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lundi, 01 avril 2024

Wyndham Lewis: Vorticisme, avant-gardisme et politique

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Wyndham Lewis: Vorticisme, avant-gardisme et politique

Par Sara (Blocco Studentesco)

Source: https://www.bloccostudentesco.org/2024/03/25/bs-wyndham-lewis-vorticismo-avanguardia-politica/

Percy Wyndham Lewis: peintre, écrivain, révolutionnaire. Né en 1882 à Amherst et mort en 1957 à Londres, Lewis ne s'est jamais contenté d'être un simple observateur de son temps. En effet, il a bousculé les conventions artistiques avec ses peintures guerrières et son style féroce et déshumanisant.

Wyndham Lewis, dans la ferveur artistique du début du 20ème siècle, ne se contente pas de suivre les courants existants. Entre 1913 et 1915, animé par un désir de nouveauté et de critique, il forge le vorticisme. S'associant à Ezra Pound, il transforme son attirance pour le cubisme et son insatisfaction pour le futurisme en une synthèse explosive, créant un mouvement qui vise à capturer l'essence dynamique de la modernité sans en perdre la structure. BLAST, la revue vorticiste, est devenue la trompette de ce nouvel ordre artistique, attaquant avec véhémence les conventions et promouvant une vision radicalement nouvelle du monde.

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L'une de ses premières œuvres les plus importantes s'intitule The Wild Body (1927; Le corps sauvage), un recueil de nouvelles qui se présente comme une déflagration contre le conventionnalisme, tant sur le fond que sur la forme. Dans The Wild Body, Lewis dépeint un panorama grotesque de personnages inadaptés, incarnations vivantes de l'impatience de l'auteur à l'égard de l'ordre social établi. Cet univers fictif est habité par des personnages qui, dans leur primitivité et leur nature prédatrice, représentent une célébration de l'élément sauvage de l'existence. C'est une rébellion contre la stérilisation de la vie moderne, un cri pour un retour à une énergie plus brute et vitale, considérée par Lewis comme fondamentale pour la régénération de l'esprit humain.

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Tarr (1918) est considéré comme le chef-d'œuvre de Lewis. Situé dans le Paris d'avant-guerre, le roman explore la dynamique complexe entre les membres de la communauté artistique de Montmartre, en mettant l'accent sur les relations interpersonnelles et le contraste entre l'authenticité artistique et la prétention. L'histoire se concentre sur deux personnages en particulier, l'Anglais Frederick Tarr et l'Allemand Otto Kreisler, auxquels correspondent deux figures féminines Bertha et Anastasya. À l'intelligence lucide et authentiquement artistique de Tarr répond la finesse et l'intelligence sans préjugés d'Anastasya, tandis qu'à la fadeur du pseudo-artiste Otto répond la superficialité de la bourgeoise Bertha. L'histoire est menée avec sarcasme et ironie, stimulée par le rejet méprisant de Lewis du monde de l'art typiquement socialiste et freudien de son époque. Le personnage de Frederick Tarr, avec ses qualités "mécaniques" de froideur et de lucidité, transforme l'autodestruction moderniste en une force destructrice projetée vers l'extérieur, incarnant la tension nietzschéenne de l'impulsion vitale. En fait, Lewis, comme Tarr, rejette l'immersion dans l'introspection psychologique en faveur d'une exploration de l'extériorité, en utilisant une prose dure et "rugueuse" qui vise à déshumaniser et à objectiver les personnages afin de capturer leur essence à travers la tangibilité des objets plutôt qu'à travers une analyse interne.

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Le ton de Revenge for Love (1937) est tout aussi méprisant : Lewis y dépeint avec mépris l'idéalisme abstrait des intellectuels anglais de gauche, qui s'ennuient et s'entichent du communisme, dans les années précédant le déclenchement de la guerre civile espagnole, au cours de laquelle se déroule le début du roman.

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Parmi ses écrits les plus "controversés", on peut certainement citer Hitler (1931), qui témoigne de son adhésion, surtout dans les années 1930, à l'idéologie fasciste, consolidée plus tard par sa contribution au British Union Quarterly de Mosley. En 1936, il écrit également Left Wings over Europe : or, How to Make a War About Nothing dans lequel il s'oppose à la guerre en cours, arguant que la population britannique ne soutient pas la déclaration de guerre contre l'Allemagne.

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À une époque qui récompensait le conformisme et la faiblesse, son art et ses mots étaient des grenades lancées dans les bons salons de l'intellectualité, scandalisant les bien-pensants avec ses idées toujours contre-culturelles. Son héritage ne réside pas tant dans le contenu qu'il a créé que dans le défi qu'il a lancé : oser, toujours. Maître du contrecoup culturel, sa figure reste un rappel vivant que l'art véritable ne cherche pas l'approbation, mais génère la discussion.

vendredi, 08 mars 2024

Renouveau futuriste contre passatisme antifasciste

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Renouveau futuriste contre passatisme antifasciste

Le futurisme était certes interne au fascisme, mais il conservait sa propre autonomie par rapport au régime. On pense à la polémique sur l'art d'État nazi...

par Mario Bozzi Sentieri

Source: https://www.barbadillo.it/113248-revival-futurista-contro-passatismo-antifascista/

La longue vague du futurisme ne semble pas s'essouffler, qui a vu, au cours de l'année écoulée, de nombreuses expositions publiques et privées consacrées au mouvement de Marinetti en Italie : du Palazzo Zabarella de Padoue au Palazzo Lanfranchi de Matera, du Palazzo delle Paure de Lecco à la Fondazione Magnani Rocca de Mamiano di Traversetolo (Pr), du Museo del Novecento de Milan au Palazzo Medici Riccardi de Florence, pour ne citer que les plus importantes. À Rome, des expositions sur le futurisme ont été organisées à la Galerie nationale d'art moderne et contemporain, à la Galerie d'art moderne et à MaXXI (qui a également organisé l'ouverture de la Casa Balla).

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L'intérêt pour le sujet est encore si fort qu'une grande exposition, "Il tempo del Futurismo" (Le temps du futurisme), devrait s'ouvrir en octobre prochain à la Galerie nationale d'art moderne et contemporain de Rome, sous la direction de Gabriele Simongini (professeur à l'Académie des beaux-arts de Rome et critique du quotidien Il Tempo), avec la collaboration d'Alberto Dambruoso. L'événement est promu par le ministre de la culture Gennaro Sangiuliano, qui s'est engagé à mettre en valeur notre histoire culturelle, y compris celle liée au mouvement d'avant-garde italien le plus ancien et le plus cosmopolite.

En attendant de connaître les traits distinctifs de cette énième "redécouverte du futurisme", de nombreuses questions se posent parmi les chercheurs - comme le rapporte le Giornale dell'Arte. Guglielmo Gigliotti s'interroge: "Reconsidérer le rapport entre l'avant-garde artistique et le régime mussolinien fera-t-il vraiment du bien à l'image des chantres de la vitesse et de la modernité, débarrassés depuis longtemps de l'héritage politique, présent dans certaines œuvres, pour une recontextualisation purement historique et culturelle (promue d'ailleurs par des chercheurs de "gauche")"??

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Préjugés

Il ne s'agit pas de "débarrasser" le futurisme des préjugés antifascistes. Ni bien sûr d'imaginer un renouveau fasciste-futuriste. Ni - pour reprendre les mots de Claudia Salaris, grande spécialiste du futurisme - de réduire la question aux diatribes politiques et journalistiques d'aujourd'hui.

Précisément à cause des préjugés, tous politiques, qui ont accompagné, dans l'après-guerre, la lecture des rapports entre futurisme et fascisme, au point de déterminer une véritable "damnatio memoriae" du futurisme, considéré alors comme l'arrière-garde rétrograde d'une idéologie condamnée et à éliminer, ce serait, aujourd'hui, une contradiction de créer une véritable antithèse entre futurisme et fascisme, en sauvant le premier à cause de son opposition présumée au second, au point de nier une valeur politique au futurisme.

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"Le futurisme, qui jusqu'à présent a réalisé un programme surtout artistique, propose une action politique intégrale pour collaborer à la résolution des problèmes nationaux urgents", écrit Emilio Settimelli le 20 septembre 1918 dans le premier numéro de Roma futurista. Les thèmes, progressivement développés dans le journal : la transformation du Parlement par la participation égale des industriels, des agriculteurs, des ingénieurs et des commerçants au gouvernement du pays ; l'âge minimum pour la députation ramené à 22 ans ; l'actionnariat social ; la réforme agraire ; l'égalité des sexes dans le travail et la participation à la vie politique du pays ; l'abolition de la conscription militaire.

En novembre 1919, Marinetti figure (en deuxième position après Mussolini) sur la liste électorale du "bloc fasciste". À Fiume, le futuriste Mario Carli réalise le feuilleton La Testa di Ferro, sur lequel Marinetti applaudit D'Annunzio en tant que "libérateur" de la ville. En mai 1920, Marinetti et quelques dirigeants futuristes quittent les Fasci di Combattimento, "n'ayant pu imposer à la majorité fasciste leurs tendances antimonarchistes et anticléricales". Le détachement durera cinq ans.

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Marinetti, le "destructeur des académies", rejoindra plus tard l'Accademia d'Italia, tandis que les grandes expositions et les commandes d'État s'ouvrent aux artistes futuristes. Pas d'"institutionnalisation" de l'avant-garde dans l'"ordre fasciste", cependant. Comme l'écrit le critique Enrico Crispoldi ("Appunti riguardanti i rapporti fra futurismo e fascismo", in Arte e Fascismo in Italia e Germania, Feltrinelli, 1974): "En ce sens, il est politiquement inadmissible et culturellement incorrect de liquider le second futurisme comme étant de connivence totale avec le fascisme".

Le futurisme était certes interne au fascisme, mais il conservait sa propre autonomie par rapport au régime. On pense à la controverse sur l'art d'État, de type nazi, un thème que l'exposition romaine pourrait approfondir en raison de la tentative de Marinetti de faire adhérer l'avant-garde au nouveau régime allemand (avec une exposition provocante d'aéropeinture, organisée à Berlin à la galerie Flechteim en 1934), pour ensuite, quelques années plus tard, s'entendre avec les milieux italiens pro-nazis, opposés à l'avant-garde.

L'art - dit-on - n'est pas politique en soi, l'art est l'art. Mais le futurisme, précisément en raison de sa complexité, peut-il être enfermé dans les limites d'un mouvement purement artistique ? Évidemment non, dans la mesure où le mouvement marinettien est bien marqué par des contaminations politiques dès ses origines, puis dans sa manifestation complexe, pour arriver à son épilogue, à la mort de son fondateur, en 1944, après son adhésion à la toute nouvelle République sociale italienne, une adhésion qui n'avait rien de formel, étant donné la dernière œuvre poétique de Marinetti, publiée à titre posthume, et qui ne s'intitulait pas par hasard Quarto d'ora di poesia della X Mas.

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De ces citations rapides et sommaires se dégage - contrairement à ce qu'affirment certains critiques - une image qui n'est pas du tout "fatiguée" et "déclinante" du futurisme, qui semble engagée à "réinterpréter" sa volonté modernisatrice même dans les nouveaux contextes politiques.

C'est ce que confirme ce que Bruno Corra, l'un des théoriciens du Théâtre et de la Cinématographie Futuristes Synthétiques, écrivait au plus fort du Régime (dans la revue Futurismo du 12 mars 1932) : "... Il faut dire que dans notre mouvement les termes gauche et droite ne s'opposent pas, c'est-à-dire qu'ils perdent leur sens conventionnel. La mentalité surmonte le contraste entre subversion et conservation, en se libérant continuellement dans un élan créatif".

Il s'agit d'une perspective interprétative qui peut également s'appliquer aujourd'hui, en donnant finalement au futurisme ce qui appartient au futurisme, y compris le fascisme. Sans préjugés et sans édulcoration trompeuse.

Mario Bozzi Sentieri

19:33 Publié dans art | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : futurisme, italie, art, avant-gardes | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

jeudi, 10 novembre 2022

Evola entre art et alchimie : l'Homo faber d'Elisabetta Valento

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Evola entre art et alchimie: l'Homo faber d'Elisabetta Valento

Giovanni Sessa

Source: https://www.paginefilosofali.it/evola-fra-arte-e-alchimia-lhomo-faber-di-elisabetta-valento-giovanni-sessa/

Dans la note éditoriale qui ouvre l'annuaire de la Fondation Evola, intitulé Studi Evoliani 2021, il est dit que 2022 a été pour Evola, une année admirable. En mars, une émission de télévision de Paolo Mieli a été entièrement consacrée à la "Révolte contre le monde moderne" du philosophe romain. Les orateurs, professeurs et étudiants distingués, ont conservé, malgré quelques erreurs de fait et de jugement, une attitude calme, loin des invectives pleines de préjugés jusqu'alors habituelles contre le philosophe. Par ailleurs, le 18 septembre, l'exposition Julius Evola et le spirituel dans l'art, fortement souhaitée par Vittorio Sgarbi et la Fondation Evola, dont les commissaires sont Beatrice Avanzi et Giorgio Calcara, a fermé ses portes au prestigieux musée MART de Rovereto. Ici, pour la première fois, les nombreux visiteurs ont pu admirer pas moins de 55 tableaux du traditionaliste. L'exposition a accrédité de manière irréfutable Evola comme un artiste de niveau européen.

Pour apprécier pleinement la valeur de la phase artistique du penseur romain, une nouvelle édition du livre d'Elisabetta Valento, Homo faber. Julius Evola fra arte e alchimia, avec une introduction de Claudia Salaris et un appendice de Giorgio Calcara, disponible en librairie auprès des Edizioni Mediterranee (pour les commandes : 06/3235433, ordinipv@edizionimediterranee.net, pp. 160, €24,50). Le texte est sorti en 1994 et son noyau principal reste inchangé dans la nouvelle édition. Il est enrichi d'un important appareil iconographique, dans lequel sont reproduites des images des œuvres discutées par l'auteur. L'annexe de Calcara "rend compte de ce qui s'est passé en presque trente ans de recherche sur l'art de Julius Evola [...] les nouvelles images et les découvertes picturales, l'incroyable affirmation des œuvres d'Evola [...] sur le marché international de l'art, les expositions qui en découlent et les nouvelles publications" (p. 7). Salaris note que l'engagement artistique du philosophe : "s'est déroulé dans le climat de l'avant-garde romaine des années 1910 et du début des années 1920, caractérisé par une intense ferveur expérimentale, également exprimée par l'activité de Balla" (p. 9), dans l'atelier duquel Evola a vécu son initiation artistique.

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Le futurisme romain n'avait pas de traits sectaires ou extrémistes et dialoguait avec les tendances les plus diverses de l'avant-garde européenne. Dans ce contexte, un rôle important a été joué par Prampolini, qui a édité la revue Noi, dans les colonnes de laquelle Tzara lui-même a écrit avec des représentants de la poésie française, De Chirico et Savinio et le jeune Evola. Un aspect qui caractérisait l'avant-garde romaine de manière originale était l'intérêt explicite pour l'ésotérisme. En témoignent les tableaux de Balla tels que Mercure passe devant le soleil (illustration, ci-dessous) et la revue, comme le rappelle Salaris, L'Italia futurista (Italie futuriste), dans laquelle les thèmes abordés tournaient autour du psychisme et de l'onirisme, considérés comme les fondements d'une poétique du fantastique, proche des suggestions théosophiques et anthroposophiques.

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Le poète était considéré comme le porteur de facultés magiques, transformatrices, liées au trait apparemment a-logique de ses propres productions linguistiques. Evola était au centre d'un tel milieu créatif et paganisant. Le livre de Valento montre qu'en 1918, il avait achevé la première phase de son activité artistique, définie comme "l'idéalisme sensoriel". Il a donc initié une nouvelle phase, "l'abstractionnisme mystique", liée aux doctrines sapientielles, notamment l'alchimie.

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Cette transition a eu lieu après la publication du Manifeste Dada de 1918, dans lequel Evola, comme il l'affirmera dans L'art abstrait de 1920, a trouvé de profondes consonances avec sa propre idée de l'art non médium, de l'art comme "expression pure", art du caprice, de l'arbitraire, hors du temps. Tzara n'avait-il pas lui-même déclaré que Dada était un retour à une religion de l'indifférence : "de type presque bouddhiste" ? (p. 11). C'était une véritable rupture, note Salaris, avec la logique et la dialectique de l'Occident, au nom de l'exaltation de la créativité, comprise comme un acte spontané, une manifestation de la liberté originelle qui, dans l'idéalisme magique évolien, serait considérée comme un principe sans fondement. La clé de voûte, indique Valento, pour entrer avec profit dans le processus de décodage de la peinture et de la poésie évoliennes, doit être identifiée dans le symbolisme alchimique. L'universitaire utilise la lecture de l'alchimie par Evola dans La tradition hermétique pour encadrer théoriquement sa production picturale-poétique.

En termes généraux, les procédures alchimiques visent à faire passer l'Ego individuel de la conscience corporelle opaque à l'Ego réel, à l'être en acte. L'Ars Regia "présuppose une métaphysique, c'est-à-dire un ordre de connaissance suprasensible, qui à son tour présuppose la transmutation initiatique de la conscience humaine", écrit Evola dans La tradition hermétique. Nigredo, Albedo et Rubedo, sont les moments constitutifs du processus de transmutation, tandis que l'or alchimique symbolise l'accomplissement du principe.

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Les références métallurgiques dans la tradition hermétique sont liées à l'analogie qui relie le microcosme au macrocosme. L'opérateur est donc à la fois la "matière première" à transformer et la fin du travail. Le Soleil Unique donne l'essence et la substance au Tout. A la matière, correspond le principe de la Lune, qui fait allusion au trait de devenir de la réalité. Au Soleil correspond l'Or, à la Lune l'Argent.

Dans le corps, lié par le désir, l'âme est paralysée : pour la réanimer, il faut libérer l'Esprit, qui détient les clés de la "prison", des conditions d'individuation. Lorsque l'âme, l'esprit et le corps redeviennent une seule et même substance indivise, "le voyage dans l'interiora terrae, qui n'est rien d'autre qu'un voyage à l'intérieur de nous-mêmes, se termine par l'Opera al Rosso" (p. 55).  L'homme est ainsi repoussé vers ce Centre dans lequel il est possible d'expérimenter l'élimination de toute divergence entre l'être et le devenir.

Du Centre poïétique du dadaïsme, Evola est passé au Centre magique. Le chemin qu'il a suivi, note Valento, est en fait transcrit dans ses œuvres picturales et poétiques, qui sont analysées en détail dans le livre.

Giovanni Sessa

jeudi, 21 juillet 2022

Evola poète. Il y a 100 ans paraissait "La parole obscure du paysage"

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Evola poète. Il y a 100 ans paraissait La parole obscure du paysage intérieur

Fabio S. P. Iacono

SOURCE : https://www.destra.it/home/evola-poeta-i-100-anni-de-la-parole-obscure-du-paysage-interieur/

En 1921, le poème La parole obscure du paysage intérieur fut publié en langue française. Des compositions qui étaient censées, dans les intentions de l'auteur, créer un volume intitulé Raâga Blanda, "ma sphère sombre", mais qui sont restées inédites. Le patricien romain, influencé par Rimbaud, Mallarmé et Maeterlinck, nous informe dans sa propre biographie intellectuelle intitulée Le chemin du cinabre qu'un de ses amis devait faire connaître à Giovanni Papini les écrits, en lui demandant d'écrire une préface à la publication "indiquant comme auteur, un nom imaginaire, une personne qui se serait tuée toute jeune". Ce n'est que des années plus tard, en 1969, que Scheiwiller a réédité Raâga Blanda.

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La parole obscure du paysage intérieur - Poème à 4 voix est un poème écrit en français par le futur philosophe de la "Tradition", c'est l'expérimentation artistique de sa première maturité. Le premier tirage n'a pas atteint cent exemplaires numérotés sous le label" Collection Dada" en 1921. Evola lit son poème lors de la manifestation dadaïste qui se tient dans la capitale italienne à la fin du printemps de cette année-là, et en envoie une copie à Tristan Tzara (tableau, ci-dessous) au cours de l'hiver suivant, ce qui fera de lui, selon Tzara, le plus grand représentant du dadaïsme en Italie.

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Evola écrit : "Dans le poème, quatre personnages prennent alternativement la parole, représentant des tendances données de l'esprit. L'un incarnait la volonté de dépassement destructeur et dissolvant, le second - un personnage féminin - l'élément humain, affectif ou sentimental, le troisième l'abstraction désintéressée [...] le dernier la contemplation descriptive". Les personnages sont : Ngara (volonté), Lilan (sentiment), Raâga (contemplation descriptive) et Hhah (abstraction désintéressée). Les quatre voix symbolisent quatre éléments : Lilan, l'unique femme, correspond à l'élément humain et affectif de l'être ; Ngara incarne la volonté orientée vers la destruction et le dérèglement ; Hhah est l'abstraction désintéressée et correspond à la raréfaction intérieure qui se produit sous l'effet du personnage précédent ; Raâga représente la contemplation descriptive avec le chœur, enregistrant les situations du paysage intérieur qui se produisent sous l'effet des autres personnages.

Pour l'auteur, l'activité artistique, dans le climat de crise du début de l'après-guerre, reflète un élan de libération et de dépassement qui se manifeste, précisément, par la participation à un mouvement de rupture, de destruction et d'agitation de formes telles que le dadaïsme. En fait, Dada a une valeur pour Evola "non pas tant en tant qu'art, mais précisément comme signe et manifestation d'un tel état d'esprit, donc pour sa dimension méta-artistique et même anti-artistique". En effet, si l'on est une personne, et non un individu ou un collectif, sérieux mais pas grave ou grossièrement et crûment gascon, soit on revient sur ses pas, en l'occurrence au "symbolisme" de l'époque (voir Arturo Onofri en Italie), soit on abandonne le code artistique en question comme l'a fait Evola pour tourner son œuvre intellectuelle, telle que nous la connaissons et la lisons, ailleurs.

Fabio S. P. Iacono

mardi, 28 juin 2022

Julius Evola - Le spirituel dans l'art

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Julius Evola - Le spirituel dans l'art

Walter Venchiarutti

Source: https://www.ereticamente.net/2022/06/julius-evola-lo-spir...

Sur une idée de Vittorio Sgarbi, le MART, Musée d'art moderne et contemporain de Rovereto, consacre à JULIUS EVOLA (1898-1974), du 15 mai au 18 septembre 2022, une exposition dont les commissaires sont Beatrice Avanzi et Giorgio Calcara. Le titre de l'exposition "JULIUS EVOLA - LE SPIRITUEL DANS L'ART" comprend une exposition de plus de cinquante œuvres: "... une première partie constituée de peintures de la période futuriste, caractérisée par des éléments abstraits chargés d'énergie et étonnamment "psychédéliques" ; suivie de "paysages intérieurs", pure expression de l'esprit avec des références hermétiques et ésotériques; enfin, les années 1960 avec des répliques de ses œuvres historiques et quelques peintures figuratives qui s'écartent de sa production de jeunesse". Bien que brève, la période consacrée à l'art pictural de ce personnage est aussi intense, productive et surtout, jusqu'à aujourd'hui, superficiellement ignorée.

Le baron Julius Evola a été appelé à juste titre le seul protagoniste du mouvement Dada en Italie.

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Comme il le déclare dans son autobiographie Il cammino del cinabro, alors qu'il était encore adolescent, il a été influencé par la lecture des magazines Leonardo, Lacerba et La Voce dirigés par un Giovanni Papini révolutionnaire, iconoclaste et anti-bourgeois. Au début du 20ème siècle, ces organes de presse ont joué un rôle important d'intermédiaire avec les courants étrangers de pensée et d'art d'avant-garde les plus intéressants et les plus avancés. Dans l'exposition, le premier cycle d'œuvres est consacré à "l'idéalisme sensoriel" (1915-1918) présent dans le dynamisme plastique futuriste qui est interprété avec une vivacité chromatique expressive. Cependant, Evola s'est rapidement écarté de ces caractéristiques stylistiques pour s'orienter vers un "abstractionnisme mystique-transcendantal" (1918-1921).

Immédiatement après la guerre, il a cessé d'adhérer au mouvement futuriste. À la recherche d'une dimension intérieure profonde, il est attiré par le dadaïsme, un mouvement artistico-littéraire créé à Zurich par le Roumain Tristan Tzara. Le nouveau courant, loin du technicisme moderniste, semble offrir une vision de libération absolue. Son credo se manifeste de manière déconcertante et paradoxale car il poursuit le bouleversement de toute logique, éthique et esthétique du moment. En Italie, l'auteur est parmi les tout premiers à représenter l'art abstrait en relation avec le dadaïsme. Il en est devenu l'un des représentants les plus qualifiés, entrant en contact personnel et épistolaire avec Tzara et son cercle. Il établit de nouvelles relations amicales et mène des batailles culturelles aux côtés d'Aragon, Picabìa, Ernst, Mondrian, Arnauld, Eluard, etc.

En 1920, il publie La parole obscure du paysage intérieur sur la signification de l'art moderne et dans l'essai "Art abstrait", véritable manifeste, il résume l'orientation de la théorie dadaïste. Ses poèmes et compositions littéraires sont également inclus dans le même essai. Il apparaît clairement dans la lignée des tendances de l'abstractionnisme européen, se conformant à la pensée exprimée par Vasily Kandinsky dans son essai du même nom: Le spirituel dans l'art (1912).

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Même cette adhésion fut de courte durée et le peintre termina sa saison artistique en 1922 avec cette motivation: "... En réalité, le mouvement auquel je m'étais associé, tenant Tristan Tzara en haute estime, ne devait réaliser que très peu de ce que j'avais vu en lui".

Une personnalité plutôt complexe et controversée que celle de Julius Evola. De nombreuses études sur lui sont parues, condensées en volumes consacrés aux sciences humaines (philosophie, histoire, religion), aux sciences ésotériques (magie, alchimie, pythagorisme), à l'éthique (coutumes, sexualité), à l'anthropologie (mythologie, légendes, tradition, symbolisme), à la religion, à la tradition et à l'orientalisme (yoga, bouddhisme, hindouisme).

L'ostracisme dont il a ensuite été la victime privilégiée est encore dû à la forte ignorance qui entoure encore les convictions politiques de cet universitaire. Contrairement à tant de ses détracteurs durant les vingt années de la période fasciste, il n'a jamais pris la carte du parti fasciste et a été fortement entravé par les autorités dès le début. Selon la distinction de Renzo De Felice, sa critique n'était pas dirigée contre le mouvement fasciste mais le plaçait en antithèse avec le régime fasciste. Une série d'articles et le livre Imperialismo pagano - Il Fascismo dinnanzi al pericolo euro-cristiano (Impérialisme païen - Le fascisme face au danger euro-chrétien), publié en 1928, contrastent fortement avec la politique menée par les dirigeants politiques qui planifiaient le Concordat.

Expulsé des journaux officiels, il crée un bimensuel La Torre (1930) qui est occulté et fermé par les hiérarques après seulement dix numéros pour "irrévérence doctrinaire et engouement polémique". A ceux qui, dans les années 40, propageaient un racisme biologique et un déterminisme génétique, Evola opposait un racisme de l'esprit visant l'économie spirituelle, culturelle et sociale. Même après 1946, il a courageusement poursuivi sa critique toujours "hérétique" avec Il Fascismo - saggio di analisi critica dal punto di vista della Destra (1970).

L'affiliation politique à la "juste cause" était souvent le ressort qui conduisait la communis opinio à décréter, au-delà du mérite, le succès ou la disparition d'un artiste. Cependant, il est bien connu que le temps est presque toujours un gentleman. La postérité, après avoir éteint les haines partisanes et réglé les rancunes des plus forts, rétablit l'équité des jugements manipulés. Mais malheureusement, cela n'est possible que lorsque la damnatio memoriae n'arrive pas en premier, mettant fin à la mémoire des témoignages passés.

ŒUVRES ET TITRES DE JULIUS EVOLA

(voir le DIAPORAMA ci-dessous)

https://www.canva.com/design/DAFENyQ_CWg/EDooZbbvX5F9EJpi58RgfA/view?utm_content=DAFENyQ_CWg&utm_campaign=designshare&utm_medium=link&utm_source=publishsharelink#13

mardi, 14 juin 2022

"Homo faber": l'originalité souvent méconnue d'Evola l'artiste

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"Homo faber": l'originalité souvent méconnue d'Evola l'artiste

Par Adriano Scianca

Source: https://www.ilprimatonazionale.it/cultura/homo-faber-evola-235742/

Comprendre l'originalité artistique de Julius Evola s'est toujours heurté à une pierre d'achoppement herméneutique considérable, placée sur le chemin des exégètes par le penseur romain lui-même. Nous entendons parler, ici, de l'auto-interprétation que donne Evola de lui-même, qui a été  adoptée sans la moindre critique par de nombreux adeptes de son oeuvre, qui voit dans les expériences picturales, poétiques, mais aussi philosophiques et même dans les premières expériences "magiques" de simples "traversées" sans lendemain. Toute une phase de la vie d'Evola, disons jusqu'aux années 1920 incluses, aurait été marquée par l'expérimentation et l'exploration de sujets et de langages expressifs, qui, cependant, de temps à autre, auraient eu pour seule fonction de faire passer le penseur à une tentative suivante, non sans avoir constaté le caractère limité de l'instrument qu'il venait d'abandonner. Tout cela jusqu'à ce qu'Evola atteigne la pensée de la maturité, structurée autour du thème de la Tradition, emprunté principalement à René Guénon. Comprendre Evola signifierait donc affronter ces phases du parcours d'Evola presque comme s'il s'agissait de simples curiosités biographiques, sans plus, utiles uniquement pour comprendre comment Evola est devenu Evola. Une fois la reconstitution généalogique déposée, il s'agirait alors de parvenir à la maturité de la pensée évolienne, d'en tirer le canon définitif pour juger ce qui est "en ordre" et ce qui ne l'est pas dans le présent, le passé, le futur de toute civilisation et de tout phénomène ayant existé, sous toutes les latitudes et dans tous les contextes.

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Selon l'auteur, cette ligne d'interprétation ne sert qu'à banaliser et marginaliser la radicalité, l'originalité et la profondeur de la pensée évolienne, transformant l'un des grands protagonistes de la culture du vingtième siècle en une sorte de justicier urbain de la Tradition. D'autant plus que l'Evola le plus intéressant nous semble être précisément celui qui va de la seconde moitié des années 1910, auxquelles remontent ses premiers écrits et tableaux, à la fin des années 1920. Le dernier Evola, en revanche, était toujours au centre d'une contestation intérieure, d'une tension intime, d'une contradiction latente entre ce que, empruntant des catégories non pas évoliennes, mais plutôt tirées de Gentile, nous pourrions appeler la "dialectique de la pensée" et la "dialectique du pensé".

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L'Evola des années 1920 : les Edizioni Mediterranee rééditent Homo faber

Sur l'Evola des années 1920, dans les jours mêmes où se déroule à Rovereto l'exposition la plus complète et la plus importante jamais organisée sur son expérience artistique, un bel essai d'Elisabetta Valento : Homo faber. Julius Evola entre l'art et l'alchimie, dont la première édition remonte à 1994 et qui contient désormais un appendice de Giorgio Calcara dans lequel sont comptabilisés les progrès les plus récents de la recherche sur Evola en tant que peintre. Même le titre a le mérite de se distancier de la Stimmung parménidienne ostensiblement statique, défensive et conservatrice typique d'un certain évolutionnisme. Elisabetta Valento considère à juste titre la peinture, la poésie, la philosophie, l'alchimie et l'ésotérisme d'un seul coup d'œil, comme s'il s'agissait de divers aspects d'un même discours. Le fil conducteur qui relie toutes ces expressions est la transformation tragique et héroïque de l'homme face au monde et aussi face à lui-même.

