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mercredi, 14 octobre 2009

Voyage au bout de l'école

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1997

Voyage au bout de l'école

 

Faut-il que les enseignants soient abrutis par un système hiérarchique hyper-autoritaire pour appliquer les règles stupides qui les humilient un peu plus chaque jour? Faut-il qu'ils soient encore attachés à ce système consumériste, dont l'aboutissement pour eux consiste à rembourser les traites d'une grosse automobile ou d'une maison pour accepter encore ce qui devrait être l'inacceptable: violence dans des classes déjà surchargées, heures supplémentaires imposées, réunions administratives mul­tipliées... Comment peut-on s'accrocher à des avantages de plus en plus ténus?

 

La pratique, en tant que témoin intéressé, en apprend un peu plus chaque jour sur le désarroi moral de cette profession cor­robo­rant en cela des indicateurs qui se dégradent lentement mais sûrement.

 

Ces signes qui ne trompent pas peuvent être de nature très différente. Il peut s'agir de ce professeur de mathématique, à la re­traite depuis peu, disant que, par ses cours, sa principale utilité sociale a été d'éviter aux gamins de faire des bêtises dans la rue. Il peut s'agir également de ce professeur de français de collège qui avoue spontanément que, pour pouvoir tenir, elle doit prendre un psychotrope à la mode: le Lexomil (90 % des professeurs de collège ont, d'ailleurs recours à ce procédé, situation estimée comme normale pour la plupart des médecins, étant donné la fatigue nerveuse qu'entraîne la pénibilité de ces classes).

 

Je ne parle même pas ici des cours les plus difficiles à assurer, où l'on peut mesurer l'intérêt porté par les élèves dans un Iycée professionnel industriel, du fait, par exemple, que ceux-ci ne savent même pas l'intitulé de la discipline d'enseignement général à laquelle ils assistent: je ne me porterai pas garant de cette affirmation si je n'avais pas pu par moi-même en vérifier la véra­cité. Au-delà même des problèmes de discipline, il est aussi lassant d'assister à la routine déprimante à laquelle cette profes­sion est par essence soumise: «J'ai corrigé 3656 copies l'année dernière: cette année j'en suis à 1355», me disait l'autre jour ce collègue en salle des professeurs. Soumettre toute une carrière à ce genre de comp­tabilité, c'est se rapprocher un peu plus du monde de la modernité, du taylorisme, de sa quotidienneté répétitive, exactement comme celle du poinçonneur des Lilas, si bien chanté par Serge Gainsbourg et qui faisait des petits trous, des petits trous, encore des petits trous, toujours des petits trous... des copies, encore des copies, toujours des copies...

 

La massification contemporaine fait que l'on met tout en chiffres, tant et si bien que ce malaise peut être évalué d'une cer­taine manière:

- Chaque année, le corps enseignant bat son record d'absentéisme établi l'année précédente et ce, notamment, pour cause de dépression nerveuse, d'où un coût de plus en plus catastrophique pour la nation.

- Un enseignant réussit son suicide chaque jour.

- Le numéro vert mis a la disposition des enseignants par le Ministère de l'Education Nationale ne fait que relayer le travail fait par les syndicats chez qui plus d'un appel sur trois émane d'enseignants en désarroi.

 

Mais si ces chiffres ont une signification, c'est parce qu'ils correspondent avec une période de fin de civilisation et notam­ment chez nous avec la crise de l'Etat-Nation et son système d'école républicaine déja mort. Lorsqu'il s'écroulera, le sys­tème ces­sera d'exister. Ce constat fait dans l'école pourrait être aussi valable dans beaucoup d'autres secteurs d'activités.

 

L'on se prend alors à s'interroger pour savoir jusqu'à quand on verra ce spectacle, partout le même, où l'on voit des profes­seurs qui traînent leur cartable suivi de leur classe: on leur donne vingt ans de plus que leur âge, comme les sous-officiers alcoo­liques de l'armée, mais eux sont vieillis par le stress et non pas par la jaja. L'on se dit qu'avec un peu de chance, à un moment donné, la machine va se gripper, ne plus pouvoir avancer, qu'une objection de conscience verra le jour.

