mercredi, 27 novembre 2019
Guénon, Saint-Point, and Agarttha
The book consists of seven sections: artistic beginnings, artistic experiments, “Latin Sisters: Artistic and Theoretical Dialog with Italy,” feminism, politics, influences, and inheritance. Most of these deal with the avant-garde. The call of the Orient is dealt with primarily in the section on politics, in which three of four chapters cover the last three decades of Saint-Point’s life, spent in Cairo, and her Islam. They are by Frédérique Poissonier, Daniel Lançon, and Alessandra Marchi. Poissonier looks primarily at French diplomatic correspondence relating to the attempted expulsion from Egypt of Saint-Point for conducting Bolshevik propaganda, Lançon looks most importantly at Saint-Point’s short-lived Egyptian journal, Le Phœnix. Revue de la renaissance orientale (The Phoenix: Review of the Oriental Renaissance), and Marchi looks at Saint-Point’s conversion to Islam, which she compares to that of an Italian contemporary of Saint-Point, the Italian anarchist (and friend of Benito Mussolini) Leda Rafanelli (1880-1971).
The main source for the relationship between Guénon and Saint-Point is Saint-Point herself, writing in the newspaper L’Egypte nouvelle in 1952, on the first anniversary of Guénon’s death. She had been forewarned of Guénon’s arrival in Cairo, she wrote, and during the years before Guénon’s marriage in 1934 he had visited her weekly, and they spent many hours together. She was not, however, a disciple of his, having made her own study of religions and esotericism before she met him. His work contributed some details to her understanding that were interesting, but “not indispensable.”
One writer who seems to have been more indispensable for Saint-Point was an earlier French esotericist, Alexandre Saint-Yves d’Alveydre (1842-1909), who was also appreciated by Guénon. This, and the fact that the circles Saint-Point had inhabited in Europe connected with those that Guénon had inhabited, probably explains the close relationship between Saint-Point and Guénon.
Saint-Yves was best known for a political system, “synarchy,” that he proposed as an alternative to anarchy. He was also known for his description of Agarttha, a subterranean synarchical utopia located somewhere in Asia, probably in India. Agarttha was described in Saint-Yves’ Mission de l'Inde en Europe, mission de l'Europe en Asie. La question du Mahatma et sa solution (India's mission in Europe, Europe's Mission in Asia: The Question of the Mahatma and its Solution), written in 1886 but withdrawn from the press and then not published until after Saint-Yves’ death, in 1910. Its final publication was the work of Papus (Gérard Encausse, 1865-1916), the founder of the Martinist Order, to which Guénon had once belonged. Encausse had acquired Saint-Yves’ papers.
Mission de l'Inde does not deal directly with the question of the Mahatma, which may have been added as a subtitle by Papus to improve sales. This question was raised by the Theosophist Helena Blavatsky (1831-91), who claimed to be in receipt of communications from enlightened adepts known as Mahatmas. It was never made clear who these Mahatmas were. Saint-Yves’ book suggests an answer: they were inhabitants of Agarttha, initiates who guarded the ancient, esoteric Tradition (given a capital T by Saint-Yves).
Guénon addressed the issue of Agarttha (now generally spelled Agartha) in Le roi du monde (The King of the World, 1927), treating accounts of it primarily as myth, and comparing them to other, similar myths. It seems, however, that he did on balance accept that Agarttha, or something like it, actually existed. So did Saint-Point, who wrote of Sufism as “anterior to Islam” and as connected to Agarttha. Guénon, of course, also saw Sufism as a repository of ancient, esoteric Tradition, though he would not necessarily have drawn a connection through Agarttha.
Saint-Point and Guénon agreed on a number of other points, too. Both valued Oriental civilization over Western civilization, which both condemned, and both were French converts to Islam. Again, there were differences, however. Saint-Point’s commitment to the Orient was political and activist, unlike Guénon’s. This was the motivation for her journal and the cause of her political difficulties, resolved only through the personal intervention of the French foreign minister, Aristide Briand (1862-1932), who knew Saint-Point’s ex-husband, Charles Dumont (1867-1939), a member of the French Senate who was twice minister of finance. Briand knew that Saint-Point was not a Bolshevik. Her anti-colonial agitation was probably inspired by Theosophy.
Saint-Point’s Islam was also different from Guénon’s. She admired Abd al-Aziz ibn Saud (1875-1953), the founder of the Kingdom of Saudi Arabia, who she saw as a “young patriot” who was “returning Muslimism [Musulmanisme] to its origins, to the Spirit.” She evidently knew little of Ibn Saud’s Wahhabism, and he probably appealed to her romantic view of Islam as “the religion of silence, the Voice that speaks in the desert, the poetry of horizons framed by the sands.”
Those who are interested in Agarttha and do not read French may refer to the English translation of Mission de l'Inde, as The Kingdom of Agarttha: A Journey into the Hollow Earth (Inner Traditions, 2008, $14.95), with an excellent introduction by Joscelyn Godwin which is recommended even to those who do read French.
[This post has been edited to remove a quotation incorrectly attributed to Saint-Point that was actually from Rafanelli.]
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samedi, 18 mai 2019
Valentine de Saint-Point : le futurisme au féminin
Valentine de Saint-Point : le futurisme au féminin
par Arnaud Bordes
Ex: http://rebellion-sre.fr
Née Anna Jeanne Valentine Marianne Desglans de Cessiat-Vercel, elle est par ascendance maternelle arrière-petite-nièce d’Alphonse de Lamartine. La famille s’installa à Mâcon où elle vécut son enfance entre sa mère, sa grand-mère, son précepteur, ses dons précoces, sa passion pour la lecture, et ses premières aquarelles et poésies. Rien ne lui fut mystère de sa glorieuse généalogie, dont elle s’enorgueillit jusqu’à prendre, d’après le nom du château de l’illustre poète, le pseudonyme de Saint-Point.
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Dans le temps des années d’avant-guerre, dans ce Paris qui concertait toutes les élites cosmopolites et artistiques, où peintres, musiciens, sculpteurs, écrivains, collectionneurs s’unissaient et se désunissaient en académies, cénacles et galeries, V. de Saint-Point sut briller. Portant beau et aristocratiquement, d’une séduisante facilité de mœurs, souvent de pourpre vêtue1, bijoutée d’extravagances, émancipée dans l’activité sportive et l’escrime, mondaine accomplie, elle ne laissait pas indifférente la gent masculine qui s’empressait autour de ses impétuosités.
