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dimanche, 11 janvier 2009

Niger: la sale guerre de l'uranium

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Francesca DESSI :

Niger : la sale guerre de l’uranium

« Le monde s’intéresse à la tragédie du Niger ». Les combattants du « Front des Forces pour le Salut » ont revendiqué l’enlèvement et la séquestration de l’envoyé spécial de l’ONU, Robert Fowler, qui avait disparu début décembre au Niger, en même temps qu’un autre diplomate canadien, Louis Guay, et leur chauffeur. Dans une note, parue le 16 décembre sur le site internet du FFS, on pouvait lire : « Le 15 décembre 2008, les combattants du FFS ont mené une opération militaire dans la région de Tillabéry, où ils ont retenu quatre personnes, dont un diplomate canadien, Robert Fowler ».

La revendication est venue après deux jours de silence total. Les traces du diplomate Fowler, qui était arrivé le 11 décembre 2008 au Niger pour assister aux célébrations de la journée de la République à Tillabéry, ont été perdues dans la journée du dimanche 14 décembre, où l’automobile des deux diplomates a été retrouvée dans la zone de Karma, non loin de la capitale Niamey.

D’après le texte de la note, le Front vise à « sensibiliser tous les diplomates qui collaborent avec le régime génocidaire de Mamadou Tandja (le président) » et à « vouloir envoyer un signal fort au Canada parce que ce pays est l’une des mains qui arment Tandja pour combattre les populations autochtones du Nord et du Sud du Niger ».

Le message se terminait par une revendication claire : « nous ne cèderons aucune portion de nos terres avant que des consultations au niveau local n’aient eu lieu, sans une contrepartie et seulement après que l’on ait tout fait pour éviter le risque d’abîmer l’environnement en procédant à l’extraction d’uranium ». Le Front, constitué le 30 mai 2008, combat aux côtés d’un mouvement plus connu, le « Mouvement Nigérien pour la Justice (MNJ) », contre le gouvernement central pour obtenir des investissements plus substantiels et une politique du développement dans les territoires habités par les nomades touaregs, durement éprouvés ces dernières années par l’extraction radioactive de l’uranium de la région.

Les revendications, qui n’ont reçu aucune confirmation officielle jusqu’ici, ont toutefois réussi à nouveau à braquer les spots médiatiques internationaux sur une question fort délicate que l’on avait délibérément « oubliée » : il y a, au Niger, une guerre pour l’uranium ; elle oppose la population du pays au gouvernement de Niamey, qu’on suppose financé par la France qui entend appuyer ses propres intérêts et ceux d’AVEVA, son groupe nucléaire.

En réalité, les dunes sahariennes du pays, riches en ressources inestimables, où ont toujours habité les Touaregs, sont devenues depuis peu terrain de chasse pour divers pays animés par une fringale énergétique, parmi lesquels les Etats-Unis, la Chine, l’Inde, la Russie et aussi, bien entendu, l’Europe. Les firmes énergétiques internationales s’opposent entre elles pour pouvoir obtenir accès aux gisements d’uranium, qui, jusqu’à la fin des années 70 se trouvaient quasi intégralement sous le contrôle monopolistique de la France, qui avait décidé ainsi de se soustraire aux incertitudes du marché de l’uranium brut et de se rendre auto-suffisante sur le plan énergétique. A partir de ce moment-là, le pillage minéralier a pu s’opérer dans le silence, sans inquiéter outre mesure la communauté internationale, avec la complicité des dirigeants officiels du Niger. Bien peu de cénacles ou d’organisations s’intéressaient au sort désespérant et inhumain où végétait la population nigérienne, à ces conditions atroces qui ont forcé les Touaregs à choisir entre trois éventualités : a) mourir d’attrition et disparaître dans le désintérêt de tous, b) survivre vaille que vaille dans des bidonvilles de baraques et de tentes autour des villes nigériennes ou c) combattre. C’est cette dernière option qu’ont choisi les combattants du FFS et, surtout, du MNJ, qui accusent le gouvernement central d’ « exploiter de manière inconsidérée les concessions minières, afin d’obtenir les moyens nécessaires pour mener une politique parricide » et « permettre à l’AVEVA de voler les ressources minières du Niger ».

Les deux mouvements ne demandent pas au gouvernement de Niamey de fermer les robinets miniers mais de mieux répartir les gains et d’accorder davantage d’attention à la santé de la population et, par voie de conséquence, à l’environnement. Mais Tandja, à plusieurs reprises, a claqué la porte des négociations et refusé le dialogue entre les parties, en affirmant que le Niger est une démocratie et que les Touaregs jouissent du droit de participer aux élections et de faire valoir leurs revendications ; il accuse donc les Touaregs de privilégier la révolte armée. Le problème, c’est que la démocratie du Niger est une démocratie faible, dans un pays dont les frontières ont été tracées à la règle et à l’équerre sur une carte en Europe et que l’on y a séparé les déserts et les ethnies sans tenir compte de rien, ni du passé ni de la géographie ni de l’hydrographie : par conséquent, les minorités sont trop faibles et trop fragilisées pour obtenir un poids suffisant dans la politique du pays. Il ne leur reste plus que la lutte armée ou l’enlèvement de quelques diplomates occidentaux pour conserver l’oreille des médias dans le monde et leur rappeler ce qui se passe dans ce petit coin perdu du continent noir.

Francesca DESSI.

(article paru dans le quotidien romain « Rinascita », 17 décembre 2008 ; trad.. franc. : Robert Steuckers).

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