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lundi, 24 décembre 2007

1979: les troupes soviétiques en Afghanistan

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24 décembre 1979 : Les troupes soviétiques entrent en Afghanistan

Le 27 avril 1978, le « Parti Démocratique Populaire d’Afghanistan » avait pris le pouvoir sous la direction de Muhammad Taraki. Le pays se rapproche de l’URSS afin de parfaire un programme de réformes sociale, surtout dans les domaines de l’éducation et de la réforme agraire. Notons, au passage, que l’Afghanistan avait bien dû se tourner vers l’URSS, les puissances anglo-saxonnes, qui soutenaient alors Khomeiny, voyaient d’un mauvais œil les tentatives iraniennes de venir en aide aux Afghans.

Ce nouveau régime, en observant la situation chaotique dans laquelle se débattait l’Iran, met immédiatement les agitateurs religieux au pas. La CIA décide tout de suite de soutenir une trentaine de groupes de moudjahhidins. La situation devient alors bien vite critique. Dans les troubles qui agitent l’Afghanistan, Taraki est assassiné. En septembre 1979, Hafizullah Amin prend le pouvoir, ce qui déclenche une guerre civile, amenant, le 24 décembre, les troupes soviétiques à intervenir, pour rétablir l’ordre. Amin est exécuté. Babrak Karmal accède alors au pouvoir et demande à Brejnev l’appui permanent de troupes soviétiques. Ce qui lui est accordé. L’Occident capitaliste (l’américanosphère) et l’Islam radical condamnent l’intervention et forgent une alliance qui durera jusqu’aux attentats du 11 septembre (qui n’y mettront fin qu’en apparence).

Le 21 mars 1980, les Afghans hostiles aux Soviétiques forment une « Alliance islamique pour la liberté de l’Afghanistan », qui comprends des fondamentalistes et des monarchistes. Cette alliance, dont le nom contient les vocables « islamistes », pour plaire aux bailleurs de fonds saoudiens, et « liberté », pour plaire aux Américains, comptait sept partis islamistes, dont quatre étaient jugés fondamentalistes et trois, plus ou moins modérés. Ces partis installent leur QG sur le territoire pakistanais voisin. Dans la longue guerre qui s’ensuivra, les services pakistanais, dont surtout l’ISI, recevront et distribueront l’argent et les armes venus des Etats-Unis, d’Arabie Saoudite et d’organisations « privées » arabo-musulmanes.

Zbigniew Brzezinski, artisan de cette stratégie, avouera, dans un entretien accordé au « Monde », que la version officielle d’une aide aux moudjahhidins à partir de 1980 est fausse. D’après le stratège, c’est le 3 juillet 1979 que la décision a été prise d’armer les moudjahhidins, pour attirer l’URSS dans un piège, afin de la déstabiliser par une opération coûteuse et de lui donner une mauvaise image médiatique, tant dans le monde arabo-musulman que dans l’américanosphère.

samedi, 22 décembre 2007

La pétro-diplomatie de Chavez

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Cristiano TINAZZI :

Chavez lance la « pétro-diplomatie »

La nouvelle stratégie du Venezuela : aider les pauvres des Etats-Unis

La nouvelle invention de Hugo Chavez est la « pétro-diplomatie ». Le Président vénézuelien, fort des profits importants que lui rapporte l’industrie pétrolière étatisée, espère aujourd’hui embarrasser le gouvernement de Bush. On peut lire dans les colonnes du « Washington Post », quotidien américain, quelle est en substance cette politique. Le Venezuela est un des principaux fournisseurs de pétrole des Etats-Unis et leur fournit environ 1,5 million de barils par jour. Certains sénateurs américains auraient écrit à neuf compagnies pétrolières pour leur demander de céder une partie des énormes profits qu’on leur prédit pour cet hiver au profit des strates les plus indigentes de la population des Etats-Unis. La seule compagnie à avoir répondu à cette missive des sénateurs a été la « CITGO Petroleum », une compagnie contrôlée par le gouvernement de Caracas. Le président de la CITGO a expliqué aux sénateurs que la compagnie « est en train d’étudier un plan de soutien aux programmes d’assistance américains dans le but d’alléger le fardeau de nos prochains qui ont besoin d’une meilleure qualité de vie ». Ainsi, la CITGO, lit-on dans un article du « Washington Post », pense annoncer des ristournes sur le gasoil de chauffage pour les résidents aux revenus les plus bas du Massachussetts. Ensuite, d’après des fonctionnaires vénézueliens, une offre similaire a été faite aux plus pauvres de New York.

Le Président vénézuelien Hugo Chavez lance donc une stratégie du pétrole économique pour les pauvres des Etats-Unis. Quelques députés démocrates ont applaudi à ce projet : « CITGO se comporte comme une bonne entreprise et fait une bonne et charitable donation à ceux du Bronx ». « J’applaudis à leur comportement » a ajouté le démocrate José Serrano. Les habitants du Bronx pourraient recevoir 8 millions de galons à prix réduit pour leur chauffage domestique. La CITGO a également envoyé des lettres en ce sens aux gouverneurs de Rhode Island, du Maine et d’autres Etats pour proposer des programmes semblables au bénéfice de leurs administrés. Chavez est également en train de former une société pétrolifère sud-américaine, la « Petrocaribe », dans laquelle participeront d’autres Etats du Sud du Nouveau Monde, dans le but d’abaisser le prix du brut, en-dessous des prix moyens du marché.

Cristiano TINAZZI.

(source : Rinascita, Rome, 24 nov. 2005).

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mardi, 18 décembre 2007

Panturquisme et pantouranisme

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Sur le panturquisme et le pantouranisme

Entretien avec le Prof. Dr. Dr. Heinrich Paul Koch (Université de Vienne, Autriche)

Le Prof. Heinrich Paul Koch, détenteur de deux doctorats, s’est surtout rendu célèbre en Autriche et dans l’espace linguistique germanique grâce à sa thèse sur « les légendes du déluge dans le monde ouralo-altaïque » (1997). Il est un spécialiste des études historiques, préhistoriques et proto-historiques, de philologie finno-ougrienne et d’ethnologie. Jusqu’en 1996, le Prof. Koch, né en 1931 à Pressburg (Bratislava), avait enseigné la chimie pharmaceutique à l’Université de Vienne et la biopharmacie à l’Université de Cincinnati en Ohio aux Etats-Unis. Outre des centaines d’articles et d’essais, le Prof. Koch est l’auteur de huit livres.

Le panturquisme, que l’on appelle parfois aussi le pantouranisme, vise l’unité de tous les peuples turcs, leur rassemblement au sein d’un seul Etat. Dès 1839, se constitue en Turquie une « Société Touranienne » qui se fixe comme objectif de fonder un « Empire du Touran ». En 1915, les Jeunes Turcs, qui dirigent le gouvernement de l’Empire ottoman, déclarent que leur objectif de guerre est l’unité de tous les peuples turcs. Aujourd’hui encore, la Turquie revendique pour elle-même le rôle de diriger l’ensemble des peuples turcs, qui comptent quelque 250 millions d’âmes, sur des territoires qui s’étendent jusqu’aux confins de la Chine et jusqu’aux coins les plus reculés de la Sibérie. Le Prof. Dr. Dr. Heinrich P. Koch s’est intéressé très vivement à l’histoire de l’idéologie touranienne et, plus particulièrement, aux adeptes hongrois de cette idéologie. Car on oublie qu’en Hongrie aussi, en 1918, s’est constituée une « Société Touranienne », qui se fixait pour objectif de réunir tous les « Touraniens ». L’entretien que nous donne le Prof. Koch vise à nous éclairer sur les tenants et aboutissants de cette idéologie.

L’idée touranienne

Q. : Prof. Koch, quels sont les fondements du touranisme ?

HPK : Par touranisme l’on entend, la plupart du temps, le mouvement panturquiste dont le but est de réunir tous les peuples turcs. Le touranisme, au sens le plus large, va beaucoup plus loin : à la base de cette idéologie, nous trouvons la théorie de l’ascendance commune des peuples finno-ougriens et turcs, qui serait un peuple matriciel unique d’Asie centrale, issu d’une région située entre l’Oural et l’Altaï. La désignation collective « touranide » servirait de référence à tous les peuples non-indo-européens et non-sémitiques de l’Ancien Monde. Sous la désignation de « touranides », on rassemble, par un élargissement audacieux, outre les Turcs de l’ancien empire ottoman et outre les peuples turcs d’Asie centrale (soit les Azerbaïdjanais, les Oghuzes, les Tchouvaches, les Turco-Tatars, les Toungouzes, les Ouïghours, les Ouzbeks, etc.), les Japonais, les Chinois, les Coréens et les Tibétains. Les langues de tous ces peuples sont désignées, encore aujourd’hui, sous le nom de « langues touraniennes », alors qu’en fait elles n’ont que très peu de traits communs ; ainsi, le hongrois et le turc, n’ont que peu de racines communes et n’on comme point commun que le fait d’être des langues agglutinantes. La linguistique moderne a réfuté depuis longtemps l’appartenance à une famille commune des langues ouralo-altaïques.

Le « pays des Turcs »

Q. : Malgré cela, le touranisme a fait un nombre croissant d’adeptes en Hongrie pendant la première guerre mondiale…

HPK : Effectivement. Ce mouvement visait à détacher la Hongrie de l’Europe et de la ramener dans l’orbite asiatique. Après l’ère prospère des Germains et des Slaves, viendrait, disaient les touranistes, l’heure des Touraniens – dont le territoire s’étendrait de la Hongrie au Japon, ou, selon leurs propres mots, « de Theben jusqu’à Tokyo ». Par Theben, ils entendaient la localité à l’embouchure de la rivière March.

Le touranisme doit son nom à une plaine, une dépression, nommée « Touran », comme contrepartie du haut plateau iranien, qu’elle jouxte au Nord-Est. En réalité, « Touran » est le terme persan pour désigner le Turkestan, ce qui signifie le « Pays des Turcs ». L’énorme région du « Touran » est aux quatre cinquièmes constitué de déserts, mais est très riche en pétrole et en gaz naturel. Aujourd’hui, ce pays de « Touran » est divisé entre trois Etats : le Turkménistan, le Kazakhstan et l’Ouzbékistan.

Q. : Quelle a été l’importance du touranisme en Hongrie ?

HPK : Le premier président de la « Société Touranienne » en Hongrie a été le Comte Pàl Teleki, qui disait de lui-même : « Je suis un Asiate et fier de l’être ». Le Comte Teleki a été deux fois ministre des affaires étrangères et, en 1920-21 puis entre 1939 jusqu’à son suicide en 1941, premier ministre de Hongrie. La production la plus connue de ce courant d’idées ont été les « Chants touraniens » d’Arpàd Zempléni. Il appelait les Allemands de Hongrie des « diables aryens » et avait travaillé dès 1910 à leur expulsion, qui aura lieu en 1945.

Dans les années 40, l’idée du touranisme était très répandue dans l’intelligentsia hongroise. Eugen Cholnoky, Président de la « Société touranienne » à partir de 1941, avait déjà été, pendant l’entre-deux-guerres, « Grand Vizir » de l’ « Alliance touranienne ». Cette dernière était un mouvement de rénovation particulièrement agressif à l’égard des Allemands, des Tziganes et des Juifs.

Honneur à Attila, roi des Huns

Q. : Comment l’idée touranienne a-t-elle pu se diffuser à une telle ampleur ?

HPK : Déjà au 13ième siècle, le chroniqueur médiéval hongrois Simon Kézai faisait des Huns asiatiques du 5ième siècle les ancêtres directs des Magyars. Aujourd’hui encore, Attila, le roi des Huns (mort en 453) est honoré en Hongrie.

A l’époque baroque, le Cardinal Péter Pàzmàny (mort en 1637) voyait dans la fraternité païenne entre Hongrois et Turcs la raison réelle de l’absence de résistance de ses contemporains face à l’ennemi extérieur ottoman.

L’historien chauvin Istvàn Horvàt a accentué à l’extrême cette notion de fraternité asiatique en tenant les Magyars pour apparentés aux Scythes, aux Assyriens, aux Pélasges, aux Parthes et aux Arabes de l’antiquité. Il répète et confirme l’ascendance hunnique des Hongrois, mais ne voulait rien entendre de la parenté réelle qui liait ces derniers aux Finnois. Le Comte Istvàn Széchenyi voulait, pour sa part, établir une parenté entre les anciens Magyars et les Sumériens, c’est-à-dire le premier peuple de culture qui a émergé en Mésopotamie.

Q. : La couronne royale hongroise recèle des composantes d’origine proche-orientale…

HPK : La couronne dite de « Saint Etienne » se compose de deux parties, celle que le Pape Sylvestre II a envoyé au roi Etienne, le futur Saint Etienne, et que l’on appelle aussi la « corona latina », et, ensuite, celle que le roi Géza I a reçue de l’Empereur byzantin Michel Ducas, soit la « corona graeca ». La réunion de ces deux parties est perçue par les Touraniens comme le symbole de la division Est-Ouest, qui divise aussi l’âme magyare. C’est cette division dont les Touraniens veulent se débarrasser. Ils voulaient se détacher de l’Occident et retourner à la grandeur touranienne afin de servir de fondement et de réveil à la conscience nationale hongroise. La nation magyare serait, dans cette optique, l’incarnation glorieuse de la « race des seigneurs » touranienne.

Q. : Qu’en disaient, mis à part les peuples réellement turcs, les autres « candidats » invités à communier dans l’idéal pantouranien ?

HPK : Les Finnois et les Estoniens refusaient clairement de se considérer comme des Asiatiques. Les Japonais, les Chinois ou les Coréens riaient d’être ainsi étiquetés « touraniens ».

Les pertes hongroises sous la domination turque

Q. : Avait-on dès lors oublié, en Hongrie, que les fonctionnaires et la soldatesque turcs avaient systématiquement pillé le pays au cours des deux cents années qu’y avaient duré les guerres contre les Ottomans ?

HPK : Oui. Et l’on avait oublié aussi que les Allemands, alliés à la Maison des Habsbourgs, avaient libéré la Hongrie du joug turc. On essaya même, dans la foulée, de leur mettre sur le dos l’annihilation de larges strates de la population hongroise pendant la période de domination turque. En 1941, on parlait par exemple des 200 années d’ « oppression autrichienne », période égale à celle de la domination ottomane. Pourtant les faits sont têtus : la population hongroise s’est réduite de 3,2 millions d’habitants à 1,1 million pendant l’occupation turque, tandis que sous l’ère des Habsbourgs, elle a crû de 1,1 million à 9,2 millions.

Les Allemands, les Slaves et les Juifs ne devaient avoir plus aucune place dans une Hongrie redevenue pleinement « touranienne ». C’est ainsi que Teleki, tandis qu’il exerçait les fonctions de premier ministre, fit passer en 1920 les premières lois antisémites de l’Europe contemporaine.

Après la défaite allemande à Stalingrad, la propagande touraniste reprit vigueur. Après l’effondrement du Reich, les « chasseurs touraniens » (« Turàni Vadàszok ») exigèrent l’  « évacuation définitive de tous les Souabes ». L’exigence d’une expulsion ou d’une élimination physique de tous les non Magyars dans l’ancien espace géographique hongrois avait déjà été exigée dès 1939. Les communistes magyars sous la direction de Matyàs Ràkosi refusèrent toutefois le racisme des surexcités touranistes. Le touranisme en Hongrie a donc été résolument germanophobe, mais aussi antisémite. On doit constater avec tristesse que ces idées aberrantes on joué un rôle essentiel dans l’expulsion des Allemands de souche, installés en Hongrie, après la seconde guerre mondiale.

(entretien paru dans DNZ, n°43, octobre 2005; trad. franç. : Robert Steuckers).

lundi, 17 décembre 2007

1928: le "Mémorandum Clark"

17 décembre 1928 : Le “Mémorandum Clark”

Frank B. Kellogg acceptant le Prix Nobel de la Paix. Oslo, 1930. (Source: Minnesota Historical Soc.)

Aux Etats-Unis, le Mémorandum Clark désavoue le fameux corollaire Roosevelt et la Doctrine de Monroe. Rappelons que le corollaire Roosevelt permettait aux Etats-Unis de mener des guerres, même à outrance (« Big Stick Policy »), contre toute puissance européenne qui se maintiendrait, ou interviendrait, dans le Nouveau Monde et contre toute puissance ibéro-américaine qui entendrait mener une politique nationale originale et indépendante. Le Mémorandum Clark est donc une pétition de principe réellement pacifiste dans un environnement international, où, après 1918, l’objectif est d’empêcher toute guerre d’agression à l’avenir, mais où les démarches des pacifistes apparents annoncent paradoxalement l’extension à l’infini des concepts juridiques de « guerre », d’« agression » et de « guerre d’agression », permettant de définir comme « agression » de simples demandes de modification du statu quo international décidé par les vainqueurs ou par les plus puissants du moment.

Dans ce contexte, Frank B. Kellogg, juriste et diplomate américain, et son collègue Shotwell, tentaient, à la fin des années vingt, surtout en l’année 1928, de formuler une nouvelle définition de la guerre d’agression : celle-ci ne devait plus seulement se définir comme le franchissement effectif d’une frontière par des armées régulières, mandatées par un gouvernement en place, mais comme la simple intention de modifier le statu quo international, même par des moyens non guerriers ! Cette interprétation du droit de la guerre et du droit des gens conduit évidemment à déclarer agresseur un Etat aux moyens militaires limités voire dérisoires, auquel on prêtera de « mauvaises » intentions, car ces « mauvaises » intentions seront déclarées « agressives », et constitueront donc un « acte d’agression », donc, par translation, un recours illicite à la guerre, laquelle est condamnée par la SdN. Cet Etat « mal intentionné » sera posé comme un « agresseur », au même titre qu’un autre Etat qui aura envahi de facto un pays voisin, et subira dès lors les foudres des instances internationales en général et des Etats-Unis en particulier.

C’est donc à la fin des années 20 du 20ième siècle que les méthodes, avec lesquelles on a démonisé la Serbie et l’Irak, sont nées. L’Etat contestataire de l’ordre mondial, ou de la volonté des Etats-Unis définie comme seule correcte, devient, même si ses critiques sont modestes ou partielles, ipso facto un Etat-voyou, « pirate » ou hors-la-loi (outlaw), contre lequel tous les coups seront permis et contre la population duquel les règles humanitaires ne seront pas de mise. On voit ce que cela a donné. Du corollaire Roosevelt, belliciste sans fard, au pacifisme apparent de Wilson puis aux idées de Shotwell et aux subtilités hypocrites des Doctrines Kellogg et Stimson (le successeur de Kellogg), puis, enfin, aux justifications aussi boiteuses que tonitruantes des Administrations Bush Senior, Clinton et Bush Junior et aux théories des néo-conservateurs, il y a continuité parfaite, il y a même réchauffement du même vieux plat de lentilles.

L’histoire de cette continuité malsaine devrait faire l’objet de la formation permanente de nos diplomates. Le juriste Carl Schmitt avait analysé les intentions américaines, dissimulées derrière un langage pacifiste médiatisable. Son œuvre est donc, en ce domaine aussi, incontournable (source : Günter Maschke, « Frank B. Kellogg siegt am Golf. Völkerrechtsgeschichtliche Rückblicke anlässlich der ersten Krieges des Pazifismus », in : Etappe, Nr. 7 u. 8, Bonn, 1992) (Robert Steuckers).

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mardi, 11 décembre 2007

1994: Première guerre de Tchétchénie

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11 décembre 1994: Déclenchement de la première guerre de Tchétchénie. Le 1 novembre 1991, la Tchétchénie, ancienne région autonome de l’URSS, se déclare indépendante unilatéralement, rompt tout lien fédératif avec la Russie. Le Président de la nouvelle entité est Djokhar Doudaïev.

Immédiatement après cette proclamation d’indépendance, un régime de terreur s’installe, contraignant de 200.000 à 300.000 personnes, surtout de nationalité russe ou ossète, à opter pour la voie de l’exil. Pour une région autonome qui comptait à peine un million à un million et demi d’habitants, c’est une saignée démographique impressionnante, donnant la pleine mesure de la terreur qui y fut pratiquée. Tous les principes de droit y furent abrogés, la criminalité organisée prit le contrôle du pays. Sous l’impulsion du Premier Secrétaire du Conseil de Sécurité de la Fédération de Russie, Oleg Lobov, Eltsine donne l’ordre d’intervenir militairement dans la région pour y rétablir l’ordre. 40.000 soldats russes, mal équipés et mal instruits, marchent sur Grosny, la capitale.

En avril 1995, après la destruction de Grosny par l’artillerie russe, les troupes d’Eltsine ne contrôlent que 80% du territoire de la Tchétchénie. C’est alors que la guerre prend le visage hideux qu’elle ne cessera plus d’exhiber. Le terrorisme tchétchène, plus que tout autre, entend ne rien respecter des conventions humanitaires traditionnelles : ainsi, en juin 1995, une bande emmenée par Chamil Bassaïev s’attaque, dans le sud de la Russie, à un hôpital, prenant un millier d’otages parmi les patients et le personnel médical et para-médical. L’horreur absolue ! La Russie d’Eltsine capitule, cède et met un terme à toutes les opérations militaires. Les hostilités cessent le 30 juillet 1995, après signature d’un accord. Seuls 6000 soldats russes demeurent en Tchétchénie.

Mais des francs-tireurs tchétchènes, plus extrémistes encore, poursuivent leur œuvre de mort : le 9 janvier 1996, un autre hôpital est attaqué et un village du Daghestan est occupé. Les troupes russes interviennent et détruisent le village, transformé en bastion par les terroristes. Finalement, après de nombreux soubresauts, le Général Lebed finit par obtenir un véritable cessez-le-feu, en août 1996. Les derniers soldats russes se retirent en janvier 1997. La paix ne durera pas deux ans. En 1999, quand la crise des Balkans atteint son paroxysme et que les aviations de l’OTAN s’apprêtent à bombarder les ponts du Danube à Belgrade, le terrorisme tchétchène fait diversion au Daghestan, fait sauter des immeubles de rapport à Moscou et place des bombes dans le métro. Les victimes civiles sont innombrables. Le scénario est campé pour que commence la deuxième guerre de Tchétchénie, où l’horreur sera plus indicible encore : les terroristes de Bassaïev, animé par l’idéologie haineuse du wahhabisme (prêché par nos imams de garage), s’attaqueront à un théâtre de Moscou et à l’école de Beslan en Ossétie, massacrant plus de 300 enfants innocents.

Ce sont de telles horreurs que le quotidien « Le Soir » de Bruxelles nous demande d’applaudir à longueur de colonne, au nom d’un humanisme, style ULB. On a envie de vomir. Et on vomit.

lundi, 10 décembre 2007

1991: Indépendance du Nagorny-Karabagh

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10 décembre 1991: L’enclave arménienne d’Azerbaïdjan, le Nagorny-Karabagh se déclare indépendante. Le Nagorny-Karabagh est le nom russe, plus courant, de ce qu’il convient désormais d’appeler en français le « Haut-Karabagh », terme linguistiquement mixte, « bagh » signifiant « jardin » en langue persane, et « kara », « noir » en turc. « Karabagh » signifie dès lors « Jardin noir ». C’est un territoire de 5000 km2, dont la capitale est Stepanakert. Les Arméniens, qui peuplent cette région montagneuse du Caucase méridionale, préfèrent lui donner désormais le nom d’ « Artsakh ».

L’histoire contemporaine de cette région commence au Traité de Versailles, de sinistre mémoire, où, contrairement aux peuples d’Europe centrale et orientale, les Arméniens, pour s’être révoltés contre les Turcs, obtiennent des avantages. Ils reçoivent un pays désenclavé, avec une large fenêtre sur la Mer Noire. Mais dès 1921, les troupes bien aguerries et bien commandées de Mustafa Kemal Atatürk battent les Arméniens, conquièrent l’Arménie occidentale et le pays de Van, coupent l’Arménie résiduaire de la mer en conquérant la côte pontique, ramenant tout cet ensemble territorial dans le giron turc. Les Arméniens sont contraints de demander la protection de la Russie, devenue bolchevique. C’est ainsi que s’est créée une « République socialiste soviétique d’Arménie », qui sera bien vite dissoute, pour être incluse dans une vaste entité, la « République socialiste soviétique de Transcaucasie », laquelle sera à son tour dissoute en 1936, année où une nouvelle fois, les Soviétiques créent une « République socialiste soviétique d’Arménie », distincte des autres entités sud-caucasiennes.

Cette république existera jusqu’au 21 septembre 1991, où, dans le sillage de la dissolution de l’URSS, elle se proclame indépendante. Dans toute cette effervescence, le Haut-Karabagh, bien que peuplé d’Arméniens, avait été inclus dans la « République socialiste soviétique d’Azerbaïdjan ». Dans l’optique des Soviétiques, à l’époque, il fallait amadouer les peuples turcs d’Asie centrale pour qu’ils rejoignent le grand projet révolutionnaire communiste. Staline, alors chef du « Bureau Caucasien » du Comité central du parti bolchevique, avait imposé cette cession du Haut Karabagh aux Azéris, qui en firent toutefois une région autonome dans leur république.

Dès la fin de la période de la perestroïka de Gorbatchev, les Arméniens du Haut Karabagh avaient proclamé la sécession d’avec l’Azerbaïdjan le 12 juin 1988. Les Azéris avaient réagi avec une violence extrême, déclenchant des pogroms sanglants, notamment à Soumgait et à Bakou, où des centaines d’Arméniens avaient été massacrés. Les Azéris suppriment également le statut d’autonomie que Staline avait octroyé aux Arméniens du Haut Karabagh. Dès 1991, l’Arménie et les montagnards du « Jardin noir » passent à l’offensive, vengent les victimes des atroces pogroms azéris et obtiennent la victoire, au prix de 17.000 soldats arméniens tués au combat. La Russie avait appuyé l’Arménie et, le 8 mai 1992, l’armée arménienne était entrée dans la ville de Choucha, scellant la défaite des Azéris, soutenus par la Turquie et les Etats-Unis.

Le 12 mai 1994, la Russie obtient qu’une trêve soit signée. Alors que les peuples européens perdent sur toute la ligne, reculent face à l’alliance islamo-yankee, la victoire arménienne est le seul succès enregistré au cours de ces deux dernières décennies. En effet, les troupes arméniennes ont conquis le territoire azéri situé entre l’enclave du Haut Karabagh et la frontière arménienne, poussant la frontière plus à l’Est, au détriment d’un peuple turc. La haine que vouent Turcs et Azéris à l’endroit des Arméniens, vient du fait que ce peuple européen, depuis les invasions seldjoukides, a toujours tenu tête au flux ininterrompu des nomades turcs venus du fin fond de l’Asie et occupent un territoire qui peut éventuellement servir de verrou à cette expansion.

La présence de l’Arménie dans le Caucase méridional empêche la continuité territoriale, dont rêvent les Turcs, et qui devrait s’étendre de l’Adriatique à la Muraille de Chine. La question arménienne, et, partant, celle du Haut Karabagh, amène des pays comme la Grèce et l’Iran à soutenir l’Arménie et à se rapprocher de la Russie, car ni Grecs ni Arméniens ni Russes ni Iraniens, unis par une solidarité indo-européenne, n’ont intérêt à ce que la continuité territoriale des pantouraniens soit un jour une réalité politique.

Notons que sur la pression des Etats-Unis et des lobbies pro-américains, l’UE condamne l’occupation de territoires azéris par les Arméniens et refuse de reconnaître la courageuse république d’Artsakh, sous prétexte qu’elle a fait sécession. Mais quand des souteneurs et des trafiquants de drogues albanais, financés par l’Arabie Saoudite, font sécession au Kosovo, l’UE applaudit, verse des subsides et des torrents de larmes. Au Kosovo, c’est une bonne sécession parce que les sécessionnistes sont financés par l’Arabie Saoudite. En Artsakh, c’est une mauvaise sécession parce que cela contrarie les pogromistes turcs. Deux poids, deux mesures.

samedi, 08 décembre 2007

R. Steuckers: Interview to "Free Eurasia"

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Interview of Robert Steuckers for the Georgian magazine "Free Eurasia"

Questions of Mr. Gia BUMGIASHVILI

1. What is your opinion about the creation of the Eurasian movement under
the leadership of A. Dugin?

I first met Dugin in a Parisian bookshop in 1990. We started a conversation
and, immediately, we stated that we had the same geopolitical vision, in
spite of the fact that the Cold War had separated Russians and West
Europeans for more than forty years. A very few group of people, on both
side of the Iron Curtain, remained silently true to the same
conservative-revolutionist and geopolitical ideas. We both were tremendously
satisfied to state that. So I am very happy to hear now that he is launching
a worldwide Eurasian movement. In Paris, Guillaume Faye is pleading since a
couple of years for a "Euro-Siberian" perspective and many other people here
in Belgium write me now to develop similar initiatives. In Germany too, the
hope of re-establishing the traditional German-Russian alliance (from
Tauroggen in 1813 till the tragic abdication of Bismarck) is present. In
Italy and Spain, many people struggle also for similar Eurasian
perspectives. To put the idea in practical terms and to embed it in an
actual historical perspective, I would say that the Eurasian idea should be
the answer to the current American strategy, which was elaborated by
Zbigniew Brzezinski in his book The Grand Chessboard; at the same time, this
mobilising idea should be the revival of the Holy Alliance led by Prince
Eugene of Savoy at the end of the 17th century. Brzezinski wants to reduce
the space of the Orthodox-Russian civilisation sphere to the lands it
occupies before Catherine II, by supporting the Turkish and Muslim claims.
Against such a strategy, we should remember the actions and victories of
Prince Eugene, who compelled the Ottomans to retrocede 400.000 km2 of lands
to Austria and Russia. Prince Eugene gave so the first kick that allowed
some decades later Potemkine and Catherine II to push their armies to Crimea
and to deliver the all Black Sea Coast from Ottoman yoke.

2. What do you think about Georgia and Caucasus?

As all Western people, I must confess that our knowledge about your country
is very reduced. This is a result of forty years of Cold War. The only
testimonies of people having really been in the Caucasus area are the ones
of German soldiers or of people having served in the German army. I remember
an old man, who is still alive, and who told me that he had been impressed
by a refined way of life in the difficult conditions of war. In the
neo-conservative circles in Western Europe, the main sources of reference
about the Caucasus are the books and articles of the French philologist
Georges Dum_zil, who specialised in the ancient Ossetes, and the poems of
the Armenian poet Daniel Varoujan, who wrote verses about the gods of the
Ancient Caucasus. Daniel Varoujan was killed by the Turks in 1916, when the
Ottoman authorities decided to get rid of all the Orthodox populations
accused of supporting the Russians. About the Black Sea area, our main
sources are Romanian. As the Romanians generally speaks French very well,
they were the only intellectuals in the West that could give us here
intelligent information about the Black Sea area. We really look forward to
receiving from you more information about Georgian and Caucasian history, in
the frame of our activities in Eurasian work groups. More generally, I would
say that Europe needs a link to the so-called Pontic area. A Europe that is
cut from your area is not complete, it lacks the contact with decisive
elements of its culture, as the Romanian historian of religions, Mircea
Eliade, taught us. The German historian of religions Markus Osterrieder
speaks of the "Pontic mysteries", heritated by the Scythians, the
Sarmatians, the Alans and the Ancient Iranians, that were cultivated in all
Caucasian countries before the islamisation and that were also preserved in

monasteries and cave dwellings in Crimea. The French Paul Du Breuil
remembers us that the ideals of the medieval Chivalry derives form the ethic
codes of the Sarmatians, who served in the Roman army, and who were also
deeply influenced by the cult of Mithra. Europa has always been nostalgic of
these "Pontic Mysteries" and created in the 15th century the Chivalry "Order
of the Golden Fleece", in order to come back spiritually to the Pontic area,
womb of the highest ideals. The Western materialistic spirit wouldn't have
wounded the European soul so deeply, would the ideal of the "Golden Fleece"
have been realised.

3. What political orientation of Europe are you for?

We want a free Europe, independent on all level, inclusive the food, energy
and finance levels. To reach this ideal in Europe, we have to reduce our
dependencies from American food consortiums, from Saudi Arabian oil and oil
routes and from Wall Street. Only the Eurasian perspective, and subsequently
the "Golden Fleece" ideal in its material contemporary aspects, can help us
all to get rid of those dependencies. The Euro-Siberian ideal should be
centred around the Black Sea, as well as the Caspian and Aral Sea, with
links to the West by the river system, as the geopolitician Artur Dix saw it
at the time of the Rathenau-Chicherin alliance of Rapallo in 1922. As you
know, America is controlling Europe militarily by holding the Mediterranean
through the presence of the 6th Fleet and its alliance with Turkey and
Israel. But Chancellor Kohl of Germany realised actually a dream of
Charlemagne, first Frankish Emperor of the West. Charlemagne, stating that
the Mediterranean was in the hands of the Saracens, thought that it would be
opportune to dig a Canal between the Main, a river which is tributary of the
Rhine, and the Danube, in order to reach the Black Sea. So Europe would have
had a fluvial highway from the North Sea to the Black Sea, without being
disturbed by the Saracens. Kohl realised this project after more than
thousand years. Immediately after the digging of the Canal, war started on
another spot of Danube river, i. e. in Yugoslavia. First, the terrible
battle of Vukovar between Croats and Serbs blocked the river for a while;
secondly, the disastrous war of the NATO against Serbia destroyed the
bridges in Belgrade, cutting the circulation on the main European river.
More, from Belgrade, Europe could easily reach by road and railway the
Aegean Sea, i. e. the Eastern basin of the Mediterranean, an area that the
British and the American always wanted to keep far from European or Russian
hands.

So our freedom as political entities or as a civilisation area depends
largely from a freedom to use our own highways. The same is valid of course
for the pipelines of Northern and Southern Caucasus. If they are linked to
the Rhine-Danube system instead of to the Turkish-American project of
letting the oil transiting through Turkey in the direction of Ceyhan on the
Eastern Mediterranean coast, we all would be masters of our energy.

We wish also a Europe that would be lead by politicians having a clear
historical and geopolitical consciousness. And who would have
"responsibility ethics", as Max Weber said.

4. How do you imagine the best anti-American movement in the world?

A good movement should be borne by people in every country, who would first
cope with the problems in practical and geopolitical terms. A movement is
always a potential government elite and in our eyes there is no better
governance than a governance guided by a good historical memory. The
divisions within the Eurasian peoples' family are due to a horrible lack of
historical perspective. The task of an elite is to give back to all of us an
historical perspective, able to seize the real dynamics of history. Guy
Debord, the French clever leftist of the Sixties, said that manipulation was
possible because the historical memory had been wiped out. This is very
true. CNN can tell its lies throughout the world because the brains of the
petty politicians of the usual parties are totally empty. Our task is to
revive the historical memory of our people, in a unifying Eurasian sense.

5. May we translate your articles and publish them in our journal?

This question makes me really happy, simply because I tell the people since
decades that our freedom will come when we know each other better. The best
way to know each other is to translate texts. So you understand clearly
what's to be done. Of course, Georgian fellows, you not only may translate
our texts, but you ought to! For the sake of our common struggle! We will
try, with your help, to give as much information about your activities as we
can. Many young people helping me to edit my magazines will be happy to see
their texts translated. Thank you! And good luck!

vendredi, 07 décembre 2007

Hommage à Noam Chomsky

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Robert STEUCKERS:

Hommage à Noam Chomsky

07 décembre 1928: Naissance d’Avram Noam Chomsky à Philadelphie en Pennsylvanie. Professeur de linguistique au « Massachusetts Institute of Technology », il est le créateur de la « grammaire générative ». Elevé dans une famille juive parlant yiddish et originaire d’Ukraine et de Biélorussie, sa vocation lui est venue directement de son père, spécialiste de l’hébreu. Il développe des méthodes de grammaire et d’analyse formelle des langues et acquiert ainsi une notoriété internationale.

Deux faisceaux de faits politiques et métapolitiques vont induire Chomsky à devenir essentiellement, jusqu’à nos jours, un penseur politique critique et un pourfendeur des simplismes médiatiques. D’abord la guerre du Vietnam, dont il conteste les objectifs officiellement annoncés, comme la plupart des intellectuels américains des années soixante. Ensuite, il s’insurge contre les manies des post-structuralistes américains de critiquer toute science établie sous prétexte qu’elle est une « science masculine blanche » et, partant, dépourvue de pertinence pour, par exemple, une femme noire ou juive ou arabo-musulmane, puis, quand les marottes post-structuralistes s’amplifieront, le simple diagnostic d’une thrombose graisseuse n’aurait pas de valeur, ou pas la même valeur, pour un homosexuel jaune ou améridien, dravidien ou alakalouf, pour un handicapé borgne bisexuel, androgyne, daltonien et monotesticulé, etc. que pour un bon quidam hétérosexuel, europoïde, à peau rose et sans histoire, la folie relativiste ne connaissant plus de bornes.

Chomsky a critiqué immédiatement cette manie, dès qu’elle a pointé le nez, la qualifiant de « très semblable aux attaques antisémites des nazis pour dénigrer les travaux scientifiques de chercheurs juifs ». Il poursuit : « Quand je lis un article scientifique, je suis incapable de dire si son auteur est blanc ou noir ou encore s’il est masculin ». Dans un deuxième temps, Chomsky, dans deux ouvrages importants, « Les illusions nécessaires » et « La fabrique de l’opinion publique », dénonce le travail totalitaire des médias qui « enferment les sociétés démocratiques (occidentales) dans un carcan idéologique ». Chomsky démythifie ainsi la pseudo-neutralité des médias et plaide, à très juste titre, pour une émancipation intellectuelle planétaire, donc appelle tous les hommes lucides à un long combat bien nécessaire.

La cible de ses critiques, bien étayées, est la politique extérieure des Etats-Unis depuis l’aventure du Vietnam. Ces critiques, toutefois, malgré leur incontestable épaisseur, conservent en fin de compte la fragilité des édifices conceptuels de la gauche : angélisme, rousseauisme, pacifisme. En disant cela, nous ne cherchons nullement à promouvoir une idéologie inverse qui serait démoniste, radicalement anti-rousseauiste (car ce serait une incongruité) et belliciste pathologique. Non : les critiques de Chomsky doivent être replacées dans une logique schmittienne, dans la mesure où Carl Schmitt, en se référant au pessimisme anthropologique de Saint Augustin, aux critiques contre-révolutionnaires des Maistre, Bonald et Donoso Cortès, constatait que cet angélisme ruinait les assises du politique, puis, en démontrant que le pacifisme dissimulait, derrière un masque « bon », une propension à déclencher des guerres atroces et outrancières, celles justement que dénonce Chomsky quand il fustige le bellicisme américain.

L’œuvre anti-guerre de Chomsky, considérable dans son ampleur, recèle forcément une quantité impressionnante d’arguments factuels intéressants, exploitables par nos cénacles anti-système, mais qu’il convient de re-situer et de dés-universaliser, de remettre clairement en perspective, c’est-à-dire dans une perspective impériale européenne, laquelle n’est pas belliciste par définition mais génératrice d’un ordre concret, situé, non messianique, non interventionniste, ne cherchant nullement à imposer un modèle universel à la planète entière, se rapprochant en ce sens du mode pluraliste chinois de co-existence pacifique des nations et des systèmes (que la Chine pratique dans sa politique étrangère sauf au Tibet !).

Ce que nous devons retenir prioritairement de Chomsky, c’est bien entendu la critique de la production idéologique médiatique ; nous devons extraire de son œuvre les instruments capables de combattre notre presse vendue, génératrice de niaiseries destructrices, notamment celles que véhicule le « Soir » de Bruxelles, exemple paradigmatique de manipulation abrutissante et de déni de liberté d’expression. La bataille métapolitique des identitaires de demain reposera, pour une bonne part, sur une exploitation intelligente et offensive des concepts chomskyens en matière de « médiologie » (Robert Steuckers).

jeudi, 06 décembre 2007

Le "corollaire Roosevelt" à la Doctrine de Monroe

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06 décembre 1904: Theodor Roosevelt, le belliciste américain, ajoute le fameux « corollaire Roosevelt » à la Doctrine de Monroe, proclamée en 1823. Il s’agit d’une interprétation expansionniste de cette Doctrine. Elle complète la précédente batterie de principes agressifs et bellicistes qu’avait énoncé trois ans auparavant « Teddy » Roosevelt, sous le nom de « Doctrine du Big Stick » ou « Doctrine du gros bâton ».

Cette doctrine réfute le principe même de neutralité, qui existe en droit international. Les Etats-Unis déclaraient, par la bouche de leur futur président, ne pas accepter qu’une puissance, quelle qu’elle soit, puisse s’opposer frontalement à leurs intérêts ni même puisse se déclarer tout simplement neutre et se désintéresser, sine ira nec metu, du point de vue américain, puisse ne pas applaudir à chaque geste agressif de Washington contre une autre nation de la planète. Roosevelt justifiait ainsi l’agression commise en 1898 contre l’Espagne, à Cuba et aux Philippines, et anticipait ses projets d’expansion dans la zone du Canal à Panama. Roosevelt ne cachait pas ses visées pan-américanistes sur l’Amérique latine, ce qui a immédiatement soulevé une vague d’indignation en Europe, évidemment non suivie d’effet.

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mercredi, 05 décembre 2007

Indien zwischen Russland und dem Westen

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Indien sucht Platz zwischen Russland und dem Westen

Dmitri KOSSYREW

Wer die harte Verhandlungshaltung der Inder bei Verträgen kennt, war sicherlich überrascht, was sich kurz vor der Ankunft von Indiens Premier Manmohan Singh in Moskau zutrug. Das angeblich fertige Abkommen über Russlands Beteiligung am Bau neuer Kernkraftwerke in Indien wurde zeitweilig von der Tagesordnung gestrichen.

Dabei galt gerade dieses milliardenschwere Abkommen als das Hauptereignis des Besuches des indischen Premiers. Damit sind die Aussagen jener verständlich, die von einer Krise in den russisch-indischen Beziehungen sprechen. Dazu müsste allerdings diese Krise nicht als “Verrat” oder “Abkühlung” seitens Indiens angesehen werden, sondern vielmehr als Ergebnis der sich wandelnden Lage sowohl Indiens als auch Russlands in der Welt.

In Wirklichkeit spiegeln die panischen Einschätzungen nicht so sehr Probleme zwischen Moskau und Delhi (die gibt es tatsächlich) wider, als vielmehr eine rechtzeitige und lang ersehnte Denkkrise bei jenen, die die Welt bis jetzt in der russisch-amerikanischen (oder russisch-westlichen) Konfrontation verstehen. Auch empfinden sie automatisch Indien wie auch China oder zahlreiche andere wichtige Staaten als potentielle Verbündete beim Tauziehen um den “feindlichen Westen”. Entweder sind sie “mit uns” oder “mit denen da”. Oder schließlich jenen, die Abkommen über unsere Pipelines und Atomkraftwerke unterzeichnen - oder aber dem feindlichen Druck nachgeben und die Unterzeichnung ablehnen.

Zwischen Moskau und Neu Delhi wie auch in der Welt als Ganzes geschieht jedoch nichts dergleichen.

Sehen wir uns genauer an, was Wladimir Putin und Manmohan Singh doch vereinbart haben. Wie sich zeigt entwickelt sich ihr ursprünglicher Plan erfolgreich: mehrere wichtige High-Tech-Projekte zu finden anstatt der faktischen Tauschgeschäfte (”Tee im Austausch gegen Rüstungen beziehungsweise gegen irakisches Erdöl”), die Anfang der 90er Jahre den Kollaps erlebten. In Moskau kam ein Abkommen über die Entwicklung eines Mehrzweck-Transportflugzeugs sowie die gemeinsame Monderforschung zustande. Möglich ist insbesondere der Start einer indischen Rakete vom indischen Weltraumbahnhof, die ein russisches Mondmobil ins All befördern soll. Des Weiteren werden beide Länder Forschungsgeräte entwickeln, die den Mond nach Bodenschätzen absuchen könnten. Im kommenden Jahr soll das Projekt “Testgelände Mond” präzisiert und bestätigt werden. Es ist wahrscheinlich, dass dann wieder wie bisher geringt und gefeilscht wird.

All das fügt sich in die bereits offenkundige Tendenz ein: Zwischen Russland und Indien läuft all jenes glatt, was gemeinsame Ausarbeitungen von künftigen Technologien und Projekte über die Umstrukturierung aller möglichen Produktionen in Indien betrifft. Was schief geht, ist der gewöhnliche Handel, da die Unternehmenswelt beider Länder noch immer für den europäischen oder amerikanischen Markt schwärmen. Sehr schlecht steht es um den empfindlichsten Bereich: die Energiewirtschaft. Die Inder wollen schon seit langem mehr als das Sachalin-1-Projekt und wollen Mitinhaber von russischen Öl- und Gasgesellschaften werden. Außerdem beabsichtigen sie für Indien, das einen Wirtschaftszuwachs von acht bis neun Prozent im Jahr aufweist, dabei jedoch überhaupt keine Öl- und Gasvorräte hat, stabile Lieferungen von Energieträgern zu sichern. Daran wird gearbeitet, allerdings langsam.

Langsam unter anderem deshalb, weil in Russland die Meinung weit verbreitet ist: Hier ist sowieso nichts zu erwarten, statt dessen verkaufen wir Indien lieber Atomkraftwerke.

Da rückt jedoch ein anderes Thema in den Vordergrund, das für Indien beispiellos akut ist. Es läuft keineswegs auf nur das eine berühmte indisch-amerikanische “Atomabkommen” (”Abkommen 123″) hinaus, das im Juli dieses Jahres geschlossen wurde und zur Zeit in der Washingtoner politischen Küche hochgekocht wird. Gewiss ist es für Indien von nicht geringer Bedeutung, in Bezug auf den Atomwaffensperrvertrag Sonderbedingungen für sich durchzusetzen. Um dieser Aufgabe willen kann schon die Unterzeichnung eines fertigen und von niemandem im Ernst bestrittenen Dokumentes mit Russland aufgeschoben werden. Doch am wichtigsten ist hier die gesamte erhitzte Atmosphäre, die in Indien um alles herrscht, was mit dem “Abkommen 123″ zusammenhängt. Seinetwegen scheitern dort politische Karrieren, werden gegen den Premier und seinen engen Beraterkreis radikale Vorwürfe erhoben, sie würden das große und rasant an Gewicht gewinnende Land zu einem zweitrangigen US-Verbündeten degradieren. Zumal die amerikanischen Opponenten von Bush wollen in der Tat besagtem Abkommen, das nur den nuklearen Bereich betrifft, alles Denkbare anhängen, darunter Neu Delhis “richtige” Iran- oder China-Politik.

Diese panischen Stimmungen sind auch in den politischen Kreisen in Russland zu bemerken, den Kreisen jener, die die Welt noch immer als Gegenüberstellung von “Ost” und “West” sehen. Daher das alte und beharrliche Gerede, Russland verliere Indien.

Aber Indiens strategisches Ziel besteht keineswegs darin, ein jüngerer Verbündeter der USA zu werden. Selbst trotz des Umstands, dass die heutige indische gebildete Elite mit den USA oder mit Europa durch dieselben Fäden verbunden ist, die es in den 70er Jahren mit der UdSSR verband, streben die Inder doch etwas anderes an: Sie wollen Indien zu einem Machtstaat werden lassen, das in Augenhöhe mit den USA oder China steht. Gerade dazu wurde der günstige Moment einer Abschwächung der amerikanischen und europäischen Macht und ihres Einflusses angesichts der nunmehr offensichtlichen Tatsache genutzt, dass Indien und China die Rolle als Wirtschaftsmacht real beanspruchen können. Es handelt sich nicht um die Atomkraftwerke, es geht darum, dass es jetzt für die Anwärter auf die Weltführung keinen Sinn hat, Amerika die eigenen Muskeln zu demonstrieren. Wichtiger ist, mit den Amerikanern eine neue, den heutigen Gegebenheiten angepasste gemeinsame Sprache zu finden. Was Neu Delhi denn auch tut - auf indische Art genial und auf indische Art auch laut und nervös.

Bleibt nur hinzuzufügen, dass Chinas, ja auch Russlands globale Politik im Grund nicht anders beschaffen ist. Deshalb bringt Moskau den Verzögerungen bei der Realisierung von Großprojekten Verständnis entgegen, wenn solche Verzögerungen für seine nächsten Partner in der Welt notwendig sind.

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samedi, 24 novembre 2007

Expulsions dans les pays arabes?

Les pays arabes envisagent l’expulsion de millions d’étrangers. Motif ? Érosion inacceptable de la culture locale !

Les pays arabes envisagent l’expulsion de millions d’étrangers. Motif ? Érosion inacceptable de la culture locale !

Source : article d’Annie Lessard (Point de bascule).

Les Québécois ne sont pas les seuls à s’interroger sur l’impact social et culturel de l’immigration et sur la capacité d’intégration d’immigrants dont la culture est aux antipodes de la culture locale.

Les pays arabo-musulmans, qui ont une importante population de travailleurs migrants venus principalement d’Asie, se posent les mêmes questions. Mais alors que les Québécois, qui ont entamé un débat démocratique et serein sur la question, se font accuser de fascisme, de xénophobie, de racisme et d’islamophobie — en particulier par les musulmans — les pays du Golfe, eux, envisagent l’expulsion massive de millions d’étrangers ! Au lieu de diaboliser les Québécois, les musulmans d’ici feraient bien d’apprécier un peuple dont la culture rendrait impensable le recours à des mesures aussi draconiennes.

Menace identitaire dans les pays du Golfe

Dans une chronique récente , Tarik Al Maeena de Arab News traite de l’inquiétude des pays arabes face à la menace identitaire que fait peser sur eux la présence d’un trop grand nombre de travailleurs étrangers sur leur territoire. Selon le ministre du travail du Bahreïn, « Dans certaines régions du Golfe, vous ne savez plus si vous êtes dans un pays arabo-musulman ou dans une région asiatique. On ne peut pas parler ici de « diversité ». Aucune nation sur la planète ne peut accepter une érosion de sa culture sur son propre territoire. »

Selon le chroniqueur Al Meena, le ministre du travail du Bahreïn a annoncé que son pays proposerait l’introduction d’un plafond de 6 mois aux permis de travail délivrés aux étrangers travaillant dans les monarchies du Golfe. Cette proposition sera présentée au sommet du Conseil de coopération du Golfe (le « CCG », comprenant le Bahreïn, les Émirats arabes unis, l’Arabie saoudite, Oman, le Qatar et le Koweït) qui se tiendra à Doha en décembre. Le ministre du travail s’est dit confiant qu’elle sera acceptée.

Le Bahreïn soumet cette proposition dans le contexte d’une grande préoccupation face à l’érosion graduelle des mœurs sociales et de la culture locales. Selon le ministre du travail du royaume, « la majorité des travailleurs étrangers proviennent de milieux culturels et sociaux qui ne peuvent pas s’assimiler ou s’adapter aux cultures locales ».

Le Bahreïn estime aussi que les travailleurs migrants s’accaparent les emplois dont la main-d’œuvre locale aurait grandement besoin. Avec plus de 14 millions de travailleurs migrants dans la région, le ministre du travail des Émirats arabes unis, Ali Bin Abdullah Al Ka’aBi, a indiqué que cette question figure en tête de liste de l’ordre du jour du sommet du CCG. Les Émirats, dit-il, partagent les préoccupations du Bahreïn.

Selon Arab News, ce projet pourrait se traduire par l’expulsion de millions de personnes. Malgré que l’économie des riches monarchies du Golfe soit largement tributaire des travailleurs migrants, qu’il s’agisse de travailleurs manuels ou de cadres supérieurs, il y a une préoccupation grandissante face au chômage des citoyens des pays du CCG. Une étude de l’Université Sharjah publiée l’année dernière révèle que 32,6% des hommes et 47,7% des femmes des pays du Golfe sont en recherche d’emploi.

Selon les statistiques de l’AFP, environ 35 millions de personnes résident dans les 6 monarchies du Golfe et 40% d’entre elles sont des étrangers. Le chroniqueur de Arab News commente que « vu l’ampleur du chômage et compte tenu de l’explosion démographique dans la région, les pays du Golfe peuvent être excusés de mettre en place des mesures drastiques visant les migrants ».

Outre l’expulsion des étrangers, d’autres mesures sont envisagées. On réduirait les prestations sociales aux chômeurs qui refuseront les mesures d’aide au retour à l’emploi, de manière à les motiver à travailler plus fort et plus longtemps. On réviserait aussi les programmes d’enseignement en vue de donner aux travailleurs locaux la formation leur permettant d’occuper les emplois laissés vacants par les migrants. Le chroniqueur Al Meena conclut ainsi : « La proposition du Bahreïn, si elle devait être acceptée, enverrait aux 14 millions de migrants qui vivent présentement dans les pays du CCG un message clair qu’il est maintenant temps pour eux d’envisager d’autres options. Pour certains d’entre eux, ce scénario sera douloureux puisqu’ils ont amené leur famille dans un pays du Golfe et qu’ils en ont fait leur foyer d’adoption ».

Par Annie Lessard

Source : Expatriates’ Impact on Gulf’s Labor, Social Situation par Tarik Al Maeena, 27 octobre 2007


 

Article printed from :: Novopress.info Suisse: http://ch.novopress.info

URL to article: http://ch.novopress.info/?p=1676

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Sur Georges Tchitchérine

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Sur Georges Tchitchérine

24 novembre 1872: Naissance à Kalouga, dans une région située au sud de Moscou, du diplomate russe, puis soviétique, Georges Tchitcherine. Il entre dans la carrière diplomatique en 1897, au service du Tsar. Il adhère en 1904 à la social-démocratie russe, ce qui lui vaut une révocation et le contraint à l’exil. Il revient en Russie en 1917 et, après la victoire des bolcheviques, il devient « commissaire du peuple » aux affaires étrangères.

Germanophile comme bon nombre de sociaux-démocrates russes, il prend langue avec un diplomate allemand russophile, le Comte von Brockdorff-Rantzau, pour parfaire l’architecture du Traité de Rapallo en 1922, où, sous la double impulsion de Tchitcherine et de Rathenau, Soviétiques et Allemands mettent leurs forces en commun pour résister aux pressions occidentales.

C’est dans ce contexte que naît la fameuse orientation idéologique que l’on nommera le « national bolchevisme ». Au départ de Rapallo, la Reichswehr, diminuée en effectifs par les clauses du Traité de Versailles, s’entraînera en Union Soviétique, dans les bases de l’armée rouge, avec son matériel. A la fin des années 20, Tchitcherine, miné par la maladie, se retire de toute activité et meurt en 1936. Remarquons, à la lumière de cette très brève biographie, que Tchitcherine est un diplomate de l’ancienne école, d’avant l’Entente, pour qui l’ennemi premier reste l’Angleterre en Asie (Robert Steuckers).

01:10 Publié dans Biographie, Eurasisme, Géopolitique, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

vendredi, 16 novembre 2007

Le retour de l'Europe dans l'histoire?

Le retour de l’Europe dans l’Histoire ?

Grossouvre

Le retour de l’Europe dans l’Histoire ?
Henri de Grossouvre Pour une Europe européenne - Une Avant-garde pour sortir de l’impasse

Xenia 2007 / 17 € - 111.35 ffr. / 191 pages
ISBN : 978-2-88892-037-3
FORMAT : 15,0cm x 21,5cm

L’auteur du compte rendu : Juriste, essayiste, docteur en sociologie, Frédéric Delorca a dirigé, aux Editions Le Temps des Cerises, Atlas alternatif : le monde à l’heure de la globalisation impériale (2006).
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La «fin de l’Histoire» n’ayant finalement eu qu’un temps, les peuples de notre époque de plus en plus tentent de se réapproprier leur passé pour se construire un avenir. Telle est la tâche à laquelle s’atèle parmi d’autres, en Europe, le «Forum Carolus», un think tank basé à Strasbourg et dirigé par le publiciste Henri de Grossouvre.

Partant du double constat selon lequel l’Europe indéfiniment élargie risque de noyer tout projet politique dans une zone de libre-échange mou et que l’Empire américain, sur le déclin, ne peut plus rien proposer à l’Europe, l’ouvrage collectif que ce groupe publie chez Xenia sous le titre Pour une Europe européenne propose un option originale pour notre continent : une intégration politique dans les frontières de l’ancien empire carolingien (France-Allemagne-Belgique-Luxembourg-Autriche augmenté de la Hongrie, à l’exclusion des Pays-Bas, pour des raisons politiques qui auraient du reste gagné à être mieux explicitées).

L’idée ne sort pas du néant. Voilà quelques années que le projet de «noyau dur», ou d’«Europe à plusieurs vitesse» circule dans les débats. La création de la zone euro et de l’Espace Schengen participe de cette logique. L’intérêt de la proposition du Forum Carolus est de formaliser concrètement cette «avant-garde» institutionnelle possible, dans les domaines de la défense, de l’énergie de la recherche scientifique. Comme le fait remarquer Henri de Grossouvre dans sa propre contribution au livre, d’une certaine façon l’échec du Traité constitutionnel européen, rejeté par référendum par la France et les Pays-Bas en 2006, ouvre une chance à l’option «avant-gardiste», tandis que la dynamique économique de l’axe rhénan plaide fortement pour la viabilité du projet.

La volonté de repenser une Europe politique autour de l’héritage carolingien marque aujourd’hui une rupture avec l’utopie d’une Europe abstraite, dé-territorialisée, aux frontières évanescentes et atemporelle. Elle renoue avec les fondamentaux de la science politique qui articulent l’action publique aux États et aux territoires. En rompant avec les Iles britanniques (exclues de cette «avant-garde» potentielle), le projet fait le choix clair d’une intégration continentale cohérente qui, en fermant la voie à l’hégémonisme états-unien, ouvre sur une collaboration avec la Russie et l’ensemble de l’Eurasie (H. de Grossouvre dirige par ailleurs l’association Paris-Berlin-Moscou).

On peut cependant s’interroger sur le modus operandi concret de la construction politique qui nous est ici proposée. S’agit-il dans un premier temps d’un simple programme expérimental inter-étatique sur le modèle du Corps européen par exemple, ou d’emblée d’un embryon d’Etat au sein de l’Union ? S’il s’agit d’un futur Etat, sa structure est-elle envisagée sur un mode centralisé ou fédéral (le livre fait beaucoup référence à des réseaux, ce qui semble faire pencher la balance plutôt vers la seconde option) ? Quelles seraient les relations de cette structure avec l’Union européenne et les autres organisations multinationales comme l’OTAN, le Conseil de l’Europe, l’OSCE ? Enfin, on eût aimé aussi que cet ouvrage fournisse une piste sur les moyens de susciter l’adhésion populaire à pareil projet, et notamment de surmonter les obstacles culturels (en particulier linguistiques) persistants qui séparent l’ensemble germanique du bloc francophone.

Le présent ouvrage a au moins le mérite d’ouvrir une piste stimulante pour la réflexion et le débat, à l’heure où l’évolution institutionnelle de l’Europe se trouve à la croisée des chemins.

Frédéric Delorca

lundi, 12 novembre 2007

H. Schmidt contre l'adhésion turque

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L’ancien Chancelier Helmut Schmidt contre l’adhésion turque !

Agé de 89 ans, l’ancien Chancelier de la République Fédérale, Helmut Schmidt, est toujours actif dans les cercles de réflexion qui élaborent la politique allemande, à haut niveau. Dans un entretien accordé au « Spiegel » (n°44/2007), il s’oppose clairement à l’adhésion turque, avec des arguments que l’on trouverait plutôt dans le camp « identitaire » en Belgique. Cet homme d’Etat socialiste est aujourd’hui, en dépit de son grand âge, un modèle de sérénité et de bon sens politique.

Voici les propos qu’Helmut Schmidt a tenu au « Spiegel » :

Question du « Spiegel » : Revenons à un autre thème récurrent dans le dossier « l’Allemagne et l’Europe » : auriez-vous édulcorer votre scepticisme quant à l’adhésion turque à l’UE ?

HS : Je n’ai jamais été en faveur de cette adhésion et je ne le suis toujours pas.

Der Spiegel : Et vous ne voyez se dessiner aucune évolution dans ce dossier ?

HS : Je ne peux que mal juger ce qui se déroule dans les coulisses. Lorsque j’occupais des postes officiels, je me suis efforcé, sur le plan international, d’aider la Turquie financièrement, politique que je poursuivrais encore aujourd’hui. J’impliquerais aussi la Turquie dans le marché commun. Mais j’estime que cela n’a aucun sens de vouloir intégrer dans l’Union Européenne un pays musulman qui compte 70 millions d’habitants, et qui en comptera 100 dans le courant de ce siècle ; et j’estime aussi que cela n’a aucun sens d’importer en Europe le conflit qui oppose les Turcs aux Kurdes ni d’ailleurs aucun autre conflit du Moyen Orient. Et cela n’a aucun sens de créer ainsi un précédent qui autoriserait l’adhésion d’Etats comme l’Algérie, le Maroc ou Israël. Tout cela relève d’une folie des grandeurs chez certains qui imaginent qu’il s’agirait là d’un simple élargissement de l’UE.

dimanche, 11 novembre 2007

Antilles néerlandaises aux enchères

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Les Antilles néerlandaises aux enchères…

Tandis que les quartiers d’Amsterdam-West ont été très récemment le théâtre de violence, pendant une semaine entière, avec incendie de voitures et bagarres entre la police et « jeunes » déracinés, une nouvelle rixe au couteau a éclaté entre lycéens à Amsterdam-Zuid. Il ne se passe plus une semaine aux Pays-Bas sans que l’on entende parler de problèmes graves, dus à la société multiculturelle. L’ « honneur » échoit cette fois à l’ « Open Scholengemeenschap De Bijlmer », ou « Communauté scolaire ouverte De Bijlmer ». Les participants à cette rixe multiculturelle sanglante étaient un « Ancien Néerlandais » et deux « Nouveaux Néerlandais », plus exactement un Antillais et un Surinamien. Mais le concept de « Nouveau Néerlandais » ne recouvre que maladroitement la réalité car tant les Antilles néerlandaises que le Surinam sont toujours, ou ont été jusqu’à une date récente, parties constitutives de l’empire colonial des Pays-Bas.

Et vu que la notion d’ « empire colonial » est désormais considérée comme « politiquement incorrecte », il faut parler aujourd’hui de « régions d’outre-mer ».

Au plus offrant…

Mais s’il faut écouter Geert Wilders, l’homme qui rue dans les brancards en Néerlande, le passé colonial des Pays-Bas doit désormais appartenir au passé et définitivement. La semaine dernière, vers le 20 octobre, dans un entretien accordé à l’ « Algemeen Dagblad », il a déclaré sans circonlocutions inutiles qu’il est grand temps que les Pays-Bas se débarrassent rapidement de ce bric-à-brac politique et administratif qu’ils conservent dans les Caraïbes : « Il est temps qu’ils mettent de l’ordre dans le fatras qui règne là-bas. Il n’y a là qu’une grande bande de bandits. Le cabinet doit se montrer très exigeant et poser des conditions très dures quand il envoie son paquet d’argent annuel dans cette région. Un seul et unique fait de fraude ou de corruption supplémentaire et les robinets doivent être immédiatement fermés ». Wilders ne mâche pas ses mots et dit haut et fort ce que bon nombre de Néerlandais n’osent pas encore dire : « J’y suis allé moi-même. Le climat est formidable à Curaçao. Mais ailleurs ce ne sont que ruines et misère. Les Antilles ont été maternées pendant des années. Elles agissent par conséquent comme un enfant gâté. Elles ne vous écouteront pas si vous ne leur administrez pas une bonne raclée. C’est une chance unique pour les Antilles. Nous allons encore une seule fois résoudre là-bas tous les problèmes financiers. Mais alors il faut qu’ils nettoient leurs écuries d’Augias. Encore une seule erreur et nous devons mettre, à mon avis, les Antilles aux enchères sur internet. Le plus offrant pourra les avoir ».

Wilders menace donc de mettre les Antilles néerlandaises aux enchères, ce qui a suscité une petite commotion dans les polders de Hollande. Ses fortes paroles ont suscité des remous dans les îles elles-mêmes, car il les a prononcées au moment où les chefs de fraction du Parlement néerlandais (Deuxième Chambre) visitaient officiellement leurs Antilles.

Officieusement, le voyage aux Antilles est la friandise offerte, par tradition, aux fonctionnaires de l’atelier protégé qu’est le Parlement néerlandais. Geert Wilders n’y est pas allé : il a préféré se rendre à Washington pour discuter avec ses amis de la lutte contre le terrorisme international. « Les petits voyages des présidents de fraction aux Antilles sont devenus un rituel quasi obligatoire. C’est sans doute une belle tradition mais je préfère, moi, travailler sur du substantiel. La lutte contre le terrorisme me paraît plus importante que de me livrer à des sauts de puce entre les îles, de Curaçao à Bonaire et de Saint-Martin à Saba », déclarait Wilders. Après cinquante ans d’autodétermination, l’expérience est un fiasco total. Et c’est un simple constat. Au lieu de discuter pendant des années sur les causes de cet échec, Wilders suggère un acte concret.

L’intégration

On n’a plus le temps de réfléchir aux causes de la faillite des Antilles néerlandaises. En revanche, les conséquences de cette faillite, il faut les affronter immédiatement. L’échec complet de la politique néerlandaise de décolonisation se ressent également dans les grandes villes des Pays-Bas. Pour le « Partij voor de Vrijheid » (le « Parti pour la Liberté »), les choses sont claires : « Les jeunes Antillais qui commettent des délits aux Pays-Bas, doivent être immédiatement renvoyés dans les Antilles ». En formulant cette proposition, Wilders se réfère à un plan de l’ancienne ministre de l’intégration et de la politique des étrangers, Rita Verdonk. Tout juste avant les élections, l’an passé, Madame Verdonk avait proposé un projet de loi prévoyant le renvoi des jeunes Antillais criminels. La mesure avait été annulée dès l’entrée en fonction du nouveau cabinet. Wilders veut réinsuffler vie à ce projet.

Que la mesure devienne réalité ou non, le démantèlement des confettis résiduaires de l’ancien empire colonial néerlandais se poursuit : à la fin de l’année 2008, dans tous les cas de figure, les Antilles néerlandaises disparaîtront en tant qu’entité politique et les îles de Curaçao et de Saint-Martin auront leur autonomie, exactement comme Aruba.

Les autres îles comme Bonaire, Saba et Saint-Eustache resteront directement attachées aux Pays-Bas sur le plan du droit international. Elles ne seront plus qu’une commune néerlandaise un peu particulière. Si Wilders était au pouvoir, l’ensemble de ces confettis d’empire serait mis en vente et donné au plus offrant. C’est dommage, mais inévitable, si les îles refusent de se reprendre et ne veulent pas étouffer les foyers de criminalité.

Sinon, il ne reste plus qu’une solution : construire un haut mur, avec barbelés, autour de l’école De Bijlmer, voire intégrer celle-ci dans le grand complexe pénitentiaire du même nom. Ce serait une méthode très efficace et très économique pour créer une prison pour jeunes délinquants.

« BiM ! »/ « ’t Pallieterke », 31 octobre 2007.

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mardi, 06 novembre 2007

Implications géopolitiques des accords de Munich (1938)

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Allocution de Robert Steuckers à la «Commission Géopolitique» de la Douma d’Etat, Moscou, le 30 septembre 1998

Les implications géopolitiques des Accords de Munich en 1938

Par les accords de Munich de 1938, l’Allemagne de Hitler a négocié avec les puissances occidentales mais a exclu l’URSS de ces négociations. Pour les Allemands de l’époque, en pleine guerre d’Espagne, la question tchécoslovaque est une affaire ouest-européenne. Elle semble ne pas percevoir les intérêts traditionnels russes dans la région. Certes, Munich est une victoire diplomatique allemande, car elle élimine un Etat hostile à sa frontière orientale, bien armé et bien protégé par les chaînes des Monts Métallifères et dont le territoire s’enfonce comme un coin dans la masse territoriale compacte du Reich, permettant à une éventuelle action conjointe des troupes françaises, massées en Alsace et en Lorraine sur un ancien glacis du Reich, et des troupes tchèques, de neutraliser rapidement l’Allemagne, en tirant profit d’une profondeur territoriale assez réduite. De Wissembourg en Alsace à Karlsbad (Karlovy Vary), le Reich était le plus faible. A Munich, Hitler et Ribbentrop éliminent cette faiblesse.

 

Résumons clairement, en six points, les atouts gagnés par les Allemands à Munich:

 

1. Une maîtrise de la Bohème et de la Moravie:

Les accords de Munich assurent au Reich la maîtrise de la Bohème et de la Moravie. En effet, la bande territoriale occupées par les Sudètes germanophones est justement constituée des collines et des petites montagnes des Monts Métallifères et de l’Egerland, où se concentre le système défensif de l’armée tchèque. Sans les Métallifères et l’Egerland, le reste de la Bohème est quasiment indéfendable, face à tout coup de force allemand. De plus, en Moravie, la rétrocession de territoires sudètes au nord, en bordure de la Silésie, et au sud, au-dessus de Vienne, réduit considérablement la profondeur stratégique de l’Etat tchécoslovaque, déséquilibrant totalement son système de défense.

 

Rappelons ici deux réalités géographiques et historiques:

- La Bohème appartient au bassin de l’Elbe, son port naturel est Hambourg. Paradoxalement, l’indépendance de la Tchécoslovaquie, imposée par Versailles en 1919, enclavait la Bohème, alors qu’elle ne l’avait jamais été dans l’histoire. En supprimant l’indépendance tchécoslovaque, Hitler et Ribbentrop désenclavent le pays. C’est là un paradoxe curieux de l’histoire centre-européenne de ce siècle.

 

Ce paradoxe géographico-politique nous oblige à formuler quelques réflexions d’ordre historique:

- L’orientation géographique et géoculturelle de la Bohème est occidentale voire atlantique, dans la mesure où son système fluvial, principale voie de communication jusqu’à l’invention et la généralisation des camions automobiles, débouche sur la Mer du Nord.

- Le panslavisme tchèque est une curiosité, dans la mesure où les traditions catholiques, protestantes, hussites et libre-penseuses du pays sont assez incompatibles avec l’orthodoxie, option religieuse de la plupart des Slaves. Elles sont également très différentes du catholicisme polonais ou croate, plus charnel et plus merveilleux dans ses expressions, finalement plus proche de l’orthodoxie que les linéaments religieux traversant la Bohème tchèque.

- Ces tiraillements géoculturels de la Bohème proviennent:

a) De la guerre de Trente Ans, où l’Egerland, notamment, a été repeuplé de Catholiques bavarois pour contre-balancer le protestantisme pragois et les résidus de la révolte nationale hussite du XVIième siècle. L’optique de ce repeuplement est celle de la Contre-Réforme catholique.

b) De la Guerre au XVIIIième siècle entre la Prusse de Frédéric II et de l’Autriche de Marie-Thérèse. Dans cette guerre entre les deux puissances germaniques, la géopolitique hydrographique a joué un rôle considérable: Frédéric II voulait pour lui tout le bassin de l’Elbe et ne laisser à la Maison d’Autriche que le bassin danubien.

 

- La Moravie, située entre la Tchéquie et la Slovaquie, a un système hydrographique danubien. Les rivières importantes qui traversent le territoire morave se jettent dans le Danube. Frédéric II ne briguait pas la Moravie danubienne car seul le système fluvial de l’Elbe l’intéressait. Sa perspective était prussienne et nord-allemande. Hitler, qui vient de réaliser l’Anschluß de l’Autriche et de créer ainsi la Großdeutschland, a des visées danubiennes. Son Etat national-socialiste englobe les bassins du Rhin (partiellement partagé avec la France qui détient la rive occidentale en Alsace et contrôle la Moselle jusqu’à la frontière luxembourgeoise), du Danube jusqu’à la frontière hongroise (mais la Hongrie est un allié tacite du Reich), de la Weser, de l’Elbe et de l’Oder, les fleuves parallèles du nord de l’Allemagne.

 

- L’apport de la Bohème et de la Moravie au Reich national-socialiste sont donc: une maîtrise complète du bassin de l’Elbe et un renforcement de la présence allemande dans le bassin du Danube, du moins jusqu’à la frontière entre la Hongrie et le nouvel Etat yougoslave. Munich laisse toutefois la question du Danube ouverte.

 

- La Russie, traditionnellement, surtout depuis la conquête des territoires ukrainiens en bordure de la Mer Noire et de la Crimée entre 1768 et 1792, s’intéresse au trafic danubien et souhaite participer à toute gestion internationale de ce trafic fluvial. En effet, la maîtrise complète des systèmes fluviaux russes-ukrainiens et des fortes concentrations industrielles du Don et du Donetz, par exemple, de même que la rentabilisation des produits agricoles des très fertiles “terres noires” d’Ukraine, postule de les acheminer vers les grandes concentrations démographiques d’Europe, pour qu’elles y soient vendues ou transformées en produits industriels. De même, les pétroles du Caucase et leurs produits dérivés, ne peuvent accéder à l’Europe rapidement que par le Danube en évitant le verrou anglo-turc d’Istanbul. Pour toutes ces raisons, la Russie a toujours demandé de participer à la gestion du trafic fluvial danubien. Cette demande est légitime.

 

- L’Occident anglais et américain s’est toujours opposé à cette organisation germano-russe des bassins fluviaux centre-européens, ceux du Rhin et du Danube. Car elle aurait permis un trafic pétrolier soustrait à leur contrôle maritime en Méditerranée. La perspective de cette formidable synergie euro-russe était le cauchemar des puissances occidentales. Elle explique bon nombre de traditions militaro-diplomatiques anglaises et américaines:

- La protection systématique de l’Empire ottoman contre la Russie.

- Le refus de voir les troupes russes pénétrer en Thrace turque.

- La tentative de détacher le Caucase de l’Union Soviétique naissante (affaire des commissaires arméniens, fusillés par des contre-révolutionnaires, en présence d’officiers des services spéciaux britanniques), etc.

- Le soutien apporté, via des cercles maçonniques, à un particularisme tchèque qui enclavait son propre pays. De même, le soutien aux particularismes hollandais et belge verrouille potentiellement l’embouchure du Rhin en Mer du Nord. Et permet de débarquer rapidement des troupes spéciales de marine dans le delta des trois fleuves (Escaut, Meuse, Rhin), en cas d’invasion allemande ou française (en l’occurrence, ce seront des invasions allemandes).

- L’instrumentalisation de la France républicaine pour fournir la “chaire à canon”, en Crimée en 1854, en 1914-15 dans les Dardannelles (pour éviter que les Russes n’y débarquent: cette campagne sanglante de la première guerre mondiale est surtout une guerre préventive contre la Russie, alors alliée de la Grande-Bretagne!!), en 1917-18 à Salonique et en 1940. La France traditionnelle avait fait la paix avec l’Autriche par le mariage de Louis XVI avec Marie-Antoinette de Habsbourg puis avait développé considérablement sa marine et entamé des explorations planétaires (La Pérouse); pire, la marine française bat les Anglais dans la guerre d’Indépendance des Etats-Unis et débarque des troupes dans le Nouveau Monde, car elles ne font plus face au Saint-Empire en Lorraine. Russes, Polonais et Autrichiens peuvent en découdre avec les Turcs, anciens alliés de la France de François I à Louis XV; avec le jeune Louis XVI, la France se tourne vers l’Atlantique, reprend pied dans le Nouveau Monde, abandonne sa fatidique alliance avec l’Empire ottoman, ce qui permet aux Autrichiens de consolider leurs positions dans les Balkans et aux Russes de prendre la Crimée. A la fin du XVIIIième siècle, chaque puissance européenne a sa tâche géopolitique à accomplir, sans empiéter sur les intérêts de ses voisins; le développement de la puissance française s’effectue dans l’Atlantique et la Méditerranée occidentale (Corse); la puissance autrichienne se déploie vers l’Egée, la puissance russe vers la Mer Noire et Constantinople (ce qui provoque explicitement l’opposition de l’Angleterre, surtout après la victoire de la flotte russe en Méditerrannée à Chesmé en 1770). En manipulant des “clubs” et des cénacles répandant une idéologie fumeuse, les services de Pitt révolutionnent la France, la plongent dans le chaos et la guerre civile, et vengent ainsi l’humiliante défaite de Yorktown. Mais simultanément, ils torpillent l’entente franco-autrichienne et austro-russe, ne permettant plus à aucune des puissances européennes de mener une tâche géopolitique constructive, sans empièter sur les intérêts des autres (cf. le travail de l’historien français Olivier BLANC, Les hommes de Londres. Histoire secrète de la Terreur, Albin Michel, Paris, 1989).

 

- Il faut juger les Accords de Munich sur l’arrière-plan de cette histoire européenne tumultueuse. Scellés entre les seules puissances centre- et ouest-européennes, il a donné l’impression aux Russes que l’accord n’envisageait pas de prolonger la ligne Rhin-Danube vers la Mer Noire, le Caucase et la Caspienne. Et de restaurer ainsi la “Symphonie” politique du XVIIIième siècle, où toutes les puissances non thalassocratiques avaient résolu leurs différends et commençaient, surtout la France et la Russie, à se doter de flottes combattives, capables d’emporter des victoires décisives.

 

2. Deux rêves médiévaux: Frédéric II et Ottokar II

Dans l’optique allemande qui prévalait sans nul doute à Munich, c’est une optique post-médiévale qui domine. La géopolitique globale de l’Europe n’est pas perçue comme opérant une rotation autour d’une axe partant de Rotterdam pour se prolonger jusqu’à Samarcande, mais comme une Europe retrouvant deux projets géopolitiques médiévaux, nés à une époque où la Russie est totalement absente de l’histoire européenne et se bat contre les peuples de la steppe, Mongols et Tatars. Ces deux idéaux médiévaux sont ceux de l’Empereur Frédéric II de Hohenstaufen (1194-1250) et du Roi de Bohème Ottokar II Premysl (1230-1278).

 

- L’Empereur Frédéric II conçoit l’Italie comme le prolongement méditerranéen du territoire compact et centre-européen qu’est la Germanie. A une époque où les Croisades ont finalement pour objet géopolitique la maîtrise de la Méditerranée, Frédéric II perçoit parfaitement l’importance stratégique de la Sicile, île en plein centre de la Méditerranée, permettant de contrôler les bassins occidental et oriental de la Mare Nostrum des Romains. A l’époque de l’alliance entre Rome et Berlin, depuis mai 1938, qui rend Munich possible et déforce la France, la figure de Frédéric II est remise à l’honneur, pour montrer qu’une combinaison des forces allemandes et italiennes permettrait à la fois de vertébrer le continent et de contrôler la Méditerranée à la place des Anglais. En pleine guerre d’Espagne, où l’Italie et l’Allemagne soutiennent Franco (dont les troupes avancent), se rendent maîtres des Baléares, et où l’Italie possède Rhodes en Egée, le plan “hohenstaufien” paraît subitement réalisable. Pour les Allemands et les Italiens, ce contrôle n’implique pas la Russie. Grave erreur car l’Angleterre est présente au Moyen-Orient, à proximité du Caucase et en Egypte. Ce n’était pas le cas du temps de Frédéric II. La vision médiévale et idéaliste des Allemands et des Italiens les a aveuglés. Ils n’ont pas bien perçu la nouvelle donne.

 

- Le Roi de Bohème a parfaitement conscience de l’importance géographique de son pays en Europe et sait qu’il occupe le centre du sous-continent, à l’ouest du Niémen et du Boug. Pour vertébrer le sous-continent, il faut organiser à partir de Prague, deuxième ville européenne en importance après Rome à cette époque, une dynamique centripète permettant de souder en un bloc plus ou moins homogène tous les territoires de la Baltique à l’Adriatique, de Stettin à Trieste. D’où les guerres qu’il a menées en Prusse et dans les Pays Baltes puis contre les Hongrois pour s’emparer de la Styrie (1260). L’axe de la géopolitique implicite d’Ottokar est vertical dans la perspective de la cartographie de Mercator. Ottokar sait que les forces centre- et ouest-européennes ne sont pas assez nombreuses et aguerries pour culbuter les Byzantins et organiser le cours inférieur du Danube, comme les Romains l’avaient fait lors de leur campagne en Dacie. L’Italie connaissait ces antécédents historiques: lors des négociations de Versailles, elle avait espéré faire de l’Adriatique une mer italienne en prenant le relais de Venise en Dalmatie et avait animé, avant l’Anschluß, une politique centre-européenne en protégeant le petit Etat autrichien résiduaire et en s’alliant à la Hongrie. Avec Munich, elle espère réaliser ce projet “vénitien” avec l’hinterland allemand, en tablant sur l’alliance tacite entre Berlin et Belgrade  —grâce à la diplomatie de Göring et au régime de Stojadinovic—   et sur les accords du Latran qui mettaient un terme à l’hostilité entre l’Etat national italien et le Vatican. Pour les Italiens de cette époque, en particulier pour un philosophe comme Julius Evola, l’Axe Rome-Berlin, signé après Munich, est une restitution géopolitique du gibelinisme de Frédéric II de Hohenstaufen, mais sans l’hostilité du Vatican et sans présence ottomane dans les Balkans.

 

- Mussolini a donc opté pour une révision de la politique italienne depuis 1915, année de l’entrée en guerre du pays aux côtés de l’Entente. Mais tout au long de l’année 1938, l’Italie a oscillé entre deux politiques possibles: en mars, au moment où les troupes allemandes entrent en Autriche pour sceller l’Anschluß, Hitler craint une intervention italienne pour sauver le Chancelier Schusschnig, d’autant plus que Lord Halifax tente d’apporter le soutien de l’Angleterre à une intervention italienne dans les cols alpins; mais Mussolini choisit de ne pas intervenir. Hitler lui en sera reconnaissant, jusqu’au bout. Mais immédiatement après les événements d’Autriche, on observe un rapprochement entre l’Angleterre et l’Italie, porté par Chamberlain. Le 16 avril 1938, l’Angleterre reconnait l’annexion de l’Abyssinie par Mussolini, contre laquelle elle avait pourtant vivement protesté et où elle s’était engagée aux côtés du Négus. Cette politique anglaise reçoit l’appui de Ciano, beau-fils de Mussolini. Hitler, voulant une alliance avec l’Italie, démet l’ambassadeur allemand à Rome, von Hassell, de ses fonctions et le remplace par Hans-Georg von Mackensen, plus favorable au tandem Rome-Berlin. En mai, pourtant, Hitler est invité officiellement en Italie, où le point culminant de la visite a lieu à Naples où 100 sous-marins italiens exécutent une formidable parade (immersion rapide puis sortie rapide hors des flots en tirant une salve), montrant aux Allemands et aux Anglais que l’Italie entend jouer un rôle prépondérant en Méditerranée. Avec les Allemands, elle pouvait défier l’Empire britannique et couper sa ligne d’approvisionnement en Méditerranée. Avec les Anglais, elle pouvait contenir tout projet allemand (et russe) dans la même zone, tout en conservant ses colonies libyennes, somaliennes et éthiopiennes. Mais les entrevues de mai 1938 ne débouchent pas sur une politique claire de la part de l’Italie: tant Mussolini que Ciano restent confus et prudents. C’est la victoire diplomatique de Munich qui poussera définitivement Mussolini dans le camp de Hitler. L’Italie jouera dès lors une carte anti-anglaise en Méditerranée. Et signera les accords instituant l’Axe Rome-Berlin.

 

3. Hitler, Göring et la Yougoslavie:

Pour comprendre les relations réelles entre l’Allemagne et la Yougoslavie, que l’on croit conflictuelles mais qui ne l’ont nullement été, il faut se référer au Traité commercial germano-yougoslave d’avril 1934. A partir de ce traité, les rapports entre les deux pays seront excellents, malgré le fait que la Yougoslavie ait été construite pour empêcher tout débouché allemand ou autrichien sur l’Adriatique. Le Protocole de Dubrovnik de 1937 renforce encore davantage les liens économiques entre le Reich et la Yougoslavie. Krupp construit des usines dans le pays, amorce son industrialisation. Stojadinovic, le chef serbe de la Yougoslavie d’avant-guerre, entend clairement se détacher de la tutelle française, qui ne permet pas un tel envol industriel. Parallèlement à sa politique allemande, il développe d’excellentes relations avec l’Italie et la Bulgarie et envisage de renouer avec la Hongrie, créant de la sorte une synergie dans les Balkans. Mais après Munich, on constate un retour à des positions anti-allemandes (francophiles et slavistes pro-tchéques) et à l’achat d’avions de combat (Blenheim et Hurricanes) en Angleterre. L’Allemagne s’inquiète et Stojadinovic tombe en février 1939.  Mais le Prince Paul de Yougoslavie rend visite à Hitler en juin 1939, et reçoit la garantie allemande pour les frontières de la Yougoslavie: Hitler promet de ne pas soutenir les “séparatistes” slovènes et croates ni d’appuyer les projets “grands-hongrois”; il ne dit pas un mot sur les Volksdeutschen de Yougoslavie. En revanche, Hitler demande aux Yougoslaves d’assouplir leurs positions vis-à-vis de l’Italie, d’adhérer à l’Axe pour lancer une politique méditerranéenne commune, de quitter la Société des Nations et de se désolidariser de l’Entente balkanique parce que les Turcs négocient avec les Anglais, selon la tradition diplomatique qui veut que la thalassocratie britannique soit la protectrice de la Turquie contre la Russie, mais aussi contre toute avancée allemande vers l’Egée. Le ministre yougoslave des affaires étrangères, Cincar-Markovic promet de maintenir les liens étroits avec l’Allemagne, d’améliorer les rapports italo-yougoslaves, mais estime que l’adhésion au Pacte antikomintern serait impopulaire dans le pays. Les relations germano-yougoslaves ont été renforcées par l’effet-Munich. Les liens économiques, diplomatiques et culturels entre les deux pays ont été plus solides qu’auparavant, bien que les cercles hostiles à l’Allemagne n’aient pas désarmés et aient notamment organisé des manifestations violentes contre la venue de diplomates allemands (dont von Neurath) et la visite de Ciano. 

 

4. Georges Bonnet et la diplomatie française:

 La France est la grande absente sur l’échiquier diplomatique européen au moment de l’Anschluß. Elle vit alors une crise politique. Le 10 avril, presque un mois après l’entrée de Hitler à Vienne, Edouard Daladier devient Premier Ministre et choisit une politique de paix, contrairement au gouvernement de Léon Blum que Churchill et Morgenthau avaient vainement tenté de maintenir en place. Churchill et Halifax espéraient qu’un gouvernement Blum aurait incité les Anglais à abandonner la politique de Chamberlain et aurait fait front commun contre l’Allemagne, avec les bellicistes anglais. Daladier, au contraire, est sur la même longueur d’onde que Chamberlain. Daladier remplace Joseph Paul-Boncour, belliciste et partisan d’un soutien inconditionnel aux Tchèques, par Georges Bonnet, européiste favorable à la paix et s’inscrivant dans la ligne d’Aristide Briand, avocat du rapprochement franco-allemand dans les années 20. Pour Bonnet, toute guerre en Europe conduira à la catastrophe, à la fin de la civilisation. Il le croit sincèrement et déplore que Chamberlain, avec sa politique d’apaisement, ne cherche qu’à gagner du temps et à lancer une industrie de guerre et une industrie aéronautique pour armer l’Angleterre, qui se sent faible sur le plan de l’arme aérienne, après les résultats obtenus par les Allemands pendant la guerre d’Espagne (acheminement des troupes de Franco par des avions transporteurs, mise au point des techniques de chasse et de bombardement, perfectionnement de la logistique au sol, etc.). Daladier et Bonnet croiront soutenir une politique de paix à Munich.

 

Mais les diplomates français et leurs homologues anglais déchanteront le 30 novembre 1938, quand le Comte Ciano annonce à la tribune de la Chambre des Corporations de l’Italie fasciste que Rome entend “faire valoir ses droits” en Méditerranée occidentale, c’est-à-dire en Tunisie, en Corse, et même à Nice. Mussolini annonce quant à lui les mêmes revendications devant le Grand Conseil fasciste, en y ajoutant l’Albanie, clef pour le contrôle de l’Adriatique et du Détroit d’Otrante. Pour la France, il y a dès lors au moins un front supplémentaire, sur les Alpes et en Afrique du Nord. Pire, si Franco accepte de payer sa dette à l’Italie et à l’Allemagne et de venger le soutien par le Front Populaire et les gauches françaises à ses ennemis républicains, en ouvrant un troisième front sur les Pyrénées, Paris devra combattre sur trois fronts à la fois. Le cauchemar de l’encerclement par la coalition germano-hispano-milanaise du XVIième siècle revient brutalement à l’avant-plan. Paris réagit en intensifiant ses liens avec les Etats-Unis, qui, par la bouche de leur ambassadeur William Bullitt, avaient déjà manifesté leur intention d’intervenir dans une éventuelle guerre en Europe, contre les “dictateurs”. Bonnet parvient à obtenir une centaine de chasseurs Curtiss H75, donnant ainsi à l’aviation française, déjà excellente, un atout supplémentaire pour faire face aux Allemands et aux Italiens qui avaient éprouvé leurs avions pendant la guerre d’Espagne. Bonnet introduit ainsi directement la carte américaine dans le jeu des alliances en Europe.

 

Deuxième tentative de Bonnet pour déserrer l’étau qui menace la France: négocier directement avec les Allemands, pour qu’ils calment les ardeurs de leurs alliés italiens. Bonnet renoue ainsi avec la politique pacificatrice de Briand, mais dans un contexte où l’Allemagne est considérablement renforcée, tant sur le plan militaire (plus de menace tchèque, entente relative avec la Pologne et la Yougoslavie, alliance italienne et présence indirecte en Méditerranée) qu’industriel (apport des aciéries et des usines d’armement tchèques, très performantes). Le 6 décembre 1938, Ribbentrop et Bonnet signent dans le salon de l’Horloge du Quai d’Orsay une déclaration franco-allemande, ouvrant des relations de bon voisinage et acceptant les frontières telles qu’elles sont actuellement tracées. Chamberlain et Halifax encouragent cette initiative. Churchill la déplore. En janvier 1939, cet accord franco-allemand est déjà réduit à néant par les circonstances.  

 

5. Beck, Hitler et la Pologne:

On oublie trop souvent que les accords de Munich ont été possibles grâce à la Pologne. Dès janvier 1938, Hitler s’était assuré la neutralité polonaise face à ses rapports avec l’Autriche (catholique) et la Tchécoslovaquie. Le 14 janvier, en effet, Hitler rencontre Beck à Berlin pour régler un litige (une loi polonaise visait à exproprier tous les étrangers possédant des terres dans les zones frontalières: les Allemands et les Ukrainiens sont particulièrement visés). Au cours des pourparlers, en présence du ministre des affaires étrangères von Neurath, assez hostile à tout rapprochement avec la Pologne au contraire de Hitler, Beck confie que la Pologne n’a aucun intérêt en Autriche et que ses rapports avec la Tchécoslovaquie ne peuvent pas être plus mauvais. Pour Beck, les relations polono-tchèques sont mauvaises parce que la Tchécoslovaquie abrite une minorité polonaise, parce qu’elle s’est alliée à l’URSS ennemie de la Pologne et menace dès lors toute la frontière méridionale du pays.  Beck refuse toutefois d’adhérer au Pacte antikomintern, signé entre Berlin et Tokyo. Mais il promet de poursuivre la politique germanophile du Maréchal Pilsudski. En septembre, quelques jours avant Munich, les Polonais demandent à Londres que les droits de la minorité polonaise en Bohème soient garantis. Avec l’appui tacite du gouvernement de Varsovie, le mouvement OZON (Camp de l’Unité Nationale) s’agite dans toute la Pologne pour réclamer une intervention militaire aux côtés de l’Allemagne en Tchécoslovaquie. Kennard, l’ambassadeur britannique, doit se rendre à l’évidence: les Polonais ne se laisseront pas manipuler dans un sens anti-allemand. Après Munich, les Polonais occupent Teschen, un district peuplé de ressortissants de nationalité polonaise. Ce n’est donc qu’après Munich que les relations polono-allemandes vont se détériorer, sous l’influence britannique d’une part, pour la question du corridor de Dantzig d’autre part. Le changement d’alliance de la Pologne fera basculer Hitler, pourtant favorable à une entente germano-polonaise. Ce changement de donne conduira à la signature du Pacte germano-soviétique.

 

D’autres événements sont à mentionner dans les rapports triangulaires entre la Tchécoslovaquie, la Pologne et l’Allemagne. Avant Munich, le 31 juillet 1938, Kopecky, chef du parti communiste tchécoslovaque, déclare lors d’un meeting qu’il est nécessaire d’établir un “front slave soviéto-tchécoslovaco-polonais contre les fascistes allemands”.  Après Munich et après le rattachement des territoires des Sudètes au Reich élargi à l’Autriche, puis, après le coup de Prague et l’entrée de Hitler dans la capitale de la Bohème, bon nombre d’émigrés tchèques se retrouvent en Pologne, pays peu tchécophile, comme nous l’avons vu. Parmi ces émigrés, le plus notoire a été le Général Lev Prchala qui en appelle, à Varsovie, à la constitution d’une nouvelle armée tchécoslovaque. Prchala et ses amis sont pro-polonais, rêvent d’un bloc polono-tchèque dirigé contre l’Allemagne et l’URSS, développent une idéologie slaviste grande-polonaise mais anti-russe, visant à constituer un Etat s’étendant de la Baltique à la Mer Noire, vœu traditionnel du nationalisme polonais et souvenir du grand Etat polono-lithuanien du XVIIième siècle. Staline refusera d’accorder du crédit à ce slavisme-là et le considérera comme une menace contre l’URSS. Le développement de cette idéologie grande-polonaise et conservatrice, sous couvert de restaurer la défunte Tchécoslovaquie et de la placer sous la protection de l’armée polonaise, intéresse les Britanniques mais inquiète d’autant plus Staline, si bien qu’on peut le considérer comme un facteur du rapprochement germano-soviétique. L’idéologie du bloc slave mitteleuropéen, cordon sanitaire entre le Reich et l’URSS, sera reprise telle quelle par les militaires conservateurs polonais et tchèque au service de l’Angleterre pendant la guerre. Les plans du Général polonais Sikorski et du Président tchèque Benes, énoncés dans la revue américaine Foreign Affairs au début de l’année 1942 et prévoyant une confédération polono-tchèque, seront rejetés catégoriquement par Staline et le gouvernement soviétique en janvier 1943. Cette attitude intransigeante de Staline, alors même que la bataille de Stalingrad n’est pas encore gagnée, tend à prouver que l’ébauche de cette confédération polono-tchéque à dominante catholique par le Général Prchala a inquiété Staline et a sans doute contribué à le pousser à signer le pacte germano-soviétique. Staline préférait sans nul doute voir les Allemands à Varsovie plutôt que les Polonais à Odessa.

 

6. Les puissances occidentales et l’URSS de Staline:

N’oublions pas que la conférence de Munich a lieu en pleine guerre civile espagnole, où les Allemands et les Italiens soutiennent le camp nationaliste de Franco et les Soviétiques, le camp des Républicains. Par personnes interposées, une guerre est donc en train de se dérouler entre les protagonistes du futur Axe germano-italien et l’URSS. Mais les troupes républicaines flanchent, se montrent indisciplinées, les milices anarchistes sont incapables de faire face aux régiments plus professionnels et mieux entraînés du Général catholique et nationaliste, les communistes bien structurés et disciplinés sont dégoûtés de ce romantisme révolutionnaire inopérant et commencent à se retirer du jeu, constatant, devant Barcelone, que la partie est perdue. L’alliance franco-tchéco-soviétique, qui visait le statu quo en Europe et le containment de l’Allemagne, a échoué dans ses objectifs. Litvinov, commissaire soviétique aux affaires étrangères, tente toutefois d’en sauver l’esprit et suggère quelques jours après l’Anschluß, le 17 mars 1938, une alliance des trois grandes puissances (Grande-Bretagne, France, URSS), afin de maintenir le statu quo, mis à mal par l’Allemagne. Litvinov veut que Londres, Paris et Moscou garantissent de concert l’intégrité du territoire tchécoslovaque. Mais Paris et Londres hésiteront, préféreront négocier à Munich. Les Soviétiques savent que le contrôle de la Bohème implique ipso facto le contrôle de toute l’Europe centrale. Si Paris et Londres abandonnent Prague, l’URSS n’a plus que deux solutions:

a) Dévier les forces de l’Allemagne contre l’Ouest et/ou

b) Se rapprocher de l’Allemagne, désormais puissance incontournable sur l’échiquier européen.

Ces deux objectifs, après le remplacement de Litvinov par Molotov, constituent les fondements du pacte germano-soviétique d’août 1939.

 

Par ailleurs, l’URSS est opposée à l’Occident ailleurs dans le monde. Par le Caucase et en Iran, l’Angleterre menace le flanc sud de l’URSS. Son aviation, à partir des Indes, à partir des bases iraniennes ou irakiennes, peut atteindre les champs prétrolifères du Caucase et frapper le nouveau quadrilatère industriel créé par Staline au sud de l’Oural. Par l’Iran et la Caspienne, l’Angleterre peut aussi frapper Stalingrad, remonter le cours de la Volga par Astrakhan, bombarder Batoum et Bakou, menacer le chemin de fer Krasnovodsk-Achkhabad. A l’époque, la menace britannique sur le flanc sud de l’URSS est réelle: les historiens de l’avenir devront sans doute se demander si les Anglais n’ont pas exercé un chantage sur Staline après la signature du pacte Ribbentrop-Molotov et la victoire allemande contre la France. Et se demander aussi si la mobilisation de l’armada américaine dans la guerre du Golfe, n’est pas la réédition de cette présence menaçante, mais, cette fois, avec l’alliance turque et avec des armes ballistiques à plus longue portée.

 

Conclusion:

 

Avec Munich, l’Allemagne retrouve certes l’espace politique du Reich médiéval, perdu depuis les Traités de Westphalie de 1648. L’idéologie du Troisième Reich, centralisatrice dans sa pratique, structure cet espace qui a souffert longtemps de ses divisions institutionnelles et confessionnelles. La diplomatie allemande de 1938 a réussi cet exploit, mais en réfléchissant à partir de critères trop européens, trop européo-centrés. Elle a raisonné comme avant Leibniz, premier diplomate et philosophe allemand à avoir saisi intuitivement l’importance cardinale de l’immense espace russo-sibérien. Ce type de raisonnement explique deux déficits de Munich, en dépit de la victoire diplomatique allemande:

 

a) Le Reich n’a pas compris que des facteurs extra-européens, bien maîtrisés par les Britanniques, déterminaient la marche des événements en Europe. On ne pouvait plus penser l’Europe centrale sans penser conjointement la maîtrise de la Mer Noire, du Caucase, de l’Asie centrale jusqu’au Pamir. Pourtant, le mythe indo-européen resassé dans l’Allemagne nationale-socialiste, mais de façon figée, simpliste et caricaturale, aurait dû rappeler clairement l’unité spatiale soudant le cœur de l’Europe centrale à l’espace traversé par les peuples-cavaliers scythes, sarmates, perses-iraniens, etc. L’eurasisme est avant tout le souvenir de ces peuples indo-européens qui se sont élancés jusqu’au Pacifique et dont les cosaques sont les premiers légataires aujourd’hui.

 

b) Comme Mussolini le lui a reproché à la fin de la guerre, peu avant sa mort, dans une conversation avec le fasciste français Victor Barthélémy, adjoint de Doriot, ancien membre du PCF, réfugié en Italie après le débarquement des Américains et des Français de De Gaulle en Provence en août 1944, Hitler n’a jamais compris la Méditerranée. Il n’a pas trop compris que l’Italie lui permettait de contrôler les deux bassins et d’y détruire le système des communications maritimes de la Grande-Bretagne. Les Anglais ont directement perçu le danger, forts des analyses que leur avaient léguées le géopolitologue Halford John Mackinder, dans Democratic Ideals and Reality  (1919, 1ière éd.).

 

Enfin, la diplomatie allemande et celle de Litivinov n’ont pas raisonné en termes de “Symphonie”. Exclure la Russie des débats ou vouloir maintenir le statu quo de Versailles (avec la France et la Tchécoslovaquie), c’est oublier les leçons de la seule grande alliance digne de ce nom dans l’histoire européenne: la Sainte-Alliance fondée à la fin du XVIIième siècle par le Prince Eugène de Savoie, pour libérer les Balkans d’un pouvoir extra-européen, une Sainte-Alliance qui a permis de regagner 400.000 km2 sur les Ottomans et qui s’est poursuivie jusqu’en 1791, où elle s’apprêtait à libérer la Serbie, à donner le coup de grâce aux Turcs, mais où elle a dû distraire la majeure partie des ses troupes pour affronter les révolutionnaires français, excités en sous-main par les services spéciaux de Pitt.

 

Enfin, les arbitrages successifs de Vienne, pour calmer les velléités de guerre entre Hongrois et Roumains, montrent que l’enjeu danubien n’était guère perçu. Or, l’Angleterre le connaissait bien, elle sait que la maîtrise militaire et économique de ce fleuve soustrairait l’Europe à toute tutelle maritime. L’Angleterre semble avoir la plus longue mémoire historique: elle se rappelle, indubitablement, que le Tsar Paul Ier, en s’alliant à Napoléon, voulait, avec l’Empereur des Français, prendre pied aux Indes et en chasser les Britanniques. Paul Ier suggérait d’acheminer des troupes par le Danube, la Mer Noire (dominée par la flotte russe de Crimée, dont la construction avait effrayé Londres) et la Caspienne. Cette route est fondamentale. Les Européens l’ont oubliée. Munich en est la preuve. Il faut s’en rappeler. Et ne pas diffuser une géopolitique trop idéaliste et mutilée.

 

Robert STEUCKERS, Forest  27-29 septembre 1998.  

jeudi, 01 novembre 2007

Bouddhistes et chrétiens en Corée

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Bouddhistes et chrétiens en Corée

 

Lorsque, récemment, une vingtaine de Coréens ont été enlevés par les Talibans en Afghanistan, la plupart des téléspectateurs occidentaux se sont étonnés que ces orientaux s’y activaient au titre de missionnaires chrétiens.

 

Les propagandistes de la « Bonne Nouvelle », ne sont-ce pas des pères blancs affublés de longues barbes, qui arrivent toujours avec les caravanes et les canonnières colonialistes ? Dans les pays asiatiques aussi, les polémiques anti-chrétiennes avaient véhiculé l’image de zélotes chrétiens aux phénotypes occidentaux ou, du moins, de protégés ou d’agents des puissances occidentales et de leurs intérêts. Cette image est aujourd’hui un anachronisme.

 

Les groupes les plus nombreux de zélotes de la foi chrétienne en Asie sont désormais issus des régions fraîchement christianisées ou de vieux centres chrétiens qui ont dû résister pendant des siècles au milieu de masses non chrétiennes. Exemples : les Philippines ou l’Etat du Kerala au sud-ouest de la fédération indienne, pour les vieux centres chrétiens, et la Corée du Sud pour les terres récemment christianisées. Dans ce dernier pays, plus de la moitié de la population se déclare membre de l’une ou l’autre église chrétienne, dans la plupart des cas des communautés évangéliques dont le quartier général se situe évidemment aux Etats-Unis.

 

Ce poids du christianisme date de l’armistice de 1953, qui mit fin à la guerre de Corée. Pour immuniser la Corée du Sud contre le communisme, les Américains ont prodigué de l’aide à tous niveaux (matériel, médical, enseignement) et les fonds de cette aide ont été canalisés via des réseaux missionnaires connaissant la langue du pays et les ressorts de sa société.

 

La population s’est mise à associer christianisme et charité, bien-être et technologie occidentale. Des millions de Coréens se firent baptiser.

 

Le Bouddhisme coréen

 

La montée en force du christianisme se fit principalement au détriment du bouddhisme. Le bouddhisme coréen est vieux d’environ dix-sept siècles. Dans les couches populaires, il se mêle au chamanisme indigène, qui continue, lui aussi, à exister sous des formes pures, non mixées. Mais le bouddhisme en Corée a surtout été une religion de l’élite et, pendant les mille premières années de son existence, fut même religion d’Etat. En 1392, la dynastie Yi, qui monte et prend le pouvoir, emmène dans son sillage des lettrés néo-confucéens, qui se moquent du bouddhisme, en le traitant de superstition bizarre. Les moines sont alors expulsés des villes et se retirent dans des ermitages en montagne (nous avons affaire là à un cas non voulu de « retour aux racines »).

 

Le bouddhisme fut formellement remis à l’honneur, dans la plénitude de sa gloire d’antan, lorsque les Japonais annexèrent la Corée en 1910. Mais, malgré cela, cette époque fut dure pour les bouddhistes coréens car les autorités japonaises les obligèrent à s’affilier à des sectes nippones et à en reprendre les pratiques. Ainsi, par exemple, les moines furent contraints de prendre femme, en suivant l’exemple des ordres japonais de moines mariés, qui sont en fait des prêtres gardiens de temple, dont la fonction est héréditaire.

 

Lorsque les missionnaires protestants lancèrent leur grande offensive prosélyte à partir de 1953, le bouddhisme n’était guère en mesure de se défendre : il n’était plus représenté que par une communauté mal organisée de moines qui, dans la plupart des cas, avaient subi une formation très pauvre et sommaire, et par des laïcs profanes dont les doctrines n’avaient aucun fondement solide.

 

La situation en Corée était donc bien différente de celle qui régnait en Thaïlande, au Myanmar et au Sri Lanka, où le bouddhisme s’est défendu systématiquement contre les missions, si bien que celles-ci n’ont pas pu avancer et prospérer, même sous le colonialisme. Ceux qui, aujourd’hui en Occident, associent le christianisme à de pâles et molles figures comme le Cardinal Daneels (Primat de Belgique) ou avec le dolorisme fataliste des chrétiens du Moyen Orient qui ont tenté de survivre pendant des siècles sous le knout des musulmans, seront certainement effrayés de constater le fanatisme des « Evangelicals », formés à l’américaine, qui sévissent dans les « Etats du front de la foi », comme en Corée.

 

Il ne pourrait guère en être autrement, car il faut en effet être animé d’une solide dose de fanatisme de néophyte pour s’en aller en Afghanistan et y dire, au nez et à la barbe des Talibans, que l’islam est une erreur. Le même zèle et la même vigueur se retrouvent chez les nouveaux chrétiens de Corée quand il s’agit d’affronter les bouddhistes, plus inoffensifs jusqu’ici.

 

Matérialisme

 

Dans un rapport qu’adressent les bouddhistes aux organisations qui défendent les droits de l’homme au niveau international, on apprend que des enseignants persécutent des élèves non baptisés, que des officiers forcent les recrues à se faire baptiser, que des festivités bouddhistes sont perturbées et que le feu est parfois bouté à des temples bouddhistes.

 

Bien que seulement une petite minorité de ces nouveaux chrétiens se livrent à de telles extrémités, la vaste communauté chrétienne coréenne soutiendrait passivement ces comportements. On cite dans ce contexte un converti, ancien bouddhiste devenu protestant : « Lorsque je pense à ces gens qui détruisent les idoles, je pense que je suis, moi, un lâche, parce que je ne fais pas la même chose. Ils sont de meilleurs chrétiens que moi ».

 

Cependant la christianisation totale de la Corée du Sud n’est pas chose faite, loin s’en faut. A une échelle encore modeste, on constate que des nouveaux chrétiens se reconvertissent au bouddhisme. Mais le principal danger qui guette l’âme coréenne demeure le matérialisme. Un récent sondage de Gallup oblige à constater que plus de la moitié des chrétiens en titre de Corée du Sud ne sont en fait plus croyants. Oui, dans ce pays du « Front de la foi » aussi, la sécularisation progresse. On voit les mêmes conséquences de la sécularisation qu’en Europe : haut taux de suicides, taux bas de fécondité. A cela s’ajoute une spécificité régionale, contre laquelle le christianisme (et surtout le catholicisme) protège : l’avortement sélectif qui supprime les fillettes avant la naissance. Cette coutume provoque un déséquilibre patent entre les sexes, sur le plan quantitatif. La future génération de garçons coréens reprochera bien amèrement à la génération actuelle d’avoir tourné le dos à la foi.

 

MOESTASJRIK/ ‘t PALLIETERKE.

(article tiré de « ‘t Pallieterke », Anvers, 10 octobre 2007).  

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mardi, 30 octobre 2007

India e Myanmar

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India e Myanmar vicini a siglare l'Accordo Strategico di Port Sittwe

Secondo fonti ufficiali di Delhi, l'India è vicina a siglare un accordo con la giunta militare del Myanmar per sviluppare il porto di Sittwe. Il porto dovrebbe permettere un facile ed economico trasporto di beni nei distanti e isolati stati nord-orientali dell'India. L'India investirà 103 milioni di dollari nel progetto, nonostante gli inviti internazionali per delle sanzioni contro il governo militare.
Analisti affermano che Delhi è stata riluttante a criticare i generali, per i suoi interessi strategici nell'area. I due paesi condividono un confine di circa 1600km e Sittwe, nella provincia del Myanmar di Arakan, è a 160km dallo stato dell'India di Mizoram.

'Enormi benefici'

"Siamo alla fase finale dei negoziati e l'accordo dovrebbe esserci in un mese", afferma un ufficiale del ministero degli esteri Indiano, che vuole restare anonimo. Con l'accordo, l'India investirà 103 milioni di dollari per sviluppare il porto e installare le infrastrutture per usare il fiume Kaladan.
I beni saranno facilmente trasportati dai porti dell'India orientale e portati negli isolati stati del nord-est Indiano su piccoli natanti. Gli esperti di logistica dicono che saranno necessari tre anni per completare il progetto dopo la firma dell'accordo. "Una volta fatto ciò vi saranno enormi benefici per l'India del nord-est e il risparmio dei costi del trasporto nella regione sarà del 40%-50%", dice Atin Sen dell'Asian Council of Logistics Management di Calcutta.
Delhi disperava, per molti decenni, dell'uso di un porto in uno dei suoi vicini per trasportare beni nel nord-est dalla madrepatria. Hanno iniziato i negoziati per usare Sittwe una volta divenuto chiaro che il Bangladesh no avrebbe permesso l'impiego di Chittagong.

Ricco di Gas

L'India sosteneva il movimento birmano per la democrazia fino a metà degli anni '90, quando iniziò a migliorare le relazioni con la giunta in uno sforzo per competere con la crescente influenza della Cina in Myanmar. Adesso costruisce strade e ferrovie nel Myanmar occidentale, e le sue compagnie cercano di avere l'accesso ai ricchi depositi di petrolio e gas naturale.
Quasi tutti i sette stati del nord-est dell'India sono colpiti dai persistenti movimenti separatisti, e Delhi finanzia la giunta per eliminare le basi birmane dei ribelli. Così l'India è lontana dal condannare la repressione da parte dei militari del movimento per la democrazia, ed ha piuttosto invitato a negoziare per un ritorno graduale alla democrazia in Myanmar.
I critici della politica indiana dicono che sostenga ampiamente la giunta. Essi argomentano che Delhi debba supportare gli sforzi globali per promuovere un cambio in Myanmar - sia come questione di principio che in ordine alla promozione di una stabilità e prosperità, a più lungo termine, nella regione.

Traduzione di Alessandro Lattanzio
http://www.aurora03.da.ru/
http://sitoaurora.altervista.org/
http://xoomer.virgilio.it/aurorafile/


Fonte: http://www.india-defence.com/

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lundi, 29 octobre 2007

HAARP: contrôle du climat?

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Roberto TOSO:

Quand les Etats-Unis veulent contrôler le climat sur toute la planète...

Y a-t-il quelqu’un qui joue avec les chiffres?

Les dates ne sont que coïncidence: 26 décembre 2002 : cyclone “Zoé” en Polynésie; 26 décembre 2003: tremblement de terre en Iran; 26 décembre 2004: le gigantesque tsunami qui vient de ravager les côtes de l’Océan Indien. Je ne dirais pas, dans la suite de cet article, que le tsunami de décembre 2004 a été provoqué, comme l’affirment certains sites “conspirationnistes”, par un expérimentation technologique secrète, et donc “voulue”, ajouteront certains commentateurs. Mais cette coïncidence dans les dates et cette volonté, qui est mienne, de ne pas céder à la tentation conspirationniste ne doivent pas nous conduire à rejeter en bloc et a priori le fait que l’idée a sûrement déjà germé dans certains esprits, de vouloir contrôler les phénomènes atmosphériques. Dont acte. Les hypothèses conspirationnistes et paranoïaques n’existeraient toutefois pas, si certaines prémisses n’avaient pas existé pour étoffer de tels délires, car, de tous temps, l’imagination la plus débridée a toujours besoin d’un point d’appui dans la réalité pour pouvoir se déployer.

Le Projet HAARP

Au cours des siècles, les modifications climatiques ont toujours représenté l’un des catalyseurs les plus puissants capables de susciter les facultés humaines de penser et de réfléchir. Elles ont en effet influencé les croyances et les actions, les motivations et les décisions, toujours, en apparence sur le mode de la causalité, alors qu’en réalité, nos facultés étaient guidées par une logique de fer: celle que nous impose la nature.

Toutefois, depuis l’ère de la révolution industrielle jusqu’à nos jours, l’homme a infligé à la Terre des blessures profondes, si bien qu’aujourd’hui, celle-ci ne présente plus, comme dans  l’antiquité, un équilibre quasi parfait sur le plan bio-environnemental.

La communauté scientifique nous avertit sans cesse des dangers d’une surchauffe de la planète. Il n’en demeure pas moins que le risque majeur, que nous courrons et que les mass-media ignorent en règle générale, provient de mutations climatiques provoquées pour des raisons militaires.

Depuis 1992, le Département de la Défense des Etats-Unis développe un projet, coordonné tout à la fois par la marine et l’aviation américaines, que l’on a appelé HAARP (pour: “High Frequency Active Auroral Research Program”). En réalité, il s’agit du noyau même d’un projet bien plus vaste, et bien plus connu, notamment sur le nom de “Guerre des étoiles”. Il a été commencé dès le début des années 80 sous Reagan, pour se poursuivre à la fin de cette décennie sous Bush-le-Père. Ce projet connaît actuellement une phase d’accélération, dopé par un budget militaire d’une ampleur sans précédent, que l’on justifie au nom d’un “double langage” d’orwellienne mémoire: “La guerre, c’est la paix”. 

La base principale, où l’on développe le Projet HAARP, se situe dans une vaste zone à Gakona en Alaska. Sur ce terrain, 180 pylônes d’aluminium, hauts de 23 m, ont été installés. Sur chacun de ces pylônes, nous trouvons deux antennes, l’une pour les basses fréquences, l’autre pour les hautes fréquences. Cette dernière est en mesure de transmettre des ondes de hautes fréquences jusqu’à une distance de 350 km. Ces ondes peuvent être dirigées vers des zones stratégiques pour la planète, que ce soit sur le sol ou dans l’atmosphère.

Comme on peut l’imaginer, toute l’opération se mène au nom de nobles objectifs: il s’agit d’études universitaires sur l’ionosphère et de développer de nouvelles techniques radar,  qui permettront, à terme, d’accélérer les communications avec les sous-marins et de rendre possibles des radiographies de terrain, afin de déceler la présence d’armes ou d’équipements, jusqu’à des dizaines de kilomètres de profondeur. Pour confirmer cette vocation pacifique, le projet a mis un site en ligne qui nous donne l’image d’une station scientifique bien innocente, visibilisée par une quantité de “webcams”.

Mais la réalité, comme d’habitude, il faut aller la rechercher en dessous de la surface.

De Tesla à Eastlund

Dans les années 80, Bernard J. Eastlund, un physicien texan attaché au MIT de Boston, s’est inspiré des découvertes de Nikola Tesla, qui avait enregistré aux Etats-Unis le brevet n°4.686.605, dénommé “Méthode et équipement pour modifier une région de l’atmosphère, de la magnetosphère et de l’ionosphère terrestres”. Tesla avait ensuite déposé onze autres brevets. Dans l’un d’eux, il décrivait la propriété réflexive de l’ionosphère, qu’il convenait d’utiliser comme “systèmes de rayons énergétiques”, capables de “produire des explosions nucléaires  graduelles sans radiations”, ainsi que des “systèmes de détection et de destruction de missiles nucléaires” et des “systèmes de radars  spatiaux”.

L’ARCO a acquis certaines de ces inventions. L’ARCO est propriétaire de vastes réserves de gaz naturel en Alaska, qui peuvent être converties en énergie électrique redistribuable via l’ionosphère à tous les clients dans le monde: la vision de Tesla, qui voulait distribuer l’énergie  sans fil et gratuitement à  tous les foyers de la Terre, a donc été partiellement réalisée, mais viciée dans son principe généreux par de solides intérêts économiques.

En outre, ces inventions font qu’il devient possible de manipuler le climat, c’est-à-dire de créer de la pluie quand cela s’avère nécessaire pour l’agriculture ou de neutraliser des phénomènes destructeurs comme des tornades ou des ouragans. 

C’est à ce niveau-ci que le gouvernement américain est entré dans le jeu, rendant l’histoire plus compliquée.

Tous les brevets d’Eastlund ont d’abord été mis sous scellés, à la suite d’un ordre ultra-secret, pour être ensuite transmis à la  “E-Systems”, une des principales entreprises qui fournit des  technologies avancées aux  services  secrets de grandes puissances du monde. Cette entreprise a ensuite été absorbée par Raytheon, l’une des quatre grandes entreprises fournissant du matériel à la défense américaine. Elle produit notamment les missiles Tomahawk et Stinger (dont la plupart ont fini entre les mains de pays classés dans l’Axe du Mal ou de groupes terroristes), ainsi que les fameux “Bunker Busters”. Les connexions, qui unissent ces firmes au pouvoir, passent toutes par la personne de Richard Armitage, aujourd’hui vice-ministre des Affaires Etrangères au sein de l’Administration Bush. Armitage, qui était déjà “consultant”, est membre du conseil d’administration, détenteur de signature et “supporter” convaincu de la PNAC, impliquée dans de nombreuses opérations de la CIA, depuis l’époque de la Guerre du Vietnam à aujourd’hui.

Sur base des découvertes  d’Eastlund, c’est lui qui orienterait le potentiel du  Projet HAARP en direction d’un point spécifique de l’ionosphère, afin de la réchauffer jusqu’à ce qu’elle s’élève physiquement, de manière à créer  un gonflement hautement réfléchissant, qu’il définit comme un “effet lent”. Le but est d’acheminer les rayons vers la Terre  en leur procurant des effets dévastateurs: la puissance de telles ondes serait telle qu’elle provoquerait des modifications de dimensions moléculaires au sein de l’atmosphère, causant  —suite aux diverses fréquences—  des modifications climatiques ou la désagrégation des processus mentaux de l’homme, voire, aussi, des effets sur les mouvements tectoniques de magnitudes encore imprécisées.

Des stratégies globales

Les événements géopolitiques actuels étaient prévisibles depuis de nombreuses années: il suffisait de lire certains livres prophétiques comme “Le Grand échiquier” de Zbignew Brzezinski, paru en 1997, ou les textes programmatiques de la PNAC (“Project for a New American Century”), parus la même année.

Nous pourrions deviner l’avenir aujourd’hui aussi, si nous lisions plus attentivement les écrits et les déclarations de penseurs influents et de personnalités militaires haut placées, qui évoquent un futur relativement proche.

Le même Brzezinski, conseiller en matières de sécurité au temps de Carter, écrivait déjà en 1970, dans son livre “Entre deux époques”: “La technologie va  rendre disponibles, aux leaders des principales nations, des moyens pour conduire des opérations de guerre secrète, qui exigeront seulement la mise sur pied de forces de sécurité très réduites [...]. Il s’agit de techniques capables de modifier le climat afin de provoquer des périodes longues de sécheresse ou de tempête”.

Brzezinski fait référence, à  cette époque-là, aux armes rudimentaires qui existaient déjà, résultats des premières études sur le développement de la guerre climatique. Songeons, dans ce cadre, au Projet Popeye, visant à étendre la saison des moussons au Vietnam.

Le document le plus intéressant est une étude rédigée par sept officiers de l’armée américaine en août 1996 et qui porte pour titre “Le climat comme démultiplicateur de puissance: le contrôler avant 2025”. Cette étude a vu le jour à la suite d’une directive émise par la Commandement des forces aériennes américaines et visait à stimuler un débat intellectuel au sein de l’armée, pour affirmer finalement : “En 2025, les forces aéro-spatiales des Etats-Unis pourront contrôler le climat, si elles parviennent, dès aujourd’hui, à cumuler les nouvelles technologies et à les développer dans la perspective de les utiliser en cas de guerre [...]. Il s’agira d’améliorer les conditions en cas d’opérations menées par des alliés ou d’annuller les effets de celles menées par l’ennemi, au moyen de scénarios climatiques faits “sur mesure”. Enfin, il s’agira de se donner les moyens de dominer complètement, à l’échelle globale, l’ensemble des moyens de communications et de l’espace; les modifications climatiques offriront aux combattants une vaste gamme de moyens possibles pour battre ou soumettre l’adversaire”.

Ces projets ont été confirmés par une étude ultérieure, qui date de 2003. Celle-ci porte pour titre: “Maîtriser l’ultime champ de bataille: les prochaines avancées dans l’utilisation militaire de l’espace”. Elle est l’oeuvre du “Project Air Force” de la Rand Corporation, une “boîte à penser” liée aux lobbies du pétrole et de l’armement, dont l’un des administrateurs fut Donald Rumsfeld et l’un des conseillers-administrateurs Lewis Libbey, membre fondateur de la PNAC, actuel directeur du personnel de Dick Cheney.

Le concept qui est à la base de ce rapport est celui de “Full Spectrum Dominance”. Ce qui revient à dire: une politique d’investissements militaires exceptionnels, visant la conquête de l’espace et le maintien dans l’espace d’une position de supériorité, sinon de contrôle absolu. Cette position de supoériorité obligerait donc ceux qui veulent en découdre avec l’ “Empire” de le faire pas terre ou par mer. Sur ce chapitre, les paroles prononcées par Joseph W. Ashby, le Commandant en chef du “Spatial Command” américain sont significatives: “Certaines personnes n’aiment pas en entendre parler, mais, en termes absolus, nous serons bientôt capables de combattre dans l’espace. Plus précisément: nous combattrons dans l’espace et depuis l’espace. Un jour, nous frapperons des objectifs terrestres, des navires, des avions ou des objectifs situés sur la terre ferme, tout cela depuis l’espace”.

Le 22 février 2004, le journal “The Observer” a publié un rapport “secret”, réclamé préalablement par Andrew Marshall, un conseiller influent de Rumsfeld, et échappé du Pentagone. La conclusion de ce rapport était la suivante: “Un brusque changement climatique conduira à une catastrophe globale de proportions gigantesques, avec une guerre nucléaire et des désastres naturels, condamnant des nations entières à la disparition sous les eaux des océans; les rares survivants lutteront pour les ressources raréfiées, soit les céréales, l’eau et l’énergie”.

On peut s’imaginer qu’il s’agit là de la description d’un futur fort lointain, tel qu’on le met en scène dans un film d’Hollywood; pourtant, en 2006 déjà, le lancement dans la stratosphère du “Falcon” aura lieu; c’est un drone armé de têtes nucléaires capable de voler à douze fois la vitesse du son, virtuellement inattaquable; des développements ultérieurs le rendront capable de frapper de manière ubiquitaire, à partir du territoire des Etats-Unis.

En 2006 aussi, ce sera l’année où le Projet HAARP se verra doter de ses derniers transmetteurs prévus, portant l’ensemble du système à sa puissance maximale. Est-ce toujours bien dans le but annoncé, celui d’aider l’agriculture dans le monde?

La communauté scientifique

Nombreuses sont les voix qui protestent face à ces folies et ces projets destructeurs. Parmi elles, celle d’une scientifiques de réputation internationale, Rosalie Bertell, qui dénonce “les scientifiques militaires américains qui travaillent sur des systèmes climatiques comme armes potentielles. Les méthodes qu’ils tentent de mettre au point comprennent l’accroissement des tempêtes et le déviement des flux de vapeur de l’atmosphère terrestre afin de produire des sécheresses et des inondations voulues”. Richard Williams, physicien et consultant auprès de l’Université de Princeton, dit que “les tests visant la surchauffe de l’ionosphère constituent autant d’actes irresponsables, relevant d’un vandalisme global  [...]. Le Projet HAARP pourrait constituer un danger sérieux pour l’atmosphère terrestre. Avec des expérimentations de ce type, on apportera des dommages irréparables en peu de temps”.

Certains chercheurs soupçonnent d’ores et déjà que quelques modifications climatiques actuelles, bien observables, telles des séismes, des ouragans, des raz-de-marée ou des sécheresses persistantes, proviennent de ces expérimentations à buts militaires.

La Russie

Le Parlement russe, la Douma, a émis un communiqué en 2002, signé par 188 députés, où il était écrit: “Sous le couvert du Programme HAARP, les Etats-Unis sont en train de créer de nouvelles armes géophysiques intégrales, qui pourront influencer les éléments naturels par le biais d’ondes radio de haute fréquence. La signification de ce saut technologique est comparable au passage historique des armes blanches aux armes à feu, ou des armes conventionnelles aux armes nucléaires”. Quelques scientifiques craignent que l’ionosphère pourrait imploser sous l’effet de déséquilibres électriques. Leurs conclusions: “Pouvons-nous en vérité risquer d’altérer quelque chose que nous ne comprenons pas du tout, et qui appartient à toutes les formes de vie (et non  pas seulement de la vie humaine) présentes sur cette planète?”. 

Récemment, le Président russe Vladimir Poutine a  annoncé avoir développé un nouveau type de missile balistique télécommandé, capable de changer de trajectoire au cours de son voyage, rendant du coup complètement inutile les systèmes de défense inclus dans le fameux “bouclier spatial”: est-ce un bluff ou non? Quoi qu’il en soit, il est certain que les projets militaires des Etats-Unis, mis au point au cours de ces dernières années, ont généré une nouvelle course aux armements, sans précédent dans l’histoire, qu’il conviendrait de ralentir et de réguler. Mais ce projet de modérer les effets pervers de cette nouvelle course aux armements est systématiquement freiné et saboté par l’unique super-puissance restante qui s’est arrogé le droit de juger l’accumulation d’armements, non pas au nom d’intérêts globaux, mais au nom de ses seuls intérêts propres. Les accumulations américaines sont donc, dans cette optique, au service du “Bien”, tandis que les autres ne sont que l’expression d’une indicible méchanceté, celle de l’ “Axe du Mal”. Dans de telles conditions, nous avons sous les yeux les prémisses d’une nouvelle guerre froide de dimensions globales.

Quant à la Russie, elle a, elle aussi, mis en avant certains projets basés sur les découvertes de Tesla de la fin des années 50, développant de la sorte une recherche parallèle à celle des Etats-Unis, sauf qu’elle s’avère plus lente vu la faiblesse économique terrible de la Russie actuelle. Qui sait si Emmanuel Todd, le chercheur français qui avait prédit la fin de l’empire soviétique dès 1976, dans “La chute finale. Essai sur la décomposition de la sphère soviétique” (R. Laffont), n’a pas raison une fois de plus quand il décèle, dans ses nouvelles analyses, les mêmes indicateurs, notamment dans son livre de 2003, “Après l’Empire. Essai sur la décomposition du système américain” (Gallimard), où il annonce la déliquescence de l’ultime super-puissance. Pour l’heure, la Chine se tait. Comme l’affirmait Bertold Brecht: “La science, quand elle est au service du pouvoir, n’apporte que des malheurs à l’humanité entière”.

Roberto TOSO.

Article trouvé sur : http://www.luogocomune.net ; sources: New York Times, Heart Island Journal, BBC, Canadian Working TV, Earthpulse Press, autres. Cet article a été reproduit par le quotidien romain “Rinascita”, 11 janvier 2005.

