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jeudi, 16 février 2023

Femmes savantes, Harpagons, malades imaginaires: sur la prodigieuse actualité de Molière…

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Femmes savantes, Harpagons, malades imaginaires: sur la prodigieuse actualité de Molière…

Nicolas Bonnal

Dans mes deux livres Littérature et conspiration et Chroniques sur la Fin De l’Histoire j’ai essayé de dater les débuts du monde moderne. Je suis tombé d’accord avec Guénon (Crise du Monde moderne) pour jeter la coulpe au siècle de Louis XIV. Bien avant le bourgeois louis-philippard d’Audiard on a le bourgeois moliéresque, celui qui fait dire à George Dandin : - Tu l’as voulu, George Dandin, tu l’as voulu…

Le bourgeois de Molière est un idiot malmené par sa femme. Sa femme savante est déjà woke et hostile à la chair sous toutes ses formes : elle ne se rêve que gnostique et spirituelle. Elle est déjà en mode Reset. Elle hait l’homme qui la craint.

Ce bourgeois est un produit créé artificiellement; Fukuyama parle d’un produit fabriqué à l’époque de Hobbes sans doute pour s’accommoder d’une société matérialiste, athée, et d’un pouvoir digne du Léviathan. Taine dans ses Fables de La Fontaine a parlé aussi d’un produit bourgeois qui se développe avec les monarchies fortes. Et Marx comprend dans son Dix-Huit Brumaire que le bourgeois s’accommode d’un Etat fort parce qu’il transforme ses enfants en fonctionnaires et en retraités, tout en tapant sur les ouvriers: de Louis-Napoléon à Macron cela n’a guère changé.

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Molière a peut-être appartenu à des sociétés savantes ou semi-secrètes, libertines et matérialistes (pensez à Gassendi, Cyrano, Spinoza, à Descartes et ses animaux machines), mais il est surtout l’héritier des grands comiques grecs et romains qui dépeignent aussi une humanité tuméfiée par la vie en ville et l’Etat gréco-romain omniprésent (voyez mes textes sur Ibn Khaldun ou Fustel de Coulanges); et il pressent une sous-humanité présente et à venir, petite, avare, médiocre, vieille, bigote, crédule, fan de gazettes, fascinée par les aristos, les riches ou les VIP (bourgeois gentilshommes); c’est un monde limité et médiocre qui s’installe depuis le crépuscule du Moyen Age. Le pullulement des Tartufes et des hypocrites comme Don Juan – tous entourés d’Orgon crétinisés ou de Sganarelle guettant leurs gages – donne une vision claire du monde dénoncé plus tard par les romantiques ou les surréalistes.

Vers le milieu du Siècle dit Grand, les Grands perdent leur guerre (la Fronde); le baroque décline et devient classicisme. La muse soit apprendre à marcher droit. Comme dit Hugo dans une merveilleuse préface: les autres peuples disent Dante, Goethe, Shakespeare; nous disons Boileau. A la même époque D’Artagnan vieillit (c’est dans Vingt ans après) et devient un fonctionnaire à turbans. Il s’adonne dit Dumas à une méditation «transfenestrale» - tant il s’emmerde (1).

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Mais le couple plus génial de Molière c’est Géronte et c’est Harpagon, c’est nos vieillards génocidaires: Schwab, Biden, Soros ou Rothschild, les vieux de la vieille qui veulent nous mettre à la portion congrue, et qui se sont adjoint les services des Dorante et Scapin. Les racailles unies aux vieillards argentés, quelle aubaine...

Le reste est littérature.

Sources :

On verra que je suis cette transcendantale question depuis longtemps :

https://www.les4verites.com/societe/le-malade-de-moliere-...

https://www.dedefensa.org/article/comment-fukuyama-expliq...

https://lecourrierdesstrateges.fr/2022/07/08/lecons-liber...

https://lecourrierdesstrateges.fr/2022/07/21/lecons-liber...

https://www.amazon.fr/grands-auteurs-th%C3%A9orie-conspir...

https://www.amazon.fr/Chroniques-sur-lHistoire-Nicolas-Bo...