Si elle ne la lança pas dans le monde, puisqu’elle l’agitait déjà, sa rencontre, puis son union libre, avec le polygraphe Ricciotto Canudo, qui fréquentait les groupes de la modernité, lui permit toutefois d’imposer son engagement d’écrivain auprès des personnalités qui comptaient. Le couple avait de pareils intérêts pour le symbolisme et une conception universaliste du langage. Ricciotto Canudo fonda une revue (dont le nom, Montjoie !, n’était assurément pas fortuit) où l’on disputa du monde des Idées. Et tous deux firent le voyage d’Espagne et du Maghreb, où elle s’initia aussi bien à l’architecture mauresque qu’aux philosophes arabes et aux arcanes moyen-orientaux.
Très vite, dans son atelier de la rue de Tourville, à l’instar des salons d’Anna de Noailles, mais avec plus d’inventive faconde, V. de Saint-Point stimula, entre les différentes disciplines et leurs représentants, les rencontres dédiées à la rénovation des esthétiques. L’étude des religions, des mythes gréco-romains et des doctrines secrètes, le spiritisme et l’occultisme, y tenaient bonne place par l’intermédiaire du poète Vivian de Mas dont le théosophisme aigu dégageait des perspectives vers les sphères supérieures, vers les races et les cycles.
Tandis que Tristan Derème, Klingshor, Paul-Jean Toulet, Jean Cocteau, Blaise Cendrars y devisaient, les musiciens Florent Schmitt, Maurice Ravel y jouaient leurs compositions, puis Satie, que l’on redécouvrit, lui un peu oublié depuis les salons Rose-Croix de Péladan, avant de tous se réunir avec des chorégraphes, Diaghilev, Nijinsky, Jeanne Hugard, qui dansaient parfois en avant-première des actes de leurs ballets.
Cette effervescence précipitait les théories, dont la plus avérée fut l’Apollinisme qui, façon de pré-Futurisme, réclama le culte de la vie dans ses liens avec les énergies primordiales et posa le plaisir, au sens d’une jouissance purificatrice, en idéal.
V. de Saint-Point était devant ces aréopages ce que la « Domna » était devant sa cour de trouvères. Elle conduisait les hommages qui l’entouraient pour les transmuter en créativité.
Or, il est une figure qui dominait de son entière renommée toute cette concorde : Rodin, dont V. de Saint-Point fut le modèle puis, incidemment, la secrétaire. Une correspondance nombreuse révèle leur profonde amitié. Elle en révéra l’art qu’elle célébra dans des poèmes et étudia dans La double personnalité d’Auguste Rodin. Par sa présence célèbre, il attirait toujours plus de curieux dans l’atelier de la rue de Tourville. Et ses sculptures, ses nus, en l’occurrence Le Penseur et Le Baiser revêtent une importance particulière. Le premier représentant l’intellect saisi dans toute sa pure splendeur, et l’autre suggérant, au-delà de l’apparence passionnelle, une volupté sacrée voire métaphysique, puis leur aspect souple et massif et comme irradié de subtils mouvements intérieurs, semblent être la mesure symbolique de l’œuvre de V. de Saint-Point qui alternera incarnation et abstraction.
Plus ouvertement, travaillés de spéculations syncrétistes, les écrits de V. de Saint-Point superposèrent progressivement deux thèmes majeurs : la solution d’une féminité originale et la quête d’un pancalisme ou d’une synthèse des arts.
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Sa littérature fut donc requise par plusieurs mouvements. Du Symbolisme, déjà finissant, V. de Saint-Point retint les émotions raffinées, les quêtes synesthésiques et la tentative, par l’entremise d’éléments occultes associés au plaisir d’une langue invocatoire, d’affronter l’invisible au visible, de vérifier, en les entrevoyant peut-être, les intersignes qui nouent les formes finies et les formes infinies. Elle continua d’explorer autant la « forêt de symboles » de Baudelaire que les intuitions délicates de ses aînées, ces éphébesses floues que furent Renée Vivien ou Natalie Barney ou Lucie Delarue-Mardrus. Elle s’efforça aussi vers l’École Romane que Jean Moréas, qui fit sécession avec le Symbolisme dont, pourtant, il rédigea le manifeste, avait fondée dès 1891 afin de recouvrer les vertus d’un classicisme déclamatoire mêlé d’une prédilection pour les cultures méditerranéennes anciennes. Louant dans un style simple mais ample la contemplation de la nature, elle perpétua une mystique des éléments, du vent, de l’eau, du soleil, qui aboutit à une vision panthéiste comme à l’annonce d’un certain néo-paganisme. Un tel retour aux sources l’entraîna vers une critique du monde moderne similaire, momentanément, à celle de Charles Maurras lui-même disciple de l’École Romane dont le refus de la civilisation occidentale, dénoncée comme barbare, s’augmentait d’un éloge des lumières hellènes. Pourtant, V. de Saint-Point inclina moins au rationalisme antique qu’à la célébration, soutenue par l’espoir des rythmes cosmiques, des instincts, des mouvements de l’âme et de sentiments nobles – elle accorda dans ses vers l’exaltation du moi au lyrisme hautain de son grand-oncle pour, à la fin, approfondir une veine romantique : car souvent, en effet, elle ne se déplut pas, presque par fidélité superstitieuse, à s’imprégner du souvenir d’Alphonse de Lamartine en engageant, plus ou moins directement ou magiquement2, son inspiration et son imaginaire sous son ombre tutélaire.
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Toutefois, ce qui prime dans ces principaux recueils, Poèmes de la Mer et du Soleil, L’Orbe pâle, La Soif et les Mirages, c’est la mise en place progressive d’une écriture féminine. Non pas d’une écriture féministe mais d’une écriture au féminin qui promeut plus la femme intérieure que la femme sociale. Non pas d’une écriture revendicative mais d’une écriture créative qui énonce les règles d’une esthétique féminine à part entière et qui essaie de s’affranchir des représentations masculines et littéraires de l’Éternel féminin pour, en quelque sorte, réaliser la Femme éternelle. Et cette Femme ne sera ni la Salomé décadente, ni la Nana naturaliste, ni l’Amazone symboliste, ni la précieuse ridicule des salons, mais procèdera de mythes puissants, qui affleureront dans Les poèmes d’Orgueil et s’imposeront dans son triptyque romanesque de L’amour et de la Mort, dont les romans, Un Amour, L’Inceste, Une mort, seront une déclinaison de la femme en trois archétypes classiques : Aphrodite, Déméter, Hécate.
