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jeudi, 01 janvier 2015

Abd al-Karim Kassem, père de la souveraineté irakienne

Erich Körner-Lakatos :

Abd al-Karim Kassem, père de la souveraineté irakienne

Qasim_in_uniform.pngA Bagdad en l’année 1914 nait le fils du marchand de peaux Kassem : son père lui donne le prénom d’Abd al-Karim. On ne connaît pas exactement sa date de naissance car, à l’époque, dans l’Empire ottoman, on ne les relevait qu’une fois par an. Son curriculum, en revanche, est bien connu : à 17 ans, le jeune garçon entre à l’Académie militaire ; en 1941, il entre en formation pour être breveté d’état-major.

Dans l’armée irakienne, il y a des remous : les cercles patriotiques estiment que l’Irak doit se ranger du côté de l’Axe Rome-Berlin pour abattre le joug que les Anglais font peser sur le pays. Dans la nuit du 2 avril 1941, les officiers nationalistes se soulèvent. Parmi eux, un jeune major, Abd al-Karim Kassem. La réaction des Britanniques ne se fait pas attendre. Dès le 17 avril, des unités venues d’Inde débarquant à Bassorah, au total 20.000 hommes. Les Irakiens répliquent : leur 3ème Division encercle le 30 avril la base britannique d’Habbaniya, située à l’ouest de Bagdad.

Une unité de l’armée de l’air allemande, l’Haifisch-Geschwader (l’escadron du requin) décolle d’Athyènes, forte de neuf Messerschmitt 110, et met le cap sur l’Irak, flanquée de quelques bombardiers Heinkel 111. A partir de l’aérodrome de Mossoul, les Me110 amorcent leurs missions, abattent quatre appareils ennemis et en détruisent autant au sol. L’aide italienne est plutôt symbolique. Des appareils de transport apportent 18 tonnes d’armes et de munitions. Ils sont accompagnés d’une douzaine de chasseurs Fiat CR-42 qui, après quelques missions, retournent à leur base de Rhodes. En quelques courtes semaines, les Anglais matent l’insurrection irakienne.

En février 1958, la Jordanie et l’Irak constitue la « Fédération arabe », qui doit disposer d’une armée commune, en réponse à la constitution de la RAU (République Arabe Unie), avec l’Egypte et la Syrie. Mais cette dernière quittera la RAU dès 1961 parce que Nasser a confié tous les postes importants à des Egyptiens, ne parvenant pas, à cause de cette maladresse, à effacer le souvenir d’une rivalité immémoriale, celle des diadoques qui se sont jadis partagé l’Empire d’Alexandre : l’Egypte aux Ptolémée de la vallée du Nil, la Syrie aux Séleucides.

Dans la cadre de la « Fédération arabe » irako-jordanienne, le Roi d’Irak ordonne en juillet de déplacer des unités irakiennes sur le Jourdain. C’est l’initiative qui permet de concrétiser un coup d’Etat préparé depuis longtemps à l’instigation d’Abd al-Karim, devenu général et commandant d’une brigade d’infanterie.

iraq6.jpgLe coup d’Etat du 14 juillet 1958 réussit. Le Roi Fayçal II est tué. Kassem proclame la république, se nomme lui-même premier ministre et ministre de la défense nationale. La nouvelle république irakienne dénonce les accords instituant la « Fédération arabe » avec la Jordanie et signe un traité d’assistance avec la RAU de Nasser.

Kassem fait proclamer ensuite une loi de réforme agraire qui limite la grande propriété terrienne. Au bout de neuf mois de consolidation du nouveau régime, Kassem ose un pas en avant décisif : il déclare le 24 mars 1959 que l’Irak rejette le « Traité de Bagdad » qui avait institué un pacte militaire pro-occidental (avec la Turquie, l’Iran et le Pakistan). Les unités britanniques sont alors contraintes de quitter l’Irak. La population se réjouit que l’objectif tant recherché soit enfin atteint : l’Irak est devenu un Etat pleinement souverain.

L’Egypte nassérienne comptait beaucoup d’amis en Irak, où les cercles panarabes souhaitaient voir l’Irak faire partie de la RAU. Mais Kassem ne veut pas remplacer les maîtres de Londres par de nouveaux maîtres venus d’Egypte.  Ses adversaires panarabes s’avèreront toutefois les plus forts.

A cinq heures du matin, le 8 février 1963, des appareils Mig survolent avec vacarme et en rase-mottes le centre de Bagdad, criblent la résidence de Kassem de missiles. Les chars manoeuvrent dans les rues. La garde présidentielle, composée de 600 parachutistes, livre un combat acharné contre les putschistes. En vain. Abd al-Karim Kassem est tué le lendemain d’une rafale de mitraillette.

Erich Körner-Lakatos.

(article paru dans « zur Zeit », Vienne, n°45/2014 ; http://www.zurzeit.at ).