mercredi, 09 décembre 2020
A propos du livre de Françoise Bonardel Triptyque pour Albrecht Dürer
Luc-Olivier d'Algange:
A propos du livre de Françoise Bonardel
Triptyque pour Albrecht Dürer
La conversation sacrée
Peu d'essais échappent à l'alternative, ou au double écueil, de l'érudition pure et de la simplification plus ou moins polémique. Triptyque pour Albrecht Dürer est de ceux-là, rares, qui, tout en étant à la fois œuvre érudite et œuvre de combat, ne l'est que pour accomplir ce dont elle parle, rejoignant ainsi, à travers ses manifestations, et dans un beau voyage, l'instant de la rencontre du regard avec l'œuvre qui, en nous, mystérieusement, est antérieure au regard.
Une intuition vague hante les esprits. Quelque chose semble s'être perdu que l'on ne saurait définir mais qui nous tient en exil de cette part de nous-mêmes et du monde qui resplendit dans le secret et que l'on pourrait, si des réminiscences nous en viennent, nommer l'Ame, la nôtre, l'intime, la proche et si lointaine, et l'Ame du monde, à laquelle elle donne accès,- celle que Virgile figure sur le Bouclier de Vulcain.
Or, en ces temps profanés et profanateurs, une si âpre volition nihiliste, issue de l'esprit de vengeance, s'est emparée de nous que nous en sommes venus à manquer à l'Ame du monde, tant est si bien, avec de telles ingéniosités techniques, un tel affairisme, que notre propre âme s'est éloignée vertigineusement de nous-mêmes, au point qu'il semblerait presque, parfois, qu'elle n'existe pas, qu'il n'y eût jamais d'âme nulle part, pas davantage en nous-même que dans le monde, et que tout, l'univers, les hommes, la nature, se réduit à une machine, destinée à servir d'autres machines plus performantes.
Ce qui nous manque, Françoise Bonardel le nomme et l'illustre, le définit et l'exerce, n'est autre que la conversation sacrée. L'ouvrage, à cet égard, dépasse de loin l'intérêt que déjà nous pourrions porter à un travail fortement étayé sur Albrecht Dürer. On ne saurait mieux dire ce qu'est une conversation sacrée qu'en s'y livrant, c'est-à-dire en s'aventurant dans cette subversion du temps qui révèle les strates, le palimpseste, les nuées et les nuances des temporalités qui échappent habituellement à l'attention limitée, calculante, à l'égrènement uniforme, au cours linéaire qui est celui de l'usure.
Dans la conversation sacrée le temps devient espace. Une œuvre n'est pas un objet de consommation culturel, moins encore une « côte » sur le marché de l'art, mais un événement de l'âme, voire un avènement qui surgit de l'entretien que nous avons avec elle. Or cette œuvre fut elle-même en conversation avec le paysage, l'idée, la forme, l'espace qu'elle créa et qu'elle porte jusqu'à nous, nous donnant ainsi accès au temps profond, où l'histoire et la légende de l'artiste et notre propre histoire coïncident.
André Breton, ressaisissant le propos de Nicolas de Cues, évoquait le point suprême à partir duquel toutes choses cessent d'être perçues de façon contradictoire. Cette « omnivision » n'est jamais, pour l'être humain, que fugace, mais ce que cette expérience inscrit en nous est l'empreinte de l'œuvre que nous devrons accomplir, tels le Chevalier entre la Mort et le Diable, dont la Figure, nous dit Françoise Bonardel, ne saurait se réduire ni à un piétisme militant issu de la Réforme, ni à une figure faustienne, - mais s'ouvrant peut-être, ainsi que Friedrich Schlegel en eut l'intuition, qui voyait en Dürer « le Jacob Böhme de la peinture », à une autre Figure, à la fois antérieure et apocalyptique, au sens étymologique, laissant au visible la puissance de révéler l'Invisible.