Dans Un Amour, au travers de personnages nourris de philosophie idéaliste, la relation amoureuse est perçue comme concentration de forces et activation, celles-ci présupposées, de potentialités supérieures résidant dans l’amante, tandis que l’éros, dénoté hors de toute considération biologique ou génésique, est moins une fin qu’un moyen assurant le passage de l’infrastructurel au suprastructurel : l’amante ne s’appréhende plus seulement en mode mineur, charnel et psychique mais en mode majeur et spirituel, elle ne relève plus, pour jouer sur les désinences, de l’aphrodisiaque mais s’élève vers l’aphrodisien – elle atteint à une manière de totalité. S’étant pérennisée, elle pérennise autant l’amant que, surtout, le couple. Ascendante, transcendante, révélée, initiée à elle-même, elle permet à la contemplation de s’apprécier en contemplation platonicienne.
Dans L’Inceste (qui fit scandale et posa à nouveau la question de la morale dans l’art), au-delà de la volonté de transgresser un interdit et de dépeindre une mère dont l’amour maternel verse dans la passion amoureuse, il s’agit de redécouvrir la féminité omnipotente qui, semblable à Gaïa ou à Déméter (ou à toute autre hypostase de grandes déesses antiques de la Nature), est source et principe de vie. La pulsion incestueuse, si elle est déviance, est entendue comme processus de retour à soi : prédominant à tout, une telle féminité tend à être fécondée par ce qui est né d’elle et, se rassemblant et ressemblant à perpétuité, assure certain ordre naturel.
Dans Une Mort, bien que d’un tour plus autobiographique, et où sont condamnés la société et, dans tous ses aspects, qu’ils soient artistiques et moraux, le sexe masculin, émerge une féminité qui se situe à l’opposé des précédentes : puisque la femme est, comme susdit, pouvoir de vie physique et métaphysique, elle est aussi pouvoir de mort. Ce sera alors l’Hécate (ou aussi Ishtar, Astarté, Kali) qui propage les influences démoni(a)ques, dissolvantes, hallucinantes – féminité qui est négation, destruction, non seulement de la virilité mais aussi de toutes formes. Descendante, abyssale, elle est la voie vers une pureté par défaut, subversive, une pureté froide, stérile, vide, la pureté de la tentation du néant.
Pour compléter, à un niveau plus formel, cette analyse d’une écriture au féminin, il est nécessaire de remarquer que le dessein de V. de Saint-Point est d’entreprendre bel et bien le discours, de se l’approprier en tant qu’il est rhétorique. Or la rhétorique ne se résume pas à des procédés d’éloquence ou à une simple technique littéraire, judiciaire, délibérative ou épidictique. Elle a essentiellement pour fonction de pallier l’arbitraire du signe et de faire en sorte que le langage soit le plus possible en relation avec le réel ; elle est ordre et rythme et, par-là, s’accorde à l’ordre des choses et aux rythmes naturels3. Elle fut connotée comme hypostase, voire image du Verbe ou, si l’on préfère, comme une espèce de logos minuscule reflet du Logos majuscule. En tant que telle, elle est sophistique et en relation avec la Sophia qui est l’âme (l’ordre) du monde créé. Ainsi, V. de Saint-point, qui s’applique de manière souveraine à la rhétorique, s’oriente vers cette Sophia qui, en soi, rejoint une modalité de féminité archétypale. En même temps, dans ce triptyque de L’amour et de la Mort et, plus tard, dans La Soif et les Mirages, V. de Saint-Point rencontre une qualité de composition qui ressortit plus au poème en prose qu’au roman. Qualité de prose poétique qui, autour de 1900, fut explorée par Gustave Khan et Marie Kryzinska 4 et qui façonne une langue ornementale, une mise en décor de la langue, une langue distinctive qui, parce qu’elle se déprend de tout didactisme ou de toute doxa, pourrait apparaître comme un vain exercice de style mais qui, au contraire, est pure rhétorique laquelle, en effet, est intrinsèquement hautement signifiante : soumis à de très précises règles, le style se suffit à lui-même et pourvoit au sens5. Et V. de Saint-Point, faisant du style, fait du sens.
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Il était normal que cette quête de la féminité interrogeât la sexualité. L’essai La femme et le désir y contribua en argumentant sur une nouvelle approche du corps féminin qu’il convient de ne plus définir comme objet peccable ou tabou. Étayés par une dénonciation de la morale en vigueur et une analyse de l’intimité de la femme, le désir et la volupté sont, s’il en est, reconnus, jusqu’à être, par leur reconnaissance même, porteurs de la transgression attendue : l’inconvenance et l’épanouissement se prônent mutuellement tandis que le sentimentalisme, la tendresse, les fadeurs sont méthodiquement flétris.
Mais ce n’est là qu’une propédeutique à de plus vigoureux textes.
V. de Saint-Point se proclamait femme d’avant-garde. Affairée à la nouveauté, elle trouva le Futurisme dont les scandales péremptoires, les facultés de provocation, l’idéologie de la révolte, de la tabula rasa et de la collision, le volontarisme, la fascinèrent et lui permirent d’exaspérer beaucoup de ses convictions, et dont, plus avant, elle enrichit la doctrine qui, derrière la personnalité percutante et lyrique de son chef de file F.T. Marinetti, assénait le mépris du sexe faible : « Nous, futuristes, nous honnirons les femmes tant qu’elles empêcheront les hommes de conquérir le monde en les emprisonnant dans les pièges de l’amour et du snobisme, tant qu’elles constitueront autant de chaînes à briser, d’entraves pour le combat et pour la lutte. »
V. de Saint-Point et F.T. Marinetti se rencontrèrent, se convainquirent, et ce dernier, qui augura du retentissement médiatique qui en résulterait, la consacra première femme futuriste. Aussi, sacrifia-t-elle à la mode des manifestes (lesquels se multipliaient en ces périodes de défis artistiques) et rédigea Le Manifeste de la Femme futuriste dont, vêtue d’une robe d’un rouge encore excentrique, chapeautée à la mexicaine et gardée par les importants du futurisme, Balla, Sevirini et, bien sûr, Marinetti qui ouvrit la conférence, elle donna lecture le 27 juin 1912, salle Gaveau.
Elle y développa une théorie.
Premièrement, sous l’influence, semble-t-il, de philosophes ou d’occultistes comme Otto Weininger6 ou Joséphin Péladan7, en suggérant que l’identité sexuelle telle qu’on l’entend n’est pas pertinente. En fait, et cela présupposant la notion de sexe intérieur et extérieur, la sexualisation est ensemble une réalité changeante et une gradation selon que dans un même individu prédomine la qualité mâle ou la qualité femelle : tel peut être anatomiquement masculin qui participe psychiquement, à divers degrés, de possibilités féminines ; telle peut être anatomiquement féminine qui participe psychiquement, à divers degrés, de possibilités masculines. Par conséquent, le type pur est rare, soit qu’il s’affirme pleinement masculin ou féminin, soit qu’il réalise, de manière plus complexe, comme le conçoit V. de Saint-Point, le parfait équilibre entre compétence masculine et compétence féminine : tel sera, d’après elle, « l’être complet ». Être complet qui se manifeste non seulement comme cause mais aussi comme conséquence de périodes et de races épiques: d’où les génies, les héros…
Secondement, en conceptualisant la surfemme, véritable parèdre du surhomme nietzschéen. Surfemme qui, refusant « les morales et les préjugés » qui la dévoient, prépare, dans l’élan dominateur de tout son instinct vainqueur, l’avènement d’une humanité supérieure d’où les compatissants seront sans merci éliminés : « Que la femme retrouve sa cruauté et sa violence qui font qu’elle s’acharne sur les vaincus parce qu’ils sont vaincus, jusqu’à les mutiler. Qu’on cesse de lui prêcher la justice spirituelle à laquelle elle s’est efforcée en vain. Femmes, redevenez sublimement injustes, comme toutes les forces de la nature ! »
Peu après, en 1913, paru Le Manifeste futuriste de la Luxure. Les données crypto-nietzschéennes, telles que d’être soi-même sa propre théorie de la vie et la réalisation autonome de soi à l’encontre des entraves et codes culturels, y sont renouvelées, poussées à l’extrême, en même temps qu’elles s’agrègent à l’invention d’une luxure éprouvée autant comme valeur ultime que comme explication et rééquilibrage de l’existence : « C’est l’insatisfaction renaissante qui pousse, dans une orgiaque volonté, l’être à s’épanouir, à se surpasser. » Orgueilleuse vitalité, la luxure ignore les valeurs établies, bouleverse les vérités, active les énergies et provoque les guerres qui créent un individu puissant, un soldat, un artiste « dont rien ni personne ne peut annuler l’identité8 » et, conjonction de Vénus et de Mars, elle « est une force, puisqu’elle tue les faibles et exalte les forts, aidant à la sélection. » C’est aussi un moyen de régénérer les critères calistiques qui, eux-mêmes se dynamisant, ouvrent sur une création (quasi au sens cosmogonique) selon la chair qui concurrence la création selon l’esprit : « La luxure, c’est aussi la recherche charnelle de l’inconnu, comme la cérébralité en est la recherche spirituelle. » Et il est évident que la luxure se pratique en pleine conscience. Elle exige concentration autant que pour une œuvre artistique. De même, elle ne découle pas du sentiment amoureux, qu’elle ne prolonge pas mais qu’elle excède parce qu’elle est « éternelle » alors qu’il « suit les modes ».
Ces écrits firent du tapage. Le tumulte plut à V. de Saint-Point, qui se félicita d’avoir défié la société et d’avoir mis la femme au centre des débats du mouvement futuriste qui, dès lors, en compta beaucoup dans ses rangs. Les manifestes furent traduits dans toute l’Europe. Bien des capitales, où l’avant-garde s’activait, réclamèrent et sa présence et ses conférences, et l’accueillirent comme une pythie venant rendre d’audacieux oracles.
Parallèlement, et toujours sur le thème d’un féminisme inédit, V. de Saint-Point se diversifia dans le théâtre.
Le théâtre de la femme incite à réformer les rôles de la femme qui n’a plus à jouer « une ménagère complaisante et silencieuse » ou « une poupée jaboteuse, sentimentale ou perverse » entravée par d’adultérines intrigues boulevardières. L’héroïne doit s’affirmer telle (héroïque !), puis proposer l’énigme de sa féminité dont par « de sublimes gestes » et en s’exprimant « en divines paroles » elle révèlera, ou suggèrera, le chiffre. « Être étrangement complexe et mystérieux », elle élabore sa propre dramaturgie qui, en un essor ipséiste, suscite sa propre analyse psychologique : c’est « l’autopsychologie de la femme » qui lève les séquestres posés par le psychologue de la féminité. Pour ce faire, il conviendra de controuver le théâtre même : en le rétablissant dans sa grandeur antique et en l’associant, afin qu’il retrouve sa plénitude mimétique, à l’évolution des mœurs qui favorise, justement, l’expression de la femme. Pourtant, à bien le considérer, ce théâtre, convoquons L’agonie de Messaline9, de facture très idéaliste, parce que très cérébral, n’opère pas la purgation des émotions et se lit sans doute mieux qu’il ne se joue, à l’exemple des drames de Villiers de l’Isle-Adam, dont V. de Saint-Point louait les hautaines exigences.
*
À l’avenant, et de manière prépondérante, V.de Saint-Point s’investit dans un autre art de scène : la chorégraphie, qu’elle magnifia en Métachorie (du grec méta : déplacement, changement, ou, succession; et khoreia : danse).
La Métachorie est une danse qui tend à son propre dépassement et fusionne les arts auxquels elle se rapporte : la géométrie, la sculpture, la peinture, le nombre, la poésie, la musique. L’affirmant « d’essence cérébrale, créée spirituellement », V. de Saint-Point l’affronta, pour la parfaire en mystère, à la danse classique et de ballet « qui n’est que de la cadence marquée » enchevêtrée « d’inspiration charnelle ».
Danse supérieure donc, qui n’est pas « matérialisation exotérique, un rythme charnel, instinctif ou conventionnel », danse « idéiste », elle succède d’abord, néanmoins, à d’autres célèbres chorégraphies. D’une part à celle de Loïe Fuller qui, bien qu’en quête d’une gestuelle pure, déploya sur scène, à l’aide d’effets spéciaux de voiles, de miroirs, de lumières, toute une émulsion de métamorphoses sinueuses10. D’autres part, à celle d’Isadora Duncan qui, par la contemplation de la nature, et en empruntant à l’esthétique grecque comme aux rites dionysiaques, voulut retrouver des rythmes de transes et les corps ravis par des forces suprahumaines.
Et, V. de Saint-Point proclamant la stylisation géométrique des mouvements et la schématisation ultime des gestes, danse qui revoit le cubisme qui, à la même époque, restructura les objets et les êtres dans leur organisation première.
Mais l’important est ailleurs. V. de Saint-Point selon, comme on l’a vu, que ses goûts la portaient vers la culture des mondes méditerranéens, avait étudié la philosophie antique. En sorte que, touchée de gnose, pétrie de significations profondes, elle tint pour des thèmes cosmologiques subtils, pour des ontologies qui polarisent en hiérarchie complémentaire la manifestation universelle, pour le monde des archétypes qu’elle apprécia précisément, encore, selon des données géométriques : « toute figure géométrique a un sens ésotérique ». Or, la manifestation universelle s’ordonne en principe masculin et principe féminin. Le masculin, qui est essentiel, est forme, verticalité, immobilité, immutabilité, stabilité et station existence, éternité ; quand le féminin, qui est substantiel, est informe, horizontalité, instabilité, mobilité, mutabilité et situations vie, devenir. Ce sont, respectivement et pour reprendre des catégories traditionnelles, le khien et la khuen ou le yang et le yin extrême-orientaux, l’Acte et la Puissance ou la Totalité et l’Infini11 aristotéliciens, le nous et la psyché plotiniennes, les çiva et çakti indiens, qui se circonstancient en ciel et terre, feu et eau, nord et sud, droite et gauche, zénith et nadir. Catégories qui peuvent s’entendre selon un mode ternaire : principe masculin et principe féminin sont l’émanation par spécification d’un principe suprême qui, se maintenant identique à lui-même, les transcende et les comprend ; masculin et féminin sont conjoints en dualité par rapport à une unité. C’est, selon Pythagore, la Dyade opposée à l’Un, la Dyade à partir de laquelle se développera donc la création qui, précisons-le, s’appréhendera plutôt comme l’amplification du principe féminin ou l’animation par le principe masculin des potentialités de ce principe féminin. Ainsi, pour V. de Saint-Point, il s’agit d’abstraire la danse qui, parce qu’elle est mouvement et changement, phénoménale et multiple, est à l’image de la vie, de la création, de l’abstraire par induction progressive ou, éventuellement, car la valeur opérative n’est pas attestée, par étapes initiatiques et de la proposer peut-être comme voie sacrée vers ce que l’on appela les Petits Mystères et les Grands Mystères, sachant que les premiers relevaient du principe féminin alors que les seconds relevaient du principe masculin. Ainsi, par exemple, pour atteindre au principe féminin, V. de Saint-Point esquissa une chorégraphie en linéarités courbes et brisées favorisant l’expression du yin et illustrant soit l’eau « coulée » soit l’eau « baignée » et lustrale, l’acqua vivis en laquelle gisent les puissances indifférenciées une chorégraphie également présentée horizontalement, orientée au sud et, comme autant d’exercices au sol, en contact avec l’élément terre. En même temps, elle figura de ces triangles inversés, dirigés vers le bas, qui symbolisent la matrice et l’organe sexuel, puis la force magique et fertile de la mater genitrix. Ensuite, V. de Saint-Point exhaussa le triangle, qui marquera le haut et le nord et assurera le passage à la verticalité et au principe masculin lequel, alors, sera stylisé en lignes droites favorisant l’expression du yang pour, après, être de plus en plus épuré en formes géométriques de plus en plus statiques. Jusqu’à la représentation de la Dyade (associée généralement à la rotondité, à la sphéricité androgyne – convoquons l’Androgyne de Platon ou de l’Être circulaire parménidien12), soit par des postures suggérant un cercle, soit par des postures verticales, axiales, en caducée, où le bras droit élèvera au zénith les forces mâles et le gauche descendra au nadir les forces femelles. Quant au principe suprême, il semblerait que V. de Saint-Point lui dédiât son anatomie rétractée le plus possible en un point qui, « en-stase », concentre véritablement le cercle qui en est l’« ex-tase », à moins qu’elle ne le représentât par une attitude pensive, à la manière du Penseur de Rodin qui symbolise l’Intellection/l’Idée pure. Au reste, cet effort n’était pas sans de précises techniques respiratoires13 qui, au-delà de la nécessité vitale, servaient, au sens strict des termes, à reprendre le souffle : reprise du souffle supérieur (divin) qui anime le cosmos et alterne Inspir et Expir, c’est-à-dire rétraction et expansion, c’est-à-dire, comme il vient d’être vu, « en-stase » et « ex-stase ».
Également, la Métachorie, œuvre de purification, voire de dépouillement, n’est pas sans évoquer la danse des Sept Voiles que pratiquaient pythies et prêtresses d’Aphrodite et qui consistait à ôter précisément sept vêtures, symboles de la manifestation universelle (4+314, le quatre étant en relation avec l’axe horizontal et le trois avec l’axe vertical), à épuiser, certes, cette manifestation universelle afin d’atteindre à la nudité principielle, abyssale, vertigineuse au Nu de l’Un.
Il faut imaginer notre métachoreute prise dans les satins impassibles d’une robe haute et médiévale : « Les costumes de ma métachorie ont la ligne longtemps traditionnelle des costumes mérovingiens, francs. » Car, en plus que de sublimer les gestes, elle souhaita contraindre le corps et le visage, en occulter les formes trop charnelles aussi bien que les émotions, jusqu’à qu’elles fussent hiératiques, jusqu’à ce qu’ils fussent lente solennité : « Pour danser, il faut donc voiler toute partie du corps où la chair a la prépondérance sur le muscle, ce qui ne peut que donner du flou nuisant par le détail de son agitation multiple à la ligne générale en mouvement. Le visage, dont l’expression est, naturellement, sans cesse changeante, ou artificiellement crispée dans le sourire figé, ou agitée par les détails d’une mimique par trop facile, est disharmonie avec les mouvements inévitablement plus lents du corps. »
*
La réalité de la grande guerre affecta V. de Saint-Point. Les combats ne ravivaient pas la race non plus qu’ils n’appelaient les héros ou une beauté neuve. Elle considéra que la guerre n’était ni esthétique ni métaphysique mais ordinaire économie qui profitait aux marchands d’armes.
À l’instar des Picabia, Duchamp et de beaucoup des avant-gardes, elle s’exila aux Etats-Unis, où elle organisa en 1917 un festival de la Métachorie.
Mais la désillusion était immense. Dès son retour en Europe, elle se détourna des valeurs du monde moderne afin d’entreprendre mieux ses quêtes spirituelles qui s’intensifièrent lors de sa conversion à l’Islam. À Tanger, elle fut baptisée sous le nom de Rawhiya Nourredine.
La rupture fut consommée en 1925, lorsqu’elle s’installa au Caire. Son engagement auprès des nationalistes égyptiens, qu’elle servit en créant la revue Phoenix, l’affermit dans sa critique de la civilisation occidentale à laquelle elle opposa l’avènement d’un Orient uni et réuni à lui-même, tant au niveau de ses traditions qu’au niveau de ses peuples. Cependant, à cause de dissensions diverses, elle renonça à la lutte.
Ésseulée, démunie, elle vécut dans l’étude des prophètes et de consultations de radiesthésie et d’acupuncture. Méditant sur les états multiples de son être, elle approfondit ses recherches ésotériques. Elle se lia d’amitié avec René Guénon qui s’était aussi retiré au Caire. Elle mourut en 1953.
Arnaud Bordes
Romancier et éditeur – http://alexipharmaque.eu/
Notes :
1 Pour Gabrielle d’Annunzio, elle fut « la muse pourpre ».
2 Il semblerait qu’elle eût tenté, au cours de plusieurs séances de spiritisme, de prendre contact avec le glorieux aïeul.
3 « La nature elle-même nous apprend à choisir le mètre qui lui convient. » Aristote, Poétique.
4 L’un et l’autre prétendant à l’invention du vers libre. Leur rivalité passionna les cercles et les revues littéraires de l’époque : les Hydropathes, la Revue indépendante… Rappelons également Joris-Karl Huysmans, qui voyait dans le poème en prose « le suc concret, l’osmazôme de la littérature, l’huile essentielle de l’art. »
5 De fait, plus largement, il n’est pas sérieux de déprécier la coruscance de quelques écrivains ou mouvements : Stéphane Mallarmé, Mademoiselle de Scudéry, les Grands Rhétoriqueurs, Maurice de Scève… En relation avec ce que la rhétorique antique appelait « le genre relevé » ou, lorsqu’il y avait plus d’afféteries, « l’asianisme », de tels styles rythment souvent plus qu’une apparente préciosité.
6 Cf. Sexe et Caractère
7 Cf. De l’Androgyne
8 Mircea Eliade, Les Hooligans.
9 Messaline est une figure emblématique de l’époque. Topique littéraire, elle étend son emprise à de nombreuses œuvres : Messaline d’Alfred Jarry, Messaline de Nonce Casanova, L’Orgie latine de Félicien Champsaur…
10 Entre autres, la fameuse Danse Serpentine.
11 « Est donc infini ce dont, quand on le prend selon la quantité, il est toujours possible de prendre quelque chose à l’extérieur. Mais ce dont rien n’est à l’extérieur de lui, cela est achevé et une totalité » Aristote, Physique.
12 « Il ressemble à la masse d’une sphère arrondie de tous côtés, également distante de son centre en tous points. » Parménide, Poème.
13 Techniques respiratoires à mettre éventuellement en relation avec la méthode hésychaste. L’Hésychasme (hsuxia, en grec : calme, recueillement, quiétude) entreprend, par d’appropriées postures corporelles et par la régulation du souffle à travers la répétition du nom de Dieu, de délivrer l’Esprit enclos dans la chair.
14 En général, les nombres impairs sont en rapport avec le ciel, et les nombres pairs avec la terre.
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vendredi, 06 septembre 2013
Esprits insoumis
"Il faut être indulgent à ceux qui, au lieu de profiter paisiblement des grandes routes toutes tracées et foulées par les générations précédentes et par les aînés, s’en écartent pour chercher une autre voie. Ils ont au moins de l’audace et du courage, vertus essentielles aux conquérants, si modestes soient-ils. Ils ne sont pas tous des triomphateurs mais il ne faut pas sourire devant le sentier, si petit soit-il, que quelques-uns parmi eux frayent dans n’importe quel domaine, parce qu’il y aura toujours des esprits insoumis qui préféreront aux belles routes battues les sentiers pittoresques et incertains, et aussi parce que des sentiers tracés peuvent devenir, grâce à ceux qui suivront et qu’ils auront tentés, de larges avenues."
Valentine de Saint-Point
Ex: http://zentropaville.tumblr.com
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dimanche, 27 mars 2011
Futurist Manifesto of Lust
Futurist Manifesto of Lust
Valentine de Saint-Point
http://www.unknown.nu/futurism/lust.html
to those women who only think what I have dared to say;
to those for whom Lust is still nothing but a sin;
to all those who in Lust can only see Vice, just as in Pride they see only vanity.
Lust, when viewed without moral preconceptions and as an essential part of life’s dynamism, is a force.
Lust is not, any more than pride, a mortal sin for the race that is strong. Lust, like pride, is a virtue that urges one on, a powerful source of energy.
Lust is the expression of a being projected beyond itself. It is the painful joy of wounded flesh, the joyous pain of a flowering. And whatever secrets unite these beings, it is a union of flesh. It is the sensory and sensual synthesis that leads to the greatest liberation of spirit. It is the communion of a particle of humanity with all the sensuality of the earth.
Lust is the quest of the flesh for the unknown, just as Celebration is the spirit’s quest for the unknown. Lust is the act of creating, it is Creation.
Flesh creates in the way that the spirit creates. In the eyes of the Universe their creation is equal. One is not superior to the other and creation of the spirit depends on that of the flesh.
