toen Osama Bin Laden in Pakistan aankwam, was de Amerikaanse nationale veiligheidsadviseur Zbignew Brzezinski op officieel bezoek in Pakistan om de Jihad te promoten. Tijdens een bezoek aan de Khyber-pas sprak Brzezinsky een publiek toe waaronder ook Osama Bin Laden en hij zei hen: “God is met u”. Een van de eerste acties die Osama ondernam als pro-westerse vrijheidsstrijder was een aanval op een gemengde school, die tot de grond werd platgebrand en waarvan het schoolhoofd werd gedood.

Vandaag is het een publiek geheim dat ook Israël betrokken was in deze islamitische Jihad in Afghanistan. In 1985 stootte een jonge Pakistaanse journalist, Ahmed Mansoor, die werkte voor een Engelse krant uit Islamabad, The Muslim, toevallig op een aantal Israëlische adviseurs in de bar van het Pearl Continental Hotel in Peshawar. Goed wetend dat dit nieuws een bedreiging vormde voor de islamitische dictatuur van Zia, bediscussieerde hij de feiten met zijn redacteur en de correspondent van WTN. Enkele dagen later, na een tip van de veiligheidsdiensten, hadden de mujahideen hem te pakken en werd hij vermoord.

Om de financiële activiteiten van de Afghaanse Jihad te regelen werd een nieuwe bank opgericht. Het betreft de beruchte Bank of Commerce and Credit International (BCCI). Geld dat werd vergaard door drugs- en wapensmokkel geraakte via die bank tot bij de fundamentalisten en werd gebruikt voor de ‘Jihad’. De bedoeling van de bank was het witwassen van zwart geld en de bescherming van criminele rijkdom. De oprichter van de bank was de beruchte bankier Agha Hasan Abidi en hij genoot de volledige steun van de CIA. Het is via deze bank dat de Pakistaanse generaals en andere leiders multimiljonair werden. Dat verklaart waarom de families van generaal Zia ul Haq en generaal Akhtar Abdur Rehman (tijdens de dictatuur de baas van het ISI, de Pakistaanse geheime dienst) vandaag bij de rijkste Pakistanen behoren. Die nieuwe rijken hebben genoten van dezelfde Afghaanse Jihad die ook vocht tegen ‘ontrouw’, in de naam van de islam maar ten dienste van het Amerikaanse imperialisme.

De laatste vijftig jaar van de 20e eeuw zitten vol met voorbeelden waarbij het Amerikaanse imperialisme gebruik maakte van islamitisch fundamentalisme tegen progressieve bewegingen en leiders die over socialisme praatten. De belangrijkste architect van de huidige heropleving van de islam was de Amerikaanse minister van Buitenlandse Zaken onder president Eisenhower, John Foster Dules. Na de nederlaag van het imperialisme in de Suez-oorlog van 1956 en het opkomen van populistische en linkse regeringen in verschillende moslimlanden ging men het religieus dogmatisme gebruiken om de massa’s te verwarren en revoluties neer te slaan. Amerikaanse strategen hebben hier bewust de beslissing genomen om het islamitische fundamentalisme te gebruiken als een sterke reactionaire kracht tegen linkse bewegingen en arbeidersstrijd.

In Egypte werd de Ikhwan-ul-Muslemeen gebruikt tegen Jamal Abdul Nasir, in Indonesië werd Masyumi gebruikt voor de genocide op miljoenen arbeiders van de Communistische Partij in 1965 en in Pakistan werd de Jammat-e-Islami ingezet tegen Bhutto, de PPP en de linkerzijde. In Bangladesh werden Al Badar en Al Shams, de neofascistische frontorganisaties van Jamaat-e-Islami, als civiele helpers van het Pakistaans leger ingezet tegen de massaprotesten. In 1996, toen de Taliban Kaboel bezetten, hebben zij Najeeb Ullah uit zijn kantoor van de VN gesleurd en vermoord. Nadien werd zijn lichaam en dat van zijn broer Ahmed Zaie aan een paal gehangen op het centrale plein van Kaboel en werden zij verschrikkelijk verminkt. Toen nam geen enkele westerse intellectueel, politicus of regering aanstoot aan deze overtreding van de mensenrechten. Zelfs na het aanschouwen van dergelijke horror is er geen enkel protest geweest.

Vandaag is het openlijk geweten dat het Amerikaanse imperialisme en zijn oliemagnaten de Taliban altijd hebben gesteund. De Amerikaanse oliegigant Unocal betaalde hen 30 miljoen dollar voor de militaire bezetting van Kaboel. Een rechtse Amerikaanse intellectueel schreef in een essay (Time Magazine, 28 maart 1999):

“Omdat de VS een wereldmacht is, moeten we geen schrik hebben om activiteiten te ondernemen om globalisering te implementeren. De onzichtbare hand van de vrije markt kan immers niet werken zonder de onzichtbare vuist. MacDonalds is er niet zonder MacDonald Douglas (een groot wapenbedrijf dat o.a. de F-15 maakt). Het rotte departement dat de technologie van Silicon Valley veiligstelt is het Amerikaanse leger, de luchtmacht en de mariniers.”

Marxisten hebben dit kenmerk van het imperialisme reeds lang geleden uitgelegd. Trotski schreef in een van zijn teksten (Izvestia, 15 augustus 1924):

“Olie speelt nu een veel grotere rol in de industrie en het militaire domein. Tweederde ervan wordt opgepompt en verbruikt door de VS. In 1923 was dit 72 procent. Zij klagen erover dat ze aan het einde van hun reserves zitten. Na de Eerste Wereldoorlog dacht ik dat die klachten een goed excuus waren om de olie van andere landen in te pikken. Vandaag schatten geologen echter dat met de huidige graad van consumptie de Amerikaanse olievoorraden nog maar voor 25 jaar zullen volstaan. Anderen schatten de voorraden op veertig jaar. We zullen echter zien dat binnen 25 tot veertig jaar de VS meer dan tien keer zoveel olie zullen krijgen via hun industrie en hun oorlogsschepen.”

Amerikanen verliezen greep

Olie is echter maar één reden voor de Amerikaanse agressie en terreur. Naast de economische en financiële redenen zijn er ook politieke en sociale redenen. Het is nodig om ook die factoren dialectisch te vatten, te analyseren en te begrijpen. Een van de belangrijkste redenen voor de imperialistische terreur is de diepe crisis van het Amerikaanse kapitalisme. Hierdoor ontstond politieke chaos die het vertrouwen in de Amerikaanse heerschappij ondermijnde. Sinds 9/11 werden 3 miljoen Amerikanen werkloos. Vijfendertig procent van de Amerikanen leeft onder de armoedegrens van de ontwikkelde landen. De criminaliteit neemt almaar toe. De Amerikaanse heersende klasse propageert zodoende de ‘oorlog tegen de terreur’ om zo de aandacht van de crisis af te leiden, de arbeidersklasse schrik aan te jagen en het zout van de dreiging van het terrorisme op hun wonden van armoede en werkloosheid te strooien.

Om hun economische heerschappij te behouden op wereldschaal waarschuwen zij andere landen met deze militaire terreur. Ook de arbeiders uit de hele wereld worden gewaarschuwd dat indien ook maar iemand iets zou ondernemen tegen het kapitalisme, zij hetzelfde lot beschoren zullen zijn als Afghanistan en Irak. Doordat de crisis echter dieper en dieper wordt, verliezen de Amerikanen echter steeds meer hun greep op de situatie. Zelfs zonder een revolutionaire leiding stapelen de tegenstellingen zich op en worden landen, mensen en leiders ertoe aangezet om de Amerikaanse repressie af te wijzen.

Uit schrik dat uit de huidige crisis een beweging van arbeiders op een klassenbasis zou ontstaan, geven ze anderzijds een vals en reactionair tintje aan dit conflict: de botsing van de beschavingen. Toch is de meerderheid van de huidige islamitische leiders nog steeds een agent van de VS of staan zij onder hun invloed door hun eigen zwakheid en hebzucht. De mullahs en de fundamentalisten hebben immers net zoveel schrik van klassenstrijd als de Amerikaanse imperialisten. Ze zijn in het verleden door het imperialisme gebruikt en dat zal in de toekomst nog gebeuren. Onlangs nog in Pakistan was Maulana Fazl-ur-Rehman kandidaat eerste minister en toen hem gevraagd werd of de Amerikanen zich niet zouden verzetten tegen zijn kandidatuur, antwoordde hij: “We hebben in het verleden met hen samengewerkt, dus waarom in de toekomst niet?”

De belangrijkste verklaring voor dit alles is dat de economische belangen van de VS en de fundamentalisten dezelfde zijn, namelijk het kapitalisme. Omdat het kapitalisme in crisis verkeert, komen de verschillende fracties van het kapitaal in conflict met elkaar. Beide fracties noemen dat conflict een ‘botsing van beschavingen’, omdat zij de arbeidersklasse willen winnen voor hun zaak en zij kanonnenvoer nodig hebben. Indien dit een oorlog tussen de islam en de VS is, waarom zijn de meeste van de landen die worden bedreigd door de VS dan geen moslimlanden? Chili, Granada, Vietnam, Mexico, Honduras, Korea, Venezuela enzovoort. Na de Tweede Wereldoorlog werden de grootste imperialistische oorlogen uitgevochten in Vietnam, Korea, Cambodja en Laos. Vandaag is het Amerikaanse imperialisme betrokken in Venezuela, Colombia, Zuid-Korea en vele andere landen in Afrika, Azië en Latijns-Amerika. Geen van die landen zijn moslimlanden.

Daarnaast is het ook een feit dat religie niet het enige kenmerk van een bepaalde beschaving is. Tijdens de laatste duizend jaar is de zogenaamde islamitische wereld nooit dezelfde geweest. De cultuur, de maatschappij en de beschaving van de moslims in Senegal, China, Arabië en het Indiase subcontinent hebben weinig gemeen met elkaar. De moslims hebben er meer gemeen met de lokale niet-moslims uit hun eigen regio dan met moslims uit andere gebieden. Tijdens de laatste honderd jaar zijn er in die gebieden oorlogen en revoluties geweest, net zoals in andere landen in de wereld. Hoeveel moslimlanden zijn er niet geweest waar communistische partijen waren gevormd en waar de strijd voor socialistische revolutie heeft plaatsgevonden? Afghanistan, Yemen, Syrië, Ethiopië, Somalië en andere moslimlanden zijn landen waar revoluties zijn doorgevoerd, weliswaar op een vervormde manier, maar het feodalisme en kapitalisme werden omvergeworpen en deze landen werden tenminste ‘socialistische’ landen genoemd. De grootste communistische partij die ooit gevormd is buiten het Oostblok was in een moslimland, in Indonesië. In 1963 had zij een kader van 3 miljoen leden. Wanneer we de leden van de vakbonden, de boeren-, studenten- en jongerenorganisatie daar bijtellen, bedroeg het ledenaantal van de Indonesische Communistische Partij ongeveer 10 miljoen leden. Dergelijke bewegingen zullen opnieuw opkomen. Om dergelijke revoluties te stoppen, stellen het Amerikaanse imperialisme en de fundamentalisten ons het absurde idee voor van een botsing van beschavingen.

De socialistische revolutie, die zich verspreidt over de hele wereld nadat ze overwint in één land, is de enige kracht die een nieuwe beschaving op een hoger niveau kan doen ontstaan, door de ketens van de private eigendom en de natiestaat af te werpen, door de haat en vooroordelen van het verleden te vernietigen via de moderne technologie en ontwikkeling. Historisch wordt de samenstelling van een maatschappij bepaald door de ontwikkeling van de productiemiddelen en de technologie. Op die economische structuur ontstaan naties, samenlevingen en beschavingen. De samenstelling van een beschaving uit het verleden kan dus nooit de toekomst uitdrukken.

Daarom is de theorie van de botsing der beschavingen historisch verkeerd, verrot, reactionair, desoriënterend en zeer misleidend. De beschaving die zal ontstaan uit de egalitaire internationalisering van de productiemiddelen en de technologie zal gebaseerd zijn op de universele broederschap van alle mensen. Alleen de arbeidersklasse kan vorm geven aan een dergelijke beschaving door alle religieuze en andere vooroordelen van het verleden te vernietigen via een revolutionaire strijd en een socialistische overwinning. Dat zal een beschaving zijn vrij van verdrukking, uitbuiting, barbarij, armoede en ontbering. Dan zal de echte geschiedenis van de mensheid beginnen.

Lal Khan, 22 juni 2004

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vendredi, 27 avril 2007

Geopolitics of Australian Independance

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The Geopolitics Of Australian Independence
Dr. Jim Saleam
December 3 2006
www.alphalink.com.au/~radnat/geopolitics.html...

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jeudi, 26 avril 2007

Les chemins de la puissance

Les Chemins de la puissance
 
Les Chemins de la puissance

Prix : €19,90
Auteur[s] : Christian Harbulot, Didier Lucas (sous la direction)
Éditeur : Tatamis
I.S.B.N. : 9782952364751

Avec la fin de la guerre froide, la notion de puissance disparaissait progressivement du vocabulaire courant des démocraties. L'ère de la mondialisation devait sceller l'apogée des Etats-Unis après trois victoires historiques majeures. L'Amérique s'est substituée aux empires coloniaux dans le nouvel ordre mondial. Elle a triomphé militairement des puissances de l'Axe et elle a grandement contribué à l'effondrement du bloc soviétique. Sans adversaire, la superpuissance américaine avait le champ libre pour imposer son modèle de développement et de démocratie au reste du monde. La guerre civile irakienne a remis en cause cette fin de l'Histoire. En échouant en Irak, l'armée américaine ouvre la voie à une nouvelle ère dans les relations internationales. La Russie, la Chine, l'Iran exploitent la brèche et revendiquent une nouvelle place dans les relations internationales. D'autres pays sont en embuscade pour se faufiler sur ces nouveaux chemins de la puissance. Il est temps de reconsidérer notre approche du monde. Le XXIèsiècle sera dominé par la problématique de l'accroissement de puissance. Chaque recul des Etats-Unis sera une avancée d'un pays conquérant dans la géopolitique, l'économie ou la culture.

Ont participé à cet ouvrage : Philippe Baumard, Eric Delbecque, Pierre-Marie Fayard, Philippe Forget, Patrice Fribourg, Christian Harbulot, Didier Lucas, Nicolas Moinet.

 

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mardi, 24 avril 2007

Polonais et Tchèques contre les missiles US

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Les Polonais opposés au bouclier antimissile américain dans leur pays

(AFP, 23 avr 07) Le projet d’installer en Pologne des éléments du bouclier antimissile américain suscite l’opposition de 57 pc des Polonais, alors que 25 pc y sont favorables, selon un sondage publié lundi.
Dix-huit pour cent des personnes interrogées n’avaient pas d’opinion, selon ce sondage de l’institut CBOS, réalisé du 30 mars au 2 avril auprès d’un échantillon de 937 Polonais adultes.

Le secrétaire américain à la Défense, Robert Gates, était attendu mardi à Varsovie pour discuter de cette question avec les responsables polonais. Le Premier ministre polonais Jaroslaw Kaczynski a récemment déclaré que la Pologne voulait que des éléments du bouclier antimissile américain soient installés sur son territoire, “mais pas à n’importe quel prix”, sans autres précisions.

Les Etats-Unis veulent installer en Pologne dix missiles intercepteurs et un radar ultra-perfectionné en République tchèque, des éléments de leur bouclier antimissile. Ce projet a été très mal accueilli par la Russie qui y voit une atteinte directe à sa sécurité.
L’opinion publique tchèque n’est guère plus favorable aux projets américains. Plus de trois Tchèques sur cinq (61 pc) sont opposés à l’installation de la station radar, selon un récent sondage de l’institut CVVM.


Article printed from AMIBe: http://be.altermedia.info

URL to article: http://be.altermedia.info/politique/les-polonais-opposes-au-bouclier-antimissile-americain-dans-leur-pays_6367.html

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dimanche, 22 avril 2007

Turquia contra Bizancio, Turquia contra Europa

Ernesto MILA / http://infokrisis.blogia.com/2006/ :

Turquía contra Bizancio. Turquía contra Europa

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Infokrisis.- No puedo evitar, al escribir estas líneas, dedicar un recuerdo y un homenaje a Francisco de Toledo, noble castellano muerto en combate, en el asedio a la Puerta de San Romano, combatiendo codo a codo con el emperador Constantivo IX, y a Pére Julia, cónsul catalán, ejecutado ominosamente junto a sus últimos combatientes, oriundos de este lado del Mediterráneo, el último día del asedio a Constantinopla en el año 1453. Ellos supieron donde estaba el “lugar justo” para luchar y morir.


Turquía contra Bizancio, esto es, Turquía contra Europa

“Ya hace 550 años que no está el emperador para dirigir los asuntos terrenales; ya no hay logotetas ni strategos ni drungarios, y ningún sebastocrátor cruza a caballo con su guardia Macedonia para dar órdenes directas del emperador a los gobernadores de Bulgaria o Serbia o el Peloponeso; ya no hay monjes en los monasterios de la capital que discutan sobre la naturaleza de Cristo o sobre el significado de los íconos mientras pasean por los jardines aledaños; no hay más soldados que se apresten a defender sus tierras de las invasiones enemigas; no están más los ricos estancieros de Anatolia que proporcionaban enormes contingentes de tropas y los mejores generales nacidos en sus propias familias a los emperadores; nunca más el pueblo bizantino entraría a Santa Sofía para sentir esa emoción indescriptible de encontrarse con Dios, el emperador y el patriarca todos juntos, y disfrutar de esas luces cambiantes a cada minuto que entraban por las aberturas de la famosa cúpula, de los colores indescriptibles e iluminados de las cuentas de los hermosos mosaicos de sus paredes, de ese sonido único cuando todos están rezando y el eco vuelve enternecedor y soberbio; no están ya los marineros que prestos acudían de puerto en puerto combatiendo a todos los que osaban entrar en aguas del imperio; ya no habrá casas libres con íconos en su interior a los cuales poder rezar largamente y pedirles salud, bienestar y solución a sus problemas; no hay más sublevaciones contra los emperadores injustos o pecadores; no hay más embajadores con regalos para los potenciales aliados, no hay más romanos en este mundo”.

Rolando Castillo (septiembre 2003)

imperiobizantino.com

 

Cuando cae Constantinopla en poder de los turcos, es todo un viejo orden el que se desploma, hasta el punto de que los historiadores consideran que el episodio marca el fin de la Edad Media y el inicio de la Edad Moderna. Hoy, nuevamente, por azares del destino, los descendientes de los conquistadores de Constantinopla, corren el riesgo de provocar un cataclismo en la Europa integrada. Hoy, cuando han pasado más quinientos cincuenta años de la caída de la ciudad, todavía subsisten algunos conflictos derivados de aquel episodio. Que se le pregunten a los griegos, durante cuatrocientos años sometidos al yugo turco y que hoy mantienen todavía abierto el contencioso de Chipre. Así mismo, buena parte de las “guerras balcánicas” de los años 90 no fueron sino el producto del desorden provocada por la conquista otomana. Por que, los turcos tomaron Constantinopla, pero no se detuvieron en Constantinopla. De hecho, si Austria es el país de la UE, que más activamente se ha opuesto al ingreso de Turquía es a causa del mal recuerdo que dejaron los otomanos en los dos cercos que realizaron a Viena.

Porque lo que empezó en Constantinopla, terminó en Viena. Vale la pena evocar el episodio más traumático con el que concluyó la Edad Media.

Constantinopla, la ciudad inexpugnable, cien veces asediada

Cuentan las crónicas que era una hermosa ciudad, sin parangón durante siglos en Oriente. Había sido fundada en el 324, justo en el mismo lugar en el que diez siglos antes, los griegos de Megara, fundaron la colonia griega de Bizancio. Su historia fue atribulada y difícil y a lo largo de sus algo más de mil años de vida, raro fue el período en el que gozó de paz permanente. La ciudad llevaba el nombre de su fundador: Constantino el Grande.

Había algo mítico en aquella ciudad. Y como en toda mitología, también en Constantinopla, hubo un Hércules. Fue, en efecto el César Augusto Flavio Heraclio, quien asumió las riendas del imperio desde el 610. Era hijo y nieto de conquistadores y desde que su padre se sublevó en Cartago dos años antes, había ido de victoria en victoria, aproximándose cada vez más a la capital imperial, en busca de su recompensa, la corona imperial, usurpada por su rival, el general Focas. El usurpador, que se había hecho con el poder seis años antes, vio como su guardia de élite, los Excubitores, se pasaban a Heraclio que pudo entrar en Constantinopla sin resistencia. Focas, acto seguido, fue ejecutado. Sólo entonces fue consagrado emperador. Le esperaba un trabajo digno del héroe mítico cuyo nombre ostentaba.

En aquellos momentos, el Imperio Romano de Oriente se estaba desplomando, amenazado por los ávaros en los Balcanes, mientras, los persas habían adelantado sus líneas hasta Siria y ocupado Antioquia.

En un primer momento, Heraclio no consiguió detener a los persas que conquistaron Egipto, Damasco y Jerusalén en el 614. Si en Egipto se había perdido la provisión de grano para Bizancio, en Jerusalén había resultado saqueada la Iglesia del Santo Sepulcro y los infieles se habían apoderado de la Vera Cruz. Los persas consiguieron penetrar en la península Anatolia, hasta el punto de que desde Constantinopla podían verse las hogueras del campamento que habían establecido los persas sobre el Bósforo. Hubo un momento en el que Heraclio pensó en abandonar la capital, pero se impuso la fuerza de su nombre y, finalmente, optó por reconstruir el ejército y reformar la administración. Demostró ser un hábil estratega y un enérgico organizador.

En lugar de afrontar a los persas al otro lado del Bósforo, prefirió atacarles en su territorio, derrotándoles en Capadocia y rematándolos en la batalla de Nínive; pero los ávaros se abalanzaron sobre Constantinopla, defendida por el patriarca Sergio quien consiguió rechazar el ataque. Era el año 627. Bizancio pudo recuperar todos los territorios usurpados por Persia en la contraofensiva que supuso el principio del fin para la dinastía sasánida. Podemos imaginar la grandeza y la gloria con la que Heraclio volvió a Constantinopla el 14 de septiembre del 628. Parecía como si los antiguas días de esplendor se hubieran recuperado. Pero aún le quedaba a Heraclio llegar hasta Jerusalén y restaurar la Vera Cruz en la Basílica del Santo Sepulcro, para alcanzar la cúspide de su prestigio. Pero las cosas no iban a ser tan fáciles.

No lejos de allí, Mahoma acababa de federar distintas tribus de la Península Arábiga y se lanzaba a conquistar el mundo para mayor gloria de Alá. En el 634, los árabes conquistaron Siria, Palestina y Egipto y dos años después derrotaban al ejército bizantino, en Yarmuk. Bizancio nunca más volvería a recuperar estos territorios. El Islam había irrumpido en la Historia.

A mediados del siglo X un general victorioso, Nicéforo Focas había destacado en la conquista de Creta y en la derrota definitiva de los islamistas de Saif-ad-Dawlah, en Alepo. Cuando falleció el emperador Romano II, su esposa, Anastaso, asumió la regencia en nombre de sus hijos, pero dado que su situación es precaria, busca apoyos y pronto recurre a Focas. Éste, embriagado por sus victorias, busca el poder absoluto y lo obtiene el 14 de Agosto del 963 cuando sus soldados le proclaman emperador en Cesárea. Una breve lucha contra los partidarios de, José Bringas, que fuera ministro de Romano II, le dio el poder. Focas tampoco se conformó con ser el favorito de Anastaso –que, a todo esto había asumido el nombre de Teofano- así que se casó con ella y fue elevado a la púrpura imperial. Considerado por algunos historiadores como usurpador, Focas fue un gran emperador que conquistó o recuperó amplias extensiones para el Imperio y cuya actividad bélica no tuvo límites tanto hacia los Balcanes como hacia Asia.

Pero todas las guerras son caras y se financian mediante impuestos, así que la población empezaba a oponerse a su política. Para colmo, las largas ausencias del lecho conyugal, habían impulsado a la emperatriz a llenar el vacío con un amante Juan Tsimiscés, no menos ambicioso que lo había sido Focas en su juventud. Era inevitable que Tsimiscés terminara aspirando a algo más que a dar y recibir placer de la emperatriz. En cuanto a esta, prefería la seguridad del poder, a las guerras sin fin, así que ambos conspiraron para eliminar al emperador. Tsimiscés, en cuanto tuvo la autorización de la emperatriz, fue implacable. En la noche del 10 de diciembre del 969, se introdujo con un grupo de guardias de corps en la habitación del emperador y lo asesinó mientras dormía. Así era Bizancio, un lugar en el que los actos de heroísmo se alternaban con las abominaciones más absolutas.

Lo que va de Heraclio a Focas es un largo período de enfrentamientos con el Islam que no iba a finalizar sino hasta la caída de Bizancio en 1452. El Islam se estrelló en las murallas de Constantinopla en seis ocasiones. En 674 los árabes aparecen por primera vez ante los muros de Constantinopla en donde permanecerán cuatro años, hasta que Constantino IV, logre derrotarlos gracias a la marina bizantina. Treinta años después, León III debe afrontar un nuevo ataque árabe que será neutralizado gracias a la acción conjunta de fuerzas terrestres y navales. Pasarán tres siglos antes de que un pueblo turco asedie nuevamente la ciudad. En esta ocasión serán los cruzados en 1098 quienes se desviaron de sus objetivos en Tierra Santa e intrigaron para conquistas la ciudad.

Los musulmanera volverán en 675, 676, 677, 678, y en 717/718. Luego seguirían más ofensivas. Tras la derrota de Manzikert en 1071, cuando Romano I Diógenes es derrotado por los turcos seléucidas que lo capturaron, Manuel Comneno sufre una terrible derrota en 1176 y, en pocos años, se pierden Tracia, Macedonia, Grecia y las costas del Asia Menor. Las cruzadas aportan nuevos factores de inestabilidad a Bizancio.

En 1204, francos y venecianos de la IV Cruzada penetran en la ciudad y la saquean. Los bizantinos, con Miguel VIII Paleólogo, solamente conseguirán recuperar la ciudad en 1261 con apoyo genovés. Y, luego, sin detenerse, recupera buena parte del Imperio, pero no consigue hacerse con parte del Peloponeso, Atenas, Creta, Trebizonda y varios puertos que quedaron en manos venecianas. Cuando los bizantinos entran en Constantinopla la encuentran abandonada, pestilente y con malas hierbas enseñoreándose de las calles. La decadencia bizantina se inicia en ese momento, no por que la ciudad fuera imposible de reconstruir, sino por que los turnos otomanos asoman en el horizonte y, a partir de ese momento, hacen imposible la vida a los herederos de Constantino el Grande.

A mediados del siglo XIV, el Imperio Romano de Oriente ya se habían perdido las provincias occidentales. Los turcos habían penetrado en los Balcanes, apoderándose de la actual Bulgaria, Serbia y Albania. Tracia se encontraba cercada y aislada del resto del mundo, sumida en guerras civiles y “discusiones bizantinas”. Ignorada por Occidente que, tras la retirada de Tierra Santa ya no miraba hacia el Este, el Imperio estaba aislado y, lo que es peor, situado en la línea del frente contra el Islam.

Lo único que impedía a los turcos apoderarse de la ciudad era la triple muralla que la protegida, considerada inexpugnable durante siglos. El final se aproximaba inexorablemente y en esta ocasión, ya no aparecería un personaje providencial capaz de operar un milagro salvador. Los descendientes de Augusto y Constantino el Grande ya no estaban en condiciones de salvar a la ciudad. Apenas territorios en el Peloponeso y pequeñas porciones de Tracia seguían en poder del acosado imperio. Bizancio, en ese momento, no debía tener más de 50.000 almas. Pero los últimos bizantinos se negaban a pagar tributo a los sultanes otomanos, cerrar sus iglesias y renunciar a su gran tradición secular. En el siglo XV, lo único que le quedaba a Constantinopla era el recuerdo de haber sido la “Nueva Roma”, la ambición de obstinarse en sustentar que su cristianismo era el más “ortodoxo” del mundo y, finalmente, su realidad comercial.

A decir verdad, desde 1204, la ciudad había demostrado ser vulnerable y el Imperio evidenciado su debilidad ante toda Europa. Entonces, los cruzados francos y venecianos, sintiéndose engañados por Alejo IV, a causa de promesas incumplidas, asaltaron la ciudad logrando penetrar por unas tuberías que horadaban la muralla, mientras sus agentes en el interior causaban importantes incendios. La ciudad fue saqueada e incendiada. A partir de ese momento, jamás volvería el esplendor de los viejos tiempos, a pesar de los esfuerzos titánicos de algunos grandes emperadores como Miguel VIII Paleólogo que reconquista la ciudad en 1261, pero no puede evitar que el mito de su invulnerabilidad se haya disipado.

En 1354, los turcos ponen pie por primera vez en tierra europea, en Gallípoli. Su ejército en esa época es un poderoso mecanismo militar modelado por el sultán Orján (1326-1369), organizado en cuatro pilares: una milicia (los timar y ziamet); los sipahis o grueso del ejército (infantería, servicios generales...); los bashi-bazuk (unidades irregulares dedicados al pillaje), y los jenízaros. Estos últimos constituían la fuerza de mayor prestigio (hasta el siglo XIX en plena decadencia otomana), estaba formada por jóvenes cristianos entregados por sus familias como tributo forzoso; desde muy niños eran educados en el Islam y sometidos a una férrea disciplina militar. Unos 15.000 jenízaros participaron en la toma de Constantinopla en 1453. Fue el desquite al fracaso de su primer asalto en 1359, cuando solo consiguieron apoderarse de las ciudades bizantinas en Europa. El nuevo cerco de 1394 sume a la ciudad en la hambruna más absoluta. Paradójicamente, son los mongoles de Tamerlán quienes, indirectamente, salvan Constantinopla, derrotando al sultán turco Bayaceto el 1402 en la batalla de Ankara. Nuevo asalto turco en el 1411 y nuevo fracaso. Y otra vez en el 1422, Murad II vuelve a probar suerte. Fracasa, pero no por méritos propios, sino porque en su retaguardia ha estallado una rebelión que algunos, dentro de Bizancio, consideraron milagrosa. Pero se engañaban. Constantinopla se había salvado por última vez aunque los turcos lograron hacerse con los Balcanes. Y llegó 1453.

El nuevo cerco de la capital imperial

En ese momento, la ciudad se encontraba arruinada y empobrecida, nada quedaba en ella de los antiguos fastos imperiales y del lujo y la riqueza que en otro tiempo la habían aureolado. La devastación de 1204 se lo había llegado todo. Dentro mismo de la ciudad, solares y patios de edificios públicos se utilizaban como huertos, las vacas incluso pastaban en los jardines del palacio real que, por lo demás, se utilizaban como cementerio. Esto ya indica el estado en el que se encontraba la corte. Apenas vivían en la capital unas 50.000 personas de las cuales, entre un 15 y un 20% debían ser extranjeros. Ya no existían grandes avenidas pobladas con estatuas de los grandes hombres del pasado; tan sólo quedaban las peanas vacías y los palacios de piedra y mármol habían dado paso a cabañas de madera. Eran raros los que podían permitirse un vestido en condiciones, quizás solamente los cambistas, comerciantes y marinos que tenían contacto con otros puertos. Constantinopla había perdido, en un lento goteo, a sus élites que, desde el siglo XIII, preferían trasladarse a las provincias occidentales y, cuando estas se perdieron, su diáspora les llevó incluso hasta Portugal. Lo que habían dejado atrás era una ciudad fantasma cuyos habitantes vivían la realidad de otro tiempo y se obstinaban en sus pasados laureles y en el poder de la fe para convencerse de que podrían resistir a los turcos.

