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mardi, 26 décembre 2023

A propos du livre Plus ultra: Géopolitique atlantique espagnole

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A propos du livre Plus ultra: Géopolitique atlantique espagnole

(Ediciones Ratzel, 2023).

Entretien avec l'auteur Carlos X. Blanco

Pourquoi un livre sur la géopolitique nationale dans un pays comme l'Espagne d'aujourd'hui, qui n'a pas de géopolitique propre ?

L'Espagne est une nation en faillite depuis que son empire s'est effondré et que des puissances étrangères ont imposé une dynastie tout aussi étrangère au début du XVIIIe siècle. Avec les Bourbons, au cours de ce même XVIIIe siècle, il y a eu une récupération de l'Empire et nous avons même atteint un maximum territorial, mais sous la nécessaire subordination à la France. Depuis la guerre de succession, nous étions, pour ainsi dire, la franchise d'un Empire et non un Imperium proprement dit. Le reste de notre histoire a été un désastre. L'invasion napoléonienne aurait pu être un vrai début "nationaliste": le peuple de toute l'Espagne a pris conscience de lui-même et pour lui-même en 1808, et s'est battu pour la souveraineté contre ses propres élites, toujours traîtresses. Mais l'indépendance acquise a coûté très cher. Les oligarchies, qu'elles aient été francisées ou anglophiles, par le biais de la franc-maçonnerie, ont bien compris que les dépouilles de l'Empire devaient être vendues à l'étranger, comme des reliques que l'on solde au marché aux puces. Le peuple espagnol n'a pas réussi à former une nation espagnole. La nation historique n'a pas fonctionné comme nation politique, et le modèle libéral ou francisé ne pouvait que supprimer la nation historique elle-même, en éliminant même sa base, le peuple. Le même peuple s'est soulevé dans les Asturies en 1808, comme l'avait fait auparavant Pelayo en 718, un soulèvement qui a conduit les Madrilènes à se soulever immédiatement en suivant l'exemple de la Junte souveraine de la Principauté; ce peuple est mort dans les guerres dites "carlistes", véritables tentatives de résistance populaire. Depuis longtemps, nous n'avons plus de souveraineté. Les oligarchies nous ont vendus à bas prix aux Français, aux Anglais et aux Yankees. Et ce, pour toutes les étapes de notre histoire: la guerre illégale de 1898 et la trahison du Tribunal de Madrid, les manœuvres des puissances en 1936, l'attentat contre Carrero Blanco, l'invasion du Sahara "arrangée" par Juan Carlos, 23-F, les bombes d'Atocha, le coup d'Etat de Puigdemont... tous ces épisodes révèlent la désactivation progressive de la souveraineté nationale de l'Espagne. Face à ce "vol" de la Nation et du Peuple lui-même (le Peuple espagnol cesse d'exister), j'ai voulu écrire un livre qui rappelle les possibilités objectives de l'Espagne en tant que puissance géopolitique, potentiel donné par sa propre histoire et sa propre géographie. Mais ce potentiel ne peut être réalisé que s'il y a un changement énergique de mentalité, de régime et d'économie.

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L'élite politique et dirigeante, ainsi que les milieux intellectuels, sont-ils conscients de l'importance de la géopolitique ?

Comme je l'ai déjà dit, notre élite politique et dirigeante est, depuis des temps immémoriaux, et pour faire une généralisation qui peut être injuste dans certains cas, elle est une bande de voleurs et d'indolents. Ils ont gagné leur propre statut en collaborant avec nos "partenaires et amis". Lorsque vous entendez un politicien, un économiste, un diplomate, un homme d'affaires, etc. parler de "partenaires et alliés", vous pensez tout de suite au Maroc, à la France, à l'Angleterre, aux États-Unis, à l'"Europe" (U.E.), etc. Nous devons alors faire une traduction immédiate: ce sont là les ennemis objectifs de l'Espagne. Cela s'est déjà traduit, au moment du changement dynastique, par une déformation de l'image de l'Espagne: l'Espagne maure, l'Espagne du flamenco, de la tauromachie, l'Espagne agitée, "méditerranéenne", qui est au goût des Français, la puissance dominante de l'époque, à laquelle nous étions subordonnés. Ils ont donné un visage et des vêtements à une nouvelle Espagne inventée, et l'Espagne plus authentique (celto-germanique) a été refoulée. Par la suite, l'aliénation (y compris l'aliénation culturelle et ethnique) a été gérée par les Anglos et les Yankees. Les puissances dominantes ont imposé leurs élites locales collaborationnistes et même les conceptions nationales qui leur plaisaient et leur convenaient. 

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L'Espagne atlantique, l'Espagne des Caravelles et des "Plus Ultra" ne convient pas aux Anglos, aux Français, aux Yankees... C'est une Espagne aux fortes racines celtiques et indo-européennes, pas celle "où cent peuples se sont déversés en toi d'Algésiras à Istanbul", comme le dit la chanson de Serrat. Une Espagne maritime née pour être un empire: un empire territorial d'abord, chassant les Maures de l'autre côté du détroit de Gibraltar, puis un empire océanique et universel.

Plus ultra : la géopolitique atlantique de l'Espagne, pourquoi ce livre, et que proposez-vous dans ses pages ?

Je dirai d'abord ce qui est entre les lignes, ou à peine formulé en passant. Je propose un changement de régime, à court et moyen terme, quelque peu utopique à l'heure actuelle, dans lequel les peuples d'Espagne enterrent les différences idéologiques importées de la sphère "occidentale" (libéralisme, essentiellement, qu'il soit de gauche ou de droite) et constituent une Autorité populaire et énergique qui permette une "insubordination fondatrice", au sens de Marcelo Gullo (réindustrialisation, revitalisation des campagnes, programmes natalistes et protectionnisme graduel et prudent). Renaître démographiquement et productivement, consolider une armée au service de la défense des frontières et de la souveraineté nationale, et non une armée conçue pour des parades ou des "Erasmus" de l'OTAN, comme c'est le cas aujourd'hui. Mais surtout, relancer la projection maritime (civile et militaire) qui a fait notre grandeur à l'âge d'or, et ainsi embrasser à nouveau toute l'Ibéro-Amérique. Je propose de créer les bases d'un pôle hispanique atlantique. Ce pôle ne s'appelle pas "Amérique latine" comme le dit Douguine, mais Hispanidad, et il est appelé à dominer l'Atlantique quand l'OTAN et l'engeance yankee déclineront. 

Pourquoi, alors que l'Espagne a développé sa géopolitique, nous sommes-nous concentrés sur le bassin méditerranéen et l'Afrique du Nord comme axes principaux ?

À la mort d'Isabelle la Catholique, ce dilemme s'est posé. La continuité de la Reconquête après la prise de Grenade, comment allait-elle se faire: se projeter vers l'Atlantique ou vers la Méditerranée? Hériter des intérêts de la couronne d'Aragon fut un fardeau pour l'Espagne. Le nid de frelons italien, les Berbères et les Ottomans ? Plus tard, dans cette même Couronne, la Catalogne a été (et continue d'être) un véritable fardeau parasitaire qu'il fallait supporter. 

Le Maghreb aurait pu être une "Nouvelle Andalousie", mais l'entreprise était démesurée sans l'alliance effective (une "Croisade") des royaumes chrétiens. L'action des Français et des Anglais est déjà désastreuse : ils complotent avec les Berbères et les Ottomans, et profitent du commerce de la chair humaine, des esclaves blancs capturés dans tout le Levant. L'Espagne a plutôt poursuivi sa reconquête dans les Amériques. La Méditerranée était, et est toujours, un foyer d'invasion. L'Espagne ne fait pas encore partie de l'Afrique grâce à un effort héroïque qui a commencé avec Pelayo. Au sud, nous ne pouvons que faire un travail vigoureux d'endiguement. Il n'en sortira rien de bon.

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Quels seraient les avantages de la géopolitique atlantique que vous proposez ?

Une construction navale intense, un chantier naval florissant, génèrent de nombreux emplois. Une marine prestigieuse peut être une école de discipline et de talent. Une organisation internationale hispanique qui permet aux forces armées ibéro-américaines de collaborer entre elles, une "OTAN" hispanique en dehors de l'OTAN proprement dite, qui s'efforcerait de se défaire du joug anglo-américain... n'aurait que des avantages: échanges éducatifs, technologiques, géostratégiques... La marine civile, quant à elle, serait un élément clé pour un véritable marché commun ibéro-américain, non soumis aux intérêts anglo-américains. Un grand marché et un grand pôle qui collabore sans entrave avec les Chinois, les Russes, les Arabes (distinguons bien sûr Arabes et Maghrébins)... Si l'Espagne se renforce sur sa côte atlantique, elle pourra aussi exercer son rôle de barrage, d'endiguement, en Méditerranée. Il s'agirait de se renforcer là où l'histoire et la géopolitique nous disent que nous l'avons toujours fait, soit dans l'Atlantique et dans le Golfe de Gascogne, pour résister là où nous ne pouvons que "tenir", sans jamais rien gagner de bon ni de nouveau (c'est-à-dire le Sud méditerranéen et le Levant).

C'est un fait que, géopolitiquement (et dans d'autres domaines), l'Espagne n'est pas une nation souveraine. Quelles mesures devrions-nous commencer à prendre pour récupérer notre souveraineté ?

Eh bien, l'ordre que je propose est le suivant : 1) Souveraineté économique dirigée par une force de "concentration nationale" (non partisane), et sans litiges démo-libéraux, 2) Insubordination fondatrice au sens de Gullo (protectionnisme graduel et sélectif, toujours croissant, réindustrialisation, recolonisation de l'agriculture), 3) Insubordination consolidée, politique atlantique (Iberosphère, marine puissante et marine civile, dominant l'Atlantique et se connectant avec la mer Boréale et les mers de Chine), 4) Consolidation du pôle ibérique, en bonnes relations avec les pôles eurasien, chinois, arabe, indien et africain. Surtout avec les trois premiers. 5) L'abandon progressif de l'"Occident collectif".

Ces derniers temps, le discours hispaniste récupéré et renouvelé est devenu un courant politique de plus en plus important. Est-il possible de récupérer l'idée d'hispanité, avec l'Espagne comme axe central ?

Il faut faire preuve de beaucoup de pédagogie. Tout d'abord, il ne faut pas y voir un projet "néo-impérial", nostalgique et phalangiste. L'Hispanidad n'est ni de gauche ni de droite, bien au contraire... C'est un pôle géopolitique nécessaire pour que les Eurasiens, les Chinois, les Arabes, etc. se libèrent du joug anglo-américain, et c'est un pôle qui garantit la survie non aliénée des peuples de langue portugaise et espagnole. C'est un pôle qui peut favoriser le développement autocentré d'une vaste région (au moins) bicontinentale. L'Espagne ne doit pas être considérée comme une "mère", mais comme un partenaire confédéré petit et/ou moyen: le potentiel démographique et naturel se trouve principalement en Argentine et au Brésil.

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Dans votre livre, vous proposez l'union de l'Espagne et du Portugal: cette idée est-elle réalisable et quels en seraient les avantages pour les deux nations ?

Le Portugal est une nation sœur, fille directe de la reconquête espagnole, un exploit unique qui s'est déroulé dans les montagnes des Asturies au VIIIe siècle et qui a récupéré pour l'Europe les régions ou pays de Galice, de León, des Montagnes et aussi du Portugal. Le Portugal en tant que nation a les mêmes origines historico-politiques, culturelles et ethniques que le reste de l'Espagne et, bien entendu, le même ethnos y est préservé que dans tout le nord-ouest de l'Espagne.

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Comme je l'ai montré dans un livre récent, Francisco Suárez, le grand philosophe, juriste et théologien de Philippe II et Philippe III, a porté un jugement rigoureux sur la nécessité d'une politique atlantique (Portugal, Angleterre) et d'une annexion du royaume portugais avant qu'il ne tombe sous l'emprise de la Perfide Albion. Peut-être aurait-on pu faire mieux, et les puissances étrangères ont toujours conspiré pour empêcher cette unité ibérique qui, avec celle des nations américaines, produit une panique chez l'hégémon anglo-américain. Les Portugais ont été, en réalité, une colonie anglaise pendant des siècles. Un empire "franchisé" bien plus inféodé que celui des Espagnols. Le Nord-Ouest espagnol a besoin d'être repeuplé par une population autochtone : à bien des égards, c'est la partie la plus originale de l'Europe, moins torturée par le soi-disant "melting-pot" méditerranéen, "où l'on a déversé sur vous cent villages d'Algésiras à Istanbul". La chanson de Serrat, d'où je tire ces paroles, est très belle, mais je reconnais que je ne suis pas né en Méditerranée et que je vois cette mer (berceau de la culture classique, bien sûr) comme un cimetière aquatique et une honte pour l'humanité. Les forces hispaniques doivent se retrouver ailleurs. L'élément "phénicien" et afro-sémite (je parle ici du mythe légitimant le séparatisme, et non pas d'une réalité anthropologique) des Catalans ou des Andalous nostalgiques d'Al-Andalus, est totalement étranger, honteux et est à rejeter. Rejoindre le Portugal, c'est gagner en puissance démographique et maritime, et le substrat ethnique atlantico-celtique, très affaibli par le dépeuplement de l'ancien royaume de León, y gagnerait en poids.

Informations sur le livre :
Plus ultra : la géopolitica atlantica espanola (Carlos X. Blanco): https://edicionesratzel.com/plus-ultra-la-geopolitica-atlantica-espanola-de-carlos-x-blanco/

dimanche, 10 décembre 2023

L'Espagne atlantique face au nationalisme des riches

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L'Espagne atlantique face au nationalisme des riches

Carlos X. Blanco

En cette période de crise aiguë en Espagne, après des siècles de décadence, il est temps de regarder en arrière et de prendre un nouvel élan. C'est l'impulsion que je demande et que j'envisage pour l'Espagne atlantique.

L'Espagne était un empire. En tant que nation politique "bourgeoise", elle ne s'est pas réalisée. Le modèle jacobin français lui a toujours été étranger. D'une manière ou d'une autre, les esprits les plus vifs du pays l'ont senti. Quand on parle de problème territorial en Espagne, il ne s'agit pas d'une lutte entre "nations opprimées" au sein de l'Etat espagnol. Quand les indépendantistes basques ou catalans parlent en ces termes, ils ne font que se ridiculiser. Ils parlent de "leur" problème comme si ce problème était tout à fait similaire à d'autres problèmes beaucoup plus sérieux et authentiques: le problème palestinien, le problème sahraoui, ou même le problème des Écossais et des Bretons.

Les nationalistes basques et catalans parlent souvent, et le font avec sérieux et sans honte, de "forces d'occupation" ou de "prison des peuples", alors que les revendications séparatistes de l'Espagne ne visent qu'à préserver des privilèges.

Dans la lutte des peuples pour leur souveraineté, légitime sous d'autres latitudes, la décision morale qui nous conduit à décider qui a raison, qui est juste, a généralement trait à l'oppression. Il y a une victime et un bourreau : un "centre" riche et exploiteur sépare, exploite, opprime et réduit les possibilités d'une "périphérie" pauvre et objectivement colonisée. C'est le cas de l'exploitation du centre "occidental" sur le Sud mondial (Amérique latine, Afrique, grandes parties de l'Asie...). En Europe même, la politique féroce du "centre", entendu comme État-nation, à savoir la France et l'Angleterre en particulier, a sali à jamais la prétendue mission "civilisatrice" de ces États, qui ne sont pas exactement couverts de gloire lorsqu'il s'agit de traiter avec les nations voisines ou les nations internes plus faibles. Ce sont des États centralisateurs qui ont historiquement agi sur le territoire européen lui-même, et dans les pays adjacents à leur propre métropole, avec une cruauté similaire à celle dont ils ont eux-mêmes fait preuve à l'égard des Africains et des indigènes d'autres terres d'outre-mer.

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La souffrance des Irlandais, des Bretons, des Provençaux, des Corses, etc. résultant de l'État centraliste jacobin fait partie de l'Europe et de son histoire. Une histoire sinistre, qui permet de parler d'un colonialisme intra-européen. La conscience de ces abus nous rappellera toujours que l'Europe doit être une Europe des peuples, pas des rois ou des républiques artificielles. Une Europe des peuples (le peuple, la nation, l'ethnos) et non des bureaucraties et des oligarchies. L'idée de l'oppression centre-périphérie (Samir Amin) s'applique parfaitement ici, tout comme celle de la multipolarité (Douguine), c'est-à-dire des peuples libres solidaires autour de véritables blocs de pouvoir qui servent de rempart contre les puissances intrusives et dominatrices.

Le nationalisme basque et catalan tel qu'il s'articule actuellement n'a rien à voir avec les autres luttes des "nations sans Etat". Il s'agit, dans le cas basque et catalan, d'une "rébellion des riches", qui s'articule sous la forme d'un vulgaire chantage à l'égard de l'État espagnol ; il s'agit d'un nationalisme suprématiste qui semble s'écarter du scénario habituel de l'Europe occidentale. En ce sens, ils sont à l'opposé des nationalismes asturien et galicien, qui se fondent sur l'existence d'entités politiques ayant réellement existé depuis le Moyen Âge, et sur une marginalisation injuste dans le présent.

Les périphéries basques et catalanes ne sont pas des périphéries comme l'Irlande pauvre, la Bretagne marginalisée, etc. Les périphéries qui réclament l'indépendance en recourant au chantage parlementaire et à la violence de rue sont, au contraire, les régions traditionnellement les plus riches d'Espagne.  C'est précisément au moment où la délocalisation des entreprises capitalistes basées dans les provinces basques et en Catalogne met en péril le statut des oligarchies périphériques et le système clientéliste qui a favorisé ces régions que l'État est remis en question, profitant de la médiocrité de la maison politique de Madrid et du capharnaüm constitutionnel, de plus en plus détesté par tous, appelé le "régime de 78".

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La véritable périphérie oubliée, appauvrie par la dynamique centre-périphérie décrite par S. Amin, se trouve à l'extrême nord-ouest de l'Espagne. Cet extrême est précisément celui qui correspond à l'Espagne atlantique, l'Espagne dite - dans le langage populaire - "celtique". Galice, Asturies et "Cantabrie" (c'est-à-dire l'ancienne province de Santander, à l'origine asturienne, qui comprend en réalité, à proprement parler, les Asturies de Santillana et une région traditionnellement et imprécisément appelée "La Montaña", ainsi que le pays de León et d'autres provinces adjacentes qui constituaient le Royaume de León au Moyen Âge, avec la Galice et les Asturies).

L'Espagne atlantique est celle qui comprend des couches de population aux racines indo-européennes anciennes et une série de caractéristiques ethniques, folkloriques, sociétales, juridiques, linguistiques, etc. qui ne correspondent en rien au modèle castillan ou méditerranéen. C'est l'ancien domaine linguistique de la langue galicienne (dont l'un des fils est le portugais et l'un des frères est la langue éonavienne), ainsi que de l'asturléonais (improprement appelé "bable", conservé dans les deux Asturies qui, historiquement, se souviennent encore de son nom, les Asturies d'Oviedo - la "Principauté" - et celles de Santillana. Ces pays perdent de la population, sont coincés dans les politiques européennes perverses des "Eurorégions" et tombent de plus en plus dans l'oubli. C'est peut-être le moment où, puisque le peuple espagnol dans son ensemble ne sait pas défendre ce qui lui appartient (unité nationale, souveraineté), les peuples ibéro-atlantiques apprendront à s'unir, quoi qu'il reste de cette ruine qu'est l'Espagne. Les peuples atlantiques d'Espagne et du Portugal se réunissent à nouveau, comme ils l'ont fait dans le passé, à l'époque de l'Ancien Empire, lorsque l'européanité et le christianisme, partis de Cangas de Onís au VIIIe siècle, ont atteint la frontière du fleuve Duero, et de là, plus au sud, jusqu'au Tage. Le basculement méditerranéen de l'histoire de l'Espagne a pu s'avérer fatal.

La déloyauté d'une bonne partie des Catalans témoigne peut-être d'une origine "phénicienne" et africanisée qui sera toujours fatale à une Espagne unie. De même, le suprémacisme des Basques nationalistes, et de tous ceux qui n'abjurent pas ou ne maudissent pas publiquement les méthodes de l'ETA "tirées à l'arrière de la tête", rappelle excessivement la mentalité sioniste. Elle nous est étrangère et nous la répudions. Les suprémacistes basques sont nos nazis-sionistes ibériques.

S'il faut sauver des essences, c'est vers cet Atlantique ibérique, oublié et dépeuplé, qu'il faut se tourner.