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samedi, 11 octobre 2008

Pour un dépassement du projet moderne

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POUR UN DEPASSEMENT DU PROJET MODERNE

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Écrit par Jean-Baptiste Santamaria   

Trouvé sur: http://groupe-sparte.com

La philosophie émerge en même temps que la décadence d’Athènes et des autres cités grecques.
Bien sûr les hommes n’ont pas attendu la philosophie pour penser ni pour être sages ou savants.
On a coutume de dater le départ de la démarche philosophique avec la dialectique (purement orale) de Socrate. Xénophon et Platon deux de ses disciples ont laissé trace écrite de son enseignement.
Socrate est un soldat endurant, courageux; sur le plan politique il dédaigne les joutes oratoires des diverses assemblées athénienne au profit de dialogues en cercle restreint sans rétribution.
Il sera condamné à mort par le parti du démos et fidèle aux lois de la cité il ne cherchera pas à se dérober à la sentence ou à la négocier.Le parti démocratique n’aimait pas son caractère provocateur et indépendant,son ironie; Socrate n’avait pas hésité à braver la foule en s’opposant à la condamnation des géneraux  suite à la bataille navale des Arginuses.
Le peuple avait pris du poids politique dans l’Athènes du V°siécle. La marine prenait de l’importance-le commerce poussait au développement de la flotte-et les marins constituaient la couche populaire de l’armée. La victoire de Salamine constitue un épisode glorieux et caractéristique de l’évolution maritime d’Athènes (Sparte restant une cité attachée à sa glèbe) la cité s’était embarquée avec femmes et enfants laissant la ville aux envahisseurs (seul un petit contingent restera retranché vite exterminé) donc du développement de l’hégémonie du démos.
Opposition antidémocratique emblématique de la part de Socrate.
Mais aussi opposition à la tyrannie de quelques ploutocrates (gouvernement des Trente) :requis par le gouvernement pour aller se saisir d’un opposant (dans le but d’accaparer ses biens au profit des tyrans, Socrate refuse au péril de sa propre vie.
C’est donc un profil quelque peu « anar de droite » que l’on retiendra du père de la philosophie :rejet des grandes fêtes politiques et des querelles entre factions mais tout en incarnant le dernier représentant du soldat-citoyen courageux, sobre et endurant.
Platon va quelque peu infléchir cette ligne, sans doute est-ce la situation historique qui le pousse à s’adapter.
Platon va proposer un autre modèle de vie :le bios politikos est remplacé par le bios qeoretikos  ,la contemplation de l’Etre se substitue comme modèle existentiel supérieur, au mode de vie politique de la cité grecque classique.
A la décharge éventuelle de Platon :cet abandon apparent du primat du politique fixé aux élites n’est que la conséquence du constat de la crise de la cité athénienne.
Le régne des sophistes traduit sur le plan intellectuel la réalité de la démocratie-manipulation du démos par les démagogues au profit de nouvelles générations de ploutocrates,oligarques.

C’est face à cette décadence que Platon propose dans sa République (poliqeia=constitution) une réforme politico-morale de la Polis (cité).
On sait que son ouvrage majeur propose un modèle de Cité soit pour une réforme véritable soit pour servir de norme à viser.
Le réformateur reprend l’organisation-type des sociétés européennes dotées des trois fonctions :le prêtre (ici le philosophe),le gardien (guerrier) et le poïéte (l’artisan, celui qui  fait).La cité a pour telos (finalité) la contemplation de l’Etre,cette fonction suprême est dévolue aux philosophes mais la cité la leur confie en tant qu’activité centrale de tous.
Le philosophe est donc le dernier maillon, le plus élevé, dans la hiérarchie politique ;mais cette « division du travail » est apparente puisque si le guerrier ou l’artisan (agriculteur, maçon etc)permettent au philosophe de contempler ils contemplent aussi par procuration. Toute la cité est tendue vers ce télos qui la justifie,qui la « fonde ».
Mais le philosophe ne se contente pas de tendre à une saisie de l’Etre, il est chargé du gouvernement de la Cité. Plus encore le long cursus qui le mène par sélections successives à cette fonction (il est choisi parmi la caste des gardiens et se révèle le meilleur dans les activités de guerre et de magistrature) implique qu’il s’immerge totalement dans les affaires de la Cité. Après la formation classique du guerrier (musique, gymnastique etc) à trente ans il entreprendra diverses magistratures, dés cet âge il alternera cette fonction politique avec la fonction théorétique (contemplation des Idées de l’Etre).Ruse du législateur :la contemplation est tellement gratifiante que la gestion du politique avec ses retombées (gloire, enrichissement, pouvoirs etc)apparaît bien pâle,peu attrayant.Le philosophe (ex-gardien)éduqué donc dans le rejet des fausses valeurs retournera avec plaisir à la contemplation après avoir fait sa période comme magistrat .

Sautons quelques siècles mais toujours sous les auspices de nos grands ancêtres indo-européens de l’Attique ou du Péloponése. Maurice Bardéche dans Sparte et les Sudistes se livre à une analyse de la Cité européenne des années soixante,dresse un bilan dégage l’origine de la crise comme émanant de la mise sous le boisseau des valeurs liées à la fonction guerrière.

C’est sous ce double patronage que nous tenterons de « refonder » la cité européenne.
Redonner la primauté au courage, la sagesse et la tempérance comme valeurs centrales, rétablir sur ses pieds cette vieille organisation millénaire, restaurer la hiérarchie « naturelle » en rendant l’hégémonie aux valeurs guerrières et de contemplation .

Si les valeurs du libéralisme et ses vertus (la négociation, l’organisation rationnelle du monde et notamment le travail) sont aujourd’hui hégémoniques elles ne peuvent à elles seules assurer la cohésion de la cité. Remettons donc chaque fonction à sa place.


La question de l’Etre et de l’être-au-monde


La Cité n’est qu’un être parmi d’autres. Un ordre inséré dans un autre ensemble, un autre ordre. La politique qui régit la cité ne peut donc être une valeur en-soi, une valeur suprême.
Les Grecs croyaient en l’existence d’un Cosmos c’est à dire un ordre naturel incréé (les dieux eux-mêmes sont installés dans ce monde mais ne l’ont pas créé),ordre c’est à dire harmonie.
La mesure est donc la  vertu qui signale l’acceptation de cette harmonie. La démesure (ubris) est donc le « péché » capital.  Rien de trop (meden agan) est  une maxime centrale applicable dans toutes les strates du réel (la Cité ,l’Economique ou le cours d’une planète).
Le politique n’est donc pas pour cela le fondement de l’être des hommes c’est une institution (nomos) qui se greffe et s’articule sur la strate naturelle (fusis) d’où une certaine distanciation.
La primauté du politique que nous interrogerons plus loin est donc toute « relative » , à prendre avec du recul ,de l’ironie ,cum grano salis.
Il ne saurait donc dans cette optique sacraliser la société, l’Etat, l’argent etc Par exemple les théories romantiques (hégélianisme) dans leurs versions  prolétarienne, raciale, nationale seraient à rejeter.
Sans aller jusqu’à prétendre que la valeur qui fonde la Cité est la contemplation de l’Etre nous nous bornerons à nous référer au mystère de l’être comme « justifiant » le politique, le surdéterminant .

Nous développerons plus avant notre défense de la tradition,  notre rejet de la modernité et du constructivisme. Disons simplement maintenant que nous ne prétendons pas ici faire table rase de la civilisation européenne et proposer ex nihilo un projet de « société » issu de quelque spéculation ce qui serait foncièrement contradictoire avec notre démarche générale de référence au « réel » au « naturel » à l’acquis. Il n’est donc question dans ces pages ni de proposer dans les pas de Saint Augustin, Platon ou Cicéron, une cité idéale mais de nous inscrire dans un déjà là politique,naturel.
Il est encore moins question de « fonder » cette cité sur une base scientifique quelconque.
Attardons nous quelques instants sur la question du fondement en général et de la cité en particulier.
Marx  prétend fonder sa réforme sur une base scientifique :une analyse matérialiste, objective, de la société anglaise de son temps l’autoriserait à pronostiquer des changements objectifs qu’il va faciliter par sa théorie et son organisation politique.
Avec les Grecs nous pensons que le politique ni la nature ne se fondent en raison.
Rien dans les science s de l’homme ou de la nature ne nous autorise à fonder sur une évidence première notre vision du monde. Nous ne détenons pas en ce qui concerne la physique (science de la nature) l’équation fondamentale d’où tout le reste se déduirait mécaniquement-le modèle standard (big bang) n’est qu’une hypothèse ;l’hypothèse étant le statut de tout énoncé scientifique).Encore moins en histoire ou sociologie ou économie ou politique nous ne possédons de loi vérifiée absolument. Nous ne saurons donc nous autres humains fonder ni notre savoir ni notre pratique.
La certitude que nous procurerait la démarche scientifique irait plutôt dans l’autre direction : depuis Gödel nous savons que tout système logique ou mathématique d’une certaine puissance ne saurait se valider (se prouver) à l’aide de ses seuls énoncés (théorèmes d’incomplétude et d’indécidabilité).Les mathématiques sont certes des ensembles cohérents mais lacunaires, contenant des poches de chaos d’irrationnel. A  fortiori la physique ou l’histoire recèlent de cet irrationnel et ce à tous les niveaux d’observation -Cornelius Castoriadis parlait d’une dualité topologique entre l’ordre et le chaos irréductible dans notre analyse de l’être.
La modernité qui prétend se barder de la certitude que procure la science n’est donc qu’une croyance qui se masque ,œuvre de charlatans.
Il n’est donc pas possible de faire dériver un mode d’organisation de la Cité d’un théorème ou d’une loi naturelle.
Double conséquence :_nos références à un ordre naturel ne sont donc pas démontrables. Nous ne prétendrons pas lutter avec nos adversaires en nous bardant de certitudes physiques. Nous acceptons le jeu (la liberté) inhérent au politique ,aux choix à y opérer aux risques à prendre.
Notre liberté de commettre des « erreurs » des crimes nous la revendiquons, plutôt nous l’acceptons comme relevant simplement de la condition humaine. Condition qui nous est imposée en quelque sorte à nous humains installés dans un cosmos qui ne se plie ni à nos actes ni nos spéculations.
                                -symétriquement nos adversaires modernes qui prétendent depuis la nature ou leur morale universelle fonder leur pratique politique (les droits de l’homme) n’y sont pas autorisés.


Il n’est donc ni question de fonder le politique sur une base indiscutable (évidence première à la Descartes) ni d’en dériver l’organisation de la Cité juste.
Ce qui fait la noblesse du politique c’est ce beau risque à prendre lors des  décisions .L’homme de droite assume sa « liberté » c’est à dire qu’il reconnaît l’absence de déterminisme (aucune loi de l’histoire qui se déroule, aucune certitude morale absolue).
Notre référence au droit naturel, à la nature en général est une simple acceptation d’un cadre certes harmonieux mais troué par le chaos en tout cas par un ordre qui nous échappe.

C’est la reconnaissance de cette condition humaine marquée au sceau du tragique qui est notre marque distinctive.

Si le politique est marqué d’un tragique qui lui est propre (hétérotélie, impuissance à mettre en place des institutions stables, guerres endémiques…) arrêtons nous un instant sur le tragique inhérent à la condition humaine en géneral.
Les sources du tragique :
Les mythes et les religions nous parlent bien avant les sciences de ce tragique qui procède de l’ambiguïté de la condition humaine. La Genèse ou le mythe de Prométhée (in Les Travaux et les jours d’Hésiode) nous parlent des hommes condamnés à l’indirection, l’ambiguïté de leurs actes .Quelque soient leurs actions ils se débattent dans la souffrance le mal et la laideur cet horizon est indépassable le mort étant emblématique de cette finitude et cette ambiguïté.
L’homme est installé dans ce monde et ses limites ;bien fol qui prétend sortir de ce monde.
Cette démesure est pourtant caractéristique de la modernité.
Prétendant s’affranchir de la nature ,fonder et reconstruire selon les seules lueurs de la raison un monde humain voire une seconde nature pour en évincer la souffrance et le mal la modernité n’a débouché que sur un autre mal :le déracinement.

La critique phénoménologique de la modernité :
En provenance d’Allemagne notamment du penseur de l’Etre Heidegger s’est développé en France un courant qui débouche-peut être à son corps défendant- sur des similitudes d’analyse. Le plus interessant et le plus honnête (voir le débat avec Thierry Maulnier in Sens et non-sens) est sans doute Merleau-Ponty (outre la trajectoire captivante d’Albert Camus).
Sans rentrer dans des débats spécifiquement philosophiques rappelons certains points car liés à la question du fondement évoquée ci-dessus.
Dans « Phénoménologie de la perception » Merleau-Ponty rejette aussi bien le subjectivisme que l’objectivisme. Ces théories prétendent toutes deux assurer un fondement à notre connaissance et notre pratique. La première assurant que la pensée humaine est le sous-bassement qui garantit la validité, la cohérence de notre savoir .La seconde que l’esprit ne tire cette cohérence que de celle du monde qui constitue le socle validant toute connaissance.
Dans les deux cas une rationalité totale est permise. Le statut de la croyance est celui d’un dérivé de cette raison.
Merleau-Ponty reprend la thèse allemande d’un déjà là, d’un monde qui nous préexiste ;mais ce monde n’a pas un statut objectif-existant en dehors de la pensée des hommes-.Le concept jeu de mot ek-sistence est forgé. L’homme est inscrit dans cet univers qui lui même n’est pas donné comme évident. L’homme est sa raison ne peuvent donc se prévaloir d’aucune garantie préalable mais cette pensée est inscrite dans un cadre, une chair. Cette incarnation de l’esprit dans une chair et dans une patrie (l’Heimat de Heidegger/holderlin) est indépassable.
Merleau-Ponty est le premier à évoquer l’incarnation, l’inscription de l’homme et de sa raison dans un umwelt,un monde qui l’entoure qui lui est premier.
C’est un acte important dans la rupture avec le projet de maîtrise du monde de la modernité.
Depuis la Renaissance et une certaine lecture des Anciens se faisait jour le programme de l’Humanisme. Comme son nom l’indique ce courant prétend accorder le primat à l’homme et en particulier ce qui le distinguerait de l’animalité-naturalité :la raison.
Le progrès :
En rupture donc avec le monde antique (primat du Cosmos) et du christianisme (organisation et hégémonie divine) la modernité prétend remettre à plat le monde et le faire plier notamment via la technique aux desiderata de l’espèce humaine.Le monde serait totalement transparent en droit à l’analyse rationnelle et à la pratique de transformation opérée par l’homme ;bien plus cette activité de longue haleine se double d’une dimension morale typique elle aussi du régne humain. C’est le progrès ce progrès est un processus rationnel donc s’inscrivant dans le temps et soumis à une technique. Progrès moral et technique signifie une amélioration des conditions d’existence mais aussi de l’Etre même de l’homme.
C’est donc la consommation d’une rupture totale avec tout ce qu’on appellera les sociétés traditionnelles.
Attardons nous sur cette opposition entre tradition et modernité.


Tradition et Modernité

Observons un instant l’opposition entre ces deux philosophies de la vie sous l’angle de deux catégories fondamentales :l’espace et le temps.
Le village planétaire, la jet society incarnent la modernité la plus extrême :l’espace se veut aboli grâce à des moyens de communication des êtres matériels et immatériels. La Modernité est l’expression de la raison et la raison émet des jugements universels ;c’est à dire valable en tous lieux (et sans doute en tous temps puisque l’histoire est revisitée à l’aune de nos actuelles catégories :Ex :le révisionnisme des droits de l’homme).Si ces analyses qui revêtent l’aspect de lois objectives donc normatives sont valables en tous lieux l’espace et ses particularités sont gommées .C’est la mondialisation, l’universalisation des modes de vie et de penser.
Et il n’est pas indifférent que la puissance qui est à l’origine de cette négation des particularismes ,des localismes nie aussi le temps.

Les Etats Unis sont un peuple jeune sans histoire. Patrie de l’espace sans fin (la nouvelle frontière)-peu importe si ces terres sont déjà occupées -c’est aussi celle de la négation du temps ou son ravalement à une dimension rationnelle :l’argent.
Laissons parler Nietzsche dans ses Considérations inactuelles II,3 :
« Chacun le sait qui s’est rendu compte des terribles effets de l’esprit d’aventure,de la fièvre d’émigration,quand ils s’emparent de peuplades entières,chacun le sait, qui a vu de près un peuple ayant perdu la fidélité à son passé,abandonné à une chasse fiévreuse et cosmopolite de la nouveauté sans cesse renouvelée.Le sentiment contraire,le plaisir que l’arbre prend à ses racines,le bonheur qu’on éprouve à ne pas se sentir né de l’arbitraire et du hasard,mais sorti d’un passé- héritier,floraison,fruit- ce qui excuserait et justifierait même l’existence :c’est là ce que l’on appelle aujourd’hui,par prédilection, le sens historique. »
Les E.U. pour reprendre l’expression de Camus fait partie de ces peuples-enfants,peuples sans histoires, qui prétendent faire table rase des acquis de leurs peuplades d’origine, se mélanger et démarrer à zéro.
Ce déracinement est le responsable de la crise actuelle de l’Europe et de l’occident.
Remettre les compteurs à zéro et construire une praxis totalement rationnelle c’est l’obsession de la modernité.
La tabula rasa se trouve chez Descartes comme dans les paroles de Pottier,l’Internationale.
Refuser les préjugés (ce qui a été pensé par d’autres avant nous) partir d’ trouve chez Descartes comme dans les paroles de Pottier,l’Internationale.
Refuser les préjugés (ce qui a été pensé par d’autres avant nous) partir d’une société ou d’une idée neuve et incontestable par la logique et construire un  ordre nouveau.
Descartes prétend avoir trouvé avec le Cogito cette idée évidente (claire et distincte) dont la lumière initiale est transmise de proche en proche en déroulant les longues chaînes de raison à d’autres idées élaborant un système entièrement  neuf et « vrai ».C’est tout du moins une certaine vulgate cartésienne enfourchée par certains épigones zélés de la modernité.
Quant au marxisme la constitution d’un homme nouveau berger le matin et musicien à ses heures relève d’un même procès de transformation –praxis révolutionnaire- guidé par le matérialisme dialectique,nous y reviendrons.

La tradition relève d’une démarche opposée.
La société traditionnelle n’est pas rationnelle, ou ne prétend l’être ni totalement ni fondamentalement.
Elle n’est ni critique ni analytique.
La tradition reprend sans une interrogation radicale ce qui est transmis par les anciens (tradere=transporter).L’homme de tradition assume totalement son histoire (celle de ses ancêtres) il ne hasarde pas des positions tranchées à propos des conflits intérieurs et extérieurs menés dans le passé de sa peuplade –même s’il se permet de visiter ce passé à l’aune de catégories qu’il sait moboles-.L’homme de tradition ne prétend pas reconstruire sur des critères transparents à la raison un ordre nouveau,il sait qu’il est inscrit dans un réel déjà là et que les utopies (u-topos :privé de territoire réel) peuvent être sanguinaires.
Donc une critique inexistante ou au moins un rejet de la table rase des us ancestraux une acceptation d’un ordre comme un déjà-là.
Une reconnaissance donc de la vanité qu’aurait l’homme à chaque génération de redéfinir des règles.
A contrario on appellera constructivisme cette démarche prétendant à la reconstruction sous les seules auspices de la Raison des formes d’organisation humaines (politiques et sociales).
Ce constructivisme sous entend que la raison émet des énoncés rendant compte complètement du système à analyser et à promouvoir, que le réel est totalement rationnel donc que la raison est totalement (auto)suffisante.
La tradition entend que l’homme est bien doté de raison mais que celle ci est inscrite dans une chair, un lieu et un temps. Que les énoncés de la raison sont empreints d’une certaine validité mais que celle ci n’est pas universelle mais localisée .C’est un « modeste » qui ne prétend pas à l’infaillibilité et à l’unicité de son mode d’être. Cette démarche n’est pas une tradition servile elle peut donner lieu à une critique philosophique et pensée comme telle c’est à dire socialement limitée.
La tradition reconnaît donc l’existence de l’espace et encore plus du temps.
Alors que la logique donne des résultats immédiats 2+2 égalent immédiatement (et partout) quatre l’homme de tradition (et déjà le physicien) reconnaissent l’existence du temps qui n’est pas qu’une « variable » mais qui marque de l’intérieur nos propres jugements et pratiques :l’histoire.
La raison n’opérant pas dans des systèmes complets et décidables la tradition ne prétend pas à la perfection de son mode d’être, c’est à dire l’achèvement logique de ce qui n’est donc pas considéré comme un « système » ou un processus en cours.
La tradition au moins européenne intègre la raison des hommes dans un cosmos plus large dont on sait qu’il est en partie seulement perméable à cette activité rationnelle ;mais elle ne prétend pas que les affaires humaines excluent las passions ou le hasard.
Si l’homme de tradition est un réformateur permanent car il ne sacralise pas absolument le domaine de l’homme il n’est en aucun cas révolutionnaire au sens d’initiateur d’un projet concocté par un cerveau ou un groupe.
Ces lignes ne sauraient donc être un manifeste pour un ordre nouveau mais au contraire le rappel cyclique d’un ordre millénaire.
En effet la conception traditionnelle du temps est cyclique :l’éternel retour du même et non une vision linéaire (le progrès) ou dialectique (Marx, Hegel).
Nous proposons pour seule réforme d’en finir avec l’hégémonie des poïétes et de leur catégories (travail,argent,négoce) et de restaurer l’ordre des gardiens philosophes.
Rien de nouveau donc mais un mouvement à l’intérieur du même pour passer à l’autre (les valeurs de courage, sagesse et tempérance.


Une « nouvelle » éthique.

Nous pensons qu’il n’y a pas de solution techniques à la crise de l’Europe.
Prenons l’exemple de l’insécurité. La tolérance zéro garantie par des forces de police importantes et le suivi ad-hoc (infrastructures juridiques et carcérales) n’est pas une solution vivable-aux EU plus de 1% de la population est en prison. La morale doit donc être prioritairement subjective et certes garantie par la Cité. Il faut donc une « production » en série d’individus moraux. C’est là où nous voyons l’inadaptation de la morale actuelle celle des droits de l’homme.
Paradoxalement la conception morale qui prédomine actuellement est celle de Socrate l’homme qui agit mal se trompe.La faute morale est donc une erreur intellectuelle.
Dans la même veine ,Victor Hugo : « Ouvrez des écoles vous fermerez des prisons. »
Cette conception de l’éthique est une conception intellectualiste.
La morale actuelle est une morale kantienne, c’est à dire l’expression d’une exigence de la raison, un impératif catégorique (produit d’une exigence interne) de cette raison.
C’est donc une morale de « classe » accessible aux jeunes cadres hyper-diplômés et inadaptée à d’autres secteurs de la population y compris autochtones.
L’acte moral n’est pas le fruit d’un computage permanent (calcul) :est-ce que la maxime de mon action est universalisable ?Si tout le monde faisait ainsi est-ce que cela serait vivable ?Dois-je attendre un plus grand bien de mon action (optimisation du calcul des pertes et profits) ?
La morale de Bentham ou de Kant aboutit à la crise actuelle .Hédonisme ambiant et spectaculaire entrecoupé d’irruption de la barbarie :ex :sortie de l’univers du complexe et agression sur le trottoir.
La morale ne peut relever du calcul rationnel.
Pour les raisons évoquées plus haut :à savoir que le domaine de l’homme n’est pas transparent à lui même, que les us et coutumes héritées ne sont certes pas entièrement fonctionnelles –c’est même un bien-mais qu’on ne peut entièrement connaître l’origine et l’impact de tel interdit su l’ensemble du « système » social. Mettre les coudes à table induit en aval des conséquences incalculables.
Comme son nom l’indique (ethos :habitude) l’éthique est une « science » du comportement .Elle relève de l’habitude ,du bon pli à prendre dés le plus jeune âge.
L’éducation n’est pas essentiellement affaire de rationalité. Le jeune d’homme n’est pas libre de choisir entre différents devenir. Il n’a pas le choix. Le petit démocrate apprendra avec le lait maternel le credo universaliste comme le petit balilla intégrait le rôle civilisateur de l4Etat hégélien.On ne demande pas son avis au petit d’homme sur l’adoption de la station debout ou la défécation en des lieux et temps prédeterminés.
Par définition (e-ducare) l’éducation consiste à tirer l’in-fans (qui ne parle pas=qui n’a pas de raison) de son état bestial pour l’amener vers l’humain. Mais quel type :le Kiowa, le Boro Boro, le stalinien,l e spartiate ?Il ne saurait y avoir choix, liberté, l’usage même de la raison est imposé.
L’éthique renvoie bien à une mise en condition relevant en partie seulement de la persuasion mais surtout de la conviction.

 
La réinstallation de l’homme.

En 1948 dans l’Europe en ruine dépecée par les forces de la modernité, Albert Camus parle de l’exil d’Hélène. La  beauté, le Beau valeur suprême confondue par les Grecs anciens avec le Bien est expulsée par la Raison absolutisée, la raison historique.
Une fois l’impérium américain resté le seul maître apparent et seul porte parole de la Raison incarnée par la démocratie US relayée par le credo dit universel des droits de l’homme on a pu parler de Fin de l’histoire toujours selon une certaine conception de la rationalité et de l’hégélianisme.
Aujourd’hui c’est l’homme lui-même qui est exilé. Sans racines, sans toît, sans patrie il erre tel un dieu ou une bête pour reprendre les mots d’Homère et d’Aristote.
La modernité a remplacé l’ordre des anciens- géocentrisme, théocentrisme-par l’humanisme.
Ce n’est plus la Phusis ou Dieu qui occupe l’ordre architectonique traditionnel (le Cosmos, ordre harmonieux dans lequel chaque être a une place) c’est l’homme lui même expulsé de sa chair et réduit à la raison,la raison elle même réduite au concept.
A vouloir positionner l’homme au centre de l’univers ou plutôt de sa représentation il s’est retrouvé marginalisé sur un petit îlot galactique.
Condamné à l’errance dans le village planétaire, arraché à son clan il vague, atome sans clinamen, soumis aux bons soins d’entités financières sans réalité physique.
Un lent procès d’atomisation l’a extirpé de sa glèbe de ses diverses communautés « naturelles » pour en faire un individu-masse.

A l’aube de ce troisième millénaire ou un pseudo-libéralisme et un pseudo-individualisme semblent régner sans partage il est plus que jamais nécessaire de réinstaller l’homme dans le Cosmos des anciens grecs,dans l’harmunia mundi de la Rome antique.
Cette réinstallation doit être en rupture complète avec le projet délirant de maîtrise de la Phusis  (nature) entrepris par la technique et la science dans ses développements les plus récents. Installer l’homme n’est pas le mettre aux commandes (de quoi ?) c’est penser ce qu’il n’a jamais cessé d’être :qu’il est inscrit dans un horizon sinon impensable du moins irréductible à nos catégories rationnelles et pratiques.
Cornelius Castoriadis a décrit cet univers comme doté d’une topologie duelle.A chaque niveau d’observation que l’on pourrait découper dans ce continuum qu’est l’Etre on y perçoit des poches qui semblent en partie se soumettre à notre approche rationnelle et qui flottent au milieu d’un magma le quel magma pourrait à son tour se prêter à des formes d’observation rationnelle de même que l’ordre dégagé précedément laissait demeurer un résidu magmatique.
Ainsi ordre et chaos semblent être présents à tous les niveaux de notre observation rationnelle.
De son côté Gödel semble avoir démontré que même la théorie des ensembles recélait des béances une indécidabilité de certaines de ses expressions bien formées et que la description de tout système d’une certaine ampleur (du type théorie des ensembles par exemple) n’était pas descriptible avec ses seuls outils-incomplétude de la description-.
Théoriquement et pratiquement la physique n’a pas livré le secret du fondement de la matière, sa théorie de la grande unification piétine depuis trois-quarts de siècle.
Il résulte de ces trois remarques que la raison humaine n’est toujours pas en mesure ni d’expliquer le monde ni de rationaliser la praxis humaine. Le projet de maîtrise du monde -homme inclus-par les seules armes de la raison n’a pas abouti à ce jour.
Bien plus : la notion de Progrès, y compris dans le domaine moral qui accompagne l’imaginaire de la maîtrise rationnelle du monde, semble ne pas résister à un bilan de l’histoire moderne et contemporaine :guerres, exterminations, famines, reculs dans divers domaines de la civilisation (liberté de penser, originalité créatrice etc).
Ce bilan certes partiel de la modernité nous autorise cependant à signaler son échec –momentané ?-
Ce qui est –qui n’est donc pas un ensemble ou un univers aux sens mathématique ou physique- nous continuerons de l’appeler l’Etre. Cet être n’est donc pas l’objet de nos investigations ou manipulations de même que rien ne nous autorise à nous proclamer sujet-au sens d’auteur responsable-de nos représentations ;nous nous attarderons sur ces points un peu plus avant.
Nous -nous inscrivons corps et âme dans cet horizon lacunaire à nos yeux.
Nous ne pouvons pas accomplir l’utopie  prométhéenne d’en devenir le pilote mais nous pouvons peut-être échapper à la punition des dieux :l’exil.
Ce malaise dans la civilisation cette névrose qui nous obsède peut prendre fin.
De même que l’enfant peut se sentir à l’aise dans une demeure dont il ne comprend pas le sens et l’organisation :la maison de mon père !
De même nous devons nous réinstaller dans le monde au sein de l’Etre.
Cela ne signifie en rien la soumission au destin, la résorption  de notre essence tragique dans une fusion animale ou végétale avec cet être car l’homme est non seulement le berger de l’être mais animal politique (zoon politikon) .
L’homme est en partie l’auteur de son horizon ;le politique constitue la strate de la liberté comme nous le développerons plus loin.
La plasticité de l’homme n’est pas infinie puisque le politique inscrit son action dans l’Etre mais elle se déploie dans un lieu (topoV) particulier celui de la praxis-une action non déterminée par la phusis-.

Nous voilà donc arrivé au seuil de notre réflexion sur une politique de l’Etre après en avoir situé rapidement le cadre : eV mezo au milieu . Ni soumission absolue à un fatum ni démesure prométhéenne ;mais acceptation d’un ordre tragique non exempte d’une certaine grandeur.
Le politique n’est pas un vecteur d’émancipation de notre condition humaine finie-cette politique n’aboutit qu’à l’exil de l’homme hors de son terroir et l’ubriV (démesure) de l’universalisme (abstraction névrosante)-.
Le politique doit se donner comme tâche immédiate la réinstallation des hommes dans le monde et son réenchantement.
En ce moment de notre réflexion nous pensons que cette mission sera relevée par une nouvelle aristocratie qui ,s’émancipant des valeurs marchandes, mèneront les cités terrestres et imparfaites donc, mais réelles, sur la voie de cette nouvelle terre promise dans le cadre d’une nouvelle alliance.
Nous ne présageons pas des formes des nouvelles représentations à venir :retour d’une tradition chrétienne, héllène, celte etc bref refondations ou nouvelles fondations.
Le rejet d’une rationalité constructiviste ,d’une démarche de la table rase nous permet de  situer cependant-comme nous nous en expliquerons plus loin- dans une perspective dite traditionnelle.

Pas de millénarisme politique donc :le politique est bien soumis en quelque sorte, inscrit, dans un cosmos préalable et ce politique doit être compatible avec la menée d’une vie d’homme au sein de l’être. Les valeurs du politique ne relèvent pas donc pas de l’absolu  ,car soumises à un ordre « naturel » dans le cadre d’une vision du monde hiérarchisée dans laquelle l’ironie n’a pas la moindre place ou plutôt la place moindre.
Cela nous permet d’éviter le double écueil de l’absolutisation du phénomène communautaire (l’Etat, la Classe, la Race, les Droits de l’Homme etc) et celui de la relativisation des valeurs et son corollaire : l’affaiblissement du caractère normatif des lois.
Dernière mise à jour : ( 09-10-2007 )

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