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mercredi, 04 juin 2014

JAPON COLONIAL

JAPON COLONIAL (1880-1930) - Les voix de la dissension (1880-1930)
JAPON COLONIAL (1880-1930)
 
Les voix de la dissension (1880-1930)

Rémy Valat
Ex: http://metamag.fr
 
L'adhésion à la politique japonaise d’expansion coloniale en Asie n’était pas unanime. Très tôt, des intellectuels s'élevèrent contre cette tendance impérialiste : des universitaires, journalistes ou militants émirent des avis critiques et incisifs, parfois pertinents sur l'orientation suivie par leur gouvernement. Ces voix de la dissension nous ont laissé une trace matérielle, et c'est tout à l'honneur du Groupe de Genève, dirigé par Pierre-François Souyri, professeur à l'université de Genève, ancien directeur de la Maison Franco-japonaise de Tôkyô et spécialiste de l'histoire médiévale nippone, de nous les faire entendre. Chaque traduction est précédée d'une brève présentation de son auteur et de ses idées. Ces documents sont un témoignage de la pluralité des opinions au Japon et de l'engagement personnel des opposants dans un contexte de montée en puissance du militarisme et d'une forte censure dont le conformisme et la pression sociale étaient peut-être le terreau.
 
La période étudiée s'arrête à l'année 1930, après cette date, la politique impériale en Asie change de visage : la Chine et les zones du sud-est asiatiques et des îles du pacifique sont occupées militairement et font l'objet d'une exploitation économique. Le Japon est déjà entré dans la Seconde Guerre mondiale. Avant cette date, la jeune nation japonaise menait une politique extérieure de rupture en adoptant le « système westphalien », la vision européenne du droit et des relations internationales. Le Japon clarifia la situation et annexa les territoires sur lesquels sa souveraineté était jusqu’alors partielle ou théorique ( Hokkaidô, archipel des Ryûkyû ) ; leurs populations fut soumises à un statut particulier les soumettant à un régime semi-colonial. S’ensuivit une politique d’annexion consécutives aux fulgurantes victoires militaires japonaises contre la Chine et la Russie : le Japon étend sa souveraineté à la Corée, à Taïwan et à la partie méridionale de Sakhaline ( 1895-1910 ), puis à la Mandchourie ( 1931 ).

Les dirigeants du Japon ont embrassé et imité les règles régissant les relations internationales occidentales, ont réagi par la force à la politique de la canonnière et bâti un empire colonial asiatique : pour les thuriféraires du Grand Japon et quelques intellectuels ( le plus connu est Nakae Chômin, 1847-1901 ) arguent à juste titre d’une « hypocrisie » et d'une « voracité » occidentale en inédéquation avec leurs discours officiels. Les opposants, eux aussi, ont adopté une pensée inspirée des idées et des courants politiques européens ( anarchisme, marxisme, droit-de-l’hommisme, indigénophiles ). Nous retrouvons au Japon, à peu près les mêmes arguments, entre partisans et opposants à la politique coloniale française. Parmi les seconds, Fukuzawa Yukichi ( 1835-1901 ), défend le rôle d’un Japon civilisateur qui s’imposerait pacifiquement comme le chef intellectuel ( voire spirituel ) de l’Asie ( il est vrai que le Japon a été le pôle d’attraction de nombreux intellectuels chinois et coréens jusqu’à ce que sa politique extérieure se radicalise ). Beaucoup prônaient en réalité une politique dite du « Petit Japon », pays démocratique, dont la vraie richesse serait celle de son peuple ; leur rêve est devenu la réalité du Japon contemporain. Ces hommes et ces femmes étaient-ils de visionnaires ? La guerre en Asie aurait-elle pu être évitée ? Difficile de croire le contraire, au regard de l’histoire des pays voisins du Japon : la présence occidentale et l’adoption mimétique de ses valeurs, dont le communisme, a bel et bien été à l’origine de conflits civils et inter-asiatiques.

Japon colonial,1880-1930 ; les voix de la dissension, par Pierre-François Souyri,  Editeur : Belles Lettres, Collection : Japon, Date de parution : 23/04/2014, 22 x 16 cm, 35€

Pour découvrir ou approfondir la question de la politique coloniale japonaise : Lionel Babicz, Le Japon face à la Corée à l’époque Meiji (Maisonneuve et Larose, 2002) et la traduction des Dialogues politiques entre trois ivrognes, de Nakae Chômin, CNRS éditions, 2008.

 

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