Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

jeudi, 01 mai 2014

C’est quoi le Partenariat transatlantique?

gmt-exception-culturelle.jpg

C’est quoi le Partenariat transatlantique?

Dix réponses pour mesurer le danger

Ex: http://aucoeurdunationalisme.blogspot.com

 
TAFTA, TTIP, PTCI… Ce qui se trame derrière ces sigles et dans les négociations secrètes entre l’Union européenne et les États-Unis, c’est la liquidation progressive du pouvoir des États et des citoyens face aux multinationales. Il est urgent de n’en rien ignorer.
 
Comment ça s’appelle ?
 
APT (Accord de partenariat transatlantique), TTIP (Transatlantic Trade and Investment Partnership), PTCI (Partenariat transatlantique sur le commerce et l’Investissement) TAFTA (Trans Atlantic Free Trade Agreement) tout à la fois. Le diable se loge dans les acronymes et la confusion sert les promoteurs de l’opération. Certains opposants réfutent la notion de partenariat et préconisent l’appellation Grand marché transatlantique (GMT), qui a le mérite d’être explicite.
 
Qu’est-ce que c’est ?
 
Un traité de libre-échange actuellement en négociation (depuis juillet 2013) entre l’Union européenne et les États-Unis, qui vise en principe à abaisser les droits douaniers, mais cherche surtout à unifier un grand marché transatlantique. C’est le dernier épisode en date d’un processus d’intégration mis à l’agenda depuis l’éclatement du bloc de l’Est, ayant pour objectif l’harmonisation des législations, des règlementations et des normes – avec des arrière-pensées géopolitiques, comme le souci de contrecarrer l’expansion économique de la Chine.
 
Est-ce qu’on nous cache tout ?
 
Presque tout. C’est en secret qu’en juin 2013, Le Conseil de l’UE (chefs d’État et de gouvernement) a confié un mandat de négociation à la Commission européenne. Et c’est aussi sans aucun contrôle possible de la part des parlementaires européens, ni aucune consultation des citoyens. Sans grande mobilisation médiatique non plus, le débat est donc largement escamoté, ce qui arrange grandement les promoteurs du GMT.
 
C’est grave ?
 
Oui, très grave.
 
D’accord, mais plus précisément ?
 
En résumé, le GMT aboutirait à un dramatique abandon de souveraineté de la part des États, au profit d’un pouvoir accru des entreprises multinationales. Le gigantesque marché unique attendu d’un futur traité serait aussi défini comme une instance supranationale dont les règles auront vocation à s’aligner (par le bas) en faveur d’un maximum de libéralisation et de dérégulation, et à se substituer aux législations et aux instances nationales, privant celles-ci de leur pouvoir de décision et les populations de tout moyen de contrôle démocratique.
 
L’abaissement des droits de douane est-il un prétexte ?
 
Pour une large part, dans la mesure où ils sont d’ores et déjà très réduits entre les deux zones (2% en moyenne)… sauf pour certains secteurs comme l’agriculture, dans lesquels les États-Unis ont tout intérêt à voir s’effacer les absurdes réticences européennes à l’encontre de la viande aux hormones, des poulets désinfectés au chlore, des OGM ou des pesticides. Dans ce domaine, l’abandon des législations de l’UE, protectrices pour les consommateurs, conduirait à la généralisation du modèle intensif d’agriculture et d’élevage, avec des conséquences sanitaires et environnementale incalculables.
 
D’ailleurs, s’agit-il seulement de droits de douane ?
 
Non, bien sûr : les "obstacles" à la "liberté" du commerce désignent aussi les barrières réglementaires (ou "barrières non-tarifaires"). Justement, le mandat de la Commission se donne pour objectif « d’éliminer les obstacles inutiles au commerce et à l’investissement y compris les obstacles non tarifaires existants ». L’harmonisation attendue pourra ainsi affecter, au-delà des biens marchands, le secteur des services et par extension les législations du travail jugées trop protectrices, mais aussi s’étendre au champ de la propriété intellectuelle, de la protection des données personnelles et à des domaines comme l’éducation et les autres services publics. Seule la culture, après intervention du gouvernement français, est exclue du périmètre – et encore partiellement, puisque cette exclusion ne concerne que l’audiovisuel, et temporairement puisqu’il s’agit d’une simple suspension.
 
L’objectif global est-il donc d’inféoder les États et les citoyens aux intérêts privés du commerce international ?
 
