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samedi, 26 juillet 2014

Coca-Cola: entre boycott et alternatives locales

Coca-Cola: entre boycott et alternatives locales

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par Frédéric de Grimal

Ex: http://cerclenonconforme.hautetfort.com

La filiale espagnole de la marque Coca-Cola a annoncé un énorme plan social le 22 janvier 2014, prévoyant la fermeture de quatre usines et le licenciement de plus d’un millier de salariés. Peu concernée par la terrible crise systémique espagnole et le taux de chômage endémique ibérique, la grande firme internationale Coca-Cola n’a pas fait dans le détail.
 
La réponse ne s’est pas faite attendre. D’abord de manière assez classique avec une grève et des manifestations, puis de façon plus originale avec un appel au boycott des produits de la marque, comme l’indique un article du site internet de Courrier International en date du 18 juin 2014. Le slogan des salariés espagnols de Coca-Cola, patriotique et social, est éloquent : « Si Madrid ne fabrique plus de Coca-Cola, Madrid n’en boira plus. ». Une belle démonstration de patriotisme économique par la base, puisque les états européens sont défaillants à protéger leurs économies des circonvolutions des groupes prédateurs venus d’outre-Atlantique.
 
On pouvait douter du succès d’une telle initiative dans une Europe américanisée accro aux boissons gazeuses et trop sucrées du géant américain. Et pourtant, la consigne a été largement suivie par le peuple espagnol, et particulièrement dans les régions du centre (Vieille Castille, La Manche, Estrémadure et Madrid). Le journal espagnol El Economista a révélé que les ventes de la marque avaient diminué de moitié en Février, par rapport aux chiffres de l’année 2013. Il s’agit même de la plus grosse chute jamais enregistrée par la marque ! Le boycott a donc porté un dur coup à cette entreprise hégémonique, au combien symbolique de la globalisation sans visage. Un coup durable car les experts estiment même que les ventes ne devraient pas remonter avant 2017, ce dont on peut se réjouir franchement.
 
Quelle meilleure arme contre ces entreprises américaines apatrides qui licencient dans notre Europe en crise que de boycotter leurs produits ? C’est le seul langage qu’ils peuvent comprendre, et puis ne sommes-nous pas suffisamment compétents pour produire nous-mêmes des boissons gazeuses de qualité plus respectueuses de la santé (et tout aussi addictives) ?

L’idée des manifestants espagnols est donc brillante car d’une efficacité redoutable. Imaginons une telle chose à l’échelle européenne, ce serait un moyen de nous faire respecter, de montrer que nous ne sommes pas de dociles moutons de panurge prêts à acheter tout ce que l’on nous demandera. Nous devons montrer toute notre opposition à la laideur et à l’infamie qu’ils nous imposent, mais le faire réellement plutôt qu’en protestant dans le vide. Voilà donc une bonne initiative, mais elle ne saurait être durable en raison de la nature même du capitalisme contemporain qui génère des pseudo-besoins désormais si ancrés dans nos comportements quotidiens qu’ils nous semblent naturels.  Annihiler l'"envie de Coca", ou plus généralement l'envie de marques, est impossible à grande échelle dans le monde contemporain.

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Jean Baudrillard, grand observateur de l’aventure américaine, trouva dans « La Société de Consommation », une exacte définition pour l’horizon de l’homme contemporain : « homo oeconomicus ». Il précise cette notion comme « fossile humain de l’âge d’or, né à l’ère moderne de l’heureuse conjonction de la Nature Humaine et des Droits de l’Homme, est doué d’un intense principe de rationalité formelle qui le porte : 1- A rechercher sans l’ombre d’une hésitation son propre bonheur ; 2- A donner sa préférence aux objets qui lui donneront le maximum de satisfactions. Tout le discours, profane ou savant, sur la consommation, est articulé sur cette séquence qui est celle, mythologique, d’un conte : un Homme, « doué » de besoins qui le « portent » vers des objets qui lui « donnent » satisfaction. Comme l’homme n’est jamais satisfait (on le lui reproche d’ailleurs), la même histoire recommence indéfiniment, avec l’évidence défunte des vieilles fables ».
 
Le sociologue français conceptualise un homme de besoins, un homme qui a le « droit » de « satisfaire » à ses besoins. Les « besoins » dont il s’agit, ne sont pas d’ordre naturel comme manger ou dormir à l’abri, mais bien des « besoins » d’ordre symbolique et répondant à des critères de confort annexe ou à l’hédonisme ludique. En somme, nous sommes infantilisés, tels le chien de l’expérience de Pavlov nous voulons notre Coca car son gout est étudié pour nous plaire. Et il n'est pas réaliste de penser pouvoir supprimer tous ces pseudo-besoins aux peuples d’Europe. Qui en « révolte contre le monde moderne » pourrait se priver de facebook ou n’a jamais déjeuné sur le pouce au Mac Donald ? Il nous faut d’abord faire notre examen critique et comprendre que loin d’être des personnalités extraordinaires hors du monde et de ses tentations, nous sommes, nous aussi, pleinement parties prenantes de ce monde moderne que nous critiquons.

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Alors plutôt que de lutter frontalement contre un ennemi plus fort, nous devons nous adapter et pratiquer l’aïkido, c’est à dire retourner sa force de séduction contre lui même, produire des ersatzs de meilleur qualité que les produits de consommation de masse qu’ils nous imposent. Le but est de contourner ce système. Coca-Cola jouit d’une situation quasi monopolistique sur son secteur de marché malgré les initiatives de boissons régionales comparables, tel le « coca » breton Breizh-Cola, ces boissons n’arrivent pas encore à bousculer comme il le faudrait le géant américain mais elles doivent plus que jamais être soutenues. Elles donnent du travail aux européens vivant en zone rurale, elles font aussi travailler les agriculteurs locaux, enfin, et peut être plus important, elles affirment un enracinement local défiant l’autorité centrale. La lutte contre le TAFTA et le TISA passe par plus d’intelligence économique et d’innovation, au delà d’une future mise au pas de la finance spéculative qui n’est pour l’instant qu’un vœu pieux. Dans le Lot un brasseur produit la bière Ratz (je vous la recommande), après deux années de galères noires, il exporte désormais son produit dans tout le grand sud ouest sans le soutien d’aucune grande chaîne de distribution.

A nous désormais, de trouver les clés pour proposer une alternative au modèle consumériste imposé. Une troisième voie qui soit ancrée dans le présent tout en rejetant les manifestations les plus creuses et nihilistes du monde moderne. Nous ne sommes pas des réactionnaires, nous sommes des hommes d'action.

Frédéric de Grimal/C.N.C

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