Pocos personajes hay en la historia que hayan suscitado tantas polémicas como Mahomet II, denostado como infame criminal por su detractores, capaz de matar a su hermano y redactar una ley que permitía a los gobernantes asesinar a todos sus parientes para evitar conflictos de sucesión. Con estos antecedentes, resulta difícil para sus defensores sostener que se trató de un gobernante ponderado, intelectualmente capaz y estratega brillante. Es posible que fuera lo uno y lo otro. La cuestión es que su figura no deja indiferente a los historiadores. Este personaje se hace cargo del sultanato en 1451 y en su mente tiene una idea fija, casi una obsesión: conquistar, de una vez por todas, Constantinopla. Para ello cuenta con un arma nueva y definitiva: el cañón. Y sabe emplearla. Tienen razón los que dicen que es un hábil diplomático. Negociará tratados comerciales con Venecia, evitando así que, a la hora de la verdad, se comprometiera en la defensa de la ciudad, como otras veces había hecho. ¿Por qué le interesaba Constantinopla? No seguramente por sus tesoros –que ya no existían-, ni por los tributos que podían pagar sus ciudadanos –empobrecidos y limitados-, sino por su valor estratégico y también, seguramente, por que ansiaba el poder y la gloria. ¿Y qué mejor laurel que conquistar la ciudad que un día fuera la más populosa del orbe. Los sultanes anteriores a Mahomet II, habían intentado saquear la ciudad, pero cuando comprobaron que el esfuerzo a emplear era superior a los beneficios a obtener, desistieron. Mohamet II albergaba un plan más ambicioso: convertir la ciudad en la capital de su Imperio. Y con esta idea se planto ante los muros de Constantinopla en abril de 1453.

Frente a él tenía a un adversario notable. Constantino el Grande estaría en el origen de la ciudad y del Imperio Romano de Oriente y otro Constantino, el XI, último de los paleólogos, estuvo al frente de la ciudad en su fina. Nacido en el Peloponeso y formado en el neoplatonismo, era todavía un joven cuando había conquistado la península de Morea y el ducado de Atenas. Fue soldado antes que emperador, y sólo abandonó las armas el tiempo suficiente para ser consagrado emperador. Cuando advirtió movimientos en las tropas de Mohamet II, supo inmediatamente el peligro que corría; almacenó todos los víveres que pudo encontrar, reforzó las defensas y buscó apoyos. Pero sus llamamientos a Occidente cayeron en saco roto. Bizancio les parecía muy lejano a los reinos cristianos que, en ese momento estaban sufriendo profundas transformaciones que culminarían en la formación de los Estados Nacionales y en una mayor concentración de poder. Con Constantino XI se percibe de nuevo el fuste de la raza de los césares que construyó la grandeza de Roma. Lamentablemente, el gran emperador había llegado demasiado tarde, cuando Constantinopla era demasiado débil y su adversario estaba en su mejor momento.

La ciudad estaba defendida por una mítica muralla que había acababa de cumplir mil años. Edificada por Teodosio II, las obras habían comenzado en el 412 y se prolongaron hasta el 447. Ciertamente, la muralla había sido restaurada y reconstruida en algunos tramos, pero no difería en gran medida de la originaria. Se prolongaba por espacio de seis kilómetros y estaba compuesto por una doble muralla a la que se unía un foso con parapeto de casi 20 metros de ancho. Se decía que la vista de ese foso era suficiente para desanimar a los sitiadores ante la imposibilidad de cruzarlo. Tras el foso se encontraba una franja despejada de 15 metros de anchura hasta llegar a las murallas. La primera estaba constituida por muros de 2 metros de ancho y 8 de alto. Cada 75 metros había un torreón fortificado. Tras esta sistema defensivo, se abría otra franja despejada, de 18 metros de anchura, que terminaba en la segunda muralla, compuesta por paredes de 5 metros de ancho y 13 de alto reforzada con un centenar de torreones (uno cada 60 metros) de 15 metros de altura. El sistema de construcción de las partes superiores de los muros (formados por adoquines, argamasa y ladrillos) estaba estudiado para que los cañonazos o las piedras de las catapultas destruyeron sólo los puntos en los que impactaban, pero no debilitaran las zonas adyacentes. Los 13 kilómetros de costas estaban defendidos por una muralla de 12 metros de altura y 300 torreones. No es raro que los musulmanes se hubieran estrellado en media docena de ocasiones.

Mahomet II era un decidido partidario de incorporar nuevos aumentos a su ejército. Hasta ese momento el cañón se había utilizado esporádicamente en algunos combates, pero nunca como elemento táctico. Mahomet II utilizó diestramente la artillería en el sitio de Constantinopla y dispuso de 12 grandes cañones que dispararon en total un promedio de 120 balas por día a lo largo del asedio. La mayor de estas piezas, pesaba 9 toneladas y debió trasladarse desde Adrianápolis (donde fue diseñado y fundido por el húngaro Orbón que había intentado antes vender sus servicios a Bizancio) hasta Constantinopla, arrastrado por 15 yuntas de bueyes y un centenar de soldados.

Los artilleros otomanos concentraban el fuego de las piezas en determinados paños de la muralla, apuntando en las partes más bajas. Cuando, ésta estaba horadada, elevaban el tiro para abrir una brecha vertical, hasta que se producía un derrumbe. En ese momento, debían acudir tropas bizantinas para taponar el asalto y, paralelamente, era preciso movilizar más efectivos para reconstruir como se pudiera el paño destrozado. Esto no hubiera supuesto un grave contratiempo si no hubiera sido por que la ciudad apenas había podido movilizar 8.000 soldados para asegurar su defensa. Excesivamente poco para ocupar los 475 torreones y mucho menos para afrontar un asalto tácticamente brillante. Se desconoce exactamente el número de combatientes otomanos, pero se estima que no debieron ser manos de 100.000 ni más de 200.000.

Además de la artillería, los otomanos contaban con 400 galeras de combate. Buena parte de la ciudad daba al mar y, por tanto, lo adecuado era contar con una flota capaz de neutralizar cualquier peligro llegado del mar. Pero Constantinopla apenas contaba con 28 galeras y una cadena de hierro, tendida de orilla a orilla de la entrada del puerto, el Cuerno de Oro.

Los refuerzos que llegaron fueron insuficientes, aunque valerosos. Giovanni Giustiniani Longo, genovés, había llegado con 700 combatientes. Pero los genovesas, propietarios de Gálata (junto a Constantinopla), se negaron a apoyarles y prefirieron pagar tributo al sultán. Sin embargo, el ejemplo de Longo sirvió para que algunos habitantes de Pera y genoveses que se encontraban en ciudades vecinas, se sumaran a la defensa. Un pequeño contingente veneciano, dirigido por Gabriel de Treviso y Alviso Diego, al igual que el cónsul catalana-aragonés, Pere Juliá y algunos marinos catalanes se unieron a la defensa en la muralla de Mármara, así como don Francisco de Toledo, noble castellano, primo del emperador. Todos estos efectivos y las tropas bizantinas fueron colocados en el muro exterior para intentar frenar el primer ataque, mientras en la segunda muralla se colocó un número menor de soldados encargados de manejar más catapultas.

Los primeros ataques

El 2 de Abril de 1.453 las vanguardias turcas plantas sus tiendas ante las murallas de Constantinopla. Algunas unidades bizantinas salen a su encuentro, pero cuando comprueban la desproporción de efectivos, vuelven grupas y regresan a las defensas. Tres días después llega el sultán y establece su estado mayor a quinientos metros de la muralla. El 6 de Abril, Mahomet II envía emisarios a la ciudad para exigir la rendición. Al día siguiente comienza el asedio con un cañonazo sobre la puerta de San Romano, en lo que se consideraba la zona más débil de la defensa. A esa zona se desplazaron los genoveses de Giustiniani para reforzar la defensa y en esa zona permanecerían a lo largo de todo el asedio.

La barbarie del asaltante se demostró el día 9 de abril, cuando el sultán ordenó empalar a algunos prisioneros en un lugar bien visible por los defensores. Era la forma de recordarles el castigo que les esperaba de proseguir la lucha. Y también una prefiguración de lo que vendría. Pero este acto de barbarie primitiva no arredró a los defensores. Todos los ciudadanos bizantino, durante las noches, contribuyeron a la defensa, llenando sacos terreros y obstruyendo con ellos los huecos abiertos por la artillería otomana en las murallas.

Cuando Mahomet II juzgó que los paños de muralla situados en torno a la puerta de San Romano se encontraban ya muy deteriorados, ordenó un primer asalto. Algunos historiadores describen aquel envite con tintes apocalípticos. Los otomanos, haciendo sonar trompas guerreras y tambores, se lanzaron gritando, entre enloquecidos y exaltados, al asalto. Gustiniani y sus genoveses defendieron durante todo el día el sector, mientras Constantino se desplazaba de un lado a otro de la muralla, temiendo lo que la lógica militar hubiera impuesto: el que los otomanos lanzaran ataques simultáneos en otros puntos. El error de concentrar fuerzas en un solo sector, permitió que la defensa fuera eficaz y al caer el sol, los otomanos terminaron por retirarse dejando varios miles de muertos ante los muros. Esta victoria, así como la batalla naval que tuvo lugar, dos días después, y que permitió que cuatro buques llevaran provisiones a la ciudad, hizo pensar a los defensores que la victoria era posible. Pero no lo era.

A poco de comprobar la derrota de sus naves, Mahomet II, optó por bombardear a la flota bizantina y desplazar el peso del ataque en el mar y evitar las dificultades que acarreaba el intentar traspasar la cadena que cerraba el acceso al Cuerno de Oro. Para ello, construyó un camino de madera que bordeaba el barrio genovés de Pera, por el que se podían deslizar con facilidad los buques otomanos. Concluido el camino, en pocos días se deslizaron setenta barcos otomanos que atraparon a la flota bizantina entre dos fuegos. La zona que, hasta ese momento se consideraba segura y bien protegida, había dejado de serlo. La muralla del mar se había convertido en otro frente de combate que obligaba a los bizantinos a dilatar aún más a sus escasos defensores. Ahora bien, esta victoria de Mohamet se había debido a dos factores: la colaboración de ingenieros italianos que diseñaron el camino de madera y la neutralidad de la abundante colonia genovesa de Pera que, al permanecer neutral sentenció la suerte de la capital. En mayo las cosas se pondrían aun peor.

El emperador pensó en abandonar la ciudad e intentar reunir tropas en la península de Morea para contraatacar, pero, finalmente, cuando la situación se tornó irreversiblemente adversa, optó por quedarse en la plaza y seguir el destino del resto de combatientes y ciudadanos. Los bombardeos sobre la muralla prosiguieron, el contraataque de los marinos venecianos fracasó y el propio almirante Giuseppe Coco murió en el intento. A partir de ese momento, los marinos venecianos abandonaron sus barcos y se integraron en la defensa de la ciudad. Nuevos ataques lanzados sobre la zona de la Puerta de San Romano, alcanzaron una violencia inusitada. Los atacantes escalaban la montaña de cascotes, sacos terreros, barriles y vigas que sustituía a la muralla exterior destrozada por tres semanas de cañonazos. Otro ataque en la zona de Blaquernas que fue rechazado a pesar de que, también en este sector, la muralla empezaba a estar extremadamente deteriorada. Las pérdidas otomanas empezaban a ser preocupantes.

Era evidente a estas alturas que Mahomet II intentaba concentrar los ataques en dos zonas, la de la Puerta de San Román y, por extensión, todo el sector del Mesoteichion, y la zona de Blaquernas. A mediados de mayo, en estos tramos, el primer muro defensivo estaba muy debilitado, a pesar de que los bizantinos habían conseguido obturar los huecos. Para colmo, en Blaquernas se detectó que los otomanos estaban cavando una mina bajo la puerta Caligaria. En los días siguientes otras minas fueron localizadas en otros puntos. Sin embargo, el riesgo fue conjurado por la audacia del megaduque Lucas Notaras que consiguió cavar túneles contraminas. La táctica consistía en aproximarse al túnel adversario y obturarlo con pólvora, o bien inyectar agua o humo. Las torres de asalto utilizadas por los otomanos fueron, así mismo, destruidas mediante barriles de pólvora. Los asaltantes utilizaban estas torres para proteger a los soldados que intentaban arrojar escombros y pasarelas sobre el foso situado ante la primera muralla.

El fracaso de las minas, la destrucción de las torres de asalto y la imposibilidad para la flota otomana de superar la Cadena de Oro, unido a las altas pérdidas que estaban sufriendo los atacantes, indujeron a Mohamet II a enviar una embajada a la ciudad con la propuesta de perdonar la vida del Emperador y de sus defensores a cambio de un tributo de sumisión. Pero el tributo era tan alto que hubiera resultado imposible de cubrir. Así que Constantino IX respondió que, tanto él como los habitantes de la ciudad, estaban dispuestos a morir. Y así era, porque el barco enviado para comprobar si llegaban refuerzos venecianos, solamente había regresado para anunciar que no habría apoyo de Occidente, la ciudad estaba sola y debería afrontar su destino. Los marinos enviados, regresaron conscientes de que volver implicaba necesariamente morir.

Cuando la luna entre en cuarto menguante…

Una antigua profecía aseguraba que la ciudad jamás caería mientras la luna estuviera en cuarto creciente; al día siguiente de difundirse la noticia de que la ciudad no recibiría ayuda, la luna estaba en plenilunio, al día siguiente se iniciaba el cuarto menguante. Por si estos sombríos presagios fueron poco, en la noche del 25 de mayo se produjo un fenómeno todavía no explicado; un extraño resplandor y lo que ha sido definido como “extrañas luminosidades”, fue visto por todos. Los otomanos lo interpretaron como signo de victoria y otros como presagio de que el Imperio estaba viviendo sus últimos momentos. Pero las cosas tampoco iban excesivamente bien para los otomanos; habían aparecido síntomas de cansancio. En mes y medio de asedio, solamente habían conseguido destruir algunas zonas de la muralla y esto a costa de elevadísimas pérdidas. Así pues, también para Mohamet II, la situación era acuciante y decidió que era hora de jugársela el todo por el todo y lanzar un asalto final con todas las reservas disponibles.

Los preparativos de este asalto, no pasaron desapercibidos del lado bizantino y los defensores de la ciudad se prepararon para el final. Toda la ciudad asistió a los que presentían iban a ser los últimos oficios en Santa Sofía. El 29 de mayo, con la luna en cuarto menguante, tal como pronosticaba la profecía, Mohamet II inició el ataque, en plena noche, mucho antes de que despuntara el sol.

Los atacantes no eran sólo otomanos, la vanguardia estaba formada por mercenarios reclutados en los Balcanes, pero también había alemanes e italianos, atraídos por la paga y la peripecia de un seguro botín. Tras ellos, para asegurar su fidelidad, los jenízaros, seguían su ataque con la orden de eliminarlos si intentaban desertar. Se trataba de una fuerza militar extremadamente desorganizada y que quizás, hubiera resultado efectiva ante defensas más modestas o en combates en campo abierto, pero no, desde luego, ante las murallas de Constantinopla. Aunque los defensores estaban extremadamente debilitados, cansados, muchos de ellos heridos, y el primer cinturón defensivo en la zona de San Romano, no era más que un montón de ruinas, el ataque logró ser neutralizado. En esta ocasión, Mohamet II, multiplicó ataques en otros puntos, con la intención de que no pudieran ayudar a Giustiniani y a sus combatientes. La estrategia consistía en irlos debilitando progresivamente, para, más adelante, concentrar allí el ataque final.

A poco de ser rechazado el primer (y desorganizado) ataque, Mohamet II lanzó el segundo, cuando aún no habían terminado de retirarse los mercenarios, cuya indisciplina y desorganización, contrastaba con la férrea disciplina de los anatolios que lo protagonizaron y que aspiraban a ser los primeros que entraran en la ciudad. Aún no había amanecido cuando los anatolios cargaron. Una vez más, los defensores resistieron, pero cuando los atacantes estaban a punto de retirarse, un providencial cañonazo derribó un paño de muralla lo que les animó a avanzar de nuevo. Se combatía sobre las ruinas y algunas unidades lograron penetrar en el recinto, pero, al cabo de una hora, el ataque consiguió ser rechazado a costa de pérdidas irremplazables del lado bizantino y de cientos de muertos en el turco. En ese momento, Mohamet II comprendió que rozaba el fracaso, así que dispuso el asalto de la única fuerza de choque que le quedaba intacta, los jenízaros. Estos, recibieron la orden de atacar la Puerta de San Romano.

Este asalto consiguió aproximarse a la muralla y tender escalas. Una tras otra fueron derribadas, pero la línea de resistencia iba debilitándose progresivamente. Constantinopla jamás hubiera caído si sus efectivos militares hubieran contado con cinco mil combatientes más, pero la precariedad de efectivos hacía que cada baja contara como quince de los atacantes. Y, además, estaba el cansancio de los defensores. Como en todo combate, los mejores y más arrojados no tardan en morir. En esa jornada, Giovanni Giustiniani, que había soportado durante mes y medio de ataques, espada en mano, fue finalmente herido por un jenízaro y obligado a retirarse. El Emperador Constantino intentó en persona reforzar la posición, pero cuando los soldados de Giustiniani advirtieron que su capitán había resultado herido (evacuado a Chíos ese mismo día, moriría dos semanas después a causa de estas heridas), se desmoronaron justo en el momento de más intensidad de la lucha. Unos desertaron, otros abandonaron momentáneamente las defensas, y los hubo que, por lealtad, prefirieron no abandonar a su capitán, acompañándole en la evacuación. Ahora sólo quedaban bizantinos en los torreones. Pero la defensa se había hecho imposible.

Bruscamente, los defensores observaron que la bandera turca estaba encima de los torreones de Blaquernas. La vista de la bandera de la media luna ondeando sobre la muralla, enardeció a los atacantes y terminó por desmadejar la defensa bizantina. Solo Constantino, el castellano Francisco de Toledo y un grupo de soldados de su guardia, se abalanzaron sobre Blaquernas para conjurar el peligro. Les parecía imposible que los turcos hubieran conseguido tomar la zona. ¿Qué había ocurrido?

En la muralla de Blaquernas, antiguamente existía una pequeño hueco, que ocasionalmente se había utilizado como vía de huida en caso de emergencia. Dado el riesgo que conllevaba esta “abertura” en la defensa, hacía siglos que estaba tapiada. O quizás fuera por que una profecía aseguraba que por allí penetrarían quienes doblegarían a la ciudad. Durante el asedió, se volvió a utilizar la puerta para lanzar ataques por sorpresa, pero las pérdidas fueron demasiado elevadas y el adversario excesivamente numerosos como para que operaciones de “comando” pudieran debilitarlo sensiblemente. Durante el mismo 29 de mayo, durante el ataque, por esa puerta salieron algunos combatientes que regresaron pronto ante la imposibilidad de obtener éxitos apreciables; es posible que, o bien, los jenízaros siguieran en su retirada a estos bizantinos, o bien supieran de la abertura por una traición. El caso es que por allí penetró un pequeño contingente jenízaro que, ante la dispersión de los defensores, no encontró problemas en ascender a uno de los torreones y desde allí hacer ondear la bandera otomana que se vio desde el frente de San Romano. Sea como fuere el efecto fue demoledor y, aunque el grupo de jenízaros que habían penetrado era minúsculo y hubiera podido ser barrido sin dificultad, en las circunstancias que se estaban dando, suponía un tremendo golpe psicológico. Constantino, Toledo y sus soldados, al ver que lo ocurrido no revestía especial gravedad en ese sector, decidieron volver a la Puerta de San Romano, pero en los minutos que transcurrieron entre estos desplazamientos, ya se había operado el desastre. Los jenízaros dominaban las posiciones y los defensores habían sido destrozados, estaban heridos de gravedad o habían huido pensando que los turcos habían penetrado ya en la ciudad.

Comprendiendo la situación, Constantino, acompañado por Francisco de Toledo, y sus soldados, se despojó de sus insignias imperiales, tomó la espada y cargó, codo a codo, con sus soldados. Nadie sabe exactamente como murió, pero existe la certidumbre de que fue afrontando a los jenízaros ante las ruinas de San Romano. Mohamet II no consiguió identificar el cadáver del Emperador y, una vez más, proliferaron los rumores sobre si había conseguido huir para proseguir la resistencia desde Morea. cargan contra los turcos. Fue la última carga cristiana en Constantinopla. Uno de los episodios más nefastos en la Historia de Europa estaba a punto de consumarse. Quedaba el saqueo de la ciudad.

Se combatió barrio por barrio, calle por calle, casa por casa. Solamente unos pocos defensores consiguieron alcanzar las galeras venecianas y huir, mientras los turcos abrían los portones de la muralla y se desparramaban por el interior de la ciudad. Ese día perdieron la vida entre 3.000 y 4.000 bizantinos. Los catalana-aragoneses que defendían el Palacio imperial continuaron combatiendo hasta la muerte. El cónsul Pere Juliá, fue ejecutado, junto a sus últimos soldados. Los soldados que cayeron presos fueron, así mismo, asesinados, los otomanos solamente perdonaron la vida a unos pocos notables capaces de pagar su libertad y esclavizaron al resto. Cuando anochecía, Mahomet II penetró en la ciudad, ordenó que los edificios públicos y el palacio imperial fueran respetados y, luego, autorizó el saqueo de la ciudad. Sus tropas se vieron decepcionadas. En aquel momento ya quedaba poco por saquear en Constantinopla, su larga decadencia la había desprovisto de riquezas. Santa Sofía fue convertida en mezquita (y lo seguiría siendo hasta ue Kemal Ataturk, la transformara en museo), los bizantinos supervivientes debieron abandonar la ciudad que fue repoblada con turcos. El historiado coetáneo de los acontecimientos, Juan Dlugoz, escribió: “Con las bibliotecas quemadas y los libros destruidos, la doctrina y la ciencia de los griegos, sin las que nadie se podría considerar sabio, se desvaneció."

Las poblaciones “romanas” (o rumís o rhomaíoi) dispersas, no encontraron obstáculos en proseguir con el culto ortodoxo. Como los mozárabes españoles, sus ritos fueron autorizados y adquirieron la condición jurídica de “protegidos” por el sultán, a cambio de pagar un tributo. Poco a poco, despreciados por la población otomano, en condiciones extremadamente desfavorables, asumieron su triste destino. Pero no desaparecieron. Los rumi subsistieron.

A lo largo del siglo XIX, con la descomposición del Imperio Otomano, Grecia y otras regiones recuperaron su independencia. A mediados de ese siglo, algunos intelectuales griegos hicieron todo lo posible por recuperar su identidad y su imperio perdido. Ioannis Kolettis y otro asumieron la “megali idea” (la gran idea, el gran proyecto) cuyo eje no podía ser otro que la recuperación de “sagrada polis” (Constantinopla):"No creáis que consideramos este rincón de Grecia como nuestro país, Atenas nuestra capital y el Partenón nuestro templo nacional. Nuestro país es el vasto territorio en el que se habla la lengua griega y la fe religiosa responde a la Ortodoxia. Nuestra capital es Constantinopla y nuestro templo nacional Santa Sofía, la que fue durante un milenio la gloria de la cristiandad".

Al certificarse el fin del Imperio Otomano, la República de Kemal Ataturk, Santa Sofía deja de ser mezquita y se transforma en un museo, la capital deja de ser Estambul (la vieja Constantinopla) para ser Ankara. Pero la República de Ataturk fue “nacionalista” y no permitió a los rumi expresarse. Hoy, sólo queda la pequeña iglesia de Panagia Mugliotissa, en un barrio hasta hace poco cristiano y desde hace veinte años invadido por islamistas. Allí aún se mantiene el complejo culto ortodoxo y quizás así siga durante unos pocos años. Cuando esta iglesuela cierre sus puertas, el último eco de Roma en Oriente, habrá concluido. Sin embargo, a despecho de todo pesimismo, un viejo proverbio rhomaíoi dice:

“Un Constantino la levantó, un Constantino la ha perdido, un Constantino la tomará…”.

Europa sigue a la espera del futuro Constantino.

(c) Ernesto Milà - infokrisis - infokrisis@yahoo.es

Miércoles, 19 de Abril de 2006 17:26 #.

jeudi, 19 avril 2007

Novas reivindicaçoes islamistas sobre a Iberia

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NOVAS REIVINDICAÇÕES ISLAMISTAS SOBRE A IBÉRIA

A Espanha e os enclaves africanos de Ceuta e Melilla correm um risco importante de sofrer um atentado islamita, afirmou o juiz de instrução espanhol Baltasar Garzon, um dia depois dos atentados de Argel reivindicados pela Al-Qaeda.
Numa entrevista ao diário La Vanguardia, o magistrado da Audiência Nacional, a mais alta instância penal espanhola, recorda, um dia depois dos atentados de Argel que causaram pelo menos 24 mortos e 222 feridos, a ameaça da Al-Qaeda paira sobre Espanha.
O grupo terrorista islâmico proclama que a Espanha é um território que deve ser englobado no mundo muçulmano, devido à ocupação moura de uma parte da península ibérica entre os séculos VIII e XV.
«Não ficaremos em paz até que libertemos toda a terra do Islão dos cruzados apóstatas e dos seus agentes e voltemos a por pé sobre a nossa Andaluzia espoliada e sobre a nossa Jerusalém violada», afirmou quarta-feira o grupo ao reivindicar o atentado de Argel.
(...)


Pois é, não ficam em paz até tomarem conta da Ibéria... porque esta gente é mesmo pacífica, quer mesmo a paz, mas o raio dos Espanhóis e dos Portugueses não os deixam em paz visto que se atrevem a dominar o território que foi em tempos conquistado pelos muçulmanos...

Falo não apenas de Espanhóis mas também de Portugueses porque, ao contrário do que diz a tradução do Portugal Diário,
o «Al-Andaluz» da linguagem islâmica não diz respeito apenas à Andaluzia, mas a toda a Hispânia, ou pelo menos a todo o território que foi controlado pelos Mouros na Península Ibérica.

A perda do «Al-Andaluz» com a derradeira derrota do reino mouro de Granada em 1492
constituiu um imenso trauma para todo o mundo muçulmano, que, pelos vistos, está bem vivo nas mentes de muitos, senão da maioria, dos agachados de Alá...

É de notar que os islamistas fazem proselitismo em cerca de dez por cento das centenas de mesquitas sitas em Espanha. O País irmão tornou-se assim numa importante base de recrutamento de bombistas suicidas, que são enviados para o Iraque; e, alguns deles, podem já estar a ser treinados no Mali, no Níger e na Mauritânia.

O atentado bombista de Madrid, por exemplo, parece ter sido organizado em território espanhol, com o apoio dum grupo marroquino.

O mais sintomático é que os promotores da teoria segundo a qual a Espanha pertence ao Islão, não se limitam aos círculos dos «terroristas fanáticos», essa minoria microscópica sem importância nenhuma (que ideia), pelo contrário: ouve-se e lê-se a apologia desse ponto de vista por parte de muçulmanos «moderados» e «pacíficos», o que mostra bem aquilo que poderá ser o futuro da Espanha dentro de vinte anos: uma nova Palestina, com criancinhas-coitadinhas «andaluzes» a atirar pedras contra a polícia do opressor Estado Espanhol, e pelo meio há uns bombista-suicidas a estoirar com cafés e restaurantes madrilenos, mas essa parte, enfim, será obra «duma pequena minoria sem relevância nem representatividade no seio do mundo islâmico».

E porquê?

Porque os promotores da teoria segundo a qual a Espanha pertence ao Islão, não se limitam aos círculos dos «terroristas fanáticos», essa minoria microscópica sem importância nenhuma (que ideia), nem se limitam sequer ao mundo islâmico, mas existem também no seio da Esquerda intelectual europeia, sobretudo na ibérica. E é por aqui, pelo vírus interno, que a Hispânia pode voltar à guerra da Reconquista. Só que, desta vez, talvez não tenha cavaleiros ingleses, franceses, flamengos e alemães a virem em seu auxílio... ou então, esses que eventualmente venham, aparecem acompanhados de mais umas catrefas de Mouros, que, em vez de virem só do sul como outrora, agora chegarão provavelmente de Paris e de Londres...

E, assim, a Europa caminha para uma guerra civil de gravidade sem precedentes.

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G. Giannettini: empires oécaniques des mers ouvertes et des steppes

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Les empires océaniques des steppes et des mers ouvertes

Guido GIANNETTINI

L'empire qui a connu la plus grande expansion au cours de l'histoire a été celui des Mongols, qui ont proclamé leur chef Djingghis Khan (Gengis Khan), soit le “souverain océanique”. C'est dans ce sens que je vais parler, dans cet exposé, d'“empires océaniques”. Les “empires océaniques” des steppes sont originaires d'Asie Centrale, justement comme celui des Mongols. Les “empires océaniques” des mers extérieures se sont constitués à partir du 16ième siècle de notre ère sous l'impulsion des grandes puissances européennes qui se sont projetées sur les mers du globe.

Il existait toutefois, avant ces deux types d'empires “océaniques”, un type différent, anomal, qu'on pourrait attribuer au type “océanique”: c'est celui qui s'est constitué au départ de l'expansion des cavaliers arabes entre le 7ième et le 8ième siècles de notre ère et qui s'est dissous en l'espace d'un matin. Il s'agit à mes yeux d'une apparition mystérieuse et inexplicable sur la scène de l'histoire. Mais c'est un mystère que je me dois d'expliquer avant de passer à l'argument spécifique de mon exposé.

L'expansion des cavaliers arabes entre le 7ième et le 8ième siècles de notre ère est une expansion veritablement hors norme, que l'on ne pourra pas comparer à un autre exemple historique semblable, antérieur ou postérieur. D'un point de vue géopolitique, cette expansion paraît absurde.

Il n'existe aucun exemple de conquête par voie de terre partie d'une péninsule (la péninsule arabique) qui ait pénétré profondément dans la masse continentale (l'Asie occidentale) puis s'est étendue sur un littoral très long mais sans aucune profondeur (l'Afrique du Nord). Dans tout le cours de l'histoire, on n'a jamais vu quelque chose de semblable. D'un point de vue géopolitique, les conquêtes arabes présentent toutes les caractéristiques des expansions propres aux puissances navales, qui, elles, procèdent par “lignes extérieures”, sur les marges des masses continentales. Dans le cas de l'expansion arabe, nous avons une occupation d'une bande littorale, mais effectuée par voie terrestre.

Les causes de cette expansion hors norme sont au nombre de deux. Tout d'abord, il faut savoir que le désert est comme la mer: on ne peut pas l'occuper, on peut simplement tenir en son pouvoir les oasis, comme la puissance maritime occupe et tient en son pouvoir les îles de l'océan. La seconde cause doit être recherchée dans le caractère fortuit, inconsistent, inexistent des conquêtes —en langue arabe il existe un terme indiquant quelque chose qui n'existe pas, mahjas, dont dérive le mot italien mafia; c'est quelque chose d'inexistent mais qui existe tout de même. Nous avons donc affaire à un empire territorial créé à parti de ce rien qui est tout de même quelque chose.

L'expansion des Arabes au départ de leur péninsule d'origine a été rendue possible par une série inédite de facteurs fortuits, tous concentrés dans le même espace temporel. En premier lieu, l'expansion arabe a bénéficié de la faiblesse intrinsèque, à l'époque, des empires byzantin et sassanide, littéralement déchiquetés par plus de vingt années de guerres ruineuses où ils s'étaient mutuellement affrontés. Cet état de déliquescence mettait quasiment ces empires dans l'impossibilité d'armer des troupes et de les envoyer loin, à mille, à deux mille kilomètres de leur centre, où même plus loin encore, contre ce nouvel ennemi qui déboulait subitement du désert. Pire, il leur était impossible de reconstituer des armées dans des délais suffisamment brefs, si celles-ci étaient détruites. En effet, une puissante armée byzantine avait été anéantie sur le Yarmouk en 636 et une autre, sassanide, avait été écrasée par les Arabes à Nehavend en 642. La raison de cette double défaite était d'ordre climatique: le vent du désert, le simoun (de l'arabe samum), avait soufflé dans leur direction pendant plusieurs jours d'affilée, les avait immobilisés et assoiffés, tandis que leurs adversaires arabes combattaient avec le vent qui les poussait dans le dos, sans qu'ils ne fussent génés en rien par la tempête de sable.

Autre facteur qui a rendu aisée l'expansion des Arabes: les luttes intestines qui divisaient les Byzantins, d'un côté, les Wisigoths d'Espagne, de l'autre. L'empire byzantin venait de traverser une tumultueuse querelle d'ordre religieuse, assortie d'un cortège de violences et de persécutions. Pour toutes ces raisons, entre 635 et 649, les autorités religieuses et les populations ont confié spontanément aux Arabes les villes de Damas, Jérusalem, Alexandrie d'Egypte, de même que l'île de Chypre. Ensuite, à cette époque-là, les autorités musulmanes se montraient tolérantes (au contraire des fanatismes intégralistes que l'on a pu observer par la suite) et se sont empressées de souligner les traits communs unissant les fois chrétienne et islamique. Elles ont accepté que les habitants de confession chrétienne dans les cités conquises exercent librement leur culte et se sont borné à lever une taxe, modérée en regard de ce qu'exigeait auparavant le basileus byzantin.

La conquête de l'Espagne s'est déroulée dans des conditios analogues. Après le décès du roi wisigoth Wititsa, deux prétendants se sont disputé le trône: Roderich et Akila. Ce dernier a fait appel aux Arabes et leur chef, Tariq Ibn Ziyad débarque en 711 dans la péninsule ibérique en un lieu qui porte encore son nom, Gibraltar, de l'arabe Djabal Tariq, “la montagne de Tariq”. Son armée est forte de 7000 hommes, en grande partie originaires du Maghreb. Ils seront suivis par d'autres. Les Arabes et les Wisigoths partisans d'Akila finissent par avoir raison des Wisigoths partisans de Roderich. Ces derniers sont attaqués dans le dos par les Basques et par la communauté juive, qui est particulièrement nombreuse en Ibérie (elle est la plus forte diaspora d'Europe). Les Juifs se soulèvent, équipent une armée et s'emparent de plusieurs villes qu'ils livrent aux Arabes, tandis que les féaux de Roderich commencent à déserter.

Toutefois, les Arabes, malgré ce concours de circonstances favorables, ont eu du mal à briser la résistance des Wisigoths. Ils n'ont pas pu occuper toute la péninsule ibérique, parce que les montagnards du Nord et des Cantabriques ont repoussé toutes leurs tentatives de conquête. Ensuite, après avoir tenté de pénétrer en France, les Arabes sont définitivement vaincus en 732 près de Poitiers. La défaite de Poitiers, ainsi que l'échec de l'attaque contre Constantinople, mettent fin à l'expansion arabe.

Le déclin a été quasi immédiat. A peine 23 ans après avoir atteint le maximum de son expansion  —à la veille de la bataille de Poitiers—  le grand empire arabe de Samarcande à l'Atlantique commence à se désagréger: en 755, le Califat ommayade d'Espagne fait sécession, suivi immédiatement par d'autres Etats arabes séparatistes du Maghreb, d'Egypte et d'Orient. Mais un grand empire avait existé, pendant peu de temps, il n'a tenu que 23 ans!

Un empire rêvé, crée par un peuple de rêve et forgé par une culture imaginée: mahjas. En effet, le peuple arabe, créateur de cet empire, n'était pas un peuple selon l'acception commune, c'est-à-dire la fusion de tribus sœurs issues d'un même désert arabique; il n'allait pas le devenir non plus, mais au contraire, juxtaposer en sa communauté de combat des peuples de plus en plus différents, issus des pays conquis.

Mais la culture arabe, elle, est plus homogène. L'islamisme est une forme de syncrétisme religieux alliant des élements de judaïsme et de christianisme et reprenant à son compte des courants chrétiens considérés comme “hérétiques”. La philosophie arabe est une reprise pure et simple de la philosophie grecque, basée sur la dichotomie Platon/Aristote. Les bases des connaissances mathématiques, astronomiques, géographiques, physiques et même ésoteriques dans le monde arabe au temps de la grande conquête sont d'origines grecque et persane. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si la pensée arabe est une pensée ouverte aux cultures grecque et iranienne (car l'ancienne civilisation du pays d'Aryanam n'est pas orientale). C'est patent à l'époque du Califat abasside, quand l'Islam, après la chute de l'empire sassanide, a subi directement et puissamment l'influence des peuples conquis.

L'art arabe en général, comme l'art mauresque en Espagne, est constitué de variantes de l'art roman ou byzantin. Enfin, les chiffres considérés comme “arabes” sont en fait indiens, mais les Arabes les ont transmis à l'Europe. Comme du reste d'autres faits de culture venus des régions indo-européanisées d'Asie, tel le jeu d'échecs, qui est iranien, mais nous est parvenu grâce à la médiation arabe.

En réalité, les Arabes ont surtout exporté leur langue en Afrique et en Orient. Mais comme on peut observer que les langues sémitiques sont très proches les unes des autres, et ne sont finalement que des dialectes d'une même langue, cette similitude a favorisé la diffusion de l'arabe dans de nombreuses régions.

Le grand atout de la culture arabe au temps de la grande conquête a été l'extraordinaire capacité, et même le mérite, d'appréhender sans frein tout ce qui venait d'ailleurs, de le remodeler et de le diffuser tous azimuts. Une telle capacité, même si elle peut être interprétée comme un absence de spécificité propre, a contribué à atténuer les rigidifications à l'œuvre dans le monde entourant les Arabes, rigidités qui expliquent aussi l'expansion fulgurante de ceux-ci, qui serait incompréhensible autrement.

Pendant près de 1800 ans, du début du Vième siècle ap. J.C., jusqu'à l'époque de Gengis Khan, les peuples turcs ont dominé l'Asie centrale septentrionale, puis se sont répandus dans l'Asie occidentale pour donner ensuite l'assaut à l'Europe. Cette phase d'expansion commence vers l'an 1000, quand la domination turque en Asie n'est pas encore achevée. Elle se manifeste surtout dans la longue lutte contre l'empire byzantin, qui se terminera par la chute de Constantinople (1453) et par les raids dans l'espace danubien. La phase descendante commence, elle, par l'échec du siège ottoman de Vienne (1683) et surtout par la reconquête du Sud-Est européen sous l'égide du Prince Eugène, actif dans la région de 1697 à1718, puis de ses successeurs qui guerroyèrent pendant vingt ans pour imposer aux Ottomans la Paix de Belgrade en 1739.

Même sans prendre en considération les 180 dernières années de vie de l'Empire ottoman  —depuis la Paix de Belgrade jusqu'à sa fin en 1918—  nous constatons que l'expansion de cette puissance turque s'étend sur un arc de treize siècles, pendant lesquels les peuples turcs, habitant à la charnière de l'Europe et de l'Asie, ont joué un rôle primordial parmi les protagonistes de l'Histoire. Il ne s'agissait certes pas d'un Etat unique et d'un peuple unique et cette histoire a connu des phases sombres et de déclin, mais cela s'observe également dans l'histoire de l'empire romain ou des empires des divers peuples de l'Iran, les Mèdes et les Perses, les Parthes et les Sassanides.

La préhistoire des peuples turcs présente encore beaucoup de zones d'ombre et d'incertitudes, comme du reste celle des peuples mongols. Malgré ces difficultés, nous pouvons affirmer aujourd'hui que le peuple proto-turc le plus ancien  —le nom “Turc” ne se diffusera qu'ultérieurement—  apparaît sur le théâtre de l'Histoire vers l'année 400 de notre ère: c'est le peuple des Tabgha'c, originaires d'Asie septentrionale, qui, en 70 ans à peu près, domine toute la Chine septentrionale, depuis les Monts Dabie Shan (limite septentrionale des affluents de la rive gauche du fleuve Yang-Tse). Ce sont eux qui fondent la dynastie Wei.

Tandis que les Proto-Turcs Tabgha'c descendent sur la Chine du Nord, en Asie septentrionale, dans la région dont les Tabgha'c sont originaires, se rassemble le peuple des Juan-Juan, connus également sous le nom de Ju-Jan, Ju-Ju ou Jui-Jui. Certains savants les identifient aux War ou Apar ou Avars qui atteindront la Hongrie. D'autres prétendent qu'ils ne sont pas identiques mais parents. Les Juan-Juan étaient des Proto-Mongols, mais leur empire a englobé aussi des peuples proto-turcs ou turcs, paléo-asiatiques et, forcément, des tribus d'autres ethnies.

Vers 520, leur empire commence à s'affaiblir, puis tombe en déclin, à la suite d'une révolte de deux clans que les sources chinoises appellent respectivement les T'u-küeh et les Kao-kü.

Les premiers sont originaires des Monts Altaï et sont les ancêtres des Turcs, le terme chinois T'u-küeh correspondant à Türküt, pluriel mongol de Türk, c'est-à-dire “homme fort” en langue turque. Notons toutefois que quelques auteurs interprètent le terme “Türk” comme un pluriel, “Tür-k”, par analogie à “Tur-an”, pluriel de “Tur”: dans ce cas, il s'agirait d'une reprise par les Turcs d'une dénomination d'origine iranienne, désignant l'“Iran extérieur”. Ensuite, l'autre clan en révolte contre les Juan-Juan était également turc, c'était celui des Tölös, ancêtres des Ouighours.

C'est ainsi que les Turcs, sur les ruines de l'empire des Juan-Juan, ont fondé leur propre empire, s'étendant de Jehol (aux confins de la Mandchourie moderne) jusqu'à la Mer d'Aral, territoire correspondant à toute la zone méridionale du Heartland de Mackinder. Pendant 300 ans environ, l'empire turc  —malgré sa division en deux Etats (quasiment depuis le début), l'un oriental, l'autre occidental—  a dominé le cœur de l'Asie. Puis, vers la moitié du VIIIième siècle, sa partie orientale est absorbée par les Ouighours, eux aussi d'origine turque, tandis que la partie occidentale se fractionne en khanats indépendants.

A partir du khanat des Oghuz, situé dans un territoire au nord du Lac Balkach, se profile d'abord le clan des Seldjouks, qui amorce par la suite un mouvement vers l'Ouest, leur permettant d'abord de conquérir l'Iran oriental, puis l'Iran occidental, ce qui les rend maîtres du versant sud-occidental du Heartland. C'est après la consolidation de cette phase-là de leurs conquêtes, que les Seldjouks se mettent à attaquer l'Empire romain d'Orient (Byzance), bastion avancé de l'Europe contre les invasions venues d'Asie. D'un point de vue géopolitique, il s'agit de la même ligne d'expansion qu'avaient empruntée précédemment les empires iraniens.

Mais les Seldjouks ne sont jamais arrivés en Europe. La dynastie des Osmanli se profile au XIIIième siècle en Anatolie, prend le contrôle de la partie occidentale de l'empire seldjouk et réamorce les pressions expansives en direction de l'Occident. Les Osmanlilar  —pluriel turc qui désigne ceux que les Occidentaux appellent les Ottomans—  s'emparent de toute l'Anatolie et, sans tenter de conquérir l'enclave byzantine que sont Constantinople et la Thrace orientale—  passent en Europe, atteignent le Danube au cours du XIVième siècle. Ce n'est qu'après avoir atteint le Danube que les Turcs lancent l'ultime assaut contre Constantinople qu'ils conquièrent en 1453.

Ensuite, une série de campagnes militaires les amènent aux portes de Vienne qu'ils assiègent en 1683. Au même moment, les Ottomans, disposant de la plus forte puissance musulmane, deviennent les protecteurs du monde islamique et imposent leur autorité aux Etats arabes d'Afrique du Nord et du Maghreb.

Pourtant, l'histoire de l'expansion ottomane nous apprend que l'on ne peut pas contrôler l'Europe seulement en contrôlant les côtes méridionales de la Méditerranée. En pénétrant par le Sud-Est, à travers les Balkans et l'espace danubien, les Ottomans atteignent la porte d'entrée du cœur de l'Europe, Vienne et Pressburg/Bratislava. Leur calcul était clair: ou bien ils franchissaient cette porte et s'emparaient de l'Europe, ou bien ils étaient refoulés. L'avancée des Trucs en direction du cœur germanique de l'Europe a été bloquée. Les Européens ont reconquis les Balkans. Les Osmanlilar sont tombés en décadence.

Les Turcs, comme toutes les tribus ouralo-altaïques avant de commencer leur expansion, habitaient les steppes eurasiatiques, dans des territoires voisins de ceux qu'avaient occupés plusieurs peuples indo-européens entre le IIIième et le IIième millénaires avant J.C. Ce voisinage a provoqué des échanges, ce qui a donné, à la longue, des similitudes culturelles entre Indo-Européens et Proto-Turcs: par exemple, le caractère guerrier de leurs sociétés, l'association homme/cheval et la structure hiérarchique et patriarcale des sociétés. En matières religieuses  —l'islamisation des Turcs n'aura lieu que très tard et ne concernera que les Turcs d'Asie occidentale—  nous constatons une typologie céleste et solaire des divinités suprêmes.

Citons par exemple Tenggri, “le dieu bleu du Ciel“ ouralo-altaïque, ou le bi-Tenggri turc, phrase signifiant “Dieu est” que l'on a retrouvé grâce à la tradition hsiung-nu. Elle se rapproche de la racine indo-européenne du nom de Dieu, *D(e)in/Dei-(e)/Dyeu, signifiant “lumière active du jour, splendeur, ciel”. L'origine ethnique des Turcs, selon leur Tradition, présente une analogie singulière avec l'origine mythique de Rome: le totem des Turcs était le loup et leur héros éponyme aurait été alaité par une louve, exactement comme Romulus et Remus.

Enfin, à la fin des temps archaïques, la culture indo-iranienne s'est imposée à toute l'Asie centrale. Cette influence a également marqué les Turcs Seldjouks aux XIième et XIIième siècles après J.C., quand ils se sont répandus à travers le territoire iranien et ont retrouvé une sorte de familiarité avec la culture iranienne, dans la mesure où les chefs et les souverains conquérants se paraient ostentativement de noms tirés des textes épiques du Shahnameh, comme Kai Kosrau, Kai Kaus, Kai Kobad.

Plus tard, les Ottomans, surtout après la conquête de Constantinople, ont voulu montrer qu'ils assuraient la continuité de l'empire byzantin. D'abord, ils installent leur capitale dans la ville même de Constantinople, en ne changeant son nom qu'en apparence, car Istanbul dérive de “is tin pol”, prononciation turque de la désignation grecque “eis ten polis”, soit “ceux qui viennent dans la Cité”.

Dans leur bannière, les Ottomans ont repris la couleur rouge de Byzance, la frappant non pas de l'étoile et du quart de lune actuels, mais du soyombo  altaïque, qui possède la même signification que le t'aeguk coréen représentant le yin et le yang, c'est-à-dire l'union du soleil et de la lune que l'on retrouve encore dans les drapeaux mongol et népalais: le soleil y est un astre à plusieurs rayons (de nombre paire), la lune y est un croissant comme dans le premier et le dernier quart de ses phases. Le soleil contenu dans le soyombo était encore bien présent au début de notre siècle: il n'a été remplacé que sous l'influence des “Jeunes Turcs” par l'étoile maçonnique à cinq branches qui, avec le quart de lune, évoque le symbolisme oriental du ciel nocturne.

L'empire ottoman et, avant lui, celui des Seldjouks, ont été en contact avec des territoires dont la valeur géopolitique est spécifique et significative: la région danubienne-anatolienne et la région iranique. Ces territoires semblent exiger de leurs maîtres d'assumer la même fonction que celle qu'assumaient avant eux les peuples qui les ont habités. Surtout dans le cas iranien, qui évoquait en un certain sens le monde de leurs origines.

Les Mongols sont le seul peuple à avoir conquis une bonne part de la World-Island, l'île du monde eurasiatique telle que la définissent les théories géopolitiques de Halford John Mackinder, étendant leur domination des côtes du Pacifique à la Mer Noire, en poussant même des pointes en direction de l'Allemagne et de l'Adriatique. La base de départ de leur expansion était la zone centrale du Heartland, selon un développement qui semblait suivre avec grande précision les lignes de la géopolitique la plus classique.

Dans ce cas, toutefois, le terme “mongol” est impropre. En fait, au début de l'“Année de la Panthère”, soit au printemps de 1206, Gengis Khan, le “souverain océanique”, dont le pouvoir s'étendait aux rives de quatre océans, qui descendait du Börte-Chino (le “Loup bleu du Ciel”) et de Qoa-Maral (la “Biche fauve”), convoque aux bouches du fleuve Onon le quriltai,  la grande assemblée, réunie autour du tuk  impérial (le drapeau blanc avec le gerfaut, le trident de flammes, les neuf queues bleues de yaks et les quatre queues blanches de chevaux). Y viennent les chefs d'une vaste coalition de peuples appelés à former le monghol ulus,  la nouvelle grande nation mongole. Mais, outre le Kökä Monghol, c'est-à-dire les “Mongols bleus gengiskhanides”, on trouvait, au sein de ce rassemblement qu'était la nouvelle grande nation mongole, des Mongols Oirat et Bouriates, les Turco-Mongols Merkit, les Toungouzes Tatarlar (Tatars) et les Turcs Kereit, Nemba'en (ou Nayman), les Ouighours et les Kirghizes.

Pour avoir accordé à tous ces peuples la nouvelle “nationalité” mongole dans le cadre de l'empire du “souverain océanique”, le “monghol ulus” était une coalition ethnique aux composantes variées, que l'on ne définira pas comme proprement “mongole” mais plutôt comme “altaïque” ou comme “centre-asiatique”, vu que cette nation élargie comprenait des peuples importants, ainsi que des tribus et des clans paléo-asiatiques et irano-touraniques.

L'expansion des Mongols en direction de l'Occident a été jugée de manières forts différentes par les peuples qui l'ont subie ou observée. En règle générale, cette expansion a suscité la terreur, de l'Asie centrale à la Russie, de l'Allemagne à la Hongrie, surtout en raison des terribles massacres commis par les envahisseurs.

Cependant, les Francs du Levant, détenteurs des Etats croisés survivant vaille que vaille, ont, eux, accueilli les Mongols comme des libérateurs. Dans leur cas, il ne s'agissait plus du “souverain océanique” mais de son petit-fils Hülagü, Khan de Perse et grand massacreur de musulmans. Hülagü combattait sans distinction tous les peuples islamiques, tant les Arabes que les Turcs occidentaux (les Seldjouks), et cela, pour deux motifs: l'un d'ordre essentiellement stratégique, l'autre, religieux. Le motif stratégique, c'était que, de fait, les Turcs occidentaux et les Arabes constituaient un obstacle à l'expansion mongole. Quant au motif religieux, les Mongols étaient à cette époque, pour une grande partie d'entre eux, des chrétiens nestoriens ou des bouddhistes. Hülagü était bouddhiste et sa favorite, Doquz-Khatoun, était chrétienne-nestorienne. Dès lors, ils massacraient tous les musulmans et épargnaient les chrétiens.

C'est pour cette raison que les Francs du Levant ont proclamé Hülagü et Doquz-Khatoun, le “nouveau Constantin et la nouvelle Hélène, très saints souverains unis pour la libération du Sépulcre du Christ”. Mongols et Croisés frappaient tous leurs étendards de croix et égorgeaient ou décapitaient tous les musulmans qui avaient l'infortune de se trouver sur leur chemin en Syrie ou en Palestine: les anciennes chroniques parlent de 1755 pyramides de têtes tranchées.

Mais quand la terreur a cessé, la moitié septentrionale de l'empire gengiskhanide a vécu la “pax mongolica”, permettant de réouvrir la “route de la soie” et de reprendre les échanges commerciaux entre l'Europe, l'Asie centrale et l'Extrême-Orient.

Plus tard, entre le XIVième et le XVième siècles, l'expansion ottomane en Europe et au Levant, de même que la turcisation et l'islamisation des khanats d'origine gengiskhanide d'Asie occidentale, ont provoqué un renversement complet de la situation: les contacts et les échanges entre l'Europe, l'Asie centrale et l'Extrême-Orient sont devenus très problématiques. Cette rupture des communications ont contraint notamment le Portugal et l'Espagne à franchir l'obstacle en amorçant une expansion maritime. Cette expansion outre-mer non seulement a réussi à rouvrir la route de l'Inde, mais aussi permi la découverte du Nouveau Monde. L'enjeu a donc été bien plus important qu'on ne l'avait prévu et l'expansion maritime des deux nations ibériques a été vite imitée par de nouvelles puissances navales, telles l'Angleterre, la Hollande et la France.

L'impossibilité d'atteindre rapidement et facilement l'Asie centrale et l'Extrême-Orient par les routes terrestres a obligé les Etats européens, à partir du XVième siècle, a opté pour une approche géopolitique complètement différente et de contourner par voie maritime toute la World-Island,  dans le but d'en atteindre les extrémités orientales par des voies extérieures. En d'autres termes, l'Europe, ne pouvant plus appliquer les règles découvertes cinq siècles plus tard par Mackinder, soit les règles de la géopolitique continentale, a à l'unanimité adopté celles de la géopolitique maritime, soit celles qu'allaient découvrir Mahan. L'Europe a donc abandonné son pouvoir continental pour partir à la recherche d'un pouvoir naval.

Au début, la valeur géopolitique de cette nouvelle option n'apparaissait pas très claire: il ne s'agissait pas encore d'une véritable expansion politique et stratégique, mais seulement de l'ouverture de voies commerciales. Toutefois, on est rapidement passé des comptoirs et établissements commerciaux à l'organisation de bases militaires et de points d'appui, occupés par des troupes. Ensuite, on s'est conquis des domaines coloniaux. A partir de ce moment-là, la pertinence géopolitique de l'expansion européenne d'outre-mer est dévenue très évidente.

Le Portugal établit ainsi en 1415 sa première tête de pont en Afrique, mais c'est encore en Méditerranée: il s'agit de la ville de Ceuta au Maroc, qu'il perdra par la suite à l'avantage de l'Espagne. Ensuite, les Portugais traversent l'Atlantique oriental, et commencent à contourner par voie maritime le continent noir. Ils abordent à Madère en 1417, aux Açores en 1431, au Cap Vert en 1445; ils atteignent l'embouchure du fleuve Congo en 1485, arrivent au Cap de Bonne Espérance en 1487 et, enfin, débarquent à Calicut (Kalikat/Kojikode) sur la côte sud-occidentale de la péninsule indienne. Ce n'est qu'après avoir ouvert la route des Indes que les Portugais se donnent de solides possessions coloniales le long de cette voie. Elles sont de véritables points d'appui stables pour garantir la libre circulation sur cette grande voie maritime. Ainsi, après Madère, les Açores, le Cap Vert et la Guinée, qui, de concert avec la métropole portugaise, formaient un système en soi, se sont ajoutées des colonies lointaines comme le Mozanbique (1506-07), la ville de Goa en Inde (1510) et l'Angola (1517).

Après s'être assuré de tous ces points d'appui et territoires, les Portugais complètent leur réseau de relais sur le chemin de la Chine en conquérant la partie orientale de l'île indonésienne de Timor en 1520 et en s'installant à Macao en 1553. Les Hollandais les empêchent de prendre l'ensemble de l'archipel. L'accès aux voies maritimes vers l'Orient est consolidé par la prise de possession de la côte occidentale de l'Atlantique, c'est-à-dire le Brésil, où le Portugal installe son premier point d'appui en 1526. Il achève la conquête du pays en 1680, après en avoir chassé les Hollandais.

L'Espagne évite dès lors toute tentative sur la route des Indes, déjà contrôlée par les Portugais. C'est cet état de choses qui motive la décision de la Reine Isabelle d'appuyer le projet de Colomb de trouver une autre route vers les Indes, en partant de l'Ouest au lieu de se diriger directement vers l'Est. Colomb n'a jamais atteint les Indes, mais, en revanche, il a découvert un autre continent, l'Amérique, qui s'est vite révélée très riche. L'Espagne s'est donc étendue à ce nouveau continent et en a occupé la moitié.

La découverte de l'Amérique réveille l'intérêt de l'Angleterre et de la France qui, contrairement à l'Espagne qui se projette sur la partie centrale et méridionale de ce double continent, tentent de s'emparer de sa partie septentrionale, à l'exception d'une brève parenthèse constituée par une tentative française de s'installer au Brésil entre 1555 et 1567. Anglais et Français commencent par n'assurer qu'une simple présence commerciale puis se taillent des domaines ouverts à la colonisation. Pour prospecter ce continent, les Anglais envoient en Amérique du Nord l'Italien Sebastiano Caboto (John Cabot) entre 1497 et 1498. Les Français envoient un autre Italien, Verrazzano en 1524, puis un des leurs, Cartier, en 1534. Mais toutes ces tentatives françaises et anglaises ne sont encore que des expédients: elles n'indiquent pas une ligne géopolitique spécifique et bien définie.

Le pouvoir naval anglais trouve ses origines dans les opérations conduites par l'ex-corsaire Sir Francis Drake entre 1572 et 1577. Ensuite, en 1584, Sir Walter Raleigh fonde la colonie de la Virginie, premier foyer de la future Nouvelle-Angleterre. Enfin, à partir de 1600, l'Angleterre se projette au-délà de l'Atlantique Sud et de l'Océan Indien et commence son expansion aux Indes, affrontant d'abord les Portugais, puis les Français.

Pendant une brève période de quelques décennies, le sea power anglais connaît une éclipse, causée par l'expansion outre-mer de la Hollande, qui venait d'arracher son indépendance à l'Espagne.

Les Hollandais, après l'expédition de Willem Barents dans les régions polaires, dans l'intention de trouver un passage maritime par le Nord pour atteindre la Chine, et après une guerre contre l'Angleterre au XVIIième siècle, prennent la même route que les Portugais vers les Indes, s'installent en Indonésie à partir de 1602, chassent les Portugais de Ceylan en 1609, et commencent à coloniser l'Afrique du Sud à partir de 1652. Les Boeren (Boers), terme signifiant “paysans”, sont donc les premiers habitants du pays, car ils s'y installent avant toutes les populations noires-africaines d'aujourd'hui. Toutefois les Hollandais ne renoncent pas à l'Amérique: en 1626, ils acquièrent l'île de Manhattan qu'ils achètent aux Ongwehonwe (les Iroquois) et lui donnent le nom de Nieuw Amsterdam. Les Anglais, en s'en emparant, lui donneront le nom de New York. Enfin, les Hollandais tentent de s'installer entre 1624 et 1664 dans le Nord-Est du Brésil.

Au cours de la seconde moitié du XVIIième siècle, la puissance navale anglaise renaît et la puissance navale française se forme. Toutes deux vont s'affronter. Tant la France que l'Angleterre tenteront une double expansion, vers l'Asie et vers l'Amérique du Nord.

La France en particulier tente de consolider ses possessions canadiennes, à partir de 1603. Ensuite, elle projette ses énergies vers l'Océan Indien, prend le contrôle de Madagascar entre 1643 et 1672, s'empare de l'île de la Réunion en 1654, afin de pénétrer dans le sub-continent indien. Toutefois tant l'Inde que le Canada lui échapperont, en dépit de l'acquisition de la Louisiane en 1682, qui soudait le territoire français d'Amérique du Nord, depuis la Baie de Hudson jusqu'au Golfe du Mexique. La France a dû céder le pas à l'Angleterre qui impose sa suprématie.

Après ce double échec français, l'histoire sera marquée, aux XVIIIième et XIXième siècles par l'expansion maritime de l'Angleterre et par la création de son “empire global”, basé sur le sea power. Comme l'empire britannique était fondé sur le pouvoir naval, son Kernraum n'est pas constitué du Heartland, mais par la maîtrise d'une masse océanique, l'Océan Indien, contre-partie maritime du “cœur du monde” continental.

Guido GIANNETTINI.

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mercredi, 18 avril 2007

J. Parvulesco : Poutine et l'Eurasie

Jean Parvulesco
VLADIMIR POUTINE ET L’EURASIE
Préface

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En ces tumultueux débuts de l’année 2004, des événements absolument décisifs se manifestent, avec force, à l'abri de leurs propres dissimulations à l'oeuvre, qui sembleraient chargées d'en obturer, d'en atténuer la véritable importance, le caractère certain d'une mise en convergence tragique, engagée dans la direction d'un reversement final des temps et du sens actuel de l'histoire du monde à sa fin. Car il est désormais chose parfaitement acquise qu'à présent nous allons inéluctablement vers «la fin d'un monde», expression empruntée à René Guénon.
   Bien sûr, les actuelles gesticulations paranoïaques de ce que Bill Clinton avait appelé la «Superpuissance Planétaire des Etats-Unis», engagée comme celle-ci se trouve dans son incroyable entreprise d'ingérence - dans les termes d'un conflit armé de dimensions, d'implications planétaires - au Moyen-Orient, sous le prétexte d'une mise au pas définitive de l'Irak, et de la liquidation du régime national-révolutionnaire de Saddam Hussein hier encore au pouvoir à Bagdad, captivent pour le moment tout l'horizon de l'actualité en cours, mobilisent exclusivement notre attention (à très grand tort d'ailleurs, ainsi qu'on s'en apercevra au cours du bref texte présent, qui est aussi autre chose qu'une simple préface).
   Tentative d'ingérence des Etats-Unis au Moyen-Orient qui n'est de toutes les façons que la reprise, la répétition, à un niveau autrement supérieur, de leur précédente entreprise d'ingérence directe dans l'ancienne Yougoslavie - en Bosnie, au Kosovo, en Macédoine, en Serbie même - ayant finalement abouti à la mainmise politico-stratégique totale des Etats-Unis sur l'ensemble du Sud-Est du continent européen, avec l'Albanie comme base de contrôle et de manoeuvre arrière.
   Cependant, contrairement à certaines apparences fallacieuses, le véritable centre de gravité de l'actuelle situation politique planétaire ne se trouve pas au Moyen-Orient, et ne concerne que d'une manière toute relative les séquelles de l'offensive des Etats-Unis contre l'Irak, et cela même en ce qui concerne les raisons occultes et même plus qu'occultes de cet assaut aux buts avoués de dévastation totale. Le véritable centre de gravité de l'actuelle politique planétaire dans son ensemble, se trouve, en réalité, en Europe, et concerne les actuels efforts d'intégration impériale européenne autour du Pôle Carolingien franco-allemand et des relations ultérieures que celui-ci entend entamer d'urgence, et approfondir en termes de destin - dans les termes mêmes du «plus grand destin», historique et suprahistorique - avec la «Nouvelle Russie» de Vladimir Poutine : en réalité, c'est le projet encore relativement confidentiel, en cours de réalisation, de l'axe transcontinental Paris-Berlin-Moscou qui marque l'avancée réellement décisive des changements révolutionnaires actuels à l'échelle européenne grand-continentale de dimension et de prédestination impériale eurasiatique.
   Cependant l’actuelle grande politique européenne est - et ne saurait absolument pas ne pas l'être - une politique fondamentalement conspirative. Il ne faut surtout pas avoir peur des mots. Une politique fondamentalement conspirative parce que tout l’ensemble de ses options opératives majeures se passe dans l'ombre, essentiellement dans l'ombre, protégé par des dispositifs spéciaux de diversion stratégique et de désinformation sous contrôle, visant non pas tellement à détourner l'attention des Etats-Unis sur ce qui est en train de se passer à l’heure présente en Europe - rien ne saurait vraiment rester caché devant la surveillance permanente des services de renseignements politico-stratégiques de Washington - mais pour que, dans la mesure du possible, les apparences immédiates de la marche des choses en cours s'en trouvent maintenues en marge, désubstantialisées, déportées loin de la véritable réalité, de la portée décisive du processus de l'intégration impériale européenne en cours. Une fausse réalité de rechange remplace en permanence la véritable réalité en action, le devenir politique dans ses dimensions immédiatement révolutionnaires, fausse réalité dont il faut savoir qu'elle se trouve émasculée à dessein, subversivement poussée en avant pour qu'elle fasse diversion, dédramatise, désarme les alertes par trop proches du dessous des choses. De manière à ce que la réalité révolutionnaire impériale européenne ne risque pas de passer pour une provocation abrupte à l'égard de la «ligne générale» des intérêts vitaux des Etats-Unis ; et aussi pour que ceux-ci ne parviennent quand même pas à tout saisir du processus d'intégration impériale européenne grand-continentale qui, souterrainement, se poursuit d'une manière inéluctable. Qui va de l'avant, malgré les empêchements de la stratégie négative américaine engagée à contrer, dans l'ombre, la succession des grandes opérations politiques planifiées conjointement par Paris, Berlin, Moscou et, aussi, par New Delhi et Tokyo, en vue d'un seul et même objectif politico-stratégique final, qui est celui de l'affirmation impériale de la plus Grande Europe continentale de dimensions «euroasiatiques», de l'affirmation révolutionnaire du grand «Empire Eurasiatique de la Fin» .
   Même si Jacques Chirac a quand même cru devoir parler, en cette occurrence, d'un «Pacte Refondateur» du traité franco-allemand de Gaulle-Adenauer de 1963, les célébrations officielles de celui-ci, qui ont eu lieu à Versailles à la fin janvier 2003, n'ont pourtant pas laissé surprendre ce qui se cachait derrière : à savoir, la mise en branle du processus souterrain d'intégration politique de la France et de l'Allemagne, de manière à ce que, à terme, on arrive à ce que Alexandre Douguine appelait, dans un éditorial retentissant, depuis Moscou, l’ «Empire Franco-Allemand». «Vive l'Empire Franco-Allemand» avait-il intitulé son éditorial véritablement révolutionnaire, aussi décisif que visionnaire, et qui restera comme tel dans l'histoire de la plus Grande Europe à venir.
   Car il s'agit d'un «Empire Franco-Allemand» qui doit constituer le pôle historiquement fondationnel de l' «Imperium Ultimum» grand-continental eurasiatique, son «Pole Ouest» , l’autre pôle, le «Pôle Est» devant être constitué par la Russie et, derrière la Russie, par l’Inde et le Japon : quinze jours après la reconnaissance formelle, à Versailles, du «Pacte Refondateur» franco-allemand, le Président Vladimir Poutine se rendait en visite officielle d'Etat à Paris, alors que le premier ministre de Jacques Chirac, Jean-Pierre Raffarin, se rendait, au même moment, à New Delhi, où il poursuivait des entretiens politico-stratégiques confidentiels avec le Premier ministre indien, Adel Bihari Vajpayee. Et l'on serait peut-être en droit de considérer que les entretiens à New Delhi de Jean-Pierre Raffarin avec Atal Bihari Vajpayee avaient été préparés lors de la récente visite officielle de plusieurs jours à Paris du Vice-Premier ministre indien, L. K. Advani, représentant, au sein du gouvernement de l'Union Indienne, de l'aile dure, révolutionnaire, du parti au pouvoir, le Bharatiya Janata Party (BJP). Pour ceux qui savent, l'histoire, la «grande histoire», tout en faisant semblant de se passer au grand jour, ne développe jamais la tragique spirale de sa marche que dans les coulisses, dans l'ombre profonde de derrière ce que l'on laisse apercevoir à ceux qui «n'en sont pas».
   De toutes les façons, une chose est absolument certaine : ce qui à présent se trouve ainsi mis en marche, désormais ne s'arrêtera plus. Dans le secret, ou pas.
   Le moment est donc venu, néanmoins, pour que l'on ne dissimule plus la réalité encore voilée d'une situation de fait sans issue autre que celle d'une conflagration planétaire totale : si la plus Grande Europe continentale, «eurasiatique», est faite, qui, aujourd'hui, conspirativement, est très précisément en train d'être faite, les Etats-Unis s'en retrouveraient relégués, de par cela même, dans la situation d'une puissance de deuxième, voire même de troisième rang. Il apparaît donc comme tout à fait évident que le but politico-stratégique planétaire suprême des Etats-Unis ne saurait être que celui de s'opposer par tous les moyens à l'avênement de l’ «Empire Européen» grand-continental de la fin. Et réellement par tous les moyens, y inclus celui d'une guerre préventive - d'une guerre nucléaire-éclair - des Etats-Unis contre l'Empire Européen. C'est ce que les responsables politiques européens, ceux qui détiennent entre leurs mains les futures destinées de la plus Grande Europe, se doivent d'avoir en permanence à l'esprit. Car c'est bien là le dernier mot, la pierre d'achoppement et la suprême épreuve. L'épreuve du feu.
   On atteint là à une situation de rupture permanente. Et c'est précisément ce qui, dans ce contexte de «limite ultime», instable, essentiellement équivoque et tragique, expliquera les conditions conspiratives dans lequelles le processus impérial européen grand-continental se trouve actuellement entamé et poursuivi derrière la façade des apparences désinformatives et engagées dans la dialectique agissante d'une stratégie de diversion permanente, façade qui est celle de la situation visible des choses que l'on s'efforce de maintenir, à dessein, sous un jour singulièrement décevant, comme piétinant indéfiniment sur place, perdue d’indécision et de faiblesse, dépourvue de toute chance d’«arriver à son but» . Désinformer, donc.
   Alors que la situation invisible se trouve être tout le contraire de celle que montrent ses apparences stratégiquement trafiquées, dissimulantes, le projet - par exemple - de l'axe Paris-Berlin-Moscou étant, à l'heure présente, pratiquement en état d'aboutir. Or l'axe Paris-Berlin-Moscou représente notre bataille décisive.
   Car, pour un certain temps encore, la grande politique européenne continentale devra donc être conduite comme une politique à deux identités, à deux niveaux antagonistes de visibilité, une politique essentiellement conspirative, une politique à la fois visible et invisible. Une fausse politique visible, et une réalité révolutionnaire en action, invisible.
   Et c'est bien ici que va se laisser surprendre - ainsi que je n'ai pas cessé de le dire moi-même, depuis longtemps déjà - l'extraordinaire importance révolutionnaire directe des chaînes activistes - et depuis quelque temps, suractivées - européennes grand-continentales constituées par les «groupes géopolitiques», dont la mission avait été - et l'est toujours - celle de veiller au développement ininterrompu d'une certaine prise de conscience impériale géopolitique national-révolutionnaire au sein des pays de la plus Grande Europe, mouvance agissant, déjà, au-delà des clivages nationaux, dans une perspective de plus en plus impériale, mouvance décisive, mouvance porteuse de la «grande histoire» dans sa marche souterraine.
   Ainsi, dans le présent ouvrage, qui est un livre singulièrement dangereux, à ne surtout pas mettre entre toutes les mains, je n'ai moi-même rien fait d'autre que de témoigner en continuité de la marche en avant, des développements conséquents d'une certaine conscience impériale révolutionnaire grand-européenne. Etape par étape. En accompagnant ainsi son propre cours, et le plus souvent en le devançant, et de beaucoup : ce n'est pas un travail analytique suivi que j'ai entrepris de faire là, mais un travail fondamentalement visionnaire, dont l'horizon propre se situait dans l'histoire de l'au-delà de la fin de l'histoire.
   Le premier article repris dans le présent ouvrage, intitulé La doctrine géopolitique de l'URSS et le «Projet Océanique Fondamental» de l'amiral G.S. Gorchkov, était paru en février 1977, et le dernier, intitulé Vladimir Poutine dans la perspective eschatologique de la «Troisième Rome» . L' «homme du Kremlin, l'homme des batailles finales, en février 2003. De l'un à l'autre, le processus de la naissance et des développements révolutionnaires de l'actuelle conscience politique grand-continentale européenne s'y trouve suivi à la trace sur un quart de siècle et plus : chaque chapitre de ce livre marque une étape ascendante de la nouvelle conscience révolutionnaire supra-nationale de visée impériale, secrètement eschatologique, dont ce livre se situe en avant-garde.
   Et cela très précisément à mesure que l’évolution des événements visibles et invisibles de l'histoire mondiale en cours se trouvait elle-même de plus en plus engagée dans une dialectique de convergence impériale, suivant l'émergence progressive du concept d'un nouveau «grand destin» révolutionnaire final devant intégrer I'ensemble géopolitique de ce que nous appelons l’ «Empire Eurasiatique de la Fin» .
   Or, dans les faits, ce concept agissant d'un nouveau «grand destin» impérial européen répondait lui-même à l'émergence prévue de la «Nouvelle Russie» dans le cours de l'actuelle histoire européenne du monde : une «nouvelle Russie» considérée, donc, comme l'agent révolutionnaire prédestiné des changements d'ordre abyssal qui allaient devoir s'y produire à terme. L'appel de l'histoire, retentissant depuis les profondeurs, l'a emporté sur le sommeil dogmatique de la Russie empêchée d'être. Et la «Nouvelle Russie» elle-même apparaissant - mais n'est-ce pas plutot réapparaissant qu'il faudrait dire - dans le cours de l'histoire actuelle à travers l'avènement providentiel de l’ «homme prédestiné», du «concept absolu» Vladimir Poutine, incarnant la «Nouvelle Russie» et tout ce que signifie celle-ci par rapport aux changements immenses déjà en cours où à venir dans l'histoire du monde happée par le vertige de sa propre destination finale.
   Ainsi l'ensemble de textes constituant le présent ouvrage représente-il le cheminement intérieur de la spirale d'une prise de conscience géopolitique impériale grand-continentale qui devait - d'avance, et très nécessairement - aboutir aux conclusions finales qui sont actuellement, ici, les siennes. Et, comme tel, le présent ouvrage se doit d'être reconnu comme un livre de combat total, montrant quels sont les chemins actuels de toute prise de conscience géopolitique impériale grand-continentale. En même temps, au-delà des chemins de l'évolution intime d'une certaine conscience géopolitique finale, on pourra y trouver le secret agissant, le secret vivant de l'expérience spirituelle de pointe, qui est celle de l'illumination dialectique s'attachant à l'apparition de cette conscience même, expérience spirituelle de pointe que l'on peut tenir pour une libération, pour une délivrance, pour une prise de pouvoir secrète.
   La grande géopolitique, la «géopolitique transcendantale» est, en effet, une mystique révolutionnaire en action, qui doit aboutir au pouvoir absolu de la conscience sur la politique et, au-delà de la politique, sur la «grande histoire» elle-même, parce que la conscience géopolitique finale s'identifie, à présent, à la marche de la «grande histoire» vers sa conclusion impériale ultime, eschatologique, conclusion qui se situe dans l'histoire d'au-delà de la fin de l'histoire.
   «Maintenant, d’autres temps viennent». Dans la perspective déjà entrouverte devant nous de cette histoire d’au-delà de la fin de l’histoire, l’échelle de l’importance des problèmes politico-historiques change totalement. Là, le double objectif de limite ultime de la « Nouvelle Russie» apparaît comme étant celui de la libération de Constantinople et de la délivrance de la Sainte-Sophie, ainsi que celui de l'établissement d'une relation fondationnelle à la fois nouvelle et extraordinairement ancienne avec l'Inde et, derrière l'Inde, avec le Thibet, la Corée et le Japon. «La Russie, dit Alexandre Douguine, est le pont de l’Europe vers l'Inde».
   A son cousin Nicolas II, qu'il appelait l' «Empereur du Pacifique», Guillaume II n'écrivait-il pas que l'appartenance de la Corée à la sphère d'influence directe de la Russie constituait un fait d'évidence, incontestable ? Nicolas II n'était-il pas ardemment obsédé par l'intervention en profondeur, par la présence effective de la Russie au Thibet et en Inde ? N'y avait-il pas entrepris, suivant les conseils de Badmaieff, des grandes opérations secrètes en direction du Thibet et de l'Inde ? De son côté, Vladimir Poutine, en épousant mystiquement la cause abyssale de la Russie totale, en veillant personnellement sur le régime de la canonisation pravoslavnique de la Famille Impériale bestialement massacrée par le communisme soviétique, n'avait-il pas fait sien l'ensemble des missions eschatologiques de la «Sainte Russie» ? N'a-t-il pas fait participer directement l'Eglise Orthodoxe à la gérance de la grande politique actuelle de la Russie, en réintroduisant, ainsi, le sacré dans la marche de la Russie vers son destin renouvelé, vers ses grandes missions suprahistoriques à venir ? Ne confesse-t-il pas, ouvertement, sa propre foi chrétienne, le feu de la foi qui n'a pas cessé de l'habiter depuis son enfance, ravivé par sa visite à Jérusalem ? N'a-t-il pas des liens occultes, mais suivis, avec Rome ?
   Ainsi les actuelles retrouvailles nuptiales de la Russie et de l'Europe vont-elles devoir imposer le retour du sacré vivant au sein de la communauté impériale grand-continentale. Ce qui, du coup, va déplacer à nouveau, et définitivement, le centre de gravité spirituel du «Grand Continent», depuis les positions matérialistes de la conspiration trotskiste soutenant les social-démocraties - finalement chassées du pouvoir, partout en Europe - jusqu'à l'horizon d'une histoire encore une fois ouverte à l'intervention - aux interventions - du surnaturel. Ainsi s'annonce l'avènement des temps ensoleillés d'un nouveau grand retour révolutionnaire à l'être, et l'abandon salvateur des dominations subversives du non-être. Vladimir Poutine et l' «Empire Eurasiatique», c'est l'être et le retour de l'être. L'ensoleillement au-delà de la fin. Ce jour viendra.
   Mais il faudrait peut-être que l'on revienne sur un certain point. En effet, on n'a pas manqué de me reprocher assez vivement le fait d'avoir produit, dans le présent livre, une longue série d'articles se suivant dans le temps, sur des années, plutôt que d'en présenter quelque chose comme la synthèse finale de la matière proposée par l’ensemble de ceux-ci ; leur intégration, donc, dans un ouvrage qui en eût livré une image unitaire, concentrée, globale. Un livre de synthèse plutôt que cette longue succession d’articles. Mais ç’eut été, alors, procéder d’une manière tout à fait opposée à ce que je voulais vraiment faire ressortir de mon approche du sujet traité, à savoir l'avènement à l'ordre du jour du concept à la fois politico-historique et suprahistorique, «transcendantal», de l' «Empire Eurasiatique de la fin» et des relations prédestinées de celui-ci avec le président Vladimir Poutine. La montée d'une pensée géopolitique saisie dans son propre devenir.
   Car, si, en dernière analyse, la géopolitique est une gnose, ainsi que, désormais, nous sommes déjà quelques-uns à en être profondément persuadés, ce qui importerait alors ce serait de pouvoir révéler aussi le processus même de la naissance gnostique, de l'avènement au jour de la conscience géopolitique finale, accomplie. Surprendre, donc, le processus initiatique de la conscience géopolitique en train de s'élever d'elle-même à l'occident suprême de sa propre identité finale, définitive. En fait, si la naissance à elle-même de la conscience géopolitique ultime reproduit l'héroïque montée de la spirale initiatique vers ce qui l'attire dans les hauteurs, il est certain que cette montée elle-même se doit d'être montrée, ici, au moins autant que la prise de conscience ultime à laquelle celle-ci entend finalement aboutir. Non seulement son aboutissement, mais son cheminement aussi.
   Or, surprendre le processus de la montée initiatique en marche vers son accomplissement ultime - le parcours géopolitique ultime, en l'occurrence, de celle-ci vers le concept de l’«Empire Eurasiatique de la Fin» - n'est en réalité pas autre chose que suivre son cheminement à travers la série d'articles dont la succession aura constitué, dans le temps, cette montée même : il y a là l'explication entière du choix de la structure d'exposition que j'ai cru devoir imposer au présent ouvrage. Une simple suite d'articles ? Peut-être. Mais, au-delà de cela, il y a, aussi, autre chose. Une suite d'articles, embrasée par le feu d'une «conscience ultime».
   L'aura-t-on compris ? C'est le témoignage vécu concernant l'expérience en marche d'une conscience géopolitique en train de s'accomplir qui constitue lui-même cette conscience, dont l'accomplissement va pourtant au-delà de l'expérience qui l'aura véhiculé, parce qu'il en est lui-même l'assomption conceptuelle et, au-delà de celle-ci, ce qui doit finir par le porter à l'action révolutionnaire immédiate, à l' «action directe».
   Et la conclusion de tout cela va donc apparaître, je crois, comme de par elle-même : tel qu'il est, le présent ouvrage n'a pas d'autre ambition que celle qui entend en faire l'outil contre-stratégique décisif d'un combat total, du combat impérial final des nôtres.
   Le vécu révolutionnaire secret de la géopolitique fonde en devançant le devenir de la plus grande histoire en cours, son ministère occulte n'est pas du tout, ainsi qu'on pourrait le croire, celui d'accompagner en tentant d'expliquer la marche en avant de l'histoire : au contraire, c'est la géopolitique en tant qu'expérience gnostique abyssale de l'histoire qui en pose les buts ultimes, et tend en avant les ultimes raisons eschatologiques en action.
   La grille successionnelle des articles de combat politico-révolutionnaires de pointe, caillebotis mobilisé à l'oeuvre jour après jour, qui constitue la substance même du présent ouvrage, est là pour témoigner, sur un quart de siècle, du fait que la conscience géopolitique d'avant-garde n'a pas fini de précéder le devenir révolutionnaire de l'histoire en cours ; que, en fait, l'histoire en marche ne cesse de suivre l'émergence visionnaire d'une certaine conscience géopolitique, dont, finalement, les fondations occultes se révélent ainsi comme étant d'une nature providentielle. C'est précisément ce que, dans la correspondance intérieure, hautement confidentielle, de la Société de Jésus, on appelait, au XVIIIème siècle, le «dessein secret de l'Empereur» . Non pas de l'Empereur de Vienne, mais de l' «Empereur des cieux» . Or là, tout est dit.
   L'action géopolitique participe donc d'une double nature qui lui est propre : elle véhicule l'inspiration providentielle directe de l'histoire, de la plus grande histoire, et conduit ainsi, en même temps, secrètement, les développements politico-historiques de l'histoire dans sa marche en avant immédiate.
   Aussi, dans un certain sens, c'est bien la somme en mouvement des articles circonstanciels rassemblés dans le présent ouvrage qui aura fait l'histoire du monde actuellement en marche et déjà si proche de sa fin ; et cela qu'on le sache ou pas.
   Autant de pas en avant vers la prise de conscience révolutionnaire devant mener à la constitution de la «Forteresse Grand-Européenne» appelée à faire face à l'encerclement politico-militaire en cours d'installation par les Etats-Unis engagés dans leur politique d'emprise planétaire finale, «Forteresse Grand-Européenne» prévue, aussi, pour déstabiliser, pour neutraliser les nouvelles directions politico-historiques d'un monde qui approche, subversivement, et d'une manière de plus en plus accélérée, de la «crise planétaire finale» envisagée par les desseins secrets de l' «Anti-Empire» actuellement déjà en place à Washington. «Forteresse Grand Européenne» dont le centre de gravité contre-stratégique planétaire se trouve souterrainement mobilisé par la «Nouvelle Russie» de Vladimir Poutine, dont la prédestination impériale et eschatologique finale changera bientôt la face du monde et de l'histoire. En effet, on peut le prédire tout changera, et définitivement.

Jean Parvulesco

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Russie: arrière-cour de l'Europe ou avant-garde de l'Eurasie

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Russie: arrière-cour de l'Europe ou avant-garde de l'Eurasie?

 

Wladimir WIEDEMANN

 

Intervention lors de la “Freideutsche Sommeruniversität”, août 1995

Lorsque nous évoquons la notion d'Empire, nous devons nous rappeler que ce concept, au sens classique, se manifeste sous deux formes historiques légitimées: une forme occidentale (ou “romaine occidentale”) et une forme orientale (ou “romaine orientale”, byzantine). Ainsi, l'idée authentique d'Empire est liée indubitablement à une perspective téléologique: la réunifica­tion finale de deux parties provisoirement séparées d'un Empire originel. Du moins sur le plan des principes. Car il est bien évident que cette “réunification de l'Empire” ne peut se réduire au niveau d'accords politiques purement formels dans l'esprit d'une diplomatie utilitaire et profane. Néanmoins, ce problème peut et doit être discuté par les deux parties concernées au ni­veau d'une idéologie impériale actualisée voire d'une théologie impériale. Mais qu'en est-il de ces deux parties?

La dernière héritière des traditions impériales romaines-occidentales a été la Germanie, tandis que la dernière héritière des traditions romaines-orientales ou byzantines a été la Russie. Comme le philosophe allemand Reinhold Oberlercher le re­marque très justement, les Allemands et les Russes sont les deux seuls peuples d'Europe capables de porter à bout de bras de véritables grandes puissances politiques. Dans son ouvrage Lehre vom Gemeinwesen, il écrit: «En tant qu'Empire (Reich) porté par les tribus de souche germanique, la forme politique propre du peuple allemand a pour mission de constituer un Reich englobant tous les peuples germaniques, lequel devra, de concert avec l'Empire des peuples russes (Grands-Russes, Petits-Russiens et Biélorusses), constituer un Axe de sécurité nord-asiatique et établir l'ordre sur la plus grande masse continentale du monde» (1).

Permettez-moi d'étudier plus en détail les thèmes de l'idée impériale en son stade actuel et de la politique impériale de la Russie. L'effondrement de l'Etat communiste a conduit en Russie à un vide idéologique, à la perte de toute orientation géné­rale. Mais on sait pourtant que la nature ne tolère aucun vide. Ainsi, l'antique idée impériale, l'idée d'un Empire religieux-or­thodoxe, dans le contexte d'un nouveau sens historique, doté d'un nouveau contenu social et géopolitique, est en passe de re­naître. De quoi s'agit-il?

Bien évidemment, la Russie nouvelle, post-communiste, n'est plus la vieille Russie féodale, tsariste, avec son servage. Aujourd'hui, il n'y a en Russie ni aristocratie ni classe moyenne. Il y a toutefois des intérêts historiques, objectifs et nationaux bien tangibles: ce sont les intérêts d'une nation qui compte dans le monde, les intérêts d'un peuple porteur d'Etat, et ces inté­rêts sont clairement délimités: il faut du pain pour le peuple, du travail pour tous les citoyens, de l'espace vital, un avenir as­suré. Mais pour concrétiser ces intérêts, il y a un hiatus de taille: la nomenklatura paléo-communiste demeurée au pouvoir jusqu'ici n'avait aucun projet social “créatif” et ne voulait que se remplir les poches avec l'argent volé au peuple et, pire, placer cet argent sur des comptes à l'étranger, dans des banques fiables. En d'autres mots: ce nouveau capitalisme spéculateur montre les crocs en Russie: il est incarné par cette nomenklatura, liée à la caste corrompue et bigarrée des “hommes d'affaire”, et parasite sans vergogne le corps d'une Russie devenue “libérale-démocrate” et dépouillée de toutes ses protec­tions. Ainsi, depuis le début de la perestroïka, un capital de 500 milliards de dollars américains a quitté le pays. Le gouverne­ment Eltsine ne dit pas un mot sur ce “transfert”, mais dès que quelques misérables milliards sont offerts à titre de crédit par la Banque Mondiale, il fait battre tambour et sonner buccins!

Mais le temps est proche où ces crocs mafieux recevront l'uppercut définitif qui les mettra hors d'état de nuire. Ce coup, ce sont les forces intérieures de la Russie qui le porteront et ces forces sont actuellement incarnées par les nouveaux proprié­taires du capital industriel et producteur. Bien entendu, il s'agit ici, en première instance, du complexe militaro-industriel qui se trouvait jusqu'ici, à titre formel sous contrôle étatique. Quelle sera l'intensité du processus de privatisation dans ce domaine? C'est une question de temps et cela dépend aussi des circonstances globales, politiques et économiques, qui détermineront l'histoire prochaine de la Russie. Mais une chose est claire d'ores et déjà: tôt ou tard, le pays générera une classe de véri­tables industriels et c'est à ce moment-là que naîtra la future grande puissance russe.

Je voudrais maintenant parler des fondements géopolitiques, économiques et idéologiques de la grande puissance russe. C'est connu: le bien-être du peuple et la puissance réelle d'un Etat dépend des placements en capital domestique, parce que ces placements garantissent la création de nouveaux emplois et augmente le pouvoir d'achat de la population. Ensuite, il est clair qu'au stade actuel de développement de la production, ce ne sont pas les entreprises moyennes et petites qui s'avèreront capables de générer et de placer de tels capitaux. Seules les très grandes entreprises d'envergure internationale sont en me­sure de le faire, car elles peuvent financer une recherche très coûteuse et une formation de personnel adéquate. Ce sont sur­tout les Américains et les Japonais qui possèdent aujourd'hui des sociétés disposant de telles masses de capitaux et sont ca­pables de faire face dans le jeu de la concurrence planétaire. Ces entreprises sont celles qui créent dans le monde la majeure partie des nouveaux emplois, bien rémunérés.

Les centres principaux de production de haute technologie moderne se concentrent de plus en plus dans les zones autour des grandes métropoles des côtes pacifiques, parce que la base du développement d'une production de ce type, c'est l'accès au commerce planétaire. Aujourd'hui, dans ce domaine, c'est le commerce maritime qui joue le rôle-clef, dont les voies de communication sont contrôlées par la politique militaire américaine dans toutes les zones stratégiquement importantes. C'est en constatant ce centrage sur le Pacifique qu'est née la thèse du “Pacifique comme Méditerranée du XXIième siècle”, c'est-à-dire du Pacifique comme nouvel espace où se développe actuellement la civilisation du progrès technique. Si les choses con­tinuent à se développer dans ce sens, les conséquences en seront fatales pour tous les pays européens; ceux-ci seront con­traints, sur le plan économique, à se soumettre à l'hégémonie américaine dans toutes les questions-clefs de la dynamique de la production moderne et aussi pour tous les mécanismes socio-politiques. Ce sera également le problème de la Russie. Mais ce sera justement le “facteur russe” qui permettra aux autres Européens de prendre une voie alternative, qui permettra de libérer toutes les initiatives russes et européennes des diktats américains. Cette alternative, c'est le “commerce continen­tal”.

Imaginez un instant que les grandes voies de communications du commerce mondial  —ou du moins celles qui relient l'Europe à l'Asie méridionale et à l'Extrême-Orient (surtout l'Inde et la Chine)—  deviennent continentales. Ce serait là un ac­cès direct et alternatif aux grands marchés qui sont déjà prospères aujourd'hui et qui sont potentiellement de longue durée. Cet accès par voie continentale serait d'abord plus rapide et offrirait des avantages non négligeables à certains technologies qui sont en train de se développer. Sur le plan théorique, tout cela semble séduisant, mais, en pratique, l'essentiel demeure ab­sent, c'est-à-dire un système réellement existant de communications transcontinentales.

Pourquoi un tel système de communication n'est-il pas déjà disponible? Parce que la politique extérieure de la Russie bol­chévique-stalinienne a commis une erreur fondamentale. En effet, les communistes ont été perpétuellement induits en erreur par un pronostic illusoire d'origine idéologique, prévoyant une évolution sociale conduisant à une révolution mondiale, qui, elle, allait réaliser l'“Idée” sur la Terre. En d'autres mots, au lieu de détruire la société bourgeoise, l'élite révolutionnaire russe au­rait dû la consolider, afin de concentrer les énergies des masses sur la construction réelle du pays et sur l'exploitation “civilisée” de ses espaces et de ses richesses. La chimère de la révolution mondiale a englouti en Russie de colossales ri­chesses, mais, simultanément, son importance géopolitique en tant que puissance continentale ne pouvait être détruite sur l'échiquier international.

L'ancien Empire russe avait justement émergé autour d'un axe constitué par une voie commerciale traversant l'Europe orien­tale, soit la voie ouverte par les Scandinaves et “conduisant des Varègues aux Grecs”. Par une sorte de constance du destin, le devenir actuel de la Russie dépend une nouvelle fois  —et directement—  de l'exploitation efficace d'un commerce transconti­nental, de la croissance de marchés intérieurs au Grand Continent eurasien. Ce destin géopolitique, grand-continental et eu­rasien, les forces réellement productrices de la Russie commencent à la comprendre. Ces forces sont potentiellement géné­ratrices d'Empire et peuvent être définie comme telles. Elles commencent aussi à formuler des exigences politiques propres. Et, à ce propos, Sergueï Gorodnikov, qui a consacré beaucoup d'attention à cette problématique, écrit:

«Notre besoin est le suivant: nous devons rapidement construire des structures de transport commerciales paneurasiatiques qui relieront toutes les civilisations créatrices; ensuite, notre besoin est de garantir militairement la sécurité de ces civilisa­tions, ce qui correspond aussi complètement aux intérêts de l'Europe, je dirais même à ses intérêts les plus anciens et les plus spécifiques, tant dans le présent que dans l'avenir. C'est la raison pour laquelle le nationalisme russe ne doit pas seule­ment compter sur une neutralité (bienveillante) de l'Europe dans sa politique d'Etat. Mieux, il trouvera en Europe des forces très influentes qui pourront et devront devenir ses alliés. C'est toute particulièrement vrai pour l'Allemagne qui s'est renforcé par sa réunification et désire en secret retrouver toute son indépendance en tant qu'Etat et toute sa liberté de manœuvre» (2).

La nouvelle alliance stratégique paneurasiatique entre l'Est et l'Ouest aura pour élément constitutif l'alliance géopolitique inter-impériale entre l'Allemagne et la Russie, les deux détenteurs de la légitimité impériale romaine en Europe. Ce recours à l'antique légitimité romaine est une chose, la tâche actuelle de cette alliance en est une autre: il s'agit pour elle de fédérer les intérêts économiques et politiques dans une perspective de progrès tecnologique global. Il s'agit de rassembler toutes les forces intéressées à développer l'espace économique eurasiatique. Pour réaliser ce programme, il faudra créer des unités économiques suffisamment vastes pour obtenir les moyens nécessaires à développer des projets de telles dimensions et pour se défendre efficacement contre les résistances qu'opposeront les Américains et les Japonais. Construire des entités écono­miques de cette dimension implique une coopération étroite entre les potentiels techniques russes et européens.

Le combat qui attend Russes et Européens pour établir un nouvel ordre paneurasiatique sera aussi un combat contre les rési­dus de féodalisme et contre les formes politiques dépassées à l'intérieur même de ce grand continent en gestation, c'est-à-dire un combat contre les forces qui se dissimulent derrière une pensée tribale obsolète ou derrière un fondamentalisme is­lamique pour freiner par une résistance douteuse la progression d'une culture et d'une économie grande-continentale. Comme le développement de notre civilisation postule des exigences globales, ce combat devra être mené avec tous les moyens di­plomatiques et militaires, jusqu'à la destruction totale des forces résiduaires. Seule une lutte sans merci contre les résidus d'un féodalisme millénaire, contre le “mode de production asiatique”, nous permettra de détruire les derniers bastions du vieux despotisme tyrannique et de la barbarie, surtout sur le territoire de la Russie où, aujourd'hui, ces forces se manifestent sous les aspects de la criminalité caucasienne et asiatique, des sombres bandes mafieuses, résultats de cette peste léguée par le bolchevisme: l'absence de toute loi et de tout droit.

Sur ce thème, je me permets de citer une fois de plus Sergueï Gorodnikov: «Il est clair qu'une tâche de ce type ne pourra être menée à bien que par un Etat fortement centralisé selon les conceptions civiles. Un tel Etat ne pourra exister que si l'armée marque la politique de son sceau, car l'armée, de par son organisation interne, est la seule institution étatique capable de juger, étape par étape, de la valeur politique des choses publiques et dont les intérêts sont identiques à ceux de la bourgeoisie indus­trielle en phase d'émergence. Seule une alliance étroite entre l'armée et la politique est en mesure de sauver l'industrie natio­nale de l'effondrement, les millions de travailleurs du chômage et de la faim et la société toute entière de la dégradation mo­rale, d'extirper le banditisme et le terrorisme, de faire pièce à la corruption et de sauver l'Etat d'une catastrophe historique sans précédent. L'histoire du monde dans son ensemble a prouvé qu'il en est toujours ainsi, que les efforts d'une bourgeoisie entreprenante et industrielle ne peuvent reposer que sur l'institution militaire; ensuite, dans la société démocratique, il faudra accroître son prestige social au degré le plus élevé possible et l'impliquer dans l'élite effective de la machinerie étatique» (3).

Certes, cet accroissement du rôle socio-politique de l'armée, garante de la stabilité globale de l'Etat dans la situation présente, mais aussi de la stabilité de cette société civile en gestation, implique une légitimisation du statut particulier qu'acquerront ainsi les forces armées. En d'autres termes, il s'agit de créer une forme d'ordre politique où les autorités militaires et les au­torités civiles soient des partenaires naturels sur base d'une séparation de leurs pouvoirs respectifs. Ensuite, un tel régime, qui pourrait être défini comme “régime de salut national”, postule l'existence d'une troisième force, une force intermédiaire, investie de la plus haute autorité dans cette tâche aussi important que spécifique consistant à fixer des normes juridiques. Une telle force pourrait s'incarner dans l'institution que serait la puissance même de l'Empereur, exprimant en soi et pour soi, et en accord avec les traditions historiques dont elle provient, l'idée d'un “compromis mobile” entre les intérêts de toutes les couches sociales. Ainsi, la dignité impériale à Byzance, qui s'est également incarnée dans les réalités de l'histoire russe, pré­sentait quatre aspects fondamentaux. Ce qui revient à dire que l'Empereur russe-orthodoxe devrait être:

1) Protecteur de l'Eglise d'Etat en tant qu'institution sociale (C'est le pouvoir de l'Empereur en tant que Pontifex Maximus).

2) Représentant dans intérêts du peuple (Pleins pouvoirs de l'Empereur en tant que tribun populaire).

3) Chef des forces armées (Pleins pouvoirs d'un Proconsul ou du Dictateur au sens romain du terme).

4) Autorité juridique supérieure (Pleins pouvoirs du Censeur).

L'autorité et la stabilité d'un véritable pouvoir d'Imperator dépend directement de la fidélité de l'Empereur aux principes fon­damentaux de la Tradition, au sens théologique comme au sens juridique du terme. C'est pourquoi ce pouvoir dans le contexte russe signifie que, d'une part, le rôle social de l'Eglise orthodoxe devra être fixé et déterminé, de même que, d'autre part, les traditions de la société civile. Une particularité de l'idée impériale russe réside en ceci qu'elle a repris à son compte l'idéal byzantin de “symphonie” entre l'Eglise et l'Etat, c'est-à-dire de la correspondance pratique entre les concepts d'orthodoxie et de citoyenneté, sur laquelle se base également la doctrine russe-byzantine d'un Etat éthique qui serait celui de la “Troisième Rome”, d'un nouvel Empire écouménique.

Dans quelle mesure ces idéaux sont-ils réalisables à notre époque? Question compliquée, pleine de contradictions, mais que les Russes d'aujourd'hui sont obligés de se poser, afin de s'orienter avant de relancer le traditionalisme russe et d'en faire l'idéologie de la grande puissance politique qu'ils entendent reconstruire. Le retour de ces thématiques indique quelles sont les tendances souterraines à l'œuvre dans le processus de formation de la société civile russe. Si, en Europe, c'est la culture qui a été porteuse des traditions antiques et donc des traditions civiles, en Russie c'est la religion qui a joué ce rôle, c'est-à-dire l'Eglise orthodoxe; c'est elle qui a fait le lien. En constatant ce fait d'histoire, nous pouvons avancer que la renaissance réelle de la société civile en Russie est liée inévitablement au déploiement de l'héritage antique véhiculé par l'Eglise orthodoxe. Il me semble que l'essentiel des traditions politiques antiques réside justement dans les traditions qui sous-tendent la puissance im­périale au sens idéal et qui sont proches du contenu philosophique de l'Etat idéaliste-platonicien.

Quelles sont les possibilités d'une restauration concrète de l'idée impériale civile et d'un ordre impérial en Russie? Ce pro­cessus de restauration passera sans doute par une phase de “dictature césarienne”, parce que, comme l'a un jour pertinem­ment écrit Hans-Dieter Sander, on ne peut pas créer un Empire sans un César. En effet, seul un César, élevé légitimement au rang de dictateur militaire, est capable de consolider les intérêts des forces les plus productives de la Nation à un moment historique précis du développement social et d'incarner dans sa personne les positions morales, politiques et socio-écono­miques de ces forces et, ainsi, sous sa responsabilité personnelle en tant que personalité charismatique, de jeter les fonde­ments d'une nouvelle société, représentant un progrès historique.

Le but principal en politique intérieure que devrait s'assigner tout césarisme russe serait de préparer et de convoquer une re­présentation de tous les “états” de la nation, en somme une Diète nationale, qui, en vertu des traditions du droit russe, est le seul organe plénipotentiaire qui peut exprimer la volonté nationale génératrice d'histoire. Cette Diète nationale détient aussi le droit préalable de déterminer la structure générale de l'Etat russe et de réclamer l'intronisation de l'Empereur. La Diète natio­nale est ainsi en mesure de légitimer la restauration de l'Empire et, s'il le faut, de constituer un régime préliminaire constitué d'une dictature de type césarien (Jules César avait reçu les pleins pouvoirs du Sénat romain qui avait accepté et reconnu offi­ciellement sa légitimité).

Toute restauration cohérente de l'Empire, au sens traditionnel, métaphysique et politique du terme, n'est possible en Russie, à mes yeux, que si l'on accroît le rôle socio-politique de l'armée et de l'Eglise, mais aussi si l'on consolide l'autorité des juges. Car ce sont précisément les juges (et en premier lieu les juges à l'échelon le plus élevé de la hiérarchie et de la magistrature impériales) qui pourront jouer un rôle médiateur important dans la future restructuration totale de la société russe, en travail­lant à créer des institutions juridiques stables. D'abord parce que cette valorisation du rôle des juges correspond à la tradition historique russe, à l'essence même de l'Etat russe (par exemple: dans la Russie impériale, le Sénat était surtout l'instance juridique suprême, disposant de pleins-pouvoirs étendus et normatifs, dans le même esprit que le droit prétorien romain). Ensuite, cette revalorisation du rôle des juges constitue également la réponse appropriée à l'état déliquescent de la société russe actuelle, où règne un nihilisme juridique absolu. Ce phénomène social catastrophique ne peut se combattre que s'il existe au sein de l'Etat une caste influente de juristes professionnels, disposant de pouvoirs étendus.

Lorsqu'on évoque une société reposant sur le droit  —ce qui est d'autant plus pertinent lorsque l'on se situe dans le contexte général d'un Empire—  on ne doit pas oublier que tant l'Europe continentale que la Russie sont héritières des traditions du droit romain, tant sur le plan du droit civil que du droit public. Lorsque nous parlons dans la perspective d'une coopération globale entre Européens et Russes, nous ne pouvons évidemment pas laisser les dimensions juridiques en dehors de notre champ d'attention. Le droit romain, dans sa version justinienne, a jeté les fondements de l'impérialité allemande et de l'impérialité russe. C'est donc cet héritage commun aux peuples impériaux germanique et slave qui devra garantir une coopération har­monieuse et durable, par la création d'un espace juridique et impérial unitaire et grand-continental. En plus de cet héri­tage juridique romain, Allemands et Russes partage un autre leg, celui de la théologie impériale. A ce propos, j'aimerai termi­ner en citant un extrait du débat qu'avaient animé le Dr. Reinhold Oberlercher et quelques-uns de ses amis:

OBERLERCHER: «Dans le concept de Reich, le processus de sécularisation n'est jamais véritablement arrivé à ses fins: le Reich demeure une catégorie politico-théologique. Dans la notion de Reich, l'au-delà et l'en-deçà sont encore étroitement liés». Lothar PENZ: «Cela veut donc dire que nous devons retourner au Concile de Nicée!» (approbation générale) (4).

Je pense aussi que le Concile de Nicée a effectivement jeté les bases véritables d'une théologie impériale, même si, à l'Ouest et à l'Est celle-ci a été interprétée différemment sur les plans théorique et liturgique. Il n'en demeure pas moins vrai que le lien subtil entre au-delà et en-deçà demeure présent dans l'existence de l'Empire (du Reich) comme un mystère déterminé par Dieu.

Vladimir WIEDEMANN.

(texte remis lors de la “Freideutsche Sommeruniversität” en août 1995; également paru dans la revue berlinoise Sleipnir, n°5/95).

06:15 Publié dans Affaires européennes, Eurasisme, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

dimanche, 15 avril 2007

Russia challenging US monopoly on satellite navigation

Russia challenging the U.S. monopoly on satellite navigation
The days of the Cold War may have passed, but Russia and the United States are in the midst of another battle - this one a technological fight over the U.S. monopoly on satellite navigation.

By the end of 2007, the authorities in Moscow say, the Russian space agency plans to launch eight navigation satellites that would nearly complete Russia’s own system, called Glonass, for Global Navigation Satellite System.

The system is expected to begin operating over Russian territory and parts of Europe and Asia, and then go global in 2009 to compete with the Global Positioning System of the United States.

And Russia is not the only country trying to break the U.S. monopoly on navigation technology, though its system, funded by government oil revenue, is furthest along. China has already sent up satellites to create its own system, called Baidu after the Chinese word for the Big Dipper. And the European Union has also started developing a rival system, Galileo, although work has been halted because of doubts among private contractors over its potential for profit.

What is driving the technological battle is, in part, the potential for many more uses for satellite navigation than the one most people know it for - giving driving instructions to travelers. Businesses as disparate as agriculture and banking are integrating the technology into their operations. Satellite navigation may provide the platform for services like site-specific advertising, with directions that appear on cellphone screens when a user is walking, for example, near a Starbucks coffeehouse or a McDonald’s restaurant.

Sales of GPS devices are already booming. The global market for the devices reached $15 billion in 2006, according to the GPS Industry Council, a Washington trade group, and is expanding at a rate of 25 percent to 30 percent annually.

But what is also behind the battle for control of navigation technology is a fear that the United States could use its monopoly - the system was developed and is controlled by the U.S. military - to switch off signals in a time of crisis.
“In a few years, business without a navigation signal will become inconceivable,” said Andrei Ionin, an aerospace analyst with the Center for the Analysis of Strategies and Technologies in Moscow. “Everything that moves will use a navigation signal - airplanes, trains, yachts, people, rockets, valuable animals and favorite pets.”

When that happens, countries that choose to rely only on GPS, Ionin said, will be falling into “a geopolitical trap” of U.S. dominance of an important Internet-age infrastructure. The United States could theoretically deny navigation signals to countries like Iran and North Korea, not just in time of war, but as a high-tech form of economic sanction that could disrupt power grids, banking systems and other industries, he said.

The United States formally opened GPS to civilian users in 1993 by promising to provide it continually, at no cost, around the world.

GPS devices are currently at the center of a dispute over the Iranian seizure of 15 British sailors and marines. The British maintain that the devices on their boats showed that they were in Iraqi waters; the Iranians have countered with map coordinates that it said showed the 15 had been in Iranian waters.

The Russian project, of course, carries wide implications for armies around the world by providing a navigation system not controlled by the Pentagon, complementing an increasingly assertive foreign policy stance from Moscow.

The Russian system is also calculated to send ripples through the fast-expanding industry for consumer navigation devices by promising a slight technical advantage over GPS alone, analysts and industry executives say. Devices receiving signals from both systems would presumably be more reliable.

President Vladimir Putin of Russia, who speaks often about Glonass and its possibilities, has prodded his scientists to make the product consumer friendly.
“The network must be impeccable, better than GPS, and cheaper if we want clients to choose Glonass,” Putin said last month at a government meeting on the system, according to the Interfax news agency.

“You know how much I care about Glonass,” Putin told his ministers.

GPS has its roots in the United States military in the 1960s. In 1983, before the system was fully functional, President Reagan suggested making it available to civilian users around the world after a Korean Air flight strayed into Soviet airspace and was shot down.

GPS got its first military test during the Gulf War of 1991, and was seen as a big reason for the success of the precision bombing campaign, which helped spur its adoption in commercial applications in the 1990s.

The Russian system, like GPS, has roots in Cold War technology developed to guide strategic bombers and missiles. It was briefly operational in the mid-1990s, but fell into disrepair. The Russian satellites send signals that are usable now but work only intermittently.

To operate globally, a system needs a minimum of 24 satellites, the number in the GPS constellation, not counting spares in orbit.

A receiver must be in the line of sight of no fewer than three satellites at any given time to triangulate an accurate position. A fourth satellite is needed to calculate altitude. As other countries introduce competing systems, devices capable of receiving foreign signals along with GPS will more often be in line of sight of three or more satellites.

Within the United States, Western Europe and Japan, ground-based transmissions hone the accuracy of signals to within a few feet of a location, better than what could be achieved with satellite signals alone. The Russian and eventual European or Chinese systems, therefore, would make receivers more reliable in preventing signal loss when there are obstructions, like steep canyons, tall buildings or even trees.

Still, a Glonass-capable GPS receiver in the United States, Western Europe or Japan would not be more accurate than a GPS system alone, because of the ground-based correction signals. In other parts of the world, a Glonass-capable GPS receiver would be more reliable and slightly more accurate.

U.S. manufacturers that are dominant in the industry could be confronted with pressure to offer these advantages to customers by making devices compatible with the Russian system, inevitably undermining the U.S. monopoly on navigation signals used in commerce.

In this sense, the Russians are setting off the first salvo in a battle for an infrastructure in the skies. Russia sees a great deal at stake in influencing the standards that will be used in civilian consumer devices.

To encourage wide acceptance, Putin has been pitching the system during foreign visits, asking for collaboration and financial support.

The market for satellite navigators is growing rapidly. Garmin, the largest manufacturer in the United States, more than doubled sales of automobile navigators in 2006, for example, and in February it aired an advertisement during the Super Bowl that was interpreted as a sign of coming of age for GPS navigators as a mass market product.

For now, only makers of high-end surveying and professional navigation receivers have adopted dual-system capability. Topcon Positioning Systems of Livermore, California, for example, offers a Glonass and GPS receiver for surveyors and heavy-equipment operators. Javad Navigation Systems is built around making dual-system receivers, and has offices in San Jose, California and in Moscow.

Javad Ashjaee, the president of Javad Navigation Systems, said in an interview that wide adoption was inevitable because more satellites provided an inherently better service. “If you have GPS, you have 90 percent of what you need,” Ashjaee said. The Russian system will succeed, he said, “for that extra 10 percent.”

Adding Glonass to low-end consumer devices would require a new chip, with associated design costs, but probably not much in the way of additional manufacturing expenses, Ashjaee said. Already this year, in a sign of growing acceptance of Glonass, another high-end manufacturer, Trimble, based in Sunnyvale, California, introduced a Russian-compatible device for agricultural navigators, used for applying pesticides, for example. Whether consumer goods manufacturers will follow is an open question, John Bucher, a wireless equipment analyst at BMO Capital Markets, said by telephone. Garmin, which has more than 50 percent of the American market, has not yet taken a position on Glonass. “We are waiting,” Jessica Myers, a spokeswoman for Garmin, said by telephone. For most consumers, she said, devices are reliable enough already.Growth in the industry is driven instead by better digital mapping and software, making what already exists more useful. Garmin’s latest car navigator, for example, alerts drivers to traffic jams on the road ahead and the price of gas at nearby stations.The Kremlin is guaranteeing a market in Russia by requiring ships, airplanes and trucks carrying hazardous materials to operate with Glonass receivers, while providing grants to half a dozen Russian manufacturers of navigators. Technically precise they may be, but even by Russian standards, some of the Russian-made products coming to market now are noticeably lacking in convenience features. At the Russian Institute of Radionavigation and Time in St. Petersburg, for example, scientists have developed the M-103 dual system receiver. The precision device theoretically operates more reliably than a GPS unit under tough conditions, like the urban canyons of New York City. With its boxy appearance, the M-103 resembles a Korean War-era military walkie-talkie. It weighs about one pound and sells for $1,000, display screen not included. To operate, a user must unfurl a cable linking the set to an external antenna mounted on a spiked stick, intended to be jabbed into a field. “Unfortunately, we haven’t developed a hand-held version yet,” said Vadim Holnerov, a deputy director of the institute.

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Russische GPS-concurrent Glonass

Russische gps-concurrent Glonass nadert voltooing

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Het werk aan het Russische Glonass-project, dat een alternatief voor gps-navigatie moet bieden, schiet lekker op. Nog dit jaar gaan de eerste acht satellieten de ruimte in, en in de loop van 2008 moet het systeem wereldwijd bruikbaar zijn.

Glonass, wat een afkorting van ‘Global Navigation Satellite System’ is, moet een alternatief bieden voor het door de Verenigde Staten gecontroleerde gps-systeem. Het project kent diverse concurrenten: voor het Chinese Baidu-project zijn de eerste satellieten al gelanceerd, en de Europese Unie bedacht het Galileo-systeem. Waar de Europeanen echter flinke financiële en organisatorische problemen hebben, heeft Rusland op instigatie van president Vladimir Poetin een flinke emmer oliedollars voor het locatiebepalingsproject beschikbaar gemaakt en naar alle waarschijnlijkheid zal Glonass daardoor als eerste volwaardige gps-concurrent gepresenteerd kunnen worden.

Poetin is al jaren een groot voorstander van een Russische gps-variant. De houdgreep die het Amerikaanse leger op gps heeft, is hem een doorn in het oog: de VS hebben een flink militair-strategisch voordeel omdat ze het gebruik van het systeem eenvoudig kunnen beperken. Bij de Amerikaanse invallen in Irak bijvoorbeeld konden alleen de Amerikaanse militairen van gps gebruik maken, waarop de Russen het Glonass-systeem, dat zijn wortels in de Koude Oorlog had, nieuw leven inbliezen. Ook bestaat de angst dat de Amerikanen, ondanks hun belofte om de gps-signalen in de toekomst onbeperkt aan te blijven bieden, een gps-blokkade als economische sanctie tegen bijvoorbeeld Iran of Noord-Korea zullen inzetten.

Alle gesteggel over politieke en militaire toepassingen ten spijt, zijn het de consumenten die er het meest mee te maken zullen krijgen: de markt voor gps-apparatuur en -diensten groeit nog altijd als kool en leverde alleen al vorig jaar rond de vijftien miljard dollar op. Een gps-concurrent zou niet alleen zelfstandig bestaansrecht hebben: een navigatiecomputer die van beide systemen gebruikmaakt, zou nauwkeuriger kunnen zijn dan de huidige apparaten, en de kans op uitval zou flink kleiner kunnen worden. Voor een goede plaatsbepaling moeten namelijk minstens vier satellieten zichtbaar zijn, en met vier extra ijkpunten aan de hemel wordt de kans op een verdwaalde gebruiker een stuk kleiner.

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mercredi, 11 avril 2007

La géopolitique en Inde

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La géopolitique en Inde

 

Bertil HAGGMAN

 

Paru dans "Vouloir", il y a près de dix ans, ce texte nous évoque une Inde qui a sans doute  beaucoup changé depuis. Néanmoins, sa republication sur ce site recèle un intérêt: celui de voir quelles ont été les étapes de la pensée géopolitique indienne. Travail de rétrospective souvent bien utile...

Introduction

Je ne révèle pas une surprise en disant que la géopolitique est bien vivante en Inde. L'importance stratégique de ce sous-continent est en effet très importante. La géopolitique indienne se repère bien entendu dans des champs tels celui des relations internationales et celui des “études indiennes”. Fait intéressant à noter: les travaux du géopolitologue et professeur suédois Rudolf Kjellén a influencé la pensée et les analyses géopolitiques en Inde. Le Prof. M.M. Puri, sans doute le géopolitologue le plus intéressant d'Inde a montré l'importance de l'œuvre de Kjellén dans son discours inaugural lors de l'International Seminar on Afro-Asian Geopolitics en avril 1990: «... il nous apparaît très nécessaire d'examiner attentivement l'œuvre qu'a écrite Rudolf Kjellén dépuis le début des années 1890 jusqu'à sa mort en 1922... Le fait qu'il ait écrit en suédois rend son œuvre quasi inaccessible, non disponible à tous ceux qui ne maîtrisent pas la langue suédoise. Le suédois limite considérablement le lectorat et empêche les universités étrangères de faire connaissance de son œuvre et de l'étudier... Quelques-uns de ses livres ont été traduits en allemand... Il était un écrivain très prolifique... Je veux ici reconnaître formellement la dette intellectuelle que les organisateurs de ce séminaire ont envers la pensée de ce grand politologue suédois, Rudolf Kjellén, qui a véritablement donné substance, signification et ampleur à la science politique pendant la dernière décennie du XIXième siècle. Il était vraiment en avance sur son temps» (1).

Le Président de la Société d'Etudes géopolitiques, le Prof. V.P. Dutt, dans ses remarques formulées à propos du séminaire en question, a déclaré que nous “pouvions prévoir l'émergence de six, et peut-être de dix, centres [géopolitiques] de grande importance dans le monde: les Etats-Unis, l'Europe  —en fait, il s'agit de l'“Europe germanique”, laquelle se développe plus rapidement que l'“Allemagne européenne”— dont la Mitteleuropa deviendra le foyer le plus actif” (2).

Le Prof. Dutt identifiait en 1990, l'Europe, les Etats-Unis, la Russie, le Japon, la Chine et l'Inde comme les futurs centres les plus importants du monde. Il songeait également à l'émergence en puissance d'un ou de deux pays d'Amérique latine et d'Afrique.

Analyse géopolitique de l'Océan Indien

Le rôle régional, global et géopolitique de l'Inde ne peut pas être évalué si l'on ne prend pas en compte la problématique de l'Océan Indien. La région de l'Océan Indien a été dans l'histoire une vaste avenue où se sont croisés des courants culturels divers venus d'Asie et d'Afrique. L'Océan Indien est l'Océan du Tiers-Monde, dont les pays riverains ont des populations en croissance rapide.

Par Océan Indien, on entend généralement les masses océaniques situées grosso modo entre 20°E et 120°W de longitude et de 30°N à 40°S de latitude. Au cours de ces dernières années, la Pan-Indian Ocean Science Association a voulu étendre le concept d'Océan Indien vers le Sud, jusqu'à l'Antarctique.

Dans un article paru en 1986 (3), le Prof. Puri décrit les caractéristiques de l'Océan Indien comme suit (nous nous bornerons à énoncer cinq points):

1. Pour l'essentiel, la zone de l'Océan Indien est fermée sur trois côtés par des terres, la partie méridionale de l'Asie formant comme un toit au-dessus de cette masse océanique.

2. Le sous-continent indien se lance comme un promontoire dans cette masse océanique, sur une distance de plus de mille miles.

(...)

4. Dans la majeure partie de son étendue, l'Océan Indien possède les caractéristiques d'une mer fermée.

(...)

6. La Mer arabique est l'une de ces mers dont l'importance est vitale dans le monde, dans la mesure où elle reste une grande voie maritime, où le commerce et les échanges de tous ordres s'effectuent. Cette mer est une zone d'importance majeure pour la navigation.

(...)

9. Les immensités océaniques au Sud de l'Océan Indien s'étendent jusqu'aux eaux de l'Antarctique, continent inhospitalier, mais qui constitue toutefois un défi car ce n'est que maintenant qu'il s'ouvre à l'exploration et à toutes sortes d'expérimentations. Potentiellement, l'Antarctique sera l'objet de contentieux politiques à l'échelon international, dès avant la fin de ce siècle (4).

Menace russe?

Le Prof. Puri a écrit son article sur l'importance géopolitique de l'Océan Indien avant la chute du régime communiste en URSS en 1991. Bien sûr, la seule superpuissance demeurant en piste, les Etats-Unis, a intérêt à asseoir sa présence dans l'Océan Indien. Aujourd'hui, la Russie est sans doute trop faible pour y exercer une quelconque influence, mais n'oublions pas que l'homme politique ultra-nationaliste russe Vladimir Jirinovski, dans son fameux manifeste, intitulé La poussée finale vers le Sud (1993) a déclaré qu'il prévoyait le jour où les soldats russes iraient se baigner sur les plages de l'Océan Indien: «Mais cela ne sera possible que si la Russie s'ouvre au Sud, pour arrêter sa progression sur les rives de l'Océan Indien» (5). «Car», ajoute-t-il, «nous avons ensuite la plus longue frontière du monde, celle qui sépare la Russie de la Chine. Cette frontière doit connaître la paix pour toujours, car la Chine a des visées vers le Sud et non vers le Nord. L'Inde nous a manifesté son amitié. A la fin, il ne nous reste plus qu'à pousser vers l'Océan Indien» (6).

«Que la Russie fasse son bond final vers la Sud! J'imagine déjà les soldats russes se préparant pour cette expédition finale vers le Sud. J'imagine déjà les officiers russes aux échelons divisionnaires et dans les quartiers généraux de l'armée, dresser les cartes de la route qu'ils emprunteront avec leurs unités, et marquer sur ces cartes les points finaux de leur progression. J'imagine déjà les avions rassemblés sur les bases aériennes dans les régions du Sud de la Russie. J'imagine déjà les sous-marins faisant surface près des côtes de l'Océan Indien, je vois déjà les engins amphibies donner l'assaut et s'approcher des plages, tandis que les soldats russes se mettent en branle, manœuvrent leurs transporteurs de troupes blindés et lancent des nuées de chars d'assaut vers l'avant. La Russie entreprendra alors son ultime expédition militaire» (7).

La Chine a-t-elle des visées vers le Sud?

Jirinovski prévoit l'expansion de la Chine vers le Sud. D'autres experts prédisent déjà que la prochaine grande guerre éclatera entre l'Inde et la République Populaire de Chine.Selon ces experts, les Chinois considèrent que l'Inde est un adversaire potentiel, du fait que l'objectif stratégique de New Delhi reste l'Océan Indien et le Sud-est asiatique. La Chine estime être sous la menace de l'aviation et des missiles indiens. Un rapport rédigé par les hautes sphères de l'armée chinoise prétend que l'Inde pourrait préparer une attaque contre la Chine et que les forces armées de Beijing pourraient parfaitement contre-attaquer victorieusement.

L'importance géopolitique de l'Inde

La montée en puissance de l'Inde est un fait évident. Comme le remarque très justement le Prof. Puri: «La position centrale de l'Inde dans l'Océan Indien, satisfait aux six exigences qu'a fixées Mahan pour le développement et la conservation de la puissance maritime» (8):

- position géographique;

- étendue du territoire;

- ampleur de la population;

- formes physiques (nature des côtes);

- caractère national (aptitude à développer des activités commerciales);

- nature du gouvernement.

La population de l'Inde, sa proximité avec la zone du Golfe, ses innombrables ressources font de la région de l'Océan Indien l'une des régions les plus importantes de l'hémisphère sud.

Il est donc normal que l'intérêt pour les choses géopolitiques et géostratégiques croît en Inde. Pendant les années 80, deux importants centres d'études en ces matières ont vu le jour.

Les Institutions géopolitiques en Inde

The Society for the Study of Geopolitics

Cette société a été mise sur pied en 1985 à Chandigarh. L'initiateur et sécrétaire général était et est resté le Professeur Madan Mohan Puri, Directeur du “Center for the Study of Geopolitics” à la Panjab University. Le Président en est le Prof. Dr. V. P. Dutt. Lors de la toute première manifestation de la Society, les animateurs ont clairement expliqué que la géopolitique avait été mal interprétée et mal conçue depuis la seconde guerre mondiale. Cependant, dès les années 60, on a pu assister à un regain d'intérêt pour cette thématique en Europe et en Amérique. Le Prof. Puri a également souligné la nécessité urgente de prendre continuellement en considération les facteurs géographiques et physiques dans toute approche de matières politiques. Le but de la Society est de généraliser et de favoriser la conscience géopolitique. Les buts et les objectifs de la Society sont mentionnés dans les statuts:

(I) Encourage l'intérêt pour la géopolitique et promouvoir l'étude de la géopolitique.

(II) Favoriser la compréhension des phénomènes politico-géographiques, tels qu'ils surviennent et se déploient dans notre environnement proche ou lointain.

(III) Promouvoir la conscience de la continuité existant entre la géographie et la politique, en tant que disciplines académiques et en tant que faits réels de la vie.

(IV) Susciter et favoriser un corpus d'opinion bien informé sur tous les facteurs, forces et phénomènes géopolitiques à l'œuvre dans la société, bien distinct des facteurs, forces et phénomènes géostratégiques ou psycho-politiques.

(V) Initier, entreprendre, soutenir et répandre les recherches et les analyses portant sur les multiples aspects de l'interaction et des interrelations à l'œuvre dans les domaines en expansion de la géographie et de la politiques à tous niveaux.

(VI) Collecter, susciter, engranger, préserver, déchiffrer, publier et répandre toutes données et informations relatives à la géographie et à la politique, spécialement dans le domaine de la géographie politique.

(VII) Constituer et conserver des archives, une documentation et une bibliothèque sur les questions géopolitiques.

(VIII) Constituer à Chandigarh, si possible et dès que possible, un Centre d'information et d'analyses géopolitiques.

(IX) Organiser des réunions, des cours, des débats, des discussions, des séminaires, etc., en accord avec les buts et objectifs de la société.

(X) Initier, assister, encourager et financer des recherches et des analyses en matières géopolitiques.

(XI) Offrir et réceptionner toutes informations, consultations, avis et expertises en matières géopolitiques.

(XII) Echanger et partager des données, des résultats de recherches et des analyses en matières géopolitiques avec des institutions de haut niveau académique, avec des organisations de recherches ou des institutions similaires de bona fide, sans aucune discrimination, afin d'établir des normes académiques ou de dégager les grandes lignes de l'intérêt national (9).

The Centre for the Study of Geopolitics

Ce Centre a été créé en 1987 à la Panjab University à Chandigarh. Il est financé par la Commission des subsides de l'Université indienne et constitue un appui aux recherches du Département des Sciences politiques. Il semble que ce soit la seule institutions constituée en Inde qui s'occupe de recherches en géopolitique. Le Directeur en est le Prof. M. M. Puri, formé en Inde et en Allemagne. Il a publié de nombreux ouvrages dans les domaines des relations internationales et de la géopolitique.

Bertil HAGGMAN.

(Paper no. 17, «Geopolitics in India», 1994, Centrer for Research on Geopolitics/CRG, P.O. Box 1412, S-25.114 Helsingborg, Suède).

Notes:

(1) Rapport intitulé «Afro-Asian Geopolitics», séminaire organisé par le Département de Sciences politiques, Center for Geopolitics and Society for the Study of Geopolitics, 4 au 11 avril 1990, Chandigarh, Inde, pp. 44-45.

(2) Ibid., pp. 49-50.

(3) Madan Mohan Puri, «Geopolitics in the Indian Ocean: The Antarctic Dimension», Journal of the School of International Studies, Jawaharlal Nehru University, New Selhi, Vol. 23, no. 2, avril-juin 1986.

(4) Ibid., pp. 158-159.

(5) «Zhirinovsky in His Own Words: Excerpts from The Final Thrust South», The Heritage Foundation, Washington D.C., Février 4, 1994, p. 5 (dans l'original, p. 127).

(6) Ibid., p. 11 (dans l'original, pp. 138-139).

(7) Ibid., p. 11 (dans l'original, p. 142).

(8) Puri, «geopolitics in the Indian Ocean...», p. 161.

(9) Rapport, «Afro-Asian Geopolitics», pp. 30-31.

Sources (non mentionnées dans les notes):

- M. M. PURI, The Antarctic - A Study in the Geopolitics of Peace, London, Routledge/Cambridge University Press, 1993. - M. M. PURI, Afro-Asian Geopolitics (à paraître).

- Indian Ocean Geopolitics: the Enduring Imperatives, Proceedings of the Tenth European Conference on Modern South East Asian Studies, Venise, 28 septembre/4 octobre 1988 (publié en 1990).

- Ashwini SHARMA, Wealth of the Indian Ocean, manuscrit non publié, mémoire pour l'obtention du titre de M. Phil., Panjab University, Chandigarh, 1983.

 

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dimanche, 08 avril 2007

Europese en Amerikaanse transnationale imperialisten tegen Rusland

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Europese en Amerikaanse transnationale imperialisten tegen Rusland

Eddy HERMIE
Na de ineenstorting van het communisme in Rusland hadden de wereldwijde transnationale kapitalisten gedacht dat ze de grondstoffen van de voormalige Sovjet-Unie makkelijk in handen zouden krijgen. De rijkdommen van het Russische volk moesten weggepikt worden zodat dit volk, net zoals alle andere volkeren arm en machteloos in de armen van de consumptiemaffia zou achterblijven. En inderdaad, kort na de ineenstorting van het communisme leek het erop dat de nationale krachten in Rusland dood waren en niet bij machte om weerwerk te kunnen bieden tegen het internationale roofkapitalisme. Dit roofkapitalisme dat gesteund wordt door de meesters van het internationalistisch kapitaal, namelijk de zionisten die overal in het systeem waren geïnfiltreerd, waren erop uit Rusland totaal leeg te roven, en het tegelijkertijd te laten koloniseren. Verder zou het als een afzetmarkt dienen voor de productieoverschotten van de transnationale imperialisten.

In de Eurozone en in de USA zijn er namelijk gigantische productieoverschotten zodat we gerust kunnen spreken van een crisis door overproductie. De kapitalistische internationalisten zouden door de kolonisatie van Rusland proberen af te raken van hun rommel en tegelijkertijd zo de crisis van de overproductie in de eigen handelszone oplossen. Met andere woorden, de Russen zouden als volk onderworpen worden door de krachten die elk autonoom land en volk in de wereld willen knechten, de monopolys en het internationale geldwezen. Daarom heeft men geprobeerd om de opkomst van een nieuwe politieke klasse tegen te werken, want de politieke vertegenwoordigers van het volk en de politieke instellingen zijn een belangrijke hinderpaal voor de geldmachten om een totale macht te krijgen over een volk en zijn staat. Zelf als de politieke instellingen nog zo slecht werken dan nog willen de transnationalisten er alles aan doen om de vertegenwoordiging van het volk te herleiden tot nul. De destructieve krachten hebben liever een maffia aan de macht die ze kunnen inzetten tegen de bevolking dan een legitieme volksvertegenwoordiging.

Onder druk van nationalisten is er echter in Rusland een halt toegeroepen aan de tomeloze hebzucht en is er een restauratie van de politieke instellingen aan de gang. Dit kan alleen maar toegejuicht worden door de volkeren die in de euroregio wonen. Het fenomeen van nationale heropstanding van Rusland kan alleen maar als voorbeeld dienen voor onze volkeren. Het zou een ramp geweest zijn voor onze volkeren indien Rusland effectief in handen gevallen zou zijn van internationale criminelen. Rusland zou een vrijhaven geworden zijn voor het meest rouwe en meedogenloze marktkapitalisme, met gigantisch verpauperde mensenmassa’s die als goedkope werkreserves zouden gediend hebben voor de Eurokapitalisten, die men overal had kunnen inzetten waar volgens het marktdenken de loonkost te hoog wordt bevonden. Het Russische volk heeft echter een halt toegeroepen aan de kolonisatie van zijn grondgebied en de rooftocht op de bodemschatten.

In het licht van deze ontwikkeling is het niet te verwonderen dat de transnationale moloch van het grootkapitaal zich bedient van de Amerikaanse imperialistische krachten om Rusland af te dreigen. Daarom het voorstel om een rakettenschild op te stellen in de buurtstaten van Rusland. Buurtstaten die voor een groot gedeelte behoren tot de Eurozone of een aanvraag lopen hebben om tot die zone toegelaten te worden. De grotere staten, zoals Duitsland, protesteren zwak tegen het Amerikaanse voornemen om Rusland op die manier af te dreigen, maar we mogen niet vergeten dat Duitsland nog steeds een bezet land is. Het wordt wel eens vaker vergeten, en zeker sinds Duitsland de motor heet te zijn van de Eurostaatsgedachte wordt er stil voorbijgegaan aan het feit, dat de enorme invloed en macht van de Amerikaanse multinationals nog steeds als een wurggreep om de nek van de Bondsrepubliek hangt. De Bondsrepubliek is geen vrije staat, het is een staat die nog steeds onder curatele staat van de USA. Als voorbeeld kunnen we aanhalen dat er nog steeds geen vredesverdrag, in de klassieke betekenis van het woord, is afgesloten tussen de USA en de Bondsrepubliek Duitsland. Voor een groot deel zijn de overeenkomsten van Potsdam nog van kracht en werd de grondwet opgesteld door de geallieerden, of juister gezegd werden de richtlijnen van de geallieerden met dwang in de grondwet opgenomen. Ook is er nog steeds een grote Amerikaanse bezettingsmacht aanwezig in de BRD. In 2004 bedroeg hun aantal nog 71000 duizend manschappen. Het is wel zo dat de Amerikanen plannen om de helft van die troepen weg te trekken uit Duitsland zelf, maar die zouden ze dan stationeren in andere Europese staten, bedoeld wordt de Oost-Europese staten die nu lid zijn van de Eurozone. Staten die beduidend dichter bij de grens van Rusland liggen.

Het is dus naïef te denken dat Duitsland een volledig vrije koers kan varen. Duitsland is niet de voortrekker van een Europa dat onafhankelijk is van de USA-geldmacht. Integendeel, Duitsland is op dit ogenblik de poort waardoor het US-kapitaal en de US-goederen massaal kunnen toestromen in de Eurozone. De Duitse kameraden van de NPD hebben deze toestand reeds meerdere malen aangeklaagd en de nationalisten zijn ook hier weer de garantie dat deze toestand veranderd. Met deze feiten in het achterhoofd moeten de nationalisten en de volkeren van Europa uiterst bezorgd zijn over de plaatsing van een rakettenschild aan de Russische grenzen. Wij nationalisten mogen ons niet laten meesleuren in een, door de Amerikanen aangewakkerd, vijandbeeld tegen de bevolking van Rusland. De toekomst van onze volkeren en onze staat Vlaanderen ligt niet in een hernieuwde koude oorlog. De ideologische gronden voor een heruitgave van de koude oorlog zijn trouwens niet meer aanwezig vermits er geen communistische dictatuur meer bestaat in Rusland. Nationalisten moeten ijveren om de betrekkingen met het Russische volk nauwer aan te halen, we hebben veel meer gemeen met de Russen dan met de multiraciale consumptiestaat Amerika. Het Amerikaanse model kan niet het onze zijn. Het is trouwens Amerika dat dit multiraciale, multiculturele mengmodel overal in de wereld wil opleggen. Het laatste voorbeeld van deze gedwongen volks- en cultuurvermenging is Irak, waar de USA met geweld probeert zijn model op te dringen. We kunnen alle dagen op tv zien tot welk bloedvergieten zo een eenheidsworst leidt.

Ook wat betreft onze invoer van grondstoffen moeten we de Russische kaart trekken vermits de afhankelijkheid van andere leveranciers steeds samenhangt met de het feit dat er rekening moet worden gehouden met de standpunten van Amerika. Als Amerika morgen weer een ander land wil binnenvallen, zullen wij meebetalen voor hun oorlog en hun imperialisme. Een bevoorrecht partnerschap met Rusland kan ons echter behoeden voor de negatieve gevolgen van de Amerikaanse avonturen. Ook wat betreft afzetmarkten kunnen de Europese volkeren, en zeker Vlaanderen, terecht bij onze oosterburen. Het is een gigantische markt die, als er rechtvaardige handelsverdragen worden afgesloten, een enorme groei kunnen betekenen voor onze industrie en dus voor onze welvaart.

Laatst, maar niet in het minst, is er de strategische ligging van Rusland met betrekking tot China. Rusland kan de buffer zijn als de Chinezen ooit imperialistische ambities krijgen en Europa willen aanvallen. Dit scenario is op termijn niet ondenkbaar. Als China ooit de dumping van zijn (door de staat gesubsidieerde) goedkope consumptiegoederen moet stoppen en het in een financiële en economische crisis zou terechtkomen dan is een oorlog niet uitgesloten. China heeft bijna geen eigen grondstoffen en juist dit gebrek is een explosief gegeven.

Kortom er zijn talloze redenen te bedenken waarom we ons moeten verzetten tegen vijandige daden tegenover één van onze grootste buren in de regio. In plaats van een rakettenschild moet er een vriendschapsband gesmeed worden. Diegenen die in Vlaanderen en Europa wel opteren om Rusland met wapengeweld te isoleren en af te dreigen en die daardoor de belangen van Amerika behartigen, zij moeten aan de kaak gesteld worden als oorlogstokers.

 

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samedi, 07 avril 2007

Rivalité Chine/Inde

Albrecht ROTHACHER :

 

La rivalité Chine/Inde

Quand on additionne les populations de ces deux géants asiatiques, on obtient le chiffre de 2,5 milliards d’hommes. Le taux de croissance d’ici l’année 2020 est estimé à 8% pour l’Inde et à 10% pour la Chine. La « Chininde », comme se plaisent à la nommer quelques journalistes occidentaux, serait ainsi l’atelier de 40% de la population mondiale, où se fabriqueraient 17% des productions de l’économie mondiale. Si la « Chininde » fusionne en un bloc unique, estiment ces mêmes journalistes et observateurs, nous assisterions à l’éclosion d’une nouvelle superpuissance, qui risquerait bien vite de contester la primauté des Etats-Unis, pour ne même plus parler de l’Europe, aire de querelles mesquines où pèse la sclérose sociale.

Lorsque le Président chinois Hu Jintao est venu à la Nouvelle Dehli  en novembre 2006, cette vision fantasmagorique de la « Chininde » a brièvement excité les esprits. Les conclusions hâtives quant au futur destin de l’Asie ont encombré à nouveau les bibliothèques et les colonnes des journaux. Alors, cette « Chininde » deviendra-t-elle bientôt réalité ? En jetant un regard rétrospectif sur l’histoire, on peut en douter…

Les causes actuelles de la rivalité Inde/Chine

Les rivalités régionales entre les deux géants démographiques d’Asie, en pleine croissance économique, sont trop importantes : ils s’opposent pour obtenir le maximum d’influence au Népal, en Birmanie (Myanmar) et en Asie du Sud-Est. Le souvenir de la guerre perdue par l’Inde en 1962 reste vivace. La frontière dans l’Himalaya, longue de 1200 km reste contestée par les deux parties. Les revendications chinoises sur la province nord-orientale de l’Inde, l’Arunachal Pradesh, troublent les relations entre les deux pays. L’Inde craint d’être encerclée et de devoir livrer une guerre sur deux fronts puisque la Chine est l’alliée du Pakistan, son ennemi mortel et héréditaire. Par ailleurs, la Chine craint l’alliance possible entre l’Inde et les Etats-Unis, qui, si elle se concrétise, serait le seul succès diplomatique de l’ère de Bush junior. A tous ces contentieux s’ajoute la concurrence croissante entre les deux géants pour le contrôle des matières premières et du pétrole en Birmanie/Myanmar, au Moyen- et Proche-Orient, en Asie centrale et en Afrique. Les deux pays se font concurrence pour ravir les débouchés internationaux où se vendent leurs productions bon marché exigeant une main-d’œuvre zélée. Dans cette course aux débouchés, l’Inde a été jusqu’ici défavorisée, à cause de la faiblesse des ses infrastructures et de sa bureaucratie hostile à l’économie. L’Inde, dans ce contexte, s’est davantage concentrée sur l’exportation de services et de produits finis de haute qualité, ce qui semble, évidemment, plus prometteur sur le long terme.

Après l’indépendance de l’Inde en 1947 et le départ des Britanniques, la guerre avait éclaté avec le Pakistan sécessionniste et musulman pour la domination de la région montagneuse du Cachemire. Le Pakistan musulman est rapidement devenu l’allié des Etats-Unis et, à ce titre, membre du CENTO. Pour riposter à ce coup de Jarnac islamo-américain, l’Inde, sous la houlette du Parti du Congrès, opte pour le non-alignement du Tiers-Monde et entretient une coopération étroite avec l’URSS sur le plan militaire. Cette situation durera jusqu’à l’effondrement de l’Union Soviétique. Dans ce contexte de non-alignement et d’alliance soviétique, l’Inde pratique à l’intérieur une politique de socialisme bureaucratique, propre aux pays en voie de développement, et, à l’extérieur, un anti-américanisme clairement affiché. Avec Jawarharlal Nehru comme chef de gouvernement, tous les petits pays voisins, comme le Bhoutan en 1949, le Sikkim et le Népal en 1950, la Birmanie en 1951 et Ceylan en 1954, sont contraints de se lier à l’Inde par des traités qui sanctionnent nettement la prééminence indienne.

L’intervention au Sri Lanka

Lors de la guerre de sécession du Bengla Desh en 1971, les troupes indiennes attaquent l’armée pakistanaise dans l’Est du Bengale, ce qui fait accéder l’ancien « Pakistan oriental » à l’indépendance. En 1975, Indira Gandhi profite de troubles, suscités par l’Inde, pour annexer le petit royaume himalayen du Sikkim et en faire le vingt-deuxième Etat de la Fédération indienne. Au Sri Lanka (ex-Ceylan), les services secrets indiens soutiennent les Tamils hindouistes qui dominent un grand Etat de la Fédération srilankaise, le Tamil Nadu, ainsi que l’organisation rebelle tamil des « Tigres » contre les Cinghalais bouddhistes, qui constituent la nation titulaire de l’Etat du Sri Lanka insulaire. L’Inde, en 1987, impose au Sri Lanka, tiraillé par la guerre civile, un contingent militaire indien de 70.000 hommes. Rapidement, cette armée, contre son gré, est entraînée dans une guerre de guérilla contre les Tamils qui se considéraient comme grugés, puisque certains services indiens leur avaient promis l’indépendance. Au bout de deux ans, le contingent indien est forcé de se retirer sans gloire, après avoir perdu 1200 hommes. En 1991, le Premier Ministre Rajiv Gandhi tombe à son tour, victime tardive de sa propre politique sri-lankaise, par la main d’une femme-kamikaze tamil.

L’ennemi principal de l’Inde était et demeure le Pakistan. L’objet du conflit est la province du Cachemire, dont le Pakistan revendique l’annexion complète. Depuis la première partition de l’ancien empire des Indes en 1948, une ligne de démarcation et d’armistice coupe le Cachemire en deux morceaux ; cette ligne est contestée par les deux antagonistes ; quatre guerres d’ampleurs diverses ont ensanglanté son tracé, en 1965, en 1971, en 1984 et en 1999. L’armée pakistanaise et ses services spéciaux, l’ISI, soutiennent là-bas un mouvement insurrectionnel musulman très virulent depuis 1989, qui a déjà fait 40.000 morts, parmi lesquels de nombreux hommes politiques locaux modérés qui se font systématiquement assassinés par des kamikazes fanatisés. Lors du dernier affrontement indo-pakistanais au Cachemire, en mai 1999, l’armée pakistanaise avait déclenché une attaque en haute montagne, près de Kargil, pour couper aux Indiens le col de Karakorum qui mène au Tibet. Lorsque les Pakistanais furent repoussés par les chasseurs de montagne indiens et par des tapis de bombes, ils menacèrent de faire jouer leur armement nucléaire. L’intervention personnelle de Bill Clinton et la menace de sanctions économiques de grande ampleur ont contraint le Premier pakistanais Nawaz Sharif en juillet 1999 de retirer ses troupes et de composer.

Le premier affrontement sino-indien

Au départ, vu leur rhétorique anti-colonialiste et anti-occidentale commune, l’Inde socialiste et la Chine communiste entretenaient de bons rapports. L’Himalaya est un verrou de montagnes sans voies qui les traversent : derrière cette muraille gigantesque, quasi impénétrable, l’Inde se sentait à l’abri, même après l’annexion forcée du Tibet à la Chine en 1950. Personne, en Inde, ne se souciait de la chose ; la rhétorique anti-colonialiste empêchait les Indiens de condamner la Chine parce qu’elle n’avait pas respecté la ligne McMahon, tracée antérieurement par les dominateurs britanniques pour délimiter les territoires de l’Inde, de la Chine et du Tibet. Mais à l’automne 1959, une patrouille militaire indienne tombe dans une embuscade tendue par des soldats chinois dans une région frontalière contestée ; neuf soldats indiens trouvent la mort au cours de cet incident. L’âme indienne est révulsée et crie vengeance. Le Premier Ministre Nehru ordonne ouvertement à Kaul, son chef d’état-major, un général qui n’avait jamais fait la guerre, de chasser les Chinois de la région contestée. Le Général Kaul augmenta les troupes de gardes-frontières dans la région, leur ordonne de parfaire de vastes opérations de reconnaissance, mais rien de plus.

L’armée populaire de libération chinoise n’avait toutefois pas l’intention d’attendre passivement d’être repoussée par les Indiens. Elle attaque massivement les troupes frontalières indiennes le 12 octobre 1962, par un coup de main préventif. Les gardes-frontières indiens sont écrasés parce qu’ils ne disposaient pas de suffisamment de munitions et de réserves. Ils se sont bravement battus, souvent jusqu’au dernier homme. Au bout de deux semaines, la Chine propose à Nehru un armistice. Le leader indien refuse. Et ordonne à une deuxième vague de troupes indiennes, rassemblées et acheminées à la hâte vers le front, de passer à la contre-attaque. Une nouvelle fois, les Chinois passent vigoureusement à l’attaque et délogent les Indiens de leurs positions. Après avoir atteint leurs objectifs territoriaux, les Chinois déclarent, le 21 novembre, un armistice unilatéral, que l’Inde a respecté depuis. Chaque camp avait perdu environ 500 hommes. Aujourd’hui, sur les mêmes lieux, des deux côtés d’une frontière longue de 3400 km, campent 200.000 hommes inclus dans des brigades de chasseurs de montagne, dans des batteries d’artillerie de montagne et dans des milices de gardes frontières.

Effectifs et matériels de l’armée indienne

L’Inde revendique toujours l’Aksai Chin qu’occupent les Chinois et tous les territoires que ceux-ci avaient conquis en 1962. La Chine, de son côté, revendique l’ensemble du territoire de l’Arunanchal Pradesh, cette province indienne du Nord-Est, qu’ils appellent crânement « Zanguan » ou « Tibet méridional ». L’armée indienne fonctionne, selon bon nombre d’observateurs, comme une armée traditionnelle de modèle britannique selon les critères des années 50 du 20ième siècle, mais disposant de matériels soviétiques. Elle aligne un corps d’officiers apolitiques, élitiste, formé dans des académies militaires de type anglais. Ces officiers cultivent le souvenir des gloires de l’armée coloniale britannique. Les troupes blindées indiennes disposent des T72 et de T90 russes, massés à l’Ouest face à la plaine du Punjab, occupée en grande partie par les Pakistanais. L’armée indienne aligne par ailleurs des troupes de montagne dans le Nord au Cachemire et le long de la frontière himalayenne. L’Inde doit réserver de plus en plus de troupes pour combattre les terroristes punjabis qui créent des désordres intérieurs, pour affronter les rebellions maoïstes d’ouvriers agricoles, de bandes hors castes et sans terres, les émeutes inter-raciales ou les séparatistes du Nagaland à l’Est. Au total, 1,2 million d’Indiens servent dans l’armée. Le budget militaire monte à 22 milliards de dollars, ce qui revient à 2,3% du PIB, chiffre énorme pour un pays qui doit encore se développer. Mais ce chiffre est modeste par rapport au budget militaire chinois.

Du bon état de la marine indienne

L’armée de l’air indienne, qui a une bonne expérience du combat, dispose de 850 appareils : des Mig, des Mirages 2000 et des chasseurs-bombardiers Sukhoi S30, dont l’entretien laisse toutefois bien à désirer, vu le nombre élevé de « crashes » accidentels. La marine indienne est capable d’affronter la haute mer : elle a pour mission de défendre le pays contre les manœuvres chinoises d’encerclement. Elle dispose de huit destroyers, de dix-sept frégates, de vingt-huit corvettes et de dix-neuf sous-marins d’attaque, équipés au mieux. En acquérant l’ « Amiral Gorchkov » en Russie et le « Hermès » en Grande-Bretagne, les Indiens se sont dotés de deux porte-aéronefs. A Fort Blair, dans les Iles Nicobar, l’Inde a construit un bon point d’appui pour sa flotte, organisé par un état-major maritime oriental, partiellement autonomisé, permettant d’intervenir, le cas échéant, dans le Détroit de Malacca, et de contrôler le Golfe du Bengale. Par ce déploiement, la marine indienne s’est dotée d’un solide collier de points d’appui dans l’Océan Indien, dans le but de contrer les tentatives chinoises dans cet espace océanique ; en effet, les Chinois ont négocié des droits de mouillage dans certains ports birmans et sri-lankais, ainsi qu’à Chittagong au Bengladesh et à Gwadar au Pakistan. Des accords militaires lient désormais l’Inde à l’Indonésie et au Vietnam. La lutte commune contre l’abominable piraterie des mers offre un bon prétexte à la marine indienne de patrouiller aux côtés de l’US Navy dans le Détroit de Malacca et dans la Mer de Chine du Sud.

Albrecht ROTHACHER

(article tiré de « Zur Zeit », Vienne, n°13/2007).   

 

 

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jeudi, 05 avril 2007

Luttwak et la référence romaine des stratèges US

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Edward N. Luttwak et la référence romaine des géostratèges américains

 

par Carlo TERRACCIANO

Très significative dans la pensée stratégique américaine contemporaine est la référence à la Rome impériale d'Auguste. Cette Rome est celle qui accroît sa domination à tout le bassin méditerranéen, après avoir éliminé la puissance navale carthagi­noise, son unique rivale dans la zone. Edward N. Luttwak a consacré une étude magistrale à cette Rome augustéenne. Né en Transylvanie roumaine en 1942, il est un spécialiste des problèmes stratégiques et enseigne à la “Georgetown University” et au “Georgetown Center of Strategic and International Studies” de Washington. Il est également un “consultant” du gouverne­ment Reagan en matière de défense. Il a été conseiller du Président Ronald Reagan en politique étrangère. Il fait partie de ces équipes mises en place par les intellectuels conservateurs judéo-américains, qui s'opposent à leurs homologues de la gauche pré-reaganienne, et où l'on trouve des noms connus tels Mosse, Leeden, etc. En collaboration avec Dan Horowitz, Luttwak a écrit une étude sur l'armée israëlienne, dans laquelle il a servi. Ensuite, il doit surtout sa célébrité à des ouvrages comme The Political Uses of Sea Power, Strategic Power, et, en traduction italienne, Strategia del colpo di stato, La grande strategia dell'Union Sovietica, Il Pentagono e l'arte della guerra.

Dans La grande stratégie de l'Empire romain, ouvrage sous-titré L'appareil militaire comme force de dissuasion, Luttwak nous propose de comparer l'empire romain euro-méditerranéen à l'empire océanique euro-atlantique des Etats-Unis. Il ana­lyse tout particulièrement les mutations dans la stratégie défensive de Rome, depuis le “système julio-claudien” d'Auguste et de Néron, avec ses États-clients et ses armées mobiles, à celui des Flaviens et des Sévères, avec ses frontières scientifiques et sa défense dissuasive, et pour finir, à la méthode finale, celle de la “défense en profondeur”.

Voyons ce que l'histoire des stratégies romaines peut apporter à l'étude de la situation contemporaine, du moins telle qu'elle se présentait immédiatement avant la chute du système soviétique. L'Empire américain est comparable à l'Empire romain de la décadence, du moins vu sous l'angle géopolitique. La décadence romaine fut longue, parfois splendide dans ses raffine­ments et ses productions culturelles. Soulignons toutefois que les proportions sont différentes dans chacun des deux cas ana­lysés: la puissance océanique américaine couvre tout le globe, alors que le pouvoir maritime romain ne couvrait qu'une mer intérieure, avec les techniques de l'antiquité. Aujourd'hui, il n'est plus possible de conquérir directement des territoires ni d'assumer une hégémonie planétaire, donc, l'empire américain, tout comme l'empire romain, est contraint de défendre ses conquêtes mais aussi et surtout son propre “noyau” central, c'est-à-dire l'île-continent nord-américaine. Pour assurer cette défense, il faut que Washington soit en mesure de défendre toutes les positions acquises aux confins stratégiques du monde. La puissance maritime américaine doit donc pouvoir contrôler les îles, les presqu'îles et les côtes situées au-delà de l'“étang” qui baigne les côtes américaines. Jordis von Lohausen, dans son ouvrage Mut zur Macht,  avait appelé cette problématique celle des “rivages et contre-rivages”. L'empire romain se situait sur un axe géographique horizontal (Ouest-Est), l'empire américain, lui, se situe sur un axe vertical (Nord-Sud). L'empire romain devait contrôler les côtes nord et sud de la Méditerranée pour pouvoir durer, l'empire américain, pour se maintenir, doit contrôler les côtes est et ouest des continents qui lui font face, au-delà du Pacifique et de l'Atlantique. Si l'empire romain avait une seule “mare nostrum”, l'empire américain en a deux.

Dans sa conclusion à La grande stratégie de l'empire romain, Luttwak insiste sur la nécessité de diviser les adversaires po­tentiels, de balkaniser leurs volontés, car même une défense en profondeur des frontières s'avèrerait problématique en cas de coalition ample et cohérente. Quand les Germains se sont soudés en une vaste alliance multi-tribale, la défense en profondeur, mise en place par Dioclétien, ne peut plus jouer optimalement. Elle ne peut plus que contenir l'ennemi, non disloquer d'avance ses défenses.

On notera toutefois, qu'à rebours de l'empire romain, les Etats-Unis, puissance essentiellement maritime, poursuivent surtout des objectifs économiques, développent un expansionnisme de type capitaliste et proposent un modèle de vie consumériste. Ils ne visent nullement la création d'un bloc impérial uni autour d'un éventail de valeurs intangibles, de doctrines politiques ou d'intérêts géoplitiques. Ils se bornent à organiser une “ceinture” d'Etats-clients pour défendre, sur les airs et sur mer, à partir du rimland  européen, africain et asiatique, le territoire américain. Au contraire, les puissances continentales de l'histoire (Sparte, le Rome républicaine, la Macédoine de Philippe et d'Alexandre, l'Islam, l'empire napoléonien, le IIIième Reich ger­manique et la Russie tsariste et soviétique), ont tenté d'élargir progressivement leur propre territoire en amenant les peuples à adopter un modèle d'ordre qu'ils jugeaient idéal (qu'il soit politique, religieux, racial ou autre), en formant et en informant les populations soumises. Rien de tel dans le cas américain, qui se borne à offrir des jeux (télévisuels ou audiovisuels): c'est la différence entre un néo-colonialisme moderne et un impérialisme territorial classique.

Carlo TERRACCIANO.

(extrait d'un article paru dans Orion  n°30/1987; trad. franç.: Robert Steuckers).