Comment, au pas de sa monture, vaincre la Mort et tenir le Diable à distance ? Comment surmonter ce qui divise, le diaballein, et ne plus craindre la Mort, qui n'est ici qu'insignifiante et grotesque, afin d'aller vers ce qui, - loin, là-bas - laisse l'âme verdoyer dans la contemplation de l'infime et de l'immense ? La question ne saurait se réduire à l'histoire de la culture ou à une identification sentimentale car ce qui est en vue, cette Cité,- au-delà des arbres, tout en haut, où l'on devine le règne d'une grande paix de l'âme, - est tout aussi important que celui qui se dirige vers elle et dont la force et la résolution, en accord avec la perfection formelle de la gravure, son détail péremptoire, valent surtout par le dessein qu'elles proposent.
« L'exceptionnelle symbiose graphique entre simplicité et grandeur » qu'évoque Françoise Bonardel à propos de Dürer, donne au mot apparaître la plénitude de son sens. L'apparaître n'est pas seulement apparence, surface sur laquelle l'attention glisserait pour se perdre dans l'indéfini, mais une force qui se grave, un sceau invisible qui suscite le visible, le fait paraître, le dévoile dans son irréductible singularité ontologique. Françoise Bonardel cite à juste escient Heidegger: « Lui, le peintre Dürer en représentant un objet isolé à partir de sa situation fortuite, ne se borne pas à en faire apparaître un aspect isolé, offert au regard; mais à montrer chaque fois l'objet isolé en tant que cet objet unique dans son unicité, il rend visible l'Etre même dans un lièvre, l'être-lièvre, l'être animal de cet animal ».
A la singularité des êtres, témoins de l'attente et de l'éclaircie de l'être, correspond, mais de façon plus mystérieuse, l'harmonique propre d'une cité, son être, à nul autre semblable, et avec lequel il nous est possible, dès lors que nous ne sommes pas exclusivement assignés à une durée profane, d'entrer en conversation. Le livre de Françoise Bonardel nous donne ainsi à visiter, ou mieux encore, à hanter, en voyageurs du temps, les trois cités emblématiques du destin d'Albrecht Dürer, Anvers, Nuremberg et Venise.
« Plus encore que les œuvres d'un artiste, écrit Françoise Bonardel, et que sa biographie, les lieux où il vécut, ou simplement passe, paraissent a postériori, la matrice où s'est forgé son regard dont nous aimerions comprendre quel défi, quel pari sur la vie en raviva un jour l'éclat ». A qui s'approche d'une cité emblématique, y entre, non en touriste mais en pèlerin, avec cette inscience divine, cette innocence qui laisse advenir les signes et les intersignes, un Réel est donné qui n'a plus rien de commun avec le réel des « réalistes », qui ne sera jamais qu'une chose abstraite.
Chaque voyageur, s'il n'est pas touriste, sait avancer tel le chevalier de Dürer, entre la Mort et le Diable, - entre la mort, toujours menaçante, de sa propre perception du monde qui en ferait un absent passant à côté de tout sans rien voir, et le Diable qui va diviser, en analyste chafouin, chaque chose, chaque paysage, chaque heure, jusqu'à les rendre incompréhensibles. Le bon voyageur se défie de lui-même et de ses représentations, et cette défiance est nécessaire à l'éveil de la plus grande confiance, que nous donnons et recevrons en retour. Avant même que notre savoir ou notre intelligence ne nous en disent les causes, l'aile de la réminiscence nous a frappés. Ce beau cheminement en compagnie du Noble Voyageur et de Dürer, son témoin, nous donne à comprendre que la raison ratiocinante, la raison redondante, la raison qui ignore sa propre raison d'être, peut-être, lorsqu'elle veut totaliser et planifier le monde, la pire folie.
Celui qui échappe aux Normes profanes et à la sécurité fallacieuse prend le risque de la mort et de la division pour l'éminente raison qu'il n'est encore, lui, contrairement à l'individu interchangeable, ni mort, ni désagrégé. La compacité de la Figure, sa précision drue creusée en détails, la façon encore dont elle s'inscrit dans la paysage, par une forme qui semble le sceau d'une empreinte invisible, en témoigne: son chemin sera celui de l'interprétation, de la droiture, de la chevalerie spirituelle telle que sut la définir Henry Corbin, et le risque encouru pour avoir quitté la fausse sécurité est déjà une victoire. C'est ainsi que nous le trouvons, ou le retrouvons, par l'intercession du Maître-livre de Françoise Bonardel, après de longs oublis et de piètres reniements, pour nous faire signe et nous dire qu'il ne tient qu'à nous d'être, par le ressouvenir d'une certaine tradition européenne, le matin profond d'une nouvelle et fière résolution.
Luc-Olivier d'Algange
11:33 Publié dans Livre, Livre, Philosophie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : albrecht dürer, livre, françoise bonardel, luc-olivier d'algange, art, allemagne, 16ème siècle | | del.icio.us | | Digg | Facebook
lundi, 10 juin 2013
I cinquecento anni del Cavaliere ribelle
di Dominique Venner
Fonte: Barbadillo
Il Cavaliere, la Morte e il Diavolo, è la mirabile incisione realizzata da Dürer nel 1513, esattamente 500 anni fa. Il geniale artista che eseguì su commissione tantissime opere edificanti, dà qui prova d’una libertà sconcertante e audacemente provocatrice. All’epoca non era opportuno ironizzare sulla Morte e il Diavolo, terrore della brava gente e non solo, alimentato da chi ne traeva profitto. Ma lui, il Cavaliere solitario di Dürer, sorriso ironico sulle labbra, continua a cavalcare, indifferente e calmo.
Al personaggio del Diavolo non concede uno sguardo. Pertanto, questo spaventapasseri è ritenuto pericoloso. Terrore dell’epoca, come lo ricordano le innumerevoli Danze macabre e vendite delle Indulgenze per i secoli del purgatorio, il Diavolo è pronto all’imboscata. Si appropria dei trapassati per gettarli nelle fiamme dell’Inferno. Il Cavaliere se ne prende gioco e disdegna questo spettro che Dürer vuole ridicolo.
La Morte, lei, il Cavaliere la conosce. Lui sa bene che, lei, è alla fine del cammino. E allora? Cosa può su di lui, malgrado la sua clessidra vibri per ricordare lo scorrere inesorabile della vita?
Immortalato dall’incisione, il Cavaliere vivrà per sempre nel nostro immaginario al di là del tempo. Solitario, a passo fermo sul suo destriero, la spada al lato, il più celebre ribelle dell’arte occidentale cavalca tra i boschi selvaggi e i nostri pensieri sul suo destino, senza paura né supplica. Incarnazione di una figura eterna in questa parte di mondo chiamata Europa.
L’immagine dello stoico Cavaliere mi ha spesso accompagnato nelle mie rivoluzioni. E’ vero che sono un cuore ribelle e che non ho smesso d’insorgere contro la lordura invadente, contro la bassezza promossa a virtù e contro le menzogne assurte a rango di verità. Non ho smesso d’insorgere contro chi, sotto i nostri occhi ha voluto la morte dell’Europa, nostra millenaria civilizzazione, senza la quale io non sarei nulla.
(traduzione per Barbadillo.it di D.D.M.)
Note
Un ribelle del ventesimo secolo, lo scrittore Jean Cau, ha consacrato una delle sue più belle opere, Il Cavaliere, La Morte e il Diavolo, pubblicato (in Francia) dalle Edizioni della Tavola Rotonda nel 1977. Di fronte alla Morte, immagina queste parole dalla bocca del Cavaliere : “ Sono stato sognato e tu non puoi nulla contro il sogno degli uomini”.
18:49 Publié dans art, Nouvelle Droite | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nouvelle droite, dominique venner, albrecht dürer, art, gravure, 16ème siècle | | del.icio.us | | Digg | Facebook