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dimanche, 28 octobre 2007

1970: coopération russo-iranienne

1970: déjà une coopération russo-iranienne

28 octobre 1970: Nikolaï Podgorny, président du Soviet Suprême de l’URSS, inaugure, avec le shah d’Iran, Mohammed Reza Pahlavi, le plus long gazoduc du monde. Cet événement montre que la question énergétique est la clef pour comprendre l’histoire contemporaine depuis le rapprochement entre le shah et les Soviétiques, jusqu’à sa chute sous les coups de la révolution des mollahs et jusqu’aux événements actuels, où les Etats-Unis affrontent l’Iran d’Ahmadinedjad.

Le shah d’Iran voulait jouer une carte autonome, ne craignait plus les Soviétiques comme au début de son règne, quand les troupes soviétiques venaient de quitter le territoire iranien, après une occupation de quatre ans (1941-45) et que Moscou soutenait des indépendantistes azéris dans le nord-ouest de l’ancienne Perse. Le soutien inconditionnel apporté par les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et Israël aux mollahs aux débuts de la révolution khomeyniste avait pour but de déstabiliser, et jeter bas, un régime personnel qui avait appuyé l’OPEP, entendait mener une politique indépendante face au bloc soviétique, affirmer ses droits historiques dans le Golfe Persique, tendre une main à l’Inde, dégager l’Océan Indien des tutelles étrangères à son espace.

Il ne fallait surtout pas que ce régime ait une autonomie énergétique (ni par le pétrole ni par le nucléaire) ; l’hostilité au shah, qui avait acquis les premiers rudiments d’une énergie nucléaire, est paradoxalement la même que celle qui oppose Ahmadinedjad à Washington, en dépit de la différence idéologique entre l’autocratie éclairée du souverain Pahlavi et le fondamentalisme chiite professé par l’entourage de l’actuel président iranien. L’intention américaine, en appuyant la révolution des mollahs, était de bloquer la grande œuvre de modernisation du shah et de replonger l’Iran dans un régime fait d’archaïsmes que l’on voulait incapacitants et cela, jusqu’à la consommation des siècles.

Ahmadinedjad veut sortir de ces archaïsmes, relancer le programme nucléaire abandonné depuis le shah : raison de l’hostilité des Etats-Unis à son égard.

vendredi, 26 octobre 2007

1959: bataille pour le Ladakh

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Bataille pour le Ladakh

26 octobre 1959:  De violents combats éclatent entre troupes chinoises et indiennes sur les hauteurs himalayennes du Ladakh. Les deux puissances tentent de dominer le toit du monde, surtout après la conquête chinoise du Tibet. L’enjeu géopolitique de cette guerre, tout comme celle qui oppose l’Inde et le Pakistan au Cachemire, est de s’assurer un espace stratégique surplombant sur les plaines et vallées environnantes. L’Inde cherche également à avoir un corridor territorial la liant à l’URSS, à l’allié russe traditionnel des nationalistes hindous.

Le Pakistan existe pour éviter cette liaison territoriale, politique qui lui est dictée par Londres et Washington.

La Chine, en s’insérant dans l’espace hautement stratégique du Ladakh, cherchait un lien avec le Pakistan, et par là même, une fenêtre sur la partie occidentale de l’Océan Indien, qualifié par la géopolitique anglo-saxonne, dérivée de Halford John Mackinder, d’ « Océan du Milieu ». Dans cette volonté chinoise de faire cause commune avec le Pakistan, et de couper par la même occasion l’Inde de l’URSS, il faut voir les prémisses du rapprochement sino-américain sous la Présidence de Nixon et sous la houlette du Realpolitiker Kissinger.

En 1972, la Chine, qui a soutenu et soutiendra le Pakistan, allié de Washington, dans toutes ses guerres contre l’Inde, participe, elle aussi désormais, à l’endiguement (« containment ») de l’URSS, qui n’a plus, comme allié de revers, qu’un Vietnam exsangue, épuisé par une longue guerre inégale ; un Vietnam de surcroît menacé au sud et à l’ouest par un Cambodge pro-chinois et donc pro-américain.

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mercredi, 24 octobre 2007

Russie: arrière-cour de l'Europe ou avant-garde le l'Eurasie?

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Russie: arrière-cour de l'Europe ou avant-garde de l'Eurasie?

 

Wladimir WIEDEMANN

Intervention lors de la “Freideutsche Sommeruniversität”, août 1995

Lorsque nous évoquons la notion d'Empire, nous devons nous rappeler que ce concept, au sens classique, se manifeste sous deux formes historiques légitimées: une forme occidentale (ou “romaine occidentale”) et une forme orientale (ou “romaine orientale”, byzantine). Ainsi, l'idée authentique d'Empire est liée indubitablement à une perspective téléologique: la réunifica­tion finale de deux parties provisoirement séparées d'un Empire originel. Du moins sur le plan des principes. Car il est bien évident que cette “réunification de l'Empire” ne peut se réduire au niveau d'accords politiques purement formels dans l'esprit d'une diplomatie utilitaire et profane. Néanmoins, ce problème peut et doit être discuté par les deux parties concernées au ni­veau d'une idéologie impériale actualisée voire d'une théologie impériale. Mais qu'en est-il de ces deux parties?

La dernière héritière des traditions impériales romaines-occidentales a été la Germanie, tandis que la dernière héritière des traditions romaines-orientales ou byzantines a été la Russie. Comme le philosophe allemand Reinhold Oberlercher le re­marque très justement, les Allemands et les Russes sont les deux seuls peuples d'Europe capables de porter à bout de bras de véritables grandes puissances politiques. Dans son ouvrage Lehre vom Gemeinwesen, il écrit: «En tant qu'Empire (Reich) porté par les tribus de souche germanique, la forme politique propre du peuple allemand a pour mission de constituer un Reich englobant tous les peuples germaniques, lequel devra, de concert avec l'Empire des peuples russes (Grands-Russes, Petits-Russiens et Biélorusses), constituer un Axe de sécurité nord-asiatique et établir l'ordre sur la plus grande masse continentale du monde» (1).

Permettez-moi d'étudier plus en détail les thèmes de l'idée impériale en son stade actuel et de la politique impériale de la Russie. L'effondrement de l'Etat communiste a conduit en Russie à un vide idéologique, à la perte de toute orientation géné­rale. Mais on sait pourtant que la nature ne tolère aucun vide. Ainsi, l'antique idée impériale, l'idée d'un Empire religieux-or­thodoxe, dans le contexte d'un nouveau sens historique, doté d'un nouveau contenu social et géopolitique, est en passe de re­naître. De quoi s'agit-il?

Bien évidemment, la Russie nouvelle, post-communiste, n'est plus la vieille Russie féodale, tsariste, avec son servage. Aujourd'hui, il n'y a en Russie ni aristocratie ni classe moyenne. Il y a toutefois des intérêts historiques, objectifs et nationaux bien tangibles: ce sont les intérêts d'une nation qui compte dans le monde, les intérêts d'un peuple porteur d'Etat, et ces inté­rêts sont clairement délimités: il faut du pain pour le peuple, du travail pour tous les citoyens, de l'espace vital, un avenir as­suré. Mais pour concrétiser ces intérêts, il y a un hiatus de taille: la nomenklatura paléo-communiste demeurée au pouvoir jusqu'ici n'avait aucun projet social “créatif” et ne voulait que se remplir les poches avec l'argent volé au peuple et, pire, placer cet argent sur des comptes à l'étranger, dans des banques fiables. En d'autres mots: ce nouveau capitalisme spéculateur montre les crocs en Russie: il est incarné par cette nomenklatura, liée à la caste corrompue et bigarrée des “hommes d'affaire”, et parasite sans vergogne le corps d'une Russie devenue “libérale-démocrate” et dépouillée de toutes ses protec­tions. Ainsi, depuis le début de la perestroïka, un capital de 500 milliards de dollars américains a quitté le pays. Le gouverne­ment Eltsine ne dit pas un mot sur ce “transfert”, mais dès que quelques misérables milliards sont offerts à titre de crédit par la Banque Mondiale, il fait battre tambour et sonner buccins!

Mais le temps est proche où ces crocs mafieux recevront l'uppercut définitif qui les mettra hors d'état de nuire. Ce coup, ce sont les forces intérieures de la Russie qui le porteront et ces forces sont actuellement incarnées par les nouveaux proprié­taires du capital industriel et producteur. Bien entendu, il s'agit ici, en première instance, du complexe militaro-industriel qui se trouvait jusqu'ici, à titre formel sous contrôle étatique. Quelle sera l'intensité du processus de privatisation dans ce domaine? C'est une question de temps et cela dépend aussi des circonstances globales, politiques et économiques, qui détermineront l'histoire prochaine de la Russie. Mais une chose est claire d'ores et déjà: tôt ou tard, le pays générera une classe de véri­tables industriels et c'est à ce moment-là que naîtra la future grande puissance russe.

Je voudrais maintenant parler des fondements géopolitiques, économiques et idéologiques de la grande puissance russe. C'est connu: le bien-être du peuple et la puissance réelle d'un Etat dépend des placements en capital domestique, parce que ces placements garantissent la création de nouveaux emplois et augmente le pouvoir d'achat de la population. Ensuite, il est clair qu'au stade actuel de développement de la production, ce ne sont pas les entreprises moyennes et petites qui s'avèreront capables de générer et de placer de tels capitaux. Seules les très grandes entreprises d'envergure internationale sont en me­sure de le faire, car elles peuvent financer une recherche très coûteuse et une formation de personnel adéquate. Ce sont sur­tout les Américains et les Japonais qui possèdent aujourd'hui des sociétés disposant de telles masses de capitaux et sont ca­pables de faire face dans le jeu de la concurrence planétaire. Ces entreprises sont celles qui créent dans le monde la majeure partie des nouveaux emplois, bien rémunérés.

Les centres principaux de production de haute technologie moderne se concentrent de plus en plus dans les zones autour des grandes métropoles des côtes pacifiques, parce que la base du développement d'une production de ce type, c'est l'accès au commerce planétaire. Aujourd'hui, dans ce domaine, c'est le commerce maritime qui joue le rôle-clef, dont les voies de communication sont contrôlées par la politique militaire américaine dans toutes les zones stratégiquement importantes. C'est en constatant ce centrage sur le Pacifique qu'est née la thèse du “Pacifique comme Méditerranée du XXIième siècle”, c'est-à-dire du Pacifique comme nouvel espace où se développe actuellement la civilisation du progrès technique. Si les choses con­tinuent à se développer dans ce sens, les conséquences en seront fatales pour tous les pays européens; ceux-ci seront con­traints, sur le plan économique, à se soumettre à l'hégémonie américaine dans toutes les questions-clefs de la dynamique de la production moderne et aussi pour tous les mécanismes socio-politiques. Ce sera également le problème de la Russie. Mais ce sera justement le “facteur russe” qui permettra aux autres Européens de prendre une voie alternative, qui permettra de libérer toutes les initiatives russes et européennes des diktats américains. Cette alternative, c'est le “commerce continen­tal”.

Imaginez un instant que les grandes voies de communications du commerce mondial  —ou du moins celles qui relient l'Europe à l'Asie méridionale et à l'Extrême-Orient (surtout l'Inde et la Chine)—  deviennent continentales. Ce serait là un ac­cès direct et alternatif aux grands marchés qui sont déjà prospères aujourd'hui et qui sont potentiellement de longue durée. Cet accès par voie continentale serait d'abord plus rapide et offrirait des avantages non négligeables à certains technologies qui sont en train de se développer. Sur le plan théorique, tout cela semble séduisant, mais, en pratique, l'essentiel demeure ab­sent, c'est-à-dire un système réellement existant de communications transcontinentales.

Pourquoi un tel système de communication n'est-il pas déjà disponible? Parce que la politique extérieure de la Russie bol­chévique-stalinienne a commis une erreur fondamentale. En effet, les communistes ont été perpétuellement induits en erreur par un pronostic illusoire d'origine idéologique, prévoyant une évolution sociale conduisant à une révolution mondiale, qui, elle, allait réaliser l'“Idée” sur la Terre. En d'autres mots, au lieu de détruire la société bourgeoise, l'élite révolutionnaire russe au­rait dû la consolider, afin de concentrer les énergies des masses sur la construction réelle du pays et sur l'exploitation “civilisée” de ses espaces et de ses richesses. La chimère de la révolution mondiale a englouti en Russie de colossales ri­chesses, mais, simultanément, son importance géopolitique en tant que puissance continentale ne pouvait être détruite sur l'échiquier international.

L'ancien Empire russe avait justement émergé autour d'un axe constitué par une voie commerciale traversant l'Europe orien­tale, soit la voie ouverte par les Scandinaves et “conduisant des Varègues aux Grecs”. Par une sorte de constance du destin, le devenir actuel de la Russie dépend une nouvelle fois  —et directement—  de l'exploitation efficace d'un commerce transconti­nental, de la croissance de marchés intérieurs au Grand Continent eurasien. Ce destin géopolitique, grand-continental et eu­rasien, les forces réellement productrices de la Russie commencent à la comprendre. Ces forces sont potentiellement géné­ratrices d'Empire et peuvent être définie comme telles. Elles commencent aussi à formuler des exigences politiques propres. Et, à ce propos, Sergueï Gorodnikov, qui a consacré beaucoup d'attention à cette problématique, écrit:

«Notre besoin est le suivant: nous devons rapidement construire des structures de transport commerciales paneurasiatiques qui relieront toutes les civilisations créatrices; ensuite, notre besoin est de garantir militairement la sécurité de ces civilisa­tions, ce qui correspond aussi complètement aux intérêts de l'Europe, je dirais même à ses intérêts les plus anciens et les plus spécifiques, tant dans le présent que dans l'avenir. C'est la raison pour laquelle le nationalisme russe ne doit pas seule­ment compter sur une neutralité (bienveillante) de l'Europe dans sa politique d'Etat. Mieux, il trouvera en Europe des forces très influentes qui pourront et devront devenir ses alliés. C'est toute particulièrement vrai pour l'Allemagne qui s'est renforcé par sa réunification et désire en secret retrouver toute son indépendance en tant qu'Etat et toute sa liberté de manœuvre» (2).

La nouvelle alliance stratégique paneurasiatique entre l'Est et l'Ouest aura pour élément constitutif l'alliance géopolitique inter-impériale entre l'Allemagne et la Russie, les deux détenteurs de la légitimité impériale romaine en Europe. Ce recours à l'antique légitimité romaine est une chose, la tâche actuelle de cette alliance en est une autre: il s'agit pour elle de fédérer les intérêts économiques et politiques dans une perspective de progrès tecnologique global. Il s'agit de rassembler toutes les forces intéressées à développer l'espace économique eurasiatique. Pour réaliser ce programme, il faudra créer des unités économiques suffisamment vastes pour obtenir les moyens nécessaires à développer des projets de telles dimensions et pour se défendre efficacement contre les résistances qu'opposeront les Américains et les Japonais. Construire des entités écono­miques de cette dimension implique une coopération étroite entre les potentiels techniques russes et européens.

Le combat qui attend Russes et Européens pour établir un nouvel ordre paneurasiatique sera aussi un combat contre les rési­dus de féodalisme et contre les formes politiques dépassées à l'intérieur même de ce grand continent en gestation, c'est-à-dire un combat contre les forces qui se dissimulent derrière une pensée tribale obsolète ou derrière un fondamentalisme is­lamique pour freiner par une résistance douteuse la progression d'une culture et d'une économie grande-continentale. Comme le développement de notre civilisation postule des exigences globales, ce combat devra être mené avec tous les moyens di­plomatiques et militaires, jusqu'à la destruction totale des forces résiduaires. Seule une lutte sans merci contre les résidus d'un féodalisme millénaire, contre le “mode de production asiatique”, nous permettra de détruire les derniers bastions du vieux despotisme tyrannique et de la barbarie, surtout sur le territoire de la Russie où, aujourd'hui, ces forces se manifestent sous les aspects de la criminalité caucasienne et asiatique, des sombres bandes mafieuses, résultats de cette peste léguée par le bolchevisme: l'absence de toute loi et de tout droit.

Sur ce thème, je me permets de citer une fois de plus Sergueï Gorodnikov: «Il est clair qu'une tâche de ce type ne pourra être menée à bien que par un Etat fortement centralisé selon les conceptions civiles. Un tel Etat ne pourra exister que si l'armée marque la politique de son sceau, car l'armée, de par son organisation interne, est la seule institution étatique capable de juger, étape par étape, de la valeur politique des choses publiques et dont les intérêts sont identiques à ceux de la bourgeoisie indus­trielle en phase d'émergence. Seule une alliance étroite entre l'armée et la politique est en mesure de sauver l'industrie natio­nale de l'effondrement, les millions de travailleurs du chômage et de la faim et la société toute entière de la dégradation mo­rale, d'extirper le banditisme et le terrorisme, de faire pièce à la corruption et de sauver l'Etat d'une catastrophe historique sans précédent. L'histoire du monde dans son ensemble a prouvé qu'il en est toujours ainsi, que les efforts d'une bourgeoisie entreprenante et industrielle ne peuvent reposer que sur l'institution militaire; ensuite, dans la société démocratique, il faudra accroître son prestige social au degré le plus élevé possible et l'impliquer dans l'élite effective de la machinerie étatique» (3).

Certes, cet accroissement du rôle socio-politique de l'armée, garante de la stabilité globale de l'Etat dans la situation présente, mais aussi de la stabilité de cette société civile en gestation, implique une légitimisation du statut particulier qu'acquerront ainsi les forces armées. En d'autres termes, il s'agit de créer une forme d'ordre politique où les autorités militaires et les au­torités civiles soient des partenaires naturels sur base d'une séparation de leurs pouvoirs respectifs. Ensuite, un tel régime, qui pourrait être défini comme “régime de salut national”, postule l'existence d'une troisième force, une force intermédiaire, investie de la plus haute autorité dans cette tâche aussi important que spécifique consistant à fixer des normes juridiques. Une telle force pourrait s'incarner dans l'institution que serait la puissance même de l'Empereur, exprimant en soi et pour soi, et en accord avec les traditions historiques dont elle provient, l'idée d'un “compromis mobile” entre les intérêts de toutes les couches sociales. Ainsi, la dignité impériale à Byzance, qui s'est également incarnée dans les réalités de l'histoire russe, pré­sentait quatre aspects fondamentaux. Ce qui revient à dire que l'Empereur russe-orthodoxe devrait être:

1) Protecteur de l'Eglise d'Etat en tant qu'institution sociale (C'est le pouvoir de l'Empereur en tant que Pontifex Maximus).

2) Représentant dans intérêts du peuple (Pleins pouvoirs de l'Empereur en tant que tribun populaire).

3) Chef des forces armées (Pleins pouvoirs d'un Proconsul ou du Dictateur au sens romain du terme).

4) Autorité juridique supérieure (Pleins pouvoirs du Censeur).

L'autorité et la stabilité d'un véritable pouvoir d'Imperator dépend directement de la fidélité de l'Empereur aux principes fon­damentaux de la Tradition, au sens théologique comme au sens juridique du terme. C'est pourquoi ce pouvoir dans le contexte russe signifie que, d'une part, le rôle social de l'Eglise orthodoxe devra être fixé et déterminé, de même que, d'autre part, les traditions de la société civile. Une particularité de l'idée impériale russe réside en ceci qu'elle a repris à son compte l'idéal byzantin de “symphonie” entre l'Eglise et l'Etat, c'est-à-dire de la correspondance pratique entre les concepts d'orthodoxie et de citoyenneté, sur laquelle se base également la doctrine russe-byzantine d'un Etat éthique qui serait celui de la “Troisième Rome”, d'un nouvel Empire écouménique.

Dans quelle mesure ces idéaux sont-ils réalisables à notre époque? Question compliquée, pleine de contradictions, mais que les Russes d'aujourd'hui sont obligés de se poser, afin de s'orienter avant de relancer le traditionalisme russe et d'en faire l'idéologie de la grande puissance politique qu'ils entendent reconstruire. Le retour de ces thématiques indique quelles sont les tendances souterraines à l'œuvre dans le processus de formation de la société civile russe. Si, en Europe, c'est la culture qui a été porteuse des traditions antiques et donc des traditions civiles, en Russie c'est la religion qui a joué ce rôle, c'est-à-dire l'Eglise orthodoxe; c'est elle qui a fait le lien. En constatant ce fait d'histoire, nous pouvons avancer que la renaissance réelle de la société civile en Russie est liée inévitablement au déploiement de l'héritage antique véhiculé par l'Eglise orthodoxe. Il me semble que l'essentiel des traditions politiques antiques réside justement dans les traditions qui sous-tendent la puissance im­périale au sens idéal et qui sont proches du contenu philosophique de l'Etat idéaliste-platonicien.

Quelles sont les possibilités d'une restauration concrète de l'idée impériale civile et d'un ordre impérial en Russie? Ce pro­cessus de restauration passera sans doute par une phase de “dictature césarienne”, parce que, comme l'a un jour pertinem­ment écrit Hans-Dieter Sander, on ne peut pas créer un Empire sans un César. En effet, seul un César, élevé légitimement au rang de dictateur militaire, est capable de consolider les intérêts des forces les plus productives de la Nation à un moment historique précis du développement social et d'incarner dans sa personne les positions morales, politiques et socio-écono­miques de ces forces et, ainsi, sous sa responsabilité personnelle en tant que personalité charismatique, de jeter les fonde­ments d'une nouvelle société, représentant un progrès historique.

Le but principal en politique intérieure que devrait s'assigner tout césarisme russe serait de préparer et de convoquer une re­présentation de tous les “états” de la nation, en somme une Diète nationale, qui, en vertu des traditions du droit russe, est le seul organe plénipotentiaire qui peut exprimer la volonté nationale génératrice d'histoire. Cette Diète nationale détient aussi le droit préalable de déterminer la structure générale de l'Etat russe et de réclamer l'intronisation de l'Empereur. La Diète natio­nale est ainsi en mesure de légitimer la restauration de l'Empire et, s'il le faut, de constituer un régime préliminaire constitué d'une dictature de type césarien (Jules César avait reçu les pleins pouvoirs du Sénat romain qui avait accepté et reconnu offi­ciellement sa légitimité).

Toute restauration cohérente de l'Empire, au sens traditionnel, métaphysique et politique du terme, n'est possible en Russie, à mes yeux, que si l'on accroît le rôle socio-politique de l'armée et de l'Eglise, mais aussi si l'on consolide l'autorité des juges. Car ce sont précisément les juges (et en premier lieu les juges à l'échelon le plus élevé de la hiérarchie et de la magistrature impériales) qui pourront jouer un rôle médiateur important dans la future restructuration totale de la société russe, en travail­lant à créer des institutions juridiques stables. D'abord parce que cette valorisation du rôle des juges correspond à la tradition historique russe, à l'essence même de l'Etat russe (par exemple: dans la Russie impériale, le Sénat était surtout l'instance juridique suprême, disposant de pleins-pouvoirs étendus et normatifs, dans le même esprit que le droit prétorien romain). Ensuite, cette revalorisation du rôle des juges constitue également la réponse appropriée à l'état déliquescent de la société russe actuelle, où règne un nihilisme juridique absolu. Ce phénomène social catastrophique ne peut se combattre que s'il existe au sein de l'Etat une caste influente de juristes professionnels, disposant de pouvoirs étendus.

Lorsqu'on évoque une société reposant sur le droit  —ce qui est d'autant plus pertinent lorsque l'on se situe dans le contexte général d'un Empire—  on ne doit pas oublier que tant l'Europe continentale que la Russie sont héritières des traditions du droit romain, tant sur le plan du droit civil que du droit public. Lorsque nous parlons dans la perspective d'une coopération globale entre Européens et Russes, nous ne pouvons évidemment pas laisser les dimensions juridiques en dehors de notre champ d'attention. Le droit romain, dans sa version justinienne, a jeté les fondements de l'impérialité allemande et de l'impérialité russe. C'est donc cet héritage commun aux peuples impériaux germanique et slave qui devra garantir une coopération har­monieuse et durable, par la création d'un espace juridique et impérial unitaire et grand-continental. En plus de cet héri­tage juridique romain, Allemands et Russes partage un autre leg, celui de la théologie impériale. A ce propos, j'aimerai termi­ner en citant un extrait du débat qu'avaient animé le Dr. Reinhold Oberlercher et quelques-uns de ses amis:

OBERLERCHER: «Dans le concept de Reich, le processus de sécularisation n'est jamais véritablement arrivé à ses fins: le Reich demeure une catégorie politico-théologique. Dans la notion de Reich, l'au-delà et l'en-deçà sont encore étroitement liés». Lothar PENZ: «Cela veut donc dire que nous devons retourner au Concile de Nicée!» (approbation générale) (4).

Je pense aussi que le Concile de Nicée a effectivement jeté les bases véritables d'une théologie impériale, même si, à l'Ouest et à l'Est celle-ci a été interprétée différemment sur les plans théorique et liturgique. Il n'en demeure pas moins vrai que le lien subtil entre au-delà et en-deçà demeure présent dans l'existence de l'Empire (du Reich) comme un mystère déterminé par Dieu.

Vladimir WIEDEMANN.

(texte remis lors de la “Freideutsche Sommeruniversität” en août 1995; également paru dans la revue berlinoise Sleipnir, n°5/95).

dimanche, 21 octobre 2007

Empires océaniques des steppes et des mers ouvertes

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Les empires océaniques des steppes et des mers ouvertes

Guido GIANNETTINI

L'empire qui a connu la plus grande expansion au cours de l'histoire a été celui des Mongols, qui ont proclamé leur chef Djingghis Khan (Gengis Khan), soit le “souverain océanique”. C'est dans ce sens que je vais parler, dans cet exposé, d'“empires océaniques”. Les “empires océaniques” des steppes sont originaires d'Asie Centrale, justement comme celui des Mongols. Les “empires océaniques” des mers extérieures se sont constitués à partir du 16ième siècle de notre ère sous l'impulsion des grandes puissances européennes qui se sont projetées sur les mers du globe.

