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mardi, 29 mars 2022

Après le pétrodollar, le pétrorouble ?

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Après le pétrodollar, le pétrorouble?

par Fabrizio Pezzani 

Source: https://www.ariannaeditrice.it/articoli/dopo-il-petrodollaro-il-petrorublo

La terrible et pénible guerre sur le terrain est flanquée d'une guerre financière qui a commencé par des sanctions et l'utilisation du système Swift pour geler la finance russe, qui répond maintenant par une demande d'obtenir des paiements en roubles pour son énergie, son gaz et son pétrole, soit un milliard de dollars par jour. Le "rouble pétrolier" se range-t-il aux côtés du pétrodollar dans la guerre des devises ?

Afin de comprendre la signification de cette opération, qui visait à soutenir le rouble, mais aussi à soutenir de manière incisive un processus de dédollarisation avec la Chine, il est utile de rappeler la naissance du pétrodollar et du système Swift.

Le pétrodollar a été créé en 1973, en même temps que le Swift, pour soutenir le dollar, dont l'émission a été détachée de l'étalon-or en 1971, créant ainsi un système infini de production monétaire, basé sur le dollar et constamment exposé à des turbulences inflationnistes.

Le système en vigueur jusqu'alors était l'étalon de change-or, qui liait l'émission de la monnaie papier à la détention d'une certaine quantité d'or (36 dollars par once d'or) définie dans les accords de Bretton Wood de 1944 pour éviter, justement, les turbulences monétaires. Jusqu'en 1971, le système a assuré la stabilité monétaire dans les échanges internationaux, le dollar valait 630/4 lires, l'inflation était faible, 4%, tout comme la dette par rapport au PIB, 33%. Mais la guerre du Vietnam et les troubles internes ont contraint les États-Unis à imprimer de la monnaie papier sans disposer de l'or nécessaire au maintien de l'équilibre. En 1971, Nixon a donc déclaré unilatéralement la fin de ce système, déclenchant la révolution financière qui allait tous nous frapper comme un tsunami.

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L'effet immédiat a été d'augmenter l'inflation en raison du volume de papier-monnaie imprimé sans aucun actif sous-jacent, de sorte que pour ne pas finir comme l'Allemagne de Weimar en 1923, écrasée par l'inflation, il était nécessaire de créer fictivement une demande croissante de dollars imprimés sans aucun actif sous-jacent. Les Arabes ont été persuadés de n'être payés pour leur pétrole qu'en dollars en échange de la protection américaine, ce qui a conduit à la création du pétrodollar, scellé par le système Swift qui lie le système de change international au dollar. Le dollar est devenu la monnaie de référence mondiale et les autres devises ont été contraintes de se déprécier et d'accepter un rôle accessoire.

L'évolution des systèmes économiques a modifié les conditions qui permettaient au dollar d'être utilisé presque exclusivement dans les transactions financières avec, mais dans une moindre mesure, l'euro. Les développements géopolitiques ont renforcé d'autres économies, en premier lieu la Chine, qui ont progressivement partagé un projet de dédollarisation afin de pouvoir utiliser leurs monnaies de manière alternative. Les accords, qui sont aujourd'hui sur la table, concernent l'échange de pétrole en monnaie locale entre l'Iran, les États arabes et la Chine, qui pourrait payer ses fournitures en yuan, ainsi que l'Inde et la Russie, qui peuvent régler leurs échanges dans leur propre monnaie. Il convient de noter, comme cela a déjà été écrit dans ces colonnes, que la Chine et la Russie courent après l'or afin de donner à leurs devises un support en or, et la Chine a déjà émis des contrats à terme liés à l'or. La Chine et la Russie ont déjà réduit leurs échanges en dollars de 90 % à 40 %.

L'introduction d'un système de paiement lié à des monnaies autres que le dollar réduit la demande de cette monnaie et risque de déclencher un processus inflationniste, comme nous pouvons le constater aujourd'hui, ainsi qu'une éventuelle dévaluation de celle-ci : une once d'or vaut plus de 2000 dollars. De cette manière, les États-Unis courent le risque de voir la demande de dollars diminuer face à une offre illimitée de dollars, et il est clair que si le processus de dédollarisation se poursuit, le dollar devra compter avec sa faiblesse croissante en raison de la logique qui sous-tend l'équilibre entre l'offre et la demande de monnaie.

Comme Carl von Clausevitz l'a affirmé, la politique devient une guerre dramatique sur le terrain et une guerre monétaire sur les marchés financiers ; les deux guerres se déroulent sur le même plan, créant un désordre non seulement dans les principes de protection des personnes avec la guerre sur le terrain mais aussi avec le déséquilibre des économies mondiales. 

jeudi, 21 septembre 2017

Le Brics prépare la mise en place d'un nouvel étalon-or

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Le Brics prépare la mise en place d'un nouvel étalon-or

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

La production mondiale d'or représente 7.400 kilos d'or par jour soit 2.700 tonnes d'or par an (2012). La demande d'or est supérieure à l'offre (de 4.330 tonnes en 2010), dont 50% sont achetés par les joailliers et 38% par les investisseurs. Il y a ainsi un stock de 42.000 tonnes d'or sur la terre.
 
Les réserves connues se trouvent surtout en Afrique du Sud (14%), en Australie (12%) et au Pérou (8%) mais la Chine est le 1er producteur mondial depuis 2007 avec un total de 300 t/an. Ces chiffres n'ont pas beaucoup changé depuis cette date.