Bingo. En plaçant les traités internationaux au-dessus des législations nationales, le commerce international se livre à une vaste opération de destruction de la souveraineté juridique des États, qui permet déjà aux grandes entreprises d’attaquer ces derniers. C’est ainsi que la société américaine Lone Pine Resources réclame 250 millions de dollars d’indemnité au gouvernement canadien, dont le moratoire sur la fracturation hydraulique pour l’exploitation des gaz de schiste contreviendrait à la liberté d’entreprendre garantie par l’ALENA (accord de libre-échange entre la Canada, les États-Unis et le Mexique). Les exemples de ce genre abondent, comme celui de cette société suédoise qui demande près de 4 milliards d’euros à l’Allemagne pour avoir décidé de sortir du nucléaire (voir aussi la vidéo ci-dessous). Les litiges de ce genre se règlent devant des tribunaux arbitraux indépendants des justices nationales, et le mandat de la Commission européenne vise à établir un mécanisme arbitral "investisseur-État" qui se substituerait aux juridictions démocratiques.
 
Heureusement, le Parti socialiste au pouvoir ne peut cautionner un tel processus de dumping social, fiscal et environnemental, conduisant à aggraver les délocalisations, le démantèlement de la protection sociale et des services publics, l’abandon de la souveraineté démocratique des peuples au profit des intérêts privés, n’est-ce pas ?
 
Ah ah ah. Au nom de la lutte contre le protectionnisme et des dogmes libéraux en vigueur, l’ancienne ministre du Commerce extérieur Nicole Bricq s’est faite l’ardente défenseure des négociations, et le PS ne craint de se ranger aux côtés de l’UMP dans ce combat. François Hollande a même déclaré à Barack Obama que rien ne s’opposait à « aller vite » dans ce dossier.
 
Le combat est-il perdu d’avance ?
 
Bien sûr que non. Le texte final devra être adopté, à l’horizon 2016, par le Parlement européen et le Conseil de l’UE, avant d’être ratifié dans chaque pays. Il faut se souvenir de la mise en échec de l’AMI (Accord multilatéral sur l’investissement) à la fin des années 90, et de l’Accord commercial anti-contrefaçon (ACTA) à la fin de la décennie suivante. Un vaste front d’organisations et de partis s’oppose au projet, notamment au travers du collectif Stop TAFTA, plusieurs collectivités se sont déclarées "zones hors Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement". La prise de conscience s’étend et laisse une chance de ne pas abandonner le dossier aux lobbies. Ah, et puis des élections européennes ont bientôt lieu, donnant une occasion de se mobiliser, aussi bien au cours de la campagne qu’au moment du vote.
 
P.-S.
 

dimanche, 29 décembre 2013

Un partenariat transatlantique pour le meilleur des mondes

EU-US-trade-9dd71.jpg

Un partenariat transatlantique pour le meilleur des mondes

Titré « A Brave New Transatlantic Partnership » en référence au Brave New World – le Meilleur des mondes – d’Aldous Huxley, ce rapport revient en détail sur les différents aspects de cet accord transatlantique et sur les menaces qu’il représente pour les droits sociaux et l’emploi, l’environnement, l’agriculture, les droits civiques et la vie privée, la santé, la régulation financière et la démocratie. Les Dessous de Bruxelles publieront la traduction française de ce rapport sous la forme d’un feuilleton, en revenant sur chacun de ces enjeux. A commencer dans cet article par un résumé qui synthétise les enjeux du traité transatlantique.

Les négociations entre l’Union européenne et les Etats-Unis sur le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (PTCI) ont débuté cet été, avec le soutien de nombreux représentants politiques et chefs d’entreprise de premier plan qui considèrent cet accord comme une opportunité pour sortir du marasme économique de part et d’autre de l’atlantique.

La consolidation des relations commerciales entre l’UE et les Etats-Unis au sein d’un grand marché transatlantique a été présentée aux citoyens comme un vecteur puissant de croissance économique, avec des prévisions parfois très enthousiastes qui évoquent une hausse du PIB de l’ordre de 1%. Les négociateurs européens et étatsuniens sont persuadés que la suppression des barrières commerciales et l’« harmonisation » de la régulation entre l’UE et les Etats-Unis permettra une croissance du commerce et par conséquence la création de millions d’emploi.

 

« Un partenariat transatlantique pour le meilleur des mondes » est une analyse préliminaire des conséquences socio-économiques, écologiques et géopolitiques qui résulteraient de cet accord transatlantique. Ce rapport prend le contre-pied de la croyance dans les bienfaits libre-échange et la déréglementation qui sous-tend les négociations transatlatiques. Il montre combien les bénéfices économiques attendus sont moins importants que ceux annoncés – tandis que les risques, eux, sont sous-estimés voire ignorés.

A l’aune de cette analyse préliminaire, le PTCI apparaît avant tout comme un projet politique porté par les élites économiques et politiques de part et d’autre de l’atlantique. Sous le prétexte de l’augmentation du commerce et de la création d’emploi, ce traité transatlantique vise surtout à s’attaquer aux réglementations sociales et environnementales, à établir des droits entreprises primant sur ceux des citoyens, et à consolider le leadership étatsunien et européen dans un ordre mondial en plein changement.

Des profits exagérés, des risques sous-estimés

Comme le note ce rapport, le commissaire européen au commerce Karel de Gucht a largement exagéré les bénéfices attendus d’un possible accord transatlantique.

Selon une étude financée par l’industrie, les retombées attendues en termes de croissance sont de l’ordre de 1% du PIB, avec la création de « centaines de milliers d’emplois ». Pourtant, l’étude d’impact réalisée par la Commission elle-même montre que l’impact sur la croissance en Europe serait plutôt de l’ordre de 0,1% sur dix ans. Soit une augmentation moyenne inférieure à 0,01% du PIB, ce que les économistes considèrent comme tout à fait trivial.

Pour autant, les risques socio-économiques et environnementaux associés à ces prétendus « bénéfices » pourraient s’avérer catastrophiques. La concurrence exacerbée liée à l’approfondissement du libre-échange entre les Etats-Unis et l’Union européenne conduirait en effet à des restructurations de grande ampleur et à d’importantes destructions d’emplois. Cette concurrence pourrait accroître davantage les divergences entre les économies de la périphérie et du centre de l’Europe, les secteurs étatsuniens ayant le plus à gagner en termes de libéralisation étant précisément ceux où les pays de la périphérie de l’Europe ont le plus à perdre, comme c’est le cas pour l’agriculture.

Ensuite, dans de nombreux domaines réglementaires, les lois et normes étatsuniennes offrent des protections bien moindres que leurs homologues européennes. L’harmonisation entre les législations étatsuniennes et européennes, au cœur du projet de l’accord, pourrait avoir pour conséquence une baisse significative du niveau de protection des consommateurs en Europe. Ce pourrait être le cas en ce qui concerne les organismes génétiquement modifiés (OGM), la viande traitée aux hormones, et le poulet désinfecté au chlore.

En conséquence, l’agriculture soutenable serait davantage marginalisée à mesure que l’Europe devrait s’ouvrir à l’importation de produits étatsuniens soumis à des normes plus laxistes en termes de bien-être des animaux, ou de l’utilisation massive de pesticides nocifs.

La loi de l’harmonisation par le bas étant la règle des négociations, les politiques de réglementation environnementale européennes ou de régulation financière aux Etats-Unis pourraient elles aussi être mises à mal. Ainsi le PTCI pourrait remettre en cause les moratoires actuellement en application concernant l’extraction de gaz de schiste, ou de contourner les critères réglementaires pour des milliers de produits chimiques toxiques prévus dans le cadre de la directive européenne REACH.

La réglementation financière étatsunienne, actuellement plus stricte que dans l’Union européenne, pourrait elle aussi être remise en cause ; les grandes banques souhaitent que les négociations transatlantiques soient l’occasion de remettre en cause les efforts – tous relatifs – réalisés après la crise de 2008 pour introduire une régulation financière plus strictes. Alors que même le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale commencent à reconnaître de que le contrôle des capitaux pourrait être un moyen de lutter contre la spéculation et des effets déstabilisateur de la liberté des capitaux, le PTCI pourrait conduire à une libéralisation et une dérégulation de tous les secteurs des services – y compris les services financiers – avec le risque de favoriser plus que prévenir de nouvelles crises financières internationales.

Une menace pour les droits civiques et sociaux en Europe

La restructuration profonde des relations sociales qu’induirait l’adoption de l’accord transatlantique représente de véritables menaces sur les droits civiques et sociaux en Europe.

Si, aux Etats-Unis, les entreprises jouissent d’un accès virtuellement illimité aux données personnelles des citoyens, en Europe des garde-fous légaux sont encore en place en matière de protection de la vie privée. Mais cela pourrait changer si le chapitre sur les droits de propriété intellectuelle (DPI) actuellement prévu dans le PTCI venait à être adopté.

Les tentatives pour mettre à mal le droit des européens en matière de vie privée, à travers les négociations de l’accord anti-contrefaçon ACTA (Anti-Counterfeiting Trade Agreement), ont déjà été repoussées avec succès, avec le rejet au Parlement européen sous la pression d’une importante mobilisation publique en Europe.

Et pourtant, le PTCI, négocié à huis clos, à l’abri d’un véritable contrôle citoyen ou parlementaire, pourrait représenter une nouvelle menace de remise en cause des droits civiques en Europe.

L’inclusion d’un chapitre sur les DPI inspiré de l’ACTA pourrait aussi remettre en cause le droit des européens à accéder à des soins à des tarifs abordables. Le durcissement des réglementations en matière de brevets, souhaité par l’industrie pharmaceutique, pourrait ainsi empêcher la mise sur le marché de médicaments génériques. Par ailleurs, à travers l’harmonisation de la réglementation entre l’UE et les Etats-Unis (avec un principe de « reconnaissance mutuelle » des cadres réglementaires de chacun des partenaires), la marchandisation des services publics, telle qu’elle est mise en œuvre aux Etats-Unis, pourrait être favorisée en Europe, avec une hausse des coûts notamment en matière de santé.

L’harmonisation des normes et réglementations pourrait aussi avoir des effets considérables sur le droit du travail et les droits syndicaux, ces droits étant notoirement beaucoup plus faibles aux Etats-Unis qu’en Europe. Si les négociations devaient conduire à un accord, les salariés de part et d’autre de l’atlantique seront de fait pris dans une concurrence accrue pour attirer les investissements privés. Avec à la clé, une course au « dumping social » et des délocalisations vers les régions les plus « compétitives ».

Recours privés contre règles démocratiques

Outre l’harmonisation par le bas des régulations, le PTCI prévoit, dans le chapitre sur les investissements en cours de négociation, de restreindre les possibilités d’intervention des régulateurs voire des gouvernements. Ce chapitre prévoit en effet un mécanisme de règlement des différends à travers lequel les multinationales et investisseurs étrangers pourront porter plainte contre les gouvernements devant des tribunaux internationaux et les poursuivre pour des lois ou réglementations qui contreviendraient à leurs (possibles) profits ou investissements.

De nombreux exemples existent d’ores et déjà, puisque de tels dispositifs existent dans l’accord de libre-échange nord-américain (ALENA ou NAFTA pour North Americain Free Trade Agreement) et dans d’autres accords bilatéraux de commerce. Des lois mises en place de manière démocratique, concernant la protection des consommateurs ou la protection de l’environnement, ont ainsi été remises en cause par des entreprises privées réclamant des millions de dollars en compensation. Dans un cas récent, le géant étatsunien du tabac Philip Morris a poursuivi les gouvernements de l’Uruguay et de l’Australie pour leurs lois anti-tabac. Cet exemple donne un avant-goût de ce qui pourrait advenir si le PTCI devait garantir de tels droits juridiques aux multinationales et investisseurs privés.

Les entreprises étatsuniennes investissant en Europe pourraient ainsi passer outre les cours européennes et s’attaquer directement aux gouvernements européens via des tribunaux d’arbitrage privé, dès lors qu’elles considéreraient que des lois à vocation environnementale, sociale, de santé publique interfèreraient avec leurs profits. Il se pourrait même que la seule menace de poursuites couteuses soit suffisante pour dissuader les gouvernements de mettre en place des réglementations trop contraignantes pour le privé, ce qui représenterait une sérieuse remise en cause de principes démocratiques élémentaires.

Des enjeux qui dépassent le cadre transatlantique

Plus d’un tiers des échanges commerciaux mondiaux s’effectuant entre l’Union européenne et les Etats-Unis, l’adoption d’un accord transatlantique marquerait la création de la plus large zone de libre-échange du monde, avec des implications bien au-delà de l’Atlantique. Le PTCI aurait, de facto, un effet d’imposition sur les règles du commerce international. Il pourrait être un moyen de surpasser les blocages actuels des négociations multilatérales (au sein de l’OMC), où les pays en développement ont pu s’opposer aux exigences des Etats-Unis et de l’Union européenne pour pousser à une libéralisation plus grande de leurs économies (avec la perspective de faciliter aux entreprises européennes et étatsuniennes l’accès aux marchés et aux matières premières des pays en développement).

Le PTCI pourrait ainsi être l’instrument pour soumettre les pays en développement aux intérêts des Etats-Unis et de l’Union européenne. Il participerait à ce titre de la stratégie des élites européennes et étatsuniennes pour reprendre la main vis-à-vis des pays émergents comme l’Inde, la Russie, la Chine, le Brésil et l’Afrique du Sud, et pour reconquérir un leadership international dans un monde en changement, où l’hégémonie étatsunienne et européenne est menacée. Et, de fait, pour imposer un ordre commercial mondial plus que jamais basé sur la dérégulation, le libre-échange et des pouvoirs démesurés pour les grandes entreprises transnationales…

En offrant une analyse critique des retombées socio-économiques et environnementales et des objectifs du PTCI, ce rapport vise à contribuer à un débat public plus que jamais nécessaire sur cet accord transatlantique, et plus largement, sur l’évolution du commerce international.