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mercredi, 04 avril 2007

Fluvialité et destin des Etats

Fluvialité et destin des Etats

 

Richard HENNIG & Leo KÖRHOLZ

 

Orientation du cours des fleuves et structures des Etats riverains

 

Erich Obst nous a rendu attentifs à Hannovre en 1928 à cette nouvelle dimension historique et géopolitique que revêtaient à ses yeux les fleuves dans le processus d'émergence et le destin des Etats (cf. Zeitschrift für Geopolitik, 1928, p. 27 ss.). Il existe des pays dont les fleuves sont disposés d'une façon telle qu'ils s'écoulent vers la mer dans plusieurs directions au départ d'une aire centrale, en s'éparpillant comme les rayons d'une roue. Dans d'autres pays, les fleuves sont parallèles les uns aux autres et s'écoulent tous dans une même direction. Obst nous a montré que les structures politiques de ces deux types de pays sont profondément influencées par la disposition de leurs fleuves, due en apparence au hasard. Il y a une raison fondamentale à cela. L'aire centrale, à partir de laquelle les fleuves s'écoulent de façon plus ou moins radiale, possède des intérêts dans tous les bassins de ces fleuves et cherche dès lors à ramener sous un dénominateur commun l'ensemble de ces intérêts apparemment divergents. Dans les pays dont les fleuves s'écoulent parallèlement les uns aux autres, il n'y a pas un intérêt commun de ce type. Chaque bassin fluvial se développe selon ses propres lois économiques et, en général, ne se préoccupe que fort peu de ce qui se passe dans le bassin fluvial voisin et parallèle. Pendant longtemps, chacun de ces bassins fluviaux ne perçoit pas la nécessité de s'unir politiquement, au sein d'une structure étatique, à ces autres régions économiques, qui sont d'une nature différente de la sienne. Chaque bassin voit en l'autre un concurrent potentiel, le perçoit comme “étranger” voire comme ennemi. De ces états de choses découlent les règles suivantes:

 

- Les pays disposant d'un réseau de fleuves centrifuges entretiennent en leur milieu géographique et politique un facteur de puissance centralisant de très grande ampleur et visent à administrer selon les règles d'une centralisation stricte l'Etat qui s'est unifié autour de ce centre.

 

- Les pays disposant d'un réseau de fleuves parallèles, en revanche, accordent nettement moins d'importance à l'unification politique de ce réseau de fleuves parallèles et voient se constituer sur leur aire des Etats différents, poursuivant souvent des objectifs entièrement différents les uns des autres et hostiles entre eux. Et si, finalement, ces pays finissent par s'unir sous l'effet d'autres conjonctures, ils auront tendance à cultiver une pluralité d'instances et à se donner des constitutions de type fédéral.

 

Exemples:

 

a) Les pays à réseau fluvial centrifuge et de forme radiale.

 

1. Le pays le plus caractéristiques de ce type que connaît la Terre est la Russie d'Europe. Il est remarquable de constater qu'une grande partie de ses fleuves prennent leur source dans les hauteurs du Plateau de Valdaï, dont la situation est centrale. C'est donc là, dans cette aire centrale que la puissance politique prépondérante de ce pays a vu le jour, c'est-à-dire le Royaume de Moscovie, qui, à l'aide de ses fleuves, a pu projeter sa puissance dans toutes les parties de cet immense empire et a pu soumettre celles-ci à sa volonté politique (voir carte). En conséquence de quoi, l'Etat russe, depuis l'émergence du Royaume de Moscovie au 13ième siècle, a toujours été et est resté l'Empire le plus strictement centraliste d'Europe, tant sous les Tsars que sous les actuels Soviets. L'aire centrale de départ de la puissance politique russe, qui a d'abord eu pour capitale Vladimir en 1170, ensuite Moscou à partir de 1328, n'a jamais été, à proprement parlé, le Plateau de Valdaï lui-même, mais un site proche de lui, à partir duquel la navigation fluviale était possible. En 1703, le Tsar Pierre I déplace la capitale à Saint-Pétersbourg, pour pouvoir donner à son empire, jusque là autarcique, une ouverture sur la politique européenne; néanmoins, le centre culturel et véritablement russe du pays reste à Moscou, où officiellement le pouvoir revient en 1917.

 

2. La plupart des grands fleuves français s'écoulent également dans toutes les directions, à la façon des rayons d'une roue (voir cartes). C'est l'Ile-de-France qui joue là le même rôle que le Plateau de Valdaï pour la Russie; Bartz écrit à ce sujet: «c'est à partir de cette région qu'a jaillie l'idée politique de l'appartenance nationale commune de tout l'espace situé entre la Meuse, le Rhône, les deux grandes mers et les Pyrénées». Comme dans le cas de la Russie, le centre politique se situe le plus possible à proximité de ce centre géographique, sur le fleuve le plus accessible et le plus facilement navigable. En France, ce fut à l'endroit où la Marne, la Seine et l'Oise offraient un très bon accès aux autres fleuves importants. Une fois de plus, nous constatons: l'administration très centralisée de la France fait que l'on n'exagère nullement en disant que la ville de Paris, le centre culturel et politique, est à elle seule toute la France. Dans le cas de la France, nous devons également constater que les provinces ne dépendant pas de ce système fluvial central sont peuplées de minorités ethniques et linguistiques, avec une Alsace germanique, un Sud-Est italien, un Sud-Ouest basque et catalan, un Ouest breton et un Nord flamand.

 

3. Pour éviter certains reproches, je me dois d'énoncer deux exceptions aux règles que je viens de mentionner. Je m'explique: le Fichtelgebirge en Allemagne présente aussi, comme la Russie et la France, une certaine centralité idéale de type radial, dans la mesure où les fleuves qui y prennent leur source s'écoulent dans toutes les directions de la rose des vents: le Main, la Saale, l'Eger et la Naab. Mais cette centralité du Fichtelgebirge n'a eu aucune conséquence politique. La raison en est simple et évidente: ces fleuves ne sont pas des fleuves principaux, mais seulement des affluents, dont la navigabilité est assez limitée. Les lignes de forces des grands fleuves tels le Rhin, l'Elbe et le Danube ont oblitéré sans difficulté la puissance potentielle formatrice d'Etat de ces petits affluents.

 

Deuxième exception: les Etats-Unis. Ici aussi, nous pouvons repérer un centre géographique d'où partent comme les rayons d'une roue tous les fleuves importants du pays: le Saint-Laurent, l'Hudson, le Delaware et l'Ohio, qui rejoint le Mississipi. Ce centre est la région qui se situe immédiatement au Sud du Lac Ontario. Mais comme l'Etat nord-américain a été fondé de l'extérieur, à partir de la côte Est, le poids politique des anciennes colonies organisées en 1776, année de l'indépendance, a contribuer à organiser l'Etat de façon durable. Ce sont les côtes regardant vers l'Europe qui ont gardé la prépondérance.

 

b) Les pays aux réseaux fluviaux parallèles.

 

1. Il existe pour nous Allemands un exemple patent: l'Allemagne du Nord (voir carte). Tous les fleuves principaux s'écoulent vers le Nord ou vers le Nord-Ouest. Chacun de ces bassins fluviaux constitue au départ une région économique pour soi, sans avoir d'intérêts communs avec les systèmes fluviaux voisins. Chaque partie du pays n'a au départ cultivé de l'intérêt que pour un seul fleuve. Aucune partie n'a manifesté de l'intérêt pour tous les fleuves à la fois. Il y a donc eu dans l'histoire allemande éparpillement des objectifs économiques. C'est la raison principale pour laquelle les tribus et les Etats allemands ont été pendant longtemps, et pour leur malheur, divisés. C'est d'autant plus évident que d'autres pays ne disposant pas d'un espace central économique (comme la France et la Russie) ont connu une pluralité d'instances politiques, voire la Kleinstaaterei:  on songe notamment à la Grèce antique, à la Suisse et à l'Inde.

 

La disposition parallèle des fleuves signifie l'éparpillement des objectifs économiques et politiques.

 

Comment l'Allemagne du Nord a-t-elle surmonté cet éparpillement initial de ses forces politiques et de ses visées économiques? Quelle est l'instance qui a pu remplacer finalement l'aire centrale absente qui ailleurs soude les pays grâce à l'écoulement des fleuves à la façon des rayons d'une roue? La réponse à ces questions est instructive. L'Etat-noyau du Brandebourg exerçait au 17ième siècle sa domination territoriale sur le Rhin, la Weser, l'Elbe, l'Oder, la Pregel et le Memel, par le hasard de liens ou d'héritages dynastiques. Il désirait tout normalement administrer sur un mode unitaire ces pays disparates et éparpillés, afin de les lier solidement les uns aux autres. Cette politique a été poursuivie d'abord sur le plan économique, par l'organisation d'une poste de chevaux et de diligences, sous la houlette du Grand Prince Electeur, partant de Clèves pour rejoindre Memel, par le creusement du Canal de Müllrose, etc. Plus tard, cette unification a été politique, par l'acquisition de ponts territoriaux en 1666, 1772, 1793, 1803, 1866. Ce processus ne s'est achevé qu'en 1866. Malgré l'écoulement parallèle des fleuves, un puissant système étatique perpendiculaire à ceux-ci unissait toute la plaine d'Allemagne du Nord.

 

2. Autre exemple très caractéristique: l'Indochine (voir carte). Les cinq grands fleuves, soit l'Irraouadi, le Salouen, le Menam/Nampo, le Mekong et le Song Koi (Fleuve Rouge) s'écoulent parallèlement vers le Sud ou le Sud-Est, chacun dans leur vallée, peu éloignés les uns des autres, souvent séparés par des montagnes importantes. Chacun de ces fleuves constituent une région économique propre, sans relations avec son voisin. Cette caractéristique physique a fait que l'Indochine, tout au long de l'histoire, n'a jamais connu l'unité politique, même pas artificiellement par l'action d'un conquérant extérieur, alors que cette région avait vu se constituer sur son sol des structures étatiques primitives avant l'ère chrétienne. L'Indochine a toujours été divisée en plusieurs Etats.

 

3. Autre exemple a contrario, bien que de moindre importance: la Sibérie. Les trois fleuves géants, l'Ob, l'Iénisséi et la Lena, s'écoulent parallèlement les uns aux autres vers l'océan; cependant, la Sibérie n'est pas divisée mais unie. La raison de cette unité est comparable à celle des Etats-Unis d'Amérique: l'impulsion politique est venue de l'extérieur et n'est pas autochtone. La Sibérie est une véritable terre de colonisation, même si la colonisation n'est pas venue d'outre-mer mais de la Terre. La structuration politique du pays n'est donc pas venue de l'intérieur mais lui a été imposée, par une immigration venue de l'Ouest et s'avançant toujours plus vers l'Est, perpendiculairement au cours des fleuves. Ceux-ci ne pouvaient pas devenir des zones de développement économique ni servir de base à la constitution de nouveaux Etats parce qu'ils débouchaient sur une mer inaccessible au trafic maritime. Malgré leur navigabilité optimale pendant les mois d'été, ces fleuves n'ont jamais été importants pour l'économie des hommes. Si ces fleuves s'écoulaient vers les mers chaudes du Sud plutôt que vers un Nord an-écouménique, on aurait assisté sur leurs rives à l'émergence d'Etats dès les premiers balbutiements de l'histoire. Enfin, il nous reste à signaler que les sources de l'Iénisséi et de la Léna sont très proches l'une de l'autre dans la région du Lac Baïkal. Ainsi, malgré la parallélité des fleuves, nous trouvons tout de même en Sibérie une sorte de centre géographique, dont il faut tenir compte, surtout depuis que la capitale de la Sibérie s'est déplacée à Irkhoutsk.

 

c) Aux deux formes d'agencement des fleuves, l'agencement de ceux qui s'écoulent radialement au départ d'un centre et l'agencement parallèle, s'ajoute une troisième, fort différente et qui n'a pas d'effet constructif sur le plan politique. Outre les systèmes fluviaux centrifuges, il existe des systèmes fluviaux centripètes, où de tous côtés convergent des fleuves importants en direction d'une aire centrale. Dans la plupart des cas, ces aires centrales sont proches de la côte, plus rarement dans l'intérieur des terres. Dans de tels cas, l'aire centrale acquiert toujours une grande importance, notamment comme premier port de mer du pays. Mais ces fluvialités centripètes donnent à leur région un poids exclusivement économique, sans qu'aucune tendance au développement politique ne voit le jour.

 

Les ports de mer se situant au bout d'un réseau de fleuves particulièrement bien développés et navigables, qui converge vers un point central, à l'instar des branches d'une étoile, n'ont pas besoin de développer une puissance politique pour croître et peuvent sans exception s'adonner à leurs activités économiques. Ils peuvent négliger l'effort pénible de construire une structure étatique bien charpentée. Ces villes à l'embouchure des fleuves ne sont dès lors jamais des centres politiques, des capitales d'Etat, mais ne sont que des ports commerciaux de haut niveau.

 

Exemples:

 

1. A l'embouchure commune du système fluvial du Gange et du Brahmapoutre, on a vu émerger le port mondial de Calcutta, qui n'est toutefois pas un port mondial.

 

2. A l'embouchure du Tigre et de l'Euphrate se trouve le port de Basra, le “Balsora” du temps des califes; ce port n'a cessé de croître mais n'est jamais devenu le siège d'un pouvoir politique.

 

3. Dans l'aire amazonienne, la ville de Manaos s'est développée profondément à l'intérieur des terres, à l'endroit maximal de pénétration possible des navires de haute mer. Manaos se trouve exactement au point de convergence des fleuves géants tropicaux. Ce site est devenu un port de mer accessible aux navire de haute mer (voir carte).

 

4. Dans le système constitué par le fleuve Congo, parfaitement navigable, nous trouvons une situation comparable à celle du système amazonien. Le point économique central se situe à Stanley-Pool, car la zone de l'embouchure est une zone de rapides rendant la navigation totalement impossible. Si ces rapides n'avaient pas existé, le port de mer de Matadi, situé à l'embouchure, serait sans doute devenu les principal port d'Afrique après Alexandrie et Le Cap.

 

Richard HENNIG & Leo KÖRHOLZ.

(chapitre tiré de Einführung in die Geopolitik, 1933).

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mardi, 03 avril 2007

Turquia en la geostrategia norteamericana en Eurasia

Ernesto MILA / http://infokrisis.blogia.com/

Turquía en la geoestrategia norteamericana en Eurasia

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Infokrisis.- Resulta muy difícil dudar del papel de Turquía como aliado preferencial de los EEUU. En las líneas que siguen analizaremos este papel y sus implicaciones, a partir del estudio del texto "El Gran Tablero Mundial" de Zbignie Brzezinsky. Este texto es la continuación al elaborado hace un año y medio sobre la geopolítica de Turquía y los riesgos ue comporta la creación de un espacio turcófono a expensas de Rusia.


Zbigniew Brzezinsky en su obra “El Gran Tablero Mundial”, define a Turquía es un “pivote geopolítico” de primera magnitud. El antiguo secretario de Estado norteamericano, explica que un “pivote geopolítico” es “un Estado cuya importancia se deriva no de su poder y de sus motivaciones sino más bien de su situación geográfica sensible y de las consecuencias que su condición de potencial vulnerabilidad provoca en el comportamiento de los jugadores geoestratégicos”. Afortunadamente, el propio Brzezinsky explica su concepto de “jugadores geoestratégicos”; dice: “Los jugadores geoestratégicos activos son los Estados con capacidad y voluntad nacional de ejercer poder o influencia más allá de sus fronteras para alterar el estado actual de las cuestiones geopolíticas”. Ahora las cosas están mucho más claras. Pero Brzezinsky realiza su estudio al analizar la geoestrategia euroasiática de los EEUU. Para él solamente hay un actor principal en política internacional, los EEUU, el resto son “jugadores geoestratégicos” y “pivotes geopolíticos”. Entre los primeros, Brzezinsky distingue cinco en Eurasia: Francia, Alemania, Rusia, China e India y, otros tres en un discreto segundo plano (Gran Bretaña, Japón e Indonesia). Los “pivotes geopolíticos” que individualiza son Ucrania, Azerbaiyán, Corea del Sur, Irán y Turquía.

¿Por qué Turquía? Nos lo explica: “Turquía estabiliza la región del Mar Negro, controla el acceso a ella desde el mar Mediterráneo, equilibra a Rusia en el Cáucaso, sigue ofreciendo aún un antídoto contra el fundamentalismo musulmán y es el pilar sur de la OTAN”. No está muy claro que esto sea así y mucho menos lo que Brzezinsky dice a continuación: “Una Turquía desestabilizada sería susceptible de provocar una mayor violencia en el sur de los Balcanes, facilitando al mismo tiempo la reimposición del control ruso sobre los estados recientemente independizados del Cáucaso”. Por nuestra parte, pensamos que es justamente lo contrario: es Turquía la que desestabiliza en los Balcanes y en el Cáucaso y, por lo demás, lejos de ser un muro de contención contra el fundamentalismo islámico, Turquía es hoy un país gobernado por islamistas. Cabe decir, en beneficio de Brzezinsky que su libro se escribió en 1997, cuando Turquía se presentaba (como, por lo demás, la monarquía alhauita, como defensa contra el islamismo radical).

El análisis de Brzezinsky le lleva a identificar lo que llama “zona global de infiltración de la violencia”, un círculo que incluye a Chipre y a los países de Oriente Medio (el Este de Egipto y Sudán, franja costera de Etiopía, la Península Arábiga, Jordania, Siria, Israel, Irak, Irán), el Cáucaso (Georgia, Azerbaiyán y el Cáucaso Ruso), las exrepúblicas del sur de la URSS (Kazajistán, Tayikistán, Turkmenistán, Uzbekistán y Kirguistán), el Oeste de China (la zona islámica de los uigures, Xinjiang) y, finalmente, Afganistán, Pakistán y el Nor-Oeste de la India.

Tiene rzón Brzezinsky en llamar nuestra atención sobre esta zona. En la actualidad es, sin duda, la más conflictiva del planeta: tras las últimas elecciones egipcias, los Hermanos Musulmanes –la más antigua de todas las formaciones políticas islámicas- se han configurado como la primera fuerza político-social de ese país; guerra civil en Sudán; inestabilidad interna en Etiopía; aumento de la actividad del islamismo radical en Arabia Saudí; partición de Chipre con la creación del Estado de facto turco-chipriota en el Norte; dominio de los fundamentalistas de Hamas en Palestina con la consiguiente posibilidad de recrudecimiento del conflicto judío-palestino; guerra civil en Irak dentro de un país con fuerte resistencia a la ocupación norteamericana; toma del poder por los islamistas radicales en Irán que han decidido llevar a la realidad su peligroso plan nuclear; resistencia en Afganistán; conflicto indo-pakistaní siempre susceptible de reavivarse; inestabilidad creciente en el Oeste chino a causa de las protestas islamistas; situaciones que distan mucho de ser estables y democráticas en todas las exrepúblicas soviéticas del Sur; guerra civil chechena; etcétera. Hay que alabar la perspicacia de Brzezinsky en 1997 cuando prevé dificultades internas en los gobiernos en los que podrían haberse depositado esperanzas de que constituyeran un baluarte “seguro” ante la violencia de los radicales. Dice Brzezinsky: “Las presiones internas dentro de Truquía y de Irán no sólo tienen posibilidades de empeorar sino que reducirán mucho el papel desestabilizador que esos Estados son capaces de desempeñar en esta volcánica región”.

Durante cuarenta años, el comunismo, o mejor dicho, la URSS, fue el enemigo secular de Bzezinsky y de los EEUU; pero a partir de mediados de los años ochenta y, especialmente, tras la caída del Muro de Berlín, todo esto cambió extraordinariamente. Por una parte, Rusia que, hasta entonces era la potencia dominante en el Mar Negro pasó a controlar solamente una franja costera, a causa de la independencia de Ucrania. Hoy, la flota rusa en el Mar Negro es un recuerdo de lo que un día surcó los mares. Pero es que, además, la independencia de Georgia, supuso otra mordedura territorial. Otro tanto le ocurrió en la rica zona petrolera del Mar Caspio. De tener que compartir ese espacio al sur, solamente, con Irán, Rusia ha pasado a controlar solamente otra pequeña franja costera. El resto ha ido a parar a Kazajistán, Azerbaiyán y Turkmenistán. Hay que recordar que todas estas repúblicas, mayores o menores (Kazajistán es un coloso territorial con cinco veces la extensión de España) tienen un característica común: salvo Georgia, todas las demás ¡son etnias turcas! En otras palabras: el debilitamiento de Rusia ha hecho aumentar el peso de Turquía. Como veremos, Turquía aspira a obtener la hegemonía en pocas década sen el “espacio turcófono” que, más o menos, coincide con estas regiones. Esta pretensión tiene una importancia vital, como veremos más adelante, y, desde luego, es un factor adicional desestabilizante. Brzezinsky ha reparado en ello y escribe: “Apoyados desde el exterior por Turquía, Irán, Paquistán y Arabia Saudí, los Estados de Asia Central no han estado dispuestos a negociar su nueva soberanía política, ni siquiera a cambio de unas beneficiosa integración económica con Rusia, como muchos rusos esperaban. Como mínimo es inevitable cierta tensión y hostilidad en las relaciones de estos países con Rusia, en tanto que los dolorosos precedentes de Chechenia y Tayikistán hacen suponer que no puede excluirse del todo algo peor”. Solo queda reseñar que los cuatro países mencionados, en este momento son islamistas. Y este es el peligro que el islamismo reviste para la política internacional, éste y no la figura de Bin Laden, del que, por otra parte, no sabemos ni siquiera a qué intereses sirve su imagen.

En el fondo la intención del libro de Brzezinsky es dar unas pautas para que EEUU siga sieno hegemónica en “Eurasia”. Y el método es claro: reforzar al amigo, torpedear al enemigo. La lectura de la obra de Brzezinsky no debe llamar a engaño, es mucho más evidente lo que no dice de lo que dice: dice que EEUU deben seguir manteniendo un eje privilegiado con Europa (a pesar de que desprecia, página a página al aliado inglés), pero se preocupa especialmente de alentar la integración de Turquía en Europa, consciente de que Turquia está orientando buena parte de su política exterior hacia el Este y, por tanto, esto supone situar a la Unión Europea en un avispero, en donde, antes o después, terminaría chocando con Rusia. Brzezinsky en esto demuestra que, a pesar de la caída del Muro de Berlín, muy poco ha cambiado en sus análisis. El enemigo real, durante los cuarenta años de la Guerra Fría, no era el “comunismo”, ni siquiera la URSS, sino Rusia. Y hoy sigue siendo el enemigo secular. Y Turquía, por lo mismo, es el “amigo del alma”.

Por eso, en las conclusiones de su obra, Brzezinsky explica que “Para promover la estabilidad y la independencia del sur del Cáucaso y de Asia Central, los EEUU deben cuidarse de no enajenar a Turquía (…) Una Turquia que se sienta excluida de la Europa en la que ha intentado participar, se convertirá en una Turquía más islámica, más proclive a cooperar con Occidente en la búsqueda de la estabilidad y de la integración de una Asia Central secular en la economía mundial”. Y, más adelante, concluye: “Por consiguiente, los EEUU deberían usar su influencia en Europa para presionar a favor de la futura admisión de Turquía en la UE y deberían esforzarse en tratar a Turquía como a un Estado europeo” y añade, evidenciando que ni siquiera él cree lo que está escribiendo: “… siempre que la política interna turca no dé un giro importante en dirección islamista”. No es raro que los políticos europeos más próximos a EEUU (Aznar, Blair) hayan sido los grandes valedores de Turquía en la UE.

El problema es que ese giro hacia el islamismo ya se ha producido. Para los EEUU se trata de lograr que Turquía protagonice la construcción del oleoducto Bakú (en Azerbaiyán) hasta Ceyhan (en la costa mediterránea de Turquía) para dar salida a la producción petrolera del Caspio. Ahora podemos entender porqué “alguién” ha decidido que el Cáucaso se haya convertido en un avispero. En efecto, el petróleo del Caspio, o se dirigía a Europa a través de Rusia o hacia el Mediterráneo a través de Ceyhan. La diferencia estriba en que la primera opcion, supone, inevitablemente, un eje euro-ruso, mientras que en la segunda, Rusia queda completamente al margen y, por otra parte, ese mismo petróleo llega, a través del Mediterráneo, hacia las refinerías de la Costa Este de los EEUU, uniéndose al flujo petrolero que sube del Golfo de Guinea y de las costas africanas (hasta Marruecos).

 

Así pues, lo que EEUU aspira es a abastecerse de petróleo seguro y barato procedente de la cuencia del Caspio. Por eso le interesa la amistad con Turquía. Por otra parte, esa amistad tiene como contrapartida el debilitamiento de sus dos grandes enemigos “euroasiáticos”: de un lado la Unión Europea (que de ser “aliado” en la Guerra Fría ha pasado a ser “competidor” en la economía globalizada, como paso previo a ser “enemigo”, pues, no en vano, los intereses económicos de las grandes potencias, antes o después, terminan por entrar en contradicción) y de otro lado Rusia (el enemigo secular).

En la geoestrategia norteamericana, se trata de que Turquía, deje de ser, como lo fue durante la Guerra Fría, una espina clavada en el flanco sur de la URSS, para pasar a ser un espolón, mediante la creación del “espacio turcófono” con los despojos de la URSS, esto es, con la repúblicas exsoviéticas del Sur. Esto sobredimensiona la importancia geoestratégica de Turquía, pero, más particularmente, sobredimensiona los riesgos que este país aporta a la situación de Eurasia. Por que si el islamismo se hace con el poder en Turquía –como de hecho ya ha ocurrido- no se trata de que desparrame sus excedentes de población subdesarrollada y fuertemente islamizada hacia la Unión Europea (para esto hará falta que Turquía entre en el Club europeo) sino que, proyectará sobre las repúblicas exsoviéticas y turcófonas, la concepción islamista de la política, teniendo detrás una fuerza demográfica que Arabia Saudí no tiene, o un territorio etnopolítico del que carece Irán, constituyendo por ello un riesgo de primera magnitud.

© Ernesto Milá Rodríguez - infokrisis – infokrisis@yahoo.es

 

Martes, 25 de Abril de 2006 18:43 #.

06:20 Publié dans Affaires européennes, Eurasisme, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

dimanche, 01 avril 2007

Oppositions à Roosevelt

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Robert STEUCKERS:

Les oppositions américaines à la guerre de Roosevelt

 Analyse : Ronald RADOSH, Prophets on the Right. Profiles of Conservative Critics of American Globalism, Free Life Editions, New York, 1975 (ISBN : 0-914156-22-5).

L’histoire des oppositions américaines à la seconde guerre mondiale est très intéressante. Elle nous initie aux idées des isolationnistes et neutralistes des Etats-Unis, seuls alliés objectifs et fidèles que nous pouvons avoir Outre-Atlantique, mis à part, bien en­tendu, les patriotes d’Amérique hispanique.

Aborder ce sujet implique de formuler quelques remarques préliminaires.

-          L’histoire contemporaine est é­valuée sous l’angle d’une propa­gande. Laquelle ? Celle qui a été orchestrée par les bellicistes a­mé­ricains, regrou­pés autour du Président Roosevelt. La tâche de l’his­toire est donc de retrouver la réalité au-delà du rideau de fumée propagandiste.

-          L’histoire contemporaine est dé­terminée par la perspective roose­veltienne où

a)       les Etats-Unis sont l’avant-gar­de, la terre d’élection de la liber­té et de la démocratie ;

b)       les Etats-Unis doivent agir de fa­çon à ce que le monde s’ali­gne sur eux.

c)       Via leur idéologie messianique, interventionniste et mondialiste, les Etats-Unis se posent comme le bras armé de Yahvé, sont appelés à unir le monde sous l’au­torité de Dieu. Leur président est le vicaire de Yahvé sur la Terre (et non plus le Pape de Rome).

Mais, pour s’imposer, cette idéologie messianique, interventionniste et mon­dia­liste a eu des ennemis inté­rieurs, des adversaires isolationnistes, neutralistes et différentialistes. En effet, dans les années 30, 40 et 50, deux camps s’affron­taient aux Etats-Unis. En langage actualisé, on pourrait dire que les partisans du « village universel » se heurtaient aux partisans de l’ « au­to-centrage ».

Quels ont été les adversaires du mon­­dialisme de Roosevelt, outre le plus célèbre d’entre eux, le pilote Lind­­bergh, vainqueur de l’Atlan­tique. Nous en étudierons cinq :

1)       Oswald Garrison VILLARD, é­di­teur du journal Nation, ancré à gauche, libéral et pacifiste.

2)       John T. FLYNN, économiste et éditorialiste de New Republic, é­galement ancré à gauche.

3)       Le Sénateur Robert A. TAFT de l’Ohio, chef du Parti Républicain, surnommé « Mr. Republican».

4)       Charles A. BEARD, historien pro­­gressiste.

5)       Lawrence DENNIS, intellectuel éti­queté « fasciste », ancien di­plo­mate en Amérique latine, no­tamment au Nicaragua et au Pérou.

Tous ces hommes avaient une biographie, un passé très différent. Dans les années 38-41, ils étaient tous iso­lationnistes. Dans les années 43-50, ils sont considérés com­me « con­ser­vateurs » (c’est-à-dire adversaires de Roosevelt et de l’al­liance avec l’URSS) ; de 1948 à 1953, ils refusent la logique de la Guerr­e Froide (dé­fendue par la gauche sociale-dé­mo­crate après guerre).

Pourquoi cette évolution, qu’on ne comprend plus guère aujourd’hui ?

-          D’abord parce que la gauche est favorable au « globa­lis­me » ; à ses yeux les isolation­nistes sont passéistes et les interventionnistes sont inter­natio­nalistes et « progres­sis­tes ».

-          Dans le sillage de la Guerre du Vietnam (autre guerre interventionniste), la gauche a changé de point de vue.

En effet, l’interventionnisme est synonyme d’impérialisme (ce qui est moralement condamnable pour la gauche hostile à la Guerre du Vietnam). L’isolationnisme relève du non-impérialisme américain, de l’anti-colonialisme officiel des USA, ce qui, dans le contexte de la Guerre du Vietnam, est moralement acceptable. D’où la gauche militante doit renouer avec une pensée anti-impérialiste. La morale est du côté des isolationnistes, même si un Flynn, par exemple, est devenu macchartyste et si Dennis a fait l’apologie du fascisme. Examinons les idées et les arguments de chacun de ces cinq isolationnistes.

Charles A. BEARD 

Charles A. Beard est un historien qui a écrit 33 livres et 14 essais importants. Sa thèse centrale est celle du « déterminisme économique » ; elle prouve qu’il est un homme de gauche dans la tradition britannique de Mill, Bentham et du marxisme modéré. La structure politique et juridique, pour Beard, dérive de la stratégie économique. La complexification de l’éco­nomie implique une complexification du jeu politique par multiplication des acteurs. La Constitution et l’appareil légal sont donc le reflet des desidera­ta des classes dirigeantes. La complexification postule ensuite l’in­tro­duc­tion du suffrage universel, pour que la complexité réelle de la société puisse se refléter correcte­ment dans les re­pré­sentations.

Beard sera dégoûté par la guerre de 1914-18.

1.        Les résultats de cette guerre sont contraires à l’idéalisme wilsonien, qui avait poussé les Etats-Unis à intervenir. Après 1918, il y a davantage de totalitarisme et d’autoritarisme dans le monde qu’auparavant. La première guerre mondiale se solde par un recul de la démocratie.

2.        Ce sont les investissements à l’étranger (principalement en France et en Grande-Bre­ta­gne) qui ont poussé les Etats-Unis à intervenir (pour sauver leurs clients de la défaite).

3.        D’où le véritable remède est celui de l’autarcie continentale (continentalism).

4.        Aux investissements à l’étran­ger, il faut opposer, dit Beard, des investissements intérieurs. Il faut une planification natio­nale. Il faut construire une bonne infrastructure routière aux Etats-Unis, il faut aug­menter les budgets pour les écoles et les universités. Pour Beard, le planisme s’oppose au militarisme. Le militarisme est un messianisme, essen­tiel­le­ment porté par la Navy League, appuyée jadis par l’Amiral Mahan, théoricien de la thalassocratie. Pour Beard, l’US Army ne doit être qu’un instrument défensif.

Beard est donc un économiste et un théoricien politique qui annonce le New Deal de Roosevelt. Il est donc favorable au Président américain dans un premier temps, parce que celui-ci lance un gigantesque plan de travaux d’intérêt public. Le New Deal, aux yeux de Beard est une restructuration complète de l’économie domestique américaine. Beard raisonne comme les continentalistes et les autarcistes européens et japonais (notamment Tojo, qui parle très tôt de « sphère de co-prospérité est-asiatique »). En Allemagne, cette restructuration autarcisante préconisée par le pre­mier Roosevelt suscite des enthousiasmes et apporte de l’eau au mou­lin des partisans d’un nouveau dialogue germano-américain après 1933.

Le programme « Big Navy » 

Mais Roosevelt ne va pas pouvoir appliquer son programme, parce qu’il rencontrera l’opposition des milieux bancaires (qui tirent plus de dividendes des investissements à l’étranger), du complexe militaro-in­dustriel (né pendant la première guerre mondiale) et de la Ligue Na­vale. Pour Beard, le programme « Big Navy » trahit l’autarcie promise par le New Deal.

Le programme « Big Navy » provoquera une répétition de l’histoire. Roosevelt prépare la guerre et la militarisation des Etats-Unis, déplo­re Beard. En 1934, éclate le scandale Nye. Une enquête menée par le Sénateur Gerald Nye prouve que le Président Wilson, le Secrétaire d’Etat Lansing et le Secrétaire d’Etat au Trésor Gibbs McAdoo, le Colonel House et les milieux bancaires (notamment la J.P. Morgan & Co) ont délibérément poussé à la guerre pour éviter une crise, une dépression. Résultat : cette dépres­sion n’a été postposée que de dix ans (1929). Donc la politique raison­nable serait de décréter un em­bargo général à chaque guerre pour que les Etats-Unis ne soient pas entraînés aux côtés d’un des belligérants.

En 1937, Roosevelt prononce son fameux « Discours de Quarantai­ne », où il annonce que Washington mettra les « agresseurs » en quarantaine. En appliquant pré­ventivement cette mesure de ré­torsion aux seuls agresseurs, Roo­sevelt opère un choix et quitte le terrain de la neutralité, constate Beard. En 1941, quand les Japonais attaquent Pearl Harbour, le matin du 7 décembre 1941, Beard révèle dans la presse que Roosevelt a délibérément obligé le Japon à commettre cet irréparable acte de guerre. De 1941 à 1945, Beard ad­mettra la nature « expansion­niste » de l’Allemagne, de l’Italie et du Ja­pon, mais ne cessera d’exhorter les Etats-Unis à ne pas suivre cet ex­emple, parce que les Etats-Unis sont « self-suffisant » et que l’a­gressivité de ces Etats n’est pas directement dirigée contre eux. Ensuite, deuxième batterie d’argu­ments, la guerre désintègre les institutions démocratiques améri­cai­nes. On passe d’une démocratie à un césarisme à façade dé­mo­cratique.

Beard accuse le gouvernement américain de Roosevelt de chercher à entrer en guerre à tout prix contre le Japon et l’Allemagne. Son accusation porte notamment sur quatre faits importants :

1.        Il dénonce l’échange de destroyers de fabrication américaine contre des bases militaires et navales anglaises dans les Caraïbes et à Terre-Neuve (New Foundland).

2.        Il dénonce la « Conférence de l’Atlantique », tenue entre le 9 et le 12 août 1941 entre Churchill et Roosevelt. Elles ont débouché sur un acte de guerre au détriment du Portugal neutre : l’occupation des Açores par les Américains et les Britanniques.

3.        Il dénonce l’incident de septembre 1941, où des navires allemands ripostent aux tirs de l’USS Greer. Beard prétend que Roosevelt monte l’incident en épingle et il appuie son argumentation sur le rapport de l’Amiral Stark, prouvant l’inter­vention du navire aux côtés des Anglais.

4.        En octobre 1941, un incident similaire oppose des bâtiments de la Kriegsmarine à l’USS Kearny. Roosevelt amplifie l’événement avec l’appui des médias. Beard rétorque en s’appuyant sur le rapport du Secrétaire de la Navy Knox, qui révèle que le navire américain a pris une part active aux combats opposants bâtiments anglais et allemands.

Une stratégie de  provocation

Beard conclut que la stratégie de Roosevelt cherche à provoquer dé­libérément un incident, un casus belli. Cette attitude montre que le Président ne respecte pas les institutions américaines et ne suit pas la voie hiérarchique normale, qui passe par le Congrès. La dé­mo­cratie américaine n’est plus qu’une façade : l’Etat US est devenu cé­sa­riste et ne respecte plus le Con­grès, organe légitime de la nation.

Il est intéressant de noter que la gauche américaine récupèrera Beard contre Johnson pendant la guerre du Vietnam. De Roosevelt à Johnson, la gauche américaine a en effet changé du tout au tout, modifié de fond en comble son argumentation ; elle était favorable à Roosevelt parce qu’il était l’im­pulseur du New Deal, avec toutes ses facettes sociales et dirigistes, et qu’il fut le leader de la grande guerre « anti-fasciste ». Elle cesse de soutenir l’option présidentialiste contre le démocrate Johnson, redevient favorable au Con­grès, parce qu’elle s’oppose à la guerre du Vietnam et à l’emprise des lob­bies militaro-industriels. En fait, la gauche américaine avouait dans les années 60 qu’elle avait été autoritaire, bouclier de l’autocratie rooseveltienne et anti-parlemen­taire (tout en reprochant aux fas­cistes de l’être !). Pire, la gauche avouait qu’elle avait été « fasciste » par « anti-fascisme » !

Dans une première phase donc, la gauche américaine avait été interventionniste. Dans une seconde, elle devient isolationniste. Cette contradiction s’est (très) partiellement exportée vers l’Europe. Cette mutation, typiquement américaine, fait la spécificité du paysage politique d’Outre-Atlantique.

Mettre le Japon au pied du mur…

Intéressantes à étudier sont également les positions de Beard sur la guerre américaine contre le Japon. Beard commence par constater que le Japon voulait une « sphère de co-prospérité est-asiatique », incluant la Chine et étendant l’in­fluence japonaise profondément dans le territoire de l’ex-Céleste Empire. Pour cette raison, croyant contrarier l’expansion nippone, Roo­sevelt organise l’embargo con­tre le Japon, visant ainsi son asphyxie. En pratiquant une telle politique, le Président américain a mis le Japon au pied du mur : ou périr lentement ou tenter le tout pour le tout. Le Japon, à Pearl Harbour, a choisi le deuxième terme de l’alternative. L’enjeu de la guerre américano-japonaise est donc le marché chinois, auquel les Etats-Unis ont toujours voulu avoir un accès direct. Les Etats-Unis veulent une politique de la « porte ouverte » dans toute l’Asie, comme ils avaient voulu une politique iden­tique en Allemagne sous Weimar. Dans la polémique qui l’op­pose à Roosevelt, Beard se range du côté de Hoover, dont la critique à du poids. Beard et Hoover pensent que l’action du Japon en Chine n’enfreint nullement la sou­veraineté nationale américaine, ni ne nuit aux intérêts des Etats-Unis. Ceux-ci n’ont pas à s’inquié­ter : ja­mais les Japonais ne par­viendront à japoniser la Chine.

Après la deuxième guerre mondia­le, Beard ne cessera de s’opposer aux manifestations de bellicisme de son pays. Il critique la politique de Truman. Il refuse la bipolarisation, telle qu’elle s’incruste dans les ma­chines propagandistes. Il critique l’intervention américaine et britanni­que en Grèce et en Turquie. Il critique la recherche d’incidents en Méditerranée. Il rejette l’esprit de « croisade », y compris quand il vise le monde communiste.

En conclusion, Beard est resté pen­dant toute sa vie politique un par­tisan de l’autarcie continentale amé­ricaine et un adversaire résolu du messianisme idéologique. Beard n’était ni anti-fasciste ni anti-com­muniste : il était un autarciste amé­ricain. L’anti-fascisme et l’anti-com­munisme sont des idées internationalistes, donc désincarnées et ir­réalistes.

Oswald Garrison VILLARD

Né en 1872, Oswald Garrison Vil­lard est un journaliste new-yorkais très célèbre, offrant sa prose pré­cise et claire à deux journaux, Post et Nation, propriétés de son père. L’arrière-plan idéologique de Villard est le pacifisme. Il se fait membre de la Ligue anti-impérialiste dès 1897. En 1898, il s’oppose à la guerre contre l’Espagne (où celle-ci perd Cuba et les Philippines). Il estime que la guerre est incom­patible avec l’idéal libéral de gau­che. En 1914, il est l’un des prin­cipaux avocats de la neutralité. De 1915 à 1918, il exprime sa déception à l’égard de Wilson. En 1919, il s’insurge contre les clauses du Trai­té de Versailles : la paix est in­ju­ste donc fragile, car elle sanction­ne le droit du plus fort, ne cesse-t-il de répéter dans ses colonnes. Il s’oppose à l’inter­ven­tion américaine contre la Russie so­viétique, au mo­ment où Wa­shing­ton débarque des troupes à Arkhan­gelsk. De 1919 à 1920, il se félicite de l’éviction de Wilson, de la non-adhésion des Etats-Unis à la SdN. Il apporte son soutien au néo-isolationnisme.

De 1920 à 1930, Villard modifie sa philosophie économique. Il évolue vers le dirigisme. En 1924, il soutient les initiatives du populiste La­Follette, qui voulait que soit inscrite dans la constitution américaine l’obligation de procéder à un réfé­ren­dum avant toute guerre voire avant toute opération militaire à l’étranger. Villard souhaite également la création d’un « Third Par­ty », sans l’étiquette socialiste, mais dont le but serait d’unir tous les progressistes.

En 1932, Franklin Delano Roosevelt arrive au pouvoir. Villard salue cette accession à la présidence, tout comme Beard. Et comme Beard, il rompra plus tard avec Roo­sevelt car il refusera sa politique extérieure. Pour Villard, la neutralité est un principe cardinal. Elle doit être une obligation (compulsory neutrality). Pendant la Guerre d’Espagne, la gauche (dont son journal Nation, où il devient une exception) soutient les Républicains espagnols (comme Vandervelde au POB). Lui, imperturbable, plaide pour une neutralité absolue (comme Spaak et De Man au POB). La gauche et Roosevelt veu­lent décréter un embargo contre les « agresseurs ». Villard, à l’instar de Beard, rejette cette position qui in­terdit toute neutralité absolue.

Plus de pouvoir au Congrès 

Les positions de Villard permettent d’étudier les divergences au sein de la gauche américaine. En effet, dans les années 30, le New Deal s’avère un échec. Pourquoi ? Parce que Roosevelt doit subir l’oppo­si­tion de la « Cour Suprême » (CS), qui est conservatrice. Villard, lui, veut donner plus de pouvoir au Congrès. Comment réagit Roosevelt ? Il augmente le nombre de juges dans la CS et y introduit ainsi ses créatures. La gauche applaudit, croyant ainsi pouvoir réaliser les promesses du New Deal. Villard refuse cet expédient car il conduit au césarisme. La gauche reproche à Villard de s’allier aux conservateurs de la CS, ce qui est faux puisque Villard avait suggéré d’aug­menter les prérogatives du Con­grès.

Dans cette polémique, la gauche se révèle « césariste » et hostile au Con­grès. Villard reste fidèle à une gauche démocratique et parlemen­taire, pacifiste et autarciste. Villard ne « trahit » pas. Ce clivage conduit à une rupture entre Villard et la ré­daction de Nation, désormais dirigée par Freda Kirchwey. En 1940, Villard quitte Nation après 46 ans et demi de bons et loyaux services, accusant Kirchwey de « pro­stituer » le journal. Cette « pro­stitution » con­siste à rejeter le principe autarcique et à adhérer à l’universalisme (messianique). Villard va alors con­tre-attaquer :

1.        Il va rappeler qu’il est un avo­cat du Congrès, donc qu’il est démocrate et non philo-fasci­ste.

2.        Il va également rappeler qu’il s’est opposé aux conservateurs de la CS.

3.        Il va affirmer que c’est l’ama­teurisme de Roosevelt qui a conduit le New Deal à l’échec.

4.        Il démontre qu’en soutenant Roosevelt, la gauche devient « fasciste » parce qu’elle con­tribue à museler le Congrès.

Ni le Japon ni l’Allemagne n’en veulent aux Etats-Unis, écrit-il, donc nul besoin de leur faire la guerre. L’objectif raisonnable à pour­suivre, répète-t-il, est de juxtaposer sur la planète trois blocs modernes autarciques et hermétiques : l’Asie sous la direction du Japon, l’Europe et l’Amérique. Il re­joint l’America-First-Committee qui affirme que si les Etats-Unis interviennent en Asie et en Europe, le chaos s’étendra sur la Terre et les problèmes non résolus s’ac­cu­mu­leront.

Villard n’épargnera pas la politique de Truman et la criblera de ses cri­ti­ques. Dans ses éditoriaux, Tru­man est décrit comme un « po­li­ti­cien de petite ville incompétent », monté en épingle par Roosevelt et sa « clique ». Villard critiquera le bom­bardement atomique de Hiro­shima et de Nagasaki. Il s’opposera au Tribunal de Nuremberg, aux Amé­ricains cherchant à favoriser la mainmise de la France sur la Sarre, à tous ceux qui veulent morceler l’Allemagne. Villard sera ensuite un adversaire de la Guerre Froide, s’in­surgera contre la partition de la Corée et contre la création de l’OTAN.

Robert A. TAFT 

Le père de Robert A. Taft fut pendant un moment de sa vie Président de la CS. Le milieu familial était celui des Républicains de vieil­le tradition. Robert A. Taft exerce ses premières activités po­litiques dans le sillage de Herbert Hoover et collabore à son « Food Programm ». En 1918, il est élu en Ohio. En 1938, il devient Sénateur de cet Etat. Dès cette année, il s’engage à fond dans le combat pour la « non-intervention ». Toute politique, selon lui, doit être défensive. Il fustige les positions « idéa­listes » (c’est-à-dire irréalistes), des messianistes démocrates. « Il faut défendre du concret et non des abstractions », tel est son leitmotiv. La guerre, dit-il, conduirait à museler le Congrès, à faire reculer les gouvernements locaux, à renforcer le gouvernement central. Même si l’Allemagne gagne, argumente-t-il, elle n’attaquera pas les Etats-Unis et la victoire éventuelle du Reich n’arrêterait pas les flux commerciaux. D’où, affirme Taft, il faut à tout prix renforcer le « Neutrality Act », empêcher les navires américains d’entrer dans les zones de combat, éviter les incidents et décréter un embargo général, mais qui permet toutefois le système de vente « cash-and-carry » (« payer et emporter »), à appliquer à tous les belligérants sans restriction. Taft est réaliste : il faut vendre tous les produits sans exception. Nye, Sénateur du North Dakota, et Whee­ler, Sénateur du Montana, veulent un embargo sur les munitions, les armes et le coton.

« Lend-Lease » et « cash-and-carry »

Taft ne sera pas candidat républicain aux élections présidentielles car l’Est vote contre lui ; il ne bénéficie que de l’appui de l’Ouest, hostile à la guerre en Europe. Il s’opposera à la pratique commerciale du « Lend-Lease », car cela implique d’envoyer des convois dans l’Atlantique et provoque immanquablement des incidents. En juillet 1941, la nécessité de protéger les convois aboutit à l’occu­pation de l’Islande. Taft formule une contre-proposition : au « Lend-Lea­se », il faut substituer le « cash-and-carry », ce qui n’empêche nul­le­ment de produire des avions pour la Grande-Bretagne. En juin 1941, la gauche adhère à une sorte de front international anti-fasciste, à l’instigation des communistes (vi­sibles et camouflés). Taft maintient sa volonté de neutralité et constate que la majorité est hostile à la guerre. Seule une minorité de financiers est favorable au conflit. Taft martèle alors son idée-force : le peuple travailleur de l’Ouest est manipulé par l’oligarchie financière de l’Est.

Dans le cadre du parti Républicain, Taft lutte également contre la fraction interventionniste. Son adversaire principal est Schlesinger qui prétend que les isolationnistes provoquent un schisme à l’intérieur du parti, qui risque de disparaître ou d’être exclu du pouvoir pendant longtemps. Dans cette lutte, que s’est-il passé ? Les interventionnistes républicains, rangés derrière Wendell Willkie, chercheront l’al­lian­ce avec la droite démocratique de Roosevelt, pour empêcher les Républicains de revenir au pouvoir. De 1932 à 1948, les Républicains seront marginalisés. Une telle con­figuration avait déjà marqué l’his­toire américaine : le schisme des Whigs en 1858 sur la question de l’esclavage (qui a débouché ensuite sur la Guerre de Sécession).

Pour Schlesinger, les capitalistes, les conservateurs et la CS sont hostiles à Roosevelt et au New Deal, qu’ils estiment être une forme de socialisme. Taft rétorque que les ploutocrates et les financiers se sont alliés aux révolutionnaires, hostiles à la CS, car celle-ci est un principe étatique éternel, servant la cause du peuple, celui de la majorité généralement silencieuse. Les ploutocrates sont favorables au bel­licisme de Roosevelt, parce qu’ils espèrent conquérir des marchés en Europe, en Asie et en Amé­rique la­tine. Telle est la raison de leur bell­i­cisme.

Tant Schlesinger que Taft rejettent la responsabilité sur les capitalistes ou les financiers (les « plouto­cra­tes » comme on disait à l’époque). La différence, c’est que Schlesinger dénonce comme capitalisme le ca­pital producteur enraciné (investis­se­ments), alors que Taft dénonce le capital financier et vagabond (non-investissement).

Contre l’idée de « Croisade » 

Quand les Japonais bombardent Pearl Harbour le 7 décembre 1941 et y détruisent les bâtiments de guerre qui s’y trouvent, la presse, unanime, se moque de Taft et de ses principes neutralistes. La stratégie japonaise a été de frapper le port hawaïen, où ne stationnaient que de vieux navires pour empêcher la flotte de porter secours aux Philippines, que les Japonais s’apprêtaient à envahir, avant de foncer vers les pétroles et le caoutchouc indonésiens. Taft rétorque qu’il aurait fallu négocier et accuse Roosevelt de négligence tant aux Iles Hawaï qu’aux Philippines. Il ne cesse de critiquer l’idée de croisade. Pourquoi les Etats-Unis se­raient-ils les seuls à pouvoir dé­clencher des croisades ? Pourquoi pas Staline ? Ou Hitler ? L’idée et la pratique de la « croisade » con­duit à la guerre perpétuelle, donc au chaos. Taft dénonce ensuite comme aberration l’alliance entre les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et l’URSS (chère à Walter Lipp­mann). A cette alliance, il faut sub­stituer des plans régionaux, regrou­per autour de puissances hé­gé­mo­niques les petits Etats trop faibles pour survivre harmonieusement dans un monde en pleine mutation d’échelle.

Taft s’opposera à Bretton Woods (1944), aux investissements massifs à l’étranger et à la création du FMI. Il manifestera son scepticisme à l’endroit de l’ONU (Dumbarton Oaks, 1944). Il y est favorable à condition que cette instance devienne une cour d’arbitrage, mais refuse tout renforcement de l’idéo­logie utopiste. Après la guerre Taft s’opposera à la Doctrine Truman, à la création de l’OTAN, au Plan Marshall et à la Guerre de Corée. En 1946, Churchill prononce sa phrase célèbre (« Nous avons tué le mauvais cochon », celui-ci étant Hitler, le « bon cochon » sous-entendu et à tuer étant Staline) et déplore qu’un « rideau de fer » soit tombé de Stettin à l’Adriatique, plongeant l’Ostmitteleuropa dans des « régimes policiers ». Taft, conservateur « vieux-républicain », admet les arguments anti-com­mu­nistes, mais cette hostilité légitime sur le plan des principes ne doit pas conduire à la guerre dans les faits.

Taft s’oppose à l’OTAN parce qu’elle est une structure interventionniste, contraire aux intérêts du peuple américain et aux principes d’arbitrage qui devraient être ceux de l’ONU. En outre, elle sera un gouffre d’argent. Vis-à-vis de l’URSS, il modifie quelque peu son jugement dès que Moscou se dote de la Bombe A. Il appuie toutefois Joe Kennedy (père de John, Robert/Bob et Ted) quand celui-ci réclame le retrait des troupes américaines hors de Corée, de Berlin et d’Europe. Taft est immédiatement accusé de « faire le jeu de Moscou », mais il reste anti-com­muniste. En réalité, il demeure fi­dè­le à ses positions de départ : il est un isolationniste américain, il con­sta­te que le Nouveau Monde est sé­paré de l’Ancien et que cette sé­paration est une donnée naturelle, dont il faut tenir compte.

John T. FLYNN 

John T. Flynn peut être décrit com­me un « New Dealer » déçu. Beard et Villard avaient également ex­pri­mé leurs déceptions face à l’échec de la restructuration par Roosevelt de l’économie nord-américaine. Flynn dénonce très tôt la démarche du Président consistant à se don­ner des « ennemis mythique » pour dévier l’attention des échecs du New Deal. Il critique la mutation des communistes américains, qui deviennent bellicistes à partir de 1941. Les communistes, dit-il, tra­hissent leurs idéaux et utilisent les Etats-Unis pour faire avancer la politique soviétique.

Flynn était proche malgré lui des milieux fascisants (et folkloriques) américains (Christian Front, German-American Bund, l’American Destiny Party de Joseph McWilliams, un antisémite). Mais le succès de Lindbergh et de son America-First-Committee l’intéresse. Après la guerre, il critiquera les positions de la Fabian Society (qu’il qualifie de « socialisme fascisant ») et plai­dera pour un gouvernement po­pulaire, ce qui l’amène dans le silla­ge de McCarthy. Dans cette opti­que, il fait souvent l’équation « com­­munisme = administration », arguant que l’organisation de l’ad­ministration aux Etats-Unis a été introduite par Roosevelt et para­chevée par Truman. Mais, malgré cette proximité avec l’anti-commu­nisme le plus radical, Flynn reste hostile à la guerre de Corée et à toute intervention en Indochine, con­tre les communistes locaux.

Lawrence DENNIS 

Né en 1893 à Atlanta en Géorgie, Lawrence Dennis étudie à la Philips Exeter Academy et à Harvard. Il sert son pays en France en 1918, où il accède au grade de lieutenant. Après la guerre, il entame une carrière de diplomate qui l’emmène en Roumanie, au Honduras, au Ni­caragua (où il observe la rébellion de Sandino) et au Pérou (au moment où émerge l’indigénisme pé­ru­vien). Entre 1930 et 1940, il joue un rôle intellectuel majeur. En 1932, paraît son livre Is Capitalism Doomed ? C’est un plaidoyer planiste, contre l’extension démesurée des crédits, contre l’exportation de capitaux, contre le non-investis­se­ment qui préfère louer l’argent que l’investir sur place et génère ainsi le chômage. Le programme de Dennis est de forger une fiscalité cohérente, de poursuivre une politique d'investissements créateurs d’em­ploi et de développer une autarcie américaine. En 1936, un autre ou­vra­ge suscite le débat : The Coming American Fascism. Ce livre con­state l’échec du New Deal, à cause d’une planification déficiente. Il constate également le succès des fascismes italien et allemand qui, dit Dennis, tirent les bonnes con­clusions des théories de Keynes. Le fascisme s’oppose au communisme car il n’est pas égalitaire et le non-égalitarisme favorise les bons techniciens et les bons gestionnaires (les « directeurs », dira Burnham).

Il y a une différence entre le « fas­cis­me » (planiste) tel que le définit Den­nis et le « fascisme » roose­vel­tien que dénoncent Beard, Villard, Flynn, etc. Ce césaris­me/fas­­cisme roo­seveltien se dé­ploie au nom de l’anti-fascisme et agresse les fascismes européens.

En 1940, un troisième ouvrage de Dennis fait la une : The Dynamics of War and Revolution. Dans cet ouvrage, Dennis prévoit la guerre, qui sera une « guerre réactionnaire ». Dennis reprend la distinction des Corradini, Sombart, Haushofer et Niekisch, entre « nations prolétariennes » et « nations capita­listes » (haves/havenots). La guer­re, écrit Dennis, est la réaction des nations capitalistes. Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, nations ca­pi­talistes, s’opposeront à l’Alle­magne, l’Italie et l’URSS, nations prolétariennes (le Pacte germano-soviétique est encore en vigueur et Dennis ignore encore qu’il sera dissous en juin 1941). Mais The Dynamics of War and Revolution constitue surtout une autopsie du monde capitaliste américain et occi­dental. La logique capitaliste, explique Dennis, est expansive, elle cherche à s’étendre et, si elle n’a pas ou plus la possibilité de s’é­ten­dre, elle s’étiole et meurt. D’où le capitalisme cherche constamment des marchés, mais cette recherche ne peut pas être éternelle, la Terre n’étant pas extensible à l’infini. Le capitalisme n’est possible que lors­qu’il y a expansion territoriale. De là, naît la logique de la « frontière ». Le territoire s’agrandit et la population augmente. Les courbes de profit peuvent s’accroître, vu la né­ces­sité d’investir pour occuper ou coloniser ces territoires, de les équiper, de leur donner une infrastructure, et la nécessité de nourrir une population en phase d’explo­sion démographique. Historiquement parlant, cette expansion a eu lieu entre 1600 et 1900 : les peuples blancs d’Europe et d’Amérique avaient une frontière, un but à at­teindre, des territoires à défricher et à organiser. En 1600, l’Europe in­vestit le Nouveau Mon­de ; de 1800 à 1900, les Etats-Unis ont leur Ouest ; l’Europe s’étend en Afrique.

L’ère capitaliste est terminée

Conclusion de Dennis : l’ère capitaliste est terminée. Il n’y aura plus de guerres faciles possibles, plus d’injection de conjoncture par des expéditions coloniales dotées de faibles moyens, peu coûteuses en matières d’investissements, mais rapportant énormément de dividendes. Cette impossibilité de nouvelles expansions territoriales explique la stagnation et la dépression. Dès lors, quatre possibilités s’offrent aux gouvernants :

1.        Accepter passivement la sta­gnation ;

2.        Opter pour le mode communis­te, c’est-à-dire pour la dicta­ture des intellectuels bourgeois qui n’ont plus pu accé­der au capitalisme ;

3.        Créer un régime directorial, corporatiste et collectiviste, sans supprimer l’initiative pri­vée et où la fonction de con­trôle politique-étatique con­siste à donner des directives efficaces ;

4.        Faire la guerre à grande é­chelle, à titre de palliatif.

Dennis est favorable à la troisième solution et craint la quatrième (pour laquelle opte Roosevelt). Dennis s’oppose à la seconde guerre mon­diale, tant dans le Pacifique que sur le théâtre européen. Plus tard, il s’opposera aux guerres de Corée et du Vietnam, injections de con­jonc­ture semblables, visant à dé­truire des matériels pour pouvoir en reconstruire ou pour amasser des dividendes, sur lesquels on spéculera et que l’on n’investira pas. Pour avoir pris de telles positions, Dennis sera injurié bassement par la presse du système de 1945 à 1955, mais il continue imperturbablement à affiner ses thèses. Il commence par réfuter l’idée de « péché » dans la pratique politique internationale : pour Dennis, il n’y a pas de « péché fasciste » ou de « péché communiste ». L’obsession américaine de pratiquer des politiques de « portes ouvertes » (open doors policy) est un euphémisme pour désigner le plus implacable des impérialismes. La guerre froide implique des risques énormes pour le monde en­tier. La guerre du Vietnam, son en­lisement et son échec, montrent l’inutilité de la quatrième solution. Par cette analyse, Dennis a un impact incontestable sur la pensée contestatrice de gauche et sur la gauche populiste, en dépit de son étiquette de « fasciste ».

En 1969, dans Operational Thinking for Survival, Dennis offre à ses lecteurs sa somme finale. Elle con­siste en une critique radicale de l’A­merican Way of Life.

Conclusion 

Nous avons évoqué cinq figures d’opposants américains à Roosevelt. Leurs arguments sont similaires, en dépit de leurs diverses provenances idéologiques et politiques. Nous aurions pu comparer leurs positions à celles de dissidents américains plus connus en Europe comme Lindbergh ou Ezra Pound, ou moins connus comme Hamilton Fish. Nous aurions pu également analyser les travaux de Hoggan, historien contemporain non conformiste, soulignant les res­ponsabilités britanniques et américaines dans le deuxième conflit mon­dial et exposant minutieux des positions de Robert LaFollette. En­fin, nous aurions pu analyser plus en profondeur l’a­venture politique de cet homme politique populiste des années 20, leader des « pro­gres­sistes ». Leur point commun à tous : la volonté de maintenir une ligne isolationniste, de ne pas inter­venir hors du Nouveau Monde, de maximiser le dé­veloppement du territoire des Etats-Unis. 80% de la population les a suivis. Les intellectuels étaient partagés.

L’aventure de ces hommes nous montre la puissance de la manipulation médiatique, capable de re­tour­ner  rapidement l’opinion de 80% de la population américaine et de les entraîner dans une guerre qui ne les concernait nullement. Elle démontre aussi l’impact des principes autarciques, devant con­duire à une juxtaposition dans la paix de grands espaces autonomi­sés et auto-suffisants. En Europe, ce type de débat est délibérément ignoré en dépit de son ampleur et de sa profondeur, l’aventure intellectuelle et politique de ces Américains non conformistes est désormais inconnue et reste inexplorée.

Une étude de cette problématique interdit toute approche manichéen­ne. On constate que dans la gauche américaine (comme dans une certaine droite, celle de Taft, p. ex.), l’hostilité à la guerre contre Hitler et le Japon implique, par une logique implacable et constante, l’hostilité ultérieure à la guerre con­tre Staline, l’URSS, la Corée du Nord ou le Vietnam d’Ho Chi Minh. Dans l’espace linguistique francophone, il semble que les non-con­formismes (de droite comme de gau­che) n’aient jamais tenu compte de l’opposition intérieure à Roosevelt, dont la logique est d’une clarté et d’une limpidité admirables. Navrante myopie politique…

Robert STEUCKERS.

(Conférence prononcée à Ixelles à la Tribune de l’EROE en 1986, sous le patronage de Jean E. van der Taelen ; texte non publié jusqu’ici).