vendredi, 11 juin 2010
Irak 1941: la révolte de Rachid Ali contre les Britanniques
Irak 1941: la révolte de Rachid Ali contre les Britanniques
d'après une étude de Marzio Pisani
En 1941, l'Irak, nominalement indépendant, était de fait un protectorat britannique. La domination impérialiste anglaise en Irak se basait sur une présence militaire, sur le conditionnement politique et sur l'exploitation économique. La présence militaire consistait en deux bases aériennes, l'une à Chaïba, près de Bassorah au Sud, et l'autre à Habbaniya près de Bagdad. La RAF y entretenait 88 appareils. Une troisième base était en construction à Routbah. Les Anglais avaient permis que se constituent une armée et une police irakiennes, dotées d'avions. Ces troupes étaient sensées défendre les intérêts de l'Empire. Elles allaient se révéler instruments du nationalisme arabe, sans que les Anglais ne s'en aperçoivent à temps. Les Britanniques avaient imposé à leur marionette irakienne, le Cheik Abdoul Ila, un traité qui autorisait les troupes anglaises à circuler librement partout sur le territoire irakien, inclus d'office dans le Commonwealth. Mais les éléments d'élite de la nation irakienne n'acceptaient que très difficilement cette mise sous tutelle: la politique pro-arabe de l'Axe les séduisait. Les diplomates italiens et allemands en poste dans le pays l'infiltrèrent idéologiquement, ébranlant le prestige des Britanniques dans toute la région.
Sur le plan économique, le capitalisme anglo-saxon exploitait sans vergogne les ressources pétrolières du pays par le biais de ses compagnies pétrolières. A la déclaration de guerre, cette arrogance conduisit les Irakiens à rompre les relations diplomatiques avec l'Allemagne et l'Italie —sous pression britannique— tout en refusant de déclarer la guerre à l'Axe. De plus, l'Irak offre l'asile au Grand Moufti de Jérusalem, grand propagandiste de la politique germano-italienne en Islam. Le 1er avril 1941, le groupe germanophile dit de la «Place d'Or», rassemblé autour de Rachid Ali, prend le pouvoir par un coup d'Etat. L'ensemble des forces armées irakiennes, armée de terre, aviation et police, se joint au nouveau régime. Les Anglais réagissent très vite pour remettre en place leur marionnette qui avait fui à l'étranger. Le porte-avions Hermes se porte dare-dare dans les eaux du Golfe Persique et la 20ième Brigade Indienne, accompagnée d'un régiment d'artillerie, débarque à Bassorah. Devant cette violation du territoire irakien, Rachid Ali organise l'insurrection fin avril. Les forces armées irakiennes comptaient quatre divisions d'infanterie, quelques unités mécanisées à faibles effectifs dispersés dans tout le pays et de 60 avions, des vieux modèles servis par des équipages inexpérimentés.
Fin avril, début mai, les Irakiens arrêtent les sujets britanniques résidant sur leur territoire et dirigent les flux de pétrole vers la Syrie de Vichy. Le 30 avril, ils lancent une attaque contre la base de Habbaniya. La police de Routbah verrouille la ville et la population de Bassorah s'insurge contre les Anglo-Indiens et amorcent une guerrilla aux environs de la cité. Surpris, les Anglais doivent contre-attaquer par la Transjordanie, appuyés par les chars de la 1ière Division de Cavalerie (la «Habforce»), la fameuse Légion Arabe et quelques unités jordaniennes. Des renforts sont appelés d'Egypte et des Indes. Avec l'appui de la RAF, la Habforce reprend Routbah et brise l'encerclement de Habbaniya. A Al-Falloudjia, la bataille décisive a lieu entre le 19 et le 23 mai: les Irakiens résistent mais sont battus, écrasés par la supériorité matérielle de leurs adversaires.
Les forces de l'Axe étaient clouées dans les Balkans et en Afrique du Nord. Le seul appui dont purent bénéficier les Irakiens: une petite escadrille germano-italienne et des approvisionnements fournis par la France de Vichy au départ de la Syrie. L'extrême-nord du pays n'est pacifié définitivement que le 9 juin. L'occupation du pays est laissée à deux divisions indiennes: la 8ième au Sud et la 10ième au Nord, tandis qu'une brigade entière (la 24ième) est mobilisée pour protéger les lignes de communications entre Bassorah et Bagdad, menacées par les partisans irakiens. Ceux-ci ne déposèrent pas les armes de sitôt. Francs-tireurs et saboteurs restèrent actifs pendant toute la guerre. Les Britanniques durent mettre sur pied une flotille de bâteaux patrouilleurs sur les deux grands fleuves. Autre souci pour la 24ième Brigade: la protection des oléoducs.
En fin de compte, la révolte irakienne fut un échec. Les Anglais sont restés solidement accrochés au Moyen-Orient. Mais les destructions opérées préalablement par les troupes irakiennes en retraite, pratiquant la politique de la terre brûlée, ont mobilisé les énergies de bon nombre d'unités de génie. Obligés de distraire de gros moyens pour mater les Irakiens, les Anglais ont dû dégarnir leurs fronts libyen et malaisien, permettant à Rommel d'avancer vers l'Egypte et aux Japonais de s'emparer de Singapour.
Les Britanniques, après la départ de Rachid Ali pour Berlin, réinstallent l'ancien gouvernement et maintiennent le pays en état d'occupation. En 1943, le gouvernement anglophile irakien déclare la guerre à l'Axe mais sans pouvoir aligner des troupes. Quelques pilotes irakiens s'engagent dans l'armée de l'air italienne.
Marzio PISANI.
(résumé d'un article paru dans L'Uomo Libero, n°16, nov. 1983; adresse de la revue: L'Uomo Libero, Casella postale 14035, I-20140 Milano, Italie).
00:05 Publié dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, deuxième guerre mondiale, seconde guerre mondiale, irak, moyen orient, proche orient, monde arabe, années 40, mésopotamie | | del.icio.us | | Digg | Facebook
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