A quoi servira l'or chinois? Jusqu'à présent, les excédents commerciaux considérables de la Chine étaient évalués en dollar, et la Chine n'avait pas d'autres possibilités que les convertir en Bons du trésor américains (Treasury securities). Ceci donnait au Trésor fédéral des ressources considérables permettant de financer divers investissements, mais aussi l'armement et la guerre. De plus, Washington pouvait quelque peu manipuler la valeur du dollar pour l'augmenter ou la diminuer en fonction de ses stratégies mondiales. Wall Street pouvait créer en effet sans limites théoriques de nouveaux dollars pour financer les politiques américaines. Les concurrents des Etats-Unis n'avaient aucun moyen pour faire de même. L'eurozone, on le sait, n'avait pas de pouvoir pour procéder de cette façon en utilisant l'euro.

Il apparaît aujourd'hui que le recours à l'or pourra rendre Pékin et Moscou indépendant du dollar et de ses manipulations américaines. Depuis quelques années la Russie et la Chine avaient acheté de grands quantités d'or, dont elles sont par ailleurs des producteurs très importants. Pourquoi faire, si cet or allait dormir dans les caves de leurs banques centrales?

L'or du Brics

Il apparaît maintenant, à la suite des dernières réunions du Brics et de l'Organisation de Coopération de Shanghai (OCS), que les membres veulent se donner une nouvelle unité de change leur permettant d'échapper à la domination du dollar. L'Inde et le Pakistan sont également intéressés, soit 3 milliards de personnes. Mais cette nouvelle unité de change ne visera pas seulement à concurrencer le dollar. Elle visera surtout à financer les investissements considérables en infrastructures diverses de transport et de création d'industries associées au programme de Nouvelle Route de la Soie, que nous avons souvent présenté sur ce site. Pour que ces investissements soient viables à long terme, il faut absolument qu'ils ne dépendent pas du dollar mais d'une monnaie commune aux pays partenaires du programme.

Le Brics avait envisagé jusqu'à très récemment la création, comme nous l'avons rapporté, d'une unité de change commune qui serait un mix du rouble, du yuan et peut-être d'autres monnaies nationales. Mais cette formule aurait pu inquiéter les épargnants et les investisseurs, du fait des manipulations dont elle pourrait être l'objet de la part notamment de Pékin et de Moscou. Les responsables du Brics considèrent aujourd'hui que cette monnaie serait beaucoup plus rassurante si elle était convertible en or.

Pendant les deux derniers siècles, l'étalon-or avait été considéré comme la monnaie de référence. Il s'agissait du Gold Exchange Standard, organisation du système international des changes qui limite la conversion en or des monnaies pour la compensation des soldes de balances de paiement. En 1933, pour lutter contre la récession,Washington avait suspendu la convertibilité du dollar en or et créé de ce fait la Zone Dollar. Après différentes vicissitudes, celle-ci a été imposée à tous les alliés et partenaires des Etats-Unis. C'est précisément pour sortir de celle-ci qu'un retour à l'étalon-or est envisagé par le Brics et l'OCS. Lors de la dernière réunion du Brics en septembre, Vladimir Poutine a indiqué qu'il soutenait totalement ce projet.

Mais ceci ne se fera pas par un simple retour à l'étalon-or. Ceci se fera par la mise en place d'un « pétro-Yuan » avec lequel la Chine évaluera ses opérations sur le marché pétrolier. Or celui-ci sera convertible en or. La Chine étant le plus important importateur mondial de pétrole, une zone dite pétro-yuan pourra aisément concurrencer le pétro-dollar. La Chine étant par ailleurs le premier producteur mondial d'or, elle pourra échapper à d'éventuelles manœuvres visant à agir sur la valeur de celui-ci en restreignant ou augmentant sa production.

Nous avons indiqué dans un article précédent http://www.europesolidaire.eu/article.php?article_id=2695...) que le Vénézuela venait d'adopter le petro-yuan pour toutes ses opérations en gaz et pétrole. Il s'agit d'un premier pas important pour la mise en place d'un étalon que nous pourrions nommer pour simplifier pétro-yuan-or. En lui donnant sans doute un nom plus aimable, les pays du Brics institutionnaliseraient de ce fait un nouvel étalon-or. Il est très possible que les pétro-monarchies du Golfe décident de le rejoindre.

 

Conséquences pour l'eurozone

La structuration d'une vaste zone Eurasiatique, dotée non seulement d'une monnaie commune mais de politiques d'investissements coordonnées devrait rendre impérative pour les Etats européens utilisateurs de l'euro la transformation de l'eurozone en véritable Etat fédéral, capable de faire équilibre à la nouvelle Eurasie. C'est semble-t-il une perspective évoquée timidement par Emmanuel Macron et contredite explicitement par Jean-Claude Juncker dans son dernier discours sur l'état de l'Union. Ce devrait être également une raison incitant les Etats européens non utilisateurs de l'euro (Grande Bretagne exceptée) à rejoindre l'eurozone.

Il faudra évidemment aussi que cette Europe renforcée soit capable de s'affranchir une fois et pour toutes du contrôle américain. Sinon l'eurozone deviendra plus encore qu'actuellement une annexe de la zone dollar. On peut craindre que vu le poids des intérêts financiers et économique pesant sur l'Europe, ceci ne se fasse pas.

Note au 19/09

Sur le sujet du pétro-yuan, voir un article du GEAB daté du du 19/09 

http://geab.eu/crise-systemique-occidentale-2017-2019-le-...