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vendredi, 19 juin 2009

Des langues fortes pour un monde de diversité

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Des langues fortes pour un monde de diversité

Ex: http://unitepopulaire.org/

« Rien dans le chapitre XI de la Genèse ne dit explicitement que la babélisation soit un châtiment. Les Juifs bâtissent une tour extrêmement élevée et l’Eternel dit : "dispersons-les et confondons leur langue, ils pourraient s’élever encore plus haut". Mais nulle part Il ne dit quelque chose comme : "je vais les disperser pour les punir". Je me suis servi de cette absence pour dire que la babélisation est un bien. Et je m’inscris aussi – puisqu’une partie de ma culture est juive et une autre partie est chrétienne – dans une tradition rabbinique ancienne. Certains rabbins – pas tous – ont considéré que Babel était un accomplissement de la véritable destinée des hommes. Dans cette tradition rabbinique, la dispersion est plutôt une bénédiction, dans le sens où aller aux antipodes, essaimer est la vocation humaine même.

 

L’homogénéisation linguistique probable, mais finalement pas certaine du tout, et même, peut-être, assez improbable pour d’autres aspects, l’américanisation par l’anglo-américain non seulement sont insupportables à mes yeux, mais en plus elles ne correspondent pas à la vocation humaine. La vocation humaine n’est pas dans l’uniformisation linguistique, pas plus que dans celle de l’identité. La vocation humaine, comme celle des végétaux et des animaux – finalement nous sommes une espèce vivante parmi d’autre! – est celle d’êtres vivants qui, comme les autres êtres vivants, par nature se dispersent et deviennent de plus en plus différents les uns des autres. L’idée d’une unité de langue est totalement à l’opposé de mes convictions et de mes passions. […]

 

Mon idée, c’est que les langues comme espèces vivantes naissent, vivent et meurent. Mais elles sont aussi capables d’être ressuscitées. L’hébreu est le seul exemple que l’on connaisse, exemple unique extraordinaire, fascinant. Mais même s’il est unique, il est imitable potentiellement. Les langues, contrairement à toutes les espèces vivantes, sont susceptibles de ressusciter. »

 

Claude Hagège, linguiste, auteur du Dictionnaire Amoureux des Langues, Le Temps, 16 mai 2009

vendredi, 12 juin 2009

Les noms d'origine gauloise

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Les noms d'origine gauloise

ex: http://www.yanndarc.com/

Sous ce titre presque anodin, ce docteur ès lettres, spécialiste de la langue gauloise, produit une synthèse extrêmement étendue sur le sujet : 3 à 4000 noms de lieux sont aujourd’hui inventoriés en France, ce qui montre selon lui que « notre carte de France est en partie écrite en gaulois ».
Les chapitres du livre traitent en priorité d’une des spécialités de nos ancêtres : la guerre. Ainsi, le premier chapitre s’intitule « les raisons des combats », et les suivants, « l’équipement militaire », « la guerre de défense », « la guerre d’attaque » et « la Gaule des combats ».

 


Il est agrémenté de listes de toponymes où l’on retrouve les correspondances entre les noms des tribus et celles de notre actuelle géographie : les Andecavi sont ainsi les ancêtres des Angevins, Les Rèmes habitent la région de Reims, les Petrocori la région de Périgueux.
Les cartes proposées sont encore plus surprenantes par leur correspondance avec les actuelles frontières des départements, pourtant si décriés par les milieux identitaires : ainsi, la cité des Cénomans correspond-elle peu ou prou aux limites de la Sarthe, celle des Turons à celles de l’Indre-et-Loire. Certaines régions (et anciennes provinces) se retrouvent elles aussi : le Limousin et ses trois départements se superposent aux frontières de la cité des Lémoviques, l’Auvergne correspond à la cité des Arvernes.