Le retour en arrière n'est pas possible

"L'homme, écrit l'auteur pour expliquer le point de vue évolien, n'est pas un collaborateur des dieux, il n'y a pas de dieux ni de Dieu, et Dieu est bel et bien mort dans un monde où l'homme n'est plus capable de se faire un Dieu, est un Individu absolu, une pure autarcie. C'est la seule mission de l'être humain, il n'y en a pas d'autres". En ce sens, il n'existe aucune donnée stable à laquelle se raccrocher, aucun "point d'Archimède", comme dirait Descartes, sur lequel s'appuyer. Le paysage existentiel est celui, purement nietzschéen, du naufrage de toute fondation. Il est encore moins possible de s'appuyer sur un passé non corrompu. "Revenir en arrière, écrit Valento, n'est pas possible, le voyage a commencé et il n'y a pas de retour possible, se perdre, se dissoudre, prisonnier d'un sentiment de solitude, ou décider d'entreprendre le voyage pour abandonner ce "je" qui se révélera être un "autre"".

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Une parabole artistique minutieusement décrite

L'Homo faber n'a cependant pas seulement une valeur théorique, mais aussi et surtout une valeur historique. La parabole artistique d'Evola est décrite dans les moindres détails, depuis ses débuts futuristes à la cour de Giacomo Balla, jusqu'à son approche progressive du dadaïsme, qui aboutit à sa rupture avec Marinetti et ses compagnons (deux avant-gardes étaient de trop pour un pays aussi provincial que l'Italie). Le texte, qui contient 55 planches en couleur, passe en revue l'évolution des œuvres connues d'Evola, depuis le dynamisme futuriste des premières œuvres jusqu'aux atmosphères de plus en plus raréfiées des "paysages intérieurs" (des jugements plutôt méprisants, du moins d'un point de vue technique, sont réservés aux tableaux ultérieurs qui se concentrent sur les nus féminins). Evola était certainement l'exposant italien le plus significatif de dada, mais toujours avec une position personnelle et résolument originale. En effet, on a l'impression qu'il a finalement opté pour ce courant particulier aussi et surtout en raison de son indéfinition, et de la liberté d'expression conséquente qu'il permettait. Certes, tous les aspects régressifs du dadaïsme, le jargon superficiellement freudien du mouvement ont servi à Evola comme moyen de détruire le moi ordinaire. Une sorte de résolution existentielle, la transformation de l'existence, de la psyché, de la conscience en matière fluide, prête à être modelée sur un autre plan par la volonté de façonnage de l'homo faber.

Adriano Scianca.

mardi, 25 janvier 2022

Luce Marinetti : "Quand j'ai espionné mon père derrière le rideau".

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Luce Marinetti: "Quand j'ai espionné mon père derrière le rideau"

Propos recueillis par Edoardo Sylos Labini

Illustration: Gerardo Dottori, "La famille Marinetti" - au Palazzo delle Esposizioni via Fb

Ex: https://culturaidentita.it/luce-marinetti-quando-spiavo-mio-padre-dietro-alla-tenda/

Cet entretien inédit date de 2007. Edoardo Sylos Labini s'est entretenu avec la troisième fille de F. T. Marinetti, elle aussi activiste et promulgatrice du futurisme.

Lorsqu'il y a presque 20 ans, j'ai frappé à la porte de Luce Marinetti, la troisième fille du fondateur du brillant mouvement futuriste, je ne m'attendais pas à ce que cette rencontre influence les choix artistiques et de vie qui m'ont accompagné jusqu'à ce jour. CulturaIdentità est une revue née avec ce même esprit d'agrégation et d'amour pour les artistes italiens qui a fait du futurisme le mouvement culturel le plus important du XXe siècle. Luce, diplômée de l'université de Yale, a redécouvert ce que son père avait créé et que, dans l'après-guerre, quelqu'un essayait de lui occulter. Sa force et son amour pour l'art m'ont poussé à donner son prénom à ma fille. Car ce prénom indique un chemin tracé avec le cœur par une femme extraordinaire dont la seule mission, tout au long de sa vie, a été de faire connaître le Futurisme dans le monde. Luce nous a quittés en 2009, l'année du centenaire du Manifeste du Futurisme, et cet entretien autour d'un whisky a donc été réalisé deux ans avant sa mort.

Luce, nous nous sommes rencontrés lors de la réalisation de mon spectacle inspiré de Marinetti, Femmes, Vitesse-Danger, mais qu'était la femme pour Marinetti ?

Marinetti aimait les femmes, en plus de ma mère (la peintre Benedetta Cappa, ndlr) il aimait s'entourer d'autres artistes, écrivains, femmes créatives, et pour lui le culte de la femme objet n'existait pas du tout. Pour lui, les femmes devaient être en mouvement, jamais statiques et passées.

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Le futurisme est considéré comme un mouvement chauvin, ce qui est un peu un cliché.

Mais ce n'est pas vrai du tout ! Les Futuristes se sont battus pour le vote des femmes au Parlement. Ils ne faisaient pas de distinction entre les hommes et les femmes sur la base du sexe. La femme futuriste était une femme moderne et émancipée. Vous le dites bien dans votre spectacle avec ce baiser en avion : la femme n'est pas une proie, c'est elle qui séduit et conquiert. Après tout, la femme a toujours séduit l'homme, de tous temps. Que l'homme séduise la femme n'est qu'une illusion.

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Bendetta Cappa, avec Marinetti et l'un de ses oeuvres.

Dans la pièce, basée sur le roman L'Alcove d'acier (1921) de Marinetti, nous avons presque transformé la femme en machine.

C'est la transformation d'une époque et le désir de la femme futuriste d'évoluer, de rouler à grande vitesse. Dans le roman de Daddy, la voiture s'humanise et se féminise. (Note de l'éditeur : peut-être d'Annunzio copiait-il Marinetti lorsqu'il a écrit sa célèbre lettre à Agnelli en 1926, disant que la voiture était féminine).

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La vitesse de Marinetti était celle des voitures, certes, mais surtout des trains.

Papa vivait dans les trains, il avait l'habitude d'y écrire, et cela m'amusait beaucoup, en fait je reniflais ses vestes qui sentaient la gare, à l'époque c'était des trains pouf pouf. Dans les compartiments, il récitait le manifeste futuriste, et il emmenait les artistes italiens avec lui pour une véritable tournée en Europe, de sorte qu'ils étaient connus partout. Il y avait une incroyable musicalité dans les trains, le bruit des rails, le sifflement de la locomotive qui partait. C'était comme une partition musicale que Luigi Russolo a codifiée dans les Intonarumori et que vous avez interprétée cent ans plus tard avec le DJ sur scène.

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Le train, c'était un mode de vie toujours en mouvement, une façon de communiquer et de s'exprimer très rapidement, et était-il un précurseur de l'ère informatique ?

Papa a écrit : "Les hommes pourront écrire des livres en nickel, d'une épaisseur de 3 millimètres au maximum, coûtant 8 francs et contenant cent mille pages". Il imaginait déjà des disquettes. C'était un visionnaire !

Et il a dit : "Comme j'envie les hommes qui naîtront dans un siècle dans ma belle Italie, entièrement secouée et animée par les nouvelles forces électriques".

Marinetti était en avance sur son temps, et le futurisme a été le seul mouvement italien du XXe siècle à avoir une renommée mondiale, ouvrant la voie à tous les mouvements d'avant-garde. Elle a révolutionné l'art, la littérature, la cuisine et la politique. Malheureusement, elle a été ostracisée pendant de trop nombreuses années, non seulement dans la période d'après-guerre mais aussi avant la mort de papa (2 décembre 1944). Le sens du mot Futurisme, c'est-à-dire l'évolution, cette poussée vers le contemporain, n'avait pas mûri.

Le lien du second futurisme avec le fascisme était certainement un préjugé.

Ecoutez, on n'a jamais parlé de politique dans notre maison, ça n'existait pas du tout. Donc, mon père avait un frère qui est mort très jeune, ma mère avait un frère libéral, un autre était bolchévique, donc ce n'était tout simplement pas possible, ça n'existait pas. Et parmi les Futuristes, il y avait toutes les opinions politiques. En fait, les futuristes ont été scandalisés lorsque papa a été nommé académicien d'Italie parce que c'était un truc de passéiste. La felouque n'était pas dans l'attitude de Marinetti, au contraire papa répondait très justement "ce sera moi qui changerai l'Académie d'Italie". Et n'oublions pas que Marinetti a longtemps vécu à l'étranger, qu'il est né à Alexandrie, qu'il a étudié chez les Jésuites et qu'il est ensuite allé à Paris, donc il n'avait pas l'esprit de la petite Italie. L'Italie lui manquait et il voulait qu'elle retrouve la grandeur qu'elle méritait.

Quel souvenir gardez-vous des Futuristes ?

Il y avait toujours un climat de grande euphorie à la maison. Lorsque des artistes, des gens de théâtre et des musiciens venaient chez nous, c'était merveilleux. Parce qu'au même moment, dans le salon de la Piazza Adriana, Russolo jouait, le poète déclamait, Marinetti semblait presque être le chef d'orchestre et je me cachais derrière les rideaux pour les écouter. C'était le meilleur jeu de théâtre que je pouvais regarder.

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Le Tower Bridge de Londres, vu par le futuriste Luigi Russolo.

Est-ce difficile d'avoir un personnage aussi difficile à manier que le père ?

Je n'ai jamais eu l'image de Marinetti comme un génie absolu. Ce n'était pas un homme, comme on pourrait le croire, qui cherchait le culte de lui-même. Il avait une grande spiritualité, un don qu'il nous a enseigné à tous. Nous avions l'habitude de déjeuner sur la table dessinée par Prampolini et notre maison était pleine de tableaux, et je parlais aux tableaux. Pour moi, les peintures n'ont jamais été des objets abstraits fixés au mur. Les peintures ont une vie, une âme.

Expliquez ce concept aujourd'hui, dans cette société de consommation...

Le capitalisme veut éteindre les esprits : le marché n'est pas nécessairement l'art et la créativité, au contraire. Si un artiste ne peut pas gagner de l'argent, réussir et devenir riche, il ne doit pas se sentir castré. L'artiste doit créer et c'est tout ! Seul l'art est immortel.

Quel conseil donneriez-vous aux artistes d'aujourd'hui ?

Vivez la vie ! Vivez-la de manière positive et non négative, embrassez tout ce qui est beau et nous offre cette vie qui est la nôtre, malheureusement trop courte, mais merveilleuse. Saisissez donc ce moment splendide et faites rebondir tous vos sentiments dans vos œuvres d'art. Maman et papa allaient souvent se réfugier à Capri. À l'époque, elle était déserte, personne ne la connaissait, on pouvait y trouver un artiste, un écrivain.

Pourquoi sont-ils allés là-bas ?

La mer leur a parlé. Et quand j'étais petite, on me parlait de capturer les couleurs et les reflets en nageant sous l'eau, de voir combien de feux d'artifice existaient avec le reflet du soleil. C'est en gros la poésie que papa m'a enseignée. C'était un futuriste, oui, mais il y avait du romantisme en lui... ne soyons pas vieux jeu maintenant. Prenons un verre !

mercredi, 01 décembre 2021

Une avant-garde faustienne

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Une avant-garde faustienne

par Georges FELTIN-TRACOL 

Le public français cultivé connaît le dadaïsme et le surréalisme. En revanche, le futurisme lui semble toujours un mystère. Pourtant, le Manifeste du futurisme de Filippo Tommaso Marinetti paraît dans Le Figaro du 20 février 1909. Au contraire du surréalisme curieux de la révolution bolchevique, le futurisme qui créa après 1918 un éphémère Parti futuriste, constitue une des bases du fascisme italien avec le syndicalisme révolutionnaire et l’interventionnisme de gauche.

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Les éditions Auda Isarn viennent de publier un ouvrage qui contient, outre le texte fondateur, un second manifeste (Tuons le clair de lune !!), un virulent tract intitulé Contre Venise passéiste, Le Mépris de la femme que goûteront avec un rare plaisir toutes les hystériques féministes d’Occident et d’ailleurs, Ce qui nous sépare de Nietzsche et Destruction de la syntaxe (manifeste technique de la littérature futuriste). Le futurisme ne se limite pas aux seuls domaines littéraire et pictural. Il incite aux expériences architecturales, musicales, photographiques et culinaires !

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Le futurisme surgit dans une Italie inachevée, en quête de ses terres irrédentes (Trentin, Istrie, Dalmatie) et d’une unité intérieure précaire. Réaction ultra-moderne à la Modernité, cette ferme volonté ouvre des pièces remplies de naphtaline. On sait que les futuristes s’enthousiasment pour la mécanique, l’aéroplane et l’automobile. « Les éléments essentiels de notre poésie seront le courage, l’audace et la révolte. » Par-delà « une automobile rugissante, qui a l’air de courir sur de la mitraille, est plus belle que la Victoire de Samothrace », ils revendiquent leur dromophilie puisque « nous déclarons que la splendeur du monde s’est enrichie d’une beauté nouvelle : la beauté de la vitesse ». Plus loin, le manifeste fondateur assure que « nous vivons déjà dans l’absolu, puisque nous avons déjà créé l’éternelle vitesse omniprésente ».

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À travers les différents écrits présentés dans ce recueil à la belle couverture, on devine l’ombre du comte de Lautréamont et de ses Chants de Maldoror avec en surplus une patine « technicisée »… Le futurisme entend choquer la bienséance bourgeoise, d’où sa volonté de « démolir les musées, les bibliothèques, combattre le moralisme, le féminisme et toutes les lâchetés opportunistes et utilitaires ».

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Avant-garde annonciatrice des « orages d’acier » et du déchaînement de l’élémentaire titanesque pendant la Grande Guerre, le futurisme a eu une postérité qui ne se restreint pas au seul fascisme. Vers 2007 – 2008, Radio Bandera Nera, la Web-radio de CasaPound Italie, émettait depuis le Québec une émission francophone intitulée « Tuons le Clair de Lune » animée par Sébastien de Boëldieu et son épouse Chiara. En 2010, quand elle s’arrête, une autre reprend aussitôt le créneau horaire : « Méridien Zéro » qui deviendra plus tard une bien belle radio sur Internet. La conclusion de Destruction de la syntaxe donne une résonance singulière à ce qu’écrivait le jeune Guillaume Faye dans les années 1980. « Après le règne animal, voici le règne mécanique qui commence ! Par la connaissance et l’amitié de la matière, dont les savants ne peuvent connaître que les réactions physico-chimiques, nous préparons la création de l’homme mécanique aux parties remplaçables. Nous le délivrerons de l’idée de la mort, et partant de la mort elle-même, cette suprême définition de l’intelligence logique. » Outre que Marinetti prévoit le cyborg, on ne peut que se rappeler les dernières cases de la bande dessinée dont le scénario revint à Guillaume Faye, Avant-guerre (Carrere, 1985). Le narrateur, citoyen de Cosmopolis, ne termine pas son enquête, car son corps est détruit et son cerveau, gardé intact, est transféré dans « une machine de guerre… La plus infernale, la plus totale ».

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Dans cet album dessiné par les frères Simon et qui est à bien des égards prémonitoire, les pilotes de chasse de Squaline, en s’installant dans leur poste de pilotage, adressent une prière à leur redoutable appareil à l’instar des futuristes qui exaltaient l’automobile, l’usine et le chemin de fer. On entend ces incantations néo-européennes dans Scène de chasse en ciel d’Europe, la pièce radiophonique écrite et jouée par Guillaume Faye et Olivier Carré sur les ondes d’une radio libre à Paris au début de la décennie 1980. Avant que les Squaline de la Fédération impériale euro-sibérienne ne détruisent un Jumbo d’une compagnie aérienne occidentale, les pilotes saluent là encore leurs engins, célèbrent leurs fusées et enfilent leur combinaison de combat en respectant un rituel spécifique, librement inspiré du précédent marinettien.

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Guillaume Faye n’a jamais apprécié le traditionalisme quand bien même il s’ouvrira à l’archaïque dès son essai méconnu de 1985, Europe et Modernité (Eurograf). Cet essai constitue une véritable transition entre sa récente période néo-droitiste, son moment d’impostures téléphoniques en tant que Skyman et son retour fracassant à partir de 1998. L’archéofuturisme qu’il théorise dans  un ouvrage éponyme relie le futurisme aux principes archaïques renaissants. Fortement influencé par Giorgio Locchi, le surhumanisme fayen tend parfois avec son appel à développer des chimères (les combinaisons génétiques entre l’homme et les animaux) vers un transhumanisme faustien, c’est-à-dire orienté vers le tragique. Or, Marinetti n’écrit-il pas dans Le Mépris de la femme que « nous avons même rêvé de créer un jour notre fils mécanique, fruit de pure volonté, synthèse de toutes les lois dont la science va précipiter la découverte » ? N’est-ce pas là une anticipation des utérus artificiels à venir ?

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Le futurisme italien a marqué non seulement les arts européens, mais aussi et surtout l’histoire des idées. Son volontarisme exacerbé couplé à ses provocations répétées enflammèrent la Péninsule ainsi qu’une grande partie du Vieux Monde. Et si le futurisme n’exprimait-il pas finalement le retrait d’Apollon à Thulé, le dédain envers l’humanitariste Prométhée, l’ère de Dionysos et l’avènement de Faust ?

GF-T

  • F.T. Marinetti, Tuons le clair de lune !, introduction de Pierre Gillieth, Auda Isarn, 2021, 68 p., 12 €.
  • D’abord mis en ligne sur Terre & Peuple, le 25 novembre 2021.

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jeudi, 30 juillet 2020

Le futurisme contestataire

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Le futurisme contestataire

par Maurice Cottaz

Ex: http://terreetpeuple.com

« Une automobile rugissante, qui a l'air de courir sur de la mitraille, est plus belle que la Victoire de Samothrace». Filipo Tommaso Marinetti l'affirme dans un manifeste, publié, le 20 février 1909, dans « Le Figaro».

Pour   lancer   cette   proclamation,   qui condamne   « l'immobilité   pensive»   et exalte   « le mouvement   agressif...,   le pas gymnastique,   le saut périlleux,   la gifle et le coup de poing», le poète italien     a     choisi     Paris.     Son     pays, estime-t-il, ne convient pas à une telle entreprise.

Choix     paradoxal,     puisque     l'auteur entend bien demeurer essentiellement italien, et donner au « futurisme», dont il   expose   les   principes,   un   caractère national. Paris   est alors   la   ville accueillante à toutes les créations littéraires et artistiques. Naturalisme, impressionnisme, symbolisme, orphisme, nabisme, fauvisme, cubisme y ont suscité des curiosités inlassables et des débats passionnés.

L'Italie, au contraire, demeure soumise aux disciplines classiques. Dans le Nord, son développement industriel paraît requérir toutes ses énergies.

Marinetti n'est qu'un homme de lettres, mais un an (presque jour pour jour) après son manifeste, cinq peintres italiens qui ont adopté ses principes en publient un à leur tour, Ils se nomment Boccioni, Carra, Russolo, Baila, Severini.

En Italie, cette déclaration de principes fait, selon l'un de ses signataires, « l'effet d'une décharge électrique».

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Au mois d'avril suivant, les «cinq» publient un nouveau document : le « Manifeste technique de la peinture futuriste».

La prééminence du dynamique sur le statique y est affirmée. La nouvelle peinture traduira dans son langage « la vie moderne fragmentaire et rapide».

« II faut mépriser toutes les formes d'imitation». Le mouvement et la lumière doivent anéantir la matérialité des corps. Le nu, encore triomphant dans les salons, est déclaré aussi nauséeux en peinture que l'adultère en littérature. Les futuristes exigent sa suppression totale pour dix ans.

L'absolutisme même des allégations futuristes ne facilite pas, en 1910, l'approbation des théories nouvelles par l'opinion italienne. Aussi est-ce à Paris que, grâce à Gino Severini, qui est venu y résider, la première grande exposition futuriste peut avoir lieu. Elle se tient en février 1912 à la galerie Bernheim-Jeune.

Soixante et un ans après cette manifestation historique, c'est encore Paris qui présente, au Musée d'art moderne, une rétrospective de ce mouvement.

Près   de   quatre-vingt-dix   peintures, sculptures et dessins, et de nombreux documents, permettent de mesurer le chemin parcouru depuis la proclamation de ces audaces. Il apparaît aujourd'hui qu'elles ne se sont pas soustraites à une permanence plastique de bon aloi : les peintres futuristes sont d'abord des peintres ; le « faire » italien s'y distingue. C'est en vain qu'ils s'élèvent contre la culture classique. Ils sont conditionnés par un savoir séculaire, qu'ils enrichissent des recherches picturales de leur temps.

Celles-ci leur fournissent les moyens techniques d'exprimer la lumière et le mouvement. Le divisionnisme de Seurat, en particulier, permet la conversion des formes en vibrations lumineuses et en perceptions animées.

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Le futurisme, qui doit tant au cubisme, s'oppose ici à lui. Alors que le cubisme, soucieux de constructivité, tente de rétablir un ordre classique par la recomposition synthétique des formes, le futurisme tend à un éclatement, traduisant des « états d'âme plastiques».

En raison même de la liberté et de la souplesse de l'expression verbale, Marinetti apparaît cependant plus affranchi du formalisme traditionnel que ceux qui le suivront picturalement.

Cet Italien si indéfectiblement attaché à son pays est, en outre, de culture cosmopolite. Né à Alexandrie, en Egypte, en 1876, il a accompli à Paris la majeure partie de ses études. Il s'exprime aussi bien en français qu'en italien. Sa tragédie « Le roi Bombance », publiée en 1905, a même été écrite dans notre langue, et n'a été traduite qu'ultérieurement en italien, sous le titre « Re Baldoria». Son œuvre littéraire est alors désordonnée, baroque, voire saugrenue, mais brillante et riche d'inventions. En fait, ce novateur apparemment brouillon est très informé des diverses tendances qui contestent la culture de son temps. Il n'ignore pas les essais « unanimistes» de Jules Romains, dont « L'âme des hommes» a paru en 1904.

Si l'on ne peut lui refuser la paternité d'un mouvement qu'il a eu le mérite de définir et d'animer chaleureusement, on peut considérer que, curieux de littérature française, il a dû connaître les textes précurseurs de ce qui sera le futurisme.

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Or il ne les a jamais évoqués. Et en conséquence, le même silence a été observé par ses biographes, et par les historiens du futurisme.

Compte tenu de l'évolution technique, la précellence de l'automobile de course sur la «Victoire de Samothrace» a pourtant des précédents. Dès 1852 (année de l'établissement du Second Empire) Louis de Cormenin blâmait, dans « Les fleurs de la Science», les «poètes à courte vue» qui estimaient incompatibles le machinisme et le lyrisme. La machine, certes, est encore imparfaite, écrivait-il, mais attendez, « et la locomotive sera aussi belle que le quadrige d'Agamemnon ».

En   1853,   la   «Revue   de   Paris» entreprenait une campagne en faveur de l'introduction du monde mécanique dans les lettres et dans les arts. Louis Ulbach, Achille Kaufmann se distinguaient dans cette tentative. Kaufmann décrivait habilement, en peintre pourrait-on dire, les sensations visuelles d'un voyageur en chemin de fer. S'adressant aux hommes de lettres, il leur disait : « Si vous ne sentez pas alors le grandiose et la poésie de l'industrie, vous n'avez pas besoin de chercher ailleurs des inspirations, vous n'en trouverez nulle part».

Deux ans plus tard, Maxime Du Camp faisait paraître ses « Chants modernes», dont la préface constituait, plus d'un demi-siècle avant Marinetti, un véritable manifeste futuriste. Du Camp dénonçait l'attachement à un archaïsme gréco-latin. On s'occupe encore, écrivait-il, de la guerre de Troie et des Panathénées, en un siècle « où l'on a découvert des planètes et des mondes, où l'on a trouvé les applications de la vapeur, l'électricité, le gaz, le chloroforme, l'hélice, la photographie, la galvanoplastie...»

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Cormenin, Ulbach, Kaufmann, Du Camp avaient d'ailleurs, en Angleterre, un illustre prédécesseur: William Wordsworth, mort en 1850, à quatre-vingts ans. « Les découvertes du chimiste, du botaniste ou du minéralogiste, avait-il dit, seront, pour l'art du poète, des objets aussi convenables que ceux sur lesquels il s'exerce actuellement».

Même un romancier tel que Jules Verne ne dédaignait pas de recourir au vocabulaire scientifique pour ses descriptions poétiques. Ainsi ce lever de soleil : « Le luminaire du jour, semblable à un disque de métal doré par le procédé Ruolz, monta de l'océan comme s'il sortait d'un immense bain voltaïque».

Parmi les artistes disposés à passer de la novation littéraire à la novation plastique, Umberto Boccioni va se révéler l'un des plus résolus. Lorsqu'il fait la connaissance de Marinetti, en 1909, l'année du premier manifeste, il s'est déjà livré à des recherches tendant à soustraire les arts aux disciplines académiques alors en faveur. D'abord séduit par le néo-impressionnisme et le « Modem style», il s'intéresse, dès 1911, au cubisme. Sculpteur autant que peintre, Boccioni publie en 1912 le « Manifeste technique de la sculpture futuriste».

Sa condamnation de l'exploitation du classicisme y est catégorique. Prétendre créer « avec des éléments égyptiens, grecs, ou hérités de Michel-Ange, est aussi absurde, assure-t-il, que de vouloir tirer de l'eau d'une citerne vide au moyen d'un seau défoncé».

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Les tableaux actuellement exposés au « Musée national d'art moderne» démontrent l'efficacité de ses recherches quant à l'expression du mouvement. Sans aucune détermination précise des cavaliers et de leurs montures, sa «Charge des lanciers» impose le sentiment vertigineux d'une force convergeant irrésistiblement sur un même point.

D'un tempérament moins doctrinaire que Boccioni, Carlo Carra prétendra avoir découvert la notion picturale du mouvement en se trouvant mêlé à une manifestation populaire. Sa fréquentation des milieux ouvriers, socialistes et anarchistes, contribuera évidemment à de telles découvertes.

Il s'efforce cependant d'aller au-delà de la traduction du mouvement, et d'exprimer aussi les sons et les odeurs, afin d'obtenir une « peinture totale». Ses conceptions en cette matière sont pour le moins originales. « Nous n'exagérons guère, écrit-il en 1913, lorsque nous affirmons que les odeurs peuvent à elles seules déterminer dans notre esprit des arabesques de formes et de couleurs constituant le thème d'un tableau et justifiant sa raison d'être.»

« Les funérailles de l'anarchiste Galli», «Ce que m'a dit le tram», «Poursuite», présentés à Paris, sont des œuvres qui expliquent les aspirations de l'artiste. Carra y renoncera plus tard, après avoir rencontré Chirico, et pratiquera, au sein du groupe « Novecento », la peinture figurative qu'il avait dénoncée en sa jeunesse.

Luigi Russolo n'est pas seulement peintre, il est aussi, et avant tout sans doute, musicien. Aussi ne peut-on pratiquement pas isoler ses recherches plastiques de ses recherches musicales.

— Nous prenons infiniment plus de plaisir, a-t-il dit, à combiner idéalement des bruits de tramways, d'autos, de voitures et de foules criardes qu'à écouter encore, par exemple, l'« Héroïque» ou la « Pastorale».

La machine musicale (« Intonarumori ») que Russolo construisit, avec le peintre Ugo Piatti, n'apparut cependant pas convaincante. Après la guerre, où il fut blessé, son inventeur vint à Paris, où il se livra, lui aussi, à la peinture figurative.

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Doyen des signataires des manifestes de 1910, Giacomo Balla aura été essentiellement peintre. Encore qu'il se soit formé à peu près seul, il fait toujours au début du siècle, figure de maître. Il compte parmi ses élèves Boccioni et Severini.

Ses études de la décomposition de la lumière et du mouvement doivent beaucoup au divisionnisme. Mais il se propose de donner à celui-ci un caractère plus général, et d'en faire, en quelque sorte, l'instrument d'une esthétique nouvelle.

Son « Lampadaire» a pour objet principal de « démontrer que le romantique clair de lune est écrasé par la lumière électrique moderne». Ses « interpénétrations» préfigurent les recherches d'abstraction géométrique.

Si Gino Severini est, en France, le plus connu des artistes futuristes italiens, c'est qu'il s'établit très jeune à Paris, où il demeurera pratiquement pendant soixante ans. Compagnon d'Apollinaire, Max Jacob, Modigliani, Picasso, Braque, Delaunay, il épouse en 1913 la fille de Paul Fort.

A ses débuts, la peinture de Seurat exerce sur lui une influence décisive. Mais très tôt il est acquis aux principes du futurisme, qui répond à ses goûts modernistes pour la machine et la vitesse, qui, croit-il, doivent permettre à l'homme de dominer la matière. Il va même jusqu'à s'initier au pilotage aéronautique.

Plusieurs de ses œuvres exposées ont été inspirées par la vie parisienne : « L'autobus», « La danse de l'ours au Moulin-Rouge», « Rythme plastique du 14 juillet», « Danseuse au bal Tabarin». L'artiste a lui-même expliqué le sens du tableau «Nord-Sud» qui figure à l'exposition : « l'idée de la vitesse avec laquelle un corps illuminé traverse des tunnels alternativement sombres et éclairés...».

A ces cinq «grands» du futurisme, il faut ajouter Ardengo Soffici, écrivain autant que peintre, et l'architecte Antonio Sant'Elia, qui, soldat, fut tué en 1916, à vingt-sept ans. Un an plus tôt, Soffici avait déjà abandonné le groupe futuriste, en raison de ses dissentiments avec Marinetti.

La guerre, dont Marinetti magnifie les vertus régénératrices, sera donc fatale au futurisme italien proprement dit. Aux épreuves d'un conflit qui provoque des pertes irréparables, s'ajoutent des outrances de pensée et des intempérances de langage peu faites pour contribuer au crédit de cette école.

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Ainsi, dans son « Manifeste futuriste de la luxure», publié en janvier 1913, Valentine de Saint-Point se livre à une apologie déréglée de la guerre. « La luxure, professe cette petite-nièce de Lamartine, est pour les conquérants un tribut qui leur est dû. Après une bataille où des hommes sont morts, il est normal que les victorieux, sélectionnés par la guerre, aillent, en pays conquis, jusqu'au viol pour recréer de la vie».

Sans doute Valentine de Saint-Point n'exprime-t-elle là que des considérations personnelles. C'est d'ailleurs une excentrique (vers la fin d'une carrière agitée, s'étant retirée en Egypte, elle se convertit à l'islamisme).

Pour avoir soutenu les futuristes avec un zèle jugé alors intempestif, Apollinaire, quant à lui, perdra en 1914 sa fonction de critique d'art à « l'Intransigeant» : « Vous vous êtes obstiné, lui écrit son directeur, Léon Bailby, à ne défendre qu'une école, la plus avancée, avec une partialité et une exclusivité qui détonnent dans notre journal indépendant... La liberté qu'on vous a laissée n'impliquait pas dans mon esprit le droit pour vous de méconnaître tout ce qui n'est pas futuriste».

Ce grief apparaît aujourd'hui d'autant plus singulier que Guillaume Apollinaire ne peut être tenu pour un champion inconditionnel des futuristes. S'il a été séduit par leur mouvement, il en a distingué les travers : « Ils se préoccupent avant tout du sujet, écrit-il en 1912. Ils veulent peindre des états d'âme. C'est la peinture la plus dangereuse qui se puisse imaginer...»

Sans le déclarer ouvertement, Apollinaire accorde plus de crédit au cubisme, qu'il comprend d'ailleurs assez mal, qu'au futurisme. Cependant, l'universalité de celui-ci le séduit. L'auteur de « L'hérésiarque» propose de soustraire le futurisme à son italianisme originel, et de « réunir sous ce nom tout l'art moderne», en tenant compte, bien entendu, des particularismes constitutifs.

Cette tentative de fondation d'une «Internationale culturelle» n'est pas sans intérêt, mais elle se trouve aussitôt désavouée par le fondateur du futurisme lui-même : Marinetti. Celui-ci considère que le futurisme ne doit pas se départir de son caractère national.

Sentiment incompréhensible à qui oublierait que le futurisme a été lancé pour « délivrer l'Italie de sa gangrène de professeurs, d'archéologues, de cicérones et d'antiquaires... L'Italie a été trop longtemps le grand marché des brocanteurs. Nous voulons la débarrasser des musées innombrables qui la couvrent d'innombrables cimetières».

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En 1910, dans son « Discours futuriste aux Vénitiens», Marinetti se réfère au passé glorieux de la cité des Doges pour flétrir l'avilissement de sa population contemporaine :

« Vous fûtes autrefois d'invincibles guerriers et des artistes de génie, des navigateurs audacieux et de subtils industriels... Avez-vous donc oublié que vous êtes avant tout des Italiens ? Sachez que ce mot, dans la langue de l'Histoire, veut dire : constructeurs de l'Avenir...»

Et, après avoir évoqué les « héros de Lépante», Marinetti conclut en exhortant ses compatriotes à préparer « la grande et forte Venise industrielle et militaire qui doit braver l'insolence autrichienne sur la Mer Adriatique, ce grand lac italien».

Déclaration belliciste qui rappelle que le futurisme n'est pas seulement un mouvement esthétique. Son caractère politique est attesté dès ses premières déterminations. Au neuvième paragraphe de son manifeste de 1909, Marinetti a proclamé : « Nous voulons glorifier la guerre (seule hygiène du monde), le militarisme, le patriotisme, le geste destructeur des anarchistes, les belles idées qui tuent, et le mépris de la femme»,

L'Italie de 1909 ne convient évidemment pas à l'application d'une telle doctrine. A la tête du gouvernement, Giovanni Giolitti pratique une politique de modération. Libéral et opportuniste, peu soucieux d'idéologie, mais attaché aux principes d'une gestion raisonnable des affaires publiques, il entend « donner satisfaction aux intérêts purement individuels et locaux». Il excelle à s'assurer une « clientèle». Salandra, qui lui succède à la veille de la Première Guerre mondiale, poursuit cette politique incolore.

Dans ce climat lénifiant, les futuristes ne paraissent que plus insolites. Depuis le début de l'année 1913, ils disposent cependant d'une revue, « Lacerba», dirigée par Giovanni Papini et Ardengo Soffici. Ce périodique atteint rapidement un tirage d'une vingtaine de milliers d'exemplaires. En raison même de sa dénonciation du régime «bourgeois», il est bien accueilli dans les milieux ouvriers, auxquels le programme futuriste doit pourtant paraître singulier.

En novembre 1914 paraît un nouveau journal «socialiste», qui dénonce l'attentisme du gouvernement et réclame l'intervention de l'Italie dans la guerre. Cet organe, « II popolo d'Italia», a pour animateur Benito Mussolini. En épigraphe, une citation de Napoléon : « La révolution est une idée qui a trouvé des baïonnettes». Son premier éditorial, signé Mussolini, se termine par ces mots : « Mon cri augural est un mot effrayant et fascinant : Guerre! »

A cinq ans de distance» la proclamation de Marinetti se trouve ainsi répétée, amplifiée par la réalité du conflit qui va bouleverser l'Europe.

Lorsque, en mars 1919, Mussolini crée le « Fascio », il reçoit naturellement l'adhésion de Marinetti.

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Loin d'être scandaleux, le passage du futurisme au fascisme procède ainsi de la simple logique.

Aux diatribes des futuristes contre l'art académique, la littérature conventionnelle, l'enseignement traditionaliste, tout ce qui témoigne de la mort par sclérose d'une société, répond le chant allègre du Parti: Giovinezza («Jeunesse ») !

L'exposition du futurisme au « Musée d'art moderne» ne s'étend que sur une période de huit ans, de 1909 à 1916 : du premier manifeste de Marinetti à la mort de Boccioni et de Sant'Elia. L'époque du ralliement et celle qui lui a succédé, non seulement en Italie mais dans le monde, sont ainsi délibérément écartées.

Cependant, Marinetti n'est mort qu'en 1944, Russolo en 1947, Balla en 1958, Carra et Severini en 1966. Le futurisme, qui avait en quelque sorte assimilé les découvertes de l'impressionnisme, du pointillisme, du cubisme, devait féconder à son tour d'autres mouvements.

En Italie même, des artistes comme Prampolini, Martini, Depero, Sironi, Morandi, d'autres encore (et avec eux l'architecte Chiattone) ont maintenu, plus ou moins longtemps, la tendance futuriste.

En 1928, encore, le régime fasciste encourageait la « Première exposition d'architecture futuriste».

En Russie, où les novations culturelles occidentales étaient attentivement observées, Larionov, l'inventeur du « rayonnisme», reconnaissait dès 1913 ce qu'il devait au futurisme, au cubisme et à l'orphisme. Malévitch s'était inspiré très tôt, lui aussi, des principes de la nouvelle école italienne,

Gontcharova devait beaucoup à celle-ci, ainsi que l'atteste sa manière de provoquer le sentiment du mouvement par la décomposition des images.

Les œuvres de Mondrian, de Kandinsky, de jozef Peeters se réfèrent implicitement à « la splendeur géométrique et mécanique», et à la «sensibilité numérique» exaltées par Marinetti.

En Allemagne, l'influence du futurisme est sensible dans les œuvres de Meidner, Dix, Richter, Schad, etc.

Aux États-Unis, sur celles de Davies, Kuhn, Cramer, Kantov, Weber.

En Angleterre, le « vorticisme », fondé par Wyndham Lewis dès 1914, procède directement du futurisme. Ezra Pound, qui lui donna son appellation, l'a reconnu dans un propos dont la résonance va bien au-delà du particularisme vorticiste : « L'écrivain italien qui m'intéresse le plus aujourd'hui, et envers lequel je me sens une large dette de gratitude, est Marinetti. Marinetti et le futurisme ont donné un grand élan à toute la littérature européenne. Le mouvement qu'Eliot, Joyce, moi et d'autres avons lancé à Londres n'aurait pas existé sans le futurisme».

Maurice Cottaz

Sources: Le Spectacle du Monde – Novembre 1973

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mercredi, 19 juin 2019

Anthony Burgess and Modernism

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Anthony Burgess and Modernism

Anthony Burgess came of age as modernism was at its peak, and the movement influenced much of his writing. As a reaction against the realism of the late nineteenth century, modernist works of literature aimed to disrupt many of the established tenets of novel-writing and poetry. In novels, the omniscient narrators, the linear structures and the focus on external description of environments and characters were replaced with subjectivity, fractured plotlines and a focus on the internal thoughts of characters (the latter inspired by the rise in psychoanalysis of the early twentieth century). Modernist poets rejected the devices of the Romantic period, preferring to experiment with form, allusion and the patchwork technique of using many fragmented languages and registers. The whole modernist project could be summed up with Ezra Pound’s phrase ‘make it new’.

Burgess’s first introduction to a modernist text was his reading of James Joyce’s A Portrait of the Artist as a Young Man at the age of fourteen. He describes the most modernist section of the novel, the hellfire sermon, as fear-inducing, so important in his mind that it drove him back to the church for another try at Catholicism. It was in the early 1930s, still a student at school when he first encountered Joyce’s Ulysses, a moment he describes in conflicting terms. While Ulysses was a constant presence throughout his career, and his first novels attempted to superimpose a contemporary story onto a mythological framework (see A Vision of Battlements’ treatment of the Aeneid and The Worm and the Ring’s retelling of the Niebelungenlied, for example), he writes that the post-Ulysses novelist ‘is forced to pretend Ulysses does not exist’, and that Joyce’s achievements made him cautious about writing his own fiction.

Yet what Burgess takes from Joyce is the elevating of language above almost everything else. He writes, ‘If Joyce taught nothing else he certainly taught a rigorous attention to language – an aspect of the traditional British novel which is generally despised’. Throughout all of his fiction, Burgess experiments with language, sometimes in overt ways as in A Clockwork Orange and Nothing Like the Sun, and sometimes in more subtle ways in novels such as the Enderby books and One Hand Clapping.

Despite his early connection to Joyce, it was T.S. Eliot who galvanised Burgess’s artistic interest in modernism. He first read Eliot when he borrowed The Waste Land from the public library in Manchester when he was fifteen. For the young Burgess, this was a gateway to Dante and Baudelaire, and he strove to memorise the poem in its entirety. Some years later, on a trip to London in 1936, he bought Eliot’s Collected Poems: 1909-1935 at a bookshop on Charing Cross Road. He began reading the poems on the train back to Manchester, and was so taken with Eliot’s work, he began a musical setting of the songs in Sweeney Agonistes. The impact of Eliot’s work on Burgess is hard to gauge, though Burgess goes some way to explain the influence: ‘the tastes of most of us have been Eliotian for the past forty-five years. He was a maker in a double sense: he made not only his poetry but also the minds that read it […] To reject Eliot was to welcome anarchy.’

Burgess’s analysis of Eliot’s influence recalls his writing about Ezra Pound. He describes Pound’s Cantos and his Homage to Sextus Propertius as ‘immensely important, supreme examples of the development of an idiolect, a personal language, which became the language of a whole generation.’

It was with the voices of Joyce, Pound and Eliot in his head that Burgess began writing fiction and his experiments with form, narrative and language owe these writers a large debt. Burgess’s most clear experiment in modernist expression came in 1974 when he published Napoleon Symphony. As with Joyce’s work (and indeed his own early work), the novel rests on a mythic framework. Burgess maps the biography of Napoleon onto the myth of Prometheus, but in another layer of complexity, he also frames the narrative around Beethoven’s Eroica symphony (itself based on the Prometheus myth). The story is told in the high modernist style, linguistically complex and fragmented.

Throughout Burgess’s career as a writer his experiments in fiction have been heavily influenced by modernism, yet he also experimented with postmodern form, in particular in the playful MF, based on the post-structuralist theories of Claude Levi-Strauss. This makes it hard to categorise Burgess, though perhaps the best depiction of the push and pull the various literary movements of the twentieth century had on his work is in Earthly Powers. As his protagonist Kenneth Toomey arrives at his eighty-first birthday he has experienced the blossoming of the modernist movement and the explosion of postmodern culture. He is the ultimate twentieth century writer, and perhaps Burgess is thinking of his own creative maturation through the different movements of the century.

Graham Foster

Visit our exhibition ‘Anthony Burgess and Modernism’ exploring all of these themes in more depth at the Burgess Foundation, 17 June to 30 September 2019. Free and open weekdays 10am to 3pm, and in the evenings for events. Anthony Burgess’s books Here Comes Everybody: An Introduction to James Joyce for the Ordinary Reader and Flame Into Being: the Life of D.H. Lawrence are republished this month by Galileo. Click here for more.

 

samedi, 18 mai 2019

Valentine de Saint-Point : le futurisme au féminin

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Valentine de Saint-Point : le futurisme au féminin

par Arnaud Bordes

Ex: http://rebellion-sre.fr

Née Anna Jeanne Valentine Marianne Desglans de Cessiat-Vercel, elle est par ascendance maternelle arrière-petite-nièce d’Alphonse de Lamartine. La famille s’installa à Mâcon où elle vécut son enfance entre sa mère, sa grand-mère, son précepteur, ses dons précoces, sa passion pour la lecture, et ses premières aquarelles et poésies. Rien ne lui fut mystère de sa glorieuse généalogie, dont elle s’enorgueillit jusqu’à prendre, d’après le nom du château de l’illustre poète, le pseudonyme de Saint-Point.

*

Dans le temps des années d’avant-guerre, dans ce Paris qui concertait toutes les élites cosmopolites et artistiques, où peintres, musiciens, sculpteurs, écrivains, collectionneurs s’unissaient et se désunissaient en académies, cénacles et galeries, V. de Saint-Point sut briller. Portant beau et aristocratiquement, d’une séduisante facilité de mœurs, souvent de pourpre vêtue1, bijoutée d’extravagances, émancipée dans l’activité sportive et l’escrime, mondaine accomplie, elle ne laissait pas indifférente la gent masculine qui s’empressait autour de ses impétuosités.

Si elle ne la lança pas dans le monde, puisqu’elle l’agitait déjà, sa rencontre, puis son union libre, avec le polygraphe Ricciotto Canudo, qui fréquentait les groupes de la modernité, lui permit toutefois d’imposer son engagement d’écrivain auprès des personnalités qui comptaient. Le couple avait de pareils intérêts pour le symbolisme et une conception universaliste du langage. Ricciotto Canudo fonda une revue (dont le nom, Montjoie !, n’était assurément pas fortuit) où l’on disputa du monde des Idées. Et tous deux firent le voyage d’Espagne et du Maghreb, où elle s’initia aussi bien à l’architecture mauresque qu’aux philosophes arabes et aux arcanes moyen-orientaux.

vspportrai.jpgTrès vite, dans son atelier de la rue de Tourville, à l’instar des salons d’Anna de Noailles, mais avec plus d’inventive faconde, V. de Saint-Point stimula, entre les différentes disciplines et leurs représentants, les rencontres dédiées à la rénovation des esthétiques. L’étude des religions, des mythes gréco-romains et des doctrines secrètes, le spiritisme et l’occultisme, y tenaient bonne place par l’intermédiaire du poète Vivian de Mas dont le théosophisme aigu dégageait des perspectives vers les sphères supérieures, vers les races et les cycles.

Tandis que Tristan Derème, Klingshor, Paul-Jean Toulet, Jean Cocteau, Blaise Cendrars y devisaient, les musiciens Florent Schmitt, Maurice Ravel y jouaient leurs compositions, puis Satie, que l’on redécouvrit, lui un peu oublié depuis les salons Rose-Croix de Péladan, avant de tous se réunir avec des chorégraphes, Diaghilev, Nijinsky, Jeanne Hugard, qui dansaient parfois en avant-première des actes de leurs ballets.

Cette effervescence précipitait les théories, dont la plus avérée fut l’Apollinisme qui, façon de pré-Futurisme, réclama le culte de la vie dans ses liens avec les énergies primordiales et posa le plaisir, au sens d’une jouissance purificatrice, en idéal.

V. de Saint-Point était devant ces aréopages ce que la « Domna » était devant sa cour de trouvères. Elle conduisait les hommages qui l’entouraient pour les transmuter en créativité.

Or, il est une figure qui dominait de son entière renommée toute cette concorde : Rodin, dont V. de Saint-Point fut le modèle puis, incidemment, la secrétaire. Une correspondance nombreuse révèle leur profonde amitié. Elle en révéra l’art qu’elle célébra dans des poèmes et étudia dans La double personnalité d’Auguste Rodin. Par sa présence célèbre, il attirait toujours plus de curieux dans l’atelier de la rue de Tourville. Et ses sculptures, ses nus, en l’occurrence Le Penseur et Le Baiser revêtent une importance particulière. Le premier représentant l’intellect saisi dans toute sa pure splendeur, et l’autre suggérant, au-delà de l’apparence passionnelle, une volupté sacrée voire métaphysique, puis leur aspect souple et massif et comme irradié de subtils mouvements intérieurs, semblent être la mesure symbolique de l’œuvre de V. de Saint-Point qui alternera incarnation et abstraction.

Plus ouvertement, travaillés de spéculations syncrétistes, les écrits de V. de Saint-Point superposèrent progressivement deux thèmes majeurs : la solution d’une féminité originale et la quête d’un pancalisme ou d’une synthèse des arts.

*

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Sa littérature fut donc requise par plusieurs mouvements. Du Symbolisme, déjà finissant, V. de Saint-Point retint les émotions raffinées, les quêtes synesthésiques et la tentative, par l’entremise d’éléments occultes associés au plaisir d’une langue invocatoire, d’affronter l’invisible au visible, de vérifier, en les entrevoyant peut-être, les intersignes qui nouent les formes finies et les formes infinies. Elle continua d’explorer autant la « forêt de symboles » de Baudelaire que les intuitions délicates de ses aînées, ces éphébesses floues que furent Renée Vivien ou Natalie Barney ou Lucie Delarue-Mardrus. Elle s’efforça aussi vers l’École Romane que Jean Moréas, qui fit sécession avec le Symbolisme dont, pourtant, il rédigea le manifeste, avait fondée dès 1891 afin de recouvrer les vertus d’un classicisme déclamatoire mêlé d’une prédilection pour les cultures méditerranéennes anciennes. Louant dans un style simple mais ample la contemplation de la nature, elle perpétua une mystique des éléments, du vent, de l’eau, du soleil, qui aboutit à une vision panthéiste comme à l’annonce d’un certain néo-paganisme. Un tel retour aux sources l’entraîna vers une critique du monde moderne similaire, momentanément, à celle de Charles Maurras ­ lui-même disciple de l’École Romane dont le refus de la civilisation occidentale, dénoncée comme barbare, s’augmentait d’un éloge des lumières hellènes. Pourtant, V. de Saint-Point inclina moins au rationalisme antique qu’à la célébration, soutenue par l’espoir des rythmes cosmiques, des instincts, des mouvements de l’âme et de sentiments nobles – elle accorda dans ses vers l’exaltation du moi au lyrisme hautain de son grand-oncle pour, à la fin, approfondir une veine romantique : car souvent, en effet, elle ne se déplut pas, presque par fidélité superstitieuse, à s’imprégner du souvenir d’Alphonse de Lamartine en engageant, plus ou moins directement ou magiquement2, son inspiration et son imaginaire sous son ombre tutélaire.

*

vspmanif.jpgToutefois, ce qui prime dans ces principaux recueils, Poèmes de la Mer et du Soleil, L’Orbe pâle, La Soif et les Mirages, c’est la mise en place progressive d’une écriture féminine. Non pas d’une écriture féministe mais d’une écriture au féminin qui promeut plus la femme intérieure que la femme sociale. Non pas d’une écriture revendicative mais d’une écriture créative qui énonce les règles d’une esthétique féminine à part entière et qui essaie de s’affranchir des représentations masculines et littéraires de l’Éternel féminin pour, en quelque sorte, réaliser la Femme éternelle. Et cette Femme ne sera ni la Salomé décadente, ni la Nana naturaliste, ni l’Amazone symboliste, ni la précieuse ridicule des salons, mais procèdera de mythes puissants, qui affleureront dans Les poèmes d’Orgueil et s’imposeront dans son triptyque romanesque de L’amour et de la Mort, dont les romans, Un Amour, L’Inceste, Une mort, seront une déclinaison de la femme en trois archétypes classiques : Aphrodite, Déméter, Hécate.

Dans Un Amour, au travers de personnages nourris de philosophie idéaliste, la relation amoureuse est perçue comme concentration de forces et activation, celles-ci présupposées, de potentialités supérieures résidant dans l’amante, tandis que l’éros, dénoté hors de toute considération biologique ou génésique, est moins une fin qu’un moyen assurant le passage de l’infrastructurel au suprastructurel : l’amante ne s’appréhende plus seulement en mode mineur, charnel et psychique mais en mode majeur et spirituel, elle ne relève plus, pour jouer sur les désinences, de l’aphrodisiaque mais s’élève vers l’aphrodisien – elle atteint à une manière de totalité. S’étant pérennisée, elle pérennise autant l’amant que, surtout, le couple. Ascendante, transcendante, révélée, initiée à elle-même, elle permet à la contemplation de s’apprécier en contemplation platonicienne.

Dans L’Inceste (qui fit scandale et posa à nouveau la question de la morale dans l’art), au-delà de la volonté de transgresser un interdit et de dépeindre une mère dont l’amour maternel verse dans la passion amoureuse, il s’agit de redécouvrir la féminité omnipotente qui, semblable à Gaïa ou à Déméter (ou à toute autre hypostase de grandes déesses antiques de la Nature), est source et principe de vie. La pulsion incestueuse, si elle est déviance, est entendue comme processus de retour à soi : prédominant à tout, une telle féminité tend à être fécondée par ce qui est né d’elle et, se rassemblant et ressemblant à perpétuité, assure certain ordre naturel.

Dans Une Mort, bien que d’un tour plus autobiographique, et où sont condamnés la société et, dans tous ses aspects, qu’ils soient artistiques et moraux, le sexe masculin, émerge une féminité qui se situe à l’opposé des précédentes : puisque la femme est, comme susdit, pouvoir de vie physique et métaphysique, elle est aussi pouvoir de mort. Ce sera alors l’Hécate (ou aussi Ishtar, Astarté, Kali) qui propage les influences démoni(a)ques, dissolvantes, hallucinantes – féminité qui est négation, destruction, non seulement de la virilité mais aussi de toutes formes. Descendante, abyssale, elle est la voie vers une pureté par défaut, subversive, une pureté froide, stérile, vide, la pureté de la tentation du néant.

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Pour compléter, à un niveau plus formel, cette analyse d’une écriture au féminin, il est nécessaire de remarquer que le dessein de V. de Saint-Point est d’entreprendre bel et bien le discours, de se l’approprier en tant qu’il est rhétorique. Or la rhétorique ne se résume pas à des procédés d’éloquence ou à une simple technique littéraire, judiciaire, délibérative ou épidictique. Elle a essentiellement pour fonction de pallier l’arbitraire du signe et de faire en sorte que le langage soit le plus possible en relation avec le réel ; elle est ordre et rythme et, par-là, s’accorde à l’ordre des choses et aux rythmes naturels3. Elle fut connotée comme hypostase, voire image du Verbe ou, si l’on préfère, comme une espèce de logos minuscule reflet du Logos majuscule. En tant que telle, elle est sophistique et en relation avec la Sophia qui est l’âme (l’ordre) du monde créé. Ainsi, V. de Saint-point, qui s’applique de manière souveraine à la rhétorique, s’oriente vers cette Sophia qui, en soi, rejoint une modalité de féminité archétypale. En même temps, dans ce triptyque de L’amour et de la Mort et, plus tard, dans La Soif et les Mirages, V. de Saint-Point rencontre une qualité de composition qui ressortit plus au poème en prose qu’au roman. Qualité de prose poétique qui, autour de 1900, fut explorée par Gustave Khan et Marie Kryzinska 4 et qui façonne une langue ornementale, une mise en décor de la langue, une langue distinctive qui, parce qu’elle se déprend de tout didactisme ou de toute doxa, pourrait apparaître comme un vain exercice de style mais qui, au contraire, est pure rhétorique laquelle, en effet, est intrinsèquement hautement signifiante : soumis à de très précises règles, le style se suffit à lui-même et pourvoit au sens5. Et V. de Saint-Point, faisant du style, fait du sens.

*

Il était normal que cette quête de la féminité interrogeât la sexualité. L’essai La femme et le désir y contribua en argumentant sur une nouvelle approche du corps féminin qu’il convient de ne plus définir comme objet peccable ou tabou. Étayés par une dénonciation de la morale en vigueur et une analyse de l’intimité de la femme, le désir et la volupté sont, s’il en est, reconnus, jusqu’à être, par leur reconnaissance même, porteurs de la transgression attendue : l’inconvenance et l’épanouissement se prônent mutuellement tandis que le sentimentalisme, la tendresse, les fadeurs sont méthodiquement flétris.

Mais ce n’est là qu’une propédeutique à de plus vigoureux textes.

futurist_manifesto_lust_0.jpgV. de Saint-Point se proclamait femme d’avant-garde. Affairée à la nouveauté, elle trouva le Futurisme dont les scandales péremptoires, les facultés de provocation, l’idéologie de la révolte, de la tabula rasa et de la collision, le volontarisme, la fascinèrent et lui permirent d’exaspérer beaucoup de ses convictions, et dont, plus avant, elle enrichit la doctrine qui, derrière la personnalité percutante et lyrique de son chef de file F.T. Marinetti, assénait le mépris du sexe faible : « Nous, futuristes, nous honnirons les femmes tant qu’elles empêcheront les hommes de conquérir le monde en les emprisonnant dans les pièges de l’amour et du snobisme, tant qu’elles constitueront autant de chaînes à briser, d’entraves pour le combat et pour la lutte. »


V. de Saint-Point et F.T. Marinetti se rencontrèrent, se convainquirent, et ce dernier, qui augura du retentissement médiatique qui en résulterait, la consacra première femme futuriste. Aussi, sacrifia-t-elle à la mode des manifestes (lesquels se multipliaient en ces périodes de défis artistiques) et rédigea Le Manifeste de la Femme futuriste dont, vêtue d’une robe d’un rouge encore excentrique, chapeautée à la mexicaine et gardée par les importants du futurisme, Balla, Sevirini et, bien sûr, Marinetti qui ouvrit la conférence, elle donna lecture le 27 juin 1912, salle Gaveau.

Elle y développa une théorie.

Premièrement, sous l’influence, semble-t-il, de philosophes ou d’occultistes comme Otto Weininger6 ou Joséphin Péladan7, en suggérant que l’identité sexuelle telle qu’on l’entend n’est pas pertinente. En fait, et cela présupposant la notion de sexe intérieur et extérieur, la sexualisation est ensemble une réalité changeante et une gradation selon que dans un même individu prédomine la qualité mâle ou la qualité femelle : tel peut être anatomiquement masculin qui participe psychiquement, à divers degrés, de possibilités féminines ; telle peut être anatomiquement féminine qui participe psychiquement, à divers degrés, de possibilités masculines. Par conséquent, le type pur est rare, soit qu’il s’affirme pleinement masculin ou féminin, soit qu’il réalise, de manière plus complexe, comme le conçoit V. de Saint-Point, le parfait équilibre entre compétence masculine et compétence féminine : tel sera, d’après elle, « l’être complet ». Être complet qui se manifeste non seulement comme cause mais aussi comme conséquence de périodes et de races épiques: d’où les génies, les héros…

manifesto_saint-point_donna_320.jpgSecondement, en conceptualisant la surfemme, véritable parèdre du surhomme nietzschéen. Surfemme qui, refusant « les morales et les préjugés » qui la dévoient, prépare, dans l’élan dominateur de tout son instinct vainqueur, l’avènement d’une humanité supérieure d’où les compatissants seront sans merci éliminés : « Que la femme retrouve sa cruauté et sa violence qui font qu’elle s’acharne sur les vaincus parce qu’ils sont vaincus, jusqu’à les mutiler. Qu’on cesse de lui prêcher la justice spirituelle à laquelle elle s’est efforcée en vain. Femmes, redevenez sublimement injustes, comme toutes les forces de la nature ! »

Peu après, en 1913, paru Le Manifeste futuriste de la Luxure. Les données crypto-nietzschéennes, telles que d’être soi-même sa propre théorie de la vie et la réalisation autonome de soi à l’encontre des entraves et codes culturels, y sont renouvelées, poussées à l’extrême, en même temps qu’elles s’agrègent à l’invention d’une luxure éprouvée autant comme valeur ultime que comme explication et rééquilibrage de l’existence : « C’est l’insatisfaction renaissante qui pousse, dans une orgiaque volonté, l’être à s’épanouir, à se surpasser. » Orgueilleuse vitalité, la luxure ignore les valeurs établies, bouleverse les vérités, active les énergies et provoque les guerres qui créent un individu puissant, un soldat, un artiste « dont rien ni personne ne peut annuler l’identité8 » et, conjonction de Vénus et de Mars, elle « est une force, puisqu’elle tue les faibles et exalte les forts, aidant à la sélection. » C’est aussi un moyen de régénérer les critères calistiques qui, eux-mêmes se dynamisant, ouvrent sur une création (quasi au sens cosmogonique) selon la chair qui concurrence la création selon l’esprit : « La luxure, c’est aussi la recherche charnelle de l’inconnu, comme la cérébralité en est la recherche spirituelle. » Et il est évident que la luxure se pratique en pleine conscience. Elle exige concentration ­ autant que pour une œuvre artistique. De même, elle ne découle pas du sentiment amoureux, qu’elle ne prolonge pas mais qu’elle excède parce qu’elle est « éternelle » alors qu’il « suit les modes ».

Ces écrits firent du tapage. Le tumulte plut à V. de Saint-Point, qui se félicita d’avoir défié la société et d’avoir mis la femme au centre des débats du mouvement futuriste qui, dès lors, en compta beaucoup dans ses rangs. Les manifestes furent traduits dans toute l’Europe. Bien des capitales, où l’avant-garde s’activait, réclamèrent et sa présence et ses conférences, et l’accueillirent comme une pythie venant rendre d’audacieux oracles.

Parallèlement, et toujours sur le thème d’un féminisme inédit, V. de Saint-Point se diversifia dans le théâtre.

Le théâtre de la femme incite à réformer les rôles de la femme qui n’a plus à jouer « une ménagère complaisante et silencieuse » ou « une poupée jaboteuse, sentimentale ou perverse » entravée par d’adultérines intrigues boulevardières. L’héroïne doit s’affirmer telle (héroïque !), puis proposer l’énigme de sa féminité dont par « de sublimes gestes » et en s’exprimant « en divines paroles » elle révèlera, ou suggèrera, le chiffre. « Être étrangement complexe et mystérieux », elle élabore sa propre dramaturgie qui, en un essor ipséiste, suscite sa propre analyse psychologique : c’est « l’autopsychologie de la femme » qui lève les séquestres posés par le psychologue de la féminité. Pour ce faire, il conviendra de controuver le théâtre même : en le rétablissant dans sa grandeur antique et en l’associant, afin qu’il retrouve sa plénitude mimétique, à l’évolution des mœurs qui favorise, justement, l’expression de la femme. Pourtant, à bien le considérer, ce théâtre, convoquons L’agonie de Messaline9, de facture très idéaliste, parce que très cérébral, n’opère pas la purgation des émotions et se lit sans doute mieux qu’il ne se joue, à l’exemple des drames de Villiers de l’Isle-Adam, dont V. de Saint-Point louait les hautaines exigences.

*

milideux.jpgÀ l’avenant, et de manière prépondérante, V.de Saint-Point s’investit dans un autre art de scène : la chorégraphie, qu’elle magnifia en Métachorie (du grec méta : déplacement, changement, ou, succession; et khoreia : danse).

La Métachorie est une danse qui tend à son propre dépassement et fusionne les arts auxquels elle se rapporte : la géométrie, la sculpture, la peinture, le nombre, la poésie, la musique. L’affirmant « d’essence cérébrale, créée spirituellement », V. de Saint-Point l’affronta, pour la parfaire en mystère, à la danse classique et de ballet « qui n’est que de la cadence marquée » enchevêtrée « d’inspiration charnelle ».
Danse supérieure donc, qui n’est pas « matérialisation exotérique, un rythme charnel, instinctif ou conventionnel », danse « idéiste », elle succède d’abord, néanmoins, à d’autres célèbres chorégraphies. D’une part à celle de Loïe Fuller qui, bien qu’en quête d’une gestuelle pure, déploya sur scène, à l’aide d’effets spéciaux de voiles, de miroirs, de lumières, toute une émulsion de métamorphoses sinueuses10. D’autres part, à celle d’Isadora Duncan qui, par la contemplation de la nature, et en empruntant à l’esthétique grecque comme aux rites dionysiaques, voulut retrouver des rythmes de transes et les corps ravis par des forces suprahumaines.

Et, V. de Saint-Point proclamant la stylisation géométrique des mouvements et la schématisation ultime des gestes, danse qui revoit le cubisme qui, à la même époque, restructura les objets et les êtres dans leur organisation première.

Mais l’important est ailleurs. V. de Saint-Point selon, comme on l’a vu, que ses goûts la portaient vers la culture des mondes méditerranéens, avait étudié la philosophie antique. En sorte que, touchée de gnose, pétrie de significations profondes, elle tint pour des thèmes cosmologiques subtils, pour des ontologies qui polarisent en hiérarchie complémentaire la manifestation universelle, pour le monde des archétypes qu’elle apprécia précisément, encore, selon des données géométriques : « toute figure géométrique a un sens ésotérique ». Or, la manifestation universelle s’ordonne en principe masculin et principe féminin. Le masculin, qui est essentiel, est forme, verticalité, immobilité, immutabilité, stabilité et station ­ existence, éternité ; quand le féminin, qui est substantiel, est informe, horizontalité, instabilité, mobilité, mutabilité et situations ­ vie, devenir. Ce sont, respectivement et pour reprendre des catégories traditionnelles, le khien et la khuen ou le yang et le yin extrême-orientaux, l’Acte et la Puissance ou la Totalité et l’Infini11 aristotéliciens, le nous et la psyché plotiniennes, les çiva et çakti indiens, qui se circonstancient en ciel et terre, feu et eau, nord et sud, droite et gauche, zénith et nadir. Catégories qui peuvent s’entendre selon un mode ternaire : principe masculin et principe féminin sont l’émanation par spécification d’un principe suprême qui, se maintenant identique à lui-même, les transcende et les comprend ; masculin et féminin sont conjoints en dualité par rapport à une unité. C’est, selon Pythagore, la Dyade opposée à l’Un, la Dyade à partir de laquelle se développera donc la création qui, précisons-le, s’appréhendera plutôt comme l’amplification du principe féminin ou l’animation par le principe masculin des potentialités de ce principe féminin. Ainsi, pour V. de Saint-Point, il s’agit d’abstraire la danse qui, parce qu’elle est mouvement et changement, phénoménale et multiple, est à l’image de la vie, de la création, de l’abstraire par induction progressive ou, éventuellement, car la valeur opérative n’est pas attestée, par étapes initiatiques et de la proposer peut-être comme voie sacrée vers ce que l’on appela les Petits Mystères et les Grands Mystères, sachant que les premiers relevaient du principe féminin alors que les seconds relevaient du principe masculin. Ainsi, par exemple, pour atteindre au principe féminin, V. de Saint-Point esquissa une chorégraphie en linéarités courbes et brisées favorisant l’expression du yin et illustrant soit l’eau « coulée » soit l’eau « baignée » et lustrale, l’acqua vivis en laquelle gisent les puissances indifférenciées ­ une chorégraphie également présentée horizontalement, orientée au sud et, comme autant d’exercices au sol, en contact avec l’élément terre. En même temps, elle figura de ces triangles inversés, dirigés vers le bas, qui symbolisent la matrice et l’organe sexuel, puis la force magique et fertile de la mater genitrix. Ensuite, V. de Saint-Point exhaussa le triangle, qui marquera le haut et le nord et assurera le passage à la verticalité et au principe masculin lequel, alors, sera stylisé en lignes droites favorisant l’expression du yang pour, après, être de plus en plus épuré en formes géométriques de plus en plus statiques. Jusqu’à la représentation de la Dyade (associée généralement à la rotondité, à la sphéricité androgyne – convoquons l’Androgyne de Platon ou de l’Être circulaire parménidien12), soit par des postures suggérant un cercle, soit par des postures verticales, axiales, en caducée, où le bras droit élèvera au zénith les forces mâles et le gauche descendra au nadir les forces femelles. Quant au principe suprême, il semblerait que V. de Saint-Point lui dédiât son anatomie rétractée le plus possible en un point qui, « en-stase », concentre véritablement le cercle qui en est l’« ex-tase », à moins qu’elle ne le représentât par une attitude pensive, à la manière du Penseur de Rodin qui symbolise l’Intellection/l’Idée pure. Au reste, cet effort n’était pas sans de précises techniques respiratoires13 qui, au-delà de la nécessité vitale, servaient, au sens strict des termes, à reprendre le souffle : reprise du souffle supérieur (divin) qui anime le cosmos et alterne Inspir et Expir, c’est-à-dire rétraction et expansion, c’est-à-dire, comme il vient d’être vu, « en-stase » et « ex-stase ».

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Également, la Métachorie, œuvre de purification, voire de dépouillement, n’est pas sans évoquer la danse des Sept Voiles que pratiquaient pythies et prêtresses d’Aphrodite et qui consistait à ôter précisément sept vêtures, symboles de la manifestation universelle (4+314, le quatre étant en relation avec l’axe horizontal et le trois avec l’axe vertical), à épuiser, certes, cette manifestation universelle afin d’atteindre à la nudité principielle, abyssale, vertigineuse ­ au Nu de l’Un.

Il faut imaginer notre métachoreute prise dans les satins impassibles d’une robe haute et médiévale : « Les costumes de ma métachorie ont la ligne longtemps traditionnelle des costumes mérovingiens, francs. » Car, en plus que de sublimer les gestes, elle souhaita contraindre le corps et le visage, en occulter les formes trop charnelles aussi bien que les émotions, jusqu’à qu’elles fussent hiératiques, jusqu’à ce qu’ils fussent lente solennité : « Pour danser, il faut donc voiler toute partie du corps où la chair a la prépondérance sur le muscle, ce qui ne peut que donner du flou nuisant par le détail de son agitation multiple à la ligne générale en mouvement. Le visage, dont l’expression est, naturellement, sans cesse changeante, ou artificiellement crispée dans le sourire figé, ou agitée par les détails d’une mimique par trop facile, est disharmonie avec les mouvements inévitablement plus lents du corps. »

*

La réalité de la grande guerre affecta V. de Saint-Point. Les combats ne ravivaient pas la race non plus qu’ils n’appelaient les héros ou une beauté neuve. Elle considéra que la guerre n’était ni esthétique ni métaphysique mais ordinaire économie qui profitait aux marchands d’armes.

À l’instar des Picabia, Duchamp et de beaucoup des avant-gardes, elle s’exila aux Etats-Unis, où elle organisa en 1917 un festival de la Métachorie.

Mais la désillusion était immense. Dès son retour en Europe, elle se détourna des valeurs du monde moderne afin d’entreprendre mieux ses quêtes spirituelles qui s’intensifièrent lors de sa conversion à l’Islam. À Tanger, elle fut baptisée sous le nom de Rawhiya Nourredine.

La rupture fut consommée en 1925, lorsqu’elle s’installa au Caire. Son engagement auprès des nationalistes égyptiens, qu’elle servit en créant la revue Phoenix, l’affermit dans sa critique de la civilisation occidentale à laquelle elle opposa l’avènement d’un Orient uni et réuni à lui-même, tant au niveau de ses traditions qu’au niveau de ses peuples. Cependant, à cause de dissensions diverses, elle renonça à la lutte.

Ésseulée, démunie, elle vécut dans l’étude des prophètes et de consultations de radiesthésie et d’acupuncture. Méditant sur les états multiples de son être, elle approfondit ses recherches ésotériques. Elle se lia d’amitié avec René Guénon qui s’était aussi retiré au Caire. Elle mourut en 1953.

Arnaud Bordes

Romancier et  éditeur – http://alexipharmaque.eu/

 

Notes : 
1 Pour Gabrielle d’Annunzio, elle fut « la muse pourpre ».

2 Il semblerait qu’elle eût tenté, au cours de plusieurs séances de spiritisme, de prendre contact avec le glorieux aïeul.

3 « La nature elle-même nous apprend à choisir le mètre qui lui convient. » Aristote, Poétique.

4 L’un et l’autre prétendant à l’invention du vers libre. Leur rivalité passionna les cercles et les revues littéraires de l’époque : les Hydropathes, la Revue indépendante… Rappelons également Joris-Karl Huysmans, qui voyait dans le poème en prose « le suc concret, l’osmazôme de la littérature, l’huile essentielle de l’art. »

5 De fait, plus largement, il n’est pas sérieux de déprécier la coruscance de quelques écrivains ou mouvements : Stéphane Mallarmé, Mademoiselle de Scudéry, les Grands Rhétoriqueurs, Maurice de Scève… En relation avec ce que la rhétorique antique appelait « le genre relevé » ou, lorsqu’il y avait plus d’afféteries, « l’asianisme », de tels styles rythment souvent plus qu’une apparente préciosité.

6 Cf. Sexe et Caractère

7 Cf. De l’Androgyne

8 Mircea Eliade, Les Hooligans.

9 Messaline est une figure emblématique de l’époque. Topique littéraire, elle étend son emprise à de nombreuses œuvres : Messaline d’Alfred Jarry, Messaline de Nonce Casanova, L’Orgie latine de Félicien Champsaur…

10 Entre autres, la fameuse Danse Serpentine.

11 « Est donc infini ce dont, quand on le prend selon la quantité, il est toujours possible de prendre quelque chose à l’extérieur. Mais ce dont rien n’est à l’extérieur de lui, cela est achevé et une totalité » Aristote, Physique.

12 « Il ressemble à la masse d’une sphère arrondie de tous côtés, également distante de son centre en tous points. » Parménide, Poème.

13 Techniques respiratoires à mettre éventuellement en relation avec la méthode hésychaste. L’Hésychasme (hsuxia, en grec : calme, recueillement, quiétude) entreprend, par d’appropriées postures corporelles et par la régulation du souffle à travers la répétition du nom de Dieu, de délivrer l’Esprit enclos dans la chair.

14 En général, les nombres impairs sont en rapport avec le ciel, et les nombres pairs avec la terre.

dimanche, 23 septembre 2018

L’art de la provocation

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L’art de la provocation

par Pierre-Emile Blairon

De grosses bulles

Voici le troisième volet de notre série consacrée aux agressions de la subversion mondiale qui concerne les domaines de notre vie quotidienne, là où elle peut s’exercer avec le maximum de retentissement et de dégât. Après l’architecture (lire Architecture contemporaine : le triomphe de la vanité) et la mode (lire La mode : les manipulations physiques de la subversion mondiale) , voyons comment ce qu’on appelle l’Ordre mondial, mais qui n’est qu’un chaos organisé, s’évertue (ce dernier mot employé dans la perspective d’un total renversement des valeurs) à saper tout l’héritage du passé dans le domaine de l’art. Nous verrons au cours de cet article que la subversion mondiale actuelle reste dans la continuité logique de la subversion totale qu’a constituée la Révolution française et celles (notamment soviétique) qui s’en sont inspirées : du passé faisons table rase.

L’art contemporain est, par définition, l’art exercé par des artistes vivants ; on a fixé le début de sa vie après‐guerre, il succédait à l’art moderne (1850−1945). Le spectre des pratiques artistiques concernant l’art contemporain est très vaste, allant du figuratif, réaliste, surréaliste, voire hyperréaliste, à l’abstraction. On a retenu de l’art contemporain qu’il est exclusivement abstrait, ce qui n’est pas le cas en réalité. Pourtant, la médiatisation n’en retient que quelques provocations qui finissent par occuper l’ensemble de la communication. Imaginons une marmite où de l’eau bout. De grosses bulles occupent le dessus et finissent par exploser ; en‐dessous, des milliers de petites bulles s’agitent qui vont remplacer les grosses. On ne voit que les grosses. Celles qui nous occupent, et préoccupent, sont emblématiques du règne de la quantité, qui est aussi celui de l’argent. Les petites bulles sont le futur.

Provocations sans risque

Vous me permettrez de ne pas utiliser dans cet article consacré à l’imposture de l’art contemporain (que nous appellerons l’art provocateur ou subversif pour ne pas faire d’amalgame) des guillemets qu’il conviendrait de placer à presque tous les mots, à commencer par celui d’artiste.

Je me servirai donc du jargon pédant, souvent d’origine anglaise, ou plutôt américaine, qui accompagne, en manière de justification péremptoire ou d’explication alambiquée, les productions de ces artistes.

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La performance de Deborah De Robertis qui s’est exposée nue le 31 août 2018 à l’entrée de la grotte de Lourdes (illustration ci‐dessus) a eu le retentissement que la performeuse recherchait. Cette ancienne Femen s’inscrit d’une part dans le processus de provocation initiée par ses anciennes compagnes vaguement politisées mais plus sûrement manipulées, d’autre part, dans un courant blasphématoire qui a produit des artistes comme Andres Serrano dont l’œuvre qui a fait scandale en 1987, Piss Christ, représentait un crucifix baignant dans de la pisse, œuvre soutenue financièrement (on se demande ce qu’elle a bien pu coûter en moyens mis en œuvre !) par un organisme émanant de l’État fédéral américain. On reste à peu près dans le même registre en pensant que le pionnier de cet art provocateur fut le Français Marcel Duchamp qui présenta en 1917 Fontaine, un urinoir qui devint le chef-d’œuvre de l’artiste et qui inspira peut‐être aussi l’actuel maire de Paris, madame Hidalgo, pour répandre ses uritrottoirs dans les rues de la capitale.

urinoir-duchamp.jpgOn a peu vu ces rebellocrates – une espèce qui prolifère de nos jours (ça ne risque rien et ça peut rapporter gros) – en faire autant devant une mosquée ou une synagogue.

À une autre époque, au XVIe siècle, Giordano Bruno était brûlé vif par l’Inquisition pour ses écrits scientifiques jugés blasphématoires et le chevalier de la Barre sera torturé et décapité au XVIIIe siècle pour ne pas s’être découvert au passage d’une procession.
On a beaucoup dit à propos de ces provocateurs qu’ils étaient christianophobes alors qu’ils se contentent de faire parler d’eux sans risque en choquant les chrétiens qui ne sont plus en mesure de se défendre comme autrefois, confondant charité et masochisme. .

Une franche rupture avec le passé

De fait, ces artistes contemporains ne s’en prennent pas exclusivement aux lieux de culte chrétiens mais tentent d’occuper l’espace de tous les édifices emblématiques en France. Notre étude ne porte que sur la France mais on peut supposer que tous les pays occidentaux, avec plus ou moins d’intensité, sont concernés. On peut cependant observer des similitudes dans cette démarche, qui permettent de dégager une constante : si les œuvres de certains artistes contemporains exposées dans ou aux abords des lieux de culte étaient destinées à désacraliser ces lieux, celles placées dans ou aux abords des monuments anciens sont là pour marquer une franche rupture avec le passé, une sorte de désacralisation du travail appliqué de nos ancêtres, de leur génie de la main, de leur savoir‐faire, du symbole historique que peut représenter tel ou tel lieu. Volonté de rompre brutalement avec le passé, voire avec le simple ordonnancement que constitue une harmonie : nous avons déjà constaté cette rupture dans notre article sur l’architecture contemporaine.

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Les thèmes de ces œuvres exposées dans ces lieux emblématiques d’une haute civilisation restent les mêmes : tout ce qui concerne les orifices de déjection et sexuels sont traités, souvent sur le mode monumental, par l’artiste qui pose là, sans plus de ménagement, ses excréments et les productions extrêmes de ses perversités ; parmi les plus connues de ces œuvres : le vagin de la reine du britannique Anish Kapoor installée dans le parc du château de Versailles et le plug anal géant de l’Américain Paul Mac Carthy au beau milieu de l’élégante place Vendôme4.

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Et si l’installation de Paul McCarthy avait été la « provocation » de trop, celle risquant de mettre à nu les ressorts du système économique de l’art contemporain : une coterie de riches, de critiques et de fonctionnaires de la Culture s’accaparant l’espace public pour décréter « œuvres » des signes qui servent de plus en plus la rente financière et sa défiscalisation massive ? (Éric Conan, in Marianne, 26.10.2014)

Les pseudo‐rebelles de mai 68, vite convertis au mondialisme et au règne de l’argent, ont succédé aux bourgeois de la Révolution française et ont parachevé le travail de destruction à grande échelle du patrimoine français commencé par leurs ancêtres idéologiques.

Les motivations des uns et des autres restent dans la continuité : les révolutionnaires de 1789 s’en prenaient à l’Ancien Régime en voulant en effacer jusqu’à la moindre trace ; les hommes et les œuvres que l’Histoire de France avait produits avant l’avènement de la République devaient être éradiqués par tous moyens. La subversion mondiale du XXIe siècle ne pense ni n’agit autrement..

L’art provocateur ? Une monnaie virtuelle

Par quelle manipulation sordide cette imposture que constitue l’art contemporain médiatisé, que nous avons appelé l’art provocateur, peut‐elle perdurer ? Le processus est finalement très simple à comprendre : les premières consignes consistaient à doubler systématiquement, en inversion, chaque signal important –ou pas, nous verrons qu’une duplication à petit niveau s’est instaurée par mimétisme – du patrimoine afin de le dénigrer et de rabaisser sa valeur spirituelle. On a ainsi créé un art dit abstrait qui, du fait même de son absence de références, ne pouvait être contesté puisque l’appréciation de sa valeur appartenait à chacun ; voilà qui ouvrait la voie à toutes les dérives ; c’est ainsi qu’on vit la pathétique classe des bobos, parisiens ou non, s’extasier avec la gravité de l’intellectuel averti devant des taches jetées sur une toile, un tas de gravats déversés sur le sol d’un vénérable musée ou une boîte d’excréments mis en conserve. Ce processus a été bien compris et expliqué en peu de mots par Éric Conan (voir ci‐dessus).

Les super‐riches de l’Ordre mondial n’ont pas mis beaucoup de temps à comprendre que cette arnaque qu’ils ont eux‐mêmes initiée pouvait être aussi utile à leurs portefeuilles ; comme l’art provocateur est virtuel, ils ont créé une monnaie adéquate : l’art provocateur lui‐même.

Ainsi donc, les tableaux, sculptures, installations et autres performances ne sont rien d’autre qu’une monnaie virtuelle dont ils se servent avec profit puisqu’ils se sont débrouillés pour faire en sorte que les œuvres d’art soient défiscalisées quand leurs entreprises achètent des œuvres d’artistes vivants. On comprend bien que la qualité des œuvres n’a aucune importance dans la mesure où l’artiste a su les vendre avec le maximum de publicité, les publicitaires et les médias, appartenant eux aussi aux super‐riches, assurant le service après‐vente.

Le trio infernal

Aude de Kerros, qui dénonça, parmi les premiers critiques, avec force et pertinence l’imposture que constitue cet art contemporain détourné, avait déterminé l’existence d’un trio infernal : l’artiste, le financier et le fonctionnaire.

Nous savons ce qu’il en est de l’artiste et du financier. Intéressons‐nous au fonctionnaire, terme générique pour désigner la présence active et nocive de l’État dans tous les domaines où le citoyen est susceptible d’être manipulé (ce qu’il peut faire avec une facilité déconcertante étant donné l’apathie des Français).

Les fonctionnaires du Ministère de la culture, qui se savent soutenus par leur hiérarchie (qui a elle‐même partie liée avec les spéculateurs et les artistes) et qui espèrent la juste rémunération de leur zèle, sont très actifs dans leur volonté de mettre en avant les productions de l’art subversif. Il s’est même dégagé de leurs rangs des inspecteurs de la création artistique, sorte de police qui a pour mission d’imposer ses diktats dans le domaine du théâtre, de la danse, des arts plastiques, de la musique. Ce corps de fonctionnaires a été créé en 1993 par Jack Lang, juste avant de quitter ses fonctions. « Un plan de 22 mesures fut donc élaboré en urgence et mis en place par les services des ministères de la culture et du travail. Une de ces mesures consista à subordonner le versement des subventions au respect des obligations sociales. Après avoir largement subventionné tous ses amis, sans autre critère que son bon plaisir, le ministre entendit enfin instituer un minimum de contrôle et faire peser sur son successeur des règlements dont il s’était lui‐même allègrement dispensé. Bien entendu, ce décret contient un chapitre de dispositions transitoires qui a permis l’intégration dans la fonction publique de tous les contractuels qui occupaient ces postes depuis quelques années. Jack Lang a pu caser tous ceux qu’il avait embauchés au ministère et en garder ainsi, peu ou prou, le contrôle. C’est ainsi que la majorité des fonctionnaires de la création artistique actuellement en poste n’a pas passé de concours et n’a pratiquement pas de formation administrative ».(1)

On peut supposer que, depuis, la plupart de ces amis ont pris leur retraite. Le site officiel actuel de ces inspecteurs laisse cependant présager du pire : la responsable de ces fonctionnaires se fait appeler cheffe.

Bien évidemment, ce système corrompu à plus haut niveau s’est trouvé imité dans toutes ses organisations subordonnées et dans toutes les innombrables structures institutionnelles nationales, régionales, départementales, etc. qui gèrent notre pays, le fameux « millefeuille ».

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C’est ainsi qu’édiles de petites villes ou simples chefs de service locaux se sont empressés de placer leurs amis artistes, moyennant une ristourne ou même gratuitement, uniquement pour faire comme les grands et se sentir importants et cultivés, voire intelligents, l’œuvre d’art étant bien sûr payée par le contribuable local auquel on n’a pas demandé son avis. Ne voyez pas d’autre explication à ces sculptures loufoques installées au beau milieu des ronds‐points de tous les Trifouilly‐les‐Oies de France.

Il est évident qu’il reste des artistes honnêtes qui survivent difficilement, que leur art soit considéré comme contemporain ou pas. Mais l’honnêteté de ces véritables artistes ne leur permettra jamais de vivre de leur travail.

Autrefois, dans une société qui avait la tête dans les étoiles et les pieds bien enracinés dans le sol, l’artiste était le modeste intercesseur entre les hommes et les dieux ; il avait pour mission d’exalter le génie de son peuple afin que les dieux soient reconnaissants des efforts qu’avaient fournis ce dernier pour se surpasser et leur rendre hommage.

Pierre‐Émile Blairon

(1) Source : http://www.nodula.com/5apresmoisledeluge.html
Notre illustration à la une : Domestikator, par Joep Van Lieshout, devant le Centre Pompidou

13:21 Publié dans art | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art, avant-gardes, provocation | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

jeudi, 08 février 2018

Fascism, Futurism, & Aviation

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Fascism, Futurism, & Aviation

Review:

Fernando Esposito,
Fascism, Aviation and Mythical Modernity,
Basingstoke: Palgrave Macmillan, 2015.

The British political theorist Roger Griffin has argued that the defining characteristic of fascist movements is a central myth of national rebirth, or palingenetic ultranationalism. His study of fascism (The Nature of Fascism) sparked controversy upon its publication because it diverged from the consensus at the time that fascist movements were purely reactionary and conservative in character; rather he located fascism within modernism and defined it as a revolutionary, future-oriented ideology that represented not a revolt against modernity but a quest to create an alternative modernity.

Esposito likewise begins from this premise in Fascism, Aviation and Mythical Modernity. He defines fascism as an attempt to generate order and national renewal through myth in the face of the crisis of modernity. Citing Mircea Eliade’s description of the need of archaic societies “to regenerate themselves periodically through the annulment of time,” he interprets interwar fascism as an attempt to destroy the old order and regenerate history itself, a “reconnection forwards” (Wiederanknüpfung nach Vorwärts). The quest to create an order that stood outside time and history required the use of myth as a suprahistorical reference point. Fascism thus represented a synthesis of modernity and myth.

The ultimate symbol of this synthesis was aviation. The interwar period, often known as the Golden Age of Aviation, witnessed great advances in aircraft technology. Aeronautical science was a cutting-edge field of study and represented the pinnacle of technological innovation at the time. Simultaneously aviation was cast as a symbol of the fascist myth of national rebirth and the birth of a new man.

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The foremost prophet of the cult of aviation in Italian Fascism was Gabriele D’Annunzio. D’Annunzio was himself an aviator whose interest in flight began in 1908 after flying with Wilbur Wright and attending the Brescia air show the following year. He volunteered as a fighter pilot during the First World War (then over the age of 50) and in 1917 participated in the Italian air raid on the harbor of Bakar in Austrian Croatia. In 1918, he famously led an air raid of eight aircraft over Vienna in which thousands of propaganda leaflets were scattered over the city.

Flight was a prominent theme throughout his work. In the third book of his Laudi del cielo, del mare, della terra e degli eroi [In Praise of the Heavens, the Sea, the Earth and Heroes], for instance, he invokes Icarus’ flight: “Who shall gather them? / Who with stronger bonds will know / How to unite the strewn feathers / And try again the mad flight?” To the Fascists, Icarus was a symbol of the Promethean, Faustian spirit of mankind (particularly European man) and man’s quest for glory. D’Annunzio again invokes Greek mythology in an article entitled “Faith in Italian Aviation”: “Nike flies as in the myth, only not with two wings but with a thousand, with thousands upon thousands.”

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D’Annunzio also conceived of the aviator-hero (Esposito’s term) as a religious martyr. The self-sacrificing heroism of the aviator who died fighting for his country became linked with quasi-religious redemption. He likened the sight of a plane spattered with blood to that of a crucifix and in his eulogy for the Italian aviator Gino Allegri, whom he hailed as a “mystic,” likened the droning of a plane’s engine to “the matinal ringing that announces the call to the divine service.”

During the First World War, aviators were also likened to medieval knights in the popular imagination. The air war was distinguished from the mass warfare of the ground war in that it consisted primarily of man-to-man combat; planes were thought of as “flying swords” in knightly duels. The aviator-hero thus symbolized the advent of a new martial elite that would merge the ideal of the aristocratic cavalryman with the modern “technological combatant,” bridging the gap between past and future. In this way the aviator also combined heroic individualism with a willingness to serve the collective.

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Pulp fiction centered around aviation and tales of heroism in the air was enormously popular during the war. Aviators like Manfred von Richthofen (the “Red Baron”), Max Ritter von Müller, and Francesco Baracca were revered as national heroes. One poem in honor of Oswald Boelcke reads: “Hail, Boelcke, hardy seasoned aviator. / Hail, awesome crusher of the foe! / […] Hail, Boelcke, hail! To you as just reward / Does the Volk raise the crown of life / That will ever deck your hero’s deeds / And honor you with immortality!”

The Italians set many aviation records during the interwar years. Italy also built several new airports, pioneered research in aeronautical science, and made advances in civilian travel and airmail during this time. Exhibitions such as the 1934 air exhibition (Esposizione dell’aeronautica italiana), which drew more than one million people, instilled Italians with a sense of national pride by celebrating Italian aviation. Notable Italians in aviation included Francesco de Pinedo, who was the first pilot to fly a foreign plane to America and embarked upon a series of flying boat flights across the globe over the course of the 1920s; Umberto Nobile, who designed the polar airships Norge (the first aircraft to fly over the North Pole) and Italia and piloted them on Arctic expeditions; and Italo Balbo, who built up the Italian Royal Air Force under Mussolini and embarked on a few transatlantic flights, most notably in 1933 with his famed “Italian Air Armada.” Balbo was also a prominent Fascist and one of the four leaders who organized Mussolini’s March on Rome in October 1922.

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Aviation was a central motif in Italian Futurism, particularly during the 1930s, and the airplane represented the ultimate symbol of Futurist ideals: speed, machinery, adventure, heroism, etc. Futurist artists (a number of whom were also aviators) were also fascinated by how the aerial perspective represented an “absolutely new reality, one that has nothing in common with the reality traditionally constituted by earthbound perspectives.” They launched the school of aeropittura (aeropainting) in 1929, giving rise to iconic works such as Tullio Crali’s Nose Dive on the City and Before the Parachute Opens and Tato’s Flying over the Coliseum in a Spiral (Spiraling). Aeropainting, like Italian Futurism in general, was closely associated with Fascism; Marinetti declared that it was a product of the same “revolutionary, aggressive, fervid spirit” behind Fascist aviation. Some aeropaintings were explicitly fascistic, such as Thayaht’s The Great Helmsman, which depicts a muscular Mussolini at the helm of an aircraft with several Savoia-Marchetti S.55 seaplanes (the same planes flown on Balbo’s transatlantic flights) behind him. Apart from aeropittura, the Futurists also devised other “aeroplane” arts: aeropoesia, aeroscultura, aeroachitettura, aeromusica, aerodanza, and even aeropranzo (Futurist meals).

Flight also figures in Marinetti’s Futurist novel Mafarka the Futurist. Mafarka (the protagonist) creates a giant winged cyborg superman, Gazurmah, a symbol of the ultimate fascist new man. Gazurmah eventually kills his creator, representing the destruction of the old order. Mafarka’s death (and rebirth in the form of Gazurmah) enables Gazurmah to soar to greater heights.

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Naturally not all aviators were fascists, and aviation-related tropes and rhetoric were utilized by both fascists and liberals. The German-Jewish art historian Aby Warburg, a bourgeois cosmopolitan who championed liberal modernity, notably designed a postage stamp bearing the motto “Idea vincit” scrawled across the wings of a plane as a symbol of his commitment to the Weimar Republic, which Esposito contrasts with D’Annunzio’s proto-fascist ideals. Nonetheless, although there were liberal contributions to aviation discourse, the cult of aviation was most compatible with Fascism and found its highest expression in Fascist Italy.

The relationship between fascism and aviation was summarized by one Italian journalist who remarked in 1934, “You cannot be a Fascist without feeling a little like a flier; you cannot be a flier without feeling yourself a Fascist.” A writer in L’Ala d’Italia similarly stated:

Fascism has created a new world. Mussolini has brought about a new era of history. […] It is an ancient, rejuvenated race that sets itself against the old age of the world, a new faith that rises up against old habits, decrepit beliefs and ideologies: it is a new destiny. […] Flying is at the pinnacle of this new power.

Esposito also quotes Ernst Jünger’s preface to Luftfahrt ist not! [Aviation Is Necessary], a volume he edited in 1928:

. . . the airman is perhaps the sharpest manifestation of a new manhood. He represents the type that was already showing signs of itself in the war. […] Here, under the aegis of war, was combined every element of energy, distinction, and technical intelligence that characterizes modern civilization, as well as the secret categorical imperative that lends the final hardness to the alloyed metal of machines […]. […] Perhaps he illustrates most clearly the profound link between the soldier’s and the worker’s condition. For although they have remained the same, the forms of the soldier and the worker are here mingled with each other. […] The path that led across the heroic landscapes of war continues through the more sober fields of labor, and in both cases it is the flier’s heart that gives the activity its real value.

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To Jünger, the rise of technology heralded a social revolution in which all human activity would be converted into labor in the form of large-scale industrial processes, which he termed “total mobilization.” Although Jünger was strongly critical of the calculative, utilitarian mass deployment of technology, he predicted that total mobilization would give rise to a new breed of man (the “worker”) characterized by heroism and sacrifice who could save technology from itself: “The phase of destruction is replaced by a real and visible order when that race accedes to dominion that knows how to speak the new language, and not in terms of mere intellect, of progress, of utility, or of convenience, but as an elemental language.” The worker would seek not to wield technology as a means of obtaining total control and security, in contrast to bourgeois man, but rather to achieve unity with it, dissolving the “tension between nature and civilization, organic and mechanical world.” The aviator thus embodied the ideal of the new man.

Article printed from Counter-Currents Publishing: https://www.counter-currents.com

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lundi, 15 mai 2017

Dada in België

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Henk Jurgens:

DADA IN BELGIË

Ex: http://www.doorbraak.be

'Dada. Een geschiedenis' beschrijft het ontstaan en de ontwikkeling van de dadabeweging met bijzondere aandacht voor dada-Nederland en dada-België.

Een aantal tijdens de Eerste Wereldoorlog in het Zwitserse Zürich aangespoelde kunstenaars verenigden zich rond het cabaret Voltaire tot dada. Al gauw werd ‘Dada’ een geuzennaam voor allerlei groepjes schrijvers en kunstenaars die de beeldende kunst en de literatuur radicaal wilden vernieuwen. In Brussel werd Clément Pansaers gegrepen door dada. Hij was in 1917 door de Duitse schrijver Carl Sternheim als huisleraar voor zijn kinderen aangesteld. Sternheim woonde sinds 1912 in de villa Clairecolline te Terhulpen. De villa werd een ontmoetingsplaats voor de literaire en artistieke coterie van Brussel. Zo was Sternheim voor de oorlog goed bevriend met de Vlaamse dichter Emile Verhaeren. Na de Duitse inval in België wilde Verhaeren echter niets meer met Duitsers te maken hebben en emigreerde hij naar Engeland en later naar Frankrijk. Het was een radicaal einde van hun vriendschap.

Tijdens de oorlog kwamen veel Duitse kunstenaars die door de bezetters in Brussel gelegerd waren, bij Sternheim thuis. De dichter Gottfried Benn, die als legerarts in Brussel was gestationeerd, werd een intieme vriend, net als Otto Flake, Alfred Flechtheim en Carl Einstein (geen familie). De schrijver Otto Flake was bij de persvoorlichting gestationeerd en de kunsthandelaar Flechtheim bij de Duitse administratie. Einstein had als  ‘Generalgouvernement Brüssel Abteilung Kolonien’ in Tervuren zijn kantoor. Tijdens de oorlog bloeide het culturele leven in Brussel op. Concerten, toneelvoorstellingen en soirées werden druk bezocht. Cafés en restaurants beleefden hoogtij dagen.

Clément Pansaers en Carl Einstein raakten goed bevriend. Pansaers had voor de oorlog onder het pseudoniem ‘Julius Krekel’ in het tijdschrift  Onze Stam verhalen en gedichten gepubliceerd. Het is, zo schreef hij in Onze Stam, de taak van de ‘literators-talenten in Vlaanderen’ dat zij ‘op hunne wijze zaaien het zaad, het Vlamisch zaad van herwording, van eigen-zijn in hun eigen Vlaamsch Volk en land.’ Vanaf 1917 gaat Pansaers het Franstalig maandblad Résurrection uitgeven, waarschijnlijk met financiële steun van Sternheim. Vooral Duitse expressionisten kwamen aan het woord. ‘Pansaers “nieuwe België” moet uit twee delen - Vlaanderen en Wallonië - bestaan die hoogstens als federatie met elkaar verbonden zijn,’ schrijft Hubert van den Berg in zijn studie Dada, een geschiedenis. Deze belangwekkende studie is door Vantilt in Nijmegen uitgegeven. ‘De politieke oplossing die hij bepleit, sluit naadloos aan bij de Flamenpolitik van de Duitse bezetter. Wanneer de Duitse bezetting in 1918 ten einde loopt, wordt Pansaers voor “boche”, “mof”, aangezien en wordt zijn huis geplunderd. Hij zoekt een veilig heenkomen en vertrekt naar Berlijn, waar hij -net als andere Vlaamse vluchtelingen, onder wie Paul van Ostaijen – op een bescheiden toelage van de Duitse overheid kan rekenen, in zijn geval voor zijn aandeel in de Duitse Flamenpolitik tijdens de bezetting.’ Na de wapenstilstand in 1918 vertrok Sternheim naar Sankt Moritz in Zwitserland waar hij bevriend raakte met de Vlaamse kunstenaar Frans Masereel die in 1917 een gedichtenbundel van Emile Verhaeren geïllustreerd had. Op de vlucht voor Hitler en zijn trawanten vluchtte Sternheim in 1935 weer naar Brussel. Gottfried Benn was al in 1917 als legerarts ontslagen en teruggekeerd naar Berlijn. Otto Flake verhuisde in 1918 naar Zürich, waar hij zich aansloot bij de Dadaïsten. Na de oorlog heropende Alfred Flechtheim zijn galerie in Düsseldorf.

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Clément Pansaers

Carl Einstein was na de wapenstilstand nauw betrokken bij de Novemberrevolutie in Brussel. Op zondag 10 november 1918 werd de soldatenraad in Brussel geproclameerd. De Duitse staat was uit elkaar gevallen en de Belgische overheid had haar gezag nog niet kunnen herstellen. Einstein voerde namens de Soldatenraad de onderhandelingen met het Brusselse stadsbestuur. De geallieerde overwinnaars zagen een Soldatenraad in het net bevrijdde Brussel echter niet zo zitten en ook de Parti Ouvrier Belge, de Belgische socialisten, had geen belangstelling. Na een paar dagen werd de Soldatenraad weer opgeheven en vertrok Einstein naar Berlijn waar hij zich aansloot bij de Berlijnse dadaïsten.

‘In zijn Berlijnse tijd (1918-1921) staat Paul van Ostaijen heel dicht bij Dada, zowel persoonlijk als artistiek’ schrijft Van den Berg in zijn Dada-studie. ‘Hij kent verschillende Berlijnse dadaïsten. Toespelingen in zijn werk, vooral in het filmscript De bankroetjazz, tonen dat Van Ostaijen allerlei dadaïstische publicaties goed kent. Ook zijn voorliefde voor het groteske deelt hij met hen.’

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Paul van Ostaijen

In december 1919 schreef Pansaers, terug uit Berlijn, een brief naar de dadaïsten in Zürich. Hij doet net of hij slechts per ongeluk van dada heeft gehoord. ‘Ik ben tot nog toe de enige in België die principes vergelijkbaar met de uwe verdedigt. Als u ermee instemt, zou ik alles willen bundelen wat dada voor België aangaat.’ Bijna een jaar later schreef hij een brief aan de Parijse dadaïsten waarin hij voorstelde een grote manifestatie te organiseren om dada in België te introduceren. De manifestatie heeft nooit plaats gevonden. In april 1921 vertrekt Pansaers naar zijn dada-vrienden in Parijs. Intussen is in Antwerpen in april 1920 het eerste nummer verschenen van het dada-maandblad Ça Ira. Maurice van Essche, een leerling van James Ensor, had samen met de Vlaamse schilder Paul Joostens het initiatief genomen. In Ça Ira verscheen werk van de Vlaamse kunstenaars Jan Cockx, Frans Masereel, Jozef Peeters, Karel Maes en Paul Cantré. Ook de Nederlander Theo van Doesburg, de leider van de Stijl-groep werkte aan het tijdschrift mee. Het laatste nummer van Ça Ira verscheen in januari 1923. Een paar maanden eerder, in het najaar van 1922, had het tijdschrift nog in het Cercle Royal Artistique van Antwerpen een overzichtstentoonstelling georganiseerd.

Clément Pansaers stierf al in 1922. Hij is 37 jaar geworden.

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Titel boek : Dada. Een geschiedenis
Auteur : Hubert van den Berg
Uitgever : Vantilt, Nijmegen
Aantal pagina's : 352
Prijs : 29.95 €
ISBN nummer : 978 90 7569 797 1
Uitgavejaar : 2016

lundi, 21 novembre 2016

Wyndham Lewis, Ernst Jünger & Italian Futurism - Paul Bingham

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Wyndham Lewis, Ernst Jünger & Italian Futurism - Paul Bingham

Robert Stark and co-host Alex von Goldstein talk to Paul Bingham. This show is a continuation of our discussion about Aleister Crowley and Aristocratic Individualism



Topics include:

How Wyndham Lewis, Ernst Jünger, Aleister Crowley, and the Italian Futurist, were individuals who existed outside the liberal reactionary/traditionalist paradigm, and viewed the world in a realist way unbiased by ideology
The cult of Positivism
Italian Futurism, how it was marginalized due to it’s ties to Mussolini, but made a major impact on the arts
How Ayn Rand was influenced by Italian Futurism
Robert Stark’s talk with Rabbit about Italian Futurism
Wynham Lewis’s Vorticist movement, his magazine Blast, and his Rebel Art Centre
The philosophy of the Vortex, which views everything as energy constantly in motion
The rivalry between Italian Futurist Filippo Marinetti and Wyndham Lewis, and how Lewis critiqued Italian Futurism for putting to much emphasis on technology
Wynham Lewis’s The Art of Being Ruled, which made the case that the artist was the best to rule, and that capitalism and liberal democracy suppressed genuine cultural elites
How the book addresses Transsexualism, and anthropological findings on the Third Sex
Kerry Bolton’s essay on Wyndham Lewis
Lewis’s relationship with fascism, how he published the book Hitler (1931), which presented Adolf Hitler as a “man of peace,” but latter wrote an attack on antisemitism: The Jews, are they human?( 1939)
The influence of war and violence on Italian Futurism
The Manifesto of Futurism
The Futurist Cookbook
Futurism is about testing what works, and rejecting traditions that don’t work
The futurist believed that every generation should create their own city, and futurist Antonio Sant’Elia’s Plan for Città Nuova (“New City”)
Paul worked on a book that was never published, “The Motor City and the Zombie Apocalypse,” about how the motor city is incompatible with human nature
The effects of global technological materialism on culture, and how technology needs the right people and culture to work
Jean Baudrillard point that the Italians have the best symbiosis between culture and technological progress
The Transhumanist concept of Cybernetics, which is rewiring the brain, and how the futurist used poetry as a precursor to cybernetics
Paul’s point that futurist movements such as cyberpunk, and Neoreaction are more focused on Live action role-playing, but are not serious about pushing the limits
The intellectual and transcendental value of LSD and DMT, Ernst Jünger’s experimentation with acid, but they are only effective if the right people use them
Paul’s point that the only real futurist are underground, and experimenting in third world countries
Aristocratic individualism, and Paul’s opinion that Ernst Jünger is the best example, and Jünger’s concept of the Anarch
Ernst Jünger’s science fiction novel The Glass Bees
Ernst Jünger’s “The Worker”

vendredi, 08 juillet 2016

René Daumal, une révolte poétique et spirituelle

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René Daumal, une révolte poétique et spirituelle

Ex: http://www.zones-subversives.com

La trajectoire de René Daumal permet de présenter la créativité poétique qui alimente la première partie du XXème siècle. Il est surtout associé à la revue du Grand Jeu et aux marges du surréalisme.

« Prenez garde, André Breton, de figurer plus tard dans les manuels d’histoire littéraire, alors que si nous briguions quelques honneurs, ce serait celui d’être inscrit pour la postérité dans l’histoire des cataclysmes », prophétise René Daumal. Ce poète méconnu n’a pas tenté de créer une Église, à l’image de Breton ou Debord. Mais il incarne une certaine forme de révolte spirituelle et métaphysique. Il rejette le matérialisme dialectique mais pas la perspective révolutionnaire. Toutefois, Daumal et la revue du Grand Jeu privilégient l’expérimentation poétique, qui peut devenir une force comme une limite.

Le groupe « simpliste »

René Daumal né le 16 mars 1908 à Boulzincourt dans les Ardennes, région d’Arthur Rimbaud. Son père, Léon Daumal, s’active dans le militantisme socialiste. René Daumal découvre Alfred Jarry, l’auteur d’Ubu roi, une pièce de théâtre jugée scandaleuse. Au début du XXème siècle, Alfred Jarry s’inscrit dans le courant du symbolisme, la seule théorie d’Art véritablement nouvelle. Ce mouvement littéraire « lavé des outrageantes signifiances que lui donnèrent d’infirmes court-voyants, se traduit littéralement par le mot Liberté et, pour les violents, par le mot Anarchie », décrit Rémy de Gourmont. Jarry ne cesse de choquer le petit monde littéraire et son attitude perturbe la bienséance bourgeoise de la bonne société parisienne. Si Jarry meurt en 1907, avant la naissance de René Daumal, ce poète marque durablement les avant-gardes littéraires du XXème siècle.

Mais René Daumal ne tarde pas à rencontrer d’authentiques poètes. En classe de seconde, à Reims, il fréquente Roger Gilbert Lecomte, Robert Meyrat, Roger Vailland. René Daumal amène ce trio de farceurs à se poser de véritables questions pour pousser la réflexion, témoigne Robert Meyrat. René Daumal, adolescent discret et rêveur, écrit des poèmes qui tournent en dérision les petits évènements de la vie du lycée. Mais le groupe des « quatre R » se replie sur lui-même pour s’engager dans son aventure spirituelle. Ils méprisent les autres lycéens qu'ils condamnent à la médiocrité. René Daumal expérimente l’alcool, le tabac, le noctambulisme, l’asphyxie. Il se tourne vers les marges de la poésie et de la philosophie.

Le groupe qui se définit comme « simpliste » s’active à des gamineries. Les jeunes poètes se distinguent par des caractères différents mais partagent la même curiosité pour l’expérimentation et les mêmes affinités mystiques. Le simplisme est décrit comme « troué, effondré, malmené, une non-œuvre, une contre-œuvre pour finir » selon Yves Peyré. Le groupe simpliste, formé en 1924, utilise la drogue et l’opium pour ses expérimentations métaphysiques. Meyrat propose aux trois autres « phrères » simplistes de jouer à la roulette russe. Il vide les barillets mais ses compagnons ne sont pas au courant et prennent le jeu au sérieux. Les simplistes jouent avec leur vie de manière enfantine, comme s’il s’agissait d’une farce. L’enfance est alors considérée comme une source d’inspiration métaphysique.

René Daumal se réfère à Nerval, écrivain du rêve. Il pratique l’hypnose pour atteindre l’isolement sensoriel et un sentiment de vertige. Le simplisme est une philosophie qui « va se fonder sur cette métaphysique expérimentale, celle de "l’identité de l’existence et de la non-existence du fini vers l’infini" », selon H.J. Marxwell. Les simplistes recherchent un « long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens », selon la formule d’Arthur Rimbaud.

La création de la revue le Grand Jeu

daumalGJ.jpgEn 1925, René Daumal rentre en khâgne au lycée Henry IV à Paris. Lecomte et Meyrat sont restés à Reims. Mais Vailland et surtout Minet ont également rejoint la capitale. Pierre Minet, surnommé Phrère Phluet, fréquente les milieux marginaux de la bohème parisienne et joue un rôle important dans la dynamique de création d'une nouvelle revue: le Grand Jeu.

Les collaborateurs du Grand Jeu proviennent d'origines géographiques et idéologiques différentes. Le premier numéro doit être publié en 1928 pour être consacré à la Révolte. Daumal insiste “pour ne pas donner une place excessive aux poèmes”, “pour ne pas avoir l'air de jeunes gens qui veulent être imprimés. D'ailleurs, qu'importe ? - Trop de poèmes ennuient vite, la partie poétique sera d'ailleurs aussi importante que la philosophique”. René Daumal prend la direction éditoriale du projet en raison des absences de Gilbert-Lecomte et Vailland.

Mais le Grand Jeu reste dans l'ombre des surréalistes qui valorisent également la révolte. La dimension individualiste et réfractaire de cette révolte débouche, pour André Breton et les surréalistes, vers les idées anarchistes. La poésie permet également d'exprimer un dégoût pour la société et de dénoncer les contraintes sociales et morales.

La trajectoire de René Daumal croise donc celle d'André Breton mais aussi celle d'Alfred Jarry et de la pataphysique. Pour René Daumal, “Le particulier est absurde”, “Le particulier est révoltant”, toute forme prise au sérieux devient absurde. Pour Jarry, le rire pataphysique devient “la seule expression humaine du désespoir”, pour “exorciser l'absurde”. René Daumal partage avec la pataphysique une philosophie de la table rase comme préalable. Mais il s'aperçoit rapidement des limites d'une simple critique ravageuse de l'existant sans perspective. C'est ce qui explique sa dérive dans l'orientalisme mystique.

René Daumal présente la réflexion de la revue Le Grand Jeu dans un texte intitulé “Liberté sans espoir”. L'adolescent doit forger son propre jugement sans subir la moindre influence. Il doit construire son propre espace de liberté, avec une révolte sans objet. L'ironie, qui devient alors centrale, constitue la réalisation d'“actes gratuits” dans lesquels la volonté ne se soumet à aucune règle. La valeur de l'acte se mesure à “la volonté pure”. Surtout, l'être humain doit renoncer à son individualité pour s'éveiller à la dimension universelle de l'esprit humain.

Ce discours métaphysique complexe permet aux membres du Grand Jeu d'attaquer violemment la société occidentale et ses dogmes. “Faire désespérer les hommes d'eux-même et de la société” devient le but du Grand Jeu. La négation et la destruction de la société avec ses règles idiotes devient un projet salutaire. Le premier numéro du Grand Jeu comprend trois essais sur la “Nécessité de la révolte”. Ensuite, le revue intègre plusieurs poèmes.                    

Convergences et oppositions avec les surréalistes

Le Grand Jeu se rapproche des surréalistes mais aucun accord n'aboutit. En effet, le Grand Jeu accueille les exclus et dissidents du mouvement surréalistes qui critiquent l'autoritarisme d'André Breton.

L’écriture automatique émerge avec la découverte de l’inconscient par la psychanalyse. Un groupe, autour de Breton et Soupault, fonde la revue Littérature en 1919. Ce projet commence « par la démolition de tout ce qui pourrait nous accaparer. Ne pas permettre. La réussite, pouah. La première bataille se livre contre le poème, le pohème, le peau-aime, etc », écrit le jeune Aragon. Breton et Soupault écrivent le poème des Champs magnétiques, réalisés sous la dictée magique de l’inconscient. Les mots et les phrases apparaissent d’eux-mêmes. La découverte de l’aventure surréaliste par Daumal et les jeunes Rémois fait écho à leurs propres préoccupations. Mais le mouvement dada s’attaque directement à la forme poétique. « Il est parfaitement admis aujourd’hui qu’on peut être poète sans avoir écrit un vers, qu'il existe une qualité de poésie dans la rue », estime Tristan Tzara. A Paris, le mouvement dada organise des conférences destinées à créer des scandales. Le 23 janvier 1920, les acteurs sur scène massacrent un texte de Breton. Puis Tzara lit un article de journal dans un concert de crécelles. Pour Breton, cette destruction de l’art incarne « l’idée moderne de la vie ». Mais les surréalistes se séparent de dada qui combat également la poésie. L’expérimentation surréaliste peut passer par des activités médiumniques. Breton tente de supprimer le contrôle qu'exerce la raison sur l’esprit pour libérer une force spirituelle. L’investigation surréaliste se tourne alors vers l’écriture automatique et le récit des rêves.

daumalcontreciel.jpgL’esprit humain doit se libérer de ses conditionnements selon les surréalistes. En 1925, ce mouvement pose des bases précises avec, pour préalable, « un certain état de fureur ». L’action surréaliste ne se préoccupe pas de « l’abominable confort terrestre » mais vise à « changer les conditions d’existence de tout un monde ».

Mais Breton tente de démolir le Grand Jeu à partir de positions politiques de certains de ses participants. Par exemple, Vailland fait l’éloge du préfet de police de Paris dans la presse. Le Grand Jeu interdit dès lors les contributions individuelles dans la presse. Mais Breton s’attache à conserver le monopole de la contestation poétique.

Le Grand Jeu se considère comme communiste dans la destruction de l’ordre établi mais ne rejoint pas le Parti. Les intellectuels communistes sont considérés comme des policiers serviles. Mais l’aventure du Grand Jeu s’essouffle et René Daumal se tourne vers de nouveaux horizons. Le Grand Jeu, depuis les simplistes, demeure une expérience collective qui dépasse les prétentions individuelles. « L’Occident individualiste-dualiste-libre-arbritriste, triste, capitaliste-colonialiste-impérialiste et couvert d’étiquettes du même genre à n’en plus finir, il est foutu, vous ne pouvez vous en doutez comme j’en suis sûr », constate Daumal.

La trajectoire de Daumal et du Grand Jeu s’ancre dans la créativité poétique de son époque. Mais la critique de la vie quotidienne débouche vers une fuite dans la poésie et la métaphysique. Le rêve, l’expérimentation s’apparentent à une fuite hors du monde et de la civilisation occidentale. Daumal, pourtant critique lucide de l'institutionnalisation du surréalisme, ne s’inscrit pas dans une démarche de dépassement de la société marchande par l’émancipation individuelle et collective. La révolution intérieure prime sur la révolution sociale. Alors que les deux devraient être étroitement liés. Sa dérive vers la culture orientale et une forme de religiosité hindouiste révèle l’impasse d’une révolte uniquement spirituelle pour ré-enchanter.

Articles liés:

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La révolution des surréalistes

Arthur Cravan: la vie est une aventure

L'explosion Dada

Sur René Daumal:

Jean-Philippe de Tonnac, René Daumal, l'archange, Grasset, 1998

Emission Surpris par la nuit sur René Daumal 

Emission radio consacrée à René Daumal

Dans la revue Clés

Court-métrage de Marion Crépel sur les simplistes

Sur le Grand Jeu:

Site consacré au Grand Jeu

Dans La revue des ressources: Régis Poulet, "Le Grand Jeu de René Daumal, une avant-garde à rebours"

Sur le site Traces autonomes, "Le Grand Jeu, une avant-garde critique"

Dans Libération : Frédérique Roussel, "Le cercle des phrères disparus"

Conférence : Zéno Bianu, "Rien ne va plus, faites le Grand Jeu"

mardi, 03 novembre 2015

F.T. Marinetti - Caffeina d'Europa

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F.T. Marinetti

Caffeina d'Europa

Tentare di definire Filippo Tommaso Marinetti a più di 70 anni dalla morte è un esperimento difficile. Possiamo definirlo un “rivoluzionario”, un “cortocircuito” della storia culturale europea, ma soprattutto, un profetico anticipatore, ai limiti dell'incredibile. Dalla propaganda allo scandalo all'editoria, Marinetti è stato il protoideatore dei fenomeni di comunicazione di massa che oggi caratterizzano le nostre vite; nei suoi scritti compaiono descrizioni fantascientifiche di nuove tecnologie e abitudini, pienamente rintracciabili oggi in computer e social networks.
 
Ex: http://www.linttelletualedissidente.it 

Scuotere l’Italia “a suon di schiaffi e dinamite”, scrive Giordano Bruno Guerri nella biografia dedicata a Marinetti, era la missione del padre del Futurismo e di tutte le sue declinazioni. Lo schiaffo, la dinamite: la rinascita artistica che comincia da una particella elementare, il suono, una rifondazione che parte dal segno, dalla radice, per sconvolgere le fondamenta di un’intera cultura.

«Col preannunzio sciroccale del Hamsin e dei suoi 50 giorni taglienti di sanguigne scottature desertiche nacqui il 22 dicembre 1876 in una casa sul mare ad Alessandria d’Egitto». Secondogenito di una giovane coppia milanese, F.T. nasce in terra africana per volere del padre Enrico, avvocato, convinto al trasferimento dalle buone prospettive di lavoro offerte dall’apertura del Canale di Suez. Insieme al fratello Leone viene educato al Collegio Internazionale San Francesco Saverio, un istituto gesuitico dove incontrerà un altro illustre innovatore della poesia italiana del Novecento, Giuseppe Ungaretti. Grazie alle ingenti somme guadagnate dagli affari del padre, perfeziona gli studi con un baccalaureato a Parigi nel 1894. Dopo il soggiorno parigino, eccolo in territorio italiano, a Pavia, dove raggiunge il fratello per studiare legge, facoltà che abbandonerà presto a causa della morte di Leone. Conclude gli studi universitari a Genova e vince nel frattempo il concorso parigino Samedis populaires con il poemetto Les vieux marins. Il componimento è il taglio del nastro agli ambienti intellettuali francesi: in breve tempo viene pubblicata la sua prima raccolta di poesie, La Conquete des Étoiles, la carriera giuridica definitivamente accantonata. Continua a comporre versi in stile liberty e simbolista, guardando a Mallarmé e D’Annunzio – stimato rivale quest’ultimo, amato e odiato, lui stesso si definì “figlio di una turbina e di D’Annunzio, da cui sarà definito “cretino fosforescente”. Nel 1905 fonda la rivista Poesia, la nuova palestra del verso parolibero firmato F.T. Nel 1908 eccolo tirato fuori da un fossato a Milano, nella sua automobile, uscito fuori strada per evitare due ciclisti; l’episodio si farà aneddoto – come poi molti altri – e diventerà per Marinetti la chiave di lettura della rivoluzione culturale programmata per il prossimo anno: l’uomo estratto dall’automobile è l’uomo nuovo futurista che dopo aver vinto l’inferno della tradizione ed aver accantonato lo stile liberty e decadentista rappresentato dai due «noiosi» ciclisti, può volgersi all’istituzione di un’arte nuova, rivoluzionaria.

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Il febbraio 1909 è arrivato. Tutto è pronto per il lancio della bomba. F.T. ha sedotto Rose Fatine, 20 anni, figlia di Mohamed el Rachi Pascià, un vecchio egiziano, ricco azionista de LeFigaro. Grazie alla buona intesa dei giovani amanti, l’uomo asseconda la bizzarra richiesta dell’italiano, ignaro del privilegio di partecipare ad un evento storico mondiale: pubblicare sul giornale il suo Manifesto. Il 20 febbraio 1909 sul quotidiano nazionale francese viene lanciata la bomba: esce il Manifesto del Futurismo, undici punti, con appendice. Il Futurismo è fondato. Sintetizzerà Marinetti: «E’ un movimento anticulturale, antifilosofico, di idee, di intuiti, di istinti, di schiaffi, pugni purificatori e velocizzatori. I futuristi combattono la prudenza diplomatica, il tradizionalismo, il neutralismo, i musei, il culto del libro.» La parola d’ordine è “Velocità”. Come dinamismo, come simultaneità, come meccanicismo e libertà. Marinetti stravolge ogni dogma della poesia e delle arti e ne ritaglia un vestito nuovo, “moderno”, diremmo oggi, come il secolo XX. Protagonista di quest’ultimo, annuncia F.T., sarà la Macchina, metafora dell’impeto prometeico dell’uomo nuovo. Per evitare una volta per tutte l’associazioni del poeta Marinetti e del futurismo all’idea infantile e brutale dell’adorazione della macchina e della modernolatria, ecco un passo del discorso che F.T. stesso tenne nel 1924 alla Sorbona:« Io intendo per macchina tutto ciò ch’essa significa come ritmo e come avvenire; la macchina dà lezioni di ordine, disciplina, di forza, di precisione, d’ottimismo e di continuità. […] Per macchina, io intendo uscire da tutto ciò che è languore, chiaroscuro, fumoso, indeciso, mal riuscito, trascuratezza, triste, malinconico per rientrare nell’ordine, nella precisione, la volontà, lo stretto necessario, l’essenziale, la sintesi». Il Manifesto è discusso in tutta Europa, i giornali lo chiamano “Caffeina d’Europa”. Intanto Marinetti continua a scrivere poesie, romanzi e testi teatrali, tra cui si ricordano “ Gl’Indomabili”, il censuratissimo “Mafarka il futurista” e la sceneggiatura “ Re Baldoria”. La fama di Marinetti si diffonde per tutto il Vecchio Continente, legata soprattutto alle esuberanze e ai modi “futuristi” di F.T. & Co. In particolar modo diventano celebri le serate-futuriste: spettacoli teatrali in cui vengono fuse performance di vario genere, dalla declamazione alla piéce teatrale, durante cui il futurismo fa da protagonista e le bagarre e gli scontri con il pubblico sono la norma, e ne alimentano la curiosità. Il 1911 inaugura la stagione dei viaggi del poeta e della maggiore sperimentazioni linguista e letteraria. Scoppiata la guerra con la Libia, parte al fronte come reporter per un quotidiano d’oltralpe. Poi è a Mosca e San Pietroburgo, invitato dai futuristi russi a fare propaganda. Nel frattempo in Lacerba, la rivista fiorentina diretta da Papini e Soffici, il futurismo trova il miglior canale di diffusione in Italia parallelamente alla pubblicazione di Zang Tumb Tumb, un reportage bellico scritto in parole in libertà. La prima guerra mondiale fa esplodere il cuore di Marinetti, che, in seguito all’attentato di Sarajevo, si arruola volontario: è a Caporetto ma anche a Vittorio Veneto. Tornato dal conflitto si interessa alla politica cui lo spirito rivoluzionario affascina Mussolini che si avvarrà di molti futuristi nel giorno della proclamazione dei fasci di combattimento, nel 1919 al San Sepolcro. Giudicate passatiste e reazionarie le idee di Mussolini, se ne allontanerà, pur sempre rimanendo rispettato e considerato dal Duce. Si lega nel frattempo a Benedetta Cappa, pittrice e poetessa che accompagnerà Marinetti fino alla fine dei suoi giorni, sua «eguale, non discepola». Nel ’35 parte volontario in Africa Orientale, nel ’42 si arruola per la campagna di Russia. Marinetti viene rimpatriato con l’arrivo dell’autunno, spossato e in precario stato fisico. La morte lo coglie il 2 dicembre 1944, a Bellagio sul Lago di Como, all’alba dopo una notte di lavoro poetico consacrato al Quarto d’ora di poesia della X mas, complice il cuore.

Tentare di definire Filippo Tommaso Marinetti a più di 70 anni dalla morte è un esperimento difficile, che richiede capacità di sintesi ben collaudate; sicuramente possiamo definirlo un “rivoluzionario”, nonostante le ideologie e i numerosi detrattori che F.T. ha avuto. Sicuramente possiamo definirlo un “cortocircuito” della storia culturale europea, ma fu soprattutto un profetico anticipatore, ai limiti dell’incredibile. Dalla propaganda allo scandalo all’editoria, Marinetti è stato il protoideatore dei fenomeni di comunicazione di massa che oggi caratterizzano le nostre vite; nei suoi scritti compaiono descrizioni fantascientifiche di nuove tecnologie e abitudini, pienamente rintracciabili oggi in computer e social networks. Nonostante le ortodosse e insipide categorizzazioni a cui è stato sottoposto, Marinetti resta nella sua natura contraddittoria un personaggio tanto affascinante quanto enigmatico. Intellettuale rivoluzionario, dissidente, fervente agitatore aderì al fascismo cui si allontanò disprezzando leggi marziali e reazionarismo; libertino, don Giovanni, promotore del libero amore e del tradimento e fautore dell’emancipazione totale e disinibita delle donne, fu padre modello di tre figlie e marito presente; anticlericale al fulmicotone, accesissimo nemico della Chiesa, si sposò cristianamente, fece battezzare e cresimare le figlie, e non si privò né dell’estrema unzione né dei funerali religiosi.

Se è vero che ognuno è figlio del suo secolo, sarà vero in questo caso anche il contrario. Il secolo delle contraddizioni e dello stravolgimento totale che il Novecento rappresenta ha un padre illustre. Permettendoci di citare Bontempelli diremmo: le parole gridate da Marinetti sono quelle che partoriscono un nuovo secolo.

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lundi, 28 septembre 2015

Smoke & Surrealism: Don Salvadore Dalí, the Original Mad Man

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Smoke & Surrealism:
Don Salvadore Dalí, the Original Mad Man

By James J. O'Meara

Dalisbook-188x300.jpgCarlos Lozano and Clifford Thurlow
Sex, Surrealism, Dali and Me: The Memoirs of Carlos Lozano [2]
2nd ed.
YellowBay.co.uk, 2011

“In the next century, when children ask ‘Who was Franco? They will answer: he was a dictator in the time of Dalí.” — Don Salvador Dalí

“The only difference between Dalí and a mad man is that Dalí is not mad.” — Don Salvador Dalí 

Having just published a book[1] that makes extensive use of the “paranoiac-critical method [3]” of Don Salvatore Dalí,[2] I was pleased as Punch[3] when this item appeared on my Kindle radar.

Surely the only contribution made by that insufferable poseur, André Breton, with his “surrealist” movement[4] was as what we used to call in grad school a “reliable anti-authority;” anyone deemed by this self-proclaimed Pope of Surrealism as traitor and purged was, ipso facto, worthy of interest — most notably, Artaud[5] and Dalí.[6]

Our memoirist is in some ways a typical child of the ’60s, at least the way the ’60s are supposed to have been; hitchhiking around like Kerouac, reading Hermann Hesse. Born in Colombia, the family moves to America, he loses his father (of course) and eventually makes his way to San Francisco. After a plentiful course of drugs, he’s taken up by the Living Theatre — and in particular an older woman calling herself Gypsy — and brought to Europe, where he is abandoned by the troop. A reading of the Tarot (a legacy of Gypsy) leaves him “resolved to shed all fears and doubts and be myself.” He “had been left, not to starve, I realized, not to fail, not to fall beneath the wheel,[7] but to flow with the turning of the wheel.”[8]

San Francisco was fading from my memory. America was an alien planet floating in the void of wild uncharted waters.

Europe was different. Europeans seemed to have been born with a feeling for art and literature, poetry and beauty. Old men in bars read Camus.[9]

Salvador Dali with a painting of Jose Antonio Primo de Rivera [4]

Salvador Dalí with a portrait of José Antonio Primo de Rivera

As we have often pointed out before, one needs to carefully distinguish the wheel, or circle, from the spiral; the former is the pattern of futile repetition (such as the Wheel of Fortuna or the Wheel of Rebirth) while the latter is the pattern of escape from the wheel and rising to a higher level (the Turn of the Screw). Carlos does not return to America, or Colombia, nor does he merely take up residence in Europe, like so many “artistic” Americans. Rather, he undergoes a metamorphosis, an archeofuturistic return of the Pagan to modern day Europe.

My earliest desire as a young adult had been to work as a teacher, to be a pillar of society. But LSD had allowed me to decode my DNA and, through its foggy mysterious influence, I had reprogrammed myself.

I had arrived home. Five days in Paris and the pagan darkness of the New World[10] was melting from my genes.

It comes as no surprise that Carlos is a dancer, “Isadora Duncan relived.”[11] As such, he understands and responds as he “moved in the spiraling patterns of savage nature.”

But to be complete, more than just drugs are needed.[12]

But then, the inexplicable happens, and he meets, and is taken up by Salvatore Dalí. The relationship is formally pederastic, of course, but that shouldn’t put you off, as Dalí is old enough to be more interested in pedagogy, so little here would shock, say, Jerry Falwell.[13] Besides,

Dalí, I would learn, was only a voyeur, the great masturbator, but his inclination was decidedly pederast. He liked inexperienced boys, androgynes particularly, transsexuals explicitly.[14] He bathed in the bizarre, the unnatural, the surreal; he had orgasms over the outrageous, the lascivious and lewd. He was enthralled by Le Pétomane, the French music hall performer whose act consisted of nothing but farting and he loved farting himself. “The French live to eat. I eat to fart.”

The reader, of course, is less interested in Carlos’s schooling than in Dali’s antics. Dali sits at a café casually twisting tin foil and wax into sculptures he will sell for thousands; “I was a sheet of tinfoil ready to be turned and twisted. Soft wax in the hands of the perverter.”[15]

It was a continuous show. You were with an unconventional, singular personality. A star. Anything could happen. And it always did. I never tired of being with Dalí. Even when he was nasty I still adored him. He was like a lobster: masses of shell, tough on the outside, hard on the inside, and just a morsel of soft sweet meat.[16]

Dali’s acts and words seem illogical, absurd, unmotivated, only because we, unlike Dali, cannot follow the subliminal, sublime, surrealistic chord that unites them all.

“We spend one third of our lives on an oneiric treasure island. You must build bridges to the mainland and follow me through the invisible passages that join the waking and dream states and lead to the realm where all contradictions reach a hyper-lucidity of irrationality.”

What we said was forgettably brilliant, all nonsense and all so meaningful I knew intuitively it was far better talking foolishly with a genius than talking seriously with a fool.

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A good example of Dali’s paranoiac mode of living and discoursing (to the extent that they can be distinguished) occurs when Carlos debuts in the Paris production of Hair. Dali of course arrives to congratulate him, and immediately the discourse becomes pagan:

“Hermes is the God of riches and good fortune. He is the messenger, a dancer, a trickster and the Patron Saint of Thieves, something Jesus the Fish acknowledged on the Cross. He was the son of Zeus, you know.”

Par for the course, just some mythological fluff for flattering his protégé, right? Later, at dinner, a guest makes the mistake of asking Carlos “his sign,” and Dalí is set off:

“What is the sign of Jesus?’ he roared. Dado shrugged like a good Italian. “Capricorn,” he said. “The early Christians changed the birthdate of Jesus to comply with the mid-winter celebrations they discovered among the savages of northern Europe. The Christian era and the Age of Pisces are contemporaneous. The very name, Jesus, transliterates as the word fish in Aramaic, his own tongue. As man or myth, he chose fishermen as disciples. Not goats.”

I sat there amazed by his theme [dancing, Hermes, thief, Jesus], amazed that it had begun before our arrival at Maxims’s.[17]

“He was a fisher of men,” he continued. “He performed miracles on the sea and with the fishes. The Gnostics sketched a fish in the dust, not a cross, to identify themselves. Jesus possessed all the qualities of Pisces, the last sign of the Zodiac and its completion of all human potentials. He was humble, emotional, unworldly and vague, unlike those who arrive in December under the sign of Capricorn, with their money worries and dreams of ruling the world. Jesus was born in the spring, a Pisces for the Age of Pisces. Violetera [Carlos] is a Scorpion, the same as Amanda [Lear, Dali’s transsexual favorite]. They will both sting me in the balls . . .” He paused.

Paused, indeed.

Dali’s main teaching is to inculcate the traditional, and Traditional, virtues of patience and repetition: “Dalí was dedicating his life to the battle against unrelenting time and decay.” The company of Hair gets an earful:

“All success comes from hard work. Hard work and patience and more hard work,” he roared, menacing the company with his walking stick. “Never trust in inspiration. You must work every day, every day, every day. Inspiration arrives through your work. It arrives through your involvement. I am a worker. A peasant. I work seventeen hours a day.”

As does Carlos:

“A Hindu once told me you find God by digging in the same hole. He was mad.[18] The substance of success is scandal and patience. Are you patient, Carlitos?”

“It is the obsession of repetition the Gods take note of.”[19]

dali ballerina.JPGDespite his “far-out” art and aberrant — but very public — lifestyle, Dalí, like most of the Great Artists of the 20th century, was at least temperamentally a man of the Right.[20] Thus, even if you have no interest, or an active dislike, of “modern art”[21] or weirdoes, you will likely enjoy this tour through this little-known world of post-War anti-Leftists, a sort of avant-garde version of the circles of the Windsors or Mosleys.[22]

Take this chap, “The Spanish Ambassador to France, a famous fascist,” who

was one of the richest men in Spain, . . . had helped to finance Franco’s uprising in the Spanish Civil War, El Caudillo had rewarded him with a diplomatic post, [and] was setting up a meeting between Don Salvador and the Conde de Barcelona, Spain’s exiled monarch and father of King Juan Carlos.

The famous fascist is confused by Carlos’ waist-length hair and patchouli scent:

[He] kissed my hand as he left the gathering. “Au revoir, Mademoiselle,” he said with a bow and Dalí was delighted. “Angels are androgynes,” he explained. “I will inspect your back. You will have scars where they cut off your wings. You have the most glorious navel. It is the privilege of princes to show their navel. I will decorate it with a ruby . . .”

Dali, of course, is dangerous to know, as the Ambassador discovers:

“They will think I’m a pederast . . .” he had said in confidence and Dalí had announced these noble doubts to the ears of the world . . .

And You-Know-Who is a distinct presence; as Dalí accepts some French literary award,

He threw out his chest, gripped his hands behind his back and only those who had sat watching old newsreels of Hitler knew who had inspired his act.

Even the waiters are fascistically suggestive:

[A] waiter . . . bore a distinct resemblance to Hitler. He had one of those awful moustaches and a wave of hair plastered to his forehead. “C’est colossal,” Dalí said. “I will put him in a film. I will show him as a kind man, a music lover, a marvelous painter. Hitler had the most wonderful sense of humour.”[23]

Parisian students, searching for a Third Way, recognize an ally:

The previous year during the Paris riots, Dalí had been driven to the Sorbonne to give a lecture on the relationship between DNA and the spiral stalks in vegetables in a Cadillac filled to the roof with cauliflowers. The students had been overturning expensive cars but when they saw Dalí they cheered.

It’s also a chance to revisit that Mad Men era of free smoking:[24]

The smoke had become thicker, hanging like dense clouds around the chandeliers.

He lit a Gauloise and the smell mingled with the street smells and Paris was everything I had imagined it was going to be.

Can you imagine the smell inside a French police station? All those Gauloises.[25]

Is it any surprise that Sterling Cooper’s art director is a closeted homosexual named . . . Salvatore?[26]

It’s unfortunate that Dalí is here well into his ’60s, so there’s no opportunity to really see genius at work. On the plus side, the book benefits from being written not by the memoirist nor by some art “expert” but by what would seem to be an old school journalist, one Clifford Thurlow, (not, fortunately, Clifford Irving[27]) who gives us a colorful and straightforward text that is a pleasure to read and, when combined with the paranoiac-surrealist acts and utterances of Dalí, produces a unique mixture, a kind of Magical New Journalist style.[28]

Highly recommended for anyone interested in that most fascinating and (deliberately) obscure area, the post-War avant-garde Right, though tolerance for a certain amount of nonsense is required.

Notes

1. End of an Era: Mad Men and the Ordeal of Civility (San Francisco: Counter-Currents, 2015). An Amazon reviewer of the text under discussion here notes that “like the keenest FaceBook digital networkers of today, [Dalí] knew how to promote himself, an innate skill practised long before the Mad Men of Madison Avenue.”

2. “The paranoiac critical method of Dalí is an attempt to systematize irrational thought. . . . When asked why the centaurs in his painting, Marsupial Centaurs [5], were riddled with holes, he replied, ‘The holes are like parachutes, only safer.’ This response is often used as an example of Dalí being Dalí, purposefully obscure, self-absorbed, and downright snotty. The reader might interpret this comment as a nose thumbing, coupled with an ‘If you don’t know why the holes are there, you Philistine, I will never tell you.’ The fact is, however, that Dalí is simply stating the reason for the holes, which upon examination, becomes unmistakable, true to its Paranoiac Critical ancestry.” “THE PARANOIAC CRITICAL METHOD” by Josh Sonnier, here [6]. As an example of the transition from irrational to inevitable, consider my discussion of Clifton Webb’s Mr. Belvedere as an incarnation of Krishna in “The Babysitting Bachelor as Aryan Avatar: Clifton Webb in Sitting Pretty,” here [7]. For more on parachutes, holes, and safety, see The Skydivers by Bad Filmmaker and accidental Traditionalist Coleman Francis, as discussed in my upcoming essay “Flag on the Moon — How’d IT Get There?” Both essays will appear in the forthcoming collection Passing the Buck: A Traditionalist Goes to The Movies (San Francisco: Counter-Currents, 2016).

3. See Jonathan Bowden, “The Real Meaning of Punch and Judy,” here [8]. For another view, see Count Eric Stenbock, The Myth of Punch, edited by David Tibet (London: Durtro Press, 1999).

4. “Surrealism is not a movement. It is a latent state of mind perceivable through the powers of dream and nightmare. It is a human predisposition. People ask me: What is the difference between the irrational and the surreal and I tell them: the Divine Dalí.” — Dalí.

5. See Stephen Barber, Antoine Artuad: Blows and Bombs (London: Faber, 1993) and Jeremy Reed, Chasing Black Rainbows: A Novel About Antonin Artaud (London: Peter Owen, 1994).

6. See Dalí by J. G. Ballard, with an Introduction by Dalí (New York: Ballantine, 1974), and Diary of a Genius by Dalí, with an Introduction by J. G. Ballard (London: Solar Books, 2007). Ballard discusses surrealism on YouTube here [9].

7. A reference to Hesse’s novel of schoolboys, their crushes, and their being crushed by the System, Beneath the Wheel. The ’60s figure of Hesse crops up from time to time; Carlos meets a actor (not Max von Sydow) who will supposedly star in a (I guess never produced) film of Steppenwolf, and will talk of making a “journey to the east.”

8. Not impressed? Neither was Dalí. As for astrology: “People are no different from wine. We are born at a given moment, in a given place. There are good years and bad, from good valleys and inauspicious ones. Some bottles are shaken and the sediment fouls the taste. Some are dropped and smash into a thousand million pieces. That is astrology. Never, never speak of it again. . . . God despises astrology and prefers a well told lie to a tedious truth.”

9. Of course, some are more European than others. “I once knew an Englishman I also liked.” “Never trust the English.”

10. Unlike the repetitive circle, in the spiral things reverse, and America is “dark” and “pagan.” Burroughs also perceived the so-called “New World” as old and evil, “groveling worship of the food source” (Naked Lunch).

11. Like Krishna, or Mr. Belvedere, or indeed Clifton Webb himself; see note 2 above.

12. “He never touched drugs and barely took more than a sip of wine. ‘I am already in that place where you all want to be. Satori is in here,’ he bragged, rubbing his temples.” Elsewhere, Dali’s coterie “hopped around the room like devotees in a heathen temple.”

13. “‘Is it Hermes or Aphrodite? Is Dalí a pederast or a dirty old man? Let their tongues wag, Violetera [Carlos].”

14. As for women, “He liked the form not the touch. But there were exceptions.” Dalí would have been revolted by today’s negroid fashion in femininity: “Big breasts are the base element of the bovine principle. Women with small breasts are for pleasure. Women with big breasts are cows and cows are bred to eat and procreate.” Dalí’s inclinations seem to recall the Persian Sufi method of inducing poetic inspiration or mystical reverie by the contemplation (only) of the Beautiful Boy; see Peter Lamborn Wilson’s Scandal: Studies in Islamic Heresy (Brooklyn: Autonomedia, 1988). Need I cite Plato’s Symposium?

15. As Alan Watts pointed out, to be perverse means to move by poetry.

16. Frederic Rolfe (“Baron Corvo”) liked to compare himself to a crab. See his roman a clef Nicolas Crabbe.

17. Using Dalí’s methods, we can see that the embezzling little weasel Pryce (thief!) is really Wotan, and the Irish Catholic ad men of McCann Erikson are revealed as Judaic interlopers by their shirtsleeves; see End of an Era, op. cit.

18. Dalí has no reverence for the non-European: “It was divine wisdom to place them [Virgin and Mother] in one being. We do not need a pantheon like the Hindus and Aztecs.”

19. “If one does what God does enough times, one becomes as God is.” — Dr. Hannibal Lecter. On the other hand, Dalí is not himself insane (“I am not mad”). On his second trip to New York he smashes out of a window display, raining shards on startled Fifth Avenue passersby, just as Will Graham stops the Tooth Fairy by smashing into his kitchen via a plate glass window. Dalí is let go only when he promises “to never do it again.”

20. See Kerry Bolton’s Artists of the Right (San Francisco: Counter-Currents, 2012). Dalí shares with Dada-ist painter Julius Evola a grand contempt for the bourgeoisie: when Dalí’s favorite hotel replaces the wooden toilet seat he believes was used by King Alphonso with modern, plastic seat, he goes ballistic and forces them to find and re-install the original. Even this inspires an epic rant: “We are surrounded by moralists, hygienists and philistines. I have no confidence in my class. You can trust the aristocracy to be charming. You can trust the peasants to be vulgar. You can trust the true artist to be a madman. The bourgeois you can trust to steal the toilet from under you . . .’” This is the toilet set, over the admiration of which Dalí and Carlos bond.

21. “All art is political,” Dalí instructs his ward. “Once it is understood, it loses its power and becomes aesthetic, decorative, pedagogic.”

22. One can’t help but recall Hunter S. Thompson’s description of the Circus Circus hotel as “What the whole ‘hep’ world would be doing if the Nazis had won the war” (Fear and Loathing in Las Vegas [New York: Random House, 1972]).

23. Again, one recalls or the subtitle of Franz Liebkind’s manuscript for Springtime for Hitler: “A Gay Romp with Adolf and Eva.”

24. I discuss the Right’s obsession with tobacco in “Mad Manspreading?” here [10] and reprinted in End of An Era, op. cit.

25. The police station crops up when Carlos’ female companion doffs her blouse as they walk along a Paris street and are promptly arrested. The police, however, are easily bought off with offers of free tickets to Hair. One can’t help but think of how this genial corruption contrasts with the Nanny State howls of New York’s de Blasio and Cuomo over the “scandal” of topless women in Times Square (yes, even Times Square! Is nothing sacred?)

26. I discuss the “gay liberationist” fantasy that art directors on Madison Avenue were unknown or closeted in End of an Era, which Margo Metroland picked up on in her excellent review, here [11]. On the contrary, ad agency art departments were exactly where young men from the provinces would flock to; for example, Andy Warhol, whose career seems a kind of Americanized (i.e., trivialized) version of Dalí’s art-as-commodity.

27. Howard Hughes’ faux-biographer apparently lived among a similar colony of Spanish artists, divas and oddballs; see his contributions to Orson Welles’ F is For Fake (1975; Criterion, 2014)

28. There are a lot of odd spellings throughout, some perhaps British, some Colombian, some misprints; I have let Microsoft silently “correct” them in my quotations here.

Article printed from Counter-Currents Publishing: http://www.counter-currents.com

URL to article: http://www.counter-currents.com/2015/09/smoke-and-surrealism/

URLs in this post:

[1] Image: https://secure.counter-currents.com/wp-content/uploads/2015/09/Dalisbook.jpg

[2] Sex, Surrealism, Dali and Me: The Memoirs of Carlos Lozano: http://www.amazon.com/gp/product/1491038209/ref=as_li_tl?ie=UTF8&camp=1789&creative=390957&creativeASIN=1491038209&linkCode=as2&tag=countecurrenp-20&linkId=X3NV2UTHBVZGHMJ7

[3] paranoiac-critical method: https://en.wikipedia.org/wiki/Paranoiac-critical_method

[4] Image: https://secure.counter-currents.com/wp-content/uploads/2015/04/dali_joseantonio.jpg

[5] Marsupial Centaurs: http://brain-meat.com/josh/dali/11.jpg

[6] here: http://brain-meat.com/josh/dali/dali5.htm

[7] here: http://www.counter-currents.com/2013/02/the-babysitting-bachelor-as-aryan-avatarclifton-webb-in-sitting-pretty-part-2/

[8] here: http://www.counter-currents.com/2013/03/the-real-meaning-of-punch-and-judy/

[9] here: https://www.youtube.com/watch?v=uhNE5xd_0wE

[10] here: http://www.counter-currents.com/2015/06/mad-manspreading/

[11] here: http://www.counter-currents.com/2015/09/the-ordeal-of-superficiality/

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jeudi, 27 novembre 2014

Wyndham Lewis

Wyndham Lewis

par Kerry Bolton 

Ex: http://www.counter-currents.com

English original here

Note du Rédacteur:

Cette version très enrichie d’un essai précédemment publié sur Wyndham Lewis est le chapitre 8 du livre de Kerry Bolton, Artists of the Right: Resisting Decadence, [Artistes de la Droite : Résister à la Décadence] qui devrait être publié prochainement par Counter-Currents.

wl10264-004-107AFCA6.jpgPercy Wyndham Lewis (1882-1957), est considéré comme le fondateur du seul mouvement culturel moderniste indigène en Grande-Bretagne. Cependant, on le met rarement sur le même plan que Ezra Pound, James Joyce, T. S. Eliot, et d’autres de sa génération [1]. Lewis était l’une de ces nombreuses figures culturelles qui rejetaient l’héritage du XIXe siècle – celui du  libéralisme bourgeois et de la démocratie, qui pesait sur le XXe.

Cependant, à la différence de nombreux autres auteurs qui rejetaient la démocratie, le libéralisme et « la gauche », Lewis rejetait aussi le contre-mouvement qui cherchait à revenir au passé et qui plaçait l’intuitif, l’émotionnel et l’instinctif au-dessus de l’intellectuel et du rationnel. Lewis dénonçait particulièrement D. H. Lawrence pour son placement de l’instinct au-dessus de la raison et pour ce qui semblait être une célébration de la doctrine du « noble sauvage », qui a servi de base au libéralisme à partir du XVIIIe siècle.

Lewis était un individualiste extrême, tout en rejetant l’individualisme du libéralisme du XIXe siècle. Son adoption d’une philosophie de la distance entre l’élite culturelle et les masses l’amena à Nietzsche, bien qu’il fût effrayé par la popularité de Nietzsche chez tout le monde [2], et au fascisme et à l’éloge d’Hitler, mais aussi au rejet de ceux-ci puisqu’ils faisaient appel aux masses.

Né en 1882 sur un yacht au large des rivages de la Nouvelle Ecosse, il était de mère anglaise, et son père était un officier de l’armée américaine, excentrique et sans revenus, qui déserta  bientôt sa famille. Wyndham et sa mère arrivèrent en Angleterre en 1888. Il suivit les cours des Ecoles des Arts de Rugby et de Slade [3], qui le mirent toutes deux à la porte. Il visita ensuite les capitales artistiques de l’Europe, et fut influencé par le cubisme et le futurisme.

En 1922, Lewis présenta son portfolio de dessins qui avait d’abord été conçu pour illustrer une édition du Timon d’Athènes de Shakespeare, où Timon est décrit comme une marionnette désarticulée. Cela illustrait l’idée de Lewis selon laquelle l’homme peut s’élever au-dessus de l’animal par le détachement et le contrôle de soi, mais que la majorité des hommes resteront toujours des marionnettes ou des automates. Ayant lu Nietzsche, Lewis avait l’intention de rester une figure du type Zarathoustra, solitaire sur sa montagne et bien au-dessus de la masse de l’humanité.

Vortex

Au début, Lewis fut associé au groupe de Bloomsbury, les intellectuels prétentieux et snobs d’un quartier bien précis de Londres, qui pouvaient lancer ou briser un artiste ou un auteur débutant. Il rejeta bientôt ces libéraux de gauche beaux-parleurs et les attaqua violemment dans The Apes of God [Les singes de Dieu] [4]. Cela entraîna un tournant – un tournant négatif – dans la carrière de Lewis : « Une bruyante controverse s’ensuivit ». Le manuscrit avait été rejeté par l’éditeur de Lewis, Chatto and Windus, et il avait publié le livre lui-même au nom de « The Arthur Press ». Les choses ne s’arrangèrent pas avec le livre de Lewis en 1932, Hitler. Son proche soutien Roy Campbell fut aussi entraîné dans sa chute [5], bien que Campbell se serait certainement heurté à la même opposition de Bloomsbury à cause de ses propres idées.

Un biographe a écrit : « Les triomphes de la fin des années 1920, des triomphes qui incluaient généralement une réponse critique favorable (…) furent temporairement oubliés dans le tintamarre littéraire/judiciaire/populaire… », et Lewis devint un « sale risque » pour les éditeurs [6]. Bloomsbury était une coterie puissante qui « pouvait aller jusqu’à excommunier et ostraciser » [7].

Résister à ce genre d’opposition n’était pas facile. Pourtant c’est précisément ce que fit Lewis, en dépit d’un manque de fonds et d’un refus de se mettre à la merci de gens ayant « des relations ». Pendant les années 1930, alors que c’était la mode en Grande-Bretagne d’avoir des opinions de gauche, Lewis n’en avait aucunement [8].

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Concernant la révolte de Lewis contre la Gauche à la mode et son importance pour notre époque, Tomlinson remarque :

« Quand on pense aux sympathies politiques radicales manifestées par des hommes qui ont depuis rejoint l’Establishment, le refus de Lewis d’être estampillé, manœuvré ou manipulé dans une alliance avec l’intelligentsia de gauche montre sa fermeté de caractère et son indépendance d’esprit. Et maintenant qu’une Nouvelle Gauche est apparue, l’œuvre de Lewis possède une importance renouvelée particulièrement maintenant que le radicalisme d’aujourd’hui combine son assaut contre les ‘fondements’ de la société avec les plus pitoyables essais dans le scabreux. (…) Comme Lewis aurait écrasé tout cela… » [9]

Rompant avec l’Atelier Omega de Bloomsbury, Lewis fonda le Centre d’Art Rebelle d’où émergea le mouvement vorticiste et son magazine Blast: Review of the Great English Vortex [10], « balayant des idées mortes et des notions usées », comme le dit Lewis [11]. Parmi les signataires du Manifeste Vorticiste figuraient Ezra Pound, le sculpteur français Henri Gaudier-Brzeska, et le peintre Edward Wadsworth. T. S. Eliot fut aussi un adhérent,  écrivant des articles pour le deuxième numéro de Blast [12].

Pound, qui décrivit le vortex comme « le point d’énergie maximum », inventa le nom de Vorticisme. Alors que Lewis avait trouvé intéressants la stase du cubisme et le mouvement effréné du futurisme, il s’indigna quand Marinetti le décrivit comme un futuriste et voulut trouver un mouvement moderniste anglais indigène. Le but était de synthétiser le cubisme et le futurisme [13]. Le vorticisme décrirait le point statique dont l’énergie surgissait. Il était aussi très soucieux de refléter la vie contemporaine où la machine finissait par dominer, mais rejetait la glorification romantique de la machine par le futurisme [14].

Pound et Lewis étaient tous deux influencés par le classicisme du critique d’art et philosophe T.E. Hulme, un conservateur radical. Hulme rejetait l’humanisme et le romantisme du XIXe siècle dans les arts, les considérant comme des reflets de la croyance rousseauiste (et finalement communiste) en la bonté naturelle de l’homme non-corrompu par la civilisation, et à la malléabilité infinie de la nature humaine par un changement de l’environnement et du conditionnement social. Hulme écrit :

« …Des gens de toutes classes, des gens qui craignaient d’y perdre, étaient en effervescence concernant l’idée de liberté. Il devait y avoir quelque idée qui leur permettait de penser que quelque chose de positif pouvait sortir d’une chose aussi essentiellement négative. Il y en avait une, et ici j’ai ma définition du romantisme. On leur avait dit par Rousseau que l’homme était bon par nature, que c’étaient seulement les mauvaises lois et coutumes qui l’avaient opprimé. Enlevez tout cela et les possibilités infinies de l’homme auraient une chance. C’est ce qui leur faisait penser que quelque chose de positif pouvait sortir du désordre, c’est ce qui créait l’enthousiasme religieux. Voilà la racine de tout le romantisme : que l’homme, l’individu, est un réservoir infini de possibilités, et si vous pouvez réarranger la société ainsi en détruisant l’ordre oppressif alors ces possibilités auront une chance et vous aurez le Progrès.

On peut définir le classique très clairement comme l’opposé exact de cela. L’homme est un animal extraordinairement fixé et limité dont la nature est absolument constante. C’est seulement par la tradition et l’organisation que quelque chose de bon peut être obtenu de lui.

…Bref, ce sont les deux visions, donc. L’une, que l’homme est intrinsèquement bon, corrompu par les circonstances ; et l’autre qu’il est intrinsèquement limité, discipliné par l’ordre et la tradition pour l’orienter vers quelque chose de bon. Pour le premier parti la nature de l’homme est comme un puits, pour l’autre comme un seau. La vision qui voit l’homme comme un puits, un réservoir plein de possibilités, je l’appelle la vision romantique ; celle qui le voit comme une créature très finie et fixée, je l’appelle la classique. » [15]

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Hulme dit clairement que le « romantisme » est le soubassement dogmatique du paradigme libéral dominant des sociétés occidentales.

Le classicisme de Lewis est construit autour d’une série de dichotomies : classicisme contre romantisme, raison contre émotion, intellect contre intuition et instinct, masculin contre féminin, aristocratie contre démocratie, l’individu contre la masse, et plus tard le fascisme contre le communisme. L’esthétique vorticiste se prêtait facilement à des interprétations proto-fascistes et conservatrices : des motifs « disciplinés, brusques, épais et brutaux », la clarté et la forme par opposition à l’art qui se dissout dans le « vague de l’espace », comme le décrivit Lewis [16].

Sur le plan artistique, le classicisme signifie aussi clarté du style et forme distincte. Pound était attiré par la manière dont, par exemple, l’idéogramme chinois décrivait les idées succinctement [17]. C’est pourquoi l’art et l’écriture devaient être basés sur la netteté et la clarté de l’image. Le sujet était vu extérieurement, d’une manière détachée. Pound et Hulme avaient fondé le mouvement imagiste selon des principes classicistes. A cela se superposait maintenant le vorticisme, décrivant les motifs géométriques complexes mais clairs de l’âge de la machine. Par opposition au futurisme italien, l’art vorticiste ne visait pas à décrire le déchaînement de l’énergie mais à le figer dans le temps. Tout en décrivant le tourbillon  d’énergie, le vorticisme se distinguait du futurisme par son axe central de stabilité. Le vorticisme fut cependant rejeté par Lewis durant la Première Guerre mondiale comme étant « morne et vide », comme quelque chose qui avait besoin d’être « rempli », alors qu’en littérature, les mots et la syntaxe ne devaient pas être des sujets d’abstraction [18].

Dans sa nouvelle Tarr, publiée comme un monument à lui-même pour le cas où il serait tué dans la guerre où il servit comme officier d’observation avancée pour l’artillerie, il critique sévèrement les artistes et auteurs bohêmes représentés en Angleterre par la coterie de Bloomsbury :

« …Votre potion insipide est un mélange des lies du libéralisme, la pauvre écume produite par les années 90 décadentes, les restes de la garde-robe d’une bohême vulgaire. (…) Vous êtes de la tisane d’orge concentrée et hautement organisée : il n’y a rien à dire en votre faveur dans l’univers : n’importe quel Etat efficace confisquerait vos biens, brûlerait votre garde-robe – ce vieux chapeau et tout le reste – comme infectieuse, et vous interdirait de la propager.

…Une variété de choux douçâtres et prolifiques a provoqué un pourrissement général et rampant en Occident (…) que n’importe quel pouvoir résolu pourra anéantir en un clin d’œil et les yeux fermés. Votre gentil interlude en fait indirectement une période de tribulation pour les choses vivantes qui restent dans votre voisinage. Vous systématisez la vulgarisation de l’individu : vous êtes la copie à l’avance du communisme, un faux communisme millénaire de la classe moyenne. Vous n’êtes pas un individu : vous n’avez, je le répète, aucun droit à ces cheveux et à ce chapeau : vous tentez d’avoir le beurre et l’argent du beurre. Vous devriez être en uniforme et au travail, pas uniformément hors de l’uniforme et calomniant l’Artiste par votre oisiveté. Etes-vous oisif ?

…La seule justification pour votre allure débraillée, c’est bien qu’elle est parfaitement emblématique. » [19]

En 1918, Lewis fut nommé artiste de guerre officiel pour le Bureau Canadien des Archives de Guerre. Ici certaines de ses peintures sont de style vorticiste, décrivant les soldats comme des machines de la même qualité que leur artillerie. A nouveau, l’homme est montré comme un automate. Cependant, la guerre détruisit le mouvement vorticiste, Hulme et Gaudier-Brzeska succombant tous les deux, et Blast n’alla pas plus loin que deux numéros.

Le Code d’un Berger

Le néo-nietzschéisme de Lewis est succinctement exprimé dans un essai publié dans The Little Review en 1917, « Le Code d’un Berger ». Parmi les 18 points [20] :

« En t’accusant toi-même, reste fidèle au Code de la Montagne. Mais le crime est étranger à la nature d’un Berger. Tu dois être ta propre Caste. »

« Chéris et développe côte à côte tes six plus constantes indications de personnalités différentes. Tu acquerras alors la potentialité de six hommes… Chaque tranchée doit en avoir une autre derrière elle. »

« Passe un peu de ton temps chaque jour à traquer les faiblesses que tu as contractées par ton commerce avec le troupeau, aussi méthodiquement, solennellement et énergiquement qu’un singe le fait avec ses puces. Tu découvriras que tu en es recouvert quand tu es entouré par l’humanité. Mais tu ne les emmèneras pas sur la montagne… »

« Ne joue pas avec les notions politiques, les aristocratismes ou l’inverse, car c’est un compromis avec le troupeau. Ne te laisse pas aller à imaginer un bon troupeau qui resterait un troupeau. Il n’y a pas de bon troupeau. Les bestiaux qui se font appeler ‘gentlemen’ t’apparaîtront un peu plus propres. C’est simplement une ruse et c’est l’œuvre d’un produit appelé savon… »

« Sois sur tes gardes avec le petit troupeau des gentlemen. Il y a des règles très strictes pour empêcher le troupeau de mettre les pieds sur les flancs de la montagne. En fait ta principale fonction est d’empêcher leur empiètement. Dans un moment d’ennui ou d’agressivité, certains sont capables de faire des incursions vers les régions plus hautes. Heureusement leur instinct les fait rester en masses ou en bandes, et leur transgression est bientôt remarquée. Contredis-toi. Pour vivre, tu dois rester fragmenté. »

« Au-dessus de ce triste commerce avec le troupeau, fais en sorte que quelque chose reste véritablement sur la montagne. Descends toujours avec des masques et d’épais vêtements dans la vallée où nous travaillons. Les gaz stagnants de ces troupeaux vulgaires et pourris sont plus dangereux que les cylindres errants qui les émettent. (…) Notre colline sacrée est un ciel volcanique. Mais le résultat de la violence est la paix. Même la malheureuse houle, au-dessous, a des moments de paix. »

Le « Code d’un Berger » rappelle beaucoup le texte de Nietzsche « Des mouches du marché », dans Ainsi parlait Zarathoustra [21]. Le credo indique aussi pourquoi Lewis ne pouvait pas rester longtemps un admirateur du fascisme ou du national-socialisme – « Ne te laisse pas aller à imaginer un bon troupeau qui resterait un troupeau. Il n’y a pas de bon troupeau » –, puisque le fascisme et le national-socialisme exaltent le « troupeau », culturellement, socialement, et économiquement.

Fascisme

La pauvreté suivit Lewis toute sa vie. Comme Pound, il était à la recherche d’une société qui honorerait les artistes. Comme Pound et D. H. Lawrence, il avait le sentiment que l’artiste est le gouvernant naturel de l’humanité, et il s’insurgeait contre la dégradation de l’art au niveau d’un article courant.

L’attitude politique et sociale de Lewis venait de son esthétique. Il était opposé à la primauté de la politique et de l’économie sur la vie culturelle. Son livre de 1926, The Art of Being Ruled [L’art d’être gouverné] expose en détail les idées de Lewis sur la politique, incluant un rejet de la démocratie et quelques références favorables au fascisme. Ici Lewis condamne la vulgarisation de la science comme une « religion populaire », favorable à un « état d’esprit révolutionnaire », et le mythe du « Progrès » [22] basé sur idolâtrie de l’« amélioration mécanique » [23]. L’idéal est l’« Homme de la Rue » comme « le nouveau Messie de la religion contemporaine », à qui l’on vend continuellement l’idée de changement, ou de « révolution-comme-habitude » [24]. En tant que révolutionnaire, Lewis aspirait au renversement des « valeurs désuètes », et était antithétique à la « révolution-comme-habitude » des intellectuels stéréotypés du type Bloomsbury [25].

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Il propose aussi une analyse sceptique concernant les buts de la « démocratie » où le pouvoir est exercé derrière l’illusion d’élections libres, qui sont basées sur le conditionnement de la masse des votants par les possesseurs de la Presse ; c’est-à-dire, ceux qui ont l’argent :

« Le fonctionnement du système électoral ‘démocratique’ est bien sûr comme suit : Une personne est formée rigoureusement à certaines opinions ; puis on lui donne le droit de vote, et on dit qu’elle est ‘libre’ et pleinement affranchie ; puis elle vote (soumise, bien sûr, à de nouveaux et rigoureux ordres de la presse, où parfois son mentor lui commande de voter contrairement à ce qu’on lui a enseigné) strictement en accord avec sa formation. Son appui à tout ce qu’on lui a appris à soutenir peut être pratiquement garanti. C’est bien sûr pourquoi le vote du citoyen libre est une farce : il est annulé par l’éducation et la suggestion, l’imposition de la volonté du gouvernant au moyen de la presse et d’autres canaux des pouvoirs publics. Le gouvernement ‘démocratique’ est donc bien plus efficace que la subjugation par la conquête physique. » [26]

L’appui au fascisme était un produit de son classicisme – sa valorisation de la dureté, du masculin, de l’exactitude, et de la clarté – ainsi que de ses opinions de longue date concernant la démocratie et les masses. Ce classicisme le poussa à applaudir l’Etat fasciste « rigidement organisé », basé sur des lois immuables et absolues que Lewis appliquait aux arts, par opposition aux « fluctuations » ou aux changements du romantisme.

Lewis apporta son appui à l’Union des Fascistes Britanniques de Sir Oswald Mosley. Celui-ci raconte dans son autobiographie que Lewis lui donnait des rendez-vous secrets, craignant un assassinat [27]. Cependant, Lewis fut assez ouvert d’esprit pour écrire un essai sur le fascisme, intitulé « Left Wings » [« Gauches »], pour le British Union Quarterly. Ici Lewis écrit qu’une nation peut être subvertie et capturée par des groupes numériquement faibles. L’intelligentsia et la presse faisaient ce travail de subversion avec une orientation de gauche. Lewis était au courant de l’appui que le marxisme recevait des riches, incluant les bohêmes  millionnaires qui patronnaient les arts. La propagande marxiste en faveur de l’URSS bénéficiait d’un financement énorme. Le marxisme était une imposture, une mascarade dans son soutien aux pauvres contre les riches [28]. « Que le communisme russe ne soit pas une guerre au couteau des Riches contre les Pauvres n’est que trop bien démontré par le fait que sur le plan international tous les Riches sont de son coté. Tous les ‘magnats’ parmi les nations lui sont favorables ; toutes les communautés appauvries, tous les petits Etats paysans, le craignent et s’opposent à lui » [29].

Les observations de Lewis sur la nature du marxisme étaient corroborées par la position antibolchevique du Portugal et de l’Espagne, auxquels il pensait probablement en parlant d’opposition des ‘petits Etats paysans’ au communisme. Alors que le bolchevisme lui-même était financé par des milieux financiers à New York, en Suède, et en Allemagne (les Warburg, Schiff, et Olaf Aschberg – le dénommé « banquier bolchevik » [30]), d’où l’affirmation : « les ‘magnats’ parmi les nations lui sont favorables ».

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Lewis conclut en déclarant que le fascisme est le mouvement qui est authentiquement pour les pauvres et contre les riches, pour la propriété alors que les ‘super-riches’ sont contre la propriété, « puisque l’argent s’est fondu dans le pouvoir, le concret dans l’abstrait… »

« En tant que fasciste, vous défendez le petit commerçant contre le grand magasin ; le paysan contre l’usurier ; la nation, grande ou petite, contre le super-Etat ; le commerce personnel contre le Big Business ; l’artisan contre la Machine ; le créateur contre l’intermédiaire ; tout ce qui prospère par l’effort individuel et le travail créatif, contre tout ce qui prospère dans l’air abstrait de la Haute Finance ou du jargon théorique de l’Internationalisme. » [31]

Comme on le voit par ses références à la « Haute Finance » et aux « magnats » soutenant la gauche, Lewis, comme Ezra Pound [32], était conscient de la pourriture complète du système financier fondé sur l’usure, écrivant : « …et la technique du Crédit est un instrument de destruction en comparaison duquel toute autre arme offensive connue tombe dans l’insignifiance » [33].

Cependant, Lewis avait des réserves concernant le fascisme, de même qu’il avait des réserves concernant l’engagement en faveur de n’importe quelle doctrine, non seulement à cause de la nature de masse – ou « troupeau » – du fascisme, mais aussi parce que le principe de l’action, de l’homme d’action, devient trop souvent une activité frénétique, alors que la stabilité dans le monde est nécessaire à l’épanouissement des arts. Il dit dans Time and Western Man [Le temps et l’homme occidental] que le fascisme en Italie était trop tourné vers le passé, mettant l’accent sur une résurgence de la splendeur impériale romaine et l’usage de son imagerie, au lieu de se consacrer à la réalisation du présent [34]. Dans ce « culte du Temps » étaient inclus le courant doctrinal de l’action, du progrès, de la violence, du combat, du changement constant dans le monde, qui incluent aussi le darwinisme et le nietzschéisme, en dépit de l’influence continue de ce dernier sur la philosophie de Lewis.

Pourtant, quand les lignes commencèrent à être tracées pour la future confrontation entre le fascisme et la démocratie, Lewis prit la défense de l’Italie fasciste dans son invasion de l’Abyssinie, condamnant les sanctions de la Société des Nations contre l’Italie, et déclarant : « si l’Italien industrieux et ingénieux, plutôt que l’Ethiopien paresseux, stupide et agressif,  devait finalement contrôler l’Abyssinie, ça ne serait sûrement pas une grande tragédie » [35].

Une première appréciation intitulée Hitler fut publiée en 1931, scellant le sort de Lewis en tant que génie marginalisé, en dépit de sa répudiation de l’antisémitisme dans The Jews, Are They Human? [Les Juifs, sont-ils humains ?] et du nazisme dans The Hitler Cult [Le culte de Hitler], tous deux publiés en 1939.

Temps et Espace

wl51FLambzJ1L._SY344_BO1,204,203,200_.jpgUn environnement artistique sain requiert l’ordre et la discipline, pas le chaos et la fluctuation  continuelle. C’est le grand conflit entre le « romantique » et le « classique » dans les arts. Cette dichotomie entre « classique » et « romantique » est représentée en politique par la différence entre la philosophie du « Temps » et celle de l’« Espace », cette dernière étant illustrée par la philosophie de Spengler. A la différence de beaucoup d’autres représentants de la « Droite », Lewis était fermement opposé à l’approche historique de Spengler, critiquant son Déclin de l’Occident dans Time and Western Man. Pour Lewis, Spengler et d’autres « philosophes du Temps » reléguaient la culture dans la sphère politique. Les interprétations cycliques et organiques de l’histoire sont vues comme « fatalistes » et démoralisantes pour la survie de la race européenne. Lewis résumait la thèse de Spengler comme suit : « Vous les Blancs, êtes sur le point de vous éteindre. Tout est fini pour vous ; et je peux vous le prouver par le résultat de mes recherches, et par ma nouvelle science de l’histoire, qui est bâtie sur le grand système du temps… » [36].

Lewis affirmait que la « philosophie du Temps » est vouée à subir le changement et les fluctuations, alors que la philosophie de l’« Espace » est vouée à la forme et à la présence, les fondements du classicisme, que Spengler dénigrait en faveur du désir d’infini sans forme de l’homme « faustien » [37].

L’art véritable n’est pas révolutionnaire, mais est un « bastion permanent », qui n’est jamais en révolte sauf quand l’art cesse d’exister ou devient « faux et vulgaire ». Le dénommé « art révolutionnaire » que Lewis observait à son époque était « de l’art inférieur et stupide, ou bien  de l’art consciemment politique » [38]. Lewis écrit en outre : « Aucun artiste ne pourra jamais aimer la démocratie ou son parent doctrinaire et plus primitif, le communisme ».

« Les unités-de-masse émotionnellement excitées, en troupeau serré, lourdement standardisées, agissant dans une union aveugle et extatique, comme en réponse au rythme d’une musique invisible – de style… soviétique – seraient la pire chose souhaitable, selon moi, pour l’Occident démocratique libre, s’il était libre, et si sa démocratie était du genre intelligent… » [39]

Lewis voyait les mouvements « révolutionnaires » comme régressifs, bien qu’ils fussent qualifiés de « progressistes ». Le féminisme vise à revenir aux « conditions supposées du Matriarcat primitif ». Le communisme et tous les mouvements révolutionnaires de son époque, il les voyait comme visant à revenir au primitif [40]. D’après ce motif, on peut comprendre pourquoi il condamnait aussi D. H. Lawrence. La « Haute Bohême », incluant « le monde des milliardaires », particulièrement ceux qui se concentrent sur le féminisme et la révolte sexuelle, sont des symptômes du « Temps », tout comme les réussites techniques et le commerce – alors que l’art est « éternel » [41]. Ce qui était promu comme de l’art « osé » et « scandaleux » était selon Lewis « mièvre », « domestiqué » et « ridicule », « rien de cela ne pouvant accélérer le pouls d’un lapin » [42]. Apparenté à cette pseudo-révolution est le « culte de l’enfant », artistiquement exprimé dans « le culte du primitif et du sauvage » de Gauguin, par exemple [43].

Démocratie

L’antipathie de Lewis envers la démocratie est enracinée dans sa théorie du Temps. Dans Men Without Art [Hommes sans Art], il écrit que la Démocratie est hostile à l’excellence artistique et encourage « les standards de souscription du box office et des bibliothèques » [44]. L’art, au contraire, est éternel, classique. La démocratie hait l’intellectuel et le prend pour cible, parce que l’« esprit » est aristocratique et insultant pour les masses. C’est encore une fois la dichotomie du « romantique contre le classique ». Conjointe à la démocratie est l’industrialisation, toutes deux représentant les masses contre le génie solitaire. Le résultat est le « rassemblement des gens en énormes masses mécanisées ». L’« esprit de masse… doit nécessairement parvenir à une taille standard pour recevoir l’idée standard ».

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La démocratie et la publicité font partie intégrante de cette dégradation, et derrière tout cela se trouve l’argent, incluant les « bohêmes millionnaires » qui contrôlent les arts. La fabrication d’une image romantique de la machine, qui commença à l’époque victorienne, est le produit de notre « Age de l’Argent ». Le vorticisme, dit Lewis, décrit la machine comme convenant à un art qui observe le Présent, mais à la différence du futurisme, ne l’idolâtre pas. C’est la technologie qui génère le changement et la révolution, mais l’art reste constant ; il n’est jamais en révolte, sauf quand la société promeut des conditions où l’art ne peut pas exister, comme dans la démocratie.

Quand Lewis fait la satire des gens de Bloomsbury, il écrit qu’un gouffre sépare l’élite et les masses, mais que cela n’est pas forcément malveillant envers ces masses :

« L’intellect est plus éloigné de la foule que toute autre chose : mais ce n’est pas un retrait snob, c’est une distanciation pour les besoins du travail, du travail sans son utilité pour la foule (…) ; Plus que le prophète ou l’enseignant religieux, (le chef) représente (…) le grand élément détaché de ce monde, et ceci est la garantie de son utilité. Et il devrait être déchargé de la compétition futile dans tous les domaines mineurs, pour que ses facultés les plus pures puissent être libres pour les tâches majeures de la création intelligente. »

Malheureusement, placer ses idéaux sur le plan de l’activité a pour conséquence la vulgarisation, un dilemme qui fut à l’origine des réserves de Lewis vis-à-vis de Nietzsche. Dans The Art of Being Ruled, Lewis écrit que toute chose contient son « ombre », « son singe et familier ». Lewis parlait encore de ce dilemme dans Rotting Hill [La colline pourrissante] durant les années 50 : « Tous les dilemmes du créatif cherchant à fonctionner socialement sont centrés sur la nature de l’action : sur la nécessité de l’action brutale, de faire appel au barbare pour bâtir une civilisation ».

Révolte du Primitif

Le livre de Lewis Paleface: The Philosophy of the Melting Pot, [Visage pâle : la philosophie du melting-pot], destiné à être une réplique à D. H. Lawrence, fut écrit pour répudier le culte du primitif – l’idéal rousseauiste du « retour à la nature » et du « noble sauvage » – très à la mode parmi les bohêmes millionnaires, comme il l’avait été parmi les intellectuels de salon du XVIIIe siècle. Alors que Lawrence disait que les tribus primitives pouvaient inspirer la race européenne décadente et l’aider à revenir à son propre être instinctuel, un tel « romantisme » était contraire au classicisme de Lewis, avec sa primauté de la raison. Contrairement à Lawrence, Lewis affirme : « Je préférerais avoir une once de conscience humaine plutôt qu’un univers entier rempli d’inspirations ‘abdominales’ subites et d’intenses palpitations mystiques, inconscientes et ‘étourdissantes’ ».

Dans Paleface, Lewis souhaite une caste dirigeante d’esthètes, assez semblablement à son ami Ezra Pound et à son adversaire philosophique Lawrence :

« Nous, [qui sommes] de naissance les dirigeants naturels de l’Européen blanc, ne sommes plus des gens ayant des visées politiques ou publiques (…). Nous, les dirigeants naturels du monde où nous vivons, sommes maintenant des citoyens privés au plein sens du terme, et ce monde est, en ce qui concerne l’administration de sa loi traditionnelle, sans direction. Dans ces circonstances, son âme, dans une génération environ, sera éteinte. » [45]

Lewis s’oppose au « melting-pot » où les différentes races et nationalités ne peuvent plus être distinguées. Une fois de plus, les objections de Lewis sont esthétiques dans leur fondement. Le cadeau du Nègre à l’homme blanc est le jazz, « le médium esthétique d’une sorte de subconscient prolétarien frénétique », dégradant, et poussant les masses à une agitation insensée, un « son massif et idiot » qui est « marxiste ». Nous pourrions comprendre maintenant que c’était le début du processus sur lequel l’industrie de la musique moderne est largement fondée, la musique « populaire » – la musique transitoire du marché de masse – étant centrée sur des rythmes frénétiques souvent accompagnés d’une danse pseudo-tribale effrénée, symptomatique du retour au « culte du primitif », au nom du « progrès ».

Liberté obligatoire

A l’époque où Lewis écrivait Time and Western Man, il croyait que les gens devaient être « contraints » à être libres et individualistes. Inversant certaines de ses idées exprimées dans The Art of Being Ruled, il ne croyait maintenant plus que le besoin des masses à être asservies devait être organisé, mais plutôt que les masses devraient être contraintes à être individualistes, écrivant : « Je crois qu’ils pourraient avantageusement être contraints à rester absolument seuls plusieurs heures chaque jour, et avec une semaine d’isolement complet dans des conditions agréables (disons dans un paysage montagneux), tous les deux mois, cela serait une  disposition excellente. Cela et d’autres mesures coercitives d’un genre similaire, je pense, en ferait des gens bien meilleurs » [46].

On pourrait dire qu’ici encore le processus d’industrialisation et le type de système économique qu’il implique, en même temps que l’urbanisation et la primauté de la City [= le pouvoir financier], sont nécessairement favorables à la création et au maintien d’une masse frénétique et pressée, enfermée dans une broyeuse. Chaque aspect de la vie est soumis au besoin de hâte, même sur le plan gastronomique, sous la forme du « fast food » comme cuisine de l’ère moderne. Le besoin d’heures de travail plus longues s’oppose aux premières attentes, selon lesquelles l’âge de la machine inaugurerait une ère de loisirs où la multitude aurait le temps de réfléchir sur l’art et la littérature, et même de les créer, comme pour les idéaux utopiques des premiers esthètes socialistes tels que William Morris et Oscar Wilde. L’espoir de Lewis que les individus pourraient être un jour contraints à se relaxer dans la solitude, pour qu’ils puissent devenir des individus réels, est plus éloigné que jamais.

Retour en Angleterre socialiste

En 1939, Lewis et sa femme se rendirent aux USA et ensuite au Canada où Lewis donna des cours à la Faculté d’Assumption, une situation qui ne lui causa pas de désagrément, car il avait depuis longtemps un grand respect pour le catholicisme, même s’il ne s’y était pas converti.

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Lewis, le polémiste impénitent, commença une campagne contre l’abstraction extrême dans l’art, attaquant Jackson Pollock et les expressionnistes abstraits.

Il revint en Angleterre en 1945, et bien que devenu complètement aveugle en 1951, il continua d’écrire. En 1948 son livre America and Cosmic Man [L’Amérique et l’homme cosmique] décrivit les USA comme le laboratoire d’un futur nouvel ordre mondial d’anonymat et d’utilitarisme. Il voyait les USA non comme un pays mais comme une « Cosmopolis » [47]. Il pensait que les Américains étaient voués non au patriotisme national mais à la « fraternité », parce que les Américains sont de « race mêlée », et pour Lewis « la fraternité est plutôt une bonne chose pour laquelle combattre » [48], une combinaison d’« éthique puritaine et de politique révolutionnaire », une leçon donnée au monde sur « la manière d’obliger le lion à se coucher à coté de l’agneau » [49].

wlblast.jpgComme nous l’avons vu, Lewis se moquait paradoxalement de la croyance de Pound au crédit social, mais il était très conscient du pouvoir de l’usure et des « Empereurs de la Dette ». Il examina cela une nouvelle fois en 1948 en écrivant :

« Les intérêts monopolistiques, avec tout le pouvoir dont de tels intérêts disposent, s’opposent à tout changement dans un système vieilli qui a si bien servi leurs buts, et qui a tant d’avantages de leur point de vue, par rapport à un nouveau modèle.

Le royaume de féérie du capital bancaire et de la grandiose usure universelle, d’où un épais brouillard d’irréalité se déverse continuellement dans la politique (…) est un Mystère, dont l’existence même est ignorée par l’homme éduqué moyen…

Tout ce qu’il suffit de dire, c’est que la grande artificialité de la politique, que dans ces pages j’ai tenté de décrire, est au moins égalée, sinon dépassée, par l’artificialité de l’économie. Cela est vrai de l’Angleterre tout autant que de l’Amérique, bien que les Etats-Unis soient maintenant le quartier-général de la finance mondiale. » [50]

Revenant en Angleterre, Lewis reçut une certaine reconnaissance « officielle » lorsqu’il fut chargé d’écrire deux drames pour la BBC et qu’il devint un chroniqueur régulier pour The Listener.

Un poème d’après-guerre, So the Man You Are [Voilà l’homme que tu es], continue sous une forme autobiographique à refléter certains des thèmes favoris de Lewis ; celui de l’individu créatif opposé à l’alliance du troupeau, de la « Haute Finance, et du Bolchevisme » :

 

L’homme que je suis pourrait vendre la sacrée mèche

Si on me donnait des tribunes ! A la racaille

On peut donner toutes les trompettes que l’on veut.

Mais pas à ceux qui ont une langue en or. Le rebord de la fenêtre

Est la seule chaire qu’ils peuvent espérer obtenir.

 

Quel vent un esprit honnête fait-il souffler ? Ne cherchez pas

Un vent de la faucille et du marteau, des cloches et du livre,

Ni le vent d’un parti quelconque, ou soufflant

Depuis une montagne quelconque pour nous parler

De la Haute Finance, ou depuis des contreforts du même genre.

L’homme que je suis ne joue pas le jeu ! [51]

 

Lewis avait le sentiment que « tout était en train de se dessécher » en Angleterre, que « l’extrémisme dévorait les arts et le pourrissement était général à tous les niveaux de la société ». Sur l’Angleterre d’après-guerre, il écrit : « C’est la capitale d’un empire mourant –  ne s’écroulant pas dans les flammes et la fumée mais expirant d’une manière particulière et silencieuse ».

C’est l’Angleterre qu’il dépeint dans sa nouvelle de 1951, Rotting Hill (le nom donné par Ezra Pound à Notting Hill), où vivaient Lewis et sa femme. L’Etat Providence symbolise un mauvais standard d’utilité dans la recherche du bonheur universel. Dans l’Angleterre socialiste, tout devient de qualité inférieure, incluant les boutons de chemise qui ne correspondent pas aux boutonnières, les lacets de chaussures trop courts pour être noués, les ciseaux qui ne coupent pas, et du pain et de la confiture immangeables. Lewis tente de décrire pleinement la grisaille socialiste de la Grande-Bretagne des années 40.

A la différence des littéraires qui se révoltèrent contre la domination de la gauche dans les arts, Lewis finit par soutenir l’idéal d’une culture mondiale surveillée par un Etat mondial central, et d’une humanité qui deviendrait l’« Homme Cosmique », voyant les USA comme le prototype d’une future société mondiale que le reste du monde rejoindrait [52]. Il écrivit sa dernière nouvelle The Red Priest [Le Prêtre Rouge] en 1956. Lewis mourut en 1957, salué par T. S. Eliot dans une nécrologie dans The Sunday Times : « Une grande intelligence a disparu ».

 

Notes

[1] Frederic Jameson, Fables of Aggression: Wyndham Lewis, the Fascist as Modernist (Berkeley: University of California Press, 1981), p. 1.

[2] Dans sa préface à l’édition de 1918 de Tarr, Lewis déplore que le nietzschéisme a « transformé en Surhomme chaque épicier vulgairement énergique en Europe ».

[3] William H. Pritchard, Wyndham Lewis (London: Routledge and Keegan Paul, 1972), p. 2.

[4] Wyndham Lewis, The Apes of God (Publisher? 1932).

[5] Bradford Morrow, “A History of an Unapologetic Apologia: Roy Campbell’s Wyndham Lewis,” Blast 3 (Santa Barbara: Black Sparrow Press, 1984), p. 11.

[6] Morrow, p. 11.

[7] E. W. F. Tomlin, “Wyndham Lewis: The Emancipator,” Blast 3, p. 109.

[8] Tomlin, p. 110.

[9] Tomlin, p. 110.

[10] William C. Wees, “Wyndham Lewis and Vorticism,” Blast 3, p. 47.

[11] Wees, p. 49.

[12] Blast 2 (Santa Barbara: Black Sparrow Press, 1981).

[13] Wees, p. 48.

[14] Wees, p. 49.

[15] T. E. Hulme, Speculations (1911), “Romanticism and Classicism” (New York: Harcourt, Brace and World Inc., 1936), p. 114.

[16] Wees, p. 49.

[17] Voir par exemple les idéogrammes chinois illustrant les concepts de confusion et d’ordre social dans le livre de Pound, Jefferson and/or Mussolini (New York: Liveright, 1970), chapitre  XXIX : « Kung », qu’il identifie à l’ordre fasciste. Voir aussi les idéogrammes chinois utilisés dans les Cantos de Pound, LI et LIII.

[18] Wyndham Lewis, Rude Assignment: A narrative of my career up-to-date (London: Hutchinson, 1950), p. 129.

[19] Wyndham Lewis, Tarr (1918) (Harmondsworth: Penguin Books, 1982), pp. 25–26.

[20] Le « Code d’un Berger » peut être trouvé (en anglais) sur : http://www.gingkopress.com/09-lit/code-of-herdsman.html

[21] Friedrich Nietzsche, Thus Spoke Zarathustra, trans. R. J. Hollingdale (Harmondsworth: Penguin books, 1969), pp. 78–81.

[22] Roy Campbell, “Wyndham Lewis,” Blast 3, p. 15.

[23] Campbell, p. 23.

[24] Campbell, p. 16.

[25] Campbell, p. 18.

[26] Wyndham Lewis, The Art of Being Ruled (London: Chatto & Windus, 1926), p. 111.

[27] Oswald Mosley, My Life (London: Nelson, 1968), p. 225.

[28] Wyndham Lewis, “Left Wings,” British Union Quarterly, January–April, 1937, in Selections from BUF Quarterly (Marietta, Georgia: The Truth At Last, 1995), p. 137.

[29] “Left Wings,” British Union Quarterly, p. 137.

[30] K. R. Bolton, “November 1917: Wall Street & the November 1917 Bolshevik Revolution,” Ab Aeterno, No. 5, October–December 2010 (Academy of Social and Political Research).

[31] “Left Wings,”p. 137.

[32] Pourtant il rejetait le conseil insistant de Pound d’étudier le crédit social de C. H. Douglas, et parlait des « cinglés du crédit » – Lewis, The Hitler Cult (London: Dent, 1939), p. 26, apparemment sans proposer d’alternative pratique à ce qu’il appelait aussi les « Rois du Crédit » et les « Empereurs de la Dette » (Lewis, Doom of Youth [New York, 1932], p. 35).

[33] Doom of Youth, p. 35.

[34] Paradoxalement, Lewis, en dépit de son soutien à Hitler et à Mosley, n’avait jamais soutenu le fascisme italien, le considérant comme du « futurisme politique ». Bryant Knox, “Ezra Pound on Wyndham Lewis’s Rude Assignment,” Blast 3, p. 161.

[35] Lewis, Left Wings Over Europe (London: Jonathan Cape, 1936), p. 165.

[36] Lewis, Time and Western Man (London: Chatto & Windus, 1927), p. 262.

[37] Spengler ne « dédaignait » pas les autres cultures ; il cherchait à décrire leur essence interne comme un observateur détaché.

[38] Time and Western Man, pp. 39–40.

[39] Time and Western Man, p. 42.

[40] Time and Western Man, pp. 51–52.

[41] Time and Western Man, p. 53.

[42] Time and Western Man, p. 53.

[43] Time and Western Man, p. 69.

[44] Wyndham Lewis, Men Without Art (London: Cassell, 1934), p. 263.

[45] Wyndham Lewis, Pale Face: The Philosophy of the Melting-Pot (London: Chatto and Windus, 1929), p. 82.

[46] Time and Western Man, p. 138.

[47] Lewis, America and Cosmic Man (New York: Country Life Press, 1949), p. 18.

[48] America and Cosmic Man, p. 27.

[49] America and Cosmic Man, pp. 30–31.

[50] America and Cosmic Man, pp. 158–59.

[51] Lewis, “If So the Man You Are,” 1948, The Penguin Book of Contemporary Verse (Harmondsworth: Penguin Books, 1965), pp. 73–74.

[52] America and Cosmic Man, “Cosmic Society and Cosmic Man.”

 


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lundi, 31 mars 2014

Life is Always Right

Life is Always Right:
Futurism & Man in Revolt

By Mark Dyal

Ex: http://www.counter-currents.com

“We are not only more revolutionary than you, but we are beyond your revolution.” – F. T. Marinetti[1]

“You must know that blood has no value or splendor unless it has been freed from the prison of the arteries by iron or fire.” – F. T. Marinetti[2]

In the early days of July 1923, a heroic and blasphemous storm blew across the Carso plain and down into the Po river valley. Its daring speed and electrified energy created an atmosphere that transfixed those who scrambled for the safety of porticoes, sensing that this storm would put to a test all that had survived such storms in the past. Indeed, by the time it reached the flag-ringed buildings of Milan’s Piazza San Sepolcro the conflagration seemed to laugh at the memory of the structures that fell in its wake. And in that great and hallowed piazza, Giuseppe Prezzolini cowered away from the window, intent to finish the work that taxed his overwrought senses.

Prezzolini, the fine journalist and literary critic, was deep in rumination about perspective. How, he wondered, could those who sought to revolutionize the world champion something as amorphous and changing as perspective? How could revolt, of all things, proceed without the order and precision of truth and objectivity? How could the pathetic moans of an amateurish whore be confused with an ecstatic symphony of pleasure; or worse, how could the exalted battle cries of the world’s new masters be merely the cacophonous baying of a frightened herd of sheep? With this problem in mind, he tapped out his work, “Fascism and Futurism,” and thereby gave his readers a new perspective on the storm blowing through his proud and sanctified abode.

From Prezzolini’s perspective, the storm was violent and uncontrollable. It raged without memory with the instruments of war: grenades, mortars, and bombs seemed to explode in response to the piercing thrusts of rifle-bound bayonets, lashing wildly at the orderly and sensible piazza below. With every blow he shrank deeper into the comfort of his writing chair. Soon, however, a dreadful thought occurred to him, and he rushed to the window. Relieved and gratified, he smiled a knowing smile when he saw that the tattered symbols of reason, truth, and morality were still on guard against the vile anarchic forces besieging them.

From Prezzolini’s perspective, reason, truth, and morality were synonymous with the successful Revolution that had climaxed nine months earlier, bringing humanity one step closer to the perfection of liberty – a political and mystical right of men properly bound by duty and responsibility to the State.[3] Of course, much had happened in the meantime, and the soon-to-dissipate storm outside his window would be just as soon forgotten. As he remembered, Fascism and Futurism once had much in common. Especially in the days following the Great War, when Marinetti’s men led the revolutionary syndicalists, arditi, and critical artists into the fascist movement – back then they even called themselves “ardito-futuristi,” each with his own love of danger, violence, and reawakened instincts of the man of war.[4]

In they came, he remembered, crowding into the Industrial and Commercial Hall just outside his door. They were drunk on Sorel, proclaiming conflict a “permanent necessity” in the fight against a passive and flaccid existence. The failure of social revolution, one of them said, especially in the wake of industrialization and the creation of the urbanized mass man, was due to cowardice; the syndicalists just failed to act – and were ultimately betrayed by the Movement and Party crazed socialists.

This, according to Marinetti – the leader of this band of misfits, is one reason the Futurists claimed to be “mystics of action,” seeing the nation-State as a bastion of conservatism, repression, bureaucracy, and clericalism: even with neo-classical rulers, one might say, the State is and will always be the enemy of free men – men on the outside, in the beyond, in the nether regions of what is permissible and “good for business.”

As such, they would move against the State in the squadristi bands that almost became the ruin of The Revolution. Disdainful of the police, they were illegal, spontaneous, often haphazard, and arbitrary – hardly the stuff that goes into the establishment and defense of law and order!

 

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So, this perpetually violent man in revolt, freed from moral and historical constraints and Statist duties and responsibilities, was to become the new “Futurist man:” a man, as Marinetti said, that is not human (for without the essential elements of the human – rationality, morality, and memory – all perfectly suited to justify slavish adherence to being-bourgeois – then one is no longer human, but something else – something monstrous, something rapacious, something joyous). Marinetti said that the bourgeois State corrodes vital energy, that it feeds upon humanized herd-animals with deadened wills yoked to universalized assumptions of natural goodness and happiness. But Prezzolini would ask him today as he did then, what good could this Futurist man bring to The Revolt? He is be too reckless, too free, and too dangerous to be of any use to men trying to build a State.

Squadrismo! Yes, he remembered, that’s what it was about: embodied radicalism, joyful violence, and the destruction of the forces of order that so perfectly connected mind, body, and State. Ruefully, he shook his head, eager to forget the ravages of such unchecked, unscripted, and useless virility. The Futurists’ virility – the cult of speed, the contempt for the masses, and the antipathy toward bureaucracy – had certainly infected the early days of the Fascist Revolution. But fighting to become-other, to move beyond duties and responsibilities while embracing the flux and chaosmos of the man in revolt, this is a far cry from fighting for the honor and glory of the State. In the former the heroic man will die alone, but in the other – in the fight that we men of the State promise and demand – the heroic man never dies. Instead he is made grander and more meaningful than he ever could have been on his own.

However, standing here in the afterglow of the creation of the Fascist State – the very symbol of victory! – Prezzolini began to laugh aloud at the memory of what would one day be called the creation of the “two fascisms.”[5]

But then, in the summer of 1921, it was the moment of truth for Prezzolini’s Revolt. Would it follow the disdainful revolutionary violence of the Futurists and arditi into an unknowable future? Or would it turn toward the bourgeois shopkeepers and landowners who sought a stable and prosperous State built on the foundations of a glorious national past? Would it be swept up in the unbridled action of the men in revolt, or would it become The Revolution? Would it maintain its core as a pack of elite and daring fighting men – those who dared, in fact, to cast off all bourgeois duties and responsibilities, to “cut all roots and understand nothing but the delight of danger and quotidian heroism?”[6] Or would it embrace its historical responsibility and create something lasting, something immortal, like a Party and State?

Indeed it would, and did – disposing of both the Futurists and ardito-squadristi alike in several purging acts of political rationality – and set itself up as the apotheosis of “hierarchy, tradition, and authority.”[7] But as the storm blew, and the rotary engines intoxicated with their own speed and sound blasted at the security of the paving stones below his window, Prezzolini felt uneasy, as if something violent, cruel, and beyond the strictures of justice was seeping through the cracks in his sanctified workspace.

At once he knew its source: Marinetti. Blasphemer! Madman! The fool who wanted to use violence to destabilize the subjective – and subjectifying – forces of the bourgeois form of life! And to what end? Well, Prezzolini knew quite well to what end. Look at this, he screamed to his soul as he grabbed the tear sheet:

And so, let the glad arsonists with charred fingers come! Here they are! Here they are! Go ahead! Set fire to the shelves of the libraries! Turn aside the course of the canals to flood the museums! . . . Seize your pickaxes, axes, and hammers, and tear down, pitilessly tear down the venerable cities! . . . You raise objections? Stop! Stop! We know them. We’ve understood! The refined and mendacious mind tells us that we are the summation and continuation of our ancestors – maybe! Suppose it so! But what difference does it make? We don’t want to listen![8]

And so Prezzolini wrote a serendipitous march, a pointed and reserved tome in defense of the tradition and past splendor that found itself under attack from these irresponsible derelicts. Look again, his tormented cogito demanded; they actually call themselves “barbarians – the recalcitrant defaulters of the Ideal!”[9]

“Fascism, if I am not mistaken,” he began to write, “wants hierarchy, tradition, and observance of authority. Fascism is content when it invokes Rome and the classical past. Fascism wants to stay within the lines of thought that have been traced by the great Italians and the great Italian institutions, including Catholicism. Futurism, instead, is quite the opposite of this. Futurism is a war against tradition; it is a struggle against museums, classicism, and scholastic honors. How can this be reconciled with Fascism, which instead is trying to restore all our moral values?”[10]

Thank God, he murmured. Thank God! Thank God we had the decency, the sensibility, and the duty to distance our glorious Party and State from these lunatics. Perspective had made Prezzolini wise, for he knew that revolution had no future. The future, as history had already shown, is with the State. So be it if Fascism had to become a counter-reformation that betrayed the revolutionary energies and critical vitalism of its founding members:[11] the State and nothing but the State, as Mussolini said – a “spiritual and moral fact!”[12] We will properly manage the social domain, he thought defiantly. We will bring continuity and regularity to all that is in flux. We will make sedentary all that flows freely.[13] We will make homogenous all that is different. We will bring law and order, rationality and peace![14] If the people are not up to the task, if they chafe at the imposition of their rulers’ and bosses’ sovereignty, if they feel no allegiance to their duties and responsibilities to the State, then . . . let them go and play with Marinetti!

Does he not understand? We are the State, we are law, and we are order, sanctified by God and international treaty! What do his Futurists wish to be? Outside! Beyond the State! Don’t they know? There is no outside – we are “the Logos, the philosopher-king, the transcendence of the Idea, the interiority of the concept, the republic of minds, the tribunal of reason, the bureaucrats of thought, man as legislator and subject, . . . the interiorized image of a world order!”[15] When you leave that, dear Marinetti – dear “recalcitrant traitor of the Idea,” where do you go?

BAL

To war, was Marinetti’s answer. Only war, he said, can create the conditions and assemblages conducive to revolution. And when you are a man alone – a man in a pack, perhaps – and find yourself without a war, well, what then? You create the necessary conditions and assemblages of your own life. You “murder the moonlight,” you “destroy time and space,” living instead in “eternal and omnipresent velocity” – the velocity of courage and aggression, of “words and thought-in-freedom,” destroying any and all stagnant prudence, “utilitarianism, opportunistic cowardice” and reactive ressentiment that you used to think justified your élan vital.[16] You create mayhem – you live without tradition, without dogma, incessantly inventing new means with which to astonish your bourgeois instincts, nurtured instead by the “new sensibility” that will decompose all that you know about beauty, greatness, religiousness, solemnity, and cultivation.[17]

Live without tradition! Prezzolini was aghast. Live without memory! Again he wondered if Marinetti and these Futurists understood the implications of their ideas. Memory, he would remind them, serves a great purpose, for it alone creates a person capable of repaying debt;[18] and debt is the basis of civilization – for indeed, how can civilization proceed without all comic, bodily, and social tributes necessarily paid?[19] And just what do the Futurists think they are forgetting? What is the purpose, if you will, of forgetting? What responsibilities, duties, and debts, must they forget? They will say that forgetting laziness, slowness, and feminine sensibility so as to affirm life as acceleration. Like Bergson they want to make time a subjective duration and bundle of intensities – a velocity carrying other velocities –

Our life should always be a velocity carrying other velocities: mental velocity + velocity of the body + velocity of the vehicle that carries the body + velocity of the element that carries the vehicle. We should dislocate thought from its mental road and put it in a material one. Velocity destroys the laws of gravity, renders the values of time and space subjective . . . Kilometers and hours are not universally the same; for the speeding man they vary in length and duration . . . Increasing lightness. You’ve triumphed over the law which forces man to crawl . . . Gasoline is divine . . . Speed in a straight line is massive, crude, unthinking. Speed with and after a curve is velocity that has become agile, acquired consciousness.[20]

Thought and existence in the production of time as flows and affects (+ and + and + and + . . . until life bursts forth from any attempts to negate and strangle its potential), extricating time itself from its rightful and natural milieu as a universal constraint of matter.[21]

But everyone knows not only that this is madness, but also that is just the beginning. Look how Marinetti dances with the sirens of our doom – with the very forces that will bring the logic of historical progress to a halt – when he advises us to “exalt the aggressive will of man, without remembrance, and to emphasize yet again the ridiculous vacuity of nostalgic memory, of shortsighted history, and of the past that is dead.”[22] And his friend Boccioni says that Futurism is here to destroy the past so as to create a “void populated by primitives and barbarians” – all with an anti-artistic sensibility connected and driven only by rhythmic movement, planes, and lines – without the sublimity of ideal forms and archetypes.[23]

But what can Boccioni possibly mean with this ridiculous suggestion? Is he trying to offer a basis of re-differentiation for the un-differentiated man? But haven’t we moved beyond such quaint notions of a return to primitivism? Just then Prezzolini was alarmed by a loud crash amongst the din of the storm. It sounded like the screech of rubber tires spinning out of control, hurling machine and life aloft like a nomadic arrow in flight – au milieu, fixed by neither the archer who shot it nor the target at which it was aimed – dancing its way to the horizon in a fiery rainbow of exploding and shrapnelizing glass and metal, the particles of each in conjunction with the other, as well as any body upon which they impacted.

To his horror the detonation was followed by a chorus of voices explaining the storm to a pair of young punks, “Life is always right,” it said, “The artificial paradises with which you hope to assassinate it are worthless.”[24] Woe to any man who goes outside in times like this, he thought; better to die now than continue this risk. And with that he cursed his ears for having been party to the impudence of these foolish men, ever more fearful that they could link his dear and tender soul to what they had overheard. He shrank evermore, and decided that a drink might calm his nerves.

And anyway, he realized as he savored his cup of hot milk, isn’t Boccioni a Futurist? Of all people he should know better. And what does a “barbarian void” offer that the State does not? Carlo Carrà gave us a sense of what the barbarian void seeks in distancing itself from the State: creation – to understand life in terms far removed from the purely representational form of rational bureaucratic thought that he called “illustrationism.” Illustrationism involves a tracing of life’s potentials, always governed by traditions, conventions, and the all-seeing Ideal.[25]

What Futurism proposes instead is an unbridled creationism, in which painters paint sound, movement, and uncover all of the affective qualities awaiting a revolt in the quantities of human instincts:

 . . . Words unmoored, ideas unbound, free of the enslavement of instinctual energy and techniques of living to forms and ideas that castrate as much as they create. Outside of work we find invention. Outside of schools we find free thought. Outside of del giorno concepts, theories, estimations, and potentials — beyond the straight and narrow path that they delineate: an echo of the refrain of the walking dead! . . . the funereal normality of thinking and being in the service of forces that demand so little of us: the ease of believing and submitting to banality and commonality – we seek and demand of ourselves a life taken out of bounds.

Painting smells, he had to laugh at that one. That would be like legislating or commanding revolution. He was shocked at himself, as for one horrifying moment he found himself talking just like them! But his uncertainty brought his mind back to its work. How do these barbarian Futurists plan to create anything, especially in light of Marinetti’s war against grammar and linguistic convention, he thought. “Words-in-freedom,” Marinetti says, will undermine and disrupt the codifying principles of language – principles that shape consciousness and the functional interplay with reality. He asks us to abandon the use of “I,” which anthropomorphizes a particularly bourgeois understanding of the subject, positing instead a “return to the molecular” and an understanding of the splinters and shards of our subjectivity that hold the keys to our revolutionary potentials.[26]

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He asks us to “destroy syntax and scatter one’s nouns at random, just as they are born,” to “abolish adjectives and adverbs,” which force, and presume, a pause in the flow of experience, and create a “tedious unity of tone,” which only exists in language. What’s more, he suggests that verbs only be used in their infinitive form, so as to create an elasticity of relations (in contrast to an enslavement of the moving and doing verb to the parasitic “I”) and to “give a sense of the continuity of life and the elasticity of intuition.”[27]

In this light, Prezzolini quickly realized that what the Futurists were doing was dangerous and a threat to the victory of the Fascist State. The human being, it is true, can be herded into vast conglomerates and easily convinced of its universal values and properties. But just because man can so readily live in a herd, is this its optimal potential? This is the question that Prezzolini now discovered at the heart of the Futurist manifestos. With their attacks on language as an automation machine commanding the interconnection and coordination of beings for territorializing despotic tasks that serve only the most slavish of the herd, Futurists were attempting to short circuit the ties of the social contract. They understood that the conscious organism must be compatible with the social system in which it exists.[28]

Shifts in the modalities of social life – like barbarian voids or packs – must entail a concomitant shift in consciousness and functional interplay with existence. Attention, cognitive processing, decision-making, and expression all undergo constant mutation in order to maintain their association with sense-making apparatuses of the particular collective modality.[29] Understood even in this simplified way, one sees very clearly the implications of the State presenting itself as “the rational and reasonable organization of a community,” with the “interior or moral spirit of the people” as the organizing principle of a “harmonious universal absolute spirit.” The State justly becomes the nexus of correct-thinking, pure reason, and personal mastery.[30] If those links are broken, and sense no longer can be made (or made to be made), then the duties, debts, and responsibilities yoking man to a sociality that makes a mockery of his instincts make no sense. Mayhem!

Our Father in heaven, Prezzolini stuttered as he began pacing the room. Suddenly the storm seemed to rage much louder. Our Father, he said again, if only those were marching boots I hear and not the dissonant hum of warplanes and failing power generators. His work now seemed to have the importance of a Papal Bull. This throwing the past into the sea so as to increase one’s agility in evading roadblocks – surely these roadblocks, these very barriers to chaos are the keys to our victory! – can only lead to ruin. But to destroy the very bases of order and right thinking in the present is even more egregious. Men of this type must be led – for their own good and for the good of The Revolt. Yes! They must be led, or be eliminated.

Certainly this is clear when we read in Marinetti’s “War, the Only Hygiene of the World,” of his disappointment with the disarmament of revolutionary energy when it is handed over to the leaders of The Revolt, who, as he says, are “fatally interested in preserving the status quo, calming down violence, and opposing every desire for adventure, risk, and heroism.”[31] But again, we must reproach Marinetti for failing to understand the importance of prudence, opportunism, and building a mass-based organization of great political and social potential.

And when we say that this organization with universal appeal and dedication to wisdom and order is to be immortal, what does Marinetti say? He says that the Futurist “lovers and defenders of heroic instincts” feel “only repugnance at the idea of striving for immortality, for at bottom it is no more than the dream of minds vitiated by usury.”[32]

To him and the others, he would return their repugnance with interest! He smiled at the irony, for now he was the one who had the ear of the Duce. Perhaps, he thought furiously, the entirely contingent circumstances that aligned these maniacs with The Revolt once justified their cancerous dereliction, but they have no role to play in the State. And so he returned to his oft-interrupted work:

Fascism cannot accept the destructive program of Futurism, and instead it will have to restore the very values that clash with Futurism. Political discipline and hierarchy are also literary discipline and hierarchy. Words are rendered empty when political hierarchies are made pointless. Fascism, if it truly wants to win its battle, has to consider Futurism as having already been absorbed for what it could provide as a stimulus, and has to repress it for whatever it may still possess that is revolutionary, anticlassical, and unruly.[33]

And so, while Marinetti and his merry band of Futurist revolutionaries waged a war without frontlines against the Parties, values, representations, and power of the bourgeois world – bringing a storm of uncontrollable aggression and dereliction to all of the hallowed halls that glorified the empire of the Last Man, Giuseppe Prezzolini finished his work, its last sentences littered with defenses of hierarchy and order, and “words in their proper place, obeying the rules, and respecting nature.”[34] He then mailed it to the appropriate governmental commission appointed to reform education for their approval and enlightened council.

Notes

[1] Filippo Tommaso Marinetti, “Beyond Communism,” in Futurism: An Anthology, edited by Lawrence Rainey, Christine Poggi, and Laura Wittman (New Haven: Yale University Press, 2009), 260.

[2] Filippo Tommaso Marinetti, “Let’s Murder the Moonlight,” in Futurism: An Anthology, edited by Lawrence Rainey, Christine Poggi, and Laura Wittman (New Haven: Yale University Press, 2009), 55.

[3] Emilio Gentile, The Struggle for Modernity: Nationalism, Futurism, and Fascism (Westport, CT: Praeger, 2003), 21.

[4] Adrian Lyttleton, The Seizure of Power: Fascism in Italy, 1919–1929, Revised Edition (London: Routledge, 2004), 46–49.

[5] Lyttleton 55.

[6] Filippo Tommaso Marinetti, “We Abjure our Symbolist Masters,” in Futurism: An Anthology, edited by Lawrence Rainey, Christine Poggi, and Laura Wittman (New Haven: Yale University Press, 2009), 93–95.

[7] Giuseppe Prezzolini, “Fascism and Futurism,” in Futurism: An Anthology, edited by Lawrence Rainey, Christine Poggi, and Laura Wittman (New Haven: Yale University Press, 2009), 276.

[8] Filippo Tommaso Marinetti, “The Founding and Manifesto of Futurism,” in Futurism: An Anthology, edited by Lawrence Rainey, Christine Poggi, and Laura Wittman (New Haven: Yale University Press, 2009), 53.

[9] Filippo Tommaso Marinetti, “Quarter Hour of Poetry of the Decima MAS,” in Futurism: An Anthology, edited by Lawrence Rainey, Christine Poggi, and Laura Wittman (New Haven: Yale University Press, 2009), 505

[10] Prezzolini, 276.

[11] Lyttleton, 370.

[12] Benito Mussolini, The Political and Social Doctrine of Fascism, translated by Jane Soames (New York: The Gordon Press, 1976), 21.

[13] James C. Scott, Seeing Like a State (New Haven: Yale University Press, 1998), 2.

[14] Robert H. Wiebe, The Search for Order, 1870–1920 (New York: Hill and Wang, 1967), 154.

[15] Gilles Deleuze and Félix Guattari, On the Line, translated by John Johnston (New York: Semiotext(e), 1983), 56.

[16] Filippo Tommaso Marinetti, “The Founding and Manifesto of Futurism,” in Futurism: An Anthology, edited by Lawrence Rainey, Christine Poggi, and Laura Wittman (New Haven: Yale University Press, 2009), 51.

[17] Filippo Tommaso Marinetti, “The Variety Theater,” in Futurism: An Anthology, edited by Lawrence Rainey, Christine Poggi, and Laura Wittman (New Haven: Yale University Press, 2009), 159–61.

[18] Maurizio Lazzarato, The Making of the Indebted Man: An Essay on the Neoliberal Condition, translated by Joshua David Jordan (Los Angeles: Semiotext(e), 2012), 40.

[19] Friedrich Nietzsche, On the Genealogy of Morality, translated by Carol Dithe, edited by Keith Ansell-Pearson (Cambridge: Cambridge University Press, 2007), 41.

[20] Filippo Tommaso Marinetti, “The New Religion-Morality of Speed,” in Futurism: An Anthology, edited by Lawrence Rainey, Christine Poggi, and Laura Wittman (New Haven: Yale University Press, 2009), 224–29.

[21] Franco “Bifo” Berardi, The Uprising: On Poetry and Finance (Los Angeles: Semiotext(e), 2012), 90–92.

[22] Filippo Tommaso Marinetti, Critical Writings (New Edition), translated by Doug Thompson, edited by Günter Berghaus (New York: Farrar, Straus, and Giroux, 2006), 252.

[23] Umberto Boccioni, “Futurist Sculpture,” in Futurism: An Anthology, edited by Lawrence Rainey, Christine Poggi, and Laura Wittman (New Haven: Yale University Press, 2009), 118.

[24] Filippo Tommaso Marinetti, “Tactilism,” in Futurism: An Anthology, edited by Lawrence Rainey, Christine Poggi, and Laura Wittman (New Haven: Yale University Press, 2009), 266.

[25] Carlo Carrà, “Warpainting (Extracts),” in Futurist Manifestos, edited by Umbro Apollonio (Boston: MFA Publications, 2001), 202–5.

[26] Filippo Tommaso Marinetti, “Words-in-Freedom,” in Futurism: An Anthology, edited by Lawrence Rainey, Christine Poggi, and Laura Wittman (New Haven: Yale University Press, 2009), 147.

[27] Filippo Tommaso Marinetti, “Technical Manifesto of Futurist Literature,” in Futurism: An Anthology, edited by Lawrence Rainey, Christine Poggi, and Laura Wittman (New Haven: Yale University Press, 2009), 119–20.

[28] Berardi 17.

[29] Berardi 123.

[30] Gilles Deleuze and Félix Guattari, Nomadology: The War Machine, translated by Brian Massumi (New York: Semiotext(e), 1986), 42–43.

[31] Filippo Tommaso Marinetti, “War, the Only Hygiene of the World,” in Futurism: An Anthology, edited by Lawrence Rainey, Christine Poggi, and Laura Wittman (New Haven: Yale University Press, 2009), 85.

[32] Filippo Tommaso Marinetti, “Multiplied Man and the Reign of the Machine,” in Futurism: An Anthology, edited by Lawrence Rainey, Christine Poggi, and Laura Wittman (New Haven: Yale University Press, 2009), 89.

[33] Prezzolini 277–78.

[34] Prezzolini 278.

 


Article printed from Counter-Currents Publishing: http://www.counter-currents.com

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mercredi, 12 mars 2014

Cena futurista

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The Paintings of Julius Evola

The Paintings of Julius Evola

 

Julius Evola, "Paesaggio interiore, illuminazione," 1919

Julius Evola, “Paesaggio interiore, illuminazione,” 1919

 

The esotericist Julius Evola came to view Dadaism as decadent later in his life, and only spent a few years as a painter. But for fans of his writing and philosophy, the paintings he did in his youth hold a special fascination, and provide insights into his later philosophy.

 

Evola has been called “Italy’s foremost exponent on Dadaism between 1920 and 1923″ (according to Roger Griffin’s Modernism and Fascism, pg. 39). Fifty-four of his paintings were exhibited in Rome in 1920, and an exhibition in Berlin included 60 paintings by Evola. and According to an essay on Dada on the website of New York’s Museum of Modern Art, Evola launched a Rome Dada season in April 1921, which included an exhibition at the Galleria d’Arte Bragaglia that included works by Mantuan Dadaists Gino Cantarelli and Aldo Fiozzi, as well as performances at the Grotte dell’Augusteo cabaret. Evola did readings from Tristan Tzara’s Manifeste dada 1918 and said that Futurism was dead, causing an uproar.

 

Evola’s intellectual autobiography, The Path of Cinnabar, provides insights into Evola’s foray into the art world in the chapter “Abstract Art and Dadaism.” He was attracted to Dada for its radicalism, since it “stood for an outlook on life which expressed a tendency towards total liberation, conjoined with the upsetting of all logic, ethic and aesthetic categories, in the most paradoxical and baffling ways” (pg. 19). He quotes Tzara: “What is divine within us, is the awakening of an anti-human action” and cites a Dadaist philosophy with a premise in keeping with Evola’s thoughts on the Kali Yuga:

 

Let each person shout: there is a vast, destructive, negative task to fulfil. To swipe away, and blot out.In a world left in the hands of bandits who are ripping apart and destroying all centuries, an individual’s purity is affirmed by a condition of folly, of aggressive and utter folly. (pg. 19)

 

Evola says that such an emphasis on the absurd seems, at an external level, analogous methods used by schools of the Far East such as Zen, Ch’an, and Lao Tzu’s writings.

 

If some of Evola’s paintings seem ugly, it’s not without purpose and intent from the artist. In 1920′s Arte astratta, Evola outlined his theory that “passive aesthetic needs were subordinate to the expression of an impulse towards the unconditioned.” Dadasim, as Evola understood it, was not to create art as it’s usually understood, but “signalled the self-dissolution of art into a higher level of freedom” (Cinnabar, pg. 20-21).

 

It was during the Dadaist period of his life that Evola started reading about esotericism. He met neo-Pythagorean occultist Arturo Reghini in the early 1920s. He quit painting in the early 1920s, and stopped writing poetry in 1924–not to pursue either again for more than 40 years (according to Gwendolyn Toynton’s essay “Mercury Rising” at Primordial Traditions). Although Evola left the Dadaist movement after a few years, in an interview in 1970 he said that the movement even today “remains unsurpassed in the radicalism of its attempt to overturn not only the world of art, but all aspects of life” (Cinnabar, pg. 257).

 

The following paintings are compiled from numerous sites on the Internet. I believe this is the most complete and detailed collection of Evola paintings on the web (in English, at least).

 

Early works (1916-1918):

 

Julius Evola, “Tendenze di idealismo sensoriale” (“The tense of aesthetic idealism”), 1916-18

 

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Julius Evola, “Sequenza dinamica (etere)” (“Dynamic synthesis (ether)”), 1917-18

 

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Julius Evola, “Tendenze di idealismo sensoriale” (“The tense of aesthetic idealism”), 1916-18

 

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Julius Evola, “Five o’clock tea,” 1917

 

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Julius Evola, “Mazzo di fiori” (“Bunch of flowers”), 1918

 

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Julius Evola, “Fucina, studio di rumori” (“The Forge, study on noise sounds”), 1917-18

 

The painting below appears to have sold at Christie’s for $43,152. A different source gives the date as 1920-21:

 

Julius Evola, “Paesaggio interiore ore 3 A.M.” (“Inner Landscape, 3 a.m.”), 1918

 

The following painting, according to the book Alchemical Mercury: A Theory of Ambivalence by Karen Pinkus, is now in the Kunsthaus of Zurich. On one of the many geometric blocks, Evola has written “Hg” (the symbol for Mercury) in red ink. According to Pinkus, “this is a very interesting gesture, especially as the inscription seems entirely disjoined from the composition itself, as if it had been an afterthought, and a reflection of the troubled relationship between modern chemistry as abstraction and alchemical materiality.”

 

Julius Evola, “Paesaggio interiore, illuminazione,” 1919

 

This oil painting is hanging on a wall of the National Gallery of Modern Art in Rome (according to Guido Stucco’s introduction to The Yoga of Power, pg x):

 

Julius Evola, “Paesaggio interiore ore 10,30″ (Inner Landscape, 10:30 a.m.”), 1918-20

 

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Julius Evola, “Senza titolo,” 1919

 

This oil-on-cardboard painting comes up in past auction searches for Evola’s work:

 

Julius Evola, “Portrait cubiste de femme,” 1919-20

 

The following two works were published in Evola’s 1920 book Arte astratta: Posizione teorica, 10 poemi, 4 composizioni (Rome: P. Maglione & G. Strini). You can see the other two compositions in a online scan of the book at the website of The International Dada Archive at the University of Iowa Libraries. Evola’s essay “Abstract Art” is available in English translation in the book Dadas on Art.

 

Julius Evola, “Composizione N. 3,” c. 1920

 

* * *

 

Julius Evola, “Composizione,” c. 1920

 

Middle Works (early 1920s):

 

Julius Evola, “Composizione (Paesaggio) dada N. 3″ (“Composition (Landscape) dada N. 3″), c. 1920

 

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Julius Evola, “Astrazione” (“Abstraction”), 1920

 

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Julius Evola, “Astrazione” (“Abstraction”), 1920

 

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Julius Evola, “Composizione Dada,” 1920

 

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Julius Evola, “Composizione n. 19,” 1918-20

 

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Julius Evola, “Piccola tavola (vista superiore)” (“Small table (upper surface)”), 1920

 

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Julius Evola, “Paesaggio interire, aperture del diaframma” (“Interior landscape, the opening of the diaphragm”), 1920-21

 

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Julius Evola, “La libra s’infiamma e le piramidi” (“The book in flames and the piramides”), 1920-21

 

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Julius Evola, “Senza titolo,” 1921

 

Late paintings:

 

Numerous sources on the web, including academic papers and art auction houses, show paintings by Evola that he did much later in his life, several which are shown below. If any readers know where to find information about Evola’s later works in English, I would greatly appreciate being contacted in order to update this section.

 

This painting was listed at an art auction website, and said to be painted in 1945:

 

Julius Evola, “Paesaggio interiore”

 

The following two paintings are cited in Julius Evola: L’Altra Faccia Della Modernita by Francesca Ricci and on the website of the Fondazione Julius Evola.

 

Julius Evola, “Nudo di donna (afroditica)” (“Nude of aphrodite beauty”), 1960-70

 

*  *  *

 

Julius Evola, “La genitrice dell’universo” (“The generator of the Universe”), 1968-70

 

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Readers interested in seeing more of Evola’s artwork can check out this video, which has additional images:

 

http://youtu.be/gVIJ_1JZs-8

 

And this French TV interview, with English subtitles, is Evola on Dada:

 

http://youtu.be/mS-a4KvZH_o

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vendredi, 07 mars 2014

Futurism in Venice

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mercredi, 05 mars 2014

Italian Futurism

 

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dimanche, 16 février 2014

Brussel, een artistiek Stromboli

Brussel, een artistiek Stromboli

Boekbespreking

Brussel staat vandaag centraal in veel politieke discussies, maar wat is er te vertellen over de geschiedenis van de stad? Eric Min schreef er een boek over, Frans Crols las het.

Frans Crols
 
Ex: http://www.doorbraak.be

Eeuw_Van_B.jpgEen tweede man die een pen kan voeren vertoont zich als Brusselkenner. Naast Geert van Istendael en zijn trefzekere en te prijzen 'Arm Brussel', van oude datum (1992) met heruitgaven, heeft Eric Min een ronduit fantastische biografie geschreven over Vlaanderens trots en schande. Eric Min en zijn fraaie, rijke zinnen ken ik sedert zijn waardevolle en vernieuwende levensverhaal over James Ensor. Men zou denken dat over die Oostendse schilder van bizarrerieën alles in veelvoud was herkauwd, niets bleek minder waar te zijn. Ensor was het eerste boek van Min, die ambtenaar is van de Vlaamse regering, en in zijn vrije tijd cultuurmedewerker van De Morgen. Wat Min leerde uit Ensor, een opdracht van uitgever Meulenhoff (nu Bezige Bij), is hoeveel braakgrond, hoeveel sluimerende bronnen en teksten er blijven voor het portretteren van kunstenaars, schrijvers, prominenten waarover men denkt alles geschreven te zijn. Fout. Soms zijn er honderden brieven nooit gelezen, bestudeerd of geannoteerd bij de familie, op zolderkamers, in archieven waar geen professor of assistent binnen wil. Dat is ook de ervaring die Min opdeed bij het schrijven van de biografie van Brussel.

Is de titel 'De eeuw van Brussel, 1850-1914' een loze reclamekreet om het boek interessanter te maken dan mag? Neen. De karakterisering is correct. In de tweede helft van de negentiende eeuw en de eerste jaren van de twintigste eeuw was Brussel een artistieke, politieke, economisch uiterst dynamische, baanbrekende wereldstad. Niet de slonzige zus naast opulent Parijs. Op een beperkte plek - het centrum van de stad rond de nog bestaande winkelgalerijen (toen een unicum in Europa) en de wijk rond de vijvers van Elsene - ageerden een beperkt aantal mensen, 250 in totaal. Die 250 waren advocaten, schilders, letterkundigen, galeriehouders, professoren, politici, ondernemers. Een humus van geld, goede smaak, loge-idealen, nieuwe politieke inzichten, salons, kunsthuizen en excentriekelingen als de progressieve Edmond Picard, die ook een notoire anti-semiet was, naast socialistisch senator. Zijn anti-joodse pamfletten werden in 1940 herdrukt door Rex.

Kunst is niet per definitie een progressieve bezigheid, maar meestel wel en in het Brusselse geval zeker. De wegen, de nachten, de vriendinnen, de mecenassen, de bewonderaars van de langdurige bewoners of passanten van Brussel als Charles Baudelaire, Victor Hugo, Paul Verlaine, Arthur Rimbaud, Félicien Rops, Auguste Rodin, Victor Horta, Henry van de Velde, August Vermeylen kruisten mekaar aan de Zenne in een rondedans van kunstvertier, vooruitstrevende beeldenstorm, banketten, bordeelbezoek, artistieke doorbraken, politiek gekonkelfoes.

Brussel was een vrijstad in die jaren die de kunstzinnige internationale Franstalige beau monde aantrok en, zie hun brutale Brusselmemoires, afstootte. Uit een mengeling van gearriveerde artiesten met vernieuwers ontstond de Art Nouveau, de beeldhouwkunst van Rodin, de shockerende homopoëzie van Rimbaud, de productie van anarchistische pamfletten, met een Elysée Reclus, de gangmaker van het libertaire socialisme in Frankrijk die, eenmaal in de Belgische hoofdstad, als een van de weinige vooraanstaanden van dat bruisende Brussel opkwam voor het Nederlands. In die fascinerende ontbolsterende oude wereld duikt als een zelfdzame, naast Rik Wouters, Vlaamsgezinde op, August Vermeylen met het kunstentijdschrift Van Nu en Straks, en zijn bijdrage 'Vlaamsche en Europese Beweging' (1990).

Van Nu en Straks was antipaaps en anarchistisch en verfoeide het onderdanige katholicisme van het traditionele Vlaanderen. Vermeylen draaide 100 procent mee in 'de eeuw van Brussel' en was voorstander van links, emancipatie, vrijdenken, secularisering, het vrije huwelijk. Alhoewel hij braafjes en formeel in de echt trad met een poppetje uit de betere kringen die de vrijmetselaar zelfs tot aan het altaar sleurde.

Eric Min is een kosmopoliet met een progressieve ingesteldheid en deelt de klassieke afkeer van de linkse medemens voor wat Vlaams-nationaal is, nationalistisch, gebrand op volkse identiteit. Laat u daardoor niet afschrikken om zijn boek te lezen. De grootste Brusselvriend én de grootste Brusselvijand zullen smakelijke, erudiete uren doorbrengen bij de vele onbekende feiten en figuren en genieten van een taalzwier die van het bovenstebeste is.

Beoordeling : * * * *
Titel book : De eeuw van Brussel
Subtitel book : biografie van een wereldstad 1850-1914
Auteur : Eric Min
Uitgever : De Bezige Bij Antwerpen
Aantal pagina's : 418
Prijs : 34.99 €
ISBN nummer : 9789085423942
Uitgavejaar : 2013