(1) « Ainsi étendu, ainsi abruti dans son observation transfenestrale (la télé ! La télé !), d’Artagnan n’est plus un homme de guerre, d’Artagnan n’est plus un officier du palais, c’est un bourgeois croupissant entre le dîner et le souper, entre le souper et le coucher ; un de ces braves cerveaux ossifiés qui n’ont plus de place pour une seule idée, tant la matière guette avec férocité aux portes de l’intelligence, et surveille la contrebande qui pourrait se faire en introduisant dans le crâne un symptôme de pensée. »

https://www.les4verites.com/societe/le-malade-de-moliere-et-les-depenses-de-sante

 

 

 

 

 

 

dimanche, 09 janvier 2022

Les malades imaginaires de Molière et la crise sanitaire

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Les malades imaginaires de Molière et la crise sanitaire

par Nicolas Bonnal

Vains et peu sages médecins ;
Vous ne pouvez guérir par vos grands mots latins
La douleur qui me désespère :
Votre plus haut savoir n’est que pure chimère.

J’ai écrit ce texte il y a dix ans, bien avant cette crise sanitaire-totalitaire. Je ne faisais que méditer Molière. J’y parlais de masque sanitaire, de Boulgakov et j’oubliais de citer Watzlawyck, l’auteur du livre immortel : « faites-vous-même votre malheur » à coups de dépenses de santé et de terrorisme médical façon Knock.  Je recommanderai aussi le film The Road to Wellville d’Alan Parker.

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Mais citons-nous :

Je me suis levé au milieu de la nuit, j’avais comme un malaise. « Un vent frais m’éveilla, je sortis de mon rêve ». J’ai allumé la télé et au milieu d’autres horreurs je suis tombé sur une émission sur les centenaires. On fait pédaler des petits vieux avec des masques à oxygène, et on nous promet des merveilles. On ne nous promet jamais que des merveilles. Sans parler chiffres, comme toujours. Les gérontologues sont satisfaits et vont filer en première classe à un autre congrès. Dans cinquante ans j’aurai cent ans ! Et dans cent ?

Ce que je vois m’effare. Le monde entier crève comme Argan sous les dépenses de santé. Elles ont explosé en Chine et dans les pays du tiers-monde (j’ai été une fois hospitalisé, et très bien, pour six euros la nuit, en Bolivie !). Elles sont de mille milliards ici, de deux mille milliards là. N’importe quelle opération coûte dix ou cent mille euros, n’importe quelle chambre d’hôpital coûte deux mille euros, et je ne vous parle pas des ambulances ou du prochain forfait –c’est le cas de le dire ! Quant à la consultation à cent euros chez l’éminent spécialiste du coin, j’y ai renoncé.

 J’ai par ailleurs vu assez d’amis mourir et souffrir pour rien dans les chambres des hôpitaux les plus divers et les plus multiculturels pour daigner accorder de l’importance à la médecine d’aujourd’hui qui est en train de ruiner la planète comme elle ruinait la poche des bourgeois au temps de Louis XIV. Au train où cela va, grâce à la dette et tout le reste, nous serons deux milliards d’octogénaires en l’an 2100, bravo le monde moderne et tout son dynamisme ! L’historien chrétien Philippe Ariès nous prévenait déjà il y a quarante ans : on nous privera de notre mort. Et on aura siphonné la société. Le pronom indéfini « on » aura accompli cette énième merveille.

J’en reviens à Molière car on a oublié de quoi parle son malade imaginaire, qui a fasciné le grand Boulgakov dans son essai superbe : d’argent.

Le monde de Molière est un monde bourgeois, et c’est déjà le nôtre : on n’y parle que d’argent, de manières branchées, mariage intéressé, et bien sûr de la santé. On ne croit plus en Dieu mais on ne veut plus mourir ! On n’aime pas sa femme mais on ne veut pas vivre seul ! On comprend pourquoi plus nous dégénérons plus nous nous reconnaissons dans ce théâtre de la Fin. Mais laissons parler le maître :

 « Trois et deux font cinq, et cinq font dix, et dix font vingt. Trois et deux font cinq. « Plus, du vingt-quatrième, un petit clystère insinuatif, préparatif, et rémollient, pour amollir, humecter, et rafraîchir les entrailles de Monsieur. » Ce qui me plaît de Monsieur Fleurant, mon apothicaire, c’est que ses parties sont toujours fort civiles : « les entrailles de Monsieur, trente sols. » Oui, mais, Monsieur Fleurant, ce n’est pas tout que d’être civil, il faut être aussi raisonnable, et ne pas écorcher les malades. »

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Argan n’oublie pas son pharmacien au passage. En attendant Homais… Parler de maladie et de santé, c’est parler chiffres et pognon. Il n’y a que l’argent qui les intéresse, et c’est bien vu de Molière. C’est pourquoi le glissement technologique de la médecine moderne, qui a succédé aux économes vaccins (les médecins aux pieds nus en Chine avaient fait tripler l’espérance de vie, et c’était une bonne espérance de vie, pas une espérance de géronte), a permis de multiplier par dix, parfois par cent, les dépenses de médecine. On ne va pas s’en plaindre, mais c’est comme ça !

Argan est comme l’homme sans qualité, l’homme qui ne peut plus dormir parce qu’il a quelque chose à se reprocher : sa conscience. Il n’oublie pas d’être un peu scabreux au passage et poursuit son monologue festif et très technique.

 « Avec votre permission, dix sols. « Plus, dudit jour, le soir, un julep hépatique, soporatif, et somnifère, composé pour faire dormir Monsieur, trente-cinq sols. » Je ne me plains pas de celui-là, car il me fit bien dormir. Dix, quinze, seize et dix-sept sols, six deniers. « Plus, du vingt-cinquième, une bonne médecine purgative et corroborative, composée de casse récente avec séné levantin, et autres, suivant l’ordonnance de Monsieur Purgon, pour expulser et évacuer la bile de Monsieur, quatre livres. »

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J’ignore jusqu’où ira la médecine et son humanité de vieilles carcasses retapées qui roule avec, et s’en fait tourner. On me parle d’opérations à 300.000 euros, de couvertures à quinze cents milliards… La limite comme toujours, ce sera l’argent, sauf si indéfiniment les as de Goldman Sachs aux commandes en Europe comme en Amérique arrivent à faire bonne impression et à financer nos bicentenaires, comme il est bientôt prévu de le faire. Dette publique à 2 ou 400 % ? En attendant 3000 ? Tout est de toute manière lié à de la bonne volonté mutuelle. Mais continuons, comme dirait l’autre, le génial début de cette pièce sans égale.

 « Ah ! Monsieur Fleurant, tout doux, s’il vous plaît ; si vous en usez comme cela, on ne voudra plus être malade : contentez-vous de quatre francs. Vingt et quarante sols. »

 Il me semble que dans sa géniale exclamation Molière met le doigt sur la cible : nous jouons au malade, nous voulons être malades, nous voulons dépenser cet argent, nous doublons ou triplons des dépenses qui pourraient sans cela être maîtrisées. La maladie est un job à plein temps. C’est un hobby, une passion. Mais par ailleurs on sait très bien en plus qu’à part la réparation de garage avec les pièces détachées prélevées sur des morts, en attendant les clones, tout repose sur du vent dans la dépense de santé.

 « Je ne m’étonne pas si je ne me porte pas si bien ce mois-ci que l’autre. Je le dirai à Monsieur Purgon, afin qu’il mette ordre à cela. Allons, qu’on m’ôte tout ceci. Il n’y a personne : j’ai beau dire, on me laisse toujours seul ; il n’y a pas moyen de les arrêter ici. »

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90% est dans le psychique. Les progrès de la médecine moderne sont les progrès de la dépense publique et donc les progrès de la bêtise humaine, celle qui se sert de la technologie comme de la télévision, parce qu’elle ne veut plus être seule et parce qu’elle a peur. L’homme n’a plus été capable de s’adresser à Dieu, il s’est déshumanisé et technicisé. Et grâce au diable, il est trop tard pour qu’il s’en rende compte. Il mourra inconscient, hagard, perclus de tubes partout, devant une webcam. On comprend pourquoi les zombis sont à la mode dans l’anticulture contemporaine.

 « Est-il possible qu’on laisse comme cela un pauvre malade tout seul ? Drelin, drelin, drelin : voilà qui est pitoyable ! Drelin, drelin, drelin : ah, mon Dieu ! Ils me laisseront ici mourir. Drelin, drelin, drelin. »

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13:26 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, molière, nicolas bonnal, crise sanitaire | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook