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lundi, 13 juin 2022

De la "webocratie"

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De la "webocratie"

Au milieu des difficultés, des embarras et des hypocrisies d'une classe politique culturellement désarmée, coupable d'avoir sous-estimé de manière flagrante la relation entre la démocratie et la diffusion du savoir, incapable de réguler les géants du numérique, nous nous retrouvons dans la fâcheuse situation de la fameuse grenouille bouillie à petits feux doux.

Luca Giannelli

Source: https://www.dissipatio.it/macron-webcrazia-digitale-occidente/

Il y a quelques années, lors d'une de ses proverbiales conférences de presse, Jean-Luc Godard racontait comment, dès son plus jeune âge, ses parents lui reprochaient de toujours raconter des histoires, tout le contraire de ce que les critiques les plus obtus lui reprochaient : ne pas raconter d'histoires du tout, faire des films sans structure narrative conventionnelle. Raconter des histoires, disait l'écrivain Bernard Malamud, est un moyen de trouver un sens à la vie. Pour le président français Macron, cela semble être le moyen de trouver un sens à la politique :

    "Nos sociétés post-modernes ne sont pas sécularisées mais ont émergé d'un grand récit qui était religieux. Le 20e siècle a connu d'autres récits, après le grand récit de l'émancipation, le grand récit des totalitarismes, et collectivement nous avons pensé que la fin des totalitarismes passait par la fin des grands récits".

    Le Monde diplomatique, mars 2022

Le président français est très occupé dans sa tentative de marcher sur la ligne fantômatique entre modernité et postmodernité. Lui qui, en 2017 déjà, allait au cœur du problème : "Nous avons (de toute urgence) besoin d'un grand récit" (Der Spiegel, 14 octobre 2017).

Issu d'une certaine culture constructiviste d'outre-mer, encline à revisiter le passé avec un goût ironique et populaire en réaction aux dogmes rationalistes, le terme "postmodernisme" a fait son entrée dans le monde intellectuel dans les années 1970, jusqu'à être systématisé comme une véritable "condition", en tant que catégorie "post-narrative" à part entière, à la fin de la même décennie, par le philosophe français Jean-François Lyotard, qui a su capitaliser sur un essai de 1967 de Rorty dans l'introduction de The Linguistic Turn, dans lequel il prédisait la fin de la philosophie dans un monde où la communication avait pris la place de l'expression.

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Plaçant les "récits" des Modernes à l'origine des dogmatismes et de toutes les dérives politiques du XXe siècle (totalitarismes, guerres et autres méfaits divers), Lyotard propose une attitude de détachement vis-à-vis de termes philosophiques galvaudés comme "vérité", "réalité" ou "objectivité", régulièrement "cités". Cela a donné lieu à un débat très local entre la pensée "faible" et la pensée "forte" (en un mot, entre le relativisme et le fondamentalisme, ou, si vous préférez, entre Nietzsche et Parménide, avec Heidegger agissant comme un roc ambigu et encombrant), qui avait pour porte-parole Gianni Vattimo et Emanuele Severino. C'était le débat classique en noir et blanc, capable de produire surtout des fleuves et des fleuves d'encre (ceux des pages d'Alfabeta constitueraient à eux seuls une jungle) dont on s'est vite rendu compte qu'il n'y avait pas grand-chose à chérir, mais qui, dans l'ensemble - le pouvoir de la communication - a fini par fonctionner comme un alibi culturel pour un certain yuppisme rampant, une sorte d'incubateur de la pop italienne si en vogue aujourd'hui, un épigone à faible intensité du camp américain des années 1960.

Une sorte de nivellement, mais pas dans le sens où Totò l'entendait. Tout a la même valeur, tout peut être interprété et doit être traité exactement de la même manière. Ayant dépassé la verticalité de l'art et de l'histoire au nom d'une nouvelle horizontalité citationniste, toute hiérarchie culturelle sautée, les critiques élevés au rang d'artistes, selon l'hétérogénéité des fins la plus canonique, la "condition postmoderne" a ainsi transcendé la dimension critique de Lyotard, pour en arriver à la joyeuse justification du désengagement: comme le dit Jameson, la philosophie de la globalisation, capable de servir de toile de fond à l'ère de la production flexible. En fin de partie, de l'univers postmoderniste sont nées des montagnes de malentendus sur les cendres d'une modernité qui se voulait dépassée mais qui, idéologies mises à part, restait elle-même indéfinie, prisonnière des milliers de distinctions et d'interprétations auxquelles elle continue d'être soumise. Un peu comme le quintet, le jeu mystérieux du film le plus "nocturne" de Robert Altman, celui auquel tout le monde joue mais dont personne ne connaît les règles.

A-2669169-1332067619.jpgQuelque quarante ans après l'essai de Lyotard, on peut se demander s'il est encore possible de qualifier notre condition de "postmoderne". Plus que jamais, marqués que nous sommes par des urgences économiques, pandémiques, guerrières et diplomatiques dont le résultat, pour une fois, ne peut être que d'exaspérer des processus déjà en cours, dans les difficultés, les embarras et les hypocrisies d'une classe politique culturellement désarmée... coupable d'avoir sous-estimé de manière flagrante la relation entre la démocratie et la diffusion de la connaissance, aux prises ces dernières années avec une "société civile" qui s'est souvent révélée peu civilisée, incapable de réguler les géants du numérique au point de se retrouver dans la fâcheuse situation de la fameuse grenouille bouillie à petits feux doux.

Une fois que l'on a réalisé à quel point la fracture numérique a contribué à accroître le fossé entre les riches et les pauvres, entre ceux qui savent et ceux qui ne savent pas, à augmenter les processus d'atomisation et les effrayantes multiplications du moi, l'objectif des dirigeants ne semble pas être de capturer et de répandre la connaissance mais de la contenir et de gérer le consensus. Car c'est paradoxalement la "sphère publique" elle-même qui est entrée en crise, avec la dictature des algorithmes et la logique rudimentaire du "j'aime - je n'aime pas", réduite désormais à des micro-récits consommés par des selfies et des posts dans un présent qui ne pense même pas à faire l'histoire. Contrairement à ce qu'espéraient non seulement certains pionniers américains des années 1970 comme Stewart Brand, mais aussi de nombreux technocrates purs et durs comme le magazine Wired qui, en mai 2009 encore, consacrait sa couverture au "Nouveau Socialisme", Internet n'a conduit ni à une plus grande diffusion de la culture, ni à la croissance d'une opinion publique comprise comme le reflet d'une communauté politique supérieure à elle-même, qui, comme l'a observé Martin Gurri dans La Révolte du Public n'existe plus, remplacée par une série de publics tribalisés et mutuellement armés.

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Et si le pacte tacite entre les entreprises bigtech et les utilisateurs est celui des applications gratuites en échange d'informations privées, bien plus inquiétant pour l'avenir de nos démocraties, risque d'être celui qui se met en place entre les grandes plateformes et les gouvernements, célébré avec la concentration entre les mains de Zuckerberg d'Instagram, Facebook et WhatsApp : je te laisse prospérer et toi en échange tu contrôles ce qu'on appelait autrefois la "majorité silencieuse" et qui aujourd'hui est de plus en plus une majorité mais beaucoup moins silencieuse. Une sorte de pacte confirmé par les documents divulgués par Snowden en 2013, qui ont révélé la participation des grandes plateformes aux programmes de surveillance et de renseignement américains, et qui, je pense, permet également de comprendre pourquoi une grande partie de l'hostilité des médias envers le nouveau propriétaire de Twitter, Elon Musk, le grand amateur de Tolkien qui a immédiatement dénoncé la prédilection des médias sociaux les plus politiques parmi ceux en circulation à montrer les posts les plus populaires au détriment des plus récents en faveur d'un récit dominant, dénotant ainsi une "irrégularité" jugée par beaucoup comme politiquement peu fiable.

D'où l'appel insistant à de nouveaux "grands récits" exprimé à plusieurs reprises par Macron ; lequel Macron, avec Ricoeur ou sans lui, est diplômé en philosophie et après avoir battu Le Pen, malgré ses trois millions de voix de plus qu'en 2017, s'est imposé comme l'homme de paille le plus autorisé de la pensée libérale dans le monde occidental et s'est automatiquement élevé - un peu comme la victoire illo tempore de Prodi sur Berlusconi - pour devenir un modèle trop facile pour nombre de nos politiciens "progressistes", dans une gamme variée qui va de l'auto-proclamé roi du storytelling Renzi aux anciens gilets jaunes Di Maio, fidèles désormais du Premier ministre Draghi. C'est un Macron qui, avant et plus que d'autres, a compris que le problème des démocraties occidentales est de trouver des critères de jugement et de légitimation qui aient une valeur à la fois locale et universelle ; un Macron lucidement "post-moderne", conscient de l'irréversibilité du processus culturel, de l'affirmation d'une multiplicité de langages incommensurables, de combien l'éclatement des métarécits a multiplié la pluralité et les formes d'un savoir qui ne peut plus se présenter comme une vision universelle du monde.

Mais il est en même temps un Macron "moderne" qui, contrairement à Rorty et Lyotard, regrette l'unité et la totalité perdues, un Macron nostalgique de ce grand récit du vingtième siècle qui avait façonné le monument inattaquable du progrès, réticent comme beaucoup de gouvernements européens à se mesurer à tout ce qui est multiple, fragmentées et instables, fortement motivées pour offrir une interprétation du passé qui puisse donner un sens à l'avenir, puisque seules sont "modernes" les sociétés qui ancrent les discours de vérité et de justice sur des méta-récits (culturels, historiques, scientifiques) englobant toute l'histoire humaine dans un cadre de référence unique ; un Macron qui, face à la croissance généralisée des processus d'atomisation, une effrayante multiplication du moi, est prêt à disqualifier comme "réactionnaire", "populiste", "souverainiste" ou "eurosceptique" quiconque tente de remettre en question le récit libéral-progressiste capable d'annuler les différences entre la vérité historique et la séduction rhétorique. C'est un terrain sur lequel le secrétaire du PD socialiste italien, Letta, semble s'être accordé avec son programme pour "un nouvel ordre européen", qui penche désormais vers une confédération qui fonctionnerait comme une sorte d'anneau encore plus large qui réunirait les 27 États membres de l'UE avec les pays candidats. Partant d'hypothèses post-modernes critiques, les démocraties européennes semblent donc viser à établir une normalisation "moderne".

Que cette modernité, une énigme pour tout penseur digne de ce nom, dont même le Cardinal Ruini a identifié l'ineffabilité il y a quelques années ("il y a beaucoup de modernités", selon ses mots), ne puisse être séparée du web, est en tout cas hors de question. De là, l'avenir de nos démocraties, inévitablement, ne peut que passer, de là, à la perspective macronienne, illustrée en novembre 2018 lors d'un forum de l'ONU à Paris sur la gouvernance de l'internet. Une perspective "centriste" qui entend se démarquer à la fois de la vision libertaire californienne, dont les protagonistes sont des acteurs forts qui rejettent tout contrôle étatique, et de la vision "chinoise", entièrement supervisée par un État autoritaire. La solution esquissée par le président français est la troisième voie canonique, qui implique dans ce cas les acteurs privés, les journalistes, les gouvernements et l'habituelle et indéfectible société civile.

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Le jeune Emmanuel Macron avec le philosophe Paul Ricoeur.

Une intention louable, mue par une juste préoccupation pour la perte de centralisation dans l'organisation de l'État, mais toujours enveloppée dans une perspective prisonnière de cet absolutisme miraculeux de la terre promise (le numérique comme outil de civilisation du monde) typique de la Silicon Valley, exhibé à l'époque par l'Obamiste italien Renzi. Une pensée - un récit, pour être précis - qui semble prendre substantiellement en otage une politique qui n'a jamais semblé aussi proche d'étouffer dans la logique des milliards d'algorithmes ; une idée que même Sabino Cassese semble regarder sans crainte, persuadé que des greffes comme celle de nature "technocratique" sont bonnes pour la démocratie (Sullo stato della democrazia, Il foglio, 24 mai 2022).

Ce qui est surprenant, dans l'ensemble, chez tant de porte-drapeaux convaincus de la démocratie avec un "D" majuscule, c'est la suppression "démocratique" du concept même sur lequel le libéralisme a prospéré, à savoir le pluralisme. Les raisons du consensus, combinées à la surpuissance économique et à un déficit culturel inquiétant et irréversible, empêchent nos classes dirigeantes de comprendre que les problèmes sociaux ne sont pas nés avec le web et qu'aucun web ne pourra jamais les guérir. Pour le dire autrement, que les problèmes du web, que tant de scandales et de clameurs peuvent créer (Trump et la prise d'assaut du Capitole en sont un exemple), sont en dehors du web. N'oublions jamais que la fake news la plus lourde de conséquences et à l'origine d'une guerre qui n'a exporté aucune démocratie et a accru le terrorisme est née non pas sur les médias sociaux mais dans un journal comme le New York Times (qui s'est ensuite au moins excusé, contrairement à tous les autres qui l'avaient suivi comme des moutons). Le web obscurcit, amplifie, cache ou exagère, peut-être, mais il ne guérit pas, et encore moins ne rachète. Seul un politicien inculte et ignorant peut croire ou faire semblant de croire que des concepts tels que la légitimité, la stabilité, peuvent être gouvernés par des plateformes numériques.

Ce ne sont pas de nouvelles mythologies, de méta-narratifications idéalistes, dont nous avons besoin, mais d'une véritable démocratisation de la culture, d'une politique qui sait faire de la politique, qui pense la démocratie non comme quelque chose de donné pour toujours, comme le fameux diamant, mais comme un bien à chérir et à cultiver, inséparable d'une connaissance qui ne peut être déléguée au circuit social.

41xHJPHCJmL._SX309_BO1,204,203,200_.jpgUne politique qui tente de répondre à la question suivante : quelles sont les perspectives de la démocratie dans une société qui, sous les coups d'une concentration progressive des richesses, a perdu l'idée originelle de communauté ? Une politique qui sait aller au-delà de la très générique "confiance dans les institutions démocratiques" encore prônée dans son dernier livre (Liberalism and its Discontents) par un Fukuyama qui a toujours démontré que sa conception du libéralisme est non seulement idéaliste, mais aussi profondément déformée, s'il est vrai qu'il a attribué le succès du Japon à son libéralisme économique sans comprendre que le modèle japonais était en fait le modèle étatiste de Hamilton, fondateur, au début du 19ème siècle, du système bancaire américain. La politique ne peut être réduite à devenir un spectacle digne d'Oprah Winfrey, pour qui "tout est question d'imagination". Sans une véritable culture de la politique, la démocratie sera toujours une créature à la vie trouble. Pour la récupérer, il ne suffit certainement pas, comme le font Fukuyama, Cassese et consorts, de diaboliser tous les Orbans, Le Pen et Bolsonaros du monde...

A propos de l'auteur

Luca Giannelli est journaliste et rédacteur en chef du Télé-Journal à La7, où il couvre les domaines de la culture et de la politique. Chez GOG Edizioni, il a publié 'America vs. America".

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jeudi, 19 mai 2022

Nihilisme généralisé/ La société "pathologique" et l'angoisse face à la vie

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Nihilisme généralisé/ La société "pathologique" et l'angoisse face à la vie

par Claudia Castaldo

Source: https://www.destra.it/home/nihilismo-diffuso-la-societa-patologica-e-ansia-della-vita/

Parmi les processus de déspiritualisation que connaît l'anthropologie contemporaine, celui de la sécularisation des questions de sens est le plus inquiétant. Depuis que le nihilisme de la société technologique post-moderne, courant vétéran issu de la fin du sacré compris en termes religieux autant qu'éthiques, a redimensionné l'espace intérieur de l'homme, les angoisses constitutives de l'être humain ont été adaptées au monde scientifique et clinique dans lequel nous nous trouvons, dans lequel il n'y a de place que pour la "vie nue" (Agamben) dépouillée de la dimension de l'au-delà. Ainsi, le désir ardent de l'inconnu et la tension vers le transcendant ont été remplacés par la peur concrète et réifiée du monde, par l'obsession de la maladie et du corporel, qui se transforment en une attitude de préoccupation angoissée et épuisante de l'existence elle-même.

Le monde médicalisé qui prend l'apparence d'une clinique, soutenu par des poussées technico-scientifiques, prive l'individu de l'effort d'excavation intérieure pour faire remonter à la surface les questions spirituelles, qui méritent au contraire une réflexion approfondie qui doit toujours rester vivante. Les pulsions de la conscience sont progressivement dé-potentialisées pour être remplacées par une anxiété généralisée dirigée sans discernement contre la vie elle-même.

L'approfondissement de la dimension eschatologique, dépassée par la modernité et l'héritage d'un monde mythico-spirituel tombé en ruine, n'est pas permis. Les gens peuvent toutefois déverser cette fonction anthropologique et psychologique fondamentale sur le front émotionnel, puisque les émotions semblent plus faciles à vivre intérieurement. La peur et l'espoir sont intensément perçus, et c'est sur eux que peuvent se fonder des comportements et des attitudes de masse détachés de tout examen attentif effectué par la raison: c'est l'accomplissement parfait de la société pathologique par excellence, dans laquelle les sentiments se déchaînent sans passer par l'examen de la rationalité. Les énergies psychiques et intellectuelles consacrées à la dimension du destin ultime, qui anime l'homme dans sa quête de sens, en ont été détournées pour être tournées vers la création d'un espace privé et irrationnel où règnent la paranoïa, les angoisses et les inquiétudes. L'exploitation de ces instincts intimes par les institutions et les médias permet un contrôle total sur les individus, qui se laisseront manœuvrer de l'extérieur pour mettre fin au sentiment de précarité et d'instabilité dans lequel ils sont contraints de vivre.

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La vie est vécue dans la peur dévorante générée par ce qui échappe au contrôle humain, et c'est sur cette peur anxiogène et omniprésente que les systèmes politiques phobocrates établissent leur consensus, en l'alimentant constamment. Les gens sont stimulés à l'anxiété de sorte qu'ils se réfugient dans leur monde émotionnel personnel à la recherche d'une paix intérieure, perdant le contact avec la réalité factuelle et n'étant plus capables d'analyser lucidement les faits. Ils deviennent des jeunes gens problématiques, anxieux et paranoïaques, ayant toujours besoin d'aide et de consolation, qui, comme des enfants impuissants, n'ont ni la force de supporter le douloureux sentiment d'égarement et de privation qui vide sans cesse leurs existences, ni le courage de rêver les fondations d'un monde nouveau.

L'explication causale et rationnelle des événements est remplacée par une foi aveugle dans les récits dominants et par conséquent dans les solutions bizarres proposées aux problèmes sociaux, qui apaisent momentanément les âmes tourmentées des ineptes perpétuellement effrayés. Pour faire face aux vides laissés par le manque de spiritualité, la société de l'angoisse remplit ses cavités intérieures de récits passionnants, pleins de passions contradictoires, qui semblent, seulement en apparence, restaurer une partie de cette profondeur spirituelle oubliée, que même l'homme moderne continue de rechercher bien qu'il ne se soit pas doté des outils mentaux pour la refonder et la cultiver. Règles et tabous de guerre pour faire face à l'absence de valeurs éthiques ; obsession, peur et espoir en lieu et place de la recherche spirituelle de l'au-delà.

Le vide laissé par la dé-spiritualisation de l'homme se remplit d'anxiété.

mardi, 12 avril 2022

Małyński et le militarisme moderne

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Małyński et le militarisme moderne

Je lis un livre fascinant : La modernidad y el Medievo - Reflexiones sobre la Subversión y el feudalismo (Hipérbola Janus, 2015) (= Modernité et Moyen Âge. Réflexions sur la subversion et le féodalisme).

Carlos X. Blanco

La démocratie et le parlementarisme sont le véhicule politique de la civilisation des masses, qui reflète à son tour le mode de production capitaliste, le triomphe du mammonisme. Que les masses aient l'illusion d'être gouvernées par des instruments que les seigneurs de l'argent ont conçus pour elles ne peut être qu'un mal. Le mal par excellence dans le monde moderne. Un mal qui s'étend à toutes les sphères: à l'école obligatoire (et surtout dans un collège obligatoire) où personne n'apprend autre chose que de faire partie de la masse. Dans le cadre du recensement obligatoire. Dans le cadre du vote obligatoire. Dans la conscription obligatoire, où les guerriers et les chevaliers sont remplacés par des conscrits sans idéaux, de la "chair à canon" au sens le plus littéral du terme, au service des militarismes modernes :

"Si la démocratie avec son suffrage universel et égal est un mal, la conscription obligatoire et générale, corollaire insurmontable du suffrage universel et ultima ratio de la démocratie, c'est-à-dire la démocratie armée de la tête aux pieds, est le mal de tous les maux " (p. 103-104).

À côté de la démocratie et de tous les discours moralisateurs contemporains sur la bonté naturelle de l'homme et la paix perpétuelle, nous avons, sur le plan des faits palpables et bruts, des États armés jusqu'aux dents. Un monde de mobilisation totale.

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Tout comme les armées d'ouvriers d'usine et les détachements de chasseurs et de collecteurs de votes sont mobilisés, une armée de masses en armes est levée. Les anciens chevaliers, qui connaissaient la valeur de la discipline et le renforcement de la volonté et des nerfs, sont passés du statut de simples combattants à celui de dompteurs des bêtes sauvages issues des masses. Ils seront les officiers-tamers décrits par Małyński. Des dompteurs de bêtes qui seront un jour dévorés par les bêtes sauvages. La guerre a changé, tout comme la civilisation dans son ensemble a changé. Au Moyen Âge, époque supposée de ténèbres et de barbarie, les gens d'armes se battaient entre eux, en tant qu'"experts" dans leur propre domaine, loin de toute mobilisation mondiale qui se terminait par un carnage universel. Le paysan, le marchand, le moine... tous voyaient la guerre comme un métier de gentleman. Mais aujourd'hui, les civils meurent en grand nombre dans le cadre d'une guerre totale, sans règles ni quartier, une guerre dans laquelle il n'y a pas d'innocents. Tout le monde est impliqué, il n'y a pas d'innocents, il n'y a finalement pas de neutralité.

Qui dirige un tel monde, une planète qui ressemble de plus en plus à une maison de fous? Ce sont les aliénés eux-mêmes qui dirigent la maison de fous :

"...les impulsifs, les suggestibles, les ignorants et les incohérents se sont érigés en médecins de la société, transformant leurs maladies en morbidités mortelles, sous prétexte de les guérir" (p. 104).

Il ne s'agit pas seulement d'un changement dans la signification de la milice. Une mutation sociologique dans laquelle le chevalier ou le guerrier se transforme en soldat (paysan armé ou soldat), mais une involution qui répond aux besoins sociologiques d'une civilisation qui a déjà rompu ses liens avec la culture chrétienne médiévale. C'est une " cohérence " systémique par rapport au suffrage universel et aux autres éléments de ce que le comte polonais Małyński appelle la subversion. Les armées de masse, la conscription universelle et obligatoire, donnent de plus mauvais résultats dans l'art militaire. Elles sont moins bonnes en qualité, mais ce sont les armées qui doivent exister dans une société capitaliste industrielle (ou dans son reflet dans les pays du "vrai" socialisme, c'est-à-dire des dictatures à parti unique avec un capitalisme d'État. Les armées d'usine correspondent à des armées de masse mobilisées, sans motif d'honneur et sans vertus chevaleresques, apprivoisées par une couche chevaleresque en voie d'extinction rapide. C'est le militarisme du monde capitaliste. C'est la peau hérissée d'épines avec laquelle le nationalisme affronte tous les autres nationalismes, tout aussi hérissée dans chaque atome de sa peau. Le capitalisme exacerbe tous les militarismes et tous les nationalismes, et sur des montagnes de cadavres, les seigneurs de l'argent brûlent la plus-value et accumulent les profits.

"Les armements entraînent des dettes et les dettes des armements. Les militarismes, qui ne semblent avoir atteint des proportions inouïes que parce que les nations se trompent et se menacent de plus en plus durement, ne peuvent maintenir ces proportions qu'en raison de l'interdépendance des nations, aussi paradoxal que cela puisse paraître, on pourrait dire que les nations se prêtent l'argent que leurs propres États refusent de se prêter, afin qu'elles aient peur les unes des autres, et que chacune soit assez forte pour imposer son crédit à l'autre, et vice versa " (p. 109).

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La guerre médiévale, sauf per accidens, était une guerre entre membres d'une milice professionnelle, soumise à des codes stricts dans lesquels aucune "raison d'état", aucun critère chrematistique, aucune volonté de puissance n'étaient impliqués. Le rétablissement de la justice face aux torts infligés n'impliquait pas de calculs rationnels, sauf de manière secondaire, mais la préservation de l'honneur. Encore au milieu de l'ère moderne, au début du XVIIe siècle, le père Suárez traite de la guerre de la manière la plus contemporaine possible, étant donné le contexte de déclin général et de brutalisation de la chrétienté qui se produit à la fin du Moyen Âge, en termes de lutte pour l'honneur et de préservation d'un droit naturel et de la propreté de l'honneur auxquels l'Empire espagnol est attaché (katehon). Mais cette théorie impériale espagnole, ni machiavélique à la manière anglaise ou française, ni érasmienne à la manière - presque - du pacifisme cosmopolite d'aujourd'hui, sagement équidistante, tentait de préserver le civilisé médiéval dans une jungle moderne. Et il est bien connu qu'il n'a pas pu être imposé. Des siècles plus tard, Małyński a sauvé la beauté médiévale et défié, de la manière la plus réactionnaire qui soit, la modernité et son horrible militarisme.

La modernidad y el Medievo (Hipérbola Janus, 2015)

Auteur Emmanuel Małyński

Avant-propos Ángel Fernández Fernández

Traduction Ángel Fernández Fernández

Conception Miguel Ángel Sánchez López

Pour commander l'ouvrage:

https://libros.hiperbolajanus.com/search/label/Emmanuel%20Ma%C5%82y%C5%84ski

 

samedi, 19 février 2022

Restaurer ce qui a été perdu il y a longtemps en Suède

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Clemens Cavallin, Johan Sundeen, Lars Eklund : Restaurer ce qui a été perdu il y a longtemps en Suède

Source: https://3droga.pl/felietony/clemens-cavallin-johan-sundeen-lars-eklund-by-przywrocic-to-co-zostalo-utracone-dawno-temu-szwecja/


Pour le développement du conservatisme suédois, un retour profond aux racines culturelles fournies par le catholicisme et à la société civile dynamique créée par les églises protestantes libres est essentiel. Une approche relativiste ou laïque ne suffit pas.

Le conservatisme, dans ses différentes formes, attache une grande importance à la continuité, à l'histoire, à l'organicisme, à la spécificité d'une nation et de sa culture. Une approche conservatrice et prudente du changement - résistant aux projets accélérationnistes et utopiques de transformation révolutionnaire - n'est possible que si les traditions qui lient la génération actuelle à ses ancêtres sont encore vivantes. Mais que signifie le conservatisme lorsqu'une nation a été complètement "modernisée" ? Que peut-on préserver lorsque l'État paternaliste a sapé les institutions naturelles à un point tel que l'enthousiasme pour le changement radical - en d'autres termes, le progressisme - a été intériorisé comme une identité humaine fondamentale ?

Dans une telle situation, le conservatisme devient inévitablement un projet visant à restaurer ce qui a été perdu - et à récupérer ce qui a une valeur durable. Mais quels sont les critères de sélection des traditions et des valeurs à restaurer lorsque ces traditions ne sont plus ancrées dans l'expérience vécue ? Dans une telle situation, le conservatisme ne devient-il qu'une idéologie séculaire, promouvant, entre autres, un certain idéal de société, dépassé de surcroît ?

Ces questions inquiètent de plus en plus l'ensemble du monde occidental, qui radicalise les principes fondamentaux de la modernité, tels que l'autonomie individuelle, le relativisme et la laïcité. Cette intensification est particulièrement évidente en Suède, un pays caractérisé par une alliance entre l'atomisme individualiste, le matérialisme et un État-providence de type Léviathan. En Suède, le socialisme et le libéralisme se sont fondus en une seule mentalité qui valorise l'accélération du changement, tant technologique que moral, et qui recherche - de manière quelque peu contradictoire - une sécurité globale.

Les origines de la "situation suédoise"

La situation actuelle de la Suède est le résultat d'une évolution dans laquelle les institutions des débuts de la modernité ont été transformées de l'intérieur en marchandes d'idéologies radicales. Cela a commencé avec la Réforme protestante au XVIe siècle, lorsque le pouvoir séculier a transformé l'Église catholique supranationale de Suède en une institution nationale subordonnée au pouvoir politique. Bien que le gouvernement ait introduit la liberté religieuse dans les années 1950 et que le système de l'Église d'État ait changé de manière significative en 2000, l'Église luthérienne de Suède est toujours gouvernée par des partis politiques dans le cadre d'élections spéciales de l'Église et est réglementée même en termes de gouvernance, de vérités de la foi, de propriété et de présence géographique en vertu du droit séculier.

Le parti social-démocrate, qui a été au pouvoir presque sans interruption pendant quatre-vingt-dix ans, a décidé au début du vingtième siècle de ne pas poursuivre une séparation complète de l'Église et de l'État, mais plutôt de séculariser et de radicaliser la société par le biais de l'Église. Comme les rois protestants avant eux, les sociaux-démocrates ont comprisl'utilité de l'église nationale en tant qu'institution pour légitimer le pouvoir politique - mais pas en tant que témoin de Dieu et de sa loi éternelle qui pourrait juger l'ordre actuel.

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À partir des années 1960, le radicalisme de gauche a transformé de manière décisive l'Église de Suède, comme l'a documenté Johan Sundeen dans son livre intitulé "L'Église de 1968" (68-kyrkan : Svensk kristen vänsters möten med marxismen 1965-1989). Les principaux intellectuels protestants ont cherché une synthèse entre le marxisme et le christianisme. Ils ont présenté la révolution culturelle en Chine, la situation au Nicaragua sous le régime sandiniste, et même la dictature communiste en Corée du Nord comme "le Royaume de Dieu sur terre". Bien que cet enthousiasme soit retombé dans les années 1980, l'Église en Suède reste extrêmement politisée.

refv.jpgDans son livre récemment publié, The Way of Reformism : On Social Democracy and the Church (La voie du réformisme : sur la social-démocratie et l'Eglise) (Reformismens väg - om socialdemokratin och kyrkan) le social-démocrate Jesper Bengtsson note avec une certaine satisfaction qu'il n'y a probablement aucune autre institution dans la société occidentale qui ait été transformée dans la même mesure que l'Église de Suède.

Avec la transformation idéologique de l'église nationale dans les années 1960, une approche de gauche a conquis le débat culturel suédois, touchant toutes les sphères de la société. Par conséquent, le débat public ne s'est pas concentré sur le bien-fondé de l'idéologie socialiste, mais sur sa meilleure forme et sur la manière de la mettre en œuvre.

Bien qu'il y ait eu une certaine opposition au socialisme en tant qu'idéal économique, les idées gauchistes ont rapidement laissé leur empreinte sur la politique des partis conservateurs. En 1969, l'ancien parti Högern, la droite, s'est rebaptisé le parti modéré (Moderaterna). Au cours de cette période, ils ont cessé de souligner l'importance des petites communautés et de l'identité nationale, ainsi que le rôle social du christianisme et l'inviolabilité de la vie humaine. Les autres points de rattachement au conservatisme plus conventionnel sont, selon le politologue Jan Hylén, des anomalies dans un parti désormais caractérisé par le libéralisme et l'individualisme.

La vague de socialisme des années 1960, menée par la génération du baby-boom, est importante pour expliquer pourquoi la Suède a souffert pendant des décennies de l'absence d'une opposition conservatrice influente et confiante. En fait, un changement important avait déjà eu lieu au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Des intellectuels et des politiciens de premier plan ont pris leurs distances par rapport aux opinions conservatrices, chrétiennes et néohumanistes, les considérant comme entachées par leur association avec le national-socialisme.

La Suède n'a pas participé à la guerre et n'a donc pas eu à subir le même projet de reconstruction morale et physique que les autres pays après 1945. Ce fait, combiné à l'absence d'une Église jouant un rôle indépendant dans la vie publique, explique en partie pourquoi le christianisme et son projet civilisateur n'ont pas été au cœur du développement politique de l'après-guerre, comme en Allemagne de l'Ouest ou en Italie. Au lieu de cela, le parti social-démocrate a orchestré la "modernisation" rapide de la Suède.

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En outre, après que le long règne de la social-démocratie (qui a commencé en 1932) a finalement - mais seulement temporairement - été brisé en 1976, et lorsque l'empire communiste soviétique s'est effondré une décennie plus tard, le libéralisme plutôt que le conservatisme ou la démocratie chrétienne a triomphé. L'État suédois socialiste fermé s'est desserré, et les monopoles d'État dans les domaines de la télévision, de la radio, des services téléphoniques, de la distribution postale, du transport ferroviaire, des pharmacies et des casinos ont été supprimés. Ainsi, la présence du libéralisme a augmenté dans le mélange libéral-socialiste, mais les principes de base n'ont pas changé.

La dernière version (2020) de la carte de la culture mondiale Inglehart-Welzel, qui repose sur une enquête approfondie des valeurs mondiales, montre clairement que la mentalité suédoise est restée intacte. Sur la carte des valeurs, la Suède occupe toujours le coin supérieur droit, combinant des niveaux élevés de valeurs laïques-rationnelles et d'expression personnelle. Ces valeurs s'opposent aux valeurs traditionnelles et de survie qui caractérisent le coin inférieur gauche opposé, la zone de nombreux pays à majorité musulmane comme l'Égypte, le Yémen et la Jordanie. Au centre, on trouve un mélange de pays européens catholiques comme la Croatie et la Hongrie, ainsi que des pays d'Asie et d'Amérique du Sud comme la Thaïlande, Singapour et le Chili. Le trait le plus frappant est l'extrême mentalité des Suédois en comparaison mondiale, ce qui contraste fortement avec l'auto-évaluation omniprésente des Suédois comme occupant une position idéologique intermédiaire raisonnable.

Néanmoins, un changement de mentalité a été lent à s'opérer en Suède au cours des dix dernières années, lorsque les effets de la persistance de niveaux élevés d'immigration ont fini par provoquer une crise morale nationale. Le caractère inexorable de la modernisation, fondé sur le déclin de la religion et l'affaiblissement des liens familiaux, ne pouvait plus être considéré comme acquis. Dans une telle situation, certains (comme en France) ont naturellement insisté sur une application plus stricte des valeurs modernes. Ironiquement, cela a rendu le libéralisme de plus en plus intolérant. L'adhésion à l'individualisme et à l'idée moderniste de la liberté est obligatoire et doit être imposée. Dans le même temps, une fenêtre d'opportunité s'est ouverte pour les attitudes et les idées conservatrices mettant l'accent sur des liens culturels et historiques plus profonds.

Il y a vingt ans, Svante Nordin, professeur d'histoire des idées, écrivait dans le journal national Svenska Dagbladet que "le conservatisme intellectuel, qui... a joué un rôle si important dans le débat aux États-Unis et en Grande-Bretagne, mais aussi en France et en Allemagne, n'a pratiquement aucun équivalent en Suède". Même des introductions souvent utilisées dans des disciplines telles que l'histoire des idées et la science politique ont traité avec parcimonie - et condescendance - la tradition qui a émergé après l'attaque d'Edmund Burke contre la Révolution française.

Le réveil de la droite

9789177654971.jpgCependant, il y a maintenant des signes d'un réveil intellectuel conservateur. Après des décennies de sommeil, une littérature de qualité est publiée. Par exemple, Modern konservatism : filosofi, bärande idéer och inriktningar i Burkes efterföljd (Modern Conservatism : Philosophy, Main Ideas and Directions in the Wake of Burke) de Jakob E:son Söderbaum, la première vue d'ensemble complète de ce type en suédois, a été publiée en 2020. Il s'agit de l'ouvrage le plus complet d'une vague de publications, dont plusieurs anthologies et recueils d'essais présentant les traditions conservatrices suédoises et continentales.

Malgré cela, le devoir de prudence demeure. Le conservatisme en Suède doit être un projet constructif, qui n'est pas nécessaire là où existent encore des institutions et des coutumes incarnant les principes naturels et transcendants de la moralité et de la vie humaine que suppose l'approche conservatrice. Aujourd'hui, cependant, l'instinct de survie ethnique irréfléchi considère comme acquises - étrangement - précisément des traditions qui ne sont plus vivantes.

Le conservatisme, s'il ne doit pas être une simple défense du "mode de vie suédois" et de "nos valeurs", a besoin de ce que Russell Kirk a exigé - une "base solide". Le premier principe du conservatisme de Kirk est crucial - à savoir que "le conservateur croit qu'il existe un ordre moral durable. Cet ordre est fait pour l'homme, et l'homme est fait pour l'homme : la nature humaine est immuable, et les vérités morales sont permanentes". La reconnaissance d'un tel "ordre moral durable" est un principe fondamental de la civilisation, qui soumet toutes les prétentions et ambitions du pouvoir humain au jugement de ce qui transcende les ambitions et décisions politiques, même celles prises par des majorités absolues. L'alternative est la barbarie, pour laquelle "la force a raison", même si elle est élégamment formulée. Mais comment peut-il y avoir un ordre pour l'homme s'il n'y a pas de Dieu pour le donner ?

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D'autres principes formulés par Kirk caractérisent la nature prudente de la réforme conservatrice : prudence, précepte, diversité, imperfection, liberté et propriété, communauté volontaire et retenue. Mais ces principes sont moins utiles lorsque (comme dans le cas de la Suède) la modernisation des conversations intellectuelles, des institutions sociales et de la vie familiale a été complète et systématique - à un degré que même la plupart des dictatures communistes européennes n'ont pas réussi à atteindre.

Une raison importante de la situation actuelle de la Suède est la faiblesse des croyances et pratiques religieuses traditionnelles. Selon le World Value Survey, seuls 10% de la population suédoise considèrent que la religion est importante dans leur vie, et moins de 5% pensent qu'il est important que les enfants apprennent leur foi religieuse à la maison.

Dans le premier principe de Kirk - un ordre moral durable - la religion est irremplaçable. L'autorité transcendante de Dieu est le point d'ancrage surnaturel de la prudence conservatrice. Lorsque les institutions religieuses et leurs représentants choisissent de défendre la moralité sans base absolue, mais plutôt comme de simples croyances qui changent avec les méandres de la société moderne tardive - ou, comme en Suède, lorsque les croyances sont en fait le moteur de cette fluidité normative - alors le projet conservateur devient simplement une banale préférence qui peut changer à un rythme plus lent.

Ainsi, si le conservatisme doit être plus qu'une autre forme de politique identitaire, il doit se soucier de principes qui transcendent les cultures particulières. C'est particulièrement le cas lorsque ces valeurs éternelles ne font pas partie de formes de patrimoine développées organiquement, mais doivent être restaurées ou introduites pour la première fois. Affirmer - comme le fait Jakob E:son Söderbaum dans Modern Conservatism - que les conservateurs bien informés s'accordent généralement à dire que le conservatisme est laïque, que le christianisme n'est donc qu'un des nombreux fondements de la civilisation occidentale et que les principes moraux chrétiens n'ont pas plus de prétention à l'universalité que ceux d'autres religions comme l'hindouisme, l'islam ou le shintoïsme, c'est embrasser le relativisme et ignorer la question fondamentale de la "vérité". Selon cette position, le conservatisme ne fait que réformer avec respect la culture et la civilisation dominantes dans une certaine partie du monde. Dans ce cas, la religion ne peut être utile pour défendre un ordre moral permanent créé par l'homme, mais ne fait qu'affirmer les différents ordres moraux qu'elle a établis.

Il est naturel qu'un renouveau conservateur en Suède cherche le soutien de l'Église de Suède, puisque cela signifierait une continuité culturelle reliant plusieurs siècles. Mais il est important de rappeler que la Réforme - qui était une révolution - l'a nationalisée, coupant ainsi ses liens avec l'Église universelle et en faisant un instrument de contrôle politique. Cette séparation de l'Église de Suède de la communauté ecclésiastique au sens large a été poursuivie par le parti social-démocrate au 20e siècle et a finalement été radicalisée par les mouvements révolutionnaires des années 1960.

La situation de l'église nationale suédoise souligne notre thèse principale, à savoir que la Suède illustre de manière unique le problème de l'idéal culturel conservateur d'"enracinement" et de continuité. La modernisation des institutions suédoises - et de la culture inférieure et supérieure - a été si profonde que le renouveau conservateur devra être largement reconstruit. Il est certes plus facile de démolir, mais beaucoup plus difficile de reconstruire. Par conséquent, le conservatisme en Suède, de manière quelque peu perverse, doit se concentrer sur la création de nouvelles institutions : écoles, groupes de réflexion, revues et éditeurs. Et les penseurs conservateurs devront étudier l'histoire de la Suède pour s'en inspirer, de la même manière qu'un universitaire fouille dans des archives poussiéreuses pour trouver de nouvelles idées.

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Dans ce processus de "renouveau conservateur", la religion doit jouer un rôle important, notamment l'héritage catholique de la pré-réforme et la piété des églises protestantes libres. Toutes deux représentent des formes de religion détachées du pouvoir politique et toutes deux ont été réprimées jusqu'à la fin du XIXe siècle. Le retour du catholicisme en Suède, en particulier, a le potentiel de fournir un élément important d'une histoire plus vaste - la récupération de ce qui a été perdu. Dans ce contexte, l'architecture des églises pré-réformées joue un rôle symbolique important, même lorsqu'il ne reste que des ruines suggestives.

L'intérêt actuel pour le conservatisme est largement alimenté par les effets socialement déstabilisants de l'immigration à grande échelle. En 2020. 19,7 % des personnes vivant en Suède sont nées à l'étranger, et dans certaines municipalités, le pourcentage atteint 50 à 60 %. Cela complique évidemment l'idée d'une continuité culturelle locale et souligne le rôle des religions transnationales en tant que porteuses de normes incarnées et de coutumes anciennes. Par exemple, selon un récent sondage du Pew Research Center, seuls 9% des Suédois pensaient qu'il était nécessaire de croire en Dieu pour être moral, alors qu'au Kenya, 95% pensaient que c'était nécessaire ; en Italie, 30% et en Allemagne, 37%. Une fois de plus, cela montre que la Suède est un cas extrême.

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L'histoire du retour du catholicisme suédois et de la redécouverte de son héritage perdu est associée à l'émergence d'un nombre stupéfiant d'identités linguistiques et ethniques du monde entier. En revanche, l'Église de Suède est fondée sur une rupture protestante, combinée à une affirmation du changement moderniste et à une idée de l'homogénéité culturelle suédoise qui se désintègre rapidement. Ainsi, le plus grand potentiel d'émergence d'une dynamique religieuse - adaptée au développement du conservatisme suédois - réside dans le dialogue de la société civile formée par les églises libres protestantes avec les profondes racines culturelles et l'universalité de l'Église catholique.

Notes sur les auteurs :

Clemens Cavallin est professeur de religion, de philosophie de la vie et d'éthique.

Johan Sundeen est maître de conférences en histoire des idées.

Lars F. Eklund est titulaire d'une licence en études classiques. Il a été conseiller politique au sein du cabinet du Premier ministre (1991-94) et maire adjoint de la ville de Göteborg, en Suède (1999-2003).

Source : europeanconservative.com

mercredi, 24 novembre 2021

Une critique antimoderne du nationalisme

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Pierre Le Vigan

Une critique antimoderne du nationalisme

Essayiste métapolitique, amoureux du cinéma sur lequel il a souvent écrit, animateur éclairé d’émissions de radio et de télévision, Arnaud Guyot-Jeannin propose une critique du nationalisme qui ne consiste pas seulement à s’y opposer mais à définir une attente dont on peut déjà dire qu’elle est tout autant de l’ordre du sacré que du politique proprement dit. Cette attente, c’est l’Empire – une notion qui inclut l’idée de fédéralisme et de subsidiarité - qui compose au lieu de l’impérialisme qui impose. Le nationalisme qu’Arnaud Guyot-Jeannin critique, c’est celui qui épuise les identités par leur entrechoc au lieu de les défendre réellement dans la durée. Pour le dire autrement, la question à laquelle AGJ donne une réponse, que l’on aurait aimé voir plus développée, mais qui va à l’essentiel avec une grande clarté d’expression, c’est celle de la possibilité et du pourquoi d’une critique « de droite » du nationalisme. Cette critique, nous dit-il, est nécessaire et possible. Il nous explique pourquoi.

L’auteur distingue très justement le nationalisme comme phénomène historique du nationalisme comme phénomène idéologique, sans nier qu’il y ait des liens entre les deux phénomènes. Historiquement, le nationalisme désigne à la fois un mouvement de libération nationale et un mouvement d’affirmation, parfois exclusive, de l’appartenance nationale  comme élément central de la vie d’une collectivité. Le nationalisme historique est un phénomène moderne. Il apparait avec l’Etat, comme l’avait souligné Julien Freund. Bien sûr, les guerres ont existé avant le nationalisme. Mais les nationalismes donnent à la guerre un caractère de masse. L’Etat-nation permet seul ce caractère de mobilisation de masse. Or, cet Etat-nation se forme à partir du Moyen Age, quant, aux producteurs et aux féodaux s’ajoute une nouvelle catégorie sociale, qui devient progressivement dominante à partir de Philippe le Bel, la bourgeoisie. Le processus durera 5 ou 6 siècles. Le rôle du roi en sera changé puisqu’il s’appuiera tantôt sur la bourgeoisie contre les féodaux devenus l’aristocratie, tantôt sur l’aristocratie contre la bourgeoisie, et rarement sur le peuple contre les uns ou les autres. Quant à la bourgeoisie, elle instrumentalisera le peuple contre l’aristocratie, puis contre le roi. Même si la bourgeoisie professe des valeurs non guerrières, elle crée l’Etat-nation homogène, assujettit chacun à la discipline du marché et des impôts, et permet des mobilisations de masse qui rendent les guerres plus meurtrières.

Le patriotisme, l’attachement au terroir restent présents dans l’imaginaire, mais il s’agit bien souvent d’aller au-delà du patriotisme défensif, et de submerger le monde de ses idéaux, qu’il s’agisse des idées des Lumières, des idées de liberté et d’égalité, et des idées complémentaires de l’individu souverain dans un marché libre, sans entraves ni limites. Il a fallu des siècles pour que les communautés populaires spontanées soient moulées, sinon broyées dans une homogénéisation nationale-étatique. Il est vrai que ce processus fut concomitant de l’irruption directe du peuple comme acteur politique, avec le mouvement « sans-culotte » – qui ne saurait faire oublier la Guerre des Paysans dans l’Allemagne du XVIème siècle, le rôle du peuple dans Le Fronde, etc. Une nouveauté réelle par la légitimité idéologique qui est la sienne avec le triomphe des idéaux de la révolution et ses versions de plus en plus radicales, mais une nouveauté historique relative de l’intervention du peuple.

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Après l’apparition, partout en Europe au XIXème siècle, d’Etat nations, mouvement favorisé par l’exportation (militaire) des idées de la Révolution française, le nationalisme se confond avec la modernité, celle qui compte, qui recense, qui rassemble un tas en un tout, qui mobilise de la manière la plus homogène possible, qui rationalise. Ceci se produit bien sûr dans la continuité de la monarchie centralisatrice, mais en accéléré à partir du moment où les sociétés traditionnelles ont perdu leur légitimité idéologique, le capitalisme ayant laminé les organisations par ordres, ou par castes, en lesquelles il voit à juste titre des freins à son expansion. Cette homogénéisation se heurte pourtant, encore longtemps, à des résistances, souvent informelles, à la modernité, résistances qui sont l’expression de la diversité des cultures populaires de la France. Ce n’est que vers 1960 que la France, ses parlers, ses paysages deviendront unifiés, et cela sera justement ce que l’on a appelé « la France défigurée ». Dès le début du XIXème siècle, les nationalismes prennent une forme économique, c’est-à-dire que l’économie devient un des moyens d’une politique de puissance. La domination économique britannique, puis ensuite anglo-américaine, se heurte ainsi aux tentatives d’hégémonie plus classique, plus directe, plus militaire, de certaines puissances européennes, d’abord la France, puis l’Allemagne. 

L’attachement concret à sa terre, aux siens, et à ses traditions se confronte ainsi à l’abstraction d’un nationalisme fondé sur la recherche de puissance. Mais le patriotisme s’oppose aussi, particulièrement en France, à une forme particulière de « patriotisme », c’est-à-dire à un « patriotisme idéologique ». C’est la querelle des « deux patries » (jean de Viguerie), qui est plutôt la querelle des deux patriotismes. Se prétendant désintéressé et universaliste, le « patriotisme » idéologique français consiste à porter, partout dans le monde, les « idéaux » des droits de l’homme et de la Révolution française. Ce « patriotisme », comme quoi l’idée de bonheur du genre humain serait une invention française a le « mérite » d’être très commode. Ce patriotisme universaliste fonctionne contre l’Allemagne « réactionnaire » de Guillaume 1er puis de Guillaume II, il fonctionne aussi pour justifier l’expansion coloniale française. Ce « patriotisme » idéologique se présente rarement pur. C’est souvent un mixte. On ne disait pas sous la IIIème République que la France était née en 1789, même si on insistait sur la grande importance de ce moment. Aussi la IIIème République combinait-elle ce patriotisme, qui est en fait un nationalisme déguisé, avec l’éloge, plus « ethnique », ou ethno-culturel, de nos racines gauloises. En tout état de cause, ce « patriotisme » idéologique, non pas simplement charnel, et alors défensif, mais adossé aux idéaux de la Révolution française, alimente un nationalisme offensif, expansionniste, et manichéen, puisque si la France porte les idéaux d’égalité, de liberté et de fraternité, elle incarne donc le Bien, et ses ennemis ne peuvent incarner que le Mal, avec lequel on ne négocie pas, et contre qui on mène une guerre à mort. Mais c’est curieusement non pas tout de suite, à l’époque des guerres de la Révolution et de l’Empire, ponctuées de nombreuses paix de compromis, que cela se manifeste, mais plus de 120 ans plus tard, avec la guerre de 1914-1918.

Dans la mesure où nous sommes revenus depuis 40 ans, depuis les années 1980, à une version plus pure du patriotisme idéologique, à savoir que la France n’est que la « patrie des droits de l’homme », ce grand récit s’est considérablement affaibli, et a perdu sa capacité d’assimilation, car on s’intègre à des mœurs, mais pas à des idées, a fortiori quand celles-ci sont inaudibles dans la culture d’origine.

Individualisme, société de masse et non d’ordres, uniformité des droits et des devoirs, goût de l’abstraction contre goût du concret définissent donc le nationalisme comme phénomène spécifiquement moderne. Plus que jamais, il faut défendre notre nation et notre peuple, mais il n’y a pour cela nul besoin d’imaginer que notre nation est supérieure aux autres. Ne nous donnons pas ce ridicule d’avoir besoin, pour aimer notre pays, de ne pas aimer les pays voisins. Il convient aussi de comprendre qu’on ne défend pas son identité sans défendre toutes les identités, qui elles-mêmes ne sont pas des invariants mais des moyens de changer et de se changer en restant fidèle à la meilleure part de soi-même. Ce ne sont, doit-on enfin dire, pas les autres nations qui nous nient, mais l’oligarchie qui nie toutes les nations.

Arnaud Guyot-Jeannin, Critique du nationalisme. Plaidoyer pour l’enracinement et l’identité, préface d’Alain de Benoist, postface de Philippe Lamarque, Via Romana, 2021, 11 €.

mardi, 27 juillet 2021

Le monde de la modernité liquide

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Le monde de la modernité liquide

Markku Siira

La crainte d'un bouleversement social engendre la méfiance, Alastair Crooke le dit très clairement.

Cette peur, cette incertitude et cette anxiété peuvent donner lieu à un état mental, que le sociologue Émile Durkheim a appelé anomie.

C'est un sentiment paralysant d'être coupé de la société, d'un monde qui vous entoure et qui est corrompu jusqu'à la moelle. La personne ordinaire n'est qu'un "numéro", un objet impuissant d'oppression et d'asservissement par le "système", qui estime que personne ou rien n'est digne de confiance.

Les gens vivent aujourd'hui dans un monde de "modernité liquide", comme le disait le regretté sociologue Zygmunt Bauman. Toutes les caractéristiques spécifiques qu'une communauté attribuait à ses membres ont presque disparu ou ont été redéfinies par des expressions de libéralisme extrême.

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Même les lois de la nature biologique sont remises en question : il y a plus de deux sexes, selon l'interprétation actuelle, et le corps dans lequel l'homme naît n'est pas celui que l'on croyait : comme notre société moderne, il est lui aussi "fluide" et peut être modifié. Même au niveau mental, nous pouvons aujourd'hui nous "identifier" comme n'importe quelle "trans-personne".

L'histoire, la culture et la tradition sont également hostiles. En conséquence, les "progressistes" qui se sont "éveillés" à l'existence de griefs culturels discriminatoires - les "woke people" d'origine américaine - appellent non seulement au renversement des statues, mais aussi au démantèlement de l'ancien système de l'ère du "pré-éveil".

Selon l'idéologie woke, les "Blancs privilégiés" sont "implicitement racistes", héritiers de l'héritage colonial qui n'ont pas droit à la liberté d'expression ni même à une existence physique. Le "wokeisme" agressif croit qu'il a raison et qu'il ne peut plus y avoir de débat, mais que tout le monde doit se repentir et tomber à genoux.

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Le plus amusant dans ce nouveau radicalisme est qu'il est soutenu et financé par les grandes entreprises et le club capitaliste dépassé des "cosmopolites sans racines" qui dicte les règles à l'ensemble de la population de la planète depuis sept décennies. Les personnes "éveillées" qui sont censées critiquer le capitalisme ignorent ou négligent cette contradiction flagrante.

Pour la classe dirigeante, les mouvements identitaires qui inspirent la jeunesse d'aujourd'hui, de BLM à Antifa et Elokapina (ndt: mouvement woke en Finlande), ne sont pas un problème car eux aussi, à leur manière, poursuivent les objectifs à long terme du capitalisme mondial. Elle est également poursuivie par les Nations unies, dont l'agenda 2030 pour le développement durable a été signé par presque tous les gouvernements.

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Manifestation d'Elokapina en Finlande.

Derrière les agendas mondiaux de l'"égalité", du "climat" et des "vaccins", des réformes économiques, sociales et politiques sont en cours pour réaliser pleinement l'avenir, pas si inconnu, de la gouvernance mondiale. Y a-t-il quelqu'un - à part les particuliers - qui s'oppose à ce développement ? Même la Chine et la Russie, les rivaux de l'Occident sur le terrain de jeu géopolitique, parlent couramment le langage de l'ONU quand elles le veulent.

La confrontation la plus récente qui déstabilise les sociétés a été provoquée par l'alarmisme sur les taux d'intérêt. Les gens sont divisés en bons citoyens "vaccinés" et en citoyens de seconde zone "non vaccinés". Le philosophe italien Giorgio Agamben a affirmé que le "passeport vaccinal" conduirait au biofascisme. Le poids politique de ce fait ne peut être surestimé.

Le projet de mondialisation mené par les puissances d'argent est en cours depuis au moins la Seconde Guerre mondiale, et la création destructrice des hommes d'affaires, des banquiers et des familles puissantes ne montre aucun signe d'échec, même si le monde tente toujours de faire une certaine distinction entre les "démocraties" et les "autocraties" et de provoquer une nouvelle guerre froide.

Certains citoyens s'imaginent qu'une fois que les gens auront consciencieusement pris leurs vaccins et que la "pandémie" se sera calmée, nous reviendrons à la "normale". Cela ne se produira pas, mais nous continuerons à vivre de "crise en crise", en connaissant de nouvelles urgences, jusqu'à ce que les mondialistes atteignent leurs objectifs ou, par miracle, perdent leur jeu.

Source : https://markkusiira.blogspot.com/ 

lundi, 26 juillet 2021

Georges Bernanos et la fin du réflexe de liberté chez les modernes

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Georges Bernanos et la fin du réflexe de liberté chez les modernes

par Nicolas Bonnal

De son splendide pamphlet anticapitaliste et antimoderne « La liberté pourquoi faire ? » extrayons ces perles :

Bernanos redéfinit l’optimiste : « L’optimisme est un ersatz de l’espérance, dont la propagande officielle se réserve le monopole. Il approuve tout, il subit tout, il croit tout, c’est par excellence la vertu du contribuable. Lorsque le fisc l’a dépouillé même de sa chemise, le contribuable optimiste s’abonne à une Revue nudiste et déclare qu’il se promène ainsi par hygiène, qu’il ne s’est jamais mieux porté. Neuf fois sur dix, l’optimisme est une forme sournoise de l’égoïsme, une manière de se désolidariser du malheur d’autrui. Au bout du compte, sa vraie formule serait plutôt ce fameux « après moi le déluge », dont on veut, bien à tort, que le roi Louis XV ait été l’auteur. L’optimisme est un ersatz de l’espérance, qu’on peut rencontrer facilement partout, et même, tenez par exemple, au fond de la bouteille. »

Bernanos distingue optimisme et espérance :

« L’optimisme est une fausse espérance à l’usage des lâches et des imbéciles. L’espérance est une vertu, virtus, une détermination héroïque de l’âme. La plus haute forme de l’espérance, c’est le désespoir surmonté. […] Mais l’espérance se conquiert. On ne va jusqu’à l’espérance qu’à travers la vérité, au prix de grands efforts et d’une longue patience. Pour rencontrer l’espérance, il faut être allé au-delà du désespoir. Quand on va jusqu’au bout de la nuit, on rencontre une autre aurore. »

L’homme n’est pas un animal politique (on sait vite comment cela dégénère, surtout en ce moment) ; il est surtout un animal susceptible d’être sauvé, malgré son matérialisme et sa bestialité :

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« L’homme, comme tout autre animal, ne vit que pour son bien-être, il n’y a rien pour lui qui soit plus précieux que la vie, et rien dans la vie qui ne soit plus précieux que la jouissance. Ce n’est souvent que trop vrai, soit. Mais si ce n’est pas vrai une fois sur cent, ou sur cent mille, ou sur un million, cela suffirait pour prouver que l’homme est un être capable de se dépasser lui-même, et dès lors le monde capitaliste ou marxiste ne peut plus être qu’une expérience faussée, puisqu’elle part d’une définition fausse de l’homme. »

Comme Virgil Gheorghiu (voyez mon texte sur la Vingt-cinquième heure et les esclaves mécaniques), Bernanos remarque nous payons cher notre inféodation à la technique (voyez smartphone et QR phone) :

« Car la machine est essentiellement l’instrument de la collectivité, le moyen le plus efficace qui puisse être mis à la disposition de la collectivité pour contraindre l’individu réfractaire, ou du moins le tenir dans une dépendance étroite. Quand les machines distribuent à tous la lumière et la chaleur, par exemple, qui contrôle les machines est maître du froid et du chaud, du jour et de la nuit. Sans doute, cela vous paraît très naturel. Vous haussez les épaules en vous disant que je veux en revenir à la chandelle. Je n’en veux nullement revenir à la chandelle, je désire seulement vous démontrer que les machines sont entre les mains du collectif une arme effrayante, d’une puissance incalculable. »

Ensuite notre grande âme annonce le contrôle aisé des cerveaux :

« […] Si vous n’y prenez garde, un jour viendra où les méthodes actuelles de la propagande paraîtront ridiculement désuètes, inefficaces. La biologie permettra d’agir directement sur les cerveaux, il ne s’agira plus de confisquer la liberté de l’homme, mais de détruire en lui jusqu’aux derniers réflexes de la liberté. […] »

C’est que l’homme moderne n’aime pas la liberté et qu’il est diablement simplifié (liberté, connecté, voter et consommer) :

« Des millions et des millions d’hommes dans le monde, depuis vingt ans, ne se sont pas seulement laissé arracher par la force la liberté de pensée, ils en ont fait, ils en feront encore, comme en Russie, l’abandon volontaire, ils considèrent ce sacrifice comme louable. Ou plutôt, ce n’est pas un sacrifice pour eux, c’est une habitude qui simplifie la vie. Et elle la simplifie terriblement, en effet. Elle simplifie terriblement l’homme. Les tueurs des régimes totalitaires se recrutent parmi ces hommes terriblement simplifiés. »

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Poussant plus loin Gustave Le Bon Bernanos décrit la masse moderne, fasciste, libérale ou communiste, et il voit poindre un isolé groupe d’hommes libres :

 « Les masses sont de plus en plus faites non pas d’hommes unis par la conscience de leurs droits et la volonté de les défendre, mais d’hommes de masse faits pour subsister en masse dans une civilisation de masse où le moindre petit groupe dissident d’hommes libres serait considéré comme une grave rupture d’équilibre, une menace de catastrophe, une espèce de lézarde, de fissure capable d’entraîner brusquement la chute de tout l’édifice. La dictature des masses n’est nullement la libération des masses. »

On rigole, mais seuls les saints pourront nous sauver, rappelle le Grand Georges :

« C’est la sainteté, ce sont les saints qui maintiennent cette vie intérieure sans laquelle l’humanité se dégradera jusqu’à périr. C’est dans sa propre vie intérieure en effet que l’homme trouve les ressources nécessaires pour échapper à la barbarie, ou à un danger pire que la barbarie, la servitude bestiale de la fourmilière totalitaire. »

Source:

Georges Bernanos, La liberté pourquoi faire ?

 

mercredi, 06 novembre 2019

Le Loup des steppes contre leur monde moderne

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Le Loup des steppes contre leur monde moderne

Par Nicolas Bonnal

Ex: https://leblogalupus.com

Le loup des steppes : et si on le lisait au lieu d’en parler?

C’est le hasard de mon livre sur Céline qui me fit retrouver Hermann Hesse, écrivain surfait et déjà oublié. Mais dans le Loup des steppes il nous semble, sans nous balancer dans la littérature comparée, qu’il aborde le problème de la modernité comme Céline. On est à l’époque de la guerre, de la massification, des abrutissements modernes et des années folles. Voyez la Foule de King Vidor pour évaluer le beuglant…

On commence par les hommes-masse de notre époque (traduction de Juliette Parry) » :

« Il ne s’agit pas ici de l’homme tel que le connaissent l’école, l’économie nationale, la statistique, de l’homme tel qu’il court les rues à des millions d’exemplaires et qu’on ne saurait considérer autrement que le sable du rivage ou l’écume des flots : quelques millions de plus ou de moins, qu’importe, ce sont des matériaux, pas autre chose. »

Hesse décrit aussi la vie ennuyée de cet homme-masse façonné par l’industrie et cet écœurement qui en sourd :

« …celui qui a vécu des jours infernaux, de mort dans l’âme, de désespoir et de vide intérieur, où, sur la terre ravagée et sucée par les compagnies financières, la soi-disant civilisation, avec son scintillement vulgaire et truqué, nous ricane à chaque pas au visage comme un vomitif, concentré et parvenu au sommet de l’abomination dans notre propre moi pourri, celui-là est fort satisfait des jours normaux, des jours couci-couça comme cet aujourd’hui ; avec gratitude, il se chauffe au coin du feu ; avec gratitude, il constate en lisant le journal qu’aujourd’hui encore aucune guerre n’a éclaté, aucune nouvelle dictature n’a été proclamée, aucune saleté particulièrement abjecte découverte dans la politique ou les affaires…»

Comme Céline ou Ortega Y Gasset (et des dizaines d’autres), Hermann Hesse dénonce cette émergence cette civilisation de la masse satisfaite :

« Je ne comprends pas quelle est cette jouissance que les hommes cherchent dans les hôtels et les trains bondés, dans les cafés regorgeant de monde, aux sons d’une musique forcenée, dans les bars, les boîtes de nuit, les villes de luxe, les expositions universelles, les conférences destinées aux pauvres d’esprit avides de s’instruire, les corsos, les stades… »

Une brève allusion à notre américanisation – qui frappe aussi Chesterton ou Bernard Shaw à cette époque :

« En effet, si la foule a raison, si cette musique des cafés, ces plaisirs collectifs, ces hommes américanisés, contents de si peu, ont raison, c’est bien moi qui ai tort, qui suis fou, qui reste un loup des steppes, un animal égaré dans un monde étranger et incompréhensible, qui ne retrouve plus son cli mat, sa nourriture, sa patrie. »

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Le personnage couche avec des danseuses lesbiennes découvre le fox-trot et la musique nègres. Mais voici ce que dit la danseuse :

« Crois-tu que je ne puisse comprendre ta peur du fox-trot, ton horreur des bars et des dancings, ta résistance au jazz-band et à toutes ces insanités ? Je ne les comprends que trop, et aussi ton dégoût de la politique, ton horreur des bavardages et des agissements irresponsables des partis et de la presse, ton désespoir en face de la guerre, celle qui fut et celle qui viendra, en face de la façon dont on pense aujourd’hui, dont on lit, dont on construit, dont on fait de la musique, dont on célèbre les cérémonies, dont on fabrique l’instruction publique ! Tu as raison, Loup des steppes, tu as mille fois raison, et pourtant tu dois périr. Tu es bien trop exigeant et affamé pour ce monde moderne, simple, commode, content de si peu ; il te vomit, tu as pour lui une dimension de trop. »

Après on donne une définition de loup des steppes (titre d’un groupe de pop au temps jadis) :

 « Celui qui veut vivre en notre temps et qui veut jouir de sa vie ne doit pas être une créature comme toi ou moi. Pour celui qui veut de la musique au lieu de bruit, de la joie au lieu de plaisir, de l’âme au lieu d’argent, du travail au lieu de fabrication, de la passion au lieu d’amusettes, ce joli petit monde-là n’est pas une patrie… »

Et si Céline a dit que la vérité de ce monde c’est la mort :

« Il en fut toujours ainsi, il en sera toujours ainsi ; la puissance et l’argent, le temps et le monde appartiennent aux petits, aux mesquins, et les autres, les êtres humains véritables, n’ont rien. Rien que la mort… »

Et si Céline a dit que la postérité c’est pour les asticots :

« La gloire, ça n’existe que pour l’enseignement, c’est un truc des maîtres d’école. »

Antisémitisme ; Hesse le voit pointer comme la prochaine guerre dès le début des années vingt, au moment où Céline vit le Voyage :

« Il n’a pas vécu la guerre, ni le bouleversement des bases de la pensée par Einstein (cela, pense-t-il, est du domaine des mathématiciens) ; il ne voit pas comment se prépare autour de lui la prochaine guerre ; il tient pour haïssables les Juifs et les communistes ; il est un brave gosse insouciant et gai qui se prend au sérieux, il est digne d’être envié. »

L’Allemagne est déjà prête pour la prochaine guerre comme le voit Bainville à la même époque. On a aussi fait ce qu’il fallait au traité de Versailles (lisez Guido Preparata à ce sujet) :

« C’est cela qu’ils ne me pardonnent pas, car, bien entendu, ils sont tous innocents : le Kaiser, les généraux, les grands industriels, les politiciens, les journaux, nul n’a rien à se reprocher, ce n’est la faute de personne. On croirait que tout va on ne peut mieux dans le monde ; seulement, voilà, il y a une douzaine de millions d’hommes assassinés. »

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Hesse aussi hait ces journaux qui rendront fou Céline :

« Deux tiers de mes compatriotes lisent cette espèce de journaux, entendent ces chansons matin et soir ; de jour en jour, on les travaille, on les serine, on les traque, on les rend furieux et mécontents ; et le but et la fin de tout est encore la guerre, une guerre prochaine, probablement encore plus hideuse que celle-ci. »

Hesse décrit dégoûté une absorption des journaux :

« C’est bizarre, tout ce qu’un homme est capable d’avaler ! Pendant près de dix minutes, je lus un journal et laissai pénétrer en moi, par le sens de la vue, l’esprit d’un homme irresponsable, qui remâche dans sa bouche les mots des autres et les rend salivés, mais non digérés. C’est cela que j’absorbai pendant un laps de temps assez considérable. »

Et si Céline parle de la musique judéo-saxo-nègre, Hesse aussi :

« Lorsque je passai devant un dancing, un jazz violent jaillit à ma rencontre, brûlant et brut comme le fumet de la viande crue. Je m’arrêtai un moment : cette sorte de musique, bien que je l’eusse en horreur, exerçait sur moi une fascination secrète. Le jazz m’horripilait, mais je le préférais cent fois à toute la musique académique moderne ; avec sa sauvagerie rude et joyeuse, il m’empoignait, moi aussi, au plus profond de mes instincts, il respirait une sensualité candide et franche ».

Céline et les nègres ? Hermann Hesse et les nègres, et la bonne musique nègre :

« Et cette musique-là avait l’avantage d’une grande sincérité, d’une bonne humeur enfantine, d’un négroïsme non frelaté, digne d’appréciation. Elle avait quelque chose du Nègre et quelque chose de l’Américain qui nous paraît, à nous autres Européens, si frais dans sa force adolescente. L’Europe deviendrait-elle semblable ? Était-elle déjà sur cette voie ? »

Toute la vieille culture est remise en cause comme chez Elie Faure à la même époque :

« Nous autres vieux érudits et admirateurs de l’Europe ancienne, de la véritable musique, de la vraie poésie d’autrefois, n’étions-nous après tout qu’une minorité stupide de neurasthéniques compliqués, qui, demain, seraient oubliés et raillés ? Ce que nous appelions « culture », esprit, âme, ce que nous qualifiions de beau et de sacré n’était-ce qu’un spectre mort depuis longtemps, et à la réalité duquel croyaient seulement quelques fous ? Ce que nous poursuivions, nous autres déments, n’avait peut-être jamais vécu, n’avait toujours été qu’un fantôme ? »

Comme dit Debord l’ancienne culture elle est congelée.

Néanmoins Hesse ne fait pas preuve d’hypocrisie, et il nous donne sa deuxième définition du loup des steppes  c’est un bohême collaborateur de cette bourgeoisie.

« En effet, la puissance de vie du bourgeoisisme ne se base aucunement sur les facultés de ses membres normaux, mais sur celles des outsiders extrêmement nombreux, qu’il est capable de contenir par suite de l’indétermination et de l’extensibilité de ses idéals. Il demeure toujours dans le monde bourgeois une foule de natures puissantes et farouches. Notre Loup des steppes Harry en est un exemple caractéristique. Lui, qui a évolué vers l’individualisme bien au-delà des limites accessibles au bourgeois, lui qui connaît la félicité de la méditation, ainsi que les joies moroses de la haine et de l’horreur de soi, lui qui méprise la loi, la vertu et le sens commun, est pourtant un détenu du bourgeoisisme et ne saurait s’en évader. »

On se vent âme et corps au monde moderne et à sa technique de divertissement. Si notre Céline a dit que les Américains font l’amour comme les oiseaux, Hermann Hesse montre que son époque est libérée et son Allemagne de Weimar aussi :

« La plupart étaient extraordinairement douées pour l’amour et assoiffées de ses joies ; la plupart le pratiquaient avec les deux sexes ; elles ne vivaient que pour l’amour, et à côté des amis officiels et payants elles cultivaient d’autres liaisons amoureuses. Actives et affairées, soucieuses et frivoles, sensées et pourtant étourdies, ces libellules vivaient leur vie aussi enfantine que raffinée, indépendantes, ne se vendant que selon leur bon plaisir, attendant tout d’un coup de dés et de leur bonne étoile, amoureuses de la vie et cependant bien moins attachées à elle que ne le sont les bourgeois, toujours prêtes à suivre un prince charmant dans son château de conte de fées, toujours demi-conscientes d’une fin triste et fatale. »

La fille lui reproche de ne pas savoir danser, d’avoir appris le grec et le latin. Vian dira qu’il vaut mieux apprendre à faire l’amour que s’abrutir sur un livre d’histoire. Mais Céline tape tout le temps sur notre éducation et veut nous rapprendre le rigodon.

Le cinéma cette petite mort (Céline) ; voici comment Hesse décrit le procès.

« En flânant je passai devant un cinéma, je vis des enseignes lumineuses et de gigantesques affiches coloriées ; je m’éloignai, je revins sur mes pas et finalement j’entrai. Je pourrais demeurer là bien tranquillement jusqu’à onze heures environ. Conduit par l’ouvreuse avec sa lanterne, je trébuchai dans la salle obscure, je me laissai tomber sur un siège et me trouvai tout à coup en plein dans l’Ancien Testament. Le film était un de ceux qu’on tourne à grands frais et avec force trucs soi-disant non pas pour gagner de l’argent, mais dans des buts sublimes et sacrés ; les maîtres de catéchisme y conduisent en matinée leurs élèves. »

Après il tape encore plus fort sur ce cinéma :

« Ensuite, je vis le Moïse monter sur le Sinaï, sombre héros sur une sombre cime, et Jéhovah lui communiquer les dix commandements, avec le concours de l’orage, de la tempête et des signaux lumineux, cependant que son peuple indigne, entre-temps, dressait au pied du mont, le veau d’or et s’abandonnait à des distractions plutôt bruyantes. Il me paraissait bizarre et incroyable de contempler ainsi les histoires saintes, leurs héros et leurs miracles, qui avaient fait planer sur notre enfance les premières divinations vagues d’un monde surhumain ; il me semblait étrange de les voir jouer ainsi devant un public reconnaissant, qui croquait en silence ses cacahuètes : charmante petite saynète de la vente en gros de notre époque, de nos gigantesques soldes de civilisation… »

Et il dit ce qu’il en pense de cette société de consommation et de divertissement :

« Seigneur mon Dieu ! pour éviter cette saleté, c’étaient non seulement les Égyptiens, mais les Juifs et tous les autres hommes qui eussent dû périr alors d’une mort violente et convenable, au lieu de cette petite mort sinistrement mesquine et bourgeoise dont nous mourons aujourd’hui. »

La petite mort du monde bourgeois est ici là dans le poste de T.S.F.

« Mais c’était, je le vis bientôt, un appareil de T.S.F. qu’il avait dressé et mis en marche ; installant le haut-parleur, il annonça : « Vous entendrez Munich, le Concerto grosso en F-Dur de Haendel. »

En effet, à ma surprise et à mon épouvante indicible, l’appareil diabolique se mit à vomir ce mélange de viscose glutineuse et de caoutchouc mâché que les possesseurs de phonographes et les abonnés de la T.S.F. sont convenus d’appeler musique… »

Conclusion ? Nous sommes la civilisation de la fin du monde, comme dit Philippe Grasset, celle que rien n’arrête !

mardi, 10 juillet 2018

Zygmunt Bauman ou l’insoutenable liquidité de la modernité

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Zygmunt Bauman ou l’insoutenable liquidité de la modernité

par Edouard Rix

C’est à Zygmunt Bauman, sociologue possédant la double nationalité polonaise et britannique, que l’on doit le paradigme de la « modernité liquide ».

Zygmunt Bauman naît à Poznan, en Pologne, en 1925, dans une famille juive non-pratiquante, qui s’enfuit en URSS suite à l’invasion allemande. En 1944, le jeune Zygmunt s’engage dans la 1ère Armée polonaise, sous contrôle soviétique, dans laquelle il devient commissaire politique et participe aux batailles de Kolberg et Berlin. Membre du Parti communiste polonais, il intègre le Corps de sécurité intérieure (KBW), une unité militaire qui lutte contre les nationalistes ukrainiens et la résistance anticommuniste. Devenu major, il en est exclu en 1953, après que son père ait souhaité émigrer en Israël. Pendant ses années de service, il étudie la sociologie et la philosophie. Après l’obtention de sa maîtrise de philosophie en 1954, il devient professeur à l’Université de Varsovie. Il en est exclu - ainsi que du parti communiste - en 1968, et part alors pour Israël, avant de rejoindre l’université anglaise de Leeds en 1971, où il enseignera jusqu’en 1990.

Modernité liquide et société liquide

Bien qu’il soit l’un des principaux représentants de l’école post-moderne, Bauman abandonne, à la fin des années 1990, le concept de « post-modernité » pour ceux de « modernité  liquide » et de « société liquide », qui seraient selon lui caractéristiques de nos modes de vie actuels. Filant la métaphore de la liquidité, il publie successivement L’Amour liquide (2004), La Vie liquide (2006), Le présent liquide (2007).

ZB-liquide.jpgCar pour lui, nos sociétés occidentales sont caractérisées par le passage d’une phase solide de la modernité, stable, immobile et enracinée, à une phase liquide, fluide, volatile et néo-nomade où tout semble se désagréger et se liquéfier, phase « dans laquelle les formes sociales (les structures qui limitent les choix individuels, les institutions qui veillent au maintien des traditions, les modes de comportement acceptables) ne peuvent plus se maintenir durablement en l’état parce qu’elles se décomposent en moins de temps qu’il ne leur en faut pour être forgées et se solidifier[i] ».Tout devient éphémère et jetable.

Pour Bauman « modernité liquide » et « vie liquide » sont intimement liées. La vie liquide est la vie prise dans le flux incessant de la mobilité et de la vitesse. Elle est « précaire, vécue dans des conditions d’incertitude constante[ii] ». « La vie dans une société moderne liquide, écrit-il, ne peut rester immobile. Elle doit se moderniser (lire : continuer chaque jour de se défaire des attributs qui ont dépassé leur date limite de vente, continuer de démanteler/se dépouiller des identités actuellement assemblées/revêtues) - ou périr[iii] ». Dans un récent Eléments, Alain de Benoist précisait les contours de cette société liquide : « La société est devenue flottante. Elle s’est coupée du passé et a cessé de croire en l’avenir, se maintenant ainsi dans un éternel présent où rien ne fait plus sens. Ayant perdu tout ancrage, devenue étrangère à elle-même, elle zappe d’une idée à l’autre, comme on passe d’un produit à l’autre. Elle obéit à la logique de la Mer, faite de flux et de reflux, perdant ainsi le sens de la Terre. Elle donne la priorité à l’économie et au commerce, au détriment de la politique et de la culture[iv] ».

La vie liquide est une vie de consommation. « Elle traite le monde et tous ses fragments animés comme autant d’objets de consommation[v] », avec une date de péremption au-delà de laquelle ils deviennent jetables, l’homme y compris. Les consommateurs individuels ont des identités éphémères, des désirs qui ne peuvent jamais être satisfaits. Cette société consumériste n’a que faire des martyrs et des héros, auxquels elle préfère deux catégories nouvelles : la victime et la célébrité. 

Dans cette société flottante « les meilleurs chances de victoire appartiennent à ceux qui circulent près du sommet de la pyramide globale du pouvoir, ceux pour qui l’espace compte peu et la distance n’est pas une gêne ; ceux qui se sentent chez eux en maints endroits mais dans aucun en particulier. Ils sont aussi légers, vifs et volatiles que le commerce et les finances, de plus en plus globaux et extraterritoriaux, qui assistèrent à leur naissance et soutiennent leur existence nomade[vi] ». Bauman estime que c’est Jacques Attali qui décrit le mieux les hommes qui maîtrisent l’art de la vie liquide : ils aiment « créer, jouir, bouger », vivent dans une société de « valeurs volatiles, insouciante de l’avenir, égoïste et hédoniste », considèrent le « neuf comme une bonne nouvelle, [la] précarité comme une valeur, [l’] instabilité comme un impératif, [le] métissage comme une richesse[vii] ».

L’âge des Mercuriens

Les travaux de Bauman sont à rapprocher de la thèse défendue par Yuri Slezkine dans Le Siècle juif. « L’âge moderne est l’âge des juifs écrit celui-ci. Et le XXe siècle est le siècle des juifs[viii] ». Selon ce professeur de l’Université de Berkeley, il existe dans la plupart des civilisations traditionnelles une opposition structurale entre une majorité de paysans et de guerriers, les « Apolliniens », et une minorité de « nomades fonctionnels », les « Mercuriens ». Les premiers constituent la population autochtone, installée sur la terre, qu’ils cultivent et transmettent à leurs héritiers, tandis que les seconds, issus de minorités étrangères, diasporiques et mobiles - Juifs, Tziganes, Parsis, Jaïns -, sont les dignes descendants de Mercure, « le patron des passeurs de frontières et des intermédiaires ; le protecteur des individus qui vivent de leur agilité d’esprit[ix] ». Au courage guerrier et à l’honneur aristocratique, ces derniers préfèrent l’habileté et l’esprit, aux villages, les grandes villes anonymes.

Or, pour Slezkine, « la modernité signifie que chacun d’entre nous devient urbain, mobile, éduqué, professionnellement flexible », en résumé mercurien. D’où sa conclusion : « En d’autres termes, la modernité, c’est le fait que nous sommes devenus juifs[x] ». Un constat que ne démentiront pas Zygmunt Bauman et Jacques Attali.

Edouard Rix, Réfléchir & Agir, hiver 2017, n°55, pp. 42-43.

Notes

[i] Z. Bauman, Le présent liquide. Peurs sociales et obsessions sécuritaires, Seuil, 2007, p. 7.

[ii] Z. Bauman, La Vie liquide, Pluriel, 2013, p. 8.

[iii] Op. cit., p. 10.

[iv] A. de Benoist, « Une société flottante », Eléments, mai-juin 2016, n° 160, p. 3.

[v] Z. Bauman, La Vie liquide, Pluriel, 2013, p. 19.

[vi] Op. cit., p. 11.

[vii] J. Attali, Chemins de sagesse. Traité du labyrinthe, Fayard, 1996.

[viii] Y. Slezkine, Le Siècle juif, La Découverte, 2009.

[ix] Op. cit.

[x] Op. cit.

dimanche, 25 février 2018

Buñuel et le grand néant des sociétés modernes

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Buñuel et le grand néant des sociétés modernes

par Nicolas Bonnal

Ex: http://www.dedefensa.org

Je découvre enchanté le livre de sagesse de Luis Buñuel, mi ultimo suspirio. Il résume sa vie aventureuse et formidable, à la pointe de la modernité comme on dit ; mais aussi il décoche çà et là, comme un autre grand de la rébellion d’alors, Orson Welles, des traits remarquables contre notre monde (nos « sociétés ») moderne.

Il commence par me rassurer, Don Luis : le moyen âge a duré plus qu’on ne le croit dans le milieu traditionnel !

bunuelsuspirio.jpg« On peut dire que dans la ville où je suis né (22 février 1900) le Moyen Age a duré jusqu'à la Première Guerre mondiale. C'était une société isolée et immobile, dans laquelle les différences de classe étaient bien marquées. Le respect et la subordination des travailleurs aux grands seigneurs, aux propriétaires terriens, profondément enracinés dans les vieilles coutumes, semblaient immuables. La vie se développa, horizontale et monotone, définitivement ordonnée et dirigée par les cloches de l'église d'El Pilar. »

Cet arrogant monde moderne dont parle aussi Ortega Y Gasset  se manifestera par la guerre d’Espagne et son million de morts. Fascisme et cléricalisme certes, mais aussi communisme et anarchisme pour empiler des corps. Le libéralisme privatisera les survivants.

Buñuel parle très bien de Calanda, son pueblo aragonais, et de son vendredi saint, rythmé par des tambours cosmiques (à découvrir sur Youtube.com). Mais il ajoute :

« Aujourd'hui, à Calanda, il n'y a plus de pauvres qui sentent les vendredis à côté du mur de l'église pour demander un morceau de pain. La ville est relativement prospère, les gens vivent bien. Le costume typique, la ceinture, le cachirulo à la tête et le pantalon étroit ont disparu depuis longtemps.

Les rues sont pavées et éclairées. Il y a de l'eau courante, des égouts, des cinémas et des bars. Comme dans le reste du monde, la télévision contribue efficacement à la dépersonnalisation du spectateur. Il y a des voitures, des motos, des réfrigérateurs, un bien-être matériel bien préparé, équilibré par cette société à nous, où le progrès scientifique et technologique a relégué dans un lointain territoire la morale et la sensibilité de l'homme. L'entropie - le chaos - a pris la forme de plus en plus effrayante de l'explosion démographique. »

Tel quel. Je ne commente même pas.

Don Luis rappelle comme Michelet (On se permet de mépriser Michelet maintenant ?) que le Moyen Age a eu la vie dure (1789 en France, 1914 en Espagne et ailleurs parfois !) :

« J'ai eu la chance de passer mon enfance au Moyen Âge, cette période «douloureuse et exquise», comme le dit Huysmans. Douloureux dans le matériel. Exquis dans le spirituel. Le contraire d'aujourd'hui. »

Tout est dit. Comme Guy Debord Buñuel aime boire. Mais comme pour Guy Debord il y a eu un mais (moi je suis arrivé trop tard, le monde était déjà mort dans les années 70). Les centres commerciaux remplacent les collèges jésuites à Saragosse et on vide les lieux :

« Malheureusement, et pour aucune raison valable, le bar a fermé. Nous nous voyons encore Silberman, Jean-Claude et moi en 1980, l'hôtel errant comme des âmes perdues à la recherche d'un niveau acceptable, il est un mauvais souvenir, notre temps dévastateur détruit tout ne respecte pas même les bars. »

Une ligne admirable sur la fin des apéritifs :

« Malheureusement, ces combinaisons admirables sont en train de disparaître. Nous assistons à une effroyable décadence de l'apéritif, triste signe des temps. Un de plus. »

bunuelphoto.jpgComme Samuel Beckett alors (« nous sommes tous cons, mais pas au point de voyager », voyez mon Voyageur éveillé ou mon apocalypse touristique), Buñuel envoie digne promener le tourisme :

« Puis, après 1934, je me suis installé à Madrid. Je n'ai jamais voyagé pour le plaisir. Cet amour pour le tourisme, si répandu pour moi autour, c'est inconnu pour moi. Je ne ressens aucune curiosité pour les pays que je ne connais pas et que je ne rencontrerai jamais. Au contraire, j'aime retourner aux endroits où j'ai vécu et à ceux qui lient mes souvenirs. »

Théophile Gautier écrivait vers 1843 dans son critique Voyage en Espagne pas trop médiévale :

« Quand tout sera pareil, les voyages deviendront complètement inutiles, et c’est précisément alors, heureuse coïncidence, que les chemins de fer seront en pleine activité. À quoi bon aller voir loin, à raison de dix lieues à l’heure, des rues de la Paix éclairées au gaz et garnies de bourgeois confortables ?

Nous croyons que tels n’ont pas été les desseins de Dieu, qui a modelé chaque pays d’une façon différente, lui a donné des végétaux particuliers, et l’a peuplé de races spéciales dissemblables de conformation, de teint et de langage. C’est mal comprendre le sens de la création que de vouloir imposer la même livrée aux hommes de tous les climats, et c’est une des mille erreurs de la civilisation européenne ; avec un habit à queue de morue, l’on est beaucoup plus laid, mais tout aussi barbare. »

Luis Buñuel découvre aussi que le monde moderne ou la société actuelle feront disparaitre l’amour (on est en 1980 !) :

« A l'époque de notre jeunesse, l'amour nous semblait un sentiment puissant, capable de transformer une vie. Le désir sexuel, inséparable pour lui, s'accompagnait d'un esprit d'approximation, de conquête et de participation qui devait nous élever au-dessus du simple matériel et nous rendre capables de grandes choses.

L'une des enquêtes surréalistes les plus célèbres ont commencé par cette question: «Si je l'aime, tout l'espoir, sinon l'amour, non » « ? Quel espoir, vous met dans l'amour » je l'ai dit, aimer nous a semblé indispensable à la vie, pour toute action, pour toute pensée, pour toute recherche.

Aujourd'hui, si je dois accepter ce qu'on me dit, il en va de l’amour comme de la foi en Dieu. Il a tendance à disparaître, du moins dans certains médias. Il est généralement considéré comme un phénomène historique, comme une illusion culturelle. Il est étudié, analysé ... et, si possible, il est guéri. »

Buñuel écrit de belles pages favorables à Marcuse et à mai 68. Il note simplement que tout cela se termina mal, comme la révolution surréaliste. Je lui laisse le soin de le dire lui-même :

“Al igual que nosotros, los estudiantes de Mayo del 68 hablaron mucho y actuaron poco. Pero no les reprocho nada, Como podría decir André Breton, la acción se ha hecho imposible, lo mismo que el escándalo.”

Redécouvrons le rêve…

 

Sources

Bunuel – Mi ultimo suspirio

Bonnal – Les voyageurs éveillés ; l’apocalypse touristique

lundi, 23 octobre 2017

La identidad posmoderna como imagen especular

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La identidad posmoderna como imagen especular

 
Ex: http://www.posmodernia.com
Después del énfasis puesto en la libertad y la igualdad, la identidad se ha convertido en una cuestión clave, en un bien esencial. Desde hace un tiempo, a la preocupación por las diferencias está sucediendo un interés creciente por las hibridaciones entre la mismidad y la otredad. Las ciencias sociales han saturado ya los niveles de reflexividad de la categoría binaria nosotros/otros, pero no a partir de la lógica de la observación científica, sino de diversas categorías de la construcción política que van desde el nivel jerárquico, a su contrario, el igualitario.

De un modo análogo a como sucede con la autoconstitución del ser, por contraposición al no-ser, la sociedad se auto-instituye en términos del nosotros del interior frente a los otros del exterior, construcción creada, pues, bien por un acto de distinción que designará al “nosotros” como diferente frente a los “otros”, o bien por un acto de indistinción que indicará que el “nosotros” es igual que los “otros”. Sin embargo, nuestra reflexión sobre las problemáticas posmodernas conduce, de forma inexorable, a la defensa de la identidad y del derecho a la diferencia, sean éstas individuales o colectivas.

La modernidad liberal

La cuestión de la identidad, siempre marginada por la modernidad, nunca ha tenido mayor pertinencia que en nuestra edad pos(hiper)moderna. La reducción de todo el planeta a los dictados de los imperativos del mercado, patrocinados por las fuerzas norteamericanas de la globalización, presenta actualmente una fase de desarraigo y desestructuración de todos los pueblos del mundo, sin precedentes dignos de mención, destruyendo las filiaciones tradicionales y modernas que, una vez, constituyeron las bases de la identidad –y con ello también, los fundamentos de la sociabilidad y su significado.

En las sociedades premodernas o tradicionales, la cuestión de la identidad era difícilmente concebible respecto a los “individuos” que, en este tipo de sociedades, se identificaban en términos de linaje, casta o grupo social. En la Edad Media europea, por ejemplo, la pregunta no era “¿quién soy yo?”, sino “¿a quién soy leal?”

La cuestión de la identidad surgió sólo como respuesta a la disolución de los vínculos sociales tradicionales, provocada por el advenimiento de la modernidad. La cuestión, por otra parte, tuvo un ámbito netamente europeo, porque era la “interioridad” moral de la validación del alma, alimentada por el cristianismo y, más tarde, legitimado secularmente por el racionalismo subjetivo de Descartes, la que produjo como resultado un individuo emancipado moderno e independiente dentro de una organización.

Estimulado por el individualismo humanista del Renacimiento y la Reforma y por las “revoluciones duales” de finales del siglo XVIII, el emergente sistema social moderno-liberal, centrado en los mercados nacionales, exigió, por lo tanto, liberar a la “persona” de la herencia de esas comunidades orgánicas y de los sistemas de relaciones sociales, las cuales “restringían” su autorrealización, como si el “individuo”, liberado de sus vínculos con la sangre, el espíritu y el patrimonio (que le situaban en el “tiempo”), de alguna manera pudiera tener una existencia más plena si se le privaba de todo lo que le había convertido, precisamente, en quién era.

La modernidad, como tal, favorecía, según Alain de Benoist, «una visión atomista de la sociedad… constituida por individuos fundamentalmente libres y racionales, que actúan como seres desvinculados, liberados de cualquier determinación apriorística y que pueden elegir por sí mismos los medios y valores para guiar sus acciones».

Este ideal liberal, para el que la identidad individual se considera primaria y la identidad colectiva resulta meramente incidental, surgió, como era de esperar, a partir del mismo proceso histórico que llevó a la homogeneización y neutralización de las “diferencias naturales” en la esfera pública, convirtiendo a la modernidad en una “ideología de lo mismo”, y a los hombres, aislados de sus “vínculos orgánicos”, en objeto de una identidad estandarizada, desarraigados ya de todos los lazos comunes y lugares trascendentales de referencia.

Los individuos, en este sentido, fueron vistos como inherentemente iguales entre sí, al igual que la humanidad se percibió como una masa indiferenciada de sujetos individuales, un conjunto en el que todos aparecen iguales en el ser constituyente del futuro mercado global.

La anomia social que siguió a esta atomización “liberal”, que disolvía los vínculos sociales y espirituales que tradicionalmente habían hecho de la vida una experiencia significativa, provocó entre los europeos numerosas contratendencias para restablecer formas alternativas de identidad, solidaridad y significado.

Por lo tanto, en contra de los ideales de la individualidad burguesa y las estructuras de homogeneización de la esfera pública moderna, indiferentes a la distinción y la diferencia, surgieron identidades basadas en la formación de partidos anticapitalistas y sindicatos, en la defensa del catolicismo y de las prácticas morales tradicionales, en la resistencia regionalista o agraria a la centralización del Estado, en la oposición étnica al “universalismo humanitario”, así como en ciertas instituciones del Estado, como el ejército o la escuela, formas, todas ellas, que forjaron nuevas identidades para reemplazar las que habían sido perdidas con la desaparición del Antiguo Régimen.

Y es que la dinámica liberal ha arrebatado al hombre de su comunidad, de sus vínculos sociales, de sus estilos de vida diferenciados, poniendo en marcha un confuso proceso de indistinción. Con el surgimiento de la modernidad, el racionalismo de Descartes y la metafísica de la subjetividad, la identidad individual prevalece sobre las identidades colectivas, ruptura llevada a cabo por los objetivos homogeneizadores del Estado-nación occidental y que culmina con la disolución de los vínculos tradicionales y espirituales para liberar al individuo en aras de su integración uniforme en la razón mercantil.

Es, por ello, que esta amenaza explica el resurgimiento, con más fuerza, de ciertas identidades culturales, políticas e ideológicas. La identidad es un bien autoconstitutivo: se construye y reconstruye en su relación con el conocimiento y el reconocimiento del otro. Pero así como existe un ámbito legítimo de reclamación/reconocimiento de la identidad, también existe una correlativa patología de afirmación/exclusión de esa identidad.

La pregunta ¿qué es la identidad?, no puede responderse acudiendo a las ideologías igualitarias y universalistas, como el cristianismo, el liberalismo, el racismo o el nacionalismo. Estas ideologías comparten la absurda tendencia a interpretar al otro sólo a través de uno mismo, pero ello impide no sólo la comprensión del otro sino también el conocimiento de uno mismo, en la medida en que no se puede llegar a ser plenamente consciente de la propia identidad sino mediante la confrontación de una variación externa: en definitiva, necesitamos al otro para ser plenamente conscientes de nuestra diferencia. La actitud ciega para ver en la alteridad de los otros un valor en sí mismo, niega por su propia lógica interna, toda posibilidad de identificar la propia mismidad.

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La ideología de la mismidad

Se trata, según Alain de Benoist, de la «ideología de lo mismo» (o de la «forma de lo uno», según Marcel Gauchet), que aparece primero en Occidente, en el plano teológico, con la idea cristiana de que todos los hombres, cualesquiera que sean sus características propias, son iguales por naturaleza, consecuencia de la dignidad –el alma– de haber sido creados a la imagen del Dios único. El problema consiste en que la “ideología de lo mismo” sólo puede exigir a través de la exclusión radical de lo que no puede ser reducido a “lo mismo” (la igualitarista ideología de la mismidad se opone a la pluralista ideología de la otredad). Todas las ideologías totalitarias coinciden: la alteridad irreductible se convierte en el enemigo prioritario que se debe erradicar. La lógica contradictoria del universalismo y del individualismo no es la única contradicción que corroe la “ideología de lo mismo”, que unas veces parte de la idea de “naturaleza humana” y otras afirma que todas las determinaciones naturales son secundarias y accesorias, que el hombre sólo asume su “mejor humanidad” cuando se libera de ellas.

Así que, en definitiva, entre la igualdad y el igualitarismo existe más o menos la misma diferencia que entre la libertad y el liberalismo, o lo universal y el universalismo, o el bien común y el comunismo. El igualitarismo tiene como objetivo introducir la igualdad donde no tiene lugar y no se corresponde con la realidad, como la idea de que todas las personas tienen la misma identidad, un espejo universal que es incapaz de devolver la imagen de uno mismo, ni de reflejar la figura del otro ajeno. Las doctrinas igualitaristas entiende la igualdad como “un todo excluyente”, es decir, lo contrario de la diversidad. Sin embargo, lo contrario de la igualdad es la desigualdad, no la diversidad.

De ahí la denuncia de la “ideología de la igualdad”, es decir, la ideología universalista que, en sus formas religiosas o profanas, busca reducir la diversidad del mundo –es decir, la diversidad de las culturas, los sistemas de valores y las formas arraigadas de la vida– a un modelo uniforme. La implementación de la ideología de la “mismidad” conduce a la reducción y erradicación de las diferencias. Siendo básicamente etnocéntrica, a pesar de sus pretensiones universalistas, legitima sin cesar todas las formas de imperialismo. Hoy, en el nombre del sistema capitalista, la ideología de “lo mismo” reduce todo a los precios del mercado y transforma el mundo en un vasto y homogéneo mercado-lugar donde todos los hombres, reducidos al papel de productores y consumidores –para luego convertirse ellos mismos en productos básicos– deben adoptar la mentalidad del homo oeconomicus. En la medida en que trata de reducir la diversidad, borrar la identidad y negar el derecho a la diferencia, que son las auténticas riquezas de la humanidad, la “ideología de la mismidad” es, en sí misma, una caricatura de la igualdad.

Así que, hoy, estas identidades también han desaparecido. La desestructuración radical causada por la capitalización total y la globalización de la vida social está actualmente erosionando las –aún existentes– remanentes identitarias de las comunidades. Las instituciones a gran escala creadas por el Estado-nación, que una vez ofrecieron identidades alternativas y grupos sociales integrados sobre la base de “espacios unificados y construidos de arriba hacia abajo”, también están en crisis.

El comunitarismo

Es contra esta desestructuración nihilista que algunos pensadores se replantean la cuestión sobre la identidad, articulada en gran medida en el discurso de la escuela norteamericana de pensamiento –crítica del atomismo social del orden liberal– conocida como «comunitarismo», y cuyos pensadores principales son Charles Taylor, Alasdair MacIntyre, Michael Sandel y Michael Walzer. Una reflexión que se inserta entre los principios “diferencialistas” y las propuestas “comunitaristas”.

Pero, ¿cómo superar este proceso mundializador de las identidades? Alain de Benoist, en su intento por superar un devaluado multiculturalismo, adopta el comunitarismo, una corriente de pensamiento –curiosamente arraigada en el ámbito angloamericano– que denuncia el ideal antropológico liberal de un individuo aislado de todo contexto histórico, social y cultural. Según las tesis comunitaristas, «no puede haber autonomía individual si no hay autonomía colectiva, ni es posible una creación de sentido individual que no se inscriba en una creación colectiva de significado». Sin embargo, la sociedad-mundo encarnada por el liberalismo, al no asignar al individuo un lugar estable en la comunidad a la que pertenece, le ha arrebatado su legítimo deseo de identidad, de tal forma que el gran descubrimiento de la modernidad ya no es la necesidad de reconocimiento de las identidades, sino la triste constatación de que esa necesidad ya no puede ser satisfecha en el Gran Supermercado Global.

De hecho, con el fin de la Guerra Fría y el triunfo de la globalización, la necesidad de que la “comunidad” tomara un nuevo significado, hizo que las “sociedades occidentales” reaccionaran frente al aumento de la disfuncionalidad de sus propias instituciones nacionales, reacción que tuvo también su respuesta con la “emancipación” progresiva de los pueblos del Tercer Mundo, culturas y comportamientos en los más “diversos” espacios públicos.

Sin embargo, a pesar de que el comunitarismo promovía la creación de nuevos espacios públicos, estructurados por las diferencias, en lugar de serlo por la homogeneidad y la neutralidad (la nefasta “tolerancia”) liberales, esta corriente de pensamiento parece resueltamente “centrista”, esto es, opuesta a cualquier alteración radical o significativa de las relaciones sociales existentes. Puede que éste haya sido el motivo de su rápida aceptación y asimilación por las oligarquías gobernantes del mundo político y financiero.

El liberalismo, no cabe duda, ha socavado las identidades religiosas cristianas y tradicionales, pero de ninguna manera el comunitarismo, en su laicidad, pretende restablecer el carácter sagrado en los lugares públicos, o reprimir el materialismo subversivo de los intereses económicos dominantes. Del mismo modo, el feminismo puede haber socavado la institución familiar y demonizado la identidad masculina pero, una vez más, el comunitarismo, en su centralidad, no pretende el restablecimiento de la familia tradicional jerárquica, ni cuestiona los publicitarios roles emergentes de las mujeres que provocan la desvirilización del mundo. Cristianos y no cristianos, feministas y no feministas, fueron simplemente relegados a sus respectivas “comunidades”, sin ningún pensamiento real relativo a cómo estas comunidades antagónicas debían coexistir o cómo sus diferencias podían mejorar la cohesión social.

Y lo que todavía es más grave, el antiliberalismo comunitarista se fundamenta, de forma contradictoria, en uno de los más básicos principios liberales, porque, a pesar de su oposición formal a las políticas anticomunitarias del liberalismo, que favorecen el desarrollo de las fuerzas del mercado y la descomposición de las comunidades orgánicas, su llamamiento a la renovación de los vínculos comunitarios buscaba, en última instancia, la recuperación de la “sociedad civil”, la misma sociedad civil cuyos valores burgueses y mercantiles son los principios operativos básicos que inspiraron originalmente al liberalismo.

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Al igual que los posmodernistas, Alain de Benoist, por ejemplo, acepta que cada individuo pueda participar en múltiples identidades: una mujer, por ejemplo, puede ser potencialmente capaz de identificarse –sucesiva o simultáneamente– a sí misma, como una feminista, una madre, un miembro del partido demócrata, y/o una fundadora de empresa. Acepta también que las identidades subjetivas/adquiridas tengan prioridad sobre las objetivas/adscritas; y que estas identidades posmodernas, cuyas diferencias deben ser reconocidas y comprometidas en la esfera pública, se han convertido en características de las actuales “diferencias” que fluyen y explotan de forma indistinta, a diferencia de la “permanencia relativa” de las identidades históricas, clásicas o, incluso modernistas, basadas en adscripciones o afiliaciones “orgánicas”. La presunción aquí es que el lenguaje, el territorio, la familia, incluso la cultura (aun la cultura en su sentido “pluricultural”), siendo a menudo la base de las comunidades, ya no son necesarias para la formación de las identidades.

No hay necesidad, por tanto, de volver a considerar “lo que ha pasado, lo que pasa, o lo que está por pasar”. Lo que es importante es permitir y aceptar que los individuos y sus comunidades sean “diferentes” los unos de los otros, a fin de garantizar la simbiosis armónica de la “diferencia” que se les reconoce en la esfera pública, en forma de algún tipo de institucionalidad o corporativismo supervisada por el Estado. Alain de Benoist no rechaza las concepciones históricas europeas sobre la identidad y la comunidad, aunque sí que cuestiona el desarrollo jacobino de las ideas de “pueblo” o “nación”, así como las formas de sutil colonización tercermundista. Además, insiste, en que el reconocimiento de “todas” –¿todas, incluso las que niegan el reconocimiento de las identidades distintas a la suya?– las diferencias identitarias y comunitarias son un seguro para revitalizar la “ciudadanía democrática”, aunque Carl Schmitt creyera que la homogeneidad es el fundamento de la democracia. Porque, ¿es posible la democracia dentro de un Estado étnicamente fracturado, socialmente desvinculado, desterritorializado, cuyos ciudadanos carecen de una cultura común compartida y un sentido general de la herencia y el parentesco? ¡Abandonad vuestra tierra, vuestra lengua, vuestra cultura, vuestra familia, vuestro pueblo! Europa retorna a las tribus nómadas, que buscan un oasis y acaban en el bazar.

Después de todo, parece bastante controvertida la necesidad de sostener unas estructuras multiculturales que proporcionen diversas opciones a los individuos en cuanto a sus afiliaciones identitarias. Tenemos que mantener nuestro compromiso con la tradición pues, finalmente, es a ella a quien debemos, en gran parte, nuestra identidad. Proteger la herencia cultural heredada y transmitirla, en toda su riqueza, a las futuras generaciones. Desde luego, no hay que aceptar incondicionalmente, como principio, que la identidad de un individuo se identifique automáticamente con su pertenencia a una determinada comunidad, pues aquél mantiene con ésta vínculos que no ha elegido y que, en consecuencia, puede ciertamente poner en cuestión. Éste es el problema acuciante en nuestras sociedades tan complejas y multiculturales, donde la diversidad de criterios es bien patente. Desde esta perspectiva sí que puede ser válido el comunitarismo, cuando reclama sociedades homogéneas en las que los individuos que no compartan –o se resistan a compartir– un mínimo común denominador de la herencia cultural recibida y mayoritaria, sean “invitados” a “salir de la comunidad”, de la misma manera que los ciudadanos de las antiguas polis griegas practicaban el “ostracismo”.

Pero no es conveniente juzgar la bondad de ciertas prácticas socioculturales –de determinadas identidades construidas de forma ficticia y al margen de la comunidad previamente establecida– por su éxito en el mercado global del sueño neoliberal, porque ello convertiría nuestras creencias, nuestras vidas y nuestras culturas en objeto de mercancía. La identidad de “nosotros” no puede depender de la tolerancia de los “otros”.

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dimanche, 27 août 2017

Die Entzauberung der Welt

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Die Entzauberung der Welt

Stefan Martin

Ex: http://aka-blaetter.de

Immer deutlicher treten die Fehlentwicklungen der Moderne zu Tage. Werner Kunze beschäftigt sich mit der Frage, ob die Moderne noch zukunftstauglich ist. Herausgekommen ist eine brillante Analyse des herrschenden Zeitgeistes.

Das Unbehagen an der Moderne wächst. Es mehren sich die Stimmen derer, die eine kritische Bestandsaufnahme fordern. „Die herrschende Kultur des Westens ist ganz ersichtlich an immanente Grenzen gestoßen, sie ist erschöpft, wie nach einer durchtanzten Nacht, ihr Make-up rissig“ konstatiert der Bundesverfassungsrichter Udo Di Fabio in seinem 2005 erschienen Buch „Die Kultur der Freiheit“.

Die Epoche der Moderne beginnt mit der Französischen Revolution und ihrer populären Forderung nach Freiheit, Gleichheit und Brüderlichkeit. Der Königsberger Philosoph Immanuel Kant gibt den Leitspruch der Aufklärung „Sapere aude. Habe Mut, dich deines eigenen Verstandes zu bedienen“ aus. Fortan soll der Mensch ein selbstbestimmtes, von allen gesellschaftlichen und religiösen Zwängen befreites Leben führen. Ratio und Vernunft stehen im Zentrum der Bewegung. Die Aufklärer glauben zutiefst an die Veränderbarkeit der politisch-sozialen Verhältnisse. Nicht wenige, wie der Franzose Auguste Comte (1798–1867) sehen in dem aufkeimenden Zeitalter der Moderne das finale, unübertreffliche Stadium der Geschichte.

Und heute, so fragt Werner Kunze: Haben sich die weitreichenden Hoffnungen und Erwartungen der Gesellschaftsingenieure von 1789 erfüllt? Zweifellos hat der wissenschaftlich-technische Fortschritt eine bewundernswerte Verbesserung unserer materiellen Lebensverhältnisse bewirkt. Wir leben gesünder, behaglicher und komfortabler als jemals zuvor. Aber sind wir auch glücklicher? Augenscheinlich ist dem nicht so. Die rapide Abnahme der Geburtenzahl in Deutschland, das Auseinanderbrechen der Familienbande – von der Politik oft verharmlosend als Patchwork-Glück dargestellt – und die drastische Zunahme psychischer Erkrankungen wie Burn-Out und Depression sprechen für sich und können, so Werner Kunze, von Menschen guten Willens nicht länger ignoriert werden. Ein ganzes Heer von Psychologen, Psychiatern und Sozialarbeitern ist mittlerweile nötig, um die psychischen Schäden in unserer Gesellschaft wenigstens oberflächlich zu behandeln.

Der Fortschritt wird’s schon richten!

Wie stellt sich die Moderne uns heutigen Zeitgenossen dar? Der Autor nähert sich der Frage aus der Vogelperspektive, um das große Ganze besser in den Blick nehmen zu können. Er hofft so, zu übergeordneten Erkenntnissen zu gelangen, denn „wer sich nur in der Froschperspektive bewegt, braucht sich nicht zu wundern, wenn er zumeist nur Schlamm und Dreck sieht“. Zu den Charakteristika der Moderne zählt Kunze die enthemmte Beschleunigung, die Ausrichtung des einzelnen an der Masse, eine nie da gewesene Konzentration auf das Materielle mit Geld als universellem Bewertungsmaßstab sowie die offenkundige Orientierungs- und Ziellosigkeit der gesellschaftlichen Eliten. Der Fortschritt wird’s schon richten!

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Die Beschleunigung hat nahezu alle Lebensbereiche erfasst. Das Rad der Moderne dreht sich schneller und schneller. Wo das Ziel abhanden kommt, werden Tempo und Schnelligkeit zum Selbstzweck erhoben.  Besonders offenkundig wird dies in der Politik. Was heute noch im Brustton der Überzeugung verkündet wird (die Renten / die Banken etc. sind sicher, der Mindestlohn / die Wehrpflicht / die Atomkraft etc. stehen nicht zur Debatte), ist schon morgen Schnee von gestern.

Ein weiteres Kennzeichen der Moderne sieht Kunze in der Vermassung: Massenmedien, Massengeschmack, Massenverhalten. Niemand zwingt uns, groteske Casting-Shows anzuschauen und Dieter Bohlen dabei zu beobachten, wie er vor laufender Kamera Minderjährige bloßstellt. Auch unsere Daten im „sozialen Netzwerk“ Facebook hinterlegen wir ganz freiwillig. Der allseits propagierte Individualismus steht dabei in krassem Gegensatz zur freiwilligen Ausrichtung des Individuums an der Masse. Trashfernsehen, Facebook & Co. sind auffälliger Ausdruck dieses Zeitgeist-Phänomens.

Nicht zuletzt ist es die einseitige Betonung des Materiellen, die den Zeitgeist prägt. Mehr als 200 Jahre nach dem Beginn der Aufklärung hat die materialistische Weltanschauung, nach der nur das als existent gilt, was sich nach naturwissenschaftlichen (und damit vermeintlich objektiven) Gesetzmäßigkeiten erklären lässt, auf ganzer Linie gesiegt. Längst ist der Materialismus in den Bereich des Privaten übergeschwappt. Von der Beherrschung der Natur durch den wissenschaftlich-technischen Fortschritt ist es nur noch ein kleiner Schritt zur Beherrschung der zwischenmenschlichen Angelegenheiten. Menschliche Beziehungen werden verzweckt. Oder wie es der Soziologe Aldo Haesler jüngst in der ZEIT ausdrückte: „Heute dienen menschliche Beziehungen als Rohstoff, um einen künstlichen Mehrwert herzustellen. In unserer Vorstellung ist jede Beziehung ein potentielles Win-Win-Spiel.“ Networking nennt man das auf Neudeutsch.

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Immaterielle menschliche Bedürfnisse wie Geborgenheit, Liebe, Gefühle, Ästhetik und Phantasie bleiben zunehmend auf der Strecke. Völlig zu Recht beklagt der Autor eine Halbierung des Menschen: „Heute gilt es als chic, cool zu sein, nüchtern, distanziert, emotionsfrei. Wir sprechen vom falschen Pathos, kennen aber auch kein richtiges mehr. Wir sind innerlich ärmer, weil rationaler geworden.“ Den Preis für die unser gesamtes Leben durchdringende Intellektualisierung und Rationalisierung hat Max Weber bereits 1919 benannt: Die Entzauberung der Welt. Wehmütig erinnert Kunze an die nach zwei verlorenen Weltkriegen verschüttet gegangene Tradition des deutschen Idealismus. Noch Fichte, Hölderlin, Hegel und Schelling sahen den Menschen als ganzheitliches Wesen mit einem elementaren Bedürfnis nach Sinn und Methaphysik. Besonders angetan haben es ihm die deutschen Romantiker. Hier gerät Kunze nachgerade ins Schwärmen:  „Der Romantik gebührt das Privileg, sich als erste Bewegung mit den grundsätzlichen Fragen der Moderne kritisch auseinandergesetzt zu haben. Sie behält einen Ehrenplatz als eine der schönsten und sympathischsten Blüten am prächtigen Baum der deutschen Kultur- und Geistesgeschichte“. In der romantischen Hinwendung zu Gemüt, Gefühl, Freundschaft und Liebe erblickt er einen nach wie vor existenten, heute jedoch leider fast ausgetrockneten Teil der deutschen Volksmentalität. Sehr früh habe sich die deutsche Romantik gegen den kalten Rationalismus gewandt und mit Leidenschaft versucht, der Tradition, der Gefühlsseite des Menschen, der Poesie und der Musik ihren Platz zu geben.

Wie anders die heutigen Zeiten! Von Transzendenz und Religion erwarten wir schon lange keinen Halt mehr. Das letzte soziale Band in unserer Gesellschaft scheint das Geld zu sein. Wo menschliche Nähe, Empathie und Geborgenheit zum knappen Gut verkommen und Gefühle bestenfalls als peinlich gelten, fungiert das immer unsichtbarer werdende Geld als letztes Schmiermittel im Räderwerk der modernen Gesellschaft. Man mag sich gar nicht vorstellen, was passiert, wenn sich die materiellen Lebensverhältnisse – beispielsweise in Folge einer  weiteren Eskalation an den Finanzmärkten oder der plötzlichen Verknappung fossiler Energieressourcen – merklich verschlechtern.

Zu den Paradoxien der Moderne gehört, dass sich viele der aufklärerischen Ideen in ihr Gegenteil verkehrt haben. Stichwort: freie Meinungsäußerung. Heutzutage wird jeder, der gegen die vom Zeitgeist verordneten Dogmen verstößt, an den medialen Pranger gestellt. Zu diesem Dogmenbestand zählen: Das Individuum hat Vorrang vor der Gemeinschaft, alle Menschen sind prinzipiell gleich, der Mensch ist von Natur aus gut, Prägungen durch Herkunft, Abstammung, Begabung, Vererbung existieren nicht oder sind irrelevant. Wer vom vorgegebenen Tugendpfad (Thilo Sarrazin, Eva Herman) abweicht, wird zum Abschuss freigegeben. Mit Meinungsfreiheit hat das freilich nichts mehr zu tun. Die modernen Tugendwächter, die ständig auf der Lauer liegen, um Verstöße gegen die Political Correctness aufzuspüren und anzuprangern, haben augenscheinlich ihren John Stuart Mill (1806–1874) nicht gelesen. In seiner Schrift „Über die Freiheit“ weist Mill eindringlich auf die Gefahr des Despotismus über das Individuum hin: „In der Diskussion darf keine Meinung, mag sie noch so vereinzelt sein, unterdrückt werden. Denn wie können wir sicher sein, ob die Meinung, die wir uns anschicken zu unterdrücken, eine falsche Meinung ist?“ Vor der Gefahr des „Despotismus der Gesellschaft über das Individuum“ sind auch so genannte offene Gesellschaften nicht gefeit.

Eindrucksvoll führt Kunze dem Leser die Kollateralschäden der Moderne vor Augen. Jede dritte Ehe in Deutschland wird geschieden, in Großstädten gar jede zweite. 37 % aller erwachsenen Frauen leben als Single. Die Zahl der Patchwork-Familien steigt kontinuierlich. Logische Folge der Auflösung der Familienbande (im Zusammenspiel mit der rasenden Beschleunigung des Lebens) ist die starke Zunahme psychischer Erkrankungen wie Burn-Out und Depression, deren Behandlung 2008 Kosten von knapp 15 Milliarden Euro verursachte. Neben Managern, Sozialarbeitern und Akademikern sind in zunehmendem Maße Kinder und Jugendliche davon betroffen.

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Die Bilanz der 68er „Kultur“-Revolution ist verheerend

Auch die Bevölkerungsentwicklung gibt Anlass zur Sorge: Die Geburtenrate in Deutschland ist seit der 68er-Kulturrevolution um die Hälfte (!) gesunken. Demographieforscher können die weitere Entwicklung ziemlich genau vorhersagen: In 100 Jahren werden noch ca. 25 Millionen Deutsche in unserem Land leben. Der eigentliche Skandal besteht laut Kunze darin, dass „unsere Volksvertreter mitsamt den öffentlichen Medien kein Wort des Entsetzens oder auch nur des Bedauerns über die Katastrophe verlieren, dass die jahrhundertelange Geschichte der Deutschen im 21. Jahrhundert endgültig und unwiderruflich zu Ende geht.“

Die düstere Stimmungslage in Deutschland drückt sich nicht zuletzt in der wachsenden Distanz der Menschen zur Demokratie aus. Nach einer im September 2009 veröffentlichten Umfrage sind gut zwei Drittel der Deutschen überzeugt, „von den Parteien belogen zu werden.“ Jeder dritte Deutsche hat kein Vertrauen mehr in die Demokratie.

Wie konnte es dazu kommen? Die Ursachen für die besorgniserregende Entwicklung in Deutschland sieht Kunze in der 68er Bewegung, an der er kein gutes Haar lässt. Keineswegs handele es sich dabei um eine längst vergangene Protestbewegung Flower Power bewegter Studenten, sondern um manifestierten Zeitgeist. Dieser trete als „unsichtbarer Dirigent auf, den niemand ausdrücklich gerufen hat, dem sich aber fast alle beugen.“ Als Ahnherren der 68er Bewegung macht Kunze den Philosophen Jean Jacques Rousseau (1712–1778) aus. In dessen 1755 veröffentlichter Schrift „Abhandlung über den Ursprung der Ungleichheit unter den Menschen“ stellt Rousseau die Behauptung auf, der Mensch sei von Natur aus gut und erst durch Kultur und Zivilisation verdorben worden. Anders ausgedrückt: Wenn wir den guten Menschen wieder auffinden wollen, müssen wir zur Natur zurück. Die 68er-Adepten der Frankfurter Schule um Adorno, Horkheimer und Marcuse griffen Rousseaus These vom „guten Menschen im Naturzustand“ begierig auf und verleibten sie ihrer verqueren Philosophie ein. Seither gehört es zur festen Überzeugung der 68er und ihrer Nachfahren im Geiste, den Menschen von den Zwängen und Verpflichtungen des Staates, der Arbeit, der Familie, der Gesellschaft etc. zu befreien.

Tatsächlich trifft Kunze hier einen wunden Punkt. Das Gesellschaftsbild der 68er beruht auf einem naiven und vollkommen realitätsfremden Menschenbild. Die Mär vom „edlen Wilden“ ist durch moderne Forschung längst widerlegt (selbst den Hippies ist es mit Drogenunterstützung nicht gelungen, dem paradiesischen Naturzustand näher zu kommen). In der Abrechnung mit der 68er Generation entfacht Kunze einen wilden Furor. Ihre Weigerung, die Ambivalenz des Menschen anzuerkennen, zeuge von mangelndem Realitätssinn und ideologischer Verblendung. Der Mensch sei eben nicht nur vernünftig und gut, sondern bisweilen auch egoistisch, verantwortungslos und niederträchtig. Mit Verve prangert er die Radikalität an, mit der die 68er gewachsene kulturelle Errungenschaften, angefangen von bürgerlichen Tugenden bis hin zu staatlichen Institutionen, zerstört haben.

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Es gibt sie noch, die blaue Blume

Die Symptome sind damit benannt. Doch welche Therapie empfiehlt Kunze? Es geht nicht ohne die Ergänzung durch die Kant’sche Pflichtethik, insbesondere nicht ohne die Ausrichtung am Gemeinwohl. Es geht nicht ohne die Reaktivierung von bürgerlichen Tugenden wie Fleiß, Anstand, Verlässlichkeit und Verantwortungsbewusstsein. Es geht nicht ohne die Rückbesinnung auf bewährte Traditionen. Es geht zuallerletzt nicht ohne die Rückeroberung der Meinungsmacht im Lande.

Und des Autors persönlicher Wunsch? „Eine gewisse Rückbesinnung auf die Romantik. Von Zeit zu Zeit und bei passender Gelegenheit. Es gibt sie noch, die blaue Blume, sie hat sich nur vor den profanen Blicken versteckt.“

Werner Kunze: „Die Moderne. Ideologie, Nihilismus, Dekadenz”.  Bublies Verlag 2011, 336 S., 19,80 Euro.

Stefan Martin

geb. 1979, Ingenieur, VDSt Freiberg.

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vendredi, 26 mai 2017

Baudelaire et la conspiration géographique

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Baudelaire et la conspiration géographique

par Nicolas Bonnal

Ex: http://www.dedefensa.org 

Lisons les Fleurs de Baudelaire moins bêtement qu’à l’école. Et cela donne :

Le vieux Paris n’est plus (la forme d’une ville

Change plus vite, hélas ! que le cœur d’un mortel)…

On est dans les années 1850, au début du remplacement haussmannien de Paris. Baudelaire comprend ici l’essence du pouvoir proto-fasciste bonapartiste si bien décrit par son contemporain Maurice Joly ou par Karl Marx dans le dix-huit brumaire. Et cette société expérimentale s’est étendue à la terre entière. C’est la société du spectacle de Guy Debord, celle ou l’Etat profond et les oligarques se mêlent de tout, en particulier de notre « environnement ». C’est ce que je nomme la conspiration géographique.

La conspiration géographique est la plus grave de toutes. On n’y pense pas assez, mais elle est terrifiante. Je l’ai évoqué dans mon roman les territoires protocolaires. Elle a accompagné la sous-culture télévisuelle moderne et elle a créé dans l’ordre :

• Les banlieues modernes et les villes nouvelles pour isoler les pauvres.

• Les ghettos ethniques pour isoler les immigrés.

• La prolifération cancéreuse de supermarchés puis des centres commerciaux. En France les responsabilités du gaullisme sont immenses.

• La hideur extensive des banlieues recouvertes d’immondices commerciaux ou « grands ensembles » conçus mathématiquement.

• La tyrannie américaine et nazie de la bagnole pour tous ; le monde des interstates copiés des autobahns nazies qui liquident et recouvrent l’espace millénaire et paysan du monde.

• La séparation spatiale, qui met fin au trend révolutionnaire ou rebelle des hommes modernes depuis 1789.

• La décrépitude et l’extermination de vieilles cités (voyez Auxerre) au profit des zones péri-urbaines, toujours plus monstrueuses.

• La crétinisation du public et sa déformation physique (le docteur Plantey dans ses conférences parle d’un basculement morphologique) : ce néo-planton est en voiture la moitié de son temps à écouter la radio.

• La fin de la conversation : Daniel Boorstyn explique dans les Américains que la circulation devient le sujet de conversation numéro un à Los Angeles dans les années cinquante.

Dans Slate.fr, un expert inspiré, Franck Gintrand, dénonce l’horreur de l’aménagement urbain en France. Et il attaque courageusement la notion creuse et arnaqueuse de smart city, la destruction des centres villes et même des villes moyennes, les responsabilités criminelles de notre administration. Cela donne dans un de ses derniers textes (la France devient moche) :

« En France, cela fait longtemps que la survie du commerce de proximité ne pèse pas lourd aux yeux du puissant ministère de l’Economie. Il faut dire qu’après avoir inventé les hypermarchés, notre pays est devenu champion d’Europe des centres commerciaux. Et des centres commerciaux, ça a quand même beaucoup plus de gueule que des petits boutiquiers… Le concept nous vient des États-Unis, le pays des «malls», ces gigantesques espaces dédiés au shopping et implantés en banlieue, hermétiquement clos et climatisé. »

Il poursuit sur l’historique de cet univers totalitaire (pensez à Blade runner, aux décors de THX 1138) qui est alors reflété dans des films dystopiques prétendant décrire dans le futur ce qui se passait dans le présent.

La France fut ainsi recouverte de ces hangars et autres déchetteries architecturales. Godard disait que la télé aussi recouvrait le monde. Gintrand poursuit à propos des années soixante:

« Pas de centres commerciaux et multiples zones de périphérie dans «La France défigurée», célèbre émission des années 70. Et pour cause: notre pays ne connaissait à cette époque que le développement des hypermarchés (le premier Carrefour ouvre en 1963). On pouvait regretter l'absence totale d'esthétique de ces hangars de l'alimentaire. »

Le mouvement est alors ouest-européen, lié à la domination des trusts US, à la soumission des administrations européennes, à la fascination pour une fausse croissance basée sur des leurres (bagnole/inflation immobilière/pseudo-vacances) et encensée par des sociologues crétins comme Fourastié (les Trente Glorieuses). Dans les années cinquante, le grand écrivain communiste Italo Calvino publie un premier roman nommé la Spéculation immobilière. Ici aussi la liquidation de l’Italie est en marche, avec l’exploitation touristique que dénonce peu après Pasolini, dans ses si clairvoyants écrits corsaires.

En 1967, marqué par la lecture de Boorstyn et Mumford, Guy Debord écrit, dans le plus efficace chapitre de sa Société du Spectacle :

« Le moment présent est déjà celui de l’autodestruction du milieu urbain. L’éclatement des villes sur les campagnes recouvertes de « masses informes de résidus urbains » (Lewis Mumford) est, d’une façon immédiate, présidé par les impératifs de la consommation. La dictature de l’automobile, produit-pilote de la première phase de l’abondance marchande, s’est inscrite dans le terrain avec la domination de l’autoroute, qui disloque les centres anciens et commande une dispersion toujours plus poussée».

Kunstler a très bien parlé de cette géographie du nulle part, et de cette liquidation physique des américains rendu obèses et inertes par ce style de vie mortifère et mécanique. Les films américains récents (ceux du discret Alexander Payne notamment) donnent la sensation qu’il n’y a plus d’espace libre aux Etats-Unis. Tout a été recouvert de banlieues, de sprawlings, de centres commerciaux, de parkings (c’est la maladie de parking-son !), d’aéroports, de grands ensembles, de brico machins, de centrales thermiques, de parcs thématiques, de bitume et de bitume encore. Voyez Fast Food nation du très bon Richard Linklater.

Je poursuis sur Debord car en parlant de fastfood :

« Mais l’organisation technique de la consommation n’est qu’au premier plan de la dissolution générale qui a conduit ainsi la ville à se consommer elle-même. »

On parle d’empire chez les antisystèmes, et on a raison. Ne dit-on pas empirer ?

Je rappelle ceci dans mon livre noir de la décadence romaine.

« Pétrone voit déjà les dégâts de cette mondialisation à l’antique qui a tout homogénéisé au premier siècle de notre ère de la Syrie à la Bretagne :

« Vois, partout le luxe nourri par le pillage, la fortune s'acharnant à sa perte. C'est avec de l'or qu'ils bâtissent et ils élèvent leurs demeures jusqu'aux cieux. Ici les amas de pierre chassent les eaux, là naît la mer au milieu des champs. En changeant l'état normal des choses, ils se révoltent contre la nature. »

Plus loin j’ajoute :

Sur le tourisme de masse et les croisières, Sénèque remarque :

« On entreprend des voyages sans but; on parcourt les rivages; un jour sur mer, le lendemain, partout on manifeste la même instabilité, le même dégoût du présent. »

Extraordinaire, cette allusion au délire immobilier (déjà vu chez Suétone ou Pétrone) qui a détruit le monde et son épargne :

« Nous entreprendrons alors de construire des maisons, d'en démolir d'autres, de reculer les rives de la mer, d'amener l'eau malgré les difficultés du terrain… »

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Je laisse Mumford conclure.

« Le grand historien Mumford, parlant de ces grands rois de l’antiquité, parle d’une « paranoïa constructrice, émanant d’un pouvoir qui veut se montrer à la fois démon et dieu, destructeur et bâtisseur ».

Bibliographie

Bonnal – Les territoires protocolaires ; le livre noir de la décadence romaine ; les maîtres carrés

Debord – La société du spectacle

Kunstler – The long emergency

Mumford – La cité dans l’histoire (à découvrir absolument)

jeudi, 25 mai 2017

Cicero’s “On Old Age” and Modernity’s Obsession with Newness

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Cicero’s “On Old Age” and Modernity’s Obsession with Newness

Ex: https://neociceroniantimes.wordpress.com 

I don’t believe that it will come as a surprise to most readers that Western Civilization is obsessed with the idea of being “modern,” and has been for quite a while. Concomitant with this concept is that of “newness.” If something is new, then this is equated with it being better. Conversely, things which are old are viewed as out-of-date or even useless.  This mentality has wormed its way into practically every facet of life in the West. Indeed many of our industries operate on the principle of planned obsolescence – purposefully engineering their products to be superseded buy newer models on a regular basis.

Coupled with this tendency is the one similar to it that fetishizes youth while disdaining old age. Our shallow societies equate youth with beauty, and give preference to those in our societies who have the least knowledge and wisdom. Youthful foolishness is honored over staid, grumpy old wisdom. Westerners spend billions of dollars every year on surgeries and pharmaceuticals, vainly trying to stave off the inevitable effects of both entropy and their degenerate lifestyles.  Nearly the entirety of our entertainment, advertising, and related establishments are focused on catering to the young – when is the last time you saw an older person hawking the latest electronic gadget or starring in the hottest new sitcom?

In his essay “On Old Age,” Cicero lauds the blessing of the aged, giving four reasons why men fear growing old and then refuting those reasons.

First, there is the reason that old age withdraws a man from the public life.  Because he is not as physically vigourous, an old man could not participate in the wars and other employments requiring bodily strength.  Yet, to this Cicero rejoins that there were many, many examples of old men still active in the public life who rendered great services to the state through their passion, oratory, and wisdom.  Though the sword arm may be enfeebled, the swords of the tongue and the mind need not be dulled in the least.

Second, old age saps the bodily strength of a man.  Yet, as Cicero through the elder Cato argues, though this is often the case, it is not always so.  Even when it is, old men bring forth other areas of strength in which they exercise power with others – dignity, influence, paternal authority, knowledge, erudition, wisdom.  These allow them to act in ways even greater than those who merely depend on physical strength.

Third, there is the reason that old age deprives a man of the enjoyment of sensual pleasures.  Yet, Cicero points out that the aged should be thankful for this, rather than regretting it.  Sensual pleasures generally corrupt a man, being the author of innumerable evils ranging from adulteries to treason.  If a man did not train himself through philosophy to eschew these pleasures anywise, then he ought to be glad that old age deprives him of them.  Yet, the old man may still enjoy the pleasures of intellectual attainments, of philosophy and literature and the cultivation of his property and family.  So while old age robs a man of the evil, it leaves him in possession of the capability to enjoy the good.

Fourth, old age brings one nearer to death than other men.  Yet, as the author notes, death comes to us all, and none will enjoy the possession of this life for very long in the grand scheme of things.  A great-souled man will not fear what he cannot escape anywise, but will instead strive to act in such a way as to bring the most good through his life at every stage of it, in the ways most appropriate to each of its seasons.

These four reasons are generally complementary, and while he examines them in detail, they may essentially be boiled down to the fact that old age allows a man full access to the wisdom of both study and experience. Leading the contemplative, examined life is indeed easiest for the hoary head.  At the same time, the exercise of his wisdom – in giving counsel, in providing the sum of his wisdom through the influence of oratory, of passing on his accumulated knowledge and the perspicacity that comes with long exercise of his foresight and judgment – allows him to lead the active life even while physically weakened.  In a sense, he is able to participate in both of Evola’s “two paths.”

Cicero’s observations are indeed in very good accord with what we may observe in Traditional societies. Unlike cultures ravaged by modernism, Traditional societies do not view their elders as burdens or as hindrances.  Instead, the elders are the repositories of their society’s collective shared wisdom.  Equally as important, they are the vehicles through which this wisdom is passed on to future generations. There are very good reasons why kings and generals were often attended by councils of elders.

This may be seen in Cicero’s own Roman Republic.  The word “senate” derives from the Latin root senex, meaning “old, aged” and by connotation describe old men who were full of wisdom.  The Senate as originally constituted was intended to be a source of council for the executive, a place where the collective wisdom of aristocrats who had spent their lives in service to the state could be drawn upon by the consuls tasked with leading the nation.

In Cicero’s day – as in our own – this reverence for age and wisdom was passing away.  Much of this was because Roman society was falling into the trap of idolising youth without requiring either manly vigour or sound wisdom from it.  One need only look at the relative leniency with which Clodius Pulcher, of bona dea and trial for incest fame, was dealt and his ability to secure the exile of Cicero later on.  Clodius was so popular with the plebs, in part, because his youthful beauty and sexual magnetism ingratiated him with an increasingly frivolous and trivially-minded populace.  However, another cause for the Republic’s decadence was that her old men were acting foolishly, pursuing individual ambition at the expense of the state and nation.  Much like the Baby Boomers in America, the people in Roman society who should have been passing on timeless wisdom were merely passing time pleasing themselves with flippancy.

The Scripture hints at the divide between the two types of elders when it says,

“The hoary head is a crown of glory, if it be found in the way of righteousness.” (Proverbs 16:31)

The grey hairs are the corona of golden grandeur surrounding the head of the wise and majestic elder who follows the path of wisdom and righteousness.  Yet, what a cause for shame and disgrace is it for an elder to be found in frivolity, puerility, and waste!

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The inordinate amount of money which Westerners spend on try to hide the effects of age and extend their youth has already been mentioned above.  Unfortunately, Westerners also spend billions of dollars hiding our elders away in nursing homes and other facilities which are designed to replace traditional familial piety and enable the children to live lives just a little bit freer from their responsibilities.  Nursing homes are perhaps the perfect storm of ways in which our wrongheaded society deals with our elders.  In these facilities, our elders are shuffled off to die, treated like children, abused by the scum of our society – there is no pursuit of their knowledge and experience, no respect for their exalted status.  That this is the case, in light of the decades-long trends in our societies, should not be surprising, for reasons which are quite manifest.  Age demands things like responsibility, maturity, and faithfulness.  Our youth- and pleasure-centered societies today prefer to shift their burdens onto others while living for themselves for as long as they possibly can.

Even aside from its treatment of people, the West worships newness in other ways while unmooring itself from tradition, experience, wisdom, and what is old and tried.  We see this even in the very architecture of the buildings constructed in recent years.  For centuries, the West built beautiful buildings, finely proportioned and richly decorated, as befitting a civilisation full of confidence in itself.  This architecture built upon millennia of traditional forms and consciously sought to connect the present with the past.  Now, we build angular, disjointed monstrosities which no sane or reasonable person could ever call “beautiful.”

In our literature, the West has abandoned timeless forms in poetry and prose in favour of “free verse” and “stream of consciousness” and other modernistic forms.  In our music, we’ve replaced musical forms that invigourated the soul and spirit and which celebrated our history and cultural legacy with repetitive, pre-packaged garbage appealing only to the flesh.  In our education system, we have replaced the traditional curricula and classical learning with useless electives on one hand, and with such narrow specialisations in technical fields on the other that the students are functionally retarded in any area outside their specialty.

All of this combined – the casting off of the anchors of our cultural traditions with their nobility and cultivation – is why very few know, and even fewer really understand, our history.  “History” is the very opposite of today’s zeitgeist that worships at the altar of modernity and innovation.  History, by its very nature, turns the eye back to the past, demanding that the soul learn from those who have gone on before.  When the focus of your attention only goes back a few months, it’s hard to connect with music, poetry, architecture, or philosophy which is centuries old.  And when your primary concern is getting the latest iPhone so that millennials will think you’re “with it,” it’s hard to be sympathetic to your elders who are there, just waiting to pass on to you our combined civilisational wisdom, if only you’d have the sense to receive it.

Restoring a reverence for the elders of our society – and doing so in a timely enough fashion that the elders remaining will be ones with any traditional wisdom left to pass on – ought to be a long-term goal for Traditionalists and neoreactionaries.  The idolatry of youth must give way once again to the veneration of the elders.  This is a shift in polarity which will go completely against the grain of so-called modern society.  Yet, it is one which must take place – and which we must encourage at every step and in every way we can – if the good and noble elements of our civilisation are to be preserved for future generations.

samedi, 26 novembre 2016

Montesquieu et la naissance du crétinisme médiatique

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Montesquieu et la naissance du crétinisme médiatique

par Nicolas Bonnal

Ex: http://www.dedefensa.org

Que Donald Trump aura fait couler d'encre odieuse et imbécile ! Que Fillon est méprisé, que le vénéneux Juppé est encensé ! Que le Brexit fut sous-estimé !

Mais pourquoi la presse française – ou même anglo-saxonne - est-elle si nulle ? Un peu d'histoire.

En 1721 Montesquieu publie les lettres persanes, ouvrage destiné à être bouquiné par le public décalé, jouisseur et rigolard de la Régence. Le livre est lu par une « élite » qui est déjà celle d’aujourd’hui, bourgeoise, collabo, humoriste.

esprit_des_lois.jpgLe bouquin devient un classique, sans que l’on ait compris pourquoi, au milieu de cette littérature du dix-huitième siècle décadent, si proche de nos marottes et de nos caprices de vieux. Le livre recycle le style journalistique venu d’Angleterre, comme toute la décadence française et même européenne, le matérialisme et la superficialité. A la même époque, dans un article passionnant (je l’ai étudié ailleurs), Jonathan Swift se demande par quoi on va remplacer le christianisme en Angleterre ; ou comment le bourgeois british aux affaires pourrait se nourrir d’enfants irlandais (en 1846 ce même bourgeois libéral le prendra au mot). C’est le même bourgeois libéral qui veut déclencher une guerre contre la Russie – pour protéger ses Indes ou la Turquie ottomane - durant tout le dix-neuvième siècle ! Car le gouvernement anglais obéit à sa presse, remarque Tocqueville dans ses Souvenirs. Surtout quand il s’agit de faire la guerre à la Russie.

Ce qui est le plus marrant dans le style journalistique, c’est qu’il ne sait pas quand il dit la vérité (« le vrai est un moment du faux »). L’homme moderne, comme a dit Soljenitsyne à Harvard, ne sait pas s’il est vivant, et le journaliste occidental ne sait pas quand il dit vrai. Sur Montesquieu et son style incisif, sa lucidité parfois réelle, on peut citer cette phrase mémorable des Commentaires de Debord :

« Il est vrai que cette critique spectaculaire du spectacle, venue tard et qui pour comble voudrait « se faire connaître » sur le même terrain, s’en tiendra forcément à des généralités vaines ou à d’hypocrites regrets ; comme aussi paraît vaine cette sagesse désabusée qui bouffonne dans un journal. »

Mais Montesquieu reste peut-être avec Molière le seul classique qui nous quitte les remords de ne pas être né avant, à cette époque, in illo tempore, comme on dit chez Virgile. Et ce n’est pas un compliment, car nous sommes déjà postmodernes à son époque.

lettrespers.jpgReprenons le scolaire et incompris passage sur les persans à Paris. Ils deviennent des célébrités exotiques et on les « reproduit ». On est dans une société de l’image, de la curiosité extatique momentanée, de la pensée jetable, de l’icône culturelle :

« Chose admirable ! Je trouvais de mes portraits partout ; je me voyais multiplié dans toutes les boutiques, sur toutes les cheminées, tant on craignait de ne m'avoir pas assez vu. »

La société de la Régence rompt avec le Grand siècle, Bossuet et Louis XIV. On récolte les escroqueries financières, la déprime de Watteau, la culture du badaud amusé, les casinos de Manon Lescaut et le libertinage en attendant la Révolution. Les lettres persanes sont en grande partie faites des cancans du harem, des minettes préférées, des eunuques bavards et du reste qui annonce nos reality-shows. On n’y possède pas encore de gadgets Apple, mais c’est tout comme :

« Si j'étais aux spectacles, je voyais aussitôt cent lorgnettes dressées contre ma figure : enfin jamais homme n'a tant été vu que moi. Je souriais quelquefois d'entendre des gens qui n'étaient presque jamais sortis de leur chambre, qui disaient entre eux : Il faut avouer qu'il a l'air bien persan. »

On remarque dans ce texte finalement les préoccupations très people de ces beaufs qui veulent être tenus au courant du dernier perçant venu à paris, en attendant celles sur le persan bombardé par l’Hillary Air Force. Le fait de tous faire mécaniquement la même chose, au siècle de l’homme-machine de La Mettrie ou de Vaucanson ne fait peur personne, bien au contraire ! Être branché, être au courant, être réactif, c’est faire comme le troupeau. Pouchkine se moque de ce tropisme anglo-français dans Eugène Onéguine, quand il dénonce le mimétisme russe – dans ses premiers chapitres. C’est l’apophtegme de la démocratie libérale et libertaire : sois toi-même, donc fais comme tous. Il faut être là où ça bouge, c’est-à-dire là où ça s’entasse. Montesquieu au passage du pape, « vieille idole que l’on encense par habitude ; il se moque du roi, « grand magicien en matière monétaire », qui fait croire qu'un égale deux. Et sur la mode ?

« Je trouve les caprices de la mode, chez les Français, étonnants. Ils ont oublié comment ils étaient habillés cet été ; ils ignorent encore plus comment ils le seront cet hiver : mais surtout on ne saurait croire combien il en coûte à un mari, pour mettre sa femme à la mode. »

Ces phrases sont étonnantes de lucidité inconsciente. Montesquieu annonce le présent permanent des penseurs post-hégéliens les plus profonds comme le russe Kojève ou notre Guy Debord. Son texte marque aussi une indifférence générale, un assoupissement citoyen, cette « anesthésie » postmoderne, comme dit l’historien Stanley Payne de l’Espagne.

Montesquieu décrit donc ce déraillement postmoderne et cette  crétinisation médiatique du monde, et il illustre à merveille ce « plus petit des siècles » (dixit Léon Bloy) qui n'arrête pas de se reproduire depuis, comme les portraits de son persan et les pages des journaux idiots, snobs et branchés qui aboutirent à la plus cruelle et surtout plus inutile Révolution de l’histoire. Ces mêmes journaux gavés par les oracles néocons demandent aujourd’hui et la hausse de la bourse (pour eux l’économie n’existe plus) et la guerre contre la Russie – ou contre le pauvre Iran.

Un con ça ose tout disait Audiard avec raison ; mais il faut ajouter qu’un con ça ose tout dans tous les domaines. On ne le voit que trop de ce côté-ci de l’Atlantique ou de la Volga maintenant.

mercredi, 05 octobre 2016

De moderniteit als mislukt experiment

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De moderniteit als mislukt experiment

door Jonathan Van Tongeren

Ex: http://www.novini.nl

De moderne mens leeft in een hiaat, zo oordeelt de Duitse filosoof Peter Sloterdijk. In zijn briljante en tegelijk verontrustende boek ‘De verschrikkelijke kinderen van de nieuwe tijd’ zet hij zich aan het uitmeten van dit hiaat.

Voor Sloterdijk is de moderniteit het gevolg van het hiaat. Als Sloterdijk van hiaat spreekt, dan bedoelt hij het proces van het opbreken van tradities en het afbreken van verwantschappen. Waarlijk modern is derhalve naar zijn overtuiging “dat vanuit het niets het tot dan toe overtuigde leven, dat in de experimenterende omgang met zichzelf het besluit verwerkelijkt, de verschoten traditie door intensieve hypothesen te vervangen.”

slotkinder42435.jpgSloterdijk verbindt dit hiaat ook concrete historische gebeurtenissen vast. Zo heeft in de Franse Revolutie, met haar voorlopige hoogtepunt in de executie van koning Lodewijk XVI op 21 januari 1793, de breuk met alles wat geweest is zijn definitieve manifestatie gevonden.

Sloterdijk trekt vervolgens de lijn van deze breuk en zijn gevolgen door, via Napoleon tot aan de Russische Oktoberrevolutie en de moord op de Romanovs. Zijn oordeel met betrekking tot deze gebeurtenissen kon nauwelijks harder uitvallen: Zonder het hiaat, dus zonder 1789 en 1793, hadden Napoleon noch Stalin een kans gehad.

Het tijdperk van de reparaties

Tegen deze achtergrond mag het niet verwonderen dat Sloterdijk ook geen goed woord over heeft voor de politici van tegenwoordig, die logischerwijze eveneens producten van het hiaat van 1789 zijn. “Waar de moderniteit het tijdperk van de projecten was, bewijst zich de postmoderniteit als het tijdperk van de reparaties. [..] Waar vooruitgang en reactie de leidende begrippen van de 19e eeuw waren, zijn lapwerk en reparatie die van de 21e eeuw. Grotere politiek lijkt nog slechts in de vorm van uitgebreide pechservice mogelijk.”

Maar waarom is dat zo? Waarom kan politiek tegenwoordig niets meer tot stand brengen, maar nog slechts repareren en zodoende noodzakelijkerwijs mank gaan? Het antwoord levert Sloterdijk in de vorm van wat hij ‘de beschavingsdynamische hoofdregel’ noemt: “In het wereldproces na het hiaat worden voortdurend meer energieën los gemaakt dan onder vormen van tot overlevering in staat zijnde beschaving gebonden kunnen worden.”

Deze zin barst van het Sloterdijkiaanse taalgebaar, waarvan we toe moeten geven dat ze niet altijd meteen eenvoudig te begrijpen is. De filosoof slaagt er zo echter in het hele drama van de moderne mens in één zin te condenseren. Het gaat er om dat de moderne mens steeds met meer te maken krijgt dan hij verwerken kan. De moderne mens laat het zodoende vrijwillig afweten.

De breuk met het verleden was immers een vrije keuze van de mens, die hem vandaag de dag steeds vaker op de knieën dwingt: “Alleen de ontkrachting van het verleden [..] bewerkt dat mensen zichzelf vrij moeten ‘uitkiezen’ of ‘uitvinden’. De vrijen zijn niet alleen diegenen die zich van een heer ontdaan hebben. Ze zijn ook diegenen die men zonder verklaring op straat heeft gezet.”

Diegenen die op straat zijn achtergelaten zijn voor Sloterdijk de ‘verschrikkelijke kinderen van de nieuwe tijd’. Falende opvoeding en vrijwillige zelfontaarding van vaders en moeders zijn hiervan voor Sloterdijk overigens niet meer dan een symptoom. Hij bedoelt met de verschrikkelijke kinderen al diegenen die kinderen van hun tijd moeten worden omdat ze zo graag met tradities breken of het zonder klagen accepteren wanneer anderen dat voor hen doen. Wie geen bindingen heeft en geen bindingen erkennen wil, is verloren en moet toegeven aan wat de tijd waarin hij leeft hem opdringt als schema voor denken en handelen.

Als men Sloterdijk volgt in zijn analyse van wat hij in de ondertitel van zijn boek het ‘antigenealogische experiment van de moderniteit’ noemt, dan is dat experiment in ieder opzicht mislukt. Zelfs links, dat in zijn ambities voor experimenteren met de mens het meest gedurfd was, wist volgens Sloterdijk geen enkel succes te boeken. Wel integendeel, links is naar zijn mening de politieke manifestatie van de mislukking om de grootheden ‘partij’ en ‘klasse’ op elkaar af te stemmen.

De vraag die overblijft, is die naar redding; of uitredding uit het experiment van de moderniteit mogelijk is en zo ja hoe. Sloterdijks antwoord kon niet eenduidiger zijn. Wie zich ervoor behoeden wil een kind van zijn tijd te worden, die mag niet toegeven aan hen die de breuk met de traditie tot een onomstotelijk dictum willen verheffen. Want voor het in-de-wereld-zijn is er ook wat Sloterdijk betreft geen alternatief. Ieder mens en dus ook de mens in de nieuwste tijd heeft het echter in de eerste plaats zelf in de hand hoe hij zich in dit bestaan inricht. Deze autonomie zou hij nooit op moeten geven.

N.a.v. Die schrecklichen Kinder der Neuzeit. Über das anti-genealogische Experiment der Moderne (Suhrkamp Verlag, 2014), hardcover, 489 pagina’s. In het Nederlands verschenen als: De verschrikkelijke kinderen van de nieuwe tijd (Uitgeverij Boom, 2015), paperback, 352 pagina’s.

 
 

samedi, 17 septembre 2016

Robert Stark interviews Keith Preston about Thinkers Against Modernity

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Robert Stark interviews Keith Preston about Thinkers Against Modernity

Robert Stark and co-host Alex von Goldstein interview Keith Preston about his book Thinkers Against Modernity

Topics include:

KP-th-1.jpgHow the book is an examination of thinkers critical of modernity from a value neutral perspective

How Keith is influenced by the intellectual tradition of the enlightenment, yet finds value in traditionalist critiques of modernity

Julius Evola as the purest critique of modernity

How the Right tends to have a pessimistic view of the present and idealizes a particular era of the past(ex. Julius Evola the 8th Century BC, Nietzsche the Sophist era in Ancient Greece, Traditional Catholics the Middle Ages, and mainstream conservatives the 1950’s or Reagan Era)

Defining characteristic of the Right include rejection of social change, egalitarianism, and universalism, and a fixed view of human nature

Nietzsche’s point that ideologies become new religions, and how the modern politically correct left is a new moralistic religion rather than genuine liberalism or Marxism

Aleister Crowley’s aristocratic individualism, and his view that capitalism and mass democracy degraded a genuine cultural elitism

The Distributist G.K. Chesterton and Hilaire Belloc, their views on the distribution of capital, and their critic of capitalism as degrading traditional values

Carl Schmitt’s view that democracy was incompatible with liberal individualism

How Carl Schmitt subscribed to the realist school of though and viewed the

United States as having an ideologically driven foreign policy

The United States as a nation founded on Classical Liberalism and the Enlightenment

The European New Right, how it was founded in the late 1960’s as a counter to the New Left, fusing aspects of the New Left with the conservative revolution of the interwar period

How the New Right tried to appeal to the left on issues such as anti-globalization, anti-consumerism, anti-imperialism, and environmentalism

The New Right’s critique of political correctness, feminism, and mass immigration as being products of capitalism

Noam Chomsky on capitalism and anti-racism

The American Alternative Right, how it is influenced by the European New Right, and how it is different

Guillaume Faye’s Archeo-Futurism and futurist thought on the right

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mercredi, 31 août 2016

Conférence: révolte contre le monde moderne!

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jeudi, 21 juillet 2016

La haine du moderne pour le secret

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La haine du moderne pour le secret

Le problème d’une société qui prône la transparence n’est pas seulement qu’elle bannit toute vie privée, mais qu’elle encourage le bourgeois à dévoiler impudiquement sa transparente existence intérieure.

[Cet article est paru initialement dans le troisième numéro de la revue Limite]

Nous savons, depuis la publication de La France contre les robots en 1947, que la civilisation moderne est une « conspiration contre toute espèce de vie intérieure ». Mais ce que Georges Bernanos n’a pas eu le temps d’observer, c’est l’inversion, le retournement – qu’il n’aurait pas hésité à qualifier de satanique – de la vie intérieure en exhibition. Car il y a une haine du moderne pour le secret. À raison : l’immatériel est son contraire et le spirituel son ennemi héréditaire. Comment dès lors avoir prise sur ce qui, par définition, lui échappe ? La réponse est toute trouvée : externaliser, si l’on peut dire, la vie intérieure, la retourner comme un gant pour la rendre perméable aux injonctions de la société technicienne.

Aujourd’hui, la vie intérieure, pour assurer son salut, ne doit plus seulement faire face à la forme primitive de la civilisation des machines – c’est-à-dire sa négation même – mais à sa forme raffinée. L’ultime ruse du monde moderne consiste à singer le sentiment, à faire croire qu’il existe toujours là où il a disparu depuis bien longtemps. Faux émois sur les réseaux sociaux, mises en scène compassionnelles dans les médias, disparition progressive du surmoi chez les individus… Le nouvel impératif est le suivant : « Exprimez vos sentiments ! » Les exprimer à défaut de les éprouver bien entendu. La vie intérieure n’est plus valorisée que sous une forme paradoxale. Alors que la beauté du sentiment résidait précisément dans le secret – soustrait au regard d’autrui, il renvoyait à la vie de l’âme et au mystère de l’esprit – il est désormais livré en pâture. La tromperie moderne consiste à faire croire que le sentiment a plus de valeur parce qu’il est livré. Pire, le seul sentiment valable – réel – serait le sentiment partagé.

Or, éprouver un sentiment n’implique pas qu’il faille l’exprimer et exprimer un sentiment n’implique pas qu’on l’éprouve. Les Anciens avaient bien compris que l’être véritable était voilé. Leur ontologie fonctionnait sur le mode du dévoilement. Par conséquent, le voilé était condition de possibilité du dévoilé, l’inconnu était condition de possibilité du connu. Appliquons ce schéma à la vie intérieure et faisons l’apologie du secret ! Pas de sentiment véritable qui ne soit au préalable caché, pas de sentiment véritable s’il est d’abord exprimé. Les pleureuses qui sévissent sur les réseaux sociaux s’apitoient sur la toile avant de se demander si cela vaut la peine de verser de vraies larmes. Les indignés sur commande le sont-ils toujours quand les caméras de télévision disparaissent ? Le subterfuge des machines fonctionne à la perfection : les robots sont devenus le réceptacle de nos sentiments qu’ils vident de leur teneur en même temps qu’ils les laissent se déverser.

La noblesse de la dissimulation

Cela ne veut pas dire que l’expression des sentiments conduise nécessairement à l’inauthenticité. Il est, par exemple, possible d’exprimer un sentiment malgré soi. En effet, le corps peut trahir la vie intérieure quand la joie ou la tristesse produisent des larmes. Cette faille n’est pas en soi un danger, elle ne fait que rappeler l’union intime de l’âme et du corps. Autre cas : lorsque la personne en question fait le choix de se confier. La confidence implique une extension du secret et non sa négation. Dans la confidence, je livre mon secret en tant que tel dans le cadre d’une relation de confiance. Dès lors, j’entends bien que mon secret en reste un. À l’inverse, le sentiment qui s’exhibe sur la place publique est suspect. Plus précisément, c’est sa sincérité qui devient, à juste titre, suspecte. Qu’est-ce qu’un sentiment qui se montre à la vue de tous ? Un sentiment qui est confié sans confident ? La vie intérieure, malgré les exceptions évoquées ci-dessus, implique qu’elle ne soit accessible qu’à celui qui l’éprouve.

LBportrait1.gifFace à la hideur morale de l’exhibition, il est urgent de revaloriser la noblesse de la dissimulation. La souffrance intérieure est la plus belle car elle implique un courage. Il y a une lâcheté dans l’exhibition, une volonté de se délester d’un poids. Mais surtout un mensonge : volonté de montrer qu’on éprouve des sentiments alors qu’ils sont marqués du sceau de l’inauthenticité. Ne pas confondre la faiblesse de celui qui flanche et la laideur de celui qui se répand. La civilisation des machines encourage la transparence et en fait une vertu morale, elle confond à dessein le sentiment et le sentimentalisme – une manière détournée de poursuivre son sinistre objectif. Car, dans la société technicienne, ce qui est exhibé est aussitôt détruit.

Un autre écrivain, Léon Bloy, critiquait le stéréotype bourgeois de l’honnêteté. Qu’est-ce qu’un honnête homme ? Un hypocrite qui prétend n’avoir rien à cacher. Or nous avons tenté de montrer que le secret était la condition de possibilité de la vie intérieure, car les vivants ont tous quelque chose à cacher. En cela, le bourgeois est déjà mort au-dedans. Et la mort de la vie intérieure équivaut à la mort physique, la surpasse même. Voici venu le temps des zombies, des robots, dirait Bernanos.

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vendredi, 01 juillet 2016

Misère de l’homme moderne

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Misère de l’homme moderne

par equiairchampaignat

Ex: https://ordrerevolution.com

La civilisation contemporaine est marquée par deux phénomènes sociaux connexes : l’individualisme d’une part, le collectivisme d’autre part. Tantôt les uns récusent le premier : trop d’individualisme ! Assez de l’individualisme ! Tantôt les autres récusent le second : trop de collectivisme ! Trop d’Etat ! Mais plus rares sont les plaintes contre les deux phénomènes à la fois, et pour cause, l’homme moderne ne conçoit pas qu’il existe une alternative entre l’individu et l’Etat dans la constitution sociale. Soit il faut se reposer sur l’égoïsme rationnel de l’homme parce que chacun en poursuivant son bien propre fait le bien d’autrui, à l’instar du boulanger qui pour gagner sa vie doit faire le pain apprécié de ses potentiels clients. Soit il faut sacrifier l’égoïsme de l’homme pour soumettre pleinement l’individu aux intérêts supérieurs et généraux de la collectivité. Qui des individus ou de la collectivité qui se les sacrifie font la vraie société et son bien ?

Ce dualisme entre individualisme et collectivisme ne reste pas cantonné au débat d’idées. Ce dernier est plutôt la manifestation d’un dualisme vécu et structurant profondément la civilisation moderne : celle-ci est à la fois individualiste et collectiviste. Aussitôt que l’individualisme a pris chair, durant la Révolution notamment avec l’œuvre des Droits de l’Homme, l’Etat moderne s’est constitué et s’est fondé sur une vaste politisation du social. La Révolution fut à la fois l’ère nouvelle de l’individualisme et l’ère nouvelle du collectivisme. A-t-elle accouché de deux sociétés parallèles ? Non. Elle a accouché d’une civilisation unique qui s’est trouvée être à la fois individualiste et collectiviste, parce qu’individualisme et collectivisme constituent les deux faces d’une même médaille. Mais il ne convient pas de parler de deux pôles attractifs opposés selon lesquels la civilisation moderne serait tantôt plus individualiste, tantôt plus collectiviste. Ce serait confondre l’essence de notre civilisation avec ses effets. Notre civilisation est essentiellement individualiste et collectiviste.

Abstraits au niveau de l’idée, on peut pourtant constater une opposition a priori radicale entre individualisme et collectivisme. C’est l’avantage de l’idée abstraite : elle est pure de toute chair et de toute vie. Nous concédons que l’individualisme abstrait s’oppose parfaitement au collectivisme abstrait : ce n’est pas la même chose de dire d’un côté que l’individu est l’unité du social, et de l’autre que c’est la collectivité qui est l’unité du social. Mais dans le monde de chair, l’individualisation bien réelle du social, à travers les appareils juridiques, politiques, économiques, etc. s’est faite conjointement à la collectivisation à travers les mêmes appareils. C’est la même dynamique qui va de la Loi Le Chapelier à la grande industrie, de la démocratie individualiste à l’Etat tutélaire, du Code civil à l’Education Nationale, de l’individu libéré de la tradition à l’avènement des masses. C’est le même homme qui va de l’un à l’autre, sans subir aucun changement radical.

Si l’on cesse d’opposer individualisme et collectivisme, si l’on retire son masque au libéral qui se fond avec délectation dans la culture de masse, si l’on retire son masque au collectiviste qui hurle à grand cri la valeur du sacrifice à la collectivité, tandis qu’il espère en diriger les profits vers lui, nous verrons mieux que l’homme-masse, car c’est toujours de lui qu’il s’agit, s’oppose toujours, verbalement, mais aussi et surtout dans sa vie même, à la tradition, aux valeurs objectives transcendantes, à la Nécessité, auxquelles se sont pourtant soumis ses pères depuis l’aube de l’humanité.

marceldecorte-portrait.jpgLe philosophe catholique belge Marcel de Corte (1905-1994) fut sans doute le meilleur interprète de la tradition, et à ce titre, un des meilleurs critiques de la modernité. Les traditions et les mœurs de nos ancêtres nous paraissent aujourd’hui parfaitement incompréhensibles. L’homme contemporain a en général une très basse idée de ses pères, bornés, stupides, inhumains, plongés dans la nuit de nombreux obscurantismes. Il faut bien ça pour expliquer que ces mœurs incompréhensibles aient pu fonctionner aussi longtemps (pensez donc, pratiquement toute l’histoire des civilisations, exception faite des deux derniers siècles !). Puis est venue la lumière de la Raison qui a conquis l’Occident et le monde, et l’homme, enfin guéri de sa stupidité, a repris en main son destin par la réorganisation sociale, l’arrachant à Dieu déchu, et s’établissant dans la civilisation que nous connaissons aujourd’hui. Belle histoire, dont le mérite est de rendre saisissante la rupture radicale qui nous sépare de l’ancienne civilisation. Elle contient cependant une grande vérité dont on a parfois du mal à mesurer la portée : l’homme moderne s’est arraché des mœurs vivantes de ses pères pour s’établir dans la Raison abstraite, le masque nouveau sous lequel coule, littéralement, sa destinée.

marcelde.jpgMarcel de Corte, nourri par une solide philosophie réaliste de l’être, tirée d’Aristote et de Saint Thomas d’Aquin, a analysé avec une grande profondeur, à travers une anthropologie et une psychologie originales, ce trait caractéristique de l’homme moderne qu’il a appelé le rationalisme pratique. L’homme en effet vit désormais massivement son rationalisme.

Sans entrer trop dans les détails, l’anthropologie de Marcel de Corte consiste à reconnaître qu’il existe deux types d’hommes : un type platonicien, homo platonicus, et un autre type aristotélicien, homo aristotelicus. Le premier type se fonde sur un dualisme entre l’âme et le corps qui se traduit dans un dualisme entre l’esprit et la vie. Dans cette perspective, l’homo platonicus est un homme dont l’esprit se sépare de la vie. Il ne cherche plus à reconnaître et connaître dans la nature, à laquelle l’homme appartient pleinement, les objets concrets et réels qui, de fait, le transcendent, ni les règles et les lois que lui impose la nature (et sa nature) ; l’esprit n’a plus vocation à diriger et intégrer l’homme dans la nature qui le transcende. L’esprit se sépare de la vie, au profit de sa propre immanence, de son autosatisfaction : il se tourne vers les Idées platoniciennes, ou se satisfait de sa méthode cartésienne, ou de sa Raison pure. La logique compose de plus en plus pour lui la totalité du réel, l’abstrait le flatte plus que le concret, l’être de raison remplace l’être réel, tandis que la nature, la vie, la matière, ne sont plus qu’une surface plastique soumise à ses idées et à sa domination, sans plus de profondeur ontologique. L’esprit opère un renversement : c’est désormais lui, du moins le croit-il, qui transcende la nature qui n’a rien à offrir à l’intellect et aucun mystère à conserver pour lui. L’homo platonicus naît de la dévitalisation, propre au cycle de la vie, et se traduit en une désincarnation. A l’inverse, l’homo aristotelicus ne connaît pas cette scission entre l’esprit et la vie. Comme le dit Marcel de Corte, il est fait d’une seule couture. L’âme est la forme du corps : elle ne peut pas être sans le corps qu’elle anime. L’esprit reconnaît la transcendance de la nature, et la nature le mène, du fait de son insuffisance ontologique, à l’Absolu transcendant, et c’est pourquoi l’homo aristotelicus est un homme religieux. Solidement ancré dans le réel, profondément habité par un sens de l’être qui n’est rien d’autre que l’autre nom de l’amour (précisons : de l’amour véritable), complètement incarné, l’homo aristotelicus déborde de vie. Ce débordement de vie se canalise dans des mœurs concrètes polarisées par les valeurs objectives auxquelles tout homme est soumis lorsqu’il est jeté dans l’existence : la famille, le métier, la patrie et Dieu, avec lesquels il communie et reçoit d’eux sa personnalité.

Le rationalisme pratique est la traduction dans les mœurs de l’homo platonicus. Les mœurs contemporaines sont en effet pénétrées par le rationalisme et sa scission entre l’esprit et la vie. Qu’il s’agisse, pêle-mêle, de la démocratie politique, de l’égalitarisme, de l’humanitarisme, des mass media, de l’urbanisme, de la technique, de l’activisme, de l’athéisme, de la négation du péché, du sentimentalisme, du freudisme, du divorce, de l’économie de marché, du planisme, de la statistique, de la recherche de la performance, du racisme, du nationalisme, du pacifisme, de l’internationalisme, du contrôle de la natalité, ou encore de l’instruction de masse (on pourrait donner une liste bien plus longue : voir la Philosophie des mœurs contemporaines de Marcel de Corte), on observe ce même processus de dévitalisation, de retrait de l’esprit sur lui-même, d’effusion d’idées verbales et abstraites qui, parce qu’elles sont ontologiquement vides, laissent se déchaîner les instincts qui ne sont plus régulés par l’esprit qui a déserté la vie. Marcel de Corte a analysé les lois psychologiques et leurs répercussions à l’œuvre dans l’homo platonicus dans son livre Incarnation de l’Homme, Psychologie des mœurs contemporaines. J’y renvoie le lecteur, en attendant de développer plus longuement cette anthropologie et cette psychologie dans des billets futurs.

marceldeint.jpgContre une idée répandue, Marcel de Corte refuse de penser que c’est la technique qui a produit la civilisation contemporaine : c’est d’abord et avant tout une forte dévitalisation de la civilisation ancienne, particulièrement sensible au XVIIIe siècle, mais naturelle au cycle de la vie auquel est régie toute civilisation, qui s’est traduite dans une diffusion du rationalisme renforcée par la technique que le rationalisme a produit. En un sens, la civilisation contemporaine, traversée par la révolution permanente et les multiples « crises de croissance » (mythe du progrès oblige), n’est qu’une longue agonie que l’esprit désincarné cherche à compenser mais prolonge dans une forte mécanisation de ses mœurs, celle-ci n’étant que le mime de la vie dont il manque.

Revenons à notre sujet : que signifient fondamentalement l’individualisme et le collectivisme qui fondent (ou creusent) notre civilisation ? Si l’on reconnaît l’homme moderne comme un homme dévitalisé, dont tous les efforts consistent à vivre un rationalisme pratique nihiliste, parce que l’esprit s’y est désincarné et s’est retiré de la vie mais veut vivre son impossible immanence (ontologiquement, l’esprit ne se suffit pas), si l’on reconnaît que l’homme moderne a défait les mœurs anciennes fondées sur l’amour, c’est-à-dire sur le sens de l’être, de la transcendance, de l’incarnation, et qu’à ce titre, l’homme moderne ne connaît plus les valeurs objectives que constituaient la famille, le métier, la patrie et Dieu, que ses pères n’avaient pas choisi, mais aimaient par reconnaissance de la Nécessité (Amor Fati), si l’on reconnaît tout ça, ne doit-on pas dire que l’individualisme et le collectivisme, qui ne sont que des idées abstraites (l’homme n’est plus capable que de ça, seuls ses instincts désorganisés sont encore concrets), ne sont que des tentatives de combler sa misère sociale en faisant de l’ordre social un fruit de la raison ?

On connaît l’orgueil sidérant de l’homme contemporain. Mais on connaît aussi son esprit de revendication, son éternelle insatisfaction, ses désordres, ses crises continues. L’homme moderne est essentiellement un misérable, et il ne l’ignore pas totalement. Il use de tous les masques pour se détourner de sa misère, et ceux-ci ne manquent pas, mais il sent bien, au fond de lui, là où surgit l’angoisse et le sentiment de l’absurde que seul l’homme moderne a été capable de vivre aussi continuellement, que son destin lui échappe et que la mort est son seul horizon.

En même temps qu’il détruisait l’ordre social véritable fondé sur les mœurs solides de nos pères, parce qu’il se dévitalisait, l’homme moderne a essayé de combler ce manque par l’œuvre de la raison. L’homme est naturellement un animal social (ou politique, pour peu qu’on prenne ce mot dans son sens antique), et l’homme dont l’esprit s’est détaché de la vie accomplit tous ses efforts, depuis un peu plus de deux siècles, pour reconstruire l’ordre social qu’il ne pouvait plus vivre parce que cet ordre réclamait l’incarnation de l’esprit dans la vie. Plein de cet espoir de pouvoir un jour revivre dans un tel ordre, l’homme contemporain est pris d’une crédulité extraordinaire : il croit à toutes les promesses de sociétés fraternelles ou coopératives, il est prêt à faire confiance à n’importe quoi et n’importe qui qui puissent lui vendre cette société de demain où l’homme connaîtra à nouveau enfin son prochain, être de chair et d’os.

C’est sur ce plan que doit être reçu le débat entre l’individualisme et le collectivisme : ils sont deux types d’espérance de rétablissement de l’ordre social fondées sur la même désincarnation, le même goût pour l’abstraction, la même incapacité à vivre l’amour, qui est sens de l’être, en particulier l’amour du prochain concret que l’être scindé en deux de l’homme moderne ne peut plus supporter. Au fond, c’est la même espérance, projetant des utopies dans un avenir toujours promis proche, et ontologiquement irréalisables, qui le déçoivent perpétuellement. Mais c’est aussi la même incapacité à saisir la civilisation contemporaine comme la réalisation déjà effective et vécue de l’individualisme et du collectivisme qui, passés de l’abstrait au concret, qui lui seul compte, sont fondus nécessairement dans la même civilisation, à savoir la nôtre : la civilisation de l’homme-masse, l’homme poussière soumis à la tutelle d’un Etat tyrannique.

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mardi, 07 juin 2016

Both modern liberalism and conservatism have a problem in “letting people be who they are”

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Both modern liberalism and conservatism have a problem in “letting people be who they are”

by Kenneth Lloyd Anderson

Ex: http://civilizingthebeast.blogspot.com

 
To modern liberals there is no inherent human nature, men act only the way nurture or culture---usually in the form of cultural Marxism---teaches them to act. And the religious conservative idea of “original sin” means that real human nature contains things we do not want to totally return to.
 
The healthy way to let people be who they are, and return to real human nature, is to let people be kin-centered, gender defined, age-graded, heterosexual marriage-making, hierarchical, ethnocentric, even xenophobic, and religious-making, among other things, with group-selection as the primary unit of successful selection. That defines real human nature.
 
When we follow real human nature then conservatism looks better than the cultural Marxism of modern liberalism. This also suggests that ethnopluralism looks like the best way to let people be who they are. But ethnic preferences, which tend naturally to be group-selecting and not universal, are often seen as part of original sin and selfishness.
 
Ethnopluralism basically means regions and states work most harmoniously and according to real human nature when regions and states are set aside for ethnic cultures, and protected by federalism. For American conservatives this might even mean that the constitutional separation of powers and states could accommodate ethnopluralism.
 
The demographic cold wars we are seeing today across the globe, and more and more in the U.S., with people seeking to break from globalism and live in their own ethnic regions, is the predicable action of real human nature, and should be welcomed rather than blocked.
 
This suggests that both modern liberalism and conservatism need a bit of retooling. Religion does not need to be rejected but transformed, as is done in theological materialism, which unblocks the great spiritual blockade against real human nature and the material world, and more deeply unblocks the material evolution to real Godhood.

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mardi, 17 mai 2016

Matrice de l’Homme Nouveau

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Matrice de l’Homme Nouveau

par Sébastien Holué

Ex: http://www.dedefensa.org

 « Construire une nouvelle version, une version « améliorée » de l’homme – voici la tâche du communisme » écrivit le « prophète de la révolution permanente » et bras droit de Lénine, Trotski, dans les années 20. L’ambition du régime bolchevique était en effet de créer un « homme nouveau », individu d’une espèce nouvelle. Le marxisme-léninisme reprenait l’idée marxiste de déterminisme historique et donc la possibilité de transformer l’individu par un processus révolutionnaire. L’être humain était pour les communistes une matière malléable à souhait : les idées du physiologiste Ivan Setchenov (1825-1905) sur les stimuli influencèrent profondément Lénine, puis les recherches d’Ivan Pavlov (1849-1936) sur le réflexe conditionné. Staline évoqua à son tour l’artiste comme un « ingénieur des âmes », reprenant en fait l’idée centrale de l’avant-garde russe. Jusqu’à la disparition de l’URSS, l’agitation et la propagande soviétiques utilisèrent dans leur outillage le principe fondamental de « l’aiguille hypodermique ». L’idée qu’un message doit nécessairement provoquer une réaction, celle-ci pouvant être calculée et anticipée. La réalité échappa largement à l’utopie du projet initial. L’homme soviétique devint, dans la langue du sociologue et écrivain Alexandre Zinoviev (1922-2006), un homo sovieticus (titre de son livre de 1982), espèce effectivement différente de l’homo occidentalis, si tant est qu’elle existe. Mais qui disposait d’autant, voire plus, de défauts que de qualités, résultant du contexte totalitaire dans lequel il évoluait : indifférence au travail, à la propriété d’autrui, passivité et grossièreté, tels étaient les traits principaux de ce « nouvel homme ». Dès lors, l’expression homo sovieticus, dont le caractère scientifique est débattu par les historiens, acquit une connotation très péjorative (1).

La supériorité morale du capitalisme préserve l’homo occidentalis de l’indifférence au travail et à la propriété d’autrui. Cela par et pour une exposition continue aux forces salubres du libre marché. De fait, nous explique le Prix Nobel d’Economie Robert Shiller, « les gens n’ont pas toujours le temps et l’énergie d’analyser les informations à leur disposition. Ils ont des biais psychologiques qui les rendent vulnérables à la manipulation et à la tromperie » (2). L’exploitation de cette vulnérabilité est le fonds de commerce de la publicité, aiguille hypodermique par excellence. Elle est réputée démocratique du fait de son omniprésence et usage quasi-libre. Mais plus qu’un modèle de société, elle diffuse un arrière-plan psychologique peu reluisant. La publicité est inoculation inconsciente, dès le plus jeune âge, de l’image mentale d’un homme incomplet et dépendant, dont le salut passe par la consommation, au risque sinon de passer à côté de sa vie. La publicité est perversion de l’économie intime, traque de l’attention. Le philosophe Matthew B. Crawford note que notre monde a privatisé le silence, transformé en produit de luxe. « La société enjoint de se plier au bruit afin d’être partie du tout plutôt que de se tenir à l’écoute de soi. Aussi se trouve modifiée la structure même de l’individu », écrit l’historien Alain Corbin dans son Histoire du silence (3). Sur le plan structurel, si la pratique intensive de la méditation modifie le fonctionnement du cerveau (4), il en va à coup sûr de même pour la surexposition passive aux média. L’injonction identifiée par Alain Corbin fait écho à la « conspiration universelle » dénoncée par Georges Bernanos, dès 1944, dans La France contre les robots : « On ne comprend absolument rien à la civilisation moderne si l’on n’admet pas d’abord qu’elle est une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure » (5).

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Il n’y a bien sûr pas de conspiration universelle au sens propre. La massification des esprits s’enseigne et se pratique au grand jour ; seuls quelques milliers de praticiens ont dans un pays comme la France les moyens de grandes ambitions. Mais il est vrai que le processus d’élaboration des contenus est parfois obscur. Le cas des journalistes est intéressant, qui se font souvent le devoir d’anticiper la réception de l’information au nom d’une responsabilité sociétale (6). « Les médias dominants sont évidemment contraints de tenir compte de leur système de financement – intérêts de leurs actionnaires et publicité qu’ils reçoivent – et cela influe sur leur traitement de l’information ou sur sa hiérarchisation », explique également le médiologue François-Bernard Huyghe (7). De la « fabrication du consentement » (8) à l’aiguille hypodermique, il n’y a qu’un pas. Une fois franchi, le message non commercial au premier degré (informations, programmes scolaires, cinéma, etc..) s’arme sur le modèle de la publicité. Une interprétation correcte et émolliente du monde ambitionne ainsi d’inculquer à homo occidentalis ses critères du bon goût et de l’autocensure, l’assise conformiste de son industrieuse passivité. Le relativisme de combat vise le désarmement psychologique. L’emprise est affaire de communication érigée en système de domination, dans ce cas de propagande et désinformation. Les Etats-Unis s’emploient toujours à diffuser avec abnégation et doigté leur modèle capitaliste, eux qui par exemple « n’imposent en Asie aucune idéologie en dehors du libre commerce » (9). Les élites communistes chinoises ont depuis longtemps compris l’intérêt de certains ajustements idéologiques. Doux commerce, délicate sublimation. Guerre mondiale, civilo-militaire, pour la maîtrise du temps de cerveau disponible. Les élites locales imparfaitement alignées sur les Etats-Unis s’accrochent au concept stratégique d’« exception culturelle » ; les réfractaires censurent.

Sur cette base éclairée tente de prendre forme en Europe le projet énoncé entre autres par Alexandre Kojevnikov, dit Kojève (1902-1968). Ce philosophe et économiste représenta la France dans les négociations sur le commerce international (O.C.D.E., G.A.T.T., C.N.U.C.E.D.). Son entreprise philosophique était celle d’une mise à jour du système du savoir hégélien comme système circulaire « épuisant toutes les possibilités de la pensée ». Il analysait les évènements du monde à la lumière du concept de « fin de l’histoire » ou de « mort de l’homme proprement dit », entendant par là la naissance d’une société post-révolutionnaire, donc homogène et universelle, où l’ère de la tragédie disparaîtrait devant celle de l’administration et de la gestion (10). La philosophie de Kojève est en phase avec une version influente du libéralisme contemporain, qui insiste sur ce que le philosophe Michael Sandel appelle le « sujet désengagé » : « La liberté de ce libéralisme postule un sujet qui n’est pas défini par ses liens d’appartenance. Il vit détaché de l’Histoire, de la tradition et de l’identité culturelle. Cette conception de la liberté domine la philosophie anglo-américaine » (11). L’art contemporain et les néoconservateurs ne sortent donc pas de nulle part. Dans sa réduction de l’homme à un agent économique, ce libéralisme présente de grandes affinités avec le socialisme. Fondement de détestations et enthousiasmes partagés sur de nombreux sujets de société. Justification par l’avance progressiste d’influences politiques et économiques extérieures. Support idéologique à la pénétration de nouveaux marchés. Une conception de l’homme ainsi mise en musique par Jacques Attali : « Je crois que l’identité est fondamentale, même si pour moi elle ne se construit pas dans l’exclusion mais dans l’inclusion et l’échange. […] L’identité française, c’est d’abord la langue […] D’où le fait que la francophonie est un élément très important de l’identité française. […] C’est un jeu d’équilibriste avec un balancier. Le fil, c’est la France. Des deux côtés du balancier, il y a l’Europe et la francophonie. […] Oui, avec un parlement de la zone euro, voire un gouvernement de la zone euro. Pour le reste, je suis pour l’élargissement de l’Union, le plus vaste possible, l’Ukraine, la Russie… Il faut rétablir le sentiment de fierté d’être européen. […] on a une langue potentiellement parlée par 700 millions de personnes […] » (12). L’homme a démérité des Lumières. Les bolcheviques de l’humanisme visent donc la « mort de l’homme » et de ses civilisations, utopie à la légitimité renforcée après-guerre par les horreurs du XXème siècle et les prémisses de la seconde mondialisation. Le Village Global – c’est-à-dire l’intégration économique, humaine et politique du monde – et par suite la Fin de l’Histoire sont envers et contre tout l’horizon contemporain. L’obstacle des civilisations peut-il être levé sans leur entrechoquement ? Rêve partagé de l’administrateur et du manager de soumettre le politique, le militaire et le religieux, figures tragiques vouées à disparaître. Xavier Huillard, président de l’Institut de l’entreprise et patron de Vinci, peut faire aujourd’hui ce constat : « Lors de mes études, j’avais appris que l’Etat était le garant du long terme et que nous, entreprises, étions là pour optimiser le court terme. En fait, cette image s’est inversée. Les entreprises […] ont une vision […]. Face à une absence de projet,  faut-il s’étonner que nos concitoyens n’adhèrent plus au discours politique ? » (13) Si les politiques ne définissent plus l’avenir souhaitable, à quoi servent-ils ?

Le néolibéralisme a lui pour grand dessein l’affranchissement définitif de la donne biologique et culturelle. Les vagues du Progrès permettent gracieusement d’espérer renverser la table à moyen terme, sans trop avoir à se salir les mains. Vagues idéologiques, technologiques ou hybrides, peu importe ; « surfe ou crève », susurre le propagandiste. L’immigration extra-européenne, la révolution numérique et la mondialisation sont ainsi bonnes en elles-mêmes, le transhumanisme n’étant qu’une variation technologiste sur le même thème. « L’objectif est désormais d’éliminer le hasard pour construire enfin un monde supposé intégralement et définitivement heureux. L’horizon rêvé est celui où le hasard sera maîtrisé, contrôlé, donc purement et simplement anéanti », annonce le philosophe Roger-Pol Droit (14). Un monde gouverné par les algorithmes, qui « enferme l’humanité dans l’univers utilitaire et manipulable de la quantité », écrit Marc Fumaroli (15). Fin de la tragédie, de l’Histoire et de l’homme, dont l’évolution est jusqu’à présent un enchaînement hasardeux et non maîtrisé. Antoinette Rouvroy, chercheuse en droit de l’université de Namur, estime que les firmes de big data visent pour cela une « gouvernementalité algorithmique ». Un mode de gouvernement inédit « opérant par configuration anticipative des possibles plutôt que par réglementation des conduites, et ne s’adressant aux individus que par voie d’alertes provoquant des réflexes plutôt qu’en s’appuyant sur leurs capacités d’entendement et de volonté » (16). L’aiguille hypodermique mise au goût du jour. Pour servir, estiment Marc Dugain et Christophe Labbé, « les intérêts de l’appareil d’Etat américain et ceux d’une supra-oligarchie née du numérique » (17).

honou2025_4deb58f987_z.jpgSelon le professeur en sciences politiques Michael Kenny, « les Britanniques ont pris la difficile décision, au moment de la disparition de l’Empire, d’entrer dans l’UE pour continuer de jouer leur rôle au plan international » (18). Il est de fait intéressant de rapprocher l’actuelle séquence historique de la période des empires coloniaux. Il était alors question de « mission civilisatrice » issue de l’humanisme des Lumières ou du positivisme. De projections de populations hors du continent européen, révolutions industrielles et première mondialisation (1880-1914) (19). Aujourd’hui comme hier, les motivations économiques sont parmi d’autres de s’emparer des richesses d’un pays et assurer l’approvisionnement en matières premières, garantir des débouchés à l’industrie nationale en cas de surproduction, forcer l’ouverture et contrôler les routes commerciales. Le contrôle de la traite négrière est devenu celui des flux d’émigration volontaire. « Gigantesque mouvement de migration des cerveaux européens vers l’Amérique qui, dans le sillage de la guerre, changea la face du monde » (20). Fuite des cerveaux et immigration plus ou moins choisie. La conquête d’espaces de peuplement (Etats-Unis, Australie…) par des sociétés encore très agricoles renvoie, pour nos sociétés de services, à l’installation de populations jeunes et fécondes dans des pays riches et vieillissants (21). Apport de carburant humain pour les économies locales, devenues creusets de l’Homme Nouveau. L’immigration est présentée comme une chance car la démographie européenne est en baisse, et bien sûr on ne peut pas obliger les Européens à faire des enfants, nous répète-t-on à l’envie. D’ici à 2050, le secrétaire d’Etat italien Sandro Gozi estime ainsi qu’il pourrait manquer 40 millions de travailleurs dans tout le continent (22)... Notre époque est celle d’un néo-colonialisme universaliste, expurgé de tout discours raciste mais toujours inégalitaire, qui vise, par la pratique du néolibéralisme politique et économique, le dépassement de toutes les civilisations. Les Soviétiques misaient en leur temps sur le communisme pour atteindre le même objectif. Quand le colonisateur universaliste est lui-même colonisé, il prête moins le flanc à la critique morale et politique (23). Agent à part entière ou supplétif d’un impérialisme par nature intégrateur et expansionniste, misant plus sur la communication que sur les armes. C’est l’épuisement de son récit qui mena l’Union Soviétique à sa perte, la fin de la guerre froide menaçant elle-même de déstabiliser le vainqueur (24).

Comme on lance de nos jours la production à grande échelle d’un avion de combat – le JSF F-35 – avant l’achèvement de sa mise au point, on dote périlleusement homo occidentalis de prototypes d’institutions mondiales. Cela avant que sa gangue identitaire ne soit suffisamment entamée. Propagande mise à part, l’Union Européenne, institution mondialiste, n’est pas l’Europe, ensemble géographique et culturel. Face aux aléas, le service du Bien autorise tous les reniements, tels les suites du non au référendum de 2005 sur la Constitution européenne, la politique monétaire de la BCE face à la crise financière, la complaisance de l’UE vis-à-vis de l’islamo-nationalisme turc, les concessions faîtes au Royaume-Uni pour conjurer le Brexit, etc. Gestation amorale d’un proto-néo-Etat, ne reculant pas devant le fracas des armes en Ukraine, après l’ex-Yougoslavie. Même si le bilan militaire des Etats-Unis et de leurs alliés depuis le retrait du Vietnam est largement négatif, malgré leur supériorité technologique et matérielle (25). Malgré ses efforts dialectiques, la nomenklatura continentale ne peut pas encore échapper au tragique, tant les révolutions, même froides, ne sont jamais de longs fleuves tranquilles.

Phagocyté par le haut, l’Etat l’est aussi par le bas. « Les Etats ont besoin de s’assurer du concours des entreprises technologiques pour remplir certaines de leurs missions fondamentales, dont la protection du territoire et de la population. Ainsi le système de renseignement électronique mis en place par les Etats-Unis travaille-t-il en étroite collaboration avec les firmes de la Silicon Valley, ce qui contribue à expliquer la bienveillance des autorités de régulation américaines à leur égard » (26), explique Nicolas Baverez. La réduction des barrières douanières et la mondialisation affectent, au sein de chaque pays, le type de coopération entre régions « riches » et « pauvres », avec la délocalisation de la production. Le basculement d’une production matérielle vers une production immatérielle reconcentre une large part de la valeur ajoutée dans les régions centrales (les « métropoles »). L’accélération du cycle de vie des produits et l’innovation généralisée font désormais plus appel aux métiers et aux milieux des régions centrales que des régions périphériques (27). Moretti Polegato, fondateur de Geox, estime ainsi que « le capitalisme industriel européen doit se transformer en capitalisme culturel. Nous devons créer et breveter, pas fabriquer des chaussures et des chemises » (28). Dans le même temps, 90.1 % des 5.7 millions d’immigrés que comptait la France au 1er janvier 2012 habitaient dans les grandes agglomérations, dont 2.18 millions dans celle de Paris (29). 40 % des habitants de Londres, la plus grande ville du monde occidental, sont nés à l’étranger (30). Le multiculturalisme a une dimension politique  bien analysée par le sociologue québécois Mathieu Bock-Côté : « Le multiculturalisme canadien n’a pas une histoire heureuse. A l’origine, dans les années 70, il y a une intention claire : dissoudre politiquement le peuple québécois, qui menaçait l’unité canadienne avec sa tentation indépendantiste. Dans la perspective multiculturaliste, l’identité québécoise ne serait plus celle d’un peuple fondateur du Canada, mais seulement une nuance de bleu dans la grande diversité canadienne. C’est ainsi qu’on pourrait la désamorcer politiquement. Dans la logique du multiculturalisme, il ne peut plus y avoir de culture propre à la société d’accueil. La culture nationale est déclassée, c’est désormais un communautarisme parmi d’autre » (31). Le choc des civilisations contribue à les disqualifier aux yeux d’une opinion de plus en plus déculturée. Tirant la conclusion qui s’impose, la fondation Terra Nova préconisa en 2011 de refonder la base électorale du PS sur une alliance des classes aisées et des « minorités », abandonnant ouvriers et employés en voie de lepénisation aigüe au FN (32). A dire vrai, sur une planète de citoyens sans racines, la nationalité signifie-t-elle encore quelque chose ? (33) Benjamin Barber, ancien conseiller de Bill Clinton, estime que la prime économique et multiculturelle aux métropoles doit se traduire sur le plan politique : « face à de grands enjeux comme l’immigration ou le réchauffement climatique, contrairement aux responsables politiques nationaux, le maire n’est pas enferré dans une idéologie mais contraint au pragmatisme : sa ville doit fonctionner. […] Manque encore un « Conseil de sécurité » des villes ou un « Parlement mondial des maires » qui permettrait d’aider les villes les plus fragiles du Sud ! Ce serait possible si les Etats redistribuaient plus de richesses aux municipalités » (34). Les métropoles nous sont vendues aujourd’hui comme les organisations internationales hier, l’argent devant aller à l’argent, pour la bonne cause bien sûr. On ne s’y prendrait pas autrement pour en faire à terme des enclaves extraterritoriales. «  [L’Etat démocratique du XXIe siècle] doit accepter des sentiments d’appartenance multiples, au plan infra-étatique ou continental », écrit Nicolas Baverez (35). S’enferrer dans l’idéologie est bien dommageable quand ce n’est pas au service de puissants intérêts transnationaux. L’Etat, sa tragique légitimité politique et historique, sa masse critique, reste bien un obstacle potentiel sur la Voie du Progrès.

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Si une idéologie aussi radicale et élitiste ne peut pas être promue toute nue auprès du grand public, il faut bien susciter en Occident une forme d’adhésion démocratique. La propagande, la désinformation et l’efficacité économique ont leurs limites. Une fois l’emploi de la terreur écarté, il ne reste que l’argent public, adroitement injecté dans l’économie, pour affermir la foi des croyants, s’assurer le soutien d’idiots utiles et corrompre les masses. Certaines élites se sont particulièrement distinguées, la France représentant aujourd’hui « 1 % de la population mondiale, 3.7 % de la production de la planète, mais 15 % de l’ensemble des transferts sociaux » (36). Dans le monde, "en moyenne, la dette publique dépasse maintenant le niveau atteint pendant la Grande Dépression (dans les années 30) et s'approche du niveau qui était le sien au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale", note le FMI dans l’un de ses rapports semestriels sur la dette (37). Les engagements des Etats-providence « se révèlent financièrement intenables : ils représentent deux fois et demie le PIB du monde développé, alors que leurs ressources se tarissent et que se profile le choc du vieillissement […] la dette publique se résume en effet à un impôt sur les pauvres et les générations futures » (38), analyse Nicolas Baverez. Nous ferions donc bien de l’intégrer à nos réflexions sur le développement durable ! Pour les Etats, le bilan financier de la mondialisation est comparable à celui de la Deuxième Guerre Mondiale, au profit très inégalement réparti de centaines de millions d’individus aux quatre coins du monde. Un milliard de travailleurs supplémentaire furent intégrés en deux décennies dans la production et les échanges mondiaux (39). Le dumping social bat son plein : « Aux Etats-Unis, presque toute la croissance depuis vingt-cinq ans a été captée par les plus riches. Les 40 % d’Américains les moins payés voient leur pouvoir d’achat baisser », nous explique Patrick Artus. Car l’économie des pays développés ne suit pas, avec sur le long terme un déclin de sa croissance annuelle exprimée en pourcentage du PIB : 2.8 % de 1987 à 1996, 2.5 % de 1997 à 2006, 1.1 % de 2007 à 2016 (40). Le Prix Nobel d’Economie Maurice Allais observait déjà que le taux de croissance annuel du PIB réel français, qui fut de 4.9 % pendant la période 1950-1974, s’abaissa à 2.27 % pendant la période 1974-1997. L’année 1974 était pour lui une date charnière à partir de laquelle les tendances fondamentales furent profondément modifiées : « Après 1974 trois faits majeurs dominent, l’accroissement continu et massif du chômage, la diminution considérable des emplois industriels, la baisse de la croissance du produit intérieur brut ». Il n’y voyait qu’une seule cause majeure et déterminante : « la politique à partir de 1974 de libéralisation mondialiste des échanges extérieurs de l’Organisation de Bruxelles, dont les effets ont été aggravés par la dislocation du système monétaire international et l’instauration généralisée du système des taux de change flottants » (41). Le philosophe Marcel Gauchet estime lui qu’après le choc pétrolier de 1973, la France a manqué son entrée dans la mondialisation. Nos élites se sont ensuite converties à une Europe mal pensée et un néolibéralisme néfaste, dans l’oubli de l’Histoire (42). Sur plus de quarante ans, les explications du déclin par une série de crises conjoncturelles (pétrolières, financières, etc.) ne tiennent donc pas. Maurice Allais analysait ainsi le poids relatif des composantes du sous-emploi total en France pour la période 1995-1997 : libre-échange mondialiste : 50.7 % - structure de la politique sociale : 24.5 % - immigration non communautaire : 17 % - progrès technologique : 5.2 % - situation conjoncturelle : 2.6 % (43). De temps en temps, un tabou fait mine de tomber. Rendons grâce à l’économiste américain le plus en vogue actuellement de nous expliquer pourquoi le progrès technologique ne produit plus de croissance (44).

Les démocrates perçurent pourtant le danger dès l’antiquité. Pourquoi trouvait-on, parmi les premiers fonctionnaires des cités grecques, des esclaves jouissant d’une condition privilégiée ? Ces fonctions requéraient une expertise dont les citoyens étaient bien souvent dénués. Il s’agissait pour la cité de placer hors du champ politique un certain nombre de savoirs spécialisés, dont la maîtrise ne devait légitimer la détention d’aucun pouvoir. Surtout, la démocratie directe, telle que la concevaient les Grecs, impliquait que l’ensemble des prérogatives politiques soit entre les mains des citoyens. Le recours aux esclaves assurait ainsi que nul appareil administratif ne pouvait faire obstacle à la volonté du peuple. En rendant invisibles ceux qui avaient la charge de son administration, la cité conjurait l’apparition d’un État qui puisse se constituer en instance autonome et, le cas échéant, se retourner contre elle (45). Permanence des Etats profonds, des réseaux américains étoffés pendant la Seconde Guerre Mondiale. Théâtre d’ombres électoral ; « democracy is seriously overrated », nous dit Frank Underwood  (46). Obsession à juste titre de nos élites, le populisme est la forme d’opposition la plus médiatique à leur confiscation du pouvoir. Selon François-Bernard Huyghe, le terme est utilisé « sans avoir fait l’objet d’une définition précise, contre tous ceux qui remettent en cause l’ordre établi dans la sphère occidentale » (47). Le philosophe Vincent Coussedière y voit un « instinct de conservation désespéré » (48), pas tant une idéologie qu’une réaction du peuple à sa propre décomposition sociale. En se dressant contre son élite, le peuple populiste entendrait lui signifier qu’il veut conserver sa sociabilité propre, être protégé des influences extérieures excessives et gouverné selon son intérêt (49). Malentendu, mouvement d’humeur ou réaction, en tout cas négation flagrante de l’Homme Nouveau. Dans le monde entier, la résistance monte et s’organise contre le néo-colonialisme universaliste. Elle est forcément très hétérogène, pas toujours bien disposée ou inspirée. La diabolisation est son lot commun. Le dogme a notamment du mal à s’imposer dans les petites nations d’Europe de l’Est, déçues par l’indifférence endémique de l’UE, méfiantes à l’égard des contraintes économiques et de la mondialisation, hostiles aux politiques d’accueil de migrants (50). Chat échaudé par quarante-cinq ans de soviétisme craint l’eau froide du Progrès.

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La chute d’un autre Mur de mensonges et fausses certitudes se profile à l’horizon. Sensible sur les quarante dernières années, le déclin démographique, économique et militaire des pays développés signe la faillite idéologique de leurs élites. Avec elle s’annonce l’évolution rapide et en profondeur du mode de vie occidental, sous couvert ou non de lutte contre le réchauffement climatique (économie du partage, circulaire, reflux à venir de la périurbanisation, etc.) (51). Parallèlement, la surveillance technologique s’accroît au nom de la lutte antiterroriste. Winter is coming (52).

Sébastien Holué

Notes

(1) KOZOVOÏ Andreï, Russie – Dictionnaire d’histoire et de civilisation, entrée « Homo sovieticus », Ellipses, Paris, 2010, pp.159-160

(2) SHILLER Robert, « Nous sommes dans une situation similaire à la grande peur des années 30 », propos recueillis par Clément Lacombe et Marc Vignaud,  Le Point, n°2276, 21 avril 2016, p.69

(3) MAHLER Thomas, « Pourquoi nous avons perdu le silence », Le Point, n°2273, 31 mars 2016, pp.60-62

(4) GAIRIN Victoria, « Méditer », Le Point, n°2198, 30 octobre 2014, p.72. L’utilisation d’un caisson d’isolation sensorielle, réduisant au minimum tous les stimuli, donnerait des résultats comparables. Voir Wikipédia, « Caisson d’isolation sensorielle », consulté le 24 avril 2016.

(5) Cité dans DANDRIEU Laurent, « Le people, fleur du désert spirituel », Valeurs Actuelles, n°4141, 7 avril 2016, p.72

(6) Voir RIOCREUX Ingrid, La langue des médias – Destruction du langage et fabrication du consentement, L’Artilleur, Paris, 2016

(7) HUYGHE François-Bernard, « La désinformation », La Nouvelle Revue d’Histoire, n°84, mai-juin 2016, pp.6-9

(8) Voir CHOMSKY Noam, HERMAN Edward, La fabrication du consentement – De la propagande médiatique en démocratie, Agone, Marseille, 2008

(9) SORMAN Guy, « Le destin du monde se joue aux Paracels », Le Point, n°2271, 17 mars 2016, pp.155-157

(10) JULIA Didier, Dictionnaire de la philosophie, entrée « Kojève », Larousse, Paris, 1992, pp.144-145

(11) SANDEL Michael, « Michael Sandel, les leçons politiques de la star de Harvard », propos recueillis par J. D., Le Point, n°2274, 7 avril 2016, pp.118-121

(12) ATTALI Jacques, « Faire de la France la première puissance d’Europe », propos recueillis par Yves de Kerdrel et Yves Roucaute, Valeurs Actuelles, n°4143, 21 avril 2016, pp.97-98. Les concepts de cosmopolitisme et d’« amitié entre les peuples » sont bien surannés. L’identité all inclusive de l’authentique « citoyen du Monde » reste toutefois à définir concrètement.

(13) HUILLARD Xavier, « Ayez donc le moral ! », propos recueillis par Marie de Greef-Madelin et Frédéric Paya avec Agnès Pinard Legry, Valeurs Actuelles, n°4144, 28 avril 2016, pp.48-50. Xavier Huillard obtint ses diplômes à la fin des années 70.

(14) DROIT Roger-Pol, La philosophie ne fait pas le bonheur… et c’est tant mieux !, Flammarion, Paris, 2015

(15) Cité dans LE FOL Sébastien, « Le numérique va-t-il tuer la démocratie ? », Le Point, n°2275, 14 avril 2016, pp.115-117

(16) Citée dans DUGAIN Marc, LABBE Christophe, L’homme nu, Plon/Robert Laffont, Paris, 2016

(17) Cités dans LE FOL Sébastien, op.cit.

(18) Cité dans STRAUCH-BONART Laetitia, « Voyage chez les intellectuels britanniques à l’heure du Brexit », Le Point, n°2278, 5 mai 2016, pp.135-139

(19) Voir BERGER Suzanne, Notre première mondialisation – Leçons d’un échec oublié, Seuil, Paris, 2003

(20) VILLANI Cédric, BAUDOIN Edmond, Les rêveurs lunaires – Quatre génies qui ont changé l’histoire, Gallimard-Grasset, Paris, 2016

(21) Voir Wikipédia, « Colonialisme », consulté 22 avril 2016.

(22) GOZI Sandro, « Cette génération qui doit sauver l’Europe », Le Point, n°2277, 28 avril 2016, pp.115-117. Les sondages en France et en Italie montrent un désir d’enfant inassouvi pour des raisons économiques (prix du logement, difficulté à concilier famille et carrière, etc.). Du fait notamment des progrès de la robotique, faire des prévisions sur le marché de l’emploi à l’horizon 2050 relève de l’enfumage. Il s’agit sans doute ici de 40 millions de consommateurs.

(23) Il est humain, trop humain, qu’il s’efforce malgré tout de vivre dans un quartier privilégié, d’échapper en partie à l’impôt, voire d’acquérir la nationalité américaine.

(24) En mai 1988, Arbatov, conseiller de Gorbatchev, dit à l’hebdomadaire Newsweek : « Nous allons vous faire une chose terrible, nous allons vous priver d’Ennemi». On se pose en s’opposant.

(25) Voir CHALIAND Gérard, Pourquoi perd-on la guerre ?, Odile Jacob, Paris, 2016. Il est bon de se le rappeler quand les références aux années 30 se multiplient.

(26) BAVEREZ Nicolas, Danser sur un volcan, Albin Michel, Paris, 2016

(27) DAVEZIES Laurent, « L’état de la désunion », propos recueillis par Matthieu Huvelin, Le: CNAM Mag’, n°2, juin 2015,, p.39. Consulté le 17 juin 2015.

(28) POLEGATO Moretti, « Vivement les Etats-Unis d’Europe », Le Point, n°2277, 28 avril 2016, pp.74-75.

(29) DELHOMMAIS Pierre-Antoine, « Le chiffre – 90.1 », Le Point, n°2277, 28 avril 2016, p.17

(30) Journal Télévisé de 20H, France 2, 1er mai 2016

(31) BOCK-CÔTE Mathieu, « Non à la trudeaumania ! », Le Point, n°2277, 28 avril 2016, pp.119-120

(32) DESANGES Guillaume, « Terra Nova ou la nouvelle idéologie socialiste », Valeurs Actuelles, 13 octobre 2011. Consulté le 1er mai 2016.

(33) SELASI Taiye, « Sur une planète de citoyens sans racines, la nationalité signifie-t-elle encore quelque chose ? », Géo Hors-Série, Les Grands Défis de Demain – Edition 2015, septembre – octobre 2015, pp.96-99. Numéro réalisé en partenariat avec le New York Times News Service & Syndicate.

(34) BARBER Benjamin, « Les villes savent trouver des solutions locales à des défis globaux », propos recueillis par Jean-Christophe Servant, Géo Hors-Série, Les Grands Défis de Demain – Edition 2015, septembre – octobre 2015, pp.92-93

(35) Cité dans GERNELLE Etienne, « Baverez : pourquoi ce n’est pas le moment de dormir… », Le Point, n°2269, 3 mars 2016, pp.42-44

(36) BAVEREZ Nicolas, op.cit.

(37) Challenges.fr (avec AFP), « Dette : le FMI tire la sonnette d’alarme », 13 avril 2016. Consulté le 25 avril 2016.

(38) BAVEREZ Nicolas, op.cit.

(39) BAVEREZ Nicolas, op.cit.

(40) LACOMBE Clément, VIGNAUD Marc, « Les nouvelles lois de l’économie », Le Point, n°2276, 21 avril 2016, pp.62-66

(41) ALLAIS Maurice, La mondialisation, la destruction des emplois et de la croissance – L’évidence empirique, Clément Juglar, Paris, 1999, pp.144-145. Par deux fois, en 1963 et 1967, le général de Gaulle refusa l’adhésion britannique à la Communauté Européenne. 1973 : entrée du Royaume-Uni dans le Marché Commun. 1974 : dernier budget excédentaire de l’Etat en France. 1976 : décret instituant le regroupement familial en France, possibilité donnée aux travailleurs immigrés de faire venir leur famille. 1977 : inauguration du Centre Pompidou, voué à la création moderne et contemporaine.

(42) GAUCHET Marcel, « La France ne sera plus une grande puissance », propos recueillis par Saïd Mahrane, Le Point, n°2270, 10 mars 2016, pp.145-149

(43) ALLAIS Maurice, op.cit., p.180. Avec une erreur de plus ou moins 20 % sur chaque poste en raison des incertitudes statistiques.

(44) GORDON Robert, « Il faudra augmenter soit l’immigration, soit les impôts », propos recueillis par Marc Vignaud, Le Point, n°2276, 21 avril 2016, pp.67-68

(45) ISMARD Paulin, La Démocratie contre les experts – Les esclaves publics en Grèce ancienne, Seuil, Paris, 2015

(46) Frank Underwood est un personnage de la série House of Cards. Cité dans JACOBERGER-LAVOUE Virginie, « Le monde vu par les séries », Valeurs Actuelles, n°4140, 31 mars 2016, pp.66-68

(47) HUYGHE François-Bernard, op.cit.

(48) COUSSEDIERE Vincent, « Le populisme, c’est l’instinct de conservation du peuple », propos recueillis par Olivier Maulin, Valeurs Actuelles, n°4141, 7 avril 2016, pp.22-23

(49) MAULIN Olivier, « Analyse – Le penseur du retour au peuple », Valeurs Actuelles, n°4141, 7 avril 2016, p.22

(50) LORRAIN François-Guillaume, « Cette Europe qui veut faire sécession », Le Point, n°2276, 21 avril 2016, pp.147-151. Milan Kundera donna en 1983 cette définition de la petite nation : « Celle dont l’existence peut être à n’importe quel moment mise en question, qui peut disparaître et qui le sait ». Il ajouta que, « dans notre monde moderne où le pouvoir a tendance à se concentrer de plus en plus entre les mains de quelques grands, toutes les nations européennes risquent de devenir bientôt de petites nations et de subir leur sort » (revue Le Débat, n°27, novembre 1983, pp.15-16).

(51) Le développement de la Chine et de l’Inde contraint de toute façon le capitalisme à repenser ses modes de production, au risque sinon de tensions croissantes entre puissances nucléaires pour la maîtrise des approvisionnements en matières premières et denrées.

(52) Devise de la Maison Stark dans la série Game of Thrones.

mardi, 29 décembre 2015

Pierre Le Vigan: Ecologie, urbanisme et contre-modernité

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Pierre Le Vigan: Ecologie, urbanisme et contre-modernité

Entretien paru dans la Lettre du SIEL n° 23 décembre 2015.

Ex: http://www.siel-souverainete.fr

Pierre Le Vigan est écrivain, essayiste et collaborateur de la revue Eléments, de metamag, bvoltaire, etc.

PierreLeVigan.jpgLa contre-modernité dont vous vous réclamez, notamment dans votre remarquable Écrire contre la modernité, vous paraît-elle être le préalable nécessaire à toute réflexion sur l'écologie ?

La contre-modernité consiste à essayer de comprendre tout le mouvement de pensée qui s’est développé à partir du XVIe siècle, et qui a consisté à se dégager d’une vision du monde dans laquelle Dieu était toujours en surplomb de l’homme, sans pour autant être fasciné par cette émancipation apparente. La contre-modernité ne consiste pas à rêver de revenir à un âge d’or de la pensée, généralement supposé aristotélicien (et caricaturant Aristote bien souvent), mais à assumer la tension de la modernité en y réintroduisant le sacré et le divin : la terre, le ciel, les mortels (nous, les hommes, qui nous savons mortels), et les dieux.
Si la modernité recourt à la raison comme critère du jugement, personne ne peut être contre. La contre-modernité consiste par contre à insister sur la contextualisation de la raison, sur la part d’expérience qu’elle comporte, et sur la dimension sacrale que revêt toute vie digne d’être vécue.
En ce sens, les pensées contre-modernes sont un préalable à l’écologie mais elle ne la réduisent pas aux relations entre l’homme et la terre. Elles y incluent la dimension du sacré.

Si l'écologie peut se définir, a minima, comme l'étude du vivant dans son environnement, comment se fait-il, selon vous, qu'elle ait été à ce point arraisonnée par l'écologie politique - qui en est pourtant sa négation même - , dont la doxa a, de façon assez définitive et relativement efficace, enfermé toute pensée radicalement écologique, dans une sorte d'angle mort idéologique ?

Que l’écologie soit politique, ce n’est pas ce qu’on doit lui reprocher. L’étude des relations de l’homme, et plus généralement du vivant sur les milieux naturels, doit inclure le politique, c’est-à-dire la façon dont l’homme s’organise en société. Cette dimension politique a de toute évidence des conséquences sur la vision de l’environnement et sur la façon dont l’homme le respecte ou au contraire, le détruit, le souille, et en fait un pur fonds, un stock à exploiter – comme le montre Heidegger.
Les partis écologistes français ont capté les préoccupations d’environnement en leur donnant une tonalité sans-frontièriste. C’est une erreur majeure. Ce n’est pas parce que nous partageons tous la même terre que nous sommes un seul peuple, les « terriens », et que le lien entre une terre et un peuple doit être rompu.
Les écologistes français n’intègrent pas l’écologie humaine qui les amènerait à réfléchir à la préservation des écosystèmes culturels des peuples, qui ne peuvent être soumis sans dommages à des changements trop brusques. D’où le caractère néfaste de l’immigration de masse.

Vous avez beaucoup travaillé sur la ville et ses excroissances "banlieusardes". Ne pensez-vous pas que leur développement continuel obère tout possible retour en arrière entendu comme frein à la démesure des pouvoirs publics et des urbanistes qui les conseillent ?

Pour ne parler que de la France, les pouvoirs publics misent sur le développement de quelques « hyper villes » déjà très grandes (4 ou 5), trop grandes, et sacrifient toutes les autres villes, comme la plupart des anciennes capitales des ex-22 régions et encore
plus les « petites villes moyennes » (celles de 50 000 à 100 000 habitants).
Cette hypertrophie des 4 ou 5 hyper villes ou mégapoles, et surtout de Paris, est effectivement difficilement réversible. La France a besoin d’un réseau de villes moyennes mais certainement pas de mégapoles. La création par Valls des hyper-régions va dans le même sens : la démesure.
Le gigantisme est de surcroit incompatible avec la démocratie et renforce le pouvoir des technocrates et autres pseudo- « experts ».
L’idéologie du continuel « développement » des villes amènent à leur enlever toute respiration, tout espace non approprié, non dévolu à une activité. Il faut viser à une stabilisation de la population de nombre d’agglomérations déjà trop grandes et préserver des zones de toute construction. Mais cela se heurte aux appétits de profits soutenus par les pouvoirs publics.

Que pensez-vous du concept "d'écologie intégrale" proposé par le pape François dans sa nouvelle encyclique, Laudato si! ?

L’encyclique « Loué sois tu [Seigneur] » du pape François Bergoglio critique de manière très heureuse la « culture du déchet » qui est celle de nos sociétés. Il situe clairement les responsabilités du système capitaliste. La cause de la destruction de notre environnement, c’est, écrit-il, « le système mondial actuel, où priment une spéculation et une recherche du revenu financier qui tendent à ignorer tout contexte ». Il explique que ce n’est pas d’un nouveau compromis dont avons besoin mais de tout autre chose. « Il ne suffit pas de concilier en un juste milieu la protection de la nature et le profit financier, ou la préservation de l'environnement et le progrès. Sur ces questions, les justes milieux retardent seulement un peu l'effondrement. Il s'agit simplement de redéfinir le progrès. »
Pour ma part, plutôt que de redéfinir le progrès, je dirais plutôt : sortir de l’idéologie du progrès.

Si l’écologie est intégrale, ou tout simplement cohérente, elle doit inclure le souci du bien-être et de la vie de tous les vivants donc aussi des animaux, et réintégrer l’homme dans le cosmos, la nature, la phusis. En d’autres termes, le nomos (la règle, ou encore la loi) doit découler d’une vision juste de notre place dans la nature, la phusis.
Il faut noter qu’à l’intérieur de l’Eglise, cette encyclique, d’inspiration franciscaine, n’a pas fait l’unanimité. A beaucoup d’égards, elle marque un tournant. Et ce tournant va dans le bon sens.

Editions La barque d’or avec Pierre Le Vigan :
http://la-barque-d-or.centerblog.net/

courriel la barque d'or :
labarquedor@hotmail.fr ou labarquedor@gmail.com

samedi, 19 décembre 2015

Exaltación y centralización de lo inferior en el mundo moderno

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Exaltación y centralización de lo inferior en el mundo moderno: Humanitarismo, filantropía, animalismo y ecología.

Ex: http://septentrionis.wordpress.com

Una de las caras del pensamiento contemporáneo, aquel que ha descendido y desvalorado además de rebajado los arquetipos Divinos propios de la perfección, los cuales fundamentarían y asentarían los principios de un supuesto sacrificio por remontar los escalones descendidos en contra la Idea de lo Sagrado, es, esta cara de la que hablamos; el humanismo antropocéntrico.

Dicha aspiración es cohibida por una ideología centrípeta a lazos materiales o en el mejor de los casos, existenciales pero siempre humanos y de naturaleza netamente psico-física. No únicamente ese refreno a estadios superiores causada por una physis acotada a lo personal es consecuencia de la negatividad de mirada, sino principalmente la descentralización de un principio rector metafísico del Universo. Esto supone o bien la pasividad pura del sujeto o bien la pretensión no arribada a categorías del Intelecto más allá de la razón para la compresión completa así como la vivencia de esta comprensión pura.

El humanismo junto al pensamiento antropocéntrico, ambos entendidos como comprensión y percepción epistemológica de la naturaleza y Cosmos a través únicamente de la magnitud y medición de lo humano y del humano son un giro, total y universal, a la supremacía de la persona de exclusivos atributos presentes en su nivel de existencia, la cual rige y decreta todo lo demás. Es por ello que antes del entendimiento del humanismo como un resurgir de unos estudios clásicos, se entendía por este la antítesis de la escolástica y por ende lo contrario a la visión jerárquica y vertical del Universo de actos, potencias y del primer motor inmóvil Aristotélico haciendo cúspide. El humanismo antropocéntrico es pues una primera toma de contacto con la futura cosmología horizontal y terrenal, la cual hace girar un Todo siendo refinado por lo humano.

Este virado y desviado ángulo será una de los signos que marcarán la nueva concepción de la actual situación, no sólo filosófica sino espiritual, de Occidente.

El origen de esta idea surge como fenómeno previo a la llegada de la Ilustración y del enciclopedismo, ambas concepciones con nexos comunes a este humanismo antropocéntrico, que casó con sucesos filosóficos e históricos como el racionalismo Cartesiano[1] o la Reforma Luterana, junto a la Contrarreforma de la Iglesia Católica con su correspondiente concilio de Trento. Si antes se filtraba la experiencia vivencial con la tabula rasa de lo humano, ahora se hace una exaltación de este, junto a su razón, ignorando la espiritualidad fuera del teísmo de la época. Es así como se forja la revolución Francesa y la ya caída en picado de Europa, la cual hizo posible la propagación en líneas políticas de la moderna democracia Parlamentaria traída de Inglaterra, así como la mala fragua del socialismo materialista Ruso y su hermano el capitalismo, el cual reina imperante hasta nuestros días de forma destructiva.

El descenso propio de la edad actual, desde las alturas Apolíneas a fondos del deleite
hueco ya ni racionalista, de cielos de Dioses y Héroes a suelos de hormigón, no es estático, pues bien sigue como bacilo patológico propagándose con distintas máscaras y en dirección a lo más bajo.

Estas podrían ejemplificarse con la filantropía caritativa o el humanitarismo desmedido entre otros. Alguno se echará las manos a la cabeza al escuchar críticas a estos dos enfoques o conceptos, pero si bien ambos pueden tener puntos positivos, también ambos radican y se originan en la descentralización, distorsión y viraje de la idea Tradicional, pues esta filantropía o humanitarismo desplaza un Principio metafísico más allá de humano a lo humano,  acaba con la idea de emanación y multiplicidad a partir de este Principio y desorienta haciendo defensa de una cosmología centrípeta y exaltante de sí mismo, el humano, haciendo caída en estadios o estaciones inferiores dentro de una jerarquía cósmica. Junto a ello la búsqueda de la sensación y emoción o de ayuda meramente material o económica y sus frutos –Sakama Karma.- y su a veces altruismo ególatra contrasta con aquel desinterés del yo personal en la acción y por lo tanto en la ayuda que se cree que se hace, lección que Meister Eckhart pincelaba en uno de sus sermones sobre el “desasimiento”[2], pues en la acción el movimiento llevado a cabo por la compasión del yo y no por el desapego transparente es un acto egoísta[3]. El problema de la búsqueda de los frutos de la mentalidad contemporánea, sean intereses como comentamos emocionales como físicos –económicos, políticos…- se contrapone a la visión del Nishkana Karma o “acción sin deseo”, la cual queda ilustrada cuando Krishna en su conversación con el guerrero Arjuna dice; “Sólo tienes derecho al acto, y no a sus frutos. Nunca consideres que eres la causa de los frutos de tu acción ni caigas en la inacción[4], subyugando así la acción al deber Trascendental y de ninguna manera a sus frutos, concepción propia del verdadero Kshatriya.

Así mismo, el centrar y describir al humano como eje polar es errada en principio. Existe por ello un humanitarismo desmedido que no actúa equitativamente como la ideología moderna clama, buscando la igualdad o la “igualación cripto-forzada”. No defendemos ni al humanitarismo universal ni a esa visión moderna, pues este humanitarismo debe ser como todo, de arriba hacia abajo, del centro hacia afuera y entendido desde ópticas no pragmáticas, las cuales tienen como germen el expansionismo cultural –o a-cultural según se vea.- y lo cual se traduce en mecanización y globalización tecnológica y subyugación de cualquier rincón del planeta. En definitiva, la destrucción de la diversidad defendida por esa misma ideología del pensamiento único y moderno. Por lo que respecta a esta idea de igualación, esta nos parece contradictoria metafísicamente con el principio jerárquico de la naturaleza y Cosmos, así como de igualdad en condición humana, la cual al no concebirse desde la realidad de acto tiende a forzar de cualquier manera esta igualación, generando así un hombre masa. He aquí la espiral de caída y contradicción en lo que intentamos exponer.

Junto a lo anterior, es necesidad el comentar en especial la perspectiva con la cual la filantropía como movimiento es realizada. Desde conductas aburguesadas el filántropo actúa caritativamente a través de eventos sociales o campañas, en los cuales de nuevo de manera material o económica se dispone a ayudar sin inmiscuirse, tanto en el proceso como en la ayuda como tal, la cual ni siquiera se concibe que pudiera ser propia y humana, contradiciendo así al significado literal de la etiqueta que porta como philos anthropos. No es lugar para discutir el bien causal de la filantropía, pues lo que nos atañe es el principio que acciona dicho movimiento así como la mentalidad con la que se lleva a cabo. Esta última, la cual se desarrolla entre una pasividad y vista lejana del caritativo que descansa y se funda en la apatía moderna. Pretende de esta forma atacar al problema normalmente económico a través de la economía y contemplando diferencias entre naciones basándose en el llamado “Estado de bienestar”, diferencias que son únicamente de tipo capital, tecnológico y material –Por supuesto jamás artísticas, culturales y mucho menos espirituales.-. Así el filántropo intenta amollentar el problema con lo que el problema ha sido creado; El materialismo. Así pues, parafraseando a Evola en “Cabalgar al Tigre” diremos que la acción que no parta “del núcleo profundo del ser, supraindividual…, que toma la forma de un ser en tanto que es acto” deberá ser considerada errónea tanto en causa como en origen.

Si bien aquí vemos dos conceptos modernos, digamos, exaltadores del hombre, existen bien otros aún más disonantes como puede ser el animalismo o el anti-especismo. Recordemos que lo que intentamos exponer es la descentralización de un Origen metafísico a estadios inferiores como en los casos anteriores era el hombre o sus acepciones y en casos excepcionales, lo animal en su sentido más basto, y de ahí la crítica a estas vertientes de pensamiento moralista ligadas a la caída de la cual hablamos. El animalismo como movimiento tiene diferentes dimensiones y niveles, pues si bien suele estar unido a dietas vegetarianas o veganas la moralidad causante de estas varía en un espectro entre el supuesto respeto al derecho a la vida animal, la oposición a granjas intensivas monstruosas abortos del capitalismo o una exaltación extrema de la criatura hasta niveles superiores al humano en derecho, fundamentando, el animalista, la inferioridad en defensa o raciocinio de dicha criatura. Todo esto junto a una supuesta militancia que no es otra cosa que un colectivismo que gira entorno a esta idea que comentamos, la cual es regada con tintes sentimentalistas y emocionales.

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Reafirmamos el amor a los animales así como la contrariedad a la masificación, maquinación y desnaturalización de las granjas y mataderos. Por otra parte centrar este escrito en los prejuicios de este movimiento o vertiente que pensamos tiene como origen debilitamientos y monomanías precedentes; tras las diversas caídas desde visiones de dominios metafísicos, el darwinismo o teoría evolucionista junto al cientifismo, se perpetraron haciendo a la ciencia técnica el dogma universal y eterno.  Ambas visiones de forma sinérgica intentaron dilucidar al humano biológico y psicológico desde parámetros animales pensando que este, el animal, era un ser vivo básico por el cual se explicarían los instintos que supuestamente mueven al hombre. Una vez más el terror a enfrentarse con lo Absoluto hizo que el hombre moderno cayese en lo pequeño, simple y materialista. Esto presupuso que el humano y el animal están en un mismo nivel de existencia, lo cual es falso, falsedad que a su vez se sobrepone a la idea de que la única diferencia entre estos es el mero raciocinio y la cual trataremos más adelante. A esto se suma la fuerza tóxica que este pensamiento genera secularizando cualquier acción humana que sea realizada como sacralización inmanente, ya sea el rito, el sexo[5], la organización social o política e incluso la espiritualidad, exponiendo que se trata de estímulos mecánicos y subconscientes que preceden la razón del movimiento del humano, o la religiosidad, limitándola a una explicación mítica del subconsciente ligado con sucesos incapaces de aclararse en el momento.

Nos situamos así en una perspectiva plana y llana donde los principios vitales humanos corresponden a los animales y la diferencia es más cuantitativa –cantidad de capacidad- que cualitativa –capacidad en sí-. A partir de esta hipérbole de pensamiento asimila dos planteamientos contemporáneos; La igualdad y el sentimentalismo frenético.

La impresión y pretensión de la igualdad es etiqueta del pensamiento moderno, donde esta equidad evangélica de raza, género e individuo pasa a lo animal afirmando su derecho a la vida a pesar de la poca consistencia de fundamentos que sostengan una legitimidad más allá de la moral y la lástima. La falta de comprensión o tal vez la negación propia a esta, hace que no se aprecie el hecho de que la igualdad no es ni un fin ni una herramienta así como que la desigualdad existe en origen y es causa primitiva. En cuanto al derecho, si anteriormente entre los siglos XVII Y XVIII se concebía como herramienta con la finalidad “idílica” del “progreso positivista”, tal y como Hobbes o Locke propusieron, en la actualidad  es la moralidad como tal, la cual de carácter temporal y relativo, genera el derecho. Esto denota que esa idea de “progreso positivista”,  junto a la moralidad moderna, son los conceptos que establecen al propio derecho y su supuesta justicia. Esta inversa ecuación genera que no solo el derecho, la ley y su vía activa, la legislación, sean engendradas por principios morales y humanos  –estos en el más bajo sentido de la palabra.-, sino que incluso la idea de estado y por ende la política sea confeccionada desde estos principios de los que hablamos, los cuales son subjetivos a caracteres y personalidades tanto individuales como colectivos en un sentido restringido y no orgánico o Absoluto. El Estado como mero mecanismo que sirve para una determinada finalidad y no como forma de alto simbolismo como apostilla Spengler.

El derecho como tal no es concebido o más bien contemplado por la Tradición, pues se trata en cualquier de los casos de una “igualación” horizontal y forzosa de dos o más sujetos en cuanto a propiedades cuantitativas así como,  y aún más nocivo, cualitativas. La idea de derecho supone no atender o apreciar esas cualidades, sean del tipo que sean, las cuales consideramos de carácter superior a las puramente numéricas. Lo anterior equivale irremediablemente la negación de cualquier propiedad o atributo para llegar a una supuesta objetividad y neutralidad entre sujetos, ya que esta es la única manera de legitimar la sentencia o dictamen. Esta intentona de una regla Universal de juicio y derecho –contraria totalmente al Suum Cuique.- afecta al concepto de “Derecho Animal”, pues se intenta fundamentar un amparo que primero cualifica al animal como portador de una tutela, la cual no contempla de forma individual por razones obvias y segundo que coloca a la criatura en una escala métrica, en la cual parece que el hombre moderno intente crear una idea antropomorfa de absolutamente todo lo vivo desde como comentamos, ópticas puramente emocionales.

Lo anterior junto a la inversión de valores morales o éticos, estos engendrados desde ejes personales, crea una flexibilidad infinita en cuanto a derecho y legislación, la cual es usada por defensores de este pensamiento[6]. Dicha se cimienta en un anti-especismo que intenta evidenciar cierta discriminación de carácter moral entre animales y otros animales u hombre[7]. Si bien existen defensas animalistas sin ser igualitaristas en este sentido, trataremos adelante sobre otro convencionalismo moderno como es la idea de ecología desde un punto de vista pragmático y materialista.

Tratando directamente sobre la diferenciación de las cualidades entre el hombre y el animal diremos que el ser posee poder –pues es causal.- de trascender su condición ontológica. Esta característica es la mayor diferencia entre el hombre y el resto de los animales y no su raciocinio como paradójicamente los racionalistas suelen defender.

Así como un hombre con una consciencia cual sea de lo Absoluto puede contemplar, en este ejemplo, niveles inferiores a su estado actual desde cierta superioridad así como la posibilidad de continua “refinación” y aspiración a ese Absoluto según sus cualidades, también el hombre –refiriéndonos al hombre común.- por lo general, aunque cada vez de forma menos efectiva, debido a la edad en la que nos encontramos y los agentes que reinan en esta, contiene en potencia dicha potencialidad -valga la redundancia.- de superación de estadios en primer lugar existenciales y tras ello metafísicos. Esta potencialidad está ligada como capacidad a las cualidades y características del sujeto en cuestión, la cual es obviamente nula en los animales. Esto marca una gran diferencia entre el hombre y el animal por la incapacidad de una comprensión escatológica así como su razón de existencia de este último, la cual se trata de una mera subsistencia y no de pura trascendencia como es en el caso del hombre.

A esto añadiremos entrando en cuestiones metafísicas, que el moralismo que parece pulular por estos círculos es totalmente inválido como sustento teórico. Como venimos comentando y desde nuestra perspectiva, el sentido de involución y emanación desde un principio niega que la persona como tal en su sentido más exterior sea capaz de generar o de discernir conceptos o cuestiones que giran en torno al “Bien” y “Mal”, –persona como centro o “productora” de la Verdad, lo cual se trata del antropocentrismo moderno que aquí denunciamos.- bornes que unimos en este caso a la deontología y moralidad animalista. Esta dualidad no existe en estados superiores y por lo tanto no es real en sí misma, sino que se trata de una degradación de la Verdad que se crea al comparar polos que comprenden una equivalencia complementaria. Significa que el hombre como tal no puede concebir o entender esta relatividad sin haber entendido la objetividad total de esta, es decir, la dimensión directamente superior a la dualidad relativa que se propone comprender. Si en caso contrario se cae en esa dualidad se cae en el tremendo error de juzgar de forma personal, desde como decimos, cuestiones totalmente temporales y por lo tanto falsas. Es por ello que también sería incorrecto de hablar de “Ética Animalista”, pues la Ética desde la llamada ciencia de la moral debe ser entendida como producto de un individuo tras su reflexión y que únicamente consideraremos correcta cuando esta sea generada por valores eternos y por lo tanto por el ser mismo de este individuo y no sus apetencias personales y temporales. Esta ética puede no coincidir con la moral colectiva, es más, no debería, pues contemplamos la cualidad de cada individuo, lo cual hará que se encuentre dentro de unos atributos, los cuales marcaran su posición en cuanto a su propiedad y condición, lo cual sustentará la diversidad humana propia de la multiplicidad del Cosmos y del propio Ser. Es por ello que la moralidad o la “axiología” animalista pueden únicamente sustentarse en conceptos inferiores tales como lo afectivo que corresponde a posiciones restringidas a la psique y donde el bien o mal se queda en términos a lo sumo morales sino inferiores.

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El sentimentalismo que se adopta, sea para fundamentar, sea para defender la idea de animalismo, parece tener resonancias en ciertas vanguardias de pensamiento así como artísticas que vemos, de una manera u otra, ligadas a valores Cristianos –nos referimos a valores devocionales sin ningún componente trascendente o meramente “inmanentista” como en es el caso del Puritanismo- como la pasión, la devoción, vehemencia y compasión o piedad, los cuales parecen haber sido en algún momento descentrados de su verdadera misión como valores religiosos a, en un primer lugar, un Cristianismo humanista distorsionado por los tiempos hasta en la actualidad, valores totalmente profanos, estos fuera de cualquier contexto religioso o espiritual y entendidos como meras predilecciones morales. Si aunamos todo esto al menos en pretérito al Cristianismo no es por casualidad, pues como bien se sabe personajes como San Bernardo hasta los Perfectos y Perfectas Cataras hacían un uso restringido de la carne. Cierto es que existen diferencias, pues mientras San Bernardo parece ser impulsado al vegetarianismo por simple y mera disciplina, los Cataros desde su visión gnóstica y dualista lo unían a cierto “desprecio” por lo existencial y terrenal, por lo que concebían que tanto el sexo como la carne, en un amplio sentido de esta última, incluyendo la animal, cual acto “impuro”. Percepción que no de forma casual compartían con no solo maniqueos Persas o Sirios sino también Chinos como se demuestra en el Codex Manichaicos Coloniensis con comentarios de Samuel N.C. Lieu.

Existen ciertos antecedentes bíblicos sobre este tema nos centraremos en algunos de ellos; “Además del “no matarás”, la privación de consumo de carne tiene sus fundamentos escriturarios: “Es bueno que te abstengas de la carne”, dice san Pablo en la Epístola a los Romanos, y escribe en la de los Corintios: “Si una carne ha de escandalizar a mi hermano, nunca la comeré”. Podía invocarse también la visión de Pedro, en los Hechos de los Apóstoles: una sábana desciende del cielo, cargada de toda clase de animales; una voz le dice a Pedro: “Levántate, mata y come” y Pedro responde: “Jamás en la vida, Señor, porque nunca comí nada impuro ni mancillado”[8]. Origen, Clemente de Alejandría, Juan Crisóstomo, Basilio el grande así como Jaime, Mateo o Pedro llevaron una vida sin consumo de carne animal. Así también grupos de origen cristiano como la Iglesia Adventista, iglesia de origen “Millerista”[9] y de corte mesiánico, como la “Bible Christian Church”, secta Metodista, propagaron el movimiento vegetariano en Estados Unidos. Situándonos en la Europa Teísta, esta rota entre el Catolicismo moderno y las diversas iglesias y sectas protestantes[10], la fundamentación del movimiento animalista ligado al Cristianismo era sintetizar de una forma burda, por diversas razones, el evangelio y escrituras bíblicas con el vegetarianismo. Ideas como el deber de la manutención del “Paraíso Terrenal” en el cual se debía crear un estado idílico de respeto máximo a la creación, lo cual incorporaba en muchos de los casos la no-ingesta animal, defendido por personalidades como J.F. Newton o el romántico Percy Bysshe Shelley, los cuales llegan a esto de forma transversal a los Cataros, haciendo del mito bíblico del árbol y el jardín del Edén una alegoría a la comida de la carne como pecado en la cual en el Paraíso Primordial la dieta era supuestamente vegetariana. Perspectiva muy parecida a la de Thomas Thyron el cual se dedicó a difundir sus ideas ligando el vegetarianismo al diablo en su libro “The Way of Health”, mezclando razonamientos puramente dietéticos con un doctrina vegetariana sincretista Hindú, Pitagórica y Bíblica o las ideas que defendía el científico Emanuel Swedenborg. Desde esta tentativa de aunar el vegetarianismo y animalismo a una tosca lectura y comprensión de la doctrina Cristiana, las razones de expansión de ambos movimientos -pues entrambos van de la mano en este caso.- han sido varias, estas con el paso del tiempo cada vez centralizadas en ideas más racionales o por exponerlo en su contrariedad, más ateístas. J.F. Newton, al cual nombrábamos antes, fue en parte influenciado por su doctor Londinense William Lambe, el cual abogaba por una dieta vegetariana defendiendo con esta su simple salubridad. No son pocos los grupos o individuos que siguen justificando esta línea así como la defensa del medio ambiente y ecología mundial [11]o el vegetarianismo y animalismo como única vía para el desarrollo y evolución social[12]. Para cerrar este apartado, comentar que son algunos los que han visto un claro nexo entre el Cristianismo y Vegetarianismo como fuente con corrientes como el romanticismo, el idealismo filosófico así como dogmas modernos protestantes–anabaptismo, hermandad de Moravia…- e incluso la Teosofía[13]. Nosotros no trataremos de discutir cual es el producto de tal, pues creemos que la degradación de nuestro tiempo comprende, afecta y compendia todo lo anterior y no al contrario, es decir, nada de lo anterior es el origen de la decadencia sino producto o influenciado de tal, sino en origen, en alguna de sus partes.

Es pues tarea, para complementar nuestra tarea de definir de una forma más clara, el hablar de diferentes mascaras que han acabado por defender un estilo de vida animalista y vegetariano a través de diversas deformaciones. Nos centraremos ahora en las varias distorsiones del Budismo e Hinduismo por parte de la mentalidad –y decimos mentalidad porque no trasciende más allá de eso- moderna Occidental. Estas deformaciones, realizadas desde un sincretismo que realiza una grosera lectura de los Textos Sagrados junto a delirios de “Nueva Era”, retuercen ideas como el Karma o la “Reencarnación”. Tras ello producen extrañas concepciones que forzadamente y junto a un emocional infantilismo derivan en defensas de un estilo de vida sin consumo de producto animal. Solo nos queda comentar desde la estricta lectura de pasajes Orientales la falta de sostenimiento de estas desfiguraciones, Así pues en textos como el Artha-shastra se afirma el consumo de carne animal así como su tratado –secado, frescura…-, en el Mahabharata donde cantidad de personajes que hacen uso de carne, el Anguttara Nikaya encontrado en el Tipitaka o incluso leyendo a personajes relacionados con el Ayurbeda Tradicional tales como Sushruta Samhita, Charaka y Vagbhata los cuales recomiendan en varios casos en consumo animal y su salubridad. Si bien existe un nexo entre el vegetarianismo y estas doctrinas en la actualidad, este parece haber sido influencia de razas y espiritualidades lunares y totémicas, ya que los Arios consumían entre otras cosas carne[14]. Esto implica que el vegetarianismo no está ligado a estas Tradiciones en origen, sino que se trataría de un componente totalmente exógeno y añadido de forma tardía al periodo Védico. Ni siquiera existió un vegetarianismo a nivel social o popular, ya que aun teniendo en cuenta la frecuencia de consumo animal por parte de los Arios, no existía ningún tabú e incluso llamaban a sus invitados “Goghna” o mata-vacas porque en la visita y festín se incluía la matanza de res[15]. Creemos, dejando el tema ya que no prescinde de mayor explicación, que la inclinación a religiones Orientales o Árabes puede ser dada por una exaltación de lo exterior como contrapeso a un moderno descontento hacia uno mismo, a su cultura y lo propio, una endofobia que genera junto a la propaganda contemporánea y junto a cierto anhelo “no centrado”, una predilección por lo exótico, lo cual en este caso y por actuación de los tiempos ni siquiera se puede calificar de doctrina Tradicional “práctica”.

Pues bien, sintetizando, como vemos las razones y fundamentos pueden ser más o menos racionalistas –que no racionales y mucho menos lógicos.- y los que parecen siempre estar asentados en pilastras sentimentales o emocionales jugando a una empatía debilitadora que iguala, como hemos argumentado, niveles no comparables. El caso animal y el humano son completamente diferentes y hacer distinción de lo diferente no es más que eso y no un “especismo” que parece ser para estos círculos una palabra sino sinónima equivalente a “racismo” y con la cual se intenta colegir, casi cual tabú, estas visiones modernas.

Por ultimo nombraremos otro de los problemas que pensamos han sido desvirtuados de raíz. Se trata del movimiento ecologista, movimiento que más allá de basarse en una misión de defensa del ecosistema apoyándose en estudios meramente científicos – La ecología como ciencia.- hace de estos una herramienta, con la cual considera la naturaleza algo subyugado al hombre o en su defecto, la naturaleza y su protección como necesidad para la supervivencia humana. Ambos casos ejemplos un débil antropocentrismo soberbio que erra paradójicamente en el mismo concepto que el de los enemigos de estos ecologistas.

Si bien se intenta hacer cierta diferenciación hablando de la ecología basada en un ecocentrismo, este centrado en el vínculo humano-naturaleza y por otro lado el ambientalismo, entendido como una postura más pragmática, pensamos que ambos erran en razonamiento, sea concediendo una superioridad al humano o equiparándolo este con la naturaleza, pues comprendemos al humano dentro de la naturaleza y esta dentro de un Cosmos integrándose así en una unidad absoluta. Esto marca la disimilitud, ya que mientras vemos a un Todo que supera, contiene y se desempeña como consciencia, estos movimientos conciben al humano como axis y con ello doblegan el universo a la persona. Esto hace que los rudimentos del ecologismo, en el cual aunamos al ambientalismo y las diferentes ciencias técnicas, tales como el ecologismo político, errados en principio, pues desencadenan cual prisma irregular confusiones ilícitas e inadmisibles. Una de las más significativas es el entendimiento de la naturaleza como depósito de reservas el cual debe ser protegido por el bien de la supervivencia. Esta concesión materialista la cual tiene como intención “…El disfrute de un medio ambiente en óptimas condiciones… la defensa de un desarrollo humano respetuoso con la Naturaleza en el que el aprovechamiento racional de tales recursos sea garantía para su conservación y bienestar… y una nueva ordenación del territorio que garantice la conservación de los espacios naturales, racionalice el uso y disfrute de los mismos, evite el deterioro de los suelos y la desertificación, promueva un racional aprovechamiento de los recursos y optimice para todo el territorio las necesidades que la sociedad demanda…”[16] alejándose de cualquier precepto supra-humano en cualquier sentido. Ya Marx con su visión materialista concebía la relación del hombre con la naturaleza diciendo que “La tierra es su despensa primitiva y es, al mismo tiempo, su primitivo arsenal de instrumentos de trabajo. Le suministra, por ejemplo, la piedra que lanza, con la que frota, percute, corta, etc. Y la propia tierra es un instrumento de trabajo aunque exija, para su cultivo, para poder ser utilizada como instrumento de trabajo, toda otra serie de instrumentos y un desarrollo de la fuerza de trabajo relativamente grande.”[17], diluyendo la idea de naturaleza, tierra y sus recursos como simple fuente de utilidad.

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Ya no solo es la interpretación de la naturaleza y lo que esta contiene –El ecosistema en un campo científico.- como algo a ser utilizado y explotado, también digno para el disfrute humano más hedonista, lo cual aún nos parece más grave que se use como razón de motivo ideológico.

Antecedentes contrarios a estas posiciones podemos encontrar varios, tal como el Dharma o conducta Sagrada en Oriente, la cual es conforme a la ley de Ordenación Cósmica o Rita, la que contiene en sí misma las leyes naturales y por supuesto humanas. Esta conducta contempla una dimensión metafísica así como una jerarquía de estados propios del Ser, cosa totalmente carente en la actualidad, ya que la naturaleza y sus leyes son entendidas –o más bien analizadas.- desde el punto de vista secularizado y meramente científico-cuantitativo. La diferencia en este caso se trata por un lado de una comprensión cosmológica Total en el caso Tradicional, ya que penetra en aspectos de carácter espiritual y metafísico, estos conteniendo y jamás negando aspectos de carácter científico, mientras que por otro, en la actualidad como decimos no es más que un análisis sintético incompleto, pues este intenta penetrar en la Naturaleza a través de conceptos exteriores como la técnica, muy inferiores potencialmente a lo que intenta estudiar o comprender.

Centrándonos ahora no en esta concepción Universal del ecologista, que se encierra en una mera visión espacial que no traspasa límites humanos, sino en la defensa del ecologismo y por ende naturaleza a través de esta concepción de la que hablamos, veremos que la comprensión de los márgenes totales se ciñen a una realidad únicamente física que contiene sus frutos y sus leyes desarrolladas, estas resueltas por la ciencia. El problema aparece cuando se exploran diferentes y más amplios límites, los cuales no son capaces de ser estudiados por la disciplina científica. Esto sucede ya que esta disciplina se fundamenta en el estudio experimental, numérico y fenoménico en un sentido material, lo que implica que los resultados de esta ciencia serán por ello numéricos, sucesos físicos y producto de la experimentación estadística.

La potencialidad propia de la ciencia así como su capacidad en cuanto a análisis de un campo son directamente proporcionales a los resultados que la experimentación obtenga, resultados que dependiendo del método serán más o menos cualitativos pero siempre con un fuerte componente puramente numérico, que limitara la integralidad y exactitud las conclusiones. Esto acota la naturaleza y su estudio al mero análisis de deseos catastrales particulares de un plano únicamente físico, lo que invalida su objetividad en cuanto al estudio de la Naturaleza total. “La naturaleza –y por ende lo que esta contiene- es nunca únicamente natural”[18] y la defensa de la misma desde una posición que no llega a contemplar sus diferentes aspectos no solo comete el error de equidistar al hombre dentro del círculo natural, sino que se desacierta de manera feroz con un materialismo dogmático nocivo para esta.

Esto equivale a la defensa de la naturaleza desde formulaciones que están ligadas en visión a ese materialismo antropocéntrico, tales como la sostenibilidad numérica y parcial, la preservación de espacios naturales específicos o nuevas perspectivas de defensa como la “ecología profunda”[19] la cual parece ser el límite más alto de comprensión de la naturaleza desde ejes racionales, queriendo desligarse de la anterior visión de naturaleza maquinal sintética, y prefiriendo hablar de una red total de sucesos y potencialidades con una causalidad circular, todo esto explicado a través de la física, ecología y psicología además de algunos puntos moralistas.

Todas estas intenciones, posiblemente buenas en intención, no contemplan una visión holística e integra de la naturaleza ni del Cosmos, así como tampoco una defensa que proponga a través de un “imago mundi” la construcción u ordenación de la tierra a imagen de lo Superior, pues esta sería el único procedimiento, ya que implicaría un acatamiento de unas leyes que por Principio son innegables, inmutables y universales –lo que significa que comprenden varios dominios dentro y fuera de planos meramente físicos- además de su correspondiente estudio y comprensión. No hay pues otra forma de encontrar una armonía que abarque cualquier personalidad del Cosmos que el estudio y comprensión de este de manera íntegra, entendiendo su propiedad como manifestación y extensión indefinida, con sus cualidades propias como multiplicidad, las cuales solo pueden ser contenidas y vislumbradas en una mirada sintética de la Naturaleza entendiendo que la verdadera esencia de todas las cosas es una con el Origen. Es por ello que las leyes cambian y se modifican en cuanto al grado que manejan pero nunca de forma sustancial dada su realidad universal.

Lo escrito anteriormente no fundamenta cierto nihilismo misantrópico negando u obviando cualidades puramente vitales del hombre, tampoco un rompimiento o quiebra entre estadios existenciales y humanos con estadios metafísicos, olvidando los primeros. Así, menos aún un escepticismo relativista sin ordenación[20]. Todo lo contrario, ordenar el Orden y con ello armonizar y conciliar cotas de realidad verticalmente, sin la negación de ninguna de ellas y en grado de una jerarquía marcada no por el hombre, lo cual sería un orden relativo y subjetivo, sino por lo Eterno[21]. Idea opuesta a la cosmología humanista y antropocéntrica la cual criticamos y observamos que ha dado frutos así como concepciones posteriores erróneas y falsas, sesgando estadios superiores al hombre y analizándolos desde una experimentación limitada a estos. Esto hace que la polarización de la realidad oscile entre ejes puramente racionales, psicológicos, sensacionales, físicos y por último puramente automáticos, mecanicistas y casi animalescos como ocurre en la actualidad[22].

Examinando los temas anteriores podemos apreciar que el hombre actual no contempla un contorno del campo potencial humano mayor a la cerca moderna, contorno que en su Totalidad supera sin lugar a dudas a la razón pura, entendida como saber maquinal cuantitativo, estático y muerto. Por ello podemos sentenciar que la negación a vislumbrar planos del Misterio es la privación de la experiencia de lo vivo. Esto sea desde diferentes máscaras, disimulos o pretextos como pueden ser los aquí comentados, pues estos parten de un principio erróneo e inferior, del cual todo su producto es compuesto por esa corrupción primeriza. Así entendemos que lo inferior no puede actuar como superior y no podemos el marcar pautas vivenciales desde conjeturas meramente morales, sentimentales o prácticas. La Ordenación de carácter humano y personal entendemos que debería ser una plena hierofanía, llevada a cabo fielmente cual exégesis del Cosmos y realizada por “Deber Sagrado”[23], jamás por pragmatismo de su funcionamiento u otras concesiones menores, aunque estas puedan existir en condición de producto accesorio.

La causa y razón de ser de estos cuatro conceptos que hemos comentado son erradas en Principio. Si bien estos conceptos varían en cuanto a idealización, concepción de realidad y expresión de sí mismo, podemos observar que existen elementos comunes en estos y que son propios de una manera u otra a la decadencia que impera;  moralismo filosófico, sentimentalismo, materialismo, secularización de cualquier índole, sincretismo y confusión… todos ellos ligados a la centralización de un principio inferior correspondiente a niveles no superiores a los sutiles, por lo tanto subordinados o totalmente faltos de un Principio Rector. Este desconcierto se puede considerar activo en el sentido que crea a su vez lo que es en esencia, y cual cadena causa desconcierto. La ignorancia no puede trascender de ella por si misma sino por la distinción y discernimiento de lo Real con esta ignorancia.


[1]“En todas sus formas, el racionalismo se define esencialmente por la creencia en la supremacía de la razón, erigida en categoría de verdadero “dogma”, e implicando asimismo la negación de todo cuanto es supraindividual y sobre todo de la intuición intelectual pura, lo que entraña lógicamente la exclusión de todo verdadero conocimiento metafísico.” Guénon, René (2013) El Reino de la Cantidad y los Signos de los Tiempos §85 Madrid. Paidós.

[2] “Presta atención a ti mismo; y allí donde te encuentras a ti, allí renuncia a ti; esto es lo mejor de todo” Eckhart, Meister (2013) Tratados y Sermones. 3. De las personas no desapegadas que están llenas de propia voluntad §112 Buenos Aires. Las Cuarenta.

[3] Importante hacer separación entre estas dos ideas modernas y la idea del socorro, ayuda, desprendimiento o generosidad. Pues estos dos planteamientos, en origen, son totalmente opuestos.

[4]Anónimo (2009) Bhagavad Gita con los comentarios de Sankara. Cap. II El sendero del Discernimiento v.47 §68 Trotta Paradigmas. Crítica Barcelona.

[5] La visión psicoanalítica del sexo que diluye el acto sexual en una maraña de mero origen psicológico, instintivo e incluso como construcción cultural, social histórica o de reafirmación de género. Véase para completar conocimientos sobre el tema Evola,Julius (2005) Metafísica de sexo. José J. de Olañeta.

[6] Véase obras como “Animal Revolution; Changing attitudes towards Especiesism” o “The Political Animal; The conquest of Especiesism” Ambas escritas por Richard R. Ryder y en habla Inglesa.

[7] Entiéndase el especismo desde el prisma animalista como ” prejuicio o actitud parcial favorable a los intereses de los miembros de nuestra propia especie y en contra de los de otras.” Singer, Peter (1999) Liberación Animal. Madrid. Editorial Trotta.

[8]Roquebert, Michel (2010) Nosotros, Los Cataros. La Ascesis. Barcelona. Crítica Barcelona.

[9] Véase William Miller. Predicador que reconoció su error al intentar predecir una supuesta venida de Cristo a la tierra. Propulsor de los Testigos de Jehová.

[10] Para una visión más amplia: Coomaraswamy, Rama P. (2007) La Destrucción de la Tradición Cristiana. Sanz y Torres.

[11]Marly Winckler – Presidente de la Sociedad Vegetariana Brasileña (www.svb.org.br).

Secretaria Regional para Latinoamérica de la International Vegetarian Union (IVU) en el artículo “Otro Mundo no es posible”.

[12]Mark F. Carr and Gerald R. Winslow – en el artículo “Meatless diet: Moving beyond intellectual assent?”.

[13]Spencer, Colin (1996) The Heretic’s Feast, A History of Vegetarianism (Ed. En Ingles) §197 Londres. University Press of New England.

[14]Eastwood, Cyril (1966) Life and Thought in the Ancient World (Ed. En Ingles) Londres. University of London Press.

[15]Spencer, Colin (1996) The Heretic’s Feast, A History of Vegetarianism (Ed. En Ingles) §75 Londres. University Press of New England.

[16] Principios ideológicos de una entre tantas asociaciones ecologistas Españolas.

[17]Marx, Karl (1959) El Capital. Cap. V. Proceso de Trabajo y Proceso de Valorización §132 Fondo de Cultura Económica.

[18] Cita en Eliade, Mircea (1887) The Sacred & The Profane (Ed. En Inglés) §116 EEUU. A. Harvest/HBJ Book.

[19] Véase Capra, Frithjof  (1998) La Trama de la Vida. Barcelona. Anagrama.

[20] “El orden humano y el orden cósmico no están separados como suele imaginarse en la actualidad, sino que, por el contrario, están íntimamente unidos de tal forma que cada uno de ellos reacciona constantemente sobre el otro dándose una correspondencia entre sus respectivos estados.” Guénon, René (2013) El Reino de la Cantidad y los Signos de los Tiempos §104 Madrid. Paidós.

[21] “Porque de Él, por Él y para Él son todas las cosas. A Él sea la gloria por los siglos. Amén” Romanos 11:36.

[22] “Podemos concluir así, el racionalismo, por constituir la negación de todo principio superior a la razón, provoca como consecuencia práctica el uso exclusivo de esta misma razón cegada, valga la expresión, por el hecho mismo de verse aislada del intelecto puro y trascendente cuya luz, normal y legítimamente, debe reflejar el ámbito individual.” Guénon, René (2013) El Reino de la Cantidad y los Signos de los Tiempos §88 Madrid. Paidós.

[23] Recordando aquella “Hacer aquello que debe ser hecho” del Majjhima Nikaya

                 MARS VIGILA

jeudi, 10 décembre 2015

Pierre Le Vigan: «La postmodernité, c’est l’excès inverse de la modernité»

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Pierre Le Vigan: «La postmodernité, c’est l’excès inverse de la modernité»

Ex: http://www.philitt.fr

Pierre Le Vigan est un historien des idées proche de la Nouvelle Droite. Ses réflexions portent sur une critique radicale du capitalisme et ses multiples implications sur l’homme et son environnement. Il est l’auteur d’Inventaire de la modernité avant liquidation (2007), Le malaise est dans l’homme et La banlieue contre la ville (2011).

PHILITT : Vous avez édité cette année, un ouvrage intitulé Soudain la postmodernité (La Barque d’or). D’où vient ce terme, « postmodernité » ?

Pierre Le Vigan : Je ne connais pas l’origine exacte du terme. Ce qui est certain, c’est que Jean-François Lyotard a beaucoup contribué à diffuser le thème de la postmodernité. La notion de postmodernité désigne ce qui vient après la modernité, donc ce qui vient après le culte du progrès, le culte de l’homogénéité, de l’égalité, du jacobinisme. La postmodernité est ce qui vient après les grands récits historiques, tels le communisme, la social-démocratie, le fascisme, qui n’ont été qu’une brève parenthèse, et d’une manière générale, redisons-le, après la religion du progrès. Il y a bien sûr des éléments de postmodernité dans les temps actuels, mais il y a aussi des éléments qui relèvent en fait de l’intensification de la modernité. Prenons l’exemple de la théorie du genre : en un sens, on peut croire qu’elle valorise les différences entre les sexes en mettant en lumière leur dimension culturelle, en un autre sens, elle les minimise puisque avant d’appartenir à un sexe, nous serions en quelque sorte sans détermination et choisirions « librement » notre genre. Le genre prétendument choisi serait plus important que la sexuation héritée. Sur le fond, en fait, la théorie du genre pousse à l’extrême et jusqu’à l’absurde le constructivisme. Or, le constructivisme est un élément de la modernité. Il est pourtant bien évident que la France déjà moderne des années 1960 était à des années-lumière de la théorie du genre. Tout dépend donc du niveau où l’on situe l’analyse. S’agit-il de l’histoire des idées ? De leur généalogie ? Ou sommes-nous au contraire dans le domaine de la sociologie historique ? Il faut à chaque fois préciser quel est le niveau d’analyse choisi. Ce qui est certain, c’est que, sous couvert d’apologie des différences, nous vivons, comme le voyait déjà Pasolini il y a plus de quarante ans, dans « un monde inexpressif, sans particularismes ni diversités de cultures, un monde parfaitement normalisé et acculturé » (Écrits corsaires).

Comment définir, ou du moins comment situer, la « postmodernité » par rapport à la « prémodernité » et à la « modernité » ?

Votre question me permet de préciser un point. J’ai expliqué que la postmodernité était avant tout la fin des grands récits, et surtout du récit du progrès sous ses différentes formes (qui incluaient par exemple le nazisme, qui était un darwinisme social et racial « progressiste » puisqu’il voulait « améliorer la race »). Sous une autre forme, qui amène à en souligner les aspects néfastes, la postmodernité c’est aussi l’excès inverse de la modernité. C’est le présentisme, c’est la jouissance (je n’ai rien contre, mais elle doit avoir sa place, rien que sa place) contre la raison, c’est le laisser-aller (l’esprit « cool ») contre l’effort, c’est l’informe contre la tenue. Voilà la question que pose la postmodernité : si on ne croit plus au progrès, qu’est ce qui nous fait tenir debout ? Nous : je veux dire nous en tant qu’individus, et il faudrait dire en tant que personne humaine, mais aussi nous en tant que peuple. C’est là qu’intervient la référence à la pré-modernité. Si on prend comme exemple de moment de pré-modernité la période du Moyen Âge, avant le culte du progrès, mais aussi avant le culte de l’homme, et en fait avant le culte de la puissance et surpuissance de l’homme, la pré-modernité faisait se tenir debout les hommes par la religion, et en l’occurrence par le christianisme (je parle bien sûr de l’Europe). Cela amène bien sûr à relever qu’il y eut plusieurs pré-modernités, précédant elles-mêmes plusieurs modernités. Les modernités des pays catholiques et des pays protestants n’ont ainsi pas tout à fait été les mêmes.

Il est certain que la postmodernité ne peut qu’avoir des points communs avec certains aspects de la pré-modernité. On pourrait espérer, au lieu du culte du présent, une attention au présent, au lieu d’un enlisement dans le présent, la recherche d’une transcendance dans l’immanence. Le dépassement de la modernité a bien des aspects positifs. Qui peut regretter le nationalisme agressif entre peuples européens qui a mené aux guerres du XXème siècle ? Mais qui peut sérieusement penser que ce dépassement d’un certain nationalisme doive amener à nier tous les enracinements, toutes les mémoires historiques ? Il faut redécouvrir toutes les communautés, dont certaines ont été broyées par un nationalisme (plus exactement un stato-nationalisme) niveleur mais il ne faut pas pour autant se défaire des constructions nationales qui figurent parmi les réalisations les plus belles du politique en Europe. Autant, par exemple, je suis pour l’autonomie de la Catalogne, autant je suis hostile à sa sécession d’avec l’Espagne.

Vous écrivez que la seule libre-circulation dont ne veut pas le libéralisme, c’est la libre-circulation des idées (p. 32). Comment expliquer que l’actuel triomphe du libéralisme s’accompagne d’un recours étatique à la censure ?

L’intolérance actuelle du pouvoir, et plus largement du système face à tout ce qui relève de l’indépendance d’esprit et face à tous les propos non consensuels est d’un niveau assez stupéfiant. L’intolérance des hommes du système est, à beaucoup d’égards, proportionnelle à leur inculture. Il y a aussi un formidable formatage des esprits, qui va du plus haut niveau à tous les cadres intermédiaires de la société. Dans les faits, le libéralisme économique se développe sur fond de libéralisme politique. Ce libéralisme politique est une démocratie purement procédurale qui est de moins en moins démocratique. Le peuple ne peut se prononcer sur les sujets importants et, plus encore, quand il se prononce, on ne tient pas compte de son avis. Ce « règne de l’On » est en fait le règne de l’hyperclasse. Cette dernière mène une guerre de classe contre le peuple. En matière de relations internationales, nous sommes face à un système à tuer les peuples, qui s’appuie sur les États-Unis et ses relais, dont malheureusement la France, parfois même à l’avant-garde de l’atlantisme belliciste et déstabilisateur. Au plan intérieur, institutionnel et politique, nous avons un système à tuer le peuple, basé sur le mépris de celui-ci. Ce sont les deux faces d’un même système.

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« L’écologie poussée jusqu’au bout amène inévitablement à deux rejets. Rejet du libre-échangisme économique, rejet de l’immigration de masse » (p. 31). N’est-il pas pourtant en vogue, dans le monde de l’entreprise et au sein de la politique française, de parler d’« écologie », de « développement durable» ?

Le développement, c’est une façon de dire « toujours plus ». C’est souvent le cache-sexe de la pure et simple course aux profits. Si on souhaite un développement vraiment durable, il y a des choses à ne pas développer, par exemple le développement de l’automobile. C’est la contradiction du terme « développement durable ». Il faut donc demander aux partisans du développement durable ce qu’ils veulent vraiment développer. S’agit-il des systèmes d’échanges locaux ? Nous serons alors d’accord. S’agit-il des biens collectifs qui échappent à la marchandisation ? Très bien. S’agit-il de développer toujours plus de routes qui éventrent les paysages ? Ou de stupides créations d’aéroports inutiles ? Alors non. Faut-il toujours plus de smartphones ? Toujours plus d’informatisation de tous les processus de décision ? Encore non.

Prenons l’urbanisme comme exemple. Une ville durable, ce n’est pas forcément une ville qui se « développe », ce peut être une ville qui se stabilise, qui améliore ses équilibres. La notion de développement durable est donc ambiguë. Il faut pousser ses partisans dans leurs retranchements et les amener à reconnaître, s’ils sont de bonne foi, qu’il y a des choses à ne pas développer.

Quant à l’écologie, tout le monde est pour. C’est comme la santé et la bonne humeur : comment ne pas être pour ? Mais, concrètement, les gens qui se réclament de l’écologie sont pour l’immigration de masse. Alors, que se passe-t-il ? L’écologie s’appliquerait aux petits oiseaux, mais pas aux hommes ? (La critique de l’immigration qui est la nôtre ne saurait occulter ce que nous pensons être les responsabilités énormes de l’Occident dans le chaos au Proche-Orient et donc dans les flux migratoires vers l’Europe, et cela a commencé dès la première guerre du Golfe déclenchée après le rattachement de la « 19ème province », le Koweït à l’Irak, un piège, sous beaucoup d’aspects, tendu à l’Irak).

Revenons à l’immigration, qui n’est qu’un des aspects des équilibres humains, de l’écologie humaine et de l’éthologie humaine. Le respect des équilibres s’appliquerait à la nature mais pas aux hommes, qui pourtant ne cessent d’agir sur la nature ? L’écologisme des « Verts » n’a ainsi guère de rapport avec l’écologie. La thèse du réchauffement climatique anthropique (dû à l’homme) n’est elle-même pas prouvée. L’écologie officielle sert en fait de nouveau totalitarisme et d’instrument de contrôle social renforcé. Il est pourtant parfaitement exact que l’homme détruit ou abîme son propre environnement mais ce ne sont pas les écologistes, le GIEC ou les gouvernements qui « font de l’écologie » une sauce additionnelle à leur prêchi-prêcha culpabilisateur et moralisateur qui aideront à trouver des solutions. Il leur faudrait d’abord rompre avec le culte du progrès et de la croissance, et avec une vision de l’homme qui est fausse car les écologistes ne croient pas qu’il existe des différences entre les peuples : les écologistes, tout comme nos libéraux et socio-libéraux, pensent que les hommes et les peuples sont parfaitement interchangeables.

Or, avant de vouloir sauver l’homme et la planète, il faudrait commencer par les comprendre. Les écologistes, tout comme nos gouvernements mondialistes, pensent que les hommes sont tous pareils. Leur vision du monde est une vision de touriste. Pourquoi ne peut-on pas s’installer dans n’importe quel pays, de même que quand on part en voyage on regarde le catalogue ou le site adéquat ou autre et on coche la case « soleil », « bain de mer », etc. Croire que les migrations relèvent de la « liberté » est la dernière des imbécillités. Les migrations ont toujours été essentiellement des actes de guerres. Croit-on que les Allemands des Sudètes ont quitté leur pays en 1945 parce que les paysages bavarois sont plus gais, ou que les dancings de Munich sont d’un standing supérieur à ceux de Pilsen ? C’était parce qu’ils avaient le choix entre l’expulsion ou le massacre. Croit-on que les Juifs ont quittés l’Allemagne en 1933 par simple fascination pour l’Amérique ? Ou bien plutôt parce qu’on (les nazis) voulait les réduire à la misère, à l’humiliation, au suicide ou à la déportation ?

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Vous écrivez que vous avez souvent été considéré « comme un homme de gauche par les gens de droite et comme un homme de droite par les gens de gauche » (p. 85). Est-ce là pur esprit de contradiction ou bien assiste-t-on à un effacement du clivage gauche-droite ?

Esprit gratuit de contradiction : non. Goût de la complexité, oui. « La complexité est une valeur », écrit Massimo Cacciari. J’aime avant tout les nuances. Quant aux contradictions, il peut être fécond de les creuser si elles permettent d’arriver à une synthèse de plus haut niveau. Je crois au juste milieu non comme médiocre moyenne mais comme médiété. C’est ce qu’Aristote appelait : éviter l’excès et le défaut. Telle est la vertu selon Aristote. Ainsi, le courage n’est ni la témérité (l’excès) ni la lâcheté (le défaut). Mais le stagirite expliquait que l’opposé du courage reste néanmoins la lâcheté – et non la témérité.

Les notions de droite et de gauche n’ont cessé d’évoluer. C’est un clivage qui a toujours été mouvant. Aujourd’hui, ce qui est très clair, c’est que c’est un rideau de fumée. Droite et gauche sont d’accord sur l’essentiel : l’Europe du libre-échange et du dumping social, le partenariat privilégié avec les États-Unis, l’antirussisme primaire, la société de marché, l’idéologie des droits de l’homme contre le droit des peuples et l’immigrationnisme forcené. C’est en fait une fausse droite qui fait face à une fausse gauche. Les deux en sont au degré zéro de la pensée. Fausse droite et fausse gauche partagent la même croyance que l’Occident peut continuer à fabriquer de l’universel seul dans son coin et à l’imposer au reste du monde.

Tous les intellectuels qui pensent vraiment finissent par se fâcher avec le système politico-médiatique. Alors, celui-ci les exclut au motif de pensées « putrides », d’arrières-pensées encore plus « nauséabondes », d’appartenance à la « France moisie », de « relents de pétainisme », de statut d’ « ennemis de l’avenir » (Laurent Joffrin) et autres anathèmes. Michel Onfray, Jean Claude Michéa, Alain Finkielkraut, Alain de Benoist et d’autres sont mis dans le même sac, ce qui dispense de les lire. Or, ces intellectuels sont très différents. Ils ont comme seul point commun d’essayer de penser vraiment les problèmes même s’ils arrivent à des conclusions qui ne sont pas conformes à l’irénisme dominant : les richesses des cultures qui « se fécondent mutuellement » en se mélangeant, les « bienfaits de la diversité », les vertus d’un « vivre-ensemble » toujours plus épanouissant, le bonheur de la société « inclusive », etc. Michel Onfray est ainsi accusé d’avoir « viré à droite ». Cela ne devrait pas être une accusation mais une hypothèse non infamante en soi, relevons-le. Mais, au demeurant, c’est faux. Michel Onfray a toujours été un libertaire et il n’a pas changé. C’est toujours au nom des mêmes idées qu’il se heurte désormais aux esprits étroits du système, notamment depuis qu’il a relevé les responsabilités de Bernard-Henri Lévy dans le désastre libyen dont l’une des conséquences est le déferlement migratoire. Les propos de Michel Onfray sont dans le droit fil de sa conception du rôle de l’intellectuel, conception qu’il a notamment développée dans son livre sur Albert Camus, mais aussi dans nombre de chapitres de sa Contre-histoire de la philosophie.

Plutôt qu’une fausse droite et une fausse gauche, j’aimerais voir une vraie droite et une vraie gauche. Mais je crois aussi que les vraies droites sont toujours quelque peu de gauche à leur façon (voir Bernanos), tandis que les vraies gauches sont en un sens aussi de droite (voir Auguste Blanqui ou Georges Sorel).

Surtout, la vraie question me parait être de sortir de l’abjection anthropologique qu’est la modernité, et sa version récente l’hypermodernité. Le « chacun dans sa bulle », avec son oreillette et son smartphone me parait être un recul formidable de l’humain, la joignabilité tout azimut me parait une horreur. Je dis : abjection des temps modernes. De quoi s’agit-il ? Ce sont les gens qui sont appareillés d’oreillettes dans les transports en commun, qui restent les yeux figés sur leur téléphone cellulaire ou sur leur tablette numérique, ce sont les gens qui filment un drame ou une brutalité sans jamais intervenir, ce sont les gens qui ne proposent jamais à un clochard en perdition de l’aider à se relever, ce sont les gens qui veulent bien être témoin mais à condition de ne rien risquer (« Je ne crois que les histoires dont les témoins se feraient égorger », disait Pascal. On voit que nous en sommes loin). Ce sont les hommes de la société de l’insignifiance. En sweat-shirt du nom d’une compagnie aérienne d’un émirat pétrolier, ou en capuche de survêtement, parlant fort dans les transports en commun pour faire profiter tout le monde de leurs préoccupations égotistes, ils représentent le summum du mauvais goût. C’est le tsunami de l’abjection. Faut-il préciser qu’un Africain en habit traditionnel lisant le Coran ne me fait pas du tout la même impression ? Serait-ce là le dernier refuge de l’humanité ? Ce n’est pas le seul. Reste une évidence : le coefficient de modernité est exactement équivalent au coefficient d’abjection.

Cette question de la modernité, postmodernité par rapport aux années soixante et soixante-dix, ou simple hypermodernité, est très liée aux nouvelles formes du capitalisme, analysées par exemple fort bien par Pierre Dardot et Christian Laval. Sortir de l’hypermodernité, ce sera nécessairement aussi sortir du turbocapitalisme. Or, le dépassement du capitalisme ne se fera par les droites telles qu’on les connaît, mais se fera encore moins par la gauche actuelle. Celle-ci est devenue l’avant-garde du turbocapitalisme, elle déblaie le terrain, elle détruit les enracinements, les industries et la classe ouvrière. Elle a détruit les ethos (manière d’être au sens de demeure anthropologique) ouvriers. Elle est pour cela plus efficace qu’aucune extrême-droite n’aurait pu l’être. L’hypermodernité a permis de comprendre ce qu’était la modernité. Marx écrit « L’anatomie de l’homme est une clef pour l’anatomie du singe. Les virtualités qui annoncent dans les espèces animales inférieures une forme supérieure ne peuvent au contraire être comprises que lorsque la forme supérieure est elle-même connue. Ainsi l’économie bourgeoise fournit la clef de l’économie antique » (Introduction à la critique de l’économie politique, 1857). Dans le même temps, l’hypergauche actuelle a permis de comprendre ce qu’était la logique de la gauche : faire la table rase de tout être. Nier toutes différences, faire des nouveaux codes (théorie du genre, nouvel antiracisme négateur des races et des cultures) le contraire de l’histoire, en allant plus loin que Rabaut Saint-Etienne avec sa fameuse formule (« L’histoire n’est pas notre code »). Il s’agit en fait de liquider pour l’Europe la possibilité de faire une quelconque histoire.

La vraie question est donc de comprendre qu’on ne peut dépasser le capitalisme par la gauche (surtout celle de Pierre Bergé). La vraie question est aussi de prendre conscience à la fois que les thèses du GIEC sont biaisées par l’idéologie officielle du réchauffement dû à l’homme, mais que l’homme abîme vraiment la terre, que la pollution est une réalité, la croissance une impasse pour notre environnement, qu’elle détruit et enlaidit. La question est de prendre conscience que, comme dit le pape François, « l’heure est venue d’accepter une décroissance dans quelques parties du monde et d’en finir avec le mythe moderne du progrès matériel sans limite » (encyclique Laudato si’). L’heure est venue de la postcroissance pour une vraie postmodernité qui soit autre chose que l’intensification de la modernité.

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La polémique autour des propos de Michel Onfray sur Alain de Benoist a révélé qu’il existe encore une « gauche du non » (Jacques Sapir, Christophe Guilluy, Jean-Claude Michéa…). Qu’en pensez-vous ?

Le phénomène va au-delà d’une « gauche du non » (au référendum sur le traité de 2005). Jean-Claude Michéa est un historien des idées, novateur et important. Jacques Sapir est un géopolitologue, un économiste et d’une manière générale un intellectuel atypique comme il y en a peu. Christophe Guilluy est un sociologue qui apporte un éclairage neuf mais n’est pas un intellectuel généraliste. Michel Onfray est un littéraire et un philosophe touche à tout doué et attachant – quoique, cela n’aura échappé à personne, un peu dispersé. Ce qui est important s’agissant de cette « gauche du non » qui est, plus largement, une gauche rebelle aux séductions de l’hypermodernité capitaliste, c’est de comprendre qu’un certain nombre de dissidents du système (certains l’étaient depuis longtemps et d’autres le sont devenus) commencent à se parler. Leurs réponses ne sont sans doute pas les mêmes mais du moins certains comprennent-ils qu’il n’y a pas de questions tabous.

Il y a un autre élément de reclassement entre les intellectuels : la question de la pauvreté spirituelle de notre temps émerge tout comme la question de la nécessaire préservation des cultures qui consiste à ne pas les noyer dans un grand mélange informe.

Face à la postmodernité, pensez-vous qu’il faille adopter un positionnement conservateur ? Réactionnaire ?

Réactionnaire n’est pas un gros mot. On a le droit, voire le devoir de réagir face à certains processus. Mais réagir ne suffit jamais. Conservateur ? Tout dépend de ce qu’il convient de conserver. Certainement pas le système capitaliste et productiviste. Certainement pas le nouvel ordre mondial dominé par les États-Unis. Certainement pas les orientations internationales de la France depuis trente ans et le retour dans l’Otan. Certainement pas l’Union européenne telle qu’elle est. Il faut conserver le meilleur de la France. Mais existe-t-il encore ? Bien plutôt, il faut le retrouver, le réinventer. En retrouver l’esprit plus que les formes, par nature périssables. Pour conserver le meilleur, il faut révolutionner l’existant. C’est la formule du conservatisme révolutionnaire. Elle me convient bien.