 

C'est une généralité lorsque l'on est professeur de musique, de dessin ou de philosophie, qu'une pagaille indescriptible règne dans sa classe parce que le public s'avère totalement inapte à aborder ces questions. Alors pour subsister, les pro­fesseurs sont obligés de faire dans toujours plus de démagogie. On a même pu voir, lors d'un reportage télévisé, lors de la rentrée de septembre, une professeur agrégée de philosophie échanger des recettes de cuisine avec certaines de ses élèves: nous ne sommes plus là dans l'auberge espagnole de la cuisine politicienne mais celle-ci, par son incurie, nous a amenés au fast-food de la consommation pédagogique qui, en fin de compte, n'arrivera même plus à distribuer un RMI culturel!

 

Les incidents, de plus en plus fréquents, suscités, une fois encore, par l'influence de l'américanisation de la société, gagnent en violence: insultes, grossièretés et même, souvent, agression physique à l'égard des professeurs ou du personnel, sont monnaie courante; dans un établissement où j'ai moi-même travaillé, deux surveillantes viennent de subir une sévère cor­rec­tion à coups de batte de base-ball, sur le parking du lycée, par un adolescent de 15 ans.

 

Mais c'est surtout la violence entre élèves qui semble se répandre avec le plus de rapidité. La presse, dans une très faible pro­portion des cas, s'en fait l'écho car la plupart du temps les chefs d'établissement font le maximum pour étouffer les af­faires, soucieux de l'image de marque de leur école, complices avec l'institution qui ne veut pas de vague, et affichant un bilan positif attesté par des statistiques flatteuses, comme le faisait le régime soviétique encore dans ses dernières années. Il n'empêche que quotidiennement le racket, le trafic de drogue, les menaces de mort, les violences avec arme ont lieu dans les classes, les cours de récréation et à la sortie des écoles et souvent pour des motifs qui semblent complètement ridicule pour tout individu normalement constitué: ainsi, pour ne citer qu'un seul exemple, récemment à Antony, dans la banlieue parisienne, un adoles­cent de 16 ans a blessé avec un pistolet à air comprimé un de ses camarades qu'il jalousait: «parce qu'il était plus fort que lui et possédait une belle casquette...».

 

J'ai pu vérifier dans un lycée professionnel, lorsque les professeurs n'étaient plus capables de faire régner une discipline de fer (c'est le cas pour l'immense majorité d'entre-eux), les élèves s'agressent constamment dans le meilleur des cas, en s'insultant entre membres de communautés différentes: Maghrébins contre Noirs, Européens contre Maghrébins, etc... Sous le poids écra­sant de la réalité raciale, le mythe d'une société pluri-ethnique et irénique vole en éclats: comme le disait fort bien Guillaume Faye, il y a de cela quelques années: «société multiraciale égale société multiraciste».

 

Effectivement nous n'assistons pas à la disparition du racisme ou des racismes antagonistes traditionnels, mais à l'accumulation de racismes nouveaux et inédits qu'aucune propagande, cherchant à les freiner ou à les atténuer, ne pourra mal­heureusement éradiquer. Les politiciens en restent à une vision pacifique et niaise de l'anti-racisme; leur naïveté est véhiculée par des officines de vigilance composées d'aigris, de marginaux diplômés, d'utopistes délirants qui s'imaginent pouvoir corriger la réalité à coup de procès et de paragraphes répressifs, en faisant appel aux juges, dévalorisant du même coup cette fonction sociale et soumettant le droit à l'arbitraire d'opinions idéologiques bancales. Le spectacle que ces per­sonnages nous donnent chaque jour est pitoyable. Les cerveaux exigus qui pontifient dans ces sinistres officines, les petits idéologues sans envergure qui y donnent le spectacle de leur hystérie, sont incapables de penser la multiplication inquié­tante des racismes et de créer se­reinement un droit souple tenant compte de la multiplicité humaine  —multiplicité légi­time—  et des multiples conflictualités que cette multiplicité génère par définition, le réel étant en ultime instance tissu de contradictions et de conflits sans bonne fin. Non: ces médiocres faiseurs d'opinion restent dans l'exigüité d'un droit et d'un jusnaturalisme étroits et étriqués, dont la faillite est patente, et refusent de renouer avec les modes de droit différentialistes.

 

Dans cet univers qui se rapproche de plus en plus d'Orange mécanique d'Anthony Burgess, l'impuissance et la désorienta­tion du corps enseignant, issu la plupart du temps de la classe moyenne calme et conformiste, sont totales. Ce sont deux mondes qui n'ont rien en commun. Ainsi une collègue désenchantée, d'un certain âge, m'expliquait l'autre jour qu'il y a l5 ans, elle citait les Maghrébins en exemple d'intégration dans les conférences du club huppé qu'elle fréquentait: et son plai­doyer, il faut le dire, était souvent juste. La première vague des étudiants nord-africains était composée de garçons et par­fois (mais moins souvent) de filles de grande valeur. Or, aujourd'hui, très souvent le petit frère de 15 ans, le cadet de l'aîné(e) cité(e) en exemple, travaillé par un fondamentalisme islamique mal compris, se comporte maintenant comme un fauteur de trouble. Il arrive alors fréquem­ment que la classe devienne ingérable. L'an dernier, le principal à qui cette dame généreuse qu'on ne peut accuser d'aucun ra­cisme, demandait des sanctions pour remédier à un problème, lui a rétorqué simplement: «Madame, vous êtes fatiguée, vous devriez prendre un congé de longue maladie», ce qui en dit long sur l'attitude de l'administration à envisager les vrais pro­blèmes. Sur l'intégration impossible, comme d'ailleurs beaucoup de ses collègues, cette femme a une réaction de lucidité, malheureusement elle a trop cru aux utopies des syndicats de gauche. Elle a été trompée, elle a le cran de l'avouer. Mais c'est un peu tard!

 

Frappé aussi par le repli sur la sphère privée qui caractérise l'individualisme contemporain, le système éducatif subit de plein fouet le manque d'engagement militant de ses membres pour leur école: réticence générale à assister aux réunions, pourtant propres à toute institution, refus de participer à la vie associative qui se traduit sur le terrain par une très nette baisse d'activité socio-éducative. Dans les années 70, dans la dynamique créée par mai 68, avait surgi dans les établisse­ments tout un tas d'activités comme les clubs animés par des soixante-huitards, soucieux de faire passer leurs idées dans la réalité: souvent déçus par les resultats: peu d'élèves volontaires, manque de dynamisme et de participation des présents, activités encore en­travées par la réglementation administrative trop importante et tatillonne. Ces professeurs créatifs et volontaires ont la plupart du temps baissé les bras. Les nouvelles générations de professeurs quant à elles, se contentent d'assurer le plus convena­blement possible leurs cours avec le souci permanent de ne pas se laisser trop déborder. Là où l'engagement s'avère le plus nécessaire, dans les fameuses banlieues, on s'enfuit et là où il sert un public déjà favorisé, il a subsisté, accroissant par là même les différences entre les classes sociales.

 

Hurlant au racisme dans les années 70, lorsque Valéry Giscard d'Estaing, alors Président de la République, a voulu sim­ple­ment limiter l'immigration sauvage prenant même encore aujourd'hui la tête des manifestations de soutien aux sans-papiers (en fait simplement clandestins), par l'intermédiaire de son syndicat majoritaire, la Fédération Syndicale Unitaire (la FSU), le corps enseignant français, après avoir été un soutien infaillible à la politique d'immigration incontrôlée, refuse paradoxalement d'aller assimiler le million d'étrangers officiellement scolarisé, sans tenir compte naturellement des fraî­chement naturalisés (encore plus nombreux). Ainsi, personne parmi ces innombrables antiracistes de salon, n'a envie d'aller travailler en banlieue où se concentre la population étrangère et mal assimilée. Bien sûr, il est plus confortable de continuer à jouer les professeurs de mo­rale antiraciste dans les lycées de centre ville, auprès des fils de famille confor­mistes et politiquement corrects. Bien que le nombre des titulaires soit trop élevé, les recteurs ont toutes les peines du monde à recruter des auxiliaires dans les endroits ré­putés les plus difficiles. Ainsi, on mesure un peu mieux les dégâts causés par les idéologies égalitaristes et mondialistes, dé­versées continuellement dans ce milieu depuis des décennies, avec la bénédiction des libéraux d'abord, par les communistes ensuite, puis par leurs successeurs réformistes, qui ont amené au pouvoir le parti socialiste avec les résultats que l'on sait.

 

Dans un monde totalement vidé de sens, un dernier carré de militants pédagogiques très minoritaires certes, mais qui existe pourtant, s'est retranché sur ces idées et essaie d'en faire passer sur le terrain quelques linéaments. Depuis tou­jours, des idéo­logues marxistes, reconvertis dans la psycho-pédagogie, leur ont fait croire que tous les élèves étaient égaux en intelligence, en capacité de travail, mais que le milieu, simplement, était à mettre en accusation pour expliquer les diffé­rences de niveaux. Tel un croyant s'appuyant sur un livre sacré, on se donne l'illusion que Philippe Meirieu, “pape” des sciences de l'éducation dans Apprends oui... mais comment? (quelle finesse d'esprit déjà rien que dans le titre!) détient la vérité, que l'analyse transac­tionnelle peut être efficace, que le “brainstorming  marche bien” et qu'il peut remplacer un cours pour traiter une question...

 

Tout cours magistral s'avère désormais impossible. Alors, une partie de ceux-ci est transformée en études encadrées, di­rigées, surveillées ... L'Etat-Providence, déjà exténué par les ponctions démesurées, tentera encore de prélever un peu plus les contri­buables pour payer des Contrats Emploi-Solidarité, à aider les élèves en difficulté à faire leurs devoirs ainsi que les MJC (Maison des Jeunes et de la Culture) afin de se subsituer encore une fois au rôle d'éducateur dévolu normalement aux parents. Il est vrai que la famille se retrouve, la plupart du temps, noyée dans le flot télévisuel, souvent éclatée, mais surtout incapable de maintenir la moindre apparence de sa mission civilisatrice.

 

Mais le camouflage est de plus en plus grossier et seuls, quelques grands naïfs, se laissent prendre à cette dernière tenta­tive du système pour masquer ses faiblesses derrière un vocabulaire de circonstance sommairement «ripoliné», pour oc­culter la po­rosité des murs prêts à s'effondrer même jusque dans leurs fondations. On pense bien entendu, que les mots peuvent changer la réalité des choses ou du moins le faire croire pour un certain temps: alors les SES (Sections d'Education Specialisées pour les déficients mentaux legers) deviennent des SEGPA (cela les rendra sans doute plus intel­ligents), les études dirigées de­viennent encadrées, on parle de pédagogie pour objectif, différenciée; un cours devient une séquence pédagogique...

 

La décomposition sociale en cours se fait sentir jusque dans le personnel, à commencer par d'ancien étudiant diplômés qui se retrouvent obligés d'accepter, pour pouvoir survivre, des postes sous-qualifiés. La frustration sociale s'amplifie et finit par at­teindre son paroxysme lorsque des agents de service, titulaires d'une licence, cotoient le balai à la main, des Professeurs d'enseignement général des collèges (PEGC) qui souvent ne sont même pas bacheliers. Avec une utilisation aussi aberrante des compétences (valable dans bien d'autres secteurs de la societé), on ne voit pas comment on pourrait faire autrement que d'aboutir à autre chose, tôt ou tard, qu'à une explosion sociale.

 

Dans ce domaine social on pourrait multiplier les exemples à l'infini. Pour s'en tenir à un fait saillant, il est vraiment affli­geant de constater que beaucoup de formateurs d'enseignants, que ce soient les inspecteurs, les intervenants de la forma­tion conti­nue, ou bien encore les responsables IUFM (Insituts Universitaires de Formation des Maîtres) que tous ces gens, qui ont la pré­tention d'apprendre aux enseignants à devenir des éducateurs plus efficaces, ont la plupart du temps des en­fants en situation d'échec scolaire qui souvent ensuite sombrent dans la marginalité, l'alcool, la drogue. Quel délicieux pa­radoxe! Comment pour­raient-ils leur faire croire que leurs méthodes peuvent fonctionner, alors que dans leur sphère pri­vée, elles ont totalement fait la preuve de leur incurie? Mais il y a belle lurette que nous n'en sommes plus à un paradoxe près: toutes les expériences qui ont été tentées ces dernières décennies se sont avérées désastreuses. Pourquoi en serait-il autrement pour celles que l'on veut tenter d'expérimenter maintenant? Conscient de certaines insuffisances, l'institution commande des rapports rédigés par des “experts”, comme la technocratie sait si bien en générer. Il faut bien rire du dernier de ces rapports rédigé par Roger FaurouxA, archétype même du dirigeant de la technostructure et qui, à la demande du ministre de l'Education Nationale, après de longs mois de concertation, fini par enfoncer quelques portes ouvertes en affir­mant que l'école devrait avoir l'obligation d'obtenir trois résultats fondamentaux:

- la transmission effective des savoirs primordiaux, ce qui est avouer implicitement que ceux-ci ne sont plus assurés;

- la transmission de notion de civilité et de citoyenneté dont l'acquisition de la langue française;

- une meilleure orientation par le renforcement du rôle des Conseillers d'Orientation Psychologues, pour que l'élève puisse bâtir son orientation professionnelle. On se demande si cela peut avoir encore une signification lorsque l'on sait que la France con­nait une crise de l'emploi sans précédent, où le chomage n'a jamais été aussi élevé dans la jeunesse: plus d'un jeune sur quatre (27% selon la revue Alternative économique!!!)  de moins de 25 ans est à la recherche d'un emploi, pro­portion qui s'accroît chaque mois: dès lors toute orientation, quelle qu'elle soit, a t-elle, avec de telles perspectives de dé­bouchés, encore un sens quelconque?...

 

Au total, comme l'avait déjà prédit Oswald Spengler, dans Le déclin de l'Occident, partout des goulots d'étranglement de la civi­lisation font sentir leurs effets, dans ce secteur avec encore plus d'acuité qu'ailleurs.

 

Les arguments par lesquels on encourageait les populations à faire une utilisation assidue de l'école et qui permettaient sa jus­tification éthique et intellectuelle ne sont plus valables. La mission civiliatrice et intégratrice de l'école, telle que l'avait pensée Jules FERRY, n'a plus lieu d'être (comme l'explique Raoul Vaneigem dans son opuscule Avertissement aux éco­liers et ly­céens, voir notre recension dans NdSE n°16). Ainsi, le fameux schéma classique de la République qui prévoyait une ascen­sion sociale en trois générations est cassé, semble-t-il, bien définitivement: le grand-père paysan, le père institu­teur ou em­ployé et le fils capitaine d'industrie, cadre, deputé. Il n'y a plus de paysans bretons et les instituteurs d'aujourd'hui (on dirait pro­fesseurs des écoles) sont bien souvent des fils de bourgeois déclassés qui enseignent à des petits Africains qui n'ont nulle­ment l'intention de devenir des Français dans un système où ils n'ont aucune chance de réussir à l'intérieur des structures tradi­tionnelles, ce dont ils ont à juste titre bien conscience. Confusément, dans le désordre psychologique inhé­rent de la jeunesse, ces masses africaines, musulmanes ou animistes ou christianisées en surface, sentent que ces struc­tures rationalistes et ré­publicaines ne sont pas faites pour leur cœur profond. Mais le sont-elles pour les Européens de souche? Ceux-ci peuvent-ils encore se déployer dans ces rationalités légalitaires figées?

 

Depuis la royauté jusqu'à Charles De Gaulle, en passant par Napoléon Ier, ce qui maintenait l'unité artificielle de la France, c'était sa fonction publique forte et unifiée dont le meilleur fleuron était l'école. Au moment même où celle-ci vient de se do­ter d'un corps unique de la maternelle à la terminale, la société française, sous les coups de boutoir conjugués de l'immigration in­contrôlée et trop diversifiée, de l'américanisation des moeurs et peut-être de la crise du capitalisme libre-échangiste, est en train d'éclater irrémédiablement.

 

Le processus est en voie d'achèvement. Mais qu'y aura-t-il après?

 

Pascal GARNIER.

00:05 Publié dans Ecole/Education | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : école, éducation, pédagogie, enseignement | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

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