Il existait toutefois, avant ces deux types d'empires “océaniques”, un type différent, anomal, qu'on pourrait attribuer au type “océanique”: c'est celui qui s'est constitué au départ de l'expansion des cavaliers arabes entre le 7ième et le 8ième siècles de notre ère et qui s'est dissous en l'espace d'un matin. Il s'agit à mes yeux d'une apparition mystérieuse et inexplicable sur la scène de l'histoire. Mais c'est un mystère que je me dois d'expliquer avant de passer à l'argument spécifique de mon exposé.

L'expansion des cavaliers arabes entre le 7ième et le 8ième siècles de notre ère est une expansion veritablement hors norme, que l'on ne pourra pas comparer à un autre exemple historique semblable, antérieur ou postérieur. D'un point de vue géopolitique, cette expansion paraît absurde.

Il n'existe aucun exemple de conquête par voie de terre partie d'une péninsule (la péninsule arabique) qui ait pénétré profondément dans la masse continentale (l'Asie occidentale) puis s'est étendue sur un littoral très long mais sans aucune profondeur (l'Afrique du Nord). Dans tout le cours de l'histoire, on n'a jamais vu quelque chose de semblable. D'un point de vue géopolitique, les conquêtes arabes présentent toutes les caractéristiques des expansions propres aux puissances navales, qui, elles, procèdent par “lignes extérieures”, sur les marges des masses continentales. Dans le cas de l'expansion arabe, nous avons une occupation d'une bande littorale, mais effectuée par voie terrestre.

Les causes de cette expansion hors norme sont au nombre de deux. Tout d'abord, il faut savoir que le désert est comme la mer: on ne peut pas l'occuper, on peut simplement tenir en son pouvoir les oasis, comme la puissance maritime occupe et tient en son pouvoir les îles de l'océan. La seconde cause doit être recherchée dans le caractère fortuit, inconsistent, inexistent des conquêtes —en langue arabe il existe un terme indiquant quelque chose qui n'existe pas, mahjas, dont dérive le mot italien mafia; c'est quelque chose d'inexistent mais qui existe tout de même. Nous avons donc affaire à un empire territorial créé à parti de ce rien qui est tout de même quelque chose.

L'expansion des Arabes au départ de leur péninsule d'origine a été rendue possible par une série inédite de facteurs fortuits, tous concentrés dans le même espace temporel. En premier lieu, l'expansion arabe a bénéficié de la faiblesse intrinsèque, à l'époque, des empires byzantin et sassanide, littéralement déchiquetés par plus de vingt années de guerres ruineuses où ils s'étaient mutuellement affrontés. Cet état de déliquescence mettait quasiment ces empires dans l'impossibilité d'armer des troupes et de les envoyer loin, à mille, à deux mille kilomètres de leur centre, où même plus loin encore, contre ce nouvel ennemi qui déboulait subitement du désert. Pire, il leur était impossible de reconstituer des armées dans des délais suffisamment brefs, si celles-ci étaient détruites. En effet, une puissante armée byzantine avait été anéantie sur le Yarmouk en 636 et une autre, sassanide, avait été écrasée par les Arabes à Nehavend en 642. La raison de cette double défaite était d'ordre climatique: le vent du désert, le simoun (de l'arabe samum), avait soufflé dans leur direction pendant plusieurs jours d'affilée, les avait immobilisés et assoiffés, tandis que leurs adversaires arabes combattaient avec le vent qui les poussait dans le dos, sans qu'ils ne fussent génés en rien par la tempête de sable.

Autre facteur qui a rendu aisée l'expansion des Arabes: les luttes intestines qui divisaient les Byzantins, d'un côté, les Wisigoths d'Espagne, de l'autre. L'empire byzantin venait de traverser une tumultueuse querelle d'ordre religieuse, assortie d'un cortège de violences et de persécutions. Pour toutes ces raisons, entre 635 et 649, les autorités religieuses et les populations ont confié spontanément aux Arabes les villes de Damas, Jérusalem, Alexandrie d'Egypte, de même que l'île de Chypre. Ensuite, à cette époque-là, les autorités musulmanes se montraient tolérantes (au contraire des fanatismes intégralistes que l'on a pu observer par la suite) et se sont empressées de souligner les traits communs unissant les fois chrétienne et islamique. Elles ont accepté que les habitants de confession chrétienne dans les cités conquises exercent librement leur culte et se sont borné à lever une taxe, modérée en regard de ce qu'exigeait auparavant le basileus byzantin.

La conquête de l'Espagne s'est déroulée dans des conditios analogues. Après le décès du roi wisigoth Wititsa, deux prétendants se sont disputé le trône: Roderich et Akila. Ce dernier a fait appel aux Arabes et leur chef, Tariq Ibn Ziyad débarque en 711 dans la péninsule ibérique en un lieu qui porte encore son nom, Gibraltar, de l'arabe Djabal Tariq, “la montagne de Tariq”. Son armée est forte de 7000 hommes, en grande partie originaires du Maghreb. Ils seront suivis par d'autres. Les Arabes et les Wisigoths partisans d'Akila finissent par avoir raison des Wisigoths partisans de Roderich. Ces derniers sont attaqués dans le dos par les Basques et par la communauté juive, qui est particulièrement nombreuse en Ibérie (elle est la plus forte diaspora d'Europe). Les Juifs se soulèvent, équipent une armée et s'emparent de plusieurs villes qu'ils livrent aux Arabes, tandis que les féaux de Roderich commencent à déserter.

Toutefois, les Arabes, malgré ce concours de circonstances favorables, ont eu du mal à briser la résistance des Wisigoths. Ils n'ont pas pu occuper toute la péninsule ibérique, parce que les montagnards du Nord et des Cantabriques ont repoussé toutes leurs tentatives de conquête. Ensuite, après avoir tenté de pénétrer en France, les Arabes sont définitivement vaincus en 732 près de Poitiers. La défaite de Poitiers, ainsi que l'échec de l'attaque contre Constantinople, mettent fin à l'expansion arabe.

Le déclin a été quasi immédiat. A peine 23 ans après avoir atteint le maximum de son expansion  —à la veille de la bataille de Poitiers—  le grand empire arabe de Samarcande à l'Atlantique commence à se désagréger: en 755, le Califat ommayade d'Espagne fait sécession, suivi immédiatement par d'autres Etats arabes séparatistes du Maghreb, d'Egypte et d'Orient. Mais un grand empire avait existé, pendant peu de temps, il n'a tenu que 23 ans!

Un empire rêvé, crée par un peuple de rêve et forgé par une culture imaginée: mahjas. En effet, le peuple arabe, créateur de cet empire, n'était pas un peuple selon l'acception commune, c'est-à-dire la fusion de tribus sœurs issues d'un même désert arabique; il n'allait pas le devenir non plus, mais au contraire, juxtaposer en sa communauté de combat des peuples de plus en plus différents, issus des pays conquis.

Mais la culture arabe, elle, est plus homogène. L'islamisme est une forme de syncrétisme religieux alliant des élements de judaïsme et de christianisme et reprenant à son compte des courants chrétiens considérés comme “hérétiques”. La philosophie arabe est une reprise pure et simple de la philosophie grecque, basée sur la dichotomie Platon/Aristote. Les bases des connaissances mathématiques, astronomiques, géographiques, physiques et même ésoteriques dans le monde arabe au temps de la grande conquête sont d'origines grecque et persane. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si la pensée arabe est une pensée ouverte aux cultures grecque et iranienne (car l'ancienne civilisation du pays d'Aryanam n'est pas orientale). C'est patent à l'époque du Califat abasside, quand l'Islam, après la chute de l'empire sassanide, a subi directement et puissamment l'influence des peuples conquis.

L'art arabe en général, comme l'art mauresque en Espagne, est constitué de variantes de l'art roman ou byzantin. Enfin, les chiffres considérés comme “arabes” sont en fait indiens, mais les Arabes les ont transmis à l'Europe. Comme du reste d'autres faits de culture venus des régions indo-européanisées d'Asie, tel le jeu d'échecs, qui est iranien, mais nous est parvenu grâce à la médiation arabe.

En réalité, les Arabes ont surtout exporté leur langue en Afrique et en Orient. Mais comme on peut observer que les langues sémitiques sont très proches les unes des autres, et ne sont finalement que des dialectes d'une même langue, cette similitude a favorisé la diffusion de l'arabe dans de nombreuses régions.

Le grand atout de la culture arabe au temps de la grande conquête a été l'extraordinaire capacité, et même le mérite, d'appréhender sans frein tout ce qui venait d'ailleurs, de le remodeler et de le diffuser tous azimuts. Une telle capacité, même si elle peut être interprétée comme un absence de spécificité propre, a contribué à atténuer les rigidifications à l'œuvre dans le monde entourant les Arabes, rigidités qui expliquent aussi l'expansion fulgurante de ceux-ci, qui serait incompréhensible autrement.

Pendant près de 1800 ans, du début du Vième siècle ap. J.C., jusqu'à l'époque de Gengis Khan, les peuples turcs ont dominé l'Asie centrale septentrionale, puis se sont répandus dans l'Asie occidentale pour donner ensuite l'assaut à l'Europe. Cette phase d'expansion commence vers l'an 1000, quand la domination turque en Asie n'est pas encore achevée. Elle se manifeste surtout dans la longue lutte contre l'empire byzantin, qui se terminera par la chute de Constantinople (1453) et par les raids dans l'espace danubien. La phase descendante commence, elle, par l'échec du siège ottoman de Vienne (1683) et surtout par la reconquête du Sud-Est européen sous l'égide du Prince Eugène, actif dans la région de 1697 à1718, puis de ses successeurs qui guerroyèrent pendant vingt ans pour imposer aux Ottomans la Paix de Belgrade en 1739.

Même sans prendre en considération les 180 dernières années de vie de l'Empire ottoman  —depuis la Paix de Belgrade jusqu'à sa fin en 1918—  nous constatons que l'expansion de cette puissance turque s'étend sur un arc de treize siècles, pendant lesquels les peuples turcs, habitant à la charnière de l'Europe et de l'Asie, ont joué un rôle primordial parmi les protagonistes de l'Histoire. Il ne s'agissait certes pas d'un Etat unique et d'un peuple unique et cette histoire a connu des phases sombres et de déclin, mais cela s'observe également dans l'histoire de l'empire romain ou des empires des divers peuples de l'Iran, les Mèdes et les Perses, les Parthes et les Sassanides.

La préhistoire des peuples turcs présente encore beaucoup de zones d'ombre et d'incertitudes, comme du reste celle des peuples mongols. Malgré ces difficultés, nous pouvons affirmer aujourd'hui que le peuple proto-turc le plus ancien  —le nom “Turc” ne se diffusera qu'ultérieurement—  apparaît sur le théâtre de l'Histoire vers l'année 400 de notre ère: c'est le peuple des Tabgha'c, originaires d'Asie septentrionale, qui, en 70 ans à peu près, domine toute la Chine septentrionale, depuis les Monts Dabie Shan (limite septentrionale des affluents de la rive gauche du fleuve Yang-Tse). Ce sont eux qui fondent la dynastie Wei.

Tandis que les Proto-Turcs Tabgha'c descendent sur la Chine du Nord, en Asie septentrionale, dans la région dont les Tabgha'c sont originaires, se rassemble le peuple des Juan-Juan, connus également sous le nom de Ju-Jan, Ju-Ju ou Jui-Jui. Certains savants les identifient aux War ou Apar ou Avars qui atteindront la Hongrie. D'autres prétendent qu'ils ne sont pas identiques mais parents. Les Juan-Juan étaient des Proto-Mongols, mais leur empire a englobé aussi des peuples proto-turcs ou turcs, paléo-asiatiques et, forcément, des tribus d'autres ethnies.

Vers 520, leur empire commence à s'affaiblir, puis tombe en déclin, à la suite d'une révolte de deux clans que les sources chinoises appellent respectivement les T'u-küeh et les Kao-kü.

Les premiers sont originaires des Monts Altaï et sont les ancêtres des Turcs, le terme chinois T'u-küeh correspondant à Türküt, pluriel mongol de Türk, c'est-à-dire “homme fort” en langue turque. Notons toutefois que quelques auteurs interprètent le terme “Türk” comme un pluriel, “Tür-k”, par analogie à “Tur-an”, pluriel de “Tur”: dans ce cas, il s'agirait d'une reprise par les Turcs d'une dénomination d'origine iranienne, désignant l'“Iran extérieur”. Ensuite, l'autre clan en révolte contre les Juan-Juan était également turc, c'était celui des Tölös, ancêtres des Ouighours.

C'est ainsi que les Turcs, sur les ruines de l'empire des Juan-Juan, ont fondé leur propre empire, s'étendant de Jehol (aux confins de la Mandchourie moderne) jusqu'à la Mer d'Aral, territoire correspondant à toute la zone méridionale du Heartland de Mackinder. Pendant 300 ans environ, l'empire turc  —malgré sa division en deux Etats (quasiment depuis le début), l'un oriental, l'autre occidental—  a dominé le cœur de l'Asie. Puis, vers la moitié du VIIIième siècle, sa partie orientale est absorbée par les Ouighours, eux aussi d'origine turque, tandis que la partie occidentale se fractionne en khanats indépendants.

A partir du khanat des Oghuz, situé dans un territoire au nord du Lac Balkach, se profile d'abord le clan des Seldjouks, qui amorce par la suite un mouvement vers l'Ouest, leur permettant d'abord de conquérir l'Iran oriental, puis l'Iran occidental, ce qui les rend maîtres du versant sud-occidental du Heartland. C'est après la consolidation de cette phase-là de leurs conquêtes, que les Seldjouks se mettent à attaquer l'Empire romain d'Orient (Byzance), bastion avancé de l'Europe contre les invasions venues d'Asie. D'un point de vue géopolitique, il s'agit de la même ligne d'expansion qu'avaient empruntée précédemment les empires iraniens.

Mais les Seldjouks ne sont jamais arrivés en Europe. La dynastie des Osmanli se profile au XIIIième siècle en Anatolie, prend le contrôle de la partie occidentale de l'empire seldjouk et réamorce les pressions expansives en direction de l'Occident. Les Osmanlilar  —pluriel turc qui désigne ceux que les Occidentaux appellent les Ottomans—  s'emparent de toute l'Anatolie et, sans tenter de conquérir l'enclave byzantine que sont Constantinople et la Thrace orientale—  passent en Europe, atteignent le Danube au cours du XIVième siècle. Ce n'est qu'après avoir atteint le Danube que les Turcs lancent l'ultime assaut contre Constantinople qu'ils conquièrent en 1453.

Ensuite, une série de campagnes militaires les amènent aux portes de Vienne qu'ils assiègent en 1683. Au même moment, les Ottomans, disposant de la plus forte puissance musulmane, deviennent les protecteurs du monde islamique et imposent leur autorité aux Etats arabes d'Afrique du Nord et du Maghreb.

Pourtant, l'histoire de l'expansion ottomane nous apprend que l'on ne peut pas contrôler l'Europe seulement en contrôlant les côtes méridionales de la Méditerranée. En pénétrant par le Sud-Est, à travers les Balkans et l'espace danubien, les Ottomans atteignent la porte d'entrée du cœur de l'Europe, Vienne et Pressburg/Bratislava. Leur calcul était clair: ou bien ils franchissaient cette porte et s'emparaient de l'Europe, ou bien ils étaient refoulés. L'avancée des Trucs en direction du cœur germanique de l'Europe a été bloquée. Les Européens ont reconquis les Balkans. Les Osmanlilar sont tombés en décadence. Les Turcs, comme toutes les tribus ouralo-altaïques avant de commencer leur expansion, habitaient les steppes eurasiatiques, dans des territoires voisins de ceux qu'avaient occupés plusieurs peuples indo-européens entre le IIIième et le IIième millénaires avant J.C. Ce voisinage a provoqué des échanges, ce qui a donné, à la longue, des similitudes culturelles entre Indo-Européens et Proto-Turcs: par exemple, le caractère guerrier de leurs sociétés, l'association homme/cheval et la structure hiérarchique et patriarcale des sociétés. En matières religieuses  —l'islamisation des Turcs n'aura lieu que très tard et ne concernera que les Turcs d'Asie occidentale—  nous constatons une typologie céleste et solaire des divinités suprêmes.

Citons par exemple Tenggri, “le dieu bleu du Ciel“ ouralo-altaïque, ou le bi-Tenggri turc, phrase signifiant “Dieu est” que l'on a retrouvé grâce à la tradition hsiung-nu. Elle se rapproche de la racine indo-européenne du nom de Dieu, *D(e)in/Dei-(e)/Dyeu, signifiant “lumière active du jour, splendeur, ciel”. L'origine ethnique des Turcs, selon leur Tradition, présente une analogie singulière avec l'origine mythique de Rome: le totem des Turcs était le loup et leur héros éponyme aurait été alaité par une louve, exactement comme Romulus et Remus.

Enfin, à la fin des temps archaïques, la culture indo-iranienne s'est imposée à toute l'Asie centrale. Cette influence a également marqué les Turcs Seldjouks aux XIième et XIIième siècles après J.C., quand ils se sont répandus à travers le territoire iranien et ont retrouvé une sorte de familiarité avec la culture iranienne, dans la mesure où les chefs et les souverains conquérants se paraient ostentativement de noms tirés des textes épiques du Shahnameh, comme Kai Kosrau, Kai Kaus, Kai Kobad.

Plus tard, les Ottomans, surtout après la conquête de Constantinople, ont voulu montrer qu'ils assuraient la continuité de l'empire byzantin. D'abord, ils installent leur capitale dans la ville même de Constantinople, en ne changeant son nom qu'en apparence, car Istanbul dérive de “is tin pol”, prononciation turque de la désignation grecque “eis ten polis”, soit “ceux qui viennent dans la Cité”.

Dans leur bannière, les Ottomans ont repris la couleur rouge de Byzance, la frappant non pas de l'étoile et du quart de lune actuels, mais du soyombo  altaïque, qui possède la même signification que le t'aeguk coréen représentant le yin et le yang, c'est-à-dire l'union du soleil et de la lune que l'on retrouve encore dans les drapeaux mongol et népalais: le soleil y est un astre à plusieurs rayons (de nombre paire), la lune y est un croissant comme dans le premier et le dernier quart de ses phases. Le soleil contenu dans le soyombo était encore bien présent au début de notre siècle: il n'a été remplacé que sous l'influence des “Jeunes Turcs” par l'étoile maçonnique à cinq branches qui, avec le quart de lune, évoque le symbolisme oriental du ciel nocturne.

L'empire ottoman et, avant lui, celui des Seldjouks, ont été en contact avec des territoires dont la valeur géopolitique est spécifique et significative: la région danubienne-anatolienne et la région iranique. Ces territoires semblent exiger de leurs maîtres d'assumer la même fonction que celle qu'assumaient avant eux les peuples qui les ont habités. Surtout dans le cas iranien, qui évoquait en un certain sens le monde de leurs origines.

Les Mongols sont le seul peuple à avoir conquis une bonne part de la World-Island, l'île du monde eurasiatique telle que la définissent les théories géopolitiques de Halford John Mackinder, étendant leur domination des côtes du Pacifique à la Mer Noire, en poussant même des pointes en direction de l'Allemagne et de l'Adriatique. La base de départ de leur expansion était la zone centrale du Heartland, selon un développement qui semblait suivre avec grande précision les lignes de la géopolitique la plus classique.

Dans ce cas, toutefois, le terme “mongol” est impropre. En fait, au début de l'“Année de la Panthère”, soit au printemps de 1206, Gengis Khan, le “souverain océanique”, dont le pouvoir s'étendait aux rives de quatre océans, qui descendait du Börte-Chino (le “Loup bleu du Ciel”) et de Qoa-Maral (la “Biche fauve”), convoque aux bouches du fleuve Onon le quriltai,  la grande assemblée, réunie autour du tuk  impérial (le drapeau blanc avec le gerfaut, le trident de flammes, les neuf queues bleues de yaks et les quatre queues blanches de chevaux). Y viennent les chefs d'une vaste coalition de peuples appelés à former le monghol ulus,  la nouvelle grande nation mongole. Mais, outre le Kökä Monghol, c'est-à-dire les “Mongols bleus gengiskhanides”, on trouvait, au sein de ce rassemblement qu'était la nouvelle grande nation mongole, des Mongols Oirat et Bouriates, les Turco-Mongols Merkit, les Toungouzes Tatarlar (Tatars) et les Turcs Kereit, Nemba'en (ou Nayman), les Ouighours et les Kirghizes.

Pour avoir accordé à tous ces peuples la nouvelle “nationalité” mongole dans le cadre de l'empire du “souverain océanique”, le “monghol ulus” était une coalition ethnique aux composantes variées, que l'on ne définira pas comme proprement “mongole” mais plutôt comme “altaïque” ou comme “centre-asiatique”, vu que cette nation élargie comprenait des peuples importants, ainsi que des tribus et des clans paléo-asiatiques et irano-touraniques.

L'expansion des Mongols en direction de l'Occident a été jugée de manières forts différentes par les peuples qui l'ont subie ou observée. En règle générale, cette expansion a suscité la terreur, de l'Asie centrale à la Russie, de l'Allemagne à la Hongrie, surtout en raison des terribles massacres commis par les envahisseurs.

Cependant, les Francs du Levant, détenteurs des Etats croisés survivant vaille que vaille, ont, eux, accueilli les Mongols comme des libérateurs. Dans leur cas, il ne s'agissait plus du “souverain océanique” mais de son petit-fils Hülagü, Khan de Perse et grand massacreur de musulmans. Hülagü combattait sans distinction tous les peuples islamiques, tant les Arabes que les Turcs occidentaux (les Seldjouks), et cela, pour deux motifs: l'un d'ordre essentiellement stratégique, l'autre, religieux. Le motif stratégique, c'était que, de fait, les Turcs occidentaux et les Arabes constituaient un obstacle à l'expansion mongole. Quant au motif religieux, les Mongols étaient à cette époque, pour une grande partie d'entre eux, des chrétiens nestoriens ou des bouddhistes. Hülagü était bouddhiste et sa favorite, Doquz-Khatoun, était chrétienne-nestorienne. Dès lors, ils massacraient tous les musulmans et épargnaient les chrétiens.

C'est pour cette raison que les Francs du Levant ont proclamé Hülagü et Doquz-Khatoun, le “nouveau Constantin et la nouvelle Hélène, très saints souverains unis pour la libération du Sépulcre du Christ”. Mongols et Croisés frappaient tous leurs étendards de croix et égorgeaient ou décapitaient tous les musulmans qui avaient l'infortune de se trouver sur leur chemin en Syrie ou en Palestine: les anciennes chroniques parlent de 1755 pyramides de têtes tranchées.

Mais quand la terreur a cessé, la moitié septentrionale de l'empire gengiskhanide a vécu la “pax mongolica”, permettant de réouvrir la “route de la soie” et de reprendre les échanges commerciaux entre l'Europe, l'Asie centrale et l'Extrême-Orient.

Plus tard, entre le XIVième et le XVième siècles, l'expansion ottomane en Europe et au Levant, de même que la turcisation et l'islamisation des khanats d'origine gengiskhanide d'Asie occidentale, ont provoqué un renversement complet de la situation: les contacts et les échanges entre l'Europe, l'Asie centrale et l'Extrême-Orient sont devenus très problématiques. Cette rupture des communications ont contraint notamment le Portugal et l'Espagne à franchir l'obstacle en amorçant une expansion maritime. Cette expansion outre-mer non seulement a réussi à rouvrir la route de l'Inde, mais aussi permi la découverte du Nouveau Monde. L'enjeu a donc été bien plus important qu'on ne l'avait prévu et l'expansion maritime des deux nations ibériques a été vite imitée par de nouvelles puissances navales, telles l'Angleterre, la Hollande et la France.

L'impossibilité d'atteindre rapidement et facilement l'Asie centrale et l'Extrême-Orient par les routes terrestres a obligé les Etats européens, à partir du XVième siècle, a opté pour une approche géopolitique complètement différente et de contourner par voie maritime toute la World-Island,  dans le but d'en atteindre les extrémités orientales par des voies extérieures. En d'autres termes, l'Europe, ne pouvant plus appliquer les règles découvertes cinq siècles plus tard par Mackinder, soit les règles de la géopolitique continentale, a à l'unanimité adopté celles de la géopolitique maritime, soit celles qu'allaient découvrir Mahan. L'Europe a donc abandonné son pouvoir continental pour partir à la recherche d'un pouvoir naval.

Au début, la valeur géopolitique de cette nouvelle option n'apparaissait pas très claire: il ne s'agissait pas encore d'une véritable expansion politique et stratégique, mais seulement de l'ouverture de voies commerciales. Toutefois, on est rapidement passé des comptoirs et établissements commerciaux à l'organisation de bases militaires et de points d'appui, occupés par des troupes. Ensuite, on s'est conquis des domaines coloniaux. A partir de ce moment-là, la pertinence géopolitique de l'expansion européenne d'outre-mer est dévenue très évidente.

Le Portugal établit ainsi en 1415 sa première tête de pont en Afrique, mais c'est encore en Méditerranée: il s'agit de la ville de Ceuta au Maroc, qu'il perdra par la suite à l'avantage de l'Espagne. Ensuite, les Portugais traversent l'Atlantique oriental, et commencent à contourner par voie maritime le continent noir. Ils abordent à Madère en 1417, aux Açores en 1431, au Cap Vert en 1445; ils atteignent l'embouchure du fleuve Congo en 1485, arrivent au Cap de Bonne Espérance en 1487 et, enfin, débarquent à Calicut (Kalikat/Kojikode) sur la côte sud-occidentale de la péninsule indienne. Ce n'est qu'après avoir ouvert la route des Indes que les Portugais se donnent de solides possessions coloniales le long de cette voie. Elles sont de véritables points d'appui stables pour garantir la libre circulation sur cette grande voie maritime. Ainsi, après Madère, les Açores, le Cap Vert et la Guinée, qui, de concert avec la métropole portugaise, formaient un système en soi, se sont ajoutées des colonies lointaines comme le Mozanbique (1506-07), la ville de Goa en Inde (1510) et l'Angola (1517).

Après s'être assuré de tous ces points d'appui et territoires, les Portugais complètent leur réseau de relais sur le chemin de la Chine en conquérant la partie orientale de l'île indonésienne de Timor en 1520 et en s'installant à Macao en 1553. Les Hollandais les empêchent de prendre l'ensemble de l'archipel. L'accès aux voies maritimes vers l'Orient est consolidé par la prise de possession de la côte occidentale de l'Atlantique, c'est-à-dire le Brésil, où le Portugal installe son premier point d'appui en 1526. Il achève la conquête du pays en 1680, après en avoir chassé les Hollandais.

L'Espagne évite dès lors toute tentative sur la route des Indes, déjà contrôlée par les Portugais. C'est cet état de choses qui motive la décision de la Reine Isabelle d'appuyer le projet de Colomb de trouver une autre route vers les Indes, en partant de l'Ouest au lieu de se diriger directement vers l'Est. Colomb n'a jamais atteint les Indes, mais, en revanche, il a découvert un autre continent, l'Amérique, qui s'est vite révélée très riche. L'Espagne s'est donc étendue à ce nouveau continent et en a occupé la moitié.

La découverte de l'Amérique réveille l'intérêt de l'Angleterre et de la France qui, contrairement à l'Espagne qui se projette sur la partie centrale et méridionale de ce double continent, tentent de s'emparer de sa partie septentrionale, à l'exception d'une brève parenthèse constituée par une tentative française de s'installer au Brésil entre 1555 et 1567. Anglais et Français commencent par n'assurer qu'une simple présence commerciale puis se taillent des domaines ouverts à la colonisation. Pour prospecter ce continent, les Anglais envoient en Amérique du Nord l'Italien Sebastiano Caboto (John Cabot) entre 1497 et 1498. Les Français envoient un autre Italien, Verrazzano en 1524, puis un des leurs, Cartier, en 1534. Mais toutes ces tentatives françaises et anglaises ne sont encore que des expédients: elles n'indiquent pas une ligne géopolitique spécifique et bien définie.

Le pouvoir naval anglais trouve ses origines dans les opérations conduites par l'ex-corsaire Sir Francis Drake entre 1572 et 1577. Ensuite, en 1584, Sir Walter Raleigh fonde la colonie de la Virginie, premier foyer de la future Nouvelle-Angleterre. Enfin, à partir de 1600, l'Angleterre se projette au-délà de l'Atlantique Sud et de l'Océan Indien et commence son expansion aux Indes, affrontant d'abord les Portugais, puis les Français.

Pendant une brève période de quelques décennies, le sea power anglais connaît une éclipse, causée par l'expansion outre-mer de la Hollande, qui venait d'arracher son indépendance à l'Espagne.

Les Hollandais, après l'expédition de Willem Barents dans les régions polaires, dans l'intention de trouver un passage maritime par le Nord pour atteindre la Chine, et après une guerre contre l'Angleterre au XVIIième siècle, prennent la même route que les Portugais vers les Indes, s'installent en Indonésie à partir de 1602, chassent les Portugais de Ceylan en 1609, et commencent à coloniser l'Afrique du Sud à partir de 1652. Les Boeren (Boers), terme signifiant “paysans”, sont donc les premiers habitants du pays, car ils s'y installent avant toutes les populations noires-africaines d'aujourd'hui. Toutefois les Hollandais ne renoncent pas à l'Amérique: en 1626, ils acquièrent l'île de Manhattan qu'ils achètent aux Ongwehonwe (les Iroquois) et lui donnent le nom de Nieuw Amsterdam. Les Anglais, en s'en emparant, lui donneront le nom de New York. Enfin, les Hollandais tentent de s'installer entre 1624 et 1664 dans le Nord-Est du Brésil.

Au cours de la seconde moitié du XVIIième siècle, la puissance navale anglaise renaît et la puissance navale française se forme. Toutes deux vont s'affronter. Tant la France que l'Angleterre tenteront une double expansion, vers l'Asie et vers l'Amérique du Nord.

La France en particulier tente de consolider ses possessions canadiennes, à partir de 1603. Ensuite, elle projette ses énergies vers l'Océan Indien, prend le contrôle de Madagascar entre 1643 et 1672, s'empare de l'île de la Réunion en 1654, afin de pénétrer dans le sub-continent indien. Toutefois tant l'Inde que le Canada lui échapperont, en dépit de l'acquisition de la Louisiane en 1682, qui soudait le territoire français d'Amérique du Nord, depuis la Baie de Hudson jusqu'au Golfe du Mexique. La France a dû céder le pas à l'Angleterre qui impose sa suprématie.

Après ce double échec français, l'histoire sera marquée, aux XVIIIième et XIXième siècles par l'expansion maritime de l'Angleterre et par la création de son “empire global”, basé sur le sea power. Comme l'empire britannique était fondé sur le pouvoir naval, son Kernraum n'est pas constitué du Heartland, mais par la maîtrise d'une masse océanique, l'Océan Indien, contre-partie maritime du “cœur du monde” continental.

Guido GIANNETTINI.

 

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mardi, 16 octobre 2007

Das Zeitalter der OLigarchen ist vorbei

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"Das Zeitalter der Oligarchen ist vorbei"

 Russland-Experte Wolfgang Seiffert über die Ära Putin, deren Fortsetzung und den Einfluss der Oligarchen

http://www.zurzeit.at/index.php?id=205

Herr Professor Seiffert, in der vergangenen Woche kam es in Rußland zu einem überraschenden Regierungswechsel. Der bis dahin unbekannte Viktor Subkow wurde neuer Regierungschef. Was hat das im Hinblick auf die Parlamentswahl im Dezember und die Präsidentenwahl im März 2008 zu bedeuten?

Wolfgang Seiffert: So überraschend war der Regierungswechsel nicht, denn er wurde erwartet. Überraschend war aber, daß Subkow zum Regierungschef vorgeschlagen wurde und dann auch von der Duma gewählt worden ist. Ich glaube, er steht für die Fortsetzung des Kurses, den Präsident Putin eingeschlagen hat, und an seinem Regierungsprogramm sehe ich, daß er weiter auf wirtschaftliche Stabilität – auch auf die Stabilität des Rubels – setzt, aber auch weitere neue Akzente setzt, indem er z.B. Fehler der Vergangenheit in der Sozialpolitik und bei der Gesundheitsvorsorge korrigieren will. Da Subkow gleichzeitig gesagt hat, daß personelle Veränderungen in der Regierung stattfinden werden, muß man davon ausgehen, daß das auch auf den Gebieten der Wirtschaft, der Gesundheits- und Sozialpolitik der Fall sein wird. Auch ist überraschend, daß er nicht ausgeschlossen hat, im nächsten Jahr bei den Präsidentenwahlen zu kandidieren. Putin hat das einerseits bestätigt und andererseits gesagt, daß es von Subkows Erfolg als Regierungschef abhänge und daß es fünf Kandidaten gebe, die das Amt ausüben können. Allerdings hat Putin keine Namen genannt.

Welche Chancen hätte Subkow bei der Präsidentenwahl?

Seiffert: Ich glaube, er hat gute Chancen. Denn Subkow ist ein alter Freund aus Putins Petersburger Tagen, und die beiden können schon seit 15 Jahren gut miteinander. Außerdem gibt Subkow, der 66 Jahre alt ist, Putin die Aussicht, in vier Jahren wieder zu kandidieren. Schließlich wäre er dann 70 Jahre alt, sodaß es Zeit für einen „natürlichen Wechsel“ wäre.

Es wird derzeit aber auch spekuliert, daß Subkow, sofern er Präsident wird, nach einer gewissen Zeit aus „gesundheitlichen Gründen“ zurücktreten könnte, um Putin Platz zu machen.

Seiffert: Diese Spekulationen haben keinen Rückhalt, denn Subkow macht mit seinen 66 Jahren einen gesunden Eindruck. Ich glaube, wenn er es schafft, Präsident zu werden, daß er das Amt vier Jahre gut ausüben kann.

Wenn Sie ein Resümee über Putins Amtszeit ziehen: Was würden Sie besonders hervorheben?

Seiffert: Erstens hat er die vielen Unsicherheiten und Instabilitäten im Lande beseitigt. Er hat dafür gesorgt, daß die Löhne, Gehälter und Renten regelmäßig gezahlt werden; er hat dafür gesorgt, daß Rußland wieder zu einer wirtschaftlichen Stabilität findet und daß die Auslandsschulden fast vollständig beglichen sind. Auf wirtschaftlichem Gebiet bezweifelt heute auch der schärfste Kritiker nicht, daß Rußland wieder eine wirtschaftliche Großmacht ist – nicht nur auf dem Gebiet der Bodenschätze, sondern auch im Bereich der Industrie, wo Rußland immer mehr mit dem Westen Schritt halten kann.

Und es ist auch auffallend, daß Rußland unter Putin wieder ein neues außenpolitisches Selbstbewußtsein zeigt.

Seiffert: Das ist richtig. Der frühere Premier Primakow, der jetzt Chef der Industrie- und Handelskammer in Moskau ist, hat gesagt: „Unmittelbar nach dem politischen Wechsel von der kommunistischen Herrschaft zu Demokratie und Rechtsstaat haben wir uns im Schlepptau der USA bewegt. Aber das ist jetzt vorbei, jetzt haben wir wieder unsere eigenen nationalen Interessen, die wir in den internationalen Gremien selbstbewußt vertreten.“ Das wird auch von den führenden Personen in Rußland so gesehen, und die Bevölkerung akzeptiert das. Denn es ist die Meinung weit verbreitet, daß Rußland durch die Entwicklung bis Anfang der 90er Jahre sein Gesicht in der Welt verloren hat, weshalb begrüßt wird, daß dies wieder hergestellt wird.

Die USA haben in den 90er Jahren auch versucht, sich Teile der russischen Einflußsphäre einzuverleiben…

Seiffert: Die USA unter Präsident Bush haben einerseits – und das ist auch auf Putin zurückzuführen – mit Rußland zusammengearbeitet, um etwa die Weiterverbreitung von Atomwaffen zu verhindern. Das wird wohl auch nach dem Wechsel von Putin zu einem anderen Präsidenten – gleiches gilt für die USA, wo Bush 2008 ebenfalls abtritt – so bleiben. Andererseits haben die USA versucht, die ehemaligen Staaten der Sowjetunion, die 1990 ausgeschieden sind – die Ukraine und die Staaten im Kaukasus wie Georgien – auf ihre Seite zu ziehen. Dabei haben sie Kräfte unterstützt, von denen sie ausgehen, daß sie Amerika aufgeschlossen gegenübertreten. Es gab beispielsweise die sogenannte orangene Revolution in der Ukraine, aber dieses Pendel ist schon wieder zurückgeschlagen. Denn in der Ukraine verfolgt Premier Janukowitsch eine andere Politik als Präsident Juschtschenko. Die Hoffnung der USA, Rußland einzukreisen, hat Rückschläge erlitten, aber der Versuch ist noch nicht beendet. Dagegen wenden sich viele im Lande, und Putin mit einer stärkeren Ausrichtung auf die Armee. So hat der neue Premier Subkow versprochen, ab 1. Dezember die Gehälter der Armeeangehörigen zu erhöhen, Rußland hat den Abrüstungsvertrag in Europa auf Eis gelegt, und die Flüge um die Grenzen der Russischen Föderation aufgenommen, die mit dem Ende des Kalten Krieges beendet wurden, und Rußland hat eine neue Vakuumbombe getestet. Das ist keine Bedrohung des Westens, sondern eine Reaktion darauf, daß die NATO mit der Aufnahme ehemaliger Sowjetstaaten immer näher an Rußland herangerückt ist.

Im vergangenen Jahr sorgte ein russisches Gesetz, wonach die Tätigkeit von Nichtregierungsorganisationen eingeschränkt wird, im Westen für Aufregung. Wie stark ist denn der Einfluß der von den USA unterstützten Nichtregierungsorganisationen auf die russische Politik?

Seiffert: Dieser Einfluß ist sehr gering. Was das Gesetz betrifft, so richtet es sich vor allem dagegen zu kontrollieren, wenn nicht zu verhindern, daß vom Ausland finanzielle Mittel an diese Nichtregierungsorganisationen fließen. Denn die russische Regierung – ob zu Recht oder zu Unrecht sei dahingestellt – sieht darin Versuche, in ihrem eigenen Land Gruppen zu schaffen, die, beispielsweise wie in der Ukraine oder in Georgien, im Sinne der USA tätig werden. Wegen des geringen Einflusses dieser Gruppen wurde dieses Gesetz nicht beschlossen, sondern weil Putin glaubt, daß er auf alle Fälle die innere Stabilität sicherstellen muß, weil sonst auch die wirtschaftliche Entwicklung in Rußland gefährdet werden könnte, und weil er befürchtet oder weiß, in welchem Umfang ausländische Geldgeber diese Gruppen unterstützen.

Stimmen eigentlich die Vorwürfe, Putin habe einen autoritären Staat geschaffen?

Seiffert: Es ist ganz offensichtlich, daß Putin einerseits bemüht ist, die seit 1993 geltende Verfassung einzuhalten. Das sieht man jetzt wieder beim Regierungswechsel, der von Artikel 111 der russischen Verfassung gedeckt ist. Andererseits versucht Putin im Rahmen der vorgegebenen Bedingungen, eine stabile Entwicklung sicherzustellen, und diesem Schritt diente auch die neue Regierungsbildung. Westliche Medien haben lange Zeit behauptet, daß Putin mit der absoluten Mehrheit in der Duma versuchen werde, die Verfassung zu ändern, damit er ein drittes Mal als Präsident kandidieren kann – aber das hat er von Anfang an abgelehnt und betont, daß er sich an die Verfassung hält.

Sie sprachen vorhin, davon daß Putin Rußland wirtschaftlich stabilisiert hat. Nun werden aber weiterhin wichtige Zweige der Industrie – Rüstung, Stahl, Energie, aber auch die Medien – von den sogenannten Oligarchen kontrolliert…

Seiffert: Hier muß man unterscheiden: Erstens gibt es in Rußland strategisch wichtige Industrien, die weitgehend in staatlicher Hand sind. Wenn Sie beispielsweise den Energiekonzern Gazprom nehmen, dann ist das eine privatrechtlich organisierte Aktiengesellschaft, aber die Mehrheit der Aktion hält der russische Staat. Und dann gibt es Oligarchen, die – wie der bekannte Michail Chodorkowski – in den Jahren der Amtszeit Jelzins entstanden sind und auf nicht ganz einwandfreie Weise zu Milliardenbeträgen gekommen sind. Gegen diese Oligarchen war in Rußland rechtlich vorgegangen worden: Der Oligarch Chodorkowski verbüßt wegen Steuerhinterziehung und Betrug eine mehrjährige Haftstrafe in Sibirien, und der Oligarch Beresowski ging ins Ausland und betreibt von London aus eine Anti-Putin-Politik, obwohl er sich früher dafür eingesetzt hat, daß Putin Präsident wird. Und die übrigen Oligarchen gibt es nach wie vor, aber sie betreiben keine Politik gegen Putin, sondern sind wirtschaftlich tätig und wollen Geld verdienen. Wie weit sie im Ausland investieren, ist dabei eine andere Frage. Interessant ist – und das ist wohl auch Subkow zuzuschreiben, der Leiter der Finanzaufsichtsbehörde war – daß früher mehr Geld ins Ausland floß als nach Rußland kam. Die russische Zentralbank hat in ihrer Kapitalbilanz mitgeteilt, daß im Jahr 2006 der Kapitalüberschuß 151 Milliarden betragen hat. Die Kapitalflucht, die es eine Zeit lang gegeben hat, konnte also gestoppt werden.

Beim Prozeß gegen Chodorkowski wurde kritisiert, daß rechtsstaatliche Kriterien verletzt worden wären. Trifft dieser Vorwurf zu?

Seiffert: Ich halte es für denkbar, daß beim Prozeß gegen Chodorkowski vom juristischen Standpunkt her handwerkliche Fehler unterlaufen sind. Aber in der Hauptsache wird die Bestrafung zutreffend sein, denn sowohl der Betrug als auch die Steuerhinterziehung sind nachgewiesen und wurden in Rußland von den Instanzen überprüft und bestätigt. Jetzt liegt eine Beschwerde beim Europäischen Gerichtshof für Menschenrechte vor, über die aber bis jetzt noch nicht entschieden wurde.

Wenn sich heute, wie Sie sagten, die Oligarchen im wesentlichen ihren Geschäften widmen, dann ist wohl eine Rückkehr in die 90er Jahre, in die Jelzin-Zeit, wo die Oligarchen und nicht der Präsident die Politik des Landes bestimmt haben, ausgeschlossen?

Seiffert: Diese Zeit ist vorbei, und ich sehe auch keine Möglichkeit zur Rückkehr in diese Verhältnisse. Denn dafür gibt es auch in der Bevölkerung keine Unterstützung.

Und welche Rolle spielt die vom Westen so genannte „liberale Opposition“?

Seiffert: Der Einfluß von Gruppen wie dem „Komitee 2008“ unter dem früheren Ministerpräsidenten Kasjanow und dem früheren Schachweltmeister Kasparow ist in Rußland verschwindend gering. Bei Wahlen haben sie keine Chancen, zumal die Leute sagen, Kasjanow sei nicht besser als die anderen, und bei Kasparow wissen sie genau, daß er zwei Staatsangehörigkeiten – die russische und die amerikanische – besitzt. Putin hat es verstanden, auf die entscheidenden Machtpositionen des Landes Einfluß zu nehmen und sie mit Personen seines Vertrauens zu besetzen. Insofern kann man von einem „System Putin“ sprechen.

Das Gespräch führte Bernhard Tomaschitz.

Prof. Dr. Wolfgang Seiffert:
Bis 1978 Professor für Internationales Wirtschafts- und Völkerrecht in Ost-Berlin. Danach Übersiedelung in die Bundesrepublik, wo er bis 1994 am Institut für Osteuropäisches Recht der Universität Kiel arbeitete. Prof. Seiffert ist Autor mehrerer Bücher, darunter „Wladimir W. Putin – Wiedergeburt einer Weltmacht?“ und „Selbstbestimmt – Ein Leben im Spannungsfeld von geteiltem Deutschland und russischer Politik“

samedi, 06 octobre 2007

Une Birmania "americana"?

Una Birmania "americana": i timori di Mosca, Pechino e Delhi

di Giuseppe Zaccagni

Non si placa la repressione e non cessa la rivolta in Myanmar. Ma Russia, India e Cina credono di vedere, nel mare “zafferano” della rivolta birmana, anche le bandiere a stelle e strisce della potenza americana. E mai come questa volta il duro giudizio geostrategico accomuna le diplomazie dei tre paesi. Ossessionati dall’espansionismo americano temendo che il sì a un’ingerenza negli affari interni di un Paese sovrano possa in futuro essere usata anche contro di loro. Come già avvenuto in Ucraina e in Georgia per la Russia, nel Pakistan per l’India e per la Cina con il Tibet. E così c’è un “no” agli americani che non è solo un grido che esce dai palazzi delle diplomazie. Fanno così ingresso nell’arena politica asiatica alcune concezioni geopolitiche che vanno ad opporsi alle idee sviluppate, nei media mondiali, sulla base di quanto avviene a Bangkok. Perché sia al Cremlino di Putin che nella capitale indiana che fu di Gandhi, che nella cittadella cinese che fu di Mao, la questione birmana è seguita sotto due aspetti. Il primo - che è poi quello più importante - riguarda la preoccupazione che si riferisce al fatto che le proteste che sconvolgono il paese asiatico siano il frutto di precise manovre di stampo americano.

Le tre grandi potenze dell’Eurasia, infatti, non vogliono accettare che nel continente si affacci - sotto la copertura della battaglia per i diritti umani - l’America di Bush. E qui il discorso generale diventa sempre più complesso. E, comunque, fragile e manovrabile. Da un lato, infatti, c’è la tragica situazione birmana (che è reale) e dall’altro c’è una volontà di stampo americano che punta a creare una sua base di forza proprio nel cuore del continente dove, ormai, a fare da “padroni” sono indiani, cinesi e russi. Di qui il tentativo americano - questo si sostiene in Eurasia - di tirare i fili di un disegno che dovrebbe essere destinato a cambiare il corso della storia. E tutto avviene mentre gran parte dell’occidente si interroga sulle posizioni di attesa pragmatica che si registrano a Mosca, a Delhi e a Pechino. Con le diplomazie dei tre paesi che si limitano (per ora) ad osservare quanto avviene nelle strade birmane lasciando, comunque, ai media il compito di seguire con distacco gli avvenimenti.

C’è un qualcosa di strano e di inedito che caratterizza l’evolversi della situazione almeno dal punto di vista delle relazioni che i tre grandi paesi euro-asiatici vogliono mantenere con la Birmania, oggi e in futuro, pur ponendosi in uno stato d’allerta nei confronti di un processo che potrebbe sfociare in un liberismo sfrenato che aprirebbe le porte al dominio del Nuovo Ordine Mondiale. E le conseguenze - secondo i politologi della Russia, dell’India e della Cina - potrebbero essere catastrofiche. Perché si aprirebbe in quel paese una pagina di disgregazioni sociali, di conflitti etnici e di scontri con i paesi confinanti. E il colore “zafferano” dei monaci diverrebbe un colore grigio, carico di soluzioni ignote. Non a caso, dicono i politici dell’Asia, l’America di Bush ha deciso di aprire il fronte birmano proprio nel momento in cui registra insuccessi in Iraq e, in generale, nell’intero Medio Oriente.

Il secondo aspetto di questa complessa questione birmana riguarda il rapporto economico che Mosca, Delhi e Pechino, hanno con Bangkok. E qui va subito ricordato che proprio nei giorni scorsi - mentre in Birmania si scatenavano i monaci seguiti da grandi folle - la Russia confermava la sua posizione di non ostilità alla giunta birmana. Infatti, dopo aver bloccato l'adozione di una risoluzione di condanna contro la repressione Putin si affrettava a giudicare "premature" le sanzioni mentre l'argomento era ancora all'esame alle Nazioni Unite: "E' troppo presto per parlarne", dichiarava un portavoce del Cremlino. E subito era chiaro che la posizione di Putin, analogamente a quella degli indiani e dei cinesi, era tesa a difendere precisi interessi economici, a cominciare dalla vendita di un reattore atomico (ad acqua leggera della capacità di 10 MW che utilizzerà uranio arricchito al 20%.) di produzione russa, che mirerebbe a bilanciare la totale dipendenza birmana da fonti controllate dagli americani.

C’è poi l’India che non vede di buon occhio la scesa in campo delle forze religiose. E non è un caso se a Delhi, oggi, si ricorda che nell’ottobre del 2004 il generalissimo Than Shwe, capo del regime dittatoriale birmano, fu ricevuto con tutti gli onori dal governo progressista dopo 24 anni di gelo diplomatico. Allora fu firmato uno storico trattato che vedeva tra i primi punti d’intesa una serie di impegni per superare il contrasto che c’era con la Cina segnato da quelle antiche popolazioni divise dalle moderne frontiere politiche.

Pechino, dal canto suo, si mostra preoccupata. Di conseguenza, impedisce all’Onu di varare nuove sanzioni contro il regime birmano. Non è sola: Mosca si schiera al suo fianco. Ed oggi la spaccatura diplomatica è netta e vede contrapposte da un lato Russia e Cina, dall’altro l’America e l’Europa, che hanno deciso misure unilaterali. In questo contesto va anche detto che Nuova Delhi finora si è, in un certo senso, defilata, sebbene siano in gioco ricchi contratti per forniture militari.

E’ l’economia, quindi, che detta le sue leggi geopolitiche anche in questa difficile regione? Le risposte che arrivano dalle diplomazie occidentali più attente all’Asia propendono per il “si”. Si fa notare che Cina e Russia intrattengono forti relazioni con la Birmania e che e un eventuale embargo imposto a livello internazionale sconvolgerebbe tali relazioni. Intanto il veto di Pechino è motivato in senso politico dall'ambasciatore al Palazzo di Vetro Wang Guangya: la Cina - dice - "confina con la Birmania e quindi più di ogni altro è interessata alla stabilità e alla riconciliazione del Paese", giudicando che le sanzioni economiche sarebbero inutili. Inoltre Guangya precisa che "anche se la situazione è problematica, riteniamo che non costituisca una minaccia alla pace e alla sicurezza internazionale".

Il fatto che la questione sia un fatto interno è già stata la ragione attraverso la quale Cina e Russia bloccarono una nuova proposta che chiedeva sanzioni per il regime, presentata nello scorso gennaio. Non va dimenticato che la Cina è interessata ai ricchi giacimenti di gas (equivalenti a centinaia di milioni di barili di greggio), a un porto sull’Oceano Indiano, a oleodotti per portare il greggio proveniente da Africa, Medio Oriente e Venezuela dalla costa orientale del Golfo del Bengala sino alla regione cinese dello Yunnan, ma anche a un mercato per le proprie merci in partenza per l’India, il Medio Oriente e anche l’Europa. Tutto questo per non parlare di quel milione di cinesi che nel giro di questi ultimi anni si sono stabiliti in Birmania.

Comunque sia a Mosca c'é ottimismo sulla possibilità di una svolta in questa lunga e complessa lotta. E l’opposizione - guidata dalla signora Aung San Suu Kyi - potrebbe trovare anche una chiave “asiatica” per definire meglio i suoi obiettivi. Ma questo vorrebbe dire che gli americani verrebbero confinati nel ruolo di spettatori. Ed è una condizione che Bush non accetterà mai.


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