De nombreux toponymes sont inventoriés : ainsi, « randa » désigne une limite, une fontière : il donne une foule de noms  de lieux, tels que Eygurande, Randon, Chamarandes, Néronde ou Ingrandes. Nombreux sont ceux, comme nous le disions plus haut, liés à la guerre ou tout du moins à l’état quasi permanent de belligérance : les troupes de combat appelées « Catuslogues » donnent Châlons (en Champagne) ; la racine « vic » désignant les combattants donnent Evreux (Ebro-vici) ou Limoges (Lemo-vici) ; les Boïens (pays de Buch) sont les « frappeurs », les Calètes (pays de Caux) les « durs ». Lacroix nous explique que « dans les sociétés indo-européennes, le roi est – doit être – riche.  A la guerre, il touche une large part du butin ; mais en même temps, il lui faut être nourricier. Le roi, le chef gaulois, se devait d’assurer la richesse à son peuple ; l’action guerrière y pourvoira. Le thème celtique rix qu’on reconnaît dans le nom des rois et chefs gaulois (dont bien sûr Vercingétorix) s’est transmis au germanique, qui l’a redonné ensuite au français riche ; la superposition des sens est éclairante sur les motivations guerrières des peuples antiques, et en particulier gaulois. »
Le vêtement gaulois nous est quasiment familier : galoches, braies et saies sont des termes encore utilisés au début du xx° siècle.


Leurs armes jouent un grand rôle dans la vie des cités au point de participer à la désignation de certains peuples : les cornes des casques donnent les Carnutes (de Chartres) ou les Slovènes de Carnium (aujourd’hui Kranj).
Le bouclier est désigné par le « radical celtique tal-, désignant étymologiquement ce qui est plat. On trouve à son origine un thème indo-européen *tel- appliqué à des surfaces planes : sanskrit talam, surface, paume ; vieux-slave tilo, pavé, sol ; lituanien pa-talos, lit ; grec telia, table à jouer ; latin tellus, terre. Cette base est bien représentée dans les langues celtiques : vieil irlandais talam, terre ; gallois, cornique, breton tal, front (…). Le sens éthymologique du thème gaulois est parfaitement justifié : à la différence des boucliers grecs et romains, de forme enveloppante, le bouclier celtique se caractérisait par sa surface quasiment plane. » Quel exemplaire démonstration de la parenté des peuples issus du fond commun indo-européen ! Et cette racine participe à des anthroponymes pleins de poésie : Actalus, grand bouclier ; Cassitalos, bouclier d’airain ; Argiotalus, bouclier d’argent, etc…ainsi qu’à des toponymes : Talais, Talazac, Tailly. Le bouclier plat des Celtes est devenu aujourd’hui la pacifique « taloche » des maçons…seule la gifle appliquée sur la figure avec le plat de la main, peut encore évoquer la lointaine époque des guerres héroïques : n’hésitez donc pas à en user contre vos adversaires, car il est bon que les traditions se maintiennent…


Le terme français de glaive doit être relié selon toute vraisemblance à un très ancien radical celtique (…) cladi (…) vieil irlandais claideb et irlandais claioimh, épée ; moyen-gallois cledy (…) breton kleze. L’écossais moderne claidheamb employé avec l’adjectif « mor », grand, a fait naître l’anglais « Claymore » ; c’est la grande épée d’Ecosse, à lame  longue et large, popularisée en France au XIX° siècle pour les besoins du folklore celte (La harpe du barde ne se marie qu’au fracas des claymores et aux mugissements des tempêtes, écrit dans un style fort caricatural le romantique Charles Nodier).
Tite-Live note qu’au début du IV° siècle av. JC. Les armes gauloises frappèrent d’étonnement les habitants de Clusium qui n’en avaient jamais vu de semblables. Le gladius des Romains est donc un emprunt au *cladios
gaulois.


Encore une fois, les armes donnent leur nom aux peuples qui en usent : l’aulne des boucliers a donné les Arvernes, le javelot, la localité de Javols et le Gévaudan. Ceux-qui-vainquent-avec-[le bois de] -l’orme [de leur javelot] sont les Lémoviques du Limousin. Ceux-qui-combatttent-par-l’if, sont un peuple d’archers, les Eburovices d’Evreux.
Mieux encore, comme dans le Seigneur des Anneaux, un poème gallois ancien , le Kat Godeu, combat des arbrisseaux, nous montre une armée d’arbres, aux essences choisies, qui s’avancent au combat (le thème en sera repris dans le Macbeth de Shakespeare, qui emprunte à la féerie celtique).
Pas de bataille sans appel aux Dieux : « On peut penser qu’avec les Druides, au moment où la nation engageait son avenir, les chefs du peuple –guides et protecteurs terrestres –et derrière eux les chefs militaires, jouaient le rôle d’intercesseurs auprès des Dieux. Les premières prières se tournaient sans doute vers le dieu national de la teuta, bienfaiteur du peuple en temps de paix, et surtout chef guerrier suprême en temps de guerre : le féroce Teutatès (ou Toutatis, que cite Lucain (…) à l’époque gallo-romaine, il sera du reste invoqué sous l’appellation de Mars Toutatis…Toujours cette parenté entre les peuples indo-européens qui facilite les échanges. L’Histoire nous a conservé le souvenir de deux rois gaulois appelés Teutomate (…). Leur nom signifiait celui-qui-est-bon-pour-la-Tribu.


Le dieu Lug, décrit dans les anciens récits celtes anciens comme un jeune dieu guerrier, fort et combatif, armé d’une lance invincible, pouvait être invoqué par les combattants se préparant à affronter la fortune des armes, donne son nom à Lyon (Lug-dunum), mais aussi Laon, et Loudun.
Chaque tribu dispose d’un emblème, voire d’un animal totémique : les Caturci sont probablement les Sangliers-du-Combat, et se fixent à Cahors ; les Tarbelles doivent leur appellation au taureau (tarvos) , et sont fixés dans la région de Tarbes ; les Volques ont pour emblème le faucon (en celtique volco). Plus surprenant, déformée en wahl, l’expression va servir aux anciens Germains à désigner les populations étrangères avec qui ils étaient en contact (groupes celtes, puis de langue romane), une connotation péjorative s’y attachant. D’où une série de noms de peuples : Wallons, Valaques, Gallois, Gaulois.
Pour s’imposer sur le champ de bataille, la guerre psychologique n’est pas sans intérêt : ainsi les Bellovaques (de Beauvais), réputé parmi les peuples gaulois pour les plus valeureux, sont étymologiquement ceux-qui-luttent-en-criant ce qui ne manquait assurément pas de paralyser l’adversaire.


Tite-Live évoque la furie gauloise qui se manifestait au combat. Les auteurs antiques sont nombreux à souligner la fureur guerrière des attaquants celtes (ce que les Romains appellent furor, de « furo » être fou, apparenté à l’avestique dvaraiti, « il se précipite », en parlant des démons : état de transe inspirée par le divin, dépassant l’homme qui n’en est plus le maître. Fureur (…) qui transporte l’homme au dessus de lui-même, le met au niveau d’exploits qui, normalement, le dépasseraient. Voilà le germe précieux des grandes victoires, commente Georges Dumézil. (…) Notre mot gaillard, lié à la vigueur, à la vaillance, est issu d’un terme gaulois *galia, force, bravoure,(…) et donne les noms de famille suivants : Gaillard, Gallard, (…), Gaillou.
Quand le guerrier s’avère cruel (c’est parfois nécessaire, mais toujours moralement problématique), il est qualifié de *crodio. Détail amusant, ce qualificatif a perduré localement, particulièrement en Suisse et Haut-Jura où il a pris la forme crouille pour désigner les « méchants », « de mauvaise apparence », la « canaille ».

Il est impossible de résumer une œuvre aussi imposante que celle de Jacques Lacroix, sans laisser de côté une infinie quantité d’exemples fascinants, ainsi que tout l’appareillage de notes et de références bibliographiques.
Cet ouvrage savant est pourtant d’une lecture aisée : il peut être avalé d’une traite ou utilisé comme une sorte de dictionnaire, voire de guide de voyage pour un tour de France de la topographie gauloise. Il offre à l’identitaire un moyen de révéler et d’exalter des racines qu’il découvrira bien plus proches qu’il ne l’imagine. Enfin, les exemples cités le montrent assez bien, la connaissance de nos ancêtres les Gaulois ne remplit pas qu’une fonction de simple érudition, mais ceux-ci peuvent être à bien des égards des éveilleurs et des modèles.

 

Jacques LACROIX, Les noms d’origine gauloise, la Gaule des combats. Editions errance, 2003

 

Source

samedi, 22 mars 2008

Charles Kay Ogden

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22 mars 1957 : Mort à Londres de l’écrivain et linguiste Charles Kay Ogden, inventeur des méthodes d’en­seignement du “basic English”. Ogden forge effectivement les règles d’un anglais standardisé, uniformisé, apte à être enseigné sur la planète entière. Il commence ce combat dès 1912 et achèvera de mettre sa méthode au point vers 1934, une méthode qui se base, entre autres choses, sur une étude précise de la signification des mots. Tout au long de cette période de maturation de sa pensée, le grand public se désintéresse de ses efforts. La seconde guerre mondiale et l’alliance indéfectible entre Churchill et Roosevelt va changer sa situation. Le Premier Ministre britannique, dont on connaît le bellicisme outrancier, l’appelle en 1943 pour diriger un comité afin de diffuser dans le monde le “basic English” et sanctionner, par là, la victoire des puissances maritimes sur le continent européen. C’est Ogden qui est le linguiste à la base de la plupart des méthodes utilisées dans l’en­seignement de l’anglais en dehors des pays anglophones.

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lundi, 14 mai 2007

Dictionnaire des onomatopées

Dictionnaire des onomatopées,

par Marc Laudelout

http://louisferdinandceline.free.fr/index2.htm
Bulletin célinien n°240, avril 2003

Bien qu’ils soient couramment utilisés, ces mots sont pour la plupart traités avec désinvolture, sinon ignorés par les dictionnaires et les grammaires. Ce sont pourtant bien des mots qui rendent compte de réalités précises, mais dont l’inventaire n’avait jamais été effectué par quiconque. Pierre Enckell et Pierre Rézeau en ont répéré, avec passion et exactitude, les apparitions dans des milliers d’ouvrages anciens et modernes, pour les classer et les analyser selon les meilleures normes lexicographiques. De ah à zzz, leurs origines lointaines y sont déterminées, leurs emplois actuels sont définis, leurs sens divers classés et illustrés par une multitude d’exemples où Balzac et Claudel côtoient... Céline. Comme on s’en doute, celui-ci tient une belle place dans ce dictionnaire où se retrouvent des citations de ses romans, mais aussi des fameuses satires que d’aucuns appellent improprement " pamphlets ". C’est dans un roman échevelé comme Guignol’s band que le choix est le plus vaste : de "bing" à "badaboum" en passant par "vraoum" ou "vlaouf", la moisson est ample.

Avec ce dictionnaire, c’est tout un pan méconnu de notre langue qui est révélé. Écoutons Jean-Paul Resweber, le préfacier : " La musique de l’onomatopée est légère et brève, même si elle se répète à la façon d’une ritournelle, car le rythme en souffle la mélodie à chaque avancée. Elle imite les bruits du monde à la légère, sans tension ni crispation. Elle nous invite à affleurer à la superficie du monde, en nous faisant renoncer à l’illusion tragique des profondeurs. Elle nous répète que le monde est un jeu : le jeu de l’enfant héraclitéen qui sautille sur le damier de la marelle. Nietzsche rêvait que les mots perdent enfin leur sérieux, pour jouer la musique du monde et nous faire danser sur les choses. L’onomatopée nous rappelle à cette insoutenable légèreté de l’être du monde. " Comme on le voit, ce livre qui peut, au premier abord, paraître frivole ne l’est pas du tout. Et l’on a ainsi la confirmation que Céline, musicien hors pair, utilise avec brio toutes les ressources du langage – le trésor onomatopéique n’étant assurément pas le moindre.

M. L.

 Pierre ENCKELL & Pierre RÉZEAU. Dictionnaire des onomatopées, Presses Universitaires de France, 584 pages.

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