We possess body and spirit. To curb one and develop the other shows weakness and is wrong. A strong man must realize his full carnal and spiritual potentiality. The satisfaction of their lust is the conquerors’ due. After a battle in which men have died, it is normal for the victors, proven in war, to turn to rape in the conquered land, so that life may be re-created.
When they have fought their battles, soldiers seek sensual pleasures, in which their constantly battling energies can be unwound and renewed. The modern hero, the hero in any field, experiences the same desire and the same pleasure. The artist, that great universal medium, has the same need. And the exaltation of the initiates of those religions still sufficiently new to contain a tempting element of the unknown, is no more than sensuality diverted spiritually towards a sacred female image.
Art and war are the great manifestations of sensuality; lust is their flower. A people exclusively spiritual or a people exclusively carnal would be condemned to the same decadence—sterility.
Lust excites energy and releases strength. Pitilessly it drove primitive man to victory, for the pride of bearing back a woman the spoils of the defeated. Today it drives the great men of business who run the banks, the press and international trade to increase their wealth by creating centers, harnessing energies and exalting the crowds, to worship and glorify with it the object of their lust. These men, tired but strong, find time for lust, the principal motive force of their action and of the reactions caused by their actions affecting multitudes and worlds.
Even among the new peoples where sensuality has not yet been released or acknowledged, and who are neither primitive brutes nor the sophisticated representatives of the old civilizations, woman is equally the great galvanizing principle to which all is offered. The secret cult that man has for her is only the unconscious drive of a lust as yet barely woken. Amongst these peoples as amongst the peoples of the north, but for different reasons, lust is almost exclusively concerned with procreation. But lust, under whatever aspects it shows itself, whether they are considered normal or abnormal, is always the supreme spur.
The animal life, the life of energy, the life of the spirit, sometimes demand a respite. And effort for effort’s sake calls inevitably for effort for pleasure’s sake. These efforts are not mutually harmful but complementary, and realize fully the total being.
For heroes, for those who create with the spirit, for dominators of all fields, lust is the magnificent exaltation of their strength. For every being it is a motive to surpass oneself with the simple aim of self-selection, of being noticed, chosen, picked out.
Christian morality alone, following on from pagan morality, was fatally drawn to consider lust as a weakness. Out of the healthy joy which is the flowering of the flesh in all its power it has made something shameful and to be hidden, a vice to be denied. It has covered it with hypocrisy, and this has made a sin of it.
We must stop despising Desire, this attraction at once delicate and brutal between two bodies, of whatever sex, two bodies that want each other, striving for unity. We must stop despising Desire, disguising it in the pitiful clothes of old and sterile sentimentality.
It is not lust that disunites, dissolves and annihilates. It is rather the mesmerizing complications of sentimentality, artificial jealousies, words that inebriate and deceive, the rhetoric of parting and eternal fidelities, literary nostalgia—all the histrionics of love.
We must get rid of all the ill-omened debris of romanticism, counting daisy petals, moonlight duets, heavy endearments, false hypocritical modesty. When beings are drawn together by a physical attraction, let them—instead of talking only of the fragility of their hearts—dare to express their desires, the inclinations of their bodies, and to anticipate the possibilities of joy and disappointment in their future carnal union.
Physical modesty, which varies according to time and place, has only the ephemeral value of a social virtue.
We must face up to lust in full conciousness. We must make of it what a sophisticated and intelligent being makes of himself and of his life; we must make lust into a work of art. To allege unwariness or bewilderment in order to explain an act of love is hypocrisy, weakness and stupidity.
We should desire a body consciously, like any other thing.
Love at first sight, passion or failure to think, must not prompt us to be constantly giving ourselves, nor to take beings, as we are usually inclined to do so due to our inability to see into the future. We must choose intelligently. Directed by our intuition and will, we should compare the feelings and desires of the two partners and avoid uniting and satisfying any that are unable to complement and exalt each other.
Equally conciously and with the same guiding will, the joys of this coupling should lead to the climax, should develop its full potential, and should permit to flower all the seeds sown by the merging of two bodies. Lust should be made into a work of art, formed like every work of art, both instinctively and consciously.
We must strip lust of all the sentimental veils that disfigure it. These veils were thrown over it out of mere cowardice, because smug sentimentality is so satisfying. Sentimentality is comfortable and therefore demeaning.
In one who is young and healthy, when lust clashes with sentimentality, lust is victorious. Sentiment is a creature of fashion, lust is eternal. Lust triumphs, because it is the joyous exaltation that drives one beyond oneself, the delight in posession and domination, the perpetual victory from which the perpetual battle is born anew, the headiest and surest intoxication of conquest. And as this certain conquest is temporary, it must be constantly won anew.
Lust is a force, in that it refines the spirit by bringing to white heat the excitement of the flesh. The spirit burns bright and clear from a healthy, strong flesh, purified in the embrace. Only the weak and sick sink into the mire and are diminished. And lust is a force in that it kills the weak and exalts the strong, aiding natural selection.
Lust is a force, finally, in that it never leads to the insipidity of the definite and the secure, doled out by soothing sentimentality. Lust is the eternal battle, never finally won. After the fleeting triumph, even during the ephemeral triumph itself, reawakening dissatisfaction spurs a human being, driven by an orgiastic will, to expand and surpass himself.
Lust is for the body what an ideal is for the spirit—the magnificent Chimaera, that one ever clutches at but never captures, and which the young and the avid, intoxicated with the vision, pursue without rest.
Lust is a force.
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vendredi, 25 mars 2011
Futurismo: Valentine de Saint-Point molto futurista, poco femminista
Futurismo: Valentine de Saint-Point molto futurista, poco femminista
Donna vera e genio puro, avanguardista e provocatrice fu autrice del “Manifesto delle Donne” e della “Lussuria”
Claudio Cabona
Ex: http://rinascita.eu/
Se non ora quando? La donna e la sua dignità, il suo ruolo sociale. La posizione da assumere all’interno e nei confronti del sistema Italia. Dibattiti su dibattiti, manifestazioni, mobilitazioni in nome di una rinascita in gonnella, appelli infuocati al popolo rosa. Costruzione di una nuova identità femminile o starnazzo di gallinelle? La donna paragonata all’uomo, divisione fra sessi al centro di battaglie e rivendicazioni che sanciscono nuove superiorità o inferiorità?
“L’Umanità è mediocre. La maggioranza delle donne non è né superiore né inferiore alla maggioranza degli uomini. Sono uguali. Meritano entrambe lo stesso disprezzo. Nel suo insieme, l’umanità non è mai stata altro che il terreno di coltura donde sono scaturiti i geni e gli eroi dei due sessi. Ma vi sono nell’umanità, come nella natura, momenti più propizi a questa fioritura... E’ assurdo dividere l’umanità in donne e uomini. Essa è composta solo di femminilità e di mascolinità”.
La femminilità e la mascolinità sono due elementi che separano e caratterizzano i due sessi, ma che in quest’epoca moderna sembrano essersi in parte persi, lasciando spazio ad un indebolimento dell’individuo che è sempre più costruzione e non realtà.
“Un individuo esclusivamente virile non è che un bruto; un individuo esclusivamente femminile non è che una femmina.
Per le collettività, e per i diversi momenti della storia umana, vale ciò che vale per gli individui. Noi viviamo alla fine di uno di questi periodi. Ciò che più manca alle donne, come agli uomini, è la virilità. Ogni donna deve possedere non solo virtù femminili, ma qualità virili, senza le quali non è che una femmina. L’uomo che possiede solo la forza maschia, senza l’intuizione, è un bruto. Ma nella fase di femminilità in cui viviamo, soltanto l’eccesso contrario è salutare: è il bruto che va proposto a modello”.
Il rinnovamento? Una nuova donna non moralizzatrice, ma guerriera, scultrice del proprio futuro. Un cambiamento che passa attraverso una riscoperta del potenziale rivoluzionario della femminilità che non deve essere un artificio creato e voluto dall’uomo, ma una nuova alba. Non bisogna conservare, ma distruggere antiche concezioni.
”Basta le donne di cui i soldati devono temere le braccia come fiori intrecciati sulle ginocchia la mattina della partenza; basta con le donne-infermiere che prolungano all’infinito la debolezza e la vecchiezza, che addomesticano gli uomini per i loro piaceri personali o i loro bisogni materiali!... Basta con la donna piovra del focolare, i cui tentacoli dissanguano gli uomini e anemizzano i bambini; basta con le donne bestialmente innamorate, che svuotano il Desiderio fin della forza di rinnovarsi!. Le donne sono le Erinni, le Amazzoni; le Semiramidi, le Giovanne d’Arco, le Jeanne Hachette; le Giuditte e le Calotte Corday; le Cleopatre e le Messaline; le guerriere che combattono con più ferocia dei maschi, le amanti che incitano, le distruttrici che, spezzando i più deboli, agevolano la selezione attraverso l’orgoglio e la disperazione, la disperazione che dà al cuore tutto il suo rendimento”.
Non può e non deve esservi differenza fra la sensualità di una femmina, il suo essere provocante e la sua inclinazione a diventare madre, pura e cristallina. La demarcazione fra “donna angelo” e “donna lussuriosa” è puramente maschilista e priva di significato. Il passato e il futuro si incrociano nei due grandi ruoli che la donna ricopre all’interno della società: amante e procreatrice di vita. Figure diverse, ma al contempo tasselli di uno stesso mosaico.
“La lussuria è una forza, perché distrugge i deboli ed eccita i forti a spendere le energie, e quindi a rinnovarle. Ogni popolo eroico è sensuale. La donna è per lui la più esaltante dei trofei.
La donna deve essere o madre, o amante. Le vere madri saranno sempre amanti mediocri, e le amanti, madri inadeguate per eccesso. Uguali di fronte alla vita, questi due tipi di donna si completano. La madre che accoglie un bimbo, con il passato fabbrica il futuro; l’amante dispensa il desiderio, che trascina verso il futuro”.
Il sentimento e l’accondiscendenza non possono ergersi a valori centrali della vita. L’energia femminile non solo si manifesta come ostacolo, ma anche luce che illumina strade di conquista dell’umana voglia di esistere.
“La Donna che con le sue lacrime e con lo sfoggio dei sentimenti trattiene l’uomo ai suoi piedi è inferiore alla ragazza che, per vantarsene, spinge il suo uomo a mantenere, pistola in pugno, il suo arrogante dominio sui bassifondi della città; quest’ultima, per lo meno, coltiva un’energia che potrà anche servire a cause migliori”.
Queste parole, non moraliste né tanto meno prettamente femministe, non furono di una persona qualsiasi. Appartennero ad una donna sì, ma unica, che rigettò tutte le definizioni, stracciando etichette e pregiudizi. Il suo verbo, ancora oggi, nonostante la sua visione del mondo sia stata coniata nel 1912, è ancora attuale e può insegnare molto a chi si pone domande sul “mondo rosa” e non solo. Avanguardista, provocatrice e futurista. Lei fu Valentine de Saint-Point (1875-1953), autrice del “Manifesto delle Donne” e della “Lussuria”. Contribuì, come poche intellettuali nella storia, all’emancipazione della donna sia dal punto di vista dei diritti che del pensiero, partecipando anche a vari movimenti di rivendicazione. Odiava le masse, le certezze, i dettami borghesi, amava la libertà di pensiero, l’essere femmina, l’essere futuro. Concludo con l’ultima parte del manifesto, momento più alto della poetica di una delle grandi donne del ‘900. La speranza è che femmine come Valentine esistano ancora oggi, perchè l’Italia ha bisogno di loro, di voi.
”Donne, troppo a lungo sviate dai moralismi e dai pregiudizi, ritornate al vostro sublime istinto, alla violenza, alla crudeltà.
Per la fatale decima del sangue, mentre gli uomini si battono nelle guerre e nelle lotte, fate figli, e di essi, in eroico sacrificio, date al Destino la parte che gli spetta. Non allevateli per voi, cioè per sminuirli, ma nella più vasta libertà, perché il loro rigoglio sia completo.
Invece di ridurre l’uomo alla schiavitù degli squallidi bisogni sentimentali, spingete i vostri figli e i vostri uomini a superare sé stessi. Voi li avete fatti. Voi potete tutto su di loro.
All’umanità dovete degli eroi. Dateglieli”.
08 Marzo 2011 12:00:00 - http://rinascita.eu/index.php?action